Open menu

 saison 1 saison 3

X Files (1993-2002)

Régénération


X FILES : RÉGÉNÉRATION
(I WANT TO BELIEVE)

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Chris Carter

Plusieurs femmes, dont un agent du FBI, ont été enlevées. Un ancien prêtre pédophile déclare que Dieu lui envoie des visions des femmes enlevées, et qu'il les avait prédits. Comprenant que l'affaire échappe au cartésianisme, le FBI contacte Dana Scully, désormais médecin dans un hôpital catholique. Soupçonnant à raison qu'elle sait où se cache l'homme que le FBI cherche depuis six ans (après les événements du finale de la série), le FBI lui charge de proposer un marché à Mulder : l'abandon des poursuites s'il reprend l'enquête. Scully convainc son compagnon d'accepter le marché, et le duo séculaire de l'ancien bureau des Affaires Non Classées rempile pour une nouvelle enquête, accompagné de deux autres agents du Bureau : Dakota Whitney et Mosley Drummy...

Le film m’a beaucoup plu, même si sa réussite m’a semblé entachée de quelques faiblesses.

Cela avait pourtant fort mal débuté, le film pactisant avec l’exécrable tendance actuelle à l’absence de générique. Quand on a été transporté durant des années par un des génériques les plus aboutis et évocateurs de l’histoire des séries télé, s’en voir totalement privé demeure un tantinet rude, même si on se console avec le générique de fin.

Mais qu’importe, la scène d’ouverture s’impose comme un modèle du genre, nerveuse et sinistre au possible, dans la meilleure tradition de la série. Surtout, très rapidement, nous arrive la meilleure nouvelle du film : Mulder et Scully sont de retour et non pas simplement leurs fantômes. Le film se concentre judicieusement sur le couple, nous valant des scènes incroyablement pimentées ou émouvantes. Il en est ainsi de leur toute première rencontre, avec une reconstitution éloquente du célèbre bureau (ah, ce poster…), et surtout un duel verbal des plus stimulants.

La scène référence demeure cependant bien entendu celle dite du « Lit ». Elle prolonge habilement la série en nous faisant pénétrer dans la désormais intimité du couple, tout en demeurant fidèle à la psychologie des personnages et à l’esprit des X-Files. Apporter du neuf tout en respectant le passé, telle est l’équation particulièrement complexe qu’échoue à résoudre la plupart des portages de séries au cinéma. I Want To Believe y parvient avec une totale réussite, là où on l’attendait le plus.

Les faiblesses, voire les craquements expérimentés par le couple face à la résurgence d'un passé qu’il croyait enseveli, relèvent d’une écriture très fine et d’une parfaite compréhension des personnages que seul Chris Carter pouvait nous offrir. Ces dialogues sonnent toujours admirablement justes et constituent le grand point fort du film. Même une personne découvrant l’univers des X-Files saura y trouver de l’intérêt, tant cette relation s’affirme captivante et passionnante à suivre dans son évolution finalement très humaine.

Cette parfaite justesse de ton se retrouve également dans la partition jouée par chacun des personnages. C’est avec un infini plaisir que l’on retrouve intacts la flamme animant cet éternel Croisé de la Vérité qu’est Fox Mulder, son esprit pénétrant et combatif, son audace, son éclat unique. Le revoir tel qu’en lui-même justifierait à lui seul de découvrir le film, mais ces festives retrouvailles concernent aussi une Scully particulièrement émouvante et montrant également un grand courage dans sa propre quête. Rarement nos héros auront bénéficié d’une telle exposition et on plonge avec délice dans ce passionnant approfondissement d’un des plus vifs attraits de la série : la personnalité de ses personnages.

De plus, le duo bénéficie d’une prestation absolument époustouflante de ses interprètes, à la parfaite alchimie également retrouvée. Tous deux semblent finalement n’avoir que bien modérément subi des ans l’irrémédiable outrage. C’est avec une totale conviction et un brio irrésistible que David Duchovny et Gillian Anderson confèrent à leurs rôles un impact des plus rares. J’ai pleinement et sans restriction aucune retrouvé ces personnages m’ayant fasciné et enthousiasmé durant tant d’années, ainsi que cette délectable complicité leur permettant de se comprendre d’un simple et muet regard. Dès lors, la partie ne pouvait qu’être gagnée haut la main !

Mais la réussite parachevée de ces retrouvailles ne constitue pas l’unique attrait du film, tant s'en faut. Certes, soyons honnêtes, cette histoire de voyants ne demeurera pas comme la meilleure de celles proposées par la série, la palme revenant toujours très clairement selon moi au stupéfiant Voyances par procuration, incroyablement ludique et brillant. L’intrigue présente n’en paraît pas moins parfaitement agencée, développant sans temps morts une tension persistante et un vrai suspense. On reste ici fidèle aux standards de qualité de la série, ce qui n’est déjà pas un mince exploit, on en conviendra.

L'histoire se nimbe d'une noirceur absolue vraiment fascinante, j'ai d'ailleurs parfois eu l'impression qu'elle s'inspirait autant des X-Files que de MillenniuM, ce qui n'est pas une surprise compte tenu du producteur, et encore moins une critique ! Le Fantastique introduit par les dons du troublant et complexe personnage qu’est le Père Crissman (excellent Billy Connolly) se double d’une divertissante (et très gore !) variation sur le thème de Frankenstein. Vraiment, les amateurs de paranormal ne seront pas déçus par le film, c’est un drogué du genre qui l’affirme !

Cette belle écriture se double de très stimulantes idées de mise en scène, en plus de la toujours parfaite musique de Mark Snow. On remarque ainsi avec plaisir le regard ironique échangé entre Mulder et Scully en face des portraits symétriques de Bush et Hoover (la série a toujours manifesté un certain militantisme de gauche, en cela aussi le film demeure fidèle), l'apparition finale de Skinner, menée de main de maître quoique évidemment suscitée spécifiquement pour satisfaire les fans (et pourquoi non ? Mitch Pileggi forever !), cette géante boule de glace suintante, remplie de morceaux de cadavres et renouant avec l'immense talent des artistes de la série, etc.

Et quelle joie de retrouver les nuits glacées et obscures ainsi que les impénétrables forêts de Vancouver ! Le film accomplit un retour aux sources des plus stimulants au point de presque nous faire admettre ce titre français grotesque. On apprécie également d'entrapercevoir Vanessa Morley, l'actrice jouant le rôle de Samantha, ainsi que la vanne de Scully suggérant à Mulder de reconvertir sa passion pour le paranormal en devenant écrivain... Ah,ah,ah, et de s'installer à L.A. comme son interprète ? La mine de Duchovny vaut aussi le déplacement ! Dans le domaine des références, on se demande aussi si les larmes de sang d'un prêtre peut-être inspiré par Dieu ne représente pas un... clin d'œil à un certain Archange des plus lumineux...

À ce propos, la presse francophone reproche souvent au film sa dimension catholique. Cet aspect ne me dérange pas : outre qu'on doit à ce thème d'excellents épisodes et qu'il participe depuis longtemps au personnage de Scully, il a souvent suscité d'excellents films tels L'Exorciste et autres Damien. Ce n'est donc vraiment pas un obstacle, d'autant que Carter évoque les scandales de prêtres pédophiles, rejoignant la tradition de la série d'ouverture à l'actualité (il en va d'ailleurs de même pour les trafics d'organes). J'ai également accueilli favorablement le refus du spectaculaire pour le spectaculaire (les limites budgétaires n'y sont sans doute pas étrangères non plus), et que dans une même optique, Mulder ne soit pas devenu subitement un Jack Bauer détruisant à lui seul le QG ennemi. Comme il l'indique lui-même, les succès des Affaires Non Classées relèvent avant tout du travail d'équipe !

Alors ? Est-ce à dire qu'I Want To Believe atteint la perfection, qu'il ne présente aucune faiblesse ? Non, la vérité est bien entendu ailleurs. Le film comporte certes des défauts, j'en discerne deux principaux.

Tout d'abord, malgré toute la flamme, l'émotion, la conviction insufflées par le si beau talent de Gillian Anderson, les scènes d'hôpital m'ont paru singulièrement larmoyantes et convenues. Je m'y suis pas mal ennuyé, en attendant avec chaque fois plus... d'Urgences le retour à l'enquête, et c'est clairement ici que le film perd son quatrième point ! Honnêtement, on a déjà vu tout ça 100 fois ailleurs, et cela tombe d'autant plus mal que je suis personnellement totalement allergique aux séries hospitalières. Tout de même, quand les X-Files dérivent vers Chicago Hope, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas tout à fait... La qualité du jeu de Gillian ajoute malgré tout un intérêt supplémentaire si on regarde le film en VO (même si l'on reste toujours admiratif du travail impressionnant des acteurs de doublage, Georges Caudron et la regrettée Caroline Beaune).

D'autre part, autant le couple vedette séduit par son inaltérable charisme, autant les deux seconds couteaux demeurent, eux, totalement transparents. Dakota, dont le prénom constitue l'unique originalité, reste un simple rouage de l'intrigue, sans parvenir à s'imposer comme un personnage à part entière. Elle ne développe rien, que cela soit à propos d'elle-même ou de sa relation avec Mulder, d'une rare platitude. De plus, Amanda Peet se contente de prendre la pose et ne manifeste aucune profondeur de jeu. La disparition finalement rapide du personnage s’avère une authentique bénédiction pour le film, il n'aurait en effet plus manqué qu'elle vole de l'espace à Scully, un écueil heureusement évité.

Le pire réside néanmoins chez Drummy, ce personnage ne servant littéralement à rien sinon à exhiber Xzibit, son unique expression faciale (aussi crispée que crispante), son incapacité à formuler des phrases de plus de cinq mots et son absolu manque de talent de comédien. Très clairement, parce qu'il faut bien dire les choses, Carter abdique ici toute ambition artistique pour vendre le film auprès du public jeune n'ayant pas connu la série, et sans lequel il n'y a pas de succès possible au box-office. On peut le comprendre (la multiplication des rapeurs impavides et fadasses dans les séries semble d'ailleurs éloquente), mais cela déçoit tout de même.

Par contraste, l'insigne faiblesse de ce duo ne fait que davantage ressortir la performance jadis accomplie par Annabeth Gish et Robert Patrick, qui avaient su imposer leurs personnages dans un contexte particulièrement difficile. On se prend à rêver aux sommets qu'aurait pu atteindre le film si eux aussi avaient repris leur rôle, au prix certes d'un important travail de réécriture (Monica est intouchable !). Regrets...

À un degré mineur, je m'étonne, même s'il s'agit d'un loner, que pas une seule fois dans leurs discussions ou projets d'avenir Mulder et Scully n'évoquent la terrible échéance à venir. Je trouve aussi un peu facile qu'en deux clics sur Google (publicité ?), Scully tombe pile sur la solution de l'énigme... Est-ce qu'une discussion avec les Bandits Solitaires n'eut pas convaincu (et diverti !) davantage ? Oui mais... mais bon, je pinaille !

Mais baste, ces quelques réserves périphériques mises à part, I Want To Believe remplit excellemment son contrat : nous faire revivre encore une fois l'enchantement unique de la série ! On ne lui demandait certes pas de constituer le meilleur épisode des X-Files, mais d'en demeurer un digne représentant. L'objectif est atteint avec brio. Non, la série n'est pas morte et sa résurrection en 2016 l'aura bien prouvé !

Génial, j'ai réussi à écrire cette critique sans citer « Régénération » ! Ah, zut.

Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.

 saison 1 saison 3

X Files (1993-2002)

Saison 9


1/2. NOUVELLE GÉNÉRATION
 (NOTHING IMPORTANT HAPPENED TODAY)

Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Kim Manners (1re partie) et Tony Wharmby (2e partie)
 
Résumé :

Mulder disparaît sans laisser de traces. Doggett piétine dans son enquête sur les Super Soldats car toutes les preuves ont ou disparu ou été effacées. Il a bon espoir de rebondir quand une jeune femme assassine deux hommes liés aux expériences du gouvernement sur les Super Soldats. Il cherche à la retrouver, mais Brad Follmer, nouveau bras droit de Kersh, ne cesse d’entraver son enquête. Les Bandits Solitaires interceptent un coup de téléphone qui mèneront Doggett, Monica, et Scully à un bateau cachant de terribles secrets. Toutefois, les Super Soldats ont un coup d’avance…

Critique :
 
Alors que les X-Files doivent faire face au traumatisme provoqué par le départ de David Duchovny, la série semble, à l’issue d’une saison 8 fort relevée, disposer des atouts nécessaires pour perdurer. Elle bénéficie ainsi d’un nouveau duo solide et déjà fort bien entré en lice avec John Doggett et Monica Reyes, et d’une Scully répondant toujours à l’appel.
Hélas, Chris Carter et son équipe, qui avaient su précédemment répondre à la sollicitation de la FOX pour une saison supplémentaire, semblent perdre quelque peu la main et marquer un certain épuisement, bien compréhensible. La Mythologie ne parvient pas à sortir de l’ornière observée durant Essence : William s’avère une déception perpétuelle, les Super Soldats demeurent totalement hors sujet dans l’univers des X-Files, et Krycek se voit remplacé par le fade Follmer.
Malgré le talent de ses interprètes, le nouveau couple ne dispose ainsi que d’un cadre bien terne pour développer sa relation, d’autant que la présence de Scully, au rôle certes bien moins relevé que naguère, entrave cette mise en place. La difficulté de renouveler l’inspiration se retrouve également dans les loners, souvent décrits moins aboutis qu’auparavant, même si le duo Doggett/Monica parvient à distiller de grands moments. Le public ne s’y trompe pas, et après l’accalmie observée durant la saison 8, déserte désormais en masse (l’audience retombe au niveau des deux premières saisons). En définitive, le couperet finit par tomber sur une série n’ayant su survivre à l’éclipse de son personnage fondateur. Ainsi s’achève - avant le revival de 2016 - une longue et merveilleuse odyssée accomplie dans les contrées de l’Étrange en compagnie d’un couple de héros parmi les plus denses et enthousiasmants jamais admirés dans une série télé. En attendant I want to believe !

Commençons donc par analyser ce double épisode d'ouverture.

À l'époque de William le Boulet, des Supers Soldats ineptes, et des Loners décrépis, une série en plein désordre demandait un Héros. Alors survint Shannon, une prestigieuse Princesse Soldate issue du cœur des océans. Combat... Passion... Danger... Par son courage, Shannon changera la face des X-Files !
En fait non, pas du tout. Si la présence d’une Lucy Lawless visiblement recrutée pour créer une attraction en début de saison apparaît bien comme le point saillant de l’épisode, force est de constater qu’à part une mise en bouche prometteuse, l’actrice n’accomplit rien durant la première partie hormis quelques apparitions répétitives. Elle demeure néanmoins spectaculaire, même dépourvue de tenue entremêlant cuir et métal…

Cette traversée insipide (et pour l’heure totalement incompréhensible) de l’épisode ne dénote pas vraiment tant celui-ci se caractérise par une vacuité inédite pour un double Mythic. Nos héros passent l’essentiel de leur temps à brasser de l’air sur des considérations diverses et variées, tandis que l’enquête (si on peut appeler ainsi cette intrigue totalement en apesanteur) se déroule selon un rythme désespérément long, accumulant les clichés.

On se trouve tout de même devant du vu et revu à satiété durant l’époque Mulder (Skinner de nouveau prudent, Doggett en rebelle exalté, article anonyme laissé devant la porte…), d’où une lassitude et le regret que Doggett et Monica ne fassent pas entendre leur propre musique. Brad Follmer, le nouvel adversaire récurrent, incarné avec talent par Cary Elwes (Princess Bride, Saw…), se montre certes ondoyant et visqueux, mais absolument dépourvu de la sombre aura d’un Krycek. Ses scènes communes avec les héros n’ont hélas plus l’intensité des confrontations de jadis.
Pendant ce temps, Scully fait la maman et joue les utilités tout en s’enfermant dans un déni assez crispant concernant "l’Enfant Jésus". Déjà, elle n’intervient que minimalement dans l’affaire en cours, avec notamment une autopsie consternante de banalité… Le plus affligeant reste tout de même la disparition soudaine de Mulder. Non seulement elle n’était pas annoncée, ni même prévisible dans Essence, mais on reste proprement confondu de découvrir qu’il en va pareillement ici ! Après huit années, Mulder a tout simplement fait ses valises et s’en est allé au long des grands chemins de l’Amérique. Que le motif en soit dissimulé à Doggett est une chose - et encore - que le spectateur se voit logé à la même enseigne en est une autre.

Ce flou irritant et cette inaction globale n’interdit pas quelques rares instants divertissants notamment autour de Monica, qu’elle découvre les crayons de Mulder ou se trouve confrontée à un Frohike aussi égrillard que de coutume (encore un bec !). On remarque d’ailleurs que Monica démontre d’entrée une rare élégance (les premières tenues de Scully disparaissent dans un oubli miséricordieux) et que sa brune chevelure a bien vite poussé en 48 heures - qui s'en plaindra ?... Mais tout ceci paraît bien accessoire tant l’impression d’inanité persiste devant cette première partie qui aurait pu être amputée de moitié sans difficulté aucune, tant l’intrigue en ressort indigente.

Après un cliffhanger tout de même plus relevé que celui d’Essence/Existence, la seconde partie manifeste un tantinet plus d’énergie avec l’entrée en scène de Rohrer, toujours joué efficacement par Adam Baldwin. Hélas ! après l’évolution de Scully et de William, c’est une autre des tendances négatives initiées par le précédent double épisode qui se confirme ici. En effet, les Super Soldats, outre la perte de subtilité qu’ils véhiculent, apparaissent tout simplement trop puissants dans le cadre de l’univers des X-Files. Essence avait déjà fait fort avec un Billy se reconstituant à partir d’une unique vertèbre métallique, mais ici les Super Soldats se confirment indestructibles et invincibles au point d’interdire tout issue crédible pour les héros. La série finira d’ailleurs par leur sortir du diable vauvert un point faible (très kryptonite…) pour équilibrer un peu les choses…

On a franchement l’impression que l’esprit fécond et pénétrant de Chris Carter travaille désormais au petit bonheur dans cette nouvelle saison imposée. Tout comme dans Nouvelle génération où l’intrigue continue à joyeusement s’éparpiller avec cette histoire de Chloramine et cette nouvelle version, encore une, de l’origine de William encore une fois sans conclusion établie. Trop c’est trop, on finit par décrocher face à ces X-Files nous faisant du Lost, certes une grande série mais dont les codes narratifs sont à l'opposé à ceux d'X-Files.

Hormis quelques prouesses martiales, Shannon demeure bien effacée, ne permettant pas à la talentueuse Lucy Lawless de se mettre en avant. De fait, elle apparaît autant utilisée à contre-emploi que son complice de Xéna, Bruce Campbell, dans Pauvre diable. Doggett et Monica continuent dans le sillon de la première partie, tandis que Scully persiste dans l’insignifiance. Le plus irritant reste l’explication fournie à propos de la soudaine disparition de Mulder : celui-ci aurait pris la poudre d’escampette parce que sa présence serait une menace pour William et Scully ! On imagine un peu la chose, alors que les Super Soldats viennent de se montrer passionnés par l’Enfant du Miracle et pas du tout par lui ! Et puis il est bien connu que prendre la fuite constitue la manière la plus efficace de protéger ses proches… On se situe ici dans le ridicule et l’on regrette clairement la solution certes dure, mais tellement plus cohérente, retenue dans Requiem.

La mise en scène de Wharmby ne suffit pas à renverser la tendance, d’autant que les dialogues ne brillent pas particulièrement. En fait, le seul vrai point positif de l’épisode (hormis la chute amusante concernant William, l’ébahissement de Monica découvrant les aspects si particuliers des Affaires Non Classées et le clin d’œil des Lone Gunmen à l’annulation de leur série) provient de là où on l’attendait le moins : Kersh gagnant enfin en épaisseur et en complexité.

Nothing important happened today [Rien d'important ne s'est passé aujourd'hui], dont on louera la parfaite adéquation du titre, s’impose comme la plus faible introduction de saison de toute la série, et confirme, hélas ! toutes les appréhensions exprimées à l’occasion d’Essence (épisode devant lequel on restait déjà interdit). La question reste de savoir s’il s’agit d’une difficulté passagère à relancer la Mythologie dans cette saison une nouvelle fois imprévue, ou si l’épuisement se révèlera plus profond.

Lucy Lawless était censée revenir comme personnage récurrent de la saison, mais tomba enceinte après le tournage de l’épisode, décidément… Le générique est de nouveau modifié, avec principalement l’incorporation des badges de Monica et (enfin !) de Skinner, à qui la série rend in extremis l’hommage qu’il mérite.

 

Anecdotes :

  • Nouveau générique pour la série : David Duchovny n’y figure plus, Annabeth Gish et Mitch Pileggi deviennent personnages réguliers. Le thème de la série est légèrement réorchestré. La fiche que l’on voit dans le générique contient les noms de quelques fans de X-Files et des anagrammes (Fox Mulder devient Deform Lux...).

  • Pour la seizième fois de la série, l’indicatif « The Truth is out there » est remplacé dans le générique de la deuxième partie de l’épisode par « Nothing important happened today », le titre de l’épisode. Il désigne selon Alvin Kersh l’unique phrase retrouvée sur le journal du roi britannique Georges III à la date du 4 juillet 1776, date de la déclaration d’indépendance des États-Unis désormais hors de sa tutelle.

  • Première apparition du personnage de Brad Follmer, directeur adjoint du FBI et ancien petit ami de Monica Reyes. L’acteur Cary Elwes l’incarnera pendant six épisodes de cette saison. Brad Follmer est le nom de l’assistant de Chris Carter.

  • Parmi les anciens amis de Doggett, il y’a le nom « Steve Maeda », un des (meilleurs) scénaristes de la série. Par ailleurs, Roland McFarland, le personnage travaillant à la station épuration, est le nom d’un des responsables de la chaîne FOX qui diffuse la série.

  • Shannon tire la jambe de Wormus pour le noyer. Mais quand Scully fait son autopsie, la trace des doigts de Shannon se situe à la cheville.

  • Cet épisode est dédié à Chad Keller (1971-2001). Grand ami de Chris Carter et de sa femme, il fut une des victimes des attentats du 11 septembre.

Retour à l'index


3. DAEMONICUS
(DAEMONICUS)

Scénario : Frank Spotnitz
Réalisation : Frank Spotnitz

— Dr Dana Scully. I have just been assigned to the Academy as a forensic investigator. For the past eight years, I was part of a unit known as the X-Files. Some of you may have heard of it ?
— You ever slay a vampire ?

Résumé :

Un vieux couple est assassiné par deux personnes dont le visage n’a rien d’humain ! Sur les lieux, Monica sent une puissante présence maléfique qui lui fait penser à un rite satanique. Avec Doggett, elle fait la rencontre d’un homme interné dans un asile qui pourrait être un médium pouvant entendre les paroles de Satan lui-même. Il accepte d’aider nos agents. Ces derniers ne se rendent pas compte que, loin de contrecarrer les plans du Démon, ils ne font que lui faciliter sa tâche…

Critique :

Cet épisode, écrit et réalisé par Spotnitz, tout en présence du Mal, esthétisme (jolies transitions), et ressenti extralucide de Monica, évoque puissamment MillenniuM, série à laquelle est d’ailleurs faite une référence directe avec l’image du serpent se mordant la queue, évoquée deux fois. Ceci donne un vrai ton, de plus agissant selon un mode opératoire proche d'I want to believe, assez logiquement puisque ce film se situe également dans une atmosphère sombre et morbide similaire aux aventures de Frank Black. On retrouve ainsi un personnage au passé criminel, guidant les enquêteurs viades visions conduisant aux cadavres des victimes, avec à la clef des scènes de confrontations psychologiques où Doggett, comme plus tard Scully, se verra confronté à des vérités dérangeantes.

Mais la comparaison s’arrête là tant ces dialogues apparaissent moins relevés et subtils que lors des scènes réunissant Scully et le Père Joseph. On en reste ici à un argumentaire travail du type « Vous êtes jaloux, vous n’avez pas la classe de Mulder », ou « C’est surtout votre collègue qui vous intéresse dans votre travail ». Tout ceci paraît assez vain, malgré le jeu convaincant de James Remar (Dexter, Jericho, Sex and the City…).

De plus, la recherche à tout crin de l’esthétisme fonctionne de prime abord, mais son excès finit par lasser, d’autant que certains effets rebattus apparaissent assez criards (ces nuages…). Au-delà d’une conclusion très prévisible, on reste également gêné par la primauté accordée ici au policier sur le fantastique, l’affaire se résolvant avant tout par une manipulation et un pouvoir de suggestion rappelant la Folie à deux évoquée avec autrement plus de brio naguère. Par ses visions se révélant finalement inopérantes sur l’enquête et un commentaire final assez artificiel, Monica tente bien d’apporter la caution paranormale indispensable dans les X-Files, mais ceci demeure périphérique. Et, très clairement, on a connu les artistes en maquillage de la série beaucoup plus inspirés qu’ici. Fort heureusement, la musique de Snow demeure comme toujours irréprochable.

De fait, on apprécierait que Monica s’affirme un peu plus devant Doggett. Incarnant l’ouverture d’esprit caractéristique de la série dans le nouveau duo, il demeure frustrant de la voir manifester un tel suivisme face à son partenaire qui tient ici très clairement les commandes.

Pendant ce temps, Scully, devenue professeur à Quantico, s’installe dans sa position secondaire comme expert scientifique lors d’autopsies aussi plates et communes que celles des Experts, ou dispensant un coaching de quatre sous à Monica (« Suivez votre instinct ») ainsi qu’à Doggett (« Recherchez la vérité ! »). On remarquera que, tout en ayant un emploi à temps plein et élevant William en mère célibataire, elle dispose visiblement de beaucoup de temps libre. L’épisode a finalement une vraie dimension surnaturelle.

 

Anecdotes :

  • Premier loner mettant en scène le duo John Doggett-Monica Reyes.

  • Scully travaille désormais comme professeure d’expertise médico-légale à l’académie du FBI de Quantico.

  • Melissa Spotnitz, femme de Frank, apparaît dans l’épisode. Elle y joue une des élèves de Scully.

  • Doggett suggère à Reyes que l’assassin a pu utiliser de la chair humaine comme engrais ; c'est un clin d’œil à L’ultime souper (1995), film où Annabeth Gish tient un des premiers rôles. Etant donné la nature de l’épisode, Doggett ne pouvait pas ne pas faire une référence à L’exorciste et SOS Fantômes.

Retour à l'index


4. 4-D
(4-D)



Scénario : Steven Maeda
Réalisation : Tony Wharmby

Résumé :

Doggett, Reyes, et Follmer surveillent Erwin Lukesh, un assassin fou qui tranche la langue de ses victimes. Mais Lukesh déjoue la surveillance en apparaissant et disparaissant comme par magie, tranche la langue de Monica, et tire une balle sur Doggett ! Mais curieusement, Monica se retrouve ensuite chez elle, et Doggett vient lui rendre visite. Elle reçoit un appel de Skinner : Doggett a été retrouvé une balle dans la tête. Monica s’aperçoit que le Doggett chez elle a disparu. Monica est accusée d’avoir voulu tuer Doggett, mais ce dernier reprend conscience et déclare que Lukesh est l’assassin. Mais Skinner, Reyes, et Follmer disent n’avoir jamais entendu parler de Lukesh ! Reyes tente de démêler cette kyrielle de contradictions…

Critique :

Le vaste thème des univers parallèles (également nommés univers miroirs, comme le rappelle celui de Monica ou la référence à Star Trek) avait déjà été abordé dans le formidable Triangle, mais l’angle retenu ici s’avère tout à fait différent. Au lieu d’un monde baroque et fantasmé, nous découvrons une dimension rigoureusement identique à la nôtre, mais où un tueur en série a la faculté de pénétrer pour y perpétrer ses crimes avant de revenir ici pour y vivre en toute quiétude. Cette excellente idée se voit lancée avec efficacité par une surprenante introduction avant d’être intelligemment exploitée avec l’éclipse du « vrai » Doggett par celui de l’autre monde.

L’intrigue, centrée avec bonheur sur Monica, sait sans cesse relancer l’intérêt grâce à des scènes très émotionnelles, émouvantes, ou divertissantes : discussions entre le « faux » Doggett et Monica via le dispositif informatique, le départ particulièrement émouvant de celui-ci (hélas ! les scènes hospitalières vont se multiplier au cours de la saison), l’évocation de la thèse de l’Au-delà avec une référence à Beyond the Sea, l’inénarrable mère de Lukesh…

Alors certes, la toujours suprêmement élégante Monica sort bien vite la solution de l’énigme de son chapeau, avec une compréhension qui aurait même paru soudaine chez Mulder. Mais grâce à l’espace ainsi libéré, l’habile Steven Maeda (40 épisodes à son actif, et une belle carrière par la suite, notamment sur Lost) trousse un portrait particulièrement intense de Lukesh, un serial killer réellement insoutenable. Rarement un « Monstre de la semaine » aura autant mérité cette appellation ! Dylan Haggerty, totalement immergé dans son rôle, s’avère réellement glaçant. Par sa ruse et l’effroi qu’il dégage, Lukesh participe pleinement à l’intensité dramatique sans faille de l’épisode. On apprécie également l’absence de surenchère d’effets spéciaux. Les paradoxes de la conclusion ne seront pas explicités, tant pis…

Monica s’installe à Washington, ce qui nous vaut une scène fort plaisante et déjà comme intime avec « John », d’autant que les deux collègues sont passés au tutoiement. Malheureusement, à la fin de l’épisode, on se demande avec perplexité quelle a été l’utilité réelle de Scully (question que l'on va se poser pendant à peu près toute la saison)…

4-D fait référence à la Quatrième Dimension, théorie physique explicitant les univers parallèles, mais aussi grande série de Science-Fiction contenant un épisode au thème particulièrement proche : The Parallel (saison 4).

 

Anecdotes :

  • Cet épisode est dédié à Ricardo (dit « Ricky ») Loyd Arreguin (1985-2001), tué par un gang de Los Angeles sur le chemin de l’école. Il était le beau-fils de José Arreguin, accessoiriste de la série.

  • Monica Reyes habite au 67 Bennett Avenue… l’adresse où résidait Rod Serling, créateur de la série La Quatrième Dimension auquel l’épisode fait amplement référence ! Son appartement est le numéro 6 en hommage au numéro de Patrick McGoohan dans Le Prisonnier.

Retour à l'index


5. LE SEIGNEUR DES MOUCHES
(LORD OF THE FLIES)



Scénario : Thomas Schnauz
Réalisation : Kim Manners

Résumé :

Devant leurs amis, deux adolescents s’amusent à se lancer des défis de plus en plus crétins. Mais l’un d’eux décède brusquement, le visage inexplicablement écrasé ! Lors de l’autopsie, une nuée de mouches s’échappe du cadavre ! Doggett, Reyes, et Scully font un lien entre la petite amie du mort et un jeune soupirant renfermé, dont Reyes craint qu’il ait le pouvoir de contrôler les mouches et finisse par perdre tout contrôle…

Critique :

Nous les avions oubliés tout au long d’une saison 8 marquée par un retour très net aux fondamentaux de la série : revoici les épisodes décalés ! Celui-ci débute excellemment avec une excellente satire de Jackass (diffusée depuis 2000 sur MTV, également chaîne de Pimp my ride avec un certain Xzibit… ) et consorts ; l’on ne s’y immerge pas aussi puissamment que lors de X-Cops, mais la scène reste amusante.

L’épisode suit cette veine humoristique avec talent grâce à plusieurs effets réussis (Scully appelée en renfort quand les bleus sont perdus, clin d’œil à la FOX, « pouce de la mort » en clin d’œil à Parker Lewis…), puis le filon s’épuise. L’humour se raréfie jusqu’à disparaître quasi totalement, seul subsistant le numéro de bourdon de Rocky autour de Scully, répétitif et vite lassant.

Progressivement se met en place un second épisode beaucoup plus rebattu et prévisible, lesté des mêmes défauts observés dans À toute vitesse : lycéens sans relief et trop classiques, interprétation peu relevée, schémas amoureux mille fois vus ailleurs. Même les effets spéciaux, certes réussis, restent exactement les mêmes que ceux observés en mieux avec les abeilles de naguère. L’épisode progresse bancalement entre deux tonalités différentes dont aucune n’a l’espace nécessaire pour convaincre pleinement.

Cet essai de relancer ce grand et fécond courant des X-Files que furent les épisodes décalés paraît finalement avorté malgré une conclusion poétique bienvenue. Un constat bien attristant car constituant un indice supplémentaire d’un certain épuisement de la série.

 

Anecdotes :

  • Le titre original est une référence au roman éponyme de William Golding (Sa majesté des mouches en VF).

  • Bien que Natalie ait été mordue par Dylan pendant leur baiser, elle n’a plus de sang autour de la bouche quelques secondes plus tard, quand elle court vers la voiture.

  • On entend dans l’épisode deux chansons de Syd Barrett : No good trying et Terrapin.

Retour à l'index


6. NE FAITES CONFIANCE À PERSONNE
(TRUST NO ONE)



Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Tony Wharmby
 
Résumé :

Scully entretient un contact ténu entre elle et Mulder par e-mail. Doggett et Reyes reçoivent un coup de téléphone d’un inconnu prétendant avoir la liste de tous les Super Soldats, mais qui ne veut la communiquer qu’à Mulder. Cet inconnu espionne la vie de Scully depuis plusieurs années. Scully le rencontre et se laisse convaincre d’appeler Mulder, malgré les avertissements de Doggett qui a des doutes sur ses véritables intentions…

Critique :

L’épisode débute par une mise en scène visuellement somptueuse où différents extraits d’histoires précédentes sont présentés comme un album de photos que Scully utiliserait pour présenter son père à William. Les images sont splendides, mais l’effet se voit considérablement gâché par un commentaire totalement creux et lénifiant. Ceci dit, cela ne représente qu’un handicap mineur car on cesse bien vite de s’y intéresser pour s’amuser à reconnaître les épisodes présentés dans ce mini clip-show.

On reste tout de même atterré de constater que le récit se poursuit sur le même ton larmoyant à travers un échange épistolaire sur le net entre Mulder et Scully. La relation entre les deux personnages, qui nous a valu tant de grands moments par le passé, reposait beaucoup sur la magie du couple d’interprètes. Désormais seule, Gillian Anderson ne peut y pallier uniquement par son talent, surtout quand l’émotion revêt de tels gros sabots. Il demeure également étonnant de voir deux personnages aussi rompus aux complots et à la paranoïa tomber dans le travers des hackers débutants en utilisant des pseudonymes aussi reconnaissables : Trustno1 et Queequeg, difficile de faire mieux…

Plus grave, on discerne ici le même sentiment qui nous envahira tout au long du récit cousu de fil blanc qui s’ensuit : le désir manifesté de continuer à exploiter envers et contre tout le personnage de Mulder malgré l’absence de son interprète. Non seulement cela ne peut fonctionner correctement, mais cela exprime un certain désarroi, avec un repli identitaire concomitant, face à cette Mythologie incapable de trouver un second souffle convaincant, et devenue bien davantage que les loners la faiblesse majeure de cette saison.

Au lieu de bâtir, on préfère recycler le passé au-delà de toute raison, tandis que l’on perd un temps précieux qui aurait pu servir à développer davantage les personnages de Doggett et Monica ainsi que leur relation. La série semble de fait avouer d’elle-même qu’elle n’a plus d’avenir. L’inanité de cette excroissance de la Mythologie que constituent les Super Soldats se trouve confirmée avec cette arme minérale vraiment miraculeuse. À quoi bon les définir tellement puissants pour leur donner ensuite un talon d’Achille aussi énorme, à part une scène offrant des effets spéciaux spectaculaires ? Il eut été bien plus fin de rendre l’affrontement davantage possible, ouvrant des possibilités d’action plus variées et convaincantes à nos héros sur le modèle des Envahisseurs. Mais la subtilité paraît bien avoir déserté l’inspiration de nos auteurs qui ne progressent plus que par recherche de l’effet choc (on en reparlera lors de The Truth).

Le seul point positif reste l'enthousiasmante interprétation, renforcée par une participation comme toujours admirable de Terry O’Quinn. Celui-ci accomplit sa troisième remarquable performance de la série (en y adjoignant Fight The Future), ce qui fait de lui l’un des guests les plus précieux des X-Files (sans même compter MillenniuM et Harsh Realm auxquels il apporte tant). On ne peut que regretter qu’il incarne ici un personnage bien proche de la caricature. On notera également des inserts de nouveaux marqués pour les sponsors coutumiers de la série (montres et informatique…).

Un épisode calamiteux, quasi suicidaire.

 

Anecdotes :

  • Pour la dix-septième fois de la série, l’indicatif « The truth is not there » est remplacé par « They’re watching » (Ils nous observent). Le « They » fait évidemment référence aux ennemis jurés de nos héros : les Super Soldats.

  • L’adresse mail de Mulder est Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Trustno1 était le mot de passe de l’ordinateur de Mulder dans Les petits hommes verts (saison 2). L’adresse mail de Scully est Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Le 0925 est une référence à la date de naissance de Piper Maru, la fille de Gillian Anderson, née le 25 septembre 1994.

  • Scully a une peur enfantine des clowns.

  • L’inconnu dit qu’il connaît la vraie couleur de cheveux de Scully… mais dans les flashbacks qui suivent, on ne voit que des extraits montrant une Scully rousse ! Par ailleurs, le cadavre cligne d’un œil quand Scully le montre aux étudiants.

  • Rubrique potins : Si l’on en croit l’inconnu, Mulder et Scully n’ont passé qu’une seule nuit ensemble (les fans du MSR ont d'ores et déjà choisi de croire qu'il s'agit d'un mensonge gouvernemental). Dans ce cas, il est vraisemblable que William a été conçu lors des évènements d’Existences (saison 7).

Retour à l'index


7. AMNÉSIE
(JOHN DOE)

Scénario : Vince Gilligan
Réalisation : Michelle MacLaren
 
Résumé :

Mexique. John Doggett se réveille dans une ruelle : il a perdu la mémoire, il a oublié jusqu’à son nom. N’ayant pas de papiers sur lui, il est arrêté par la police. En prison, il fait la connaissance d’un homme de la pègre. Une semaine après, ils sortent, et Doggett se voit obligé de « travailler » pour lui. Il essaye de se souvenir de ce qui s’est passé. Pendant ce temps, Monica Reyes interroge un mexicain soupçonné d’être un nom du grand banditisme sur lequel Doggett enquêtait…

Critique :

Cet épisode visuellement somptueux retrouve les accents de la grande réussite de Triangle. En effet, Doggett, qui dans une posture très hitchcockienne a perdu la mémoire, pénètre dans un Mexique fantasmé tout comme Mulder jadis dans une Seconde Guerre mondiale à la Indiana Jones. La très inspirée Michelle Maxwell MacLaren (productrice au long cours de la série, effectuant ici son unique réalisation) donne à cette aventure l’aspect d’un rêve par des effets lumineux oniriques et chatoyants, encore accentués lors du songe dans le songe que constituent les réminiscences de Doggett à propos de son fils (sa femme est interprétée par la propre épouse de Robert Patrick, Barbara).

Toujours aussi audacieux, Gilligan décrit un Mexique archi caricatural (policiers corrompus et brutaux, soleil, poussière, misère, toute puissance des cartels…) que la dimension de fantasme justifie, loin de tout racisme, comme le démontre par ailleurs El Chupacabra.

L’immersion se révèle totale pour le spectateur, d’autant que Gilligan pousse son talent jusqu’à écrire son histoire exactement comme on vit un rêve : accélération de l’intrigue (via ces sauts dans la chronologie) et raccourcis aussi saisissants qu’illogiques. Ainsi il n’est nulle part expliqué comment Monica retrouve Doggett, une impasse se justifiant parfaitement dans le tour de force de l’épisode. Le scénario montre de nombreux trous béants similaires, mais Gilligan joue avec le feu selon un art consommé. Les démarches de Monica et d’une Scully vraiment réduite à l’état de vestige évoquent également les tentatives de cette dernière dans Triangle. Les retrouvailles avec Doggett signifient le retour au réel, avec une disparition éloquente des effets lumineux..

Cette « Hispanidad » de l’épisode lui confère d’ailleurs un vrai cachet, ainsi qu’un intérêt encore accru. On éprouve un vif plaisir à écouter tous ces riches accents mexicains et sud-américains, mêlant leurs savoureuses sonorités à la luminosité du castillan. Les différents acteurs hispaniques apparaissent tous épatants ! Jamais on aura entendu parler autant Espagnol dans un épisode des X-Files, et l’on s’en régale sans retenue. Le sorcier local vaut aussi le coup d’œil. De même, on se réjouit de voir enfin Monica Reyes exploiter sa dimension hispanique, ce qui lui apporte un surcroît d’épaisseur et d’existence. 

Il en va d’ailleurs de même pour Doggett (grandiose Robert Patrick) avec son fils et la douleur qu’il revendique superbement. Le nouveau duo souffre d’un terrible déficit en parcours personnel et en arrière-fond face à Mulder et Scully, une comparaison particulièrement dommageable alors que la série s’obstine à vouloir maintenir le couple historique envers et contre tout, comme dans le funeste Ne faites confiance à personne. L’épisode tend à pallier, bien partiellement, à cet handicap.

Durant cette escapade sous l’écrasant soleil d’un Mexique onirique, Doggett et Monica prouvent qu’ils ont encore de superbes histoires à nous conter, pour peu que la série consente à leur en donner l’occasion.

 

Anecdotes :

  • A l’exception de Gillian Anderson elle-même (Existences, saison 7), cet épisode est le seul de la série à avoir été réalisé par une femme. Curieuse coïncidence, MacLaren tournerait deux ans après un épisode de la série… John Doe ! Elle retrouvera également Vince Gilligan pour réaliser 10 épisodes de sa série Breaking Bad.

  • Monica Reyes est née au Mexique. Elle parle couramment espagnol. Elle a rencontré Doggett pendant l’enquête sur l’assassinat de son fils.

  • L’épisode se déroule sur deux semaines, cas rare dans la série.

  • Le nom du personnage d’Hollis Rice est bien entendu modelé sur celui de la petite amie de Vince Gilligan : Holly Rice.

  • On retrouvera Barbara Patrick, femme de Robert, dans le rôle de l’ex-femme de Doggett dans Clairvoyance (saison 9).

  • Dans le dernier plan, on peut voir l’ombre de la caméra. Quant aux posters accrochés sur la route, ils n’ont pas d’ombre.

  • L’idée de faire se dérouler l’épisode au Mexique et de le centrer sur Doggett est une idée de Frank Spotnitz.

  • On entend dans l’épisode La Calentura par Roberto Ruiz, et Juana la Cabana par Fito Olivares.

Retour à l'index


8. ÉCORCHÉS
(HELLBOUND)

Scénario : David Amann
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

Victor, un ex-détenu, raconte à un groupe d’anciens prisonniers qu’il fait des cauchemars où il voit des corps écorchés vifs. Quelques heures après, il subit cet horrible sort ! Bien que l’affaire ne semble pas liée aux X-Files, Monica éprouve le besoin de la résoudre tandis que deux autres victimes périssent de la même façon. Scully découvre qu’une affaire similaire a eu lieu… en 1960 ! Monica soupçonne qu’un cycle infernal recommence à chaque génération, et que curieusement elle a un rôle à jouer : elle aussi a eu la vision de corps écorchés…

Critique :

De prime abord, l’épisode s'impose clairement comme le plus gore d’une série qui a pourtant démontré de belles prédispositions en la matière. Les artistes de la série s’en donnent à cœur joie avec leur brio coutumier, mais leur talent tourne quelque peu à vide durant toute la première moitié de l’épisode. L’intrigue y fait un surplace lassant, tandis que malgré l’excellente interprétation, le talent pour l’épouvante de Kim Manners, et la musique de Snow, l’empilement de cadavres suppliciés sans réelle justification finit par mettre mal à l’aise.

Le récit, après cette trop longue et fastidieuse introduction, ne débuté réellement qu’avec les traditionnels photos et articles issus d’un passé de plus en plus lointain. De fait, l’histoire se déroule selon une symétrie inversée à celle de Le pré où je suis mort, avec des réincarnations d’âmes non plus liées par l’amour, mais par la haine et la vengeance.

Cette version apparaît nettement moins originale que la précédente, car plus dans l’orientation générale d’une série privilégiant l’horreur et les ténèbres sur le sentiment romanesque et mystique. L’effet de surprise joue aussi beaucoup moins tandis que le caractère encore récent de la personnalité de Monica rend le choc moindre qu’avec Mulder. L’antagonisme violent avec Van Allen paraît aussi moins ambitieux et développé que la relation entre Mulder et Mélissa, tandis que James MacDowell n’apporte pas la même intensité à l’épisode que l’étonnante Kristen Cloke. La vengeance post mortem demeure un sujet maintes fois rebattu dans la série.

La mise en scène de Manners en reste aussi à des rouages bien connus, quoique suprêmement efficace dans la révélation horrifique de la mine, la scène la plus intense de Hellbound, à la différence des jeux de lumière et de caméras si planants et esthétiques de Rob Bowman. Alors que la roue du Karma conduisait à un épisode fascinant par son caractère hors normes, cette idée n’apparaît ici que comme la justification astucieuse à un déferlement de sauvagerie et d’images choc.

On appréciera néanmoins la qualité du jeu d’Annabeth Gish, tandis que Robert Patrick reste en retrait avec un Doggett ici secondaire. L'épisode expose bien la différence d'approche entre les deux "ouverts d'esprit" : là où Mulder opérait par brillantes associations d'idées, Monica agit par des intuitions à la Profiler, particulièrement intenses dans cette histoire où elle est si personnellement impliquée. Gillian Anderson n’a plus grand-chose à montrer avec une Scully cantonnée aux autopsies et à leur exploitation immédiate, mais aussi à un rôle téléphoné de mentor de Monica affleurant parfois à la Raffarinade : « Il essaie, mais la route est longue ». La pente est également très forte pour le personnage.

 

Anecdotes :

  • Monica Reyes a apparemment eu comme Mulder et Scully des vies antérieures ; au moins trois.

  • Un chien dans cet épisode est appelé « Happy ». Il s’agit du nom du propre chien de Gillian Anderson. Il y a également un « Dr.Sackheim », en référence à Daniel Sackheim qui travailla quelque temps à la production de la série.

  • La musique classique entendue dans l’épisode est la Barcarolle op.37 n° 6, extrait des Saisons de Piotr Ilitch Tchaïkovski.

Retour à l'index


9/10. LA PROPHÉTIE
(PROVENANCE/PROVIDENCE)



Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Kim Manners (1re partie) et Chris Carter (2e partie)
 
Résumé :

Deux policiers prennent en chasse un intrus près de la frontière canadienne. L’intrus a un accident près d’une forêt mais on ne retrouve pas son corps. Toutefois, on découvre sur les lieux des papiers contenant des inscriptions identiques à celle trouvées par Scully sur l’aéronef deux ans plus tôt en Côte d’Ivoire ! Skinner, pour des raisons obscures, refuse que Doggett, Reyes, et Scully enquêtent. Ils passent outre et tentent de savoir qui était l’intrus. Ce dernier, toujours en vie, se dirige vers la maison de Scully dans le but d’assassiner William, au coeur d'une prophétie…

Critique :

L'ultime double épisode mythologique de la série dégage une pénible impression de lassitude, voire d'épuisement. Le scénario se contente d'aligner des péripéties plus ou moins palpitantes selon un schéma particulièrement décousu. Après Essence, on reste stupéfait de l'émergence de ces sectes ufologiques semblant jaillir de la terre, puissantes et parfaitement renseignées, alors que l’on n’en avait jamais entendu parler jusqu'ici. Cela ressemble fort à un élément désespérément sorti du chapeau par les auteurs pour maintenir à flot une Mythologie prenant l'eau de toutes parts. Celle-ci ne cesse de graviter toujours plus artificiellement autour de William, son origine comme son devenir faisant ici l'objet de dialogues particulièrement abscons et nébuleux. On ne s'intéresse plus à cette histoire qui ne cesse de faire du surplace, et de tenter de donner l'illusion de la progression en ergotant toujours plus sur le bébé. Le recours au poncif absolu de « La Prophétie » enfonce encore un peu plus le clou.

De plus, on retrouve le ton pseudo mystique totalement creux et outré de La sixième extinction, avec notamment une scène désastreuse où Scully et Monica, agenouillées devant le Rébus Galactique, soulignent avec une rare lourdeur le caractère prétendument vertigineux de ce concept survendu. Pour tenter d'ajouter du piquant à cette mélasse, les auteurs ont recours à du grand guignol (tentative d'étouffer William, fragment magique, final pyrotechnique totalement inexpliqué... ), mais oublient de nous offrir un cliffhanger valable car à l'instant où Scully confie William aux Bandits Solitaires, on comprend instantanément que cela va virer au vinaigre, tandis que la péripétie demeure archi convenue. Une pitoyable conclusion pour cette flamboyante succession de cliffhangers ayant tant apporté à la série. La conclusion, révélation si surprenante que le Toothpick Man est un Super Soldat, est exactement similaire au cliffhanger d’Essence, une forme d'exploit...

Les personnages ne sortent pas non plus indemnes de ce naufrage. On se réjouit d'abord que le si grand talent de Gillian Anderson ait enfin quelque chose à exprimer dans cette saison, mais Scully cramponnée à son bébé comme le pendu à sa corde, ou enivrée d'une colère répétitive et lassante, devient vite ennuyeuse. Même absent, Mulder en prend aussi pour son grade, car l'épisode, une nouvelle fois après Ne faites confiance à personne, constitue une preuve éclatante de l'inanité de l'argument selon lequel il serait parti pour protéger Scully et l'Enfant du Miracle. Non seulement ils restent exposés, mais en plus il n'est plus là pour agir. Tandis que Skinner paraît étonnamment effacé après les récits précédents, Follmer montre bien qu'il ne s'élèvera pas au-dessus du niveau du simple poil à gratter.

Finalement, seuls les Bandits Solitaires tirent leur épingle du jeu, avec un vrai moment d'émotion quand Scully déclare qu'ils sont les derniers en qui elle peut avoir confiance (la pauvre), mais aussi d'humour quand leur intervention tourne comme toujours à la panique générale. Avec un zeste d’émotion, on assiste à la fin du van crasseux qui fut le vaisseau amiral (l’épave ambulante) des Lone Gunmen durant Au cœur du complot, également aperçu dans Triangle.

Monica passe le plus clair du double épisode à la remorque de Scully. Or, même si leur solidarité féminine s'avère touchante, elle demeure un personnage complexe, entre deux mondes, nécessitant de se situer au cœur d’un épisode pour pleinement s’épanouir. La prophétie ne lui en laisse pas l’occasion, hormis la très intense scène de colère où Annabeth Gish se montre réellement ardente. Doggett, à la présence plus affirmée, donne toujours lieu à une savoureuse composition de Patrick, même si en retrait. Hélas ! il est ici malheureusement vite mis hors-jeu. Après 4-D, on observera qu'il est hospitalisé dans le coma pour la seconde fois de la saison, mais que l'on se rassure, ce sera le tour de Monica dès l'épisode suivant... À la place de ces deux-là, au Monopoly j'éviterais les cartes "Caisses de Communauté" : 10 000 francs c'est cher... 

On notera des guests de poids avec Neal McDonough (Boomtown, Desperate Housewives…), et Alan Dale (24h chrono, Lost, Ugly Betty, NCIS…).

La prophétie apparaît comme une éloquente démonstration de la voie sans issue dans laquelle s'est engouffrée la série, hélas sans remède. Fort heureusement, la seconde partie de la saison va se révéler plus relevée que la première, avec un bouquet final de loners fort réussis.

 

Anecdotes :

  • Monica Reyes a travaillé à la Nouvelle-Orléans. Elle n’est pas croyante, mais étant donné ses convictions, on peut présumer qu’elle est davantage agnostique qu’athée.

  • Le lieutenant Josepho cite la Bible, et Scully répond qu’il s’agit de l’épître aux Ephésiens. C’est en fait une citation d’Ezechiel. Après l’erreur de One breath (saison 2), les auteurs semblent avoir du mal avec les citations bibliques ! Par ailleurs, quand Scully et Skinner discutent au début de la deuxième partie, un membre de l’équipe technique est visible derrière une poubelle.

  • Dernière apparition de la mère de Scully (Sheila Larken).

Retour à l'index


11. AUDREY PAULEY
(AUDREY PAULEY)


 

Scénario : Steven Maeda
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

Monica Reyes a un accident de voiture qui la plonge dans le coma. Elle se réveille dans un hôpital vide à l’exception de deux autres patients eux-mêmes dans le coma. Elle tente de trouver la sortie de l’hôpital. En réalité, c’est son esprit qui erre, et elle est en état de mort cérébrale. Doggett tente d’empêcher le Dr.Preijers de prélever ses organes, tout en soupçonnant que des meurtres déguisés en morts naturelles sont en train d’avoir lieu dans l’hôpital. Seule une femme qui sert des fleurs semble avoir la faculté de passer du vrai hôpital à celui où erre Monica. Qui est elle ?...

Le thème de la maison de poupée ou de l’univers en réduction vivant sa propre existence parallèle à la nôtre constitue un thème très riche du Fantastique. La Quatrième Dimension lui consacrait ainsi un épisode à la facture classique, Miniature (saison 4). Mais les X-Files renouvellent ici le genre avec succès grâce à cette idée étonnante : l'âme en suspension des comateux trouvant asile dans cette maquette d’hôpital. Ce thème original se voit parfaitement exposé au long d’une progression dramatique d’une très fine écriture. Monica et ses compagnons d’infortune se retrouvent initialement plongés au sein d’une énigme des plus étranges, avant que progressivement la vérité ne se fasse jour. On retrouve encore ici l’idée d’un classique de la Quatrième Dimension, série imprégnant réellement Audrey Pauley, avec ces personnages enfermés dans un mystérieux cylindre sans raison apparente (Cinq personnages en quête d’une sortie, saison 3). Le spectateur ressent une fascination identique devant l’aura de mystère enveloppant cette histoire.

L’impact en est encore renforcé par la musique éthérée de Mark Snow et la mise en scène comme toujours très inspirée de Kim Manners, parvenant à force de mouvements de caméra judicieux et variés à parer à toute impression d’immobilisme de l’intrigue, et à faire vivre une action se déroulant exclusivement en studio (cela nous évoque les meilleurs moments de Cathy Gale).

On remarque également une superbe photographie et un jeu esthétique parfaitement abouti sur les teintes à dominantes froides (blanc, bleu) et le costume sombre de Monica. L’ensemble confère à ces différentes scènes une envoûtante ambiance de zone crépusculaire (toujours la Twilight Zone…), avec des glissements entre les deux mondes parfaitement agencés.

L’épisode, particulièrement ambitieux, ne se contente pas d’exploiter cette situation et développe un segment policier convaincant, même si l’on ne saisit pas vraiment la motivation profonde du bon docteur Preijers, défaut secondaire car l’essentiel est ailleurs. On remarque également que c’est la troisième fois cette saison qu’un membre du duo se retrouve dans le coma, mais qu’importe si la qualité est au rendez-vous ? De plus, la symétrie avec 4-D, autre moment fort de la saison, se montre très intéressante.

On a suffisamment critiqué par ailleurs les liaisons dangereuses entre les X-Files et les séries hospitalières pour ne pas saluer ici la parfaite exploitation de cet environnement particulier et l'audacieuse image inversée des médecins si formidables et rassurants peuplant ces séries. Jack Blessing (Clair de Lune,George Lopez) campe superbement son personnage et sa furieuse violence affleurant sous l’apparente solidité professionnelle.

L’interprétation s’impose d’ailleurs comme un autre atout de l’épisode, Tracey Ellis nous offrant une partition aussi forte que celle de Souvenir d’oubliette, et Stan Shaw (Racines) réalisant un duo émouvant avec Annabeth Gish. Mais L’épisode fait avant tout la part aux personnages principaux, avec une relation Doggett/Monica mise sous les projecteurs. L’on retrouve certes des accents à la Mulder et Scully (jusqu’à la torture rituelle du baiser contourné), mais avec comme spécificité un blocage clairement centré sur John à qui Monica lance non plus une perche, voire une poutre, mais bien le Pont de Brooklyn sans qu’il s’en saisisse.

Le personnage se révèle toujours plus complexe dans la grande tradition des X-Files. Monica est toute à son affaire dans cet univers de poche dérivant autour du nôtre, tandis que Doggett se montre bouleversant d’émotion et de refus de la fatalité qu’il a jadis connue avec son fils. Annabeth Gish et Robert Patrick sont magnifiques, et démontrent une parfaite maîtrise de leurs personnages. Steven Maeda a visiblement parfaitement saisi l’esprit de la série, et s’impose comme la révélation des années Doggett parmi les auteurs. On regrette qu'il fut bien trop peu sollicité (c'est seulement son cinquième et hélas déjà dernier scénario) : son imagination féconde, son sens du suspense, et sa virtuosité narrative, avaient encore tant à offrir.

L’épisode souffre cependant d’un défaut récurrent de la saison 9 : le faible intérêt du rôle dévolu à Scully, ici simple confidente de Doggett (on se croirait au théâtre classique), totalement, désespérément, passive. On pourrait s’étonner de la découvrir aussi sceptique alors qu’elle était devenue « ouverte d’esprit » dans la période récente, mais l’on retrouve l’idée de Régénérations : l’idée de l’irruption du paranormal dans son univers familier de l’hôpital, cénacle de la science triomphante, heurte particulièrement Scully. À défaut d’un réel intérêt, le personnage demeure au moins cohérent.

Un épisode phare de la saison, Audrey Pauley prouve le niveau d’excellence que pouvait encre atteindre les X-Files, ainsi que la richesse potentielle du duo Monica/Doggett. Son seul défaut restera d’aviver encore les regrets ressentis devant l’extinction prochaine de la série.

On se remémorera également que cet épisode est la cinquantième réalisation de Kim Manners sur la série. Un chiffre éloquent, d’autant que la qualité fut toujours au rendez-vous pour ce grand artiste filmant l’étrange et l’épouvante avec un rare talent. Un des atouts maîtres des X-Files.

 

Anecdotes :

  • John et Monica commencent à sortir ensemble, sans cependant franchir la barrière amicale.

Retour à l'index


12. DANS LES ABÎMES
(UNDERNEATH)

Scénario : John Shiban
Réalisation : John Shiban
 
Résumé :

Plusieurs nouvelles analyses ADN innocentent Robert Fassl, catholique fervent, d’une série de sept meurtres commis 13 ans auparavant. Doggett, responsable de son arrestation, refuse l’évidence car il était arrivé quelques secondes après le dernier meurtre, et Fassl était l’unique personne vivante qui s’y trouvait. Scully et Monica découvrent qu’un homme bizarre s’est introduit dans la prison, a tué le compagnon de cellule de Fassl, puis s’est volatilisé ! Pendant ce temps, Fassl a des visions cauchemardesques qui le terrifient…

Critique :

Bien après Mulder dans le déjà médiocre Vengeance d’outre-tombe, Doggett se retrouve confronté à une affaire ressurgissant de son passé. L’épisode joue également avec l’identité altérée du tueur, mais cette fois dans une optique très proche du classique de la littérature fantastique qu’est Docteur Jekyll et Mister Hyde. L’idée pouvait sembler excellente d’adapter le mythe aux X-Files, mais l’argument de John Shiban se révèle des plus faibles, incapable de développer l’idée initiale.

Ce manque de substance se traduit par une première moitié de l’épisode très répétitive, avec une alternance ressassée de scènes centrées sur les manifestations de l’assassin puis de dialogues assez stéréotypés entre Scully et Doggett, sans que l’intrigue avance d’un iota. Pour pallier à ce surplace, Shiban développe le tronçon totalement inutile de la forfaiture du collègue de Doggett, un poncif des séries policières qui n’apporte rien ici (on connaît déjà l’intégrité de Doggett), et que l’auteur ne cherche même pas à introduire correctement car nulle part n’est décrit comment Scully découvre le pot aux roses.

Le récit redémarre quelque peu dans la seconde moitié grâce à l’intervention d’une Monica ici très similaire à Mulder dans son processus de découverte de la vérité. Malheureusement, au lieu d’exploiter la profondeur du thème de Stevenson, Shiban s’empresse de déboucher sur une résolution facile et spectaculaire dans une énième course-poursuite dans les Ténèbres comme la série nous en a déjà tant offert. La double personnalité n’intervient que pour l’effet final des plus prévisibles.

L’épisode sauve cependant les meubles grâce à la mise en scène imaginative du même Shiban qui développe quelques séquences visuellement efficaces dont plusieurs effets seront d’ailleurs repris dans l’excellente série de Steven Moffat, Jekyll (2007) : message comminatoire laissé à l’Autre, confrontation physique des deux entités, phénomènes paranormaux annonçant la venue de l’alter ego (ici l’accélération au lieu des perturbations électriques)… On regrettera cependant la reprise de l’idée du visage du tueur apparaissant dans le miroir de la pharmacie ayant déjà servi pour le meurtre du père de Mulder par Krycek, ce que l’on ne risque pas d’oublier !

La poursuite finale s’avère également rondement menée avec de nouveaux exploits macabres des artistes de la série. Earl Brown (Deadwood) réalise également une composition parfaitement convaincante mais, sans aller jusqu’à décevoir, le reste de la distribution n’enthousiasme pas vraiment.

On notera une tentative de doter Scully d’une importance un tantinet plus étoffée que de coutume durant cette saison. Malheureusement, cela se produit aux dépens de Monica, car à l’évidence une seule d’entre elles aurait suffi à mener l’action des deux. Chacune se voit ainsi attribuer un demi-rôle, coupant l’épisode en deux de manière assez nette. Même partiellement rééquilibré, le trio d’agents ne trouve pas sa pertinence, et Scully continue à nuire à l’instauration d’un duo Doggett/Monica ne disposant pas de tout l’espace nécessaire pour s’implanter avec conviction dans la série.

 

Anecdotes :

  • Unique réalisation de John Shiban pour la série.

  • Après le meurtre de Damon Kaylor, la caméra s’éloigne vers le haut, et on peut distinguer le treuil.

  • Duke Tomasick, l’ancien collègue de Doggett, tire son nom d’un membre de l’équipe du staff des X-Files.

Retour à l'index


13. IMPROBABLE
(IMPROBABLE)

Scénario : Chris Carter
Réalisation : Chris Carter
 
Résumé :

Wayne, un homme obscur, semble assassiner des femmes sans aucune raison. Monica Reyes avance une théorie hardie : le lien entre les victimes et l’assassin tient à la numérologie ; ce sont des séries de nombres qui inconsciemment guident le tueur. Bizarrement, l'enquête de nos agents subit alors une succession massive d’improbabilités. Pendant cette histoire bizarre, un homme omniscient observe les événements sans intervenir, si ce n’est en parlant de manière sibylline au tueur et aux agents…

Critique :

Après le semi échec inquiétant du Seigneur des mouches, la série parvient cependant à produire un épisode décalé de la meilleure eau, étonnant d’audace. En effet, le surprenant scénario de Carter (également réalisateur) accumule les situations les plus improbables dans une succession d’effets chocs donnant véritablement le tournis (rencontres fortuites, coïncidences troublantes, écran partagé à la Hollywood…), au point que l’on songe parfois au Générateur d’Improbabilités de Douglas Adams (Le Guide du Voyageur Galactique).

Rien de pesant ou de maladroit dans ces évènements, mais au contraire une narration très fluide et dynamique, habilement soulignée par des effets de caméras déstabilisants et un jeu intelligemment accentué des comédiens pour souligner la bizarrerie de l’histoire. C’est particulièrement le cas avec une superbe Annabeth Gish nous régalant d’une Monica plus mystique et exaltée que jamais.

L’exercice de style se voit poussé encore plus loin par le choix des cha-cha-chas bigarrés et au-delà du kitsch de Karl Zéro (neuf chansons tirées de l’album Songs for cabriolet y otros typos de vehiculo, 2000) qui doivent apparaître encore plus exotiques pour le public américain que dans l’hexagone ! La France aura donc été représentée dans les X-Files par Mururoa, Karl Zéro, et une paysanne médiévale devenue Génie de la Lampe. Vous avez dit « improbable » ?

Mais malgré cette substitution aussi osée que réussie de Snow par le mari de Daisy d’Errata, le couronnement de l’épisode demeure bien la participation de Burt Reynolds en divinité mystérieuse et souriante. Aimant les humains (jusqu’au serial killer) et refusant d’influer sur leur libre-arbitre au-delà de paraboles nébuleuses et ludiques, ce Dieu (?) incarne admirablement le caractère chaotique de nos destinées, partiellement décrypté ici par la numérologie. Au-delà de l’humour irradiant de la personnalité et de l’abattage de la star, le récit atteint ainsi une authentique profondeur tout en ne renonçant jamais à constituer un authentique épisode des X-Files.

Contrairement à un All Things interrogeant pareillement sur le Destin (la femme blonde est-elle un autre avatar du Joueur ?) mais en passant par-dessus bord l’esprit de la série, nous retrouvons ainsi un serial killer parfaitement sinistre, aucunement édulcoré, et une vraie enquête, jusqu’à la traditionnelle séance de diapositives horrifiques évoquant tant de bons souvenirs. L’épisode parvient également à accomplir l’exploit, hélas si rare durant cette saison, d’accorder à Scully sa juste place, avec un authentique rôle personnel à jouer aux côtés de Monica et de Doggett. L’histoire trouve ainsi un équilibre permettant à chacun des trois personnages principaux d’exister sans empiéter sur l’espace de l’autre. Le reste de la distribution se montre parfaitement convaincant, notamment Ray McKinnon (Deadwood) en tueur désaxé, et Ellen Greene (la numérologue) qui deviendra bien plus tard la Tante Vivian de Pushing Daisies !

Disons-le, cette étincelante fantaisie, cet humour pétillant et cette ambiance si festive de comédie musicale, font du bien alors que s’approche inexorablement le terme de l’épopée…

 

Anecdotes :

  • Pour la dix-huitième fois de la série, l’indicatif « The Truth is out there » est remplacé par « Dio ti ama » (Dieu t’aime en italien).

  • Chris Carter fut aidé par son frère, professeur et scientifique, pour quelques notions physiques et mathématiques de cet épisode.

  • La fin de l’épisode se situant dans une partie italienne de la ville, l’écran affiche à la fin « Produttore esecutivo : Chris Carter », au lieu de « Executive producer : Chris Carter ».

  • Ray McKinnon (Mad Wayne) reçut un Oscar pour son court-métrage (qu’il a écrit, réalisé, et interprété) The Accountant durant le tournage de l’épisode !

  • Vicki Bendick (la voyante) est le nom d’une camarade d’école de Chris Carter.

  • Dans la scène « rythmique », il y’a un plan où l’on voit brièvement trois jeunes femmes qui sont des triplées. Il s’agit de Sandra Tripicchio et de ses sœurs jumelles Cara et Christine. Sandra est assistante à la production de la série. Tighe Barry, accessoiriste de la série, joue un SDF dans la scène finale.

  • L’ascenseur de l’hôtel servit pour tourner une scène d’un des films Kolchak, The Night Stalker, série qui a durablement influencé Chris Carter pour les X-Files.

  Retour à l'index


14. UNE VUE DE L’ESPRIT
(SCARY MONSTERS)

Scénario : Thomas Schnauz
Réalisation : Dwight H. Little

— Agent Mulder wasted no time closing that case. I just try to think like him. What would Agents Mulder and Scully do if they were in this situation ?
— Agents Mulder and Scully aren't in this situation. Agents Doggett and Reyes are. I don't know about Agent Reyes, but Agent Doggett's going to sit his tired ass down.

Résumé :

L’agent Leyla Harrison (cf. Seul, saison 8) apprend qu’après le suicide apparent de sa femme (16 coups de poignard dans le ventre !), un homme s’est enfermé dans une maison isolée avec Tommy, son jeune fils. Soupçonnant quelque chose, elle convainc Doggett et Reyes d’aller voir l’enfant. Ils ne tardent pas à apprendre que des « monstres » vivent aux alentours, et qu’un lien les attache à l’enfant ! D’ailleurs, les trois agents risquent d’être bientôt les futures victimes de ces créatures venues de nulle part…

Critique :

Après 4-D et Audrey Pauley, la saison 9 continue à s’inscrire avec bonheur dans le sillon de La Quatrième Dimension. En effet Scary Monsters apparaît comme un pur remake d’un des épisodes les plus fameux de l’anthologie fantastique : C’est une belle vie, lui-même repris dans la version cinéma de 1983. Un voyageur pénètre dans un étrange petit village isolé où règne une frayeur abjecte du fait de la toute puissance d’un insupportable gamin doté d’un pouvoir quasi divin. Dans son tronçon principal, l’intrigue de Schnauz suit la même implacable et terrifiante révélation progressive de la vérité, ponctuée de séquences chocs dues à la mise en scène très dense d’un Little sachant alterner ses effets.

La terreur ressentie par Jeffrey Conlon rejoint celle des villageois et se communique au spectateur, ajoutant une horreur psychologique aux manifestations surnaturelles. À égalité avec les jumelles de Ève, Tommy occupe la place enviée non seulement du plus inquiétant, mais aussi de pire tête à claques d’une série en comportant un nombre certain. Outre son pouvoir, il manifeste une propension au sadisme et une fascination pour l’épouvante faisant de lui un intéressant sujet promettant beaucoup pour demain. Grâce à l’étonnant talent du jeune interprète Gavin Fink (Urgences), Tommy constitue bien un Monstre de la Semaine de la meilleure cuvée malgré son apparence angélique !

À côté de cet excellent détour à travers la Twilight Zone, Scary Monsters gagne sa spécificité en développant un autre versant de l’intrigue absolument antagoniste car franchement humoristique. Il s’articule autour du retour de la craquante Leyla Harrison découverte dans Seul. Cette fois, elle entraîne son amoureux transi dans la danse et l’habile Schnauz va ainsi avoir à faire exister un nombre imposant de personnages, avec à la clé une réussite presque totale.

Tandis que William reste tranquillement endormi (c’est très bien, merci Margaret), Scully demeure certes en périphérie de l’action principale, mais participe sensiblement davantage à l’histoire que de coutume durant cette saison. En effet, Gillian Anderson dispose ici d’une très belle occasion d’exercer son talent pour la comédie avec deux scènes hilarantes et identitaires de l’épisode. Le grand dadais courtisant Leyla en déterrant un chat crevé apporte aussi une vraie cocasserie au récit, avec une autopsie battant tous les records en la matière. Leyla, gaffeuse toujours aussi hilarante, n’a rien perdu de sa nature de groupie des Affaires Non Classées en général et de Mulder en particulier, mais se révèle fine mouche en titillant le viril Doggett sur ce qu’aurait accompli l’Absent. On ressent toujours le même plaisir nostalgique à l’écouter évoquer les hauts faits du passé, déteignant sur Doggett : Coup de foudre et Spores passent ainsi au crible et on en redemande !

La grande figure de l’épisode demeure cependant ce même Doggett manifestant une solidité et une astuce forçant l’admiration. Son scepticisme, si souvent mis en défaut, se révèle l’élément salvateur du jour, tout comme pour Scully dans Folie à deux. Il faut dire que, contrairement à la Quatrième Dimension, les X-files cantonnent le pouvoir de Tommy à l’illusion, loin de la surenchère délirante des Super Soldats. Cela nous vaut une spectaculaire confrontation entre Tommy et lui, démontrant au passage que la maison est bien tenue. Monica reste, elle, pratiquement transparente, se limitant au rôle de victime ou de consolation de l’hypocrite Tommy. Après William, c’est à croire qu’elle a raté sa vocation ! Mais créer une véritable action pour tous les membres d'un tel aréopage relevait de la gageure, et lucidement, Schnauz préfère cette option à l’artificialité.

Scary Monsters se caractérise par une superbe écriture, suscitant deux segments aussi opposés (humoristique et horrifique) qu’aboutis, tout en les entremêlant avec l’efficacité nécessaire pour éviter l’impression de patchwork, et en mettant en scène avec maestria un imposant groupe de personnages.

Suprême audace, cet épisode, évocateur de la magie de l’enfance à travers le prisme si particulier des X-Files (l’arrivée de Scully sous la neige rappelle également Shining, au thème proche), s’offre le luxe d’une audacieuse conclusion révélant la télévision comme moyen idéal d’assécher l’imagination débordante de nos premières années !

Leyla a beau conclure que la magie des Affaires Non Classées opère toujours, c’est ironiquement durant le tournage de cet épisode que la FOX décide du non-renouvellement de la série sous sa forme première, comme l’évoque le Complete X-Files. Dès lors, les prochains épisodes vont le plus souvent se consacrer à la clôture des lignes narratrices en cours. Et cela va débuter très fort, à la hache...

 

Anecdotes :

  • Deuxième et dernière apparition de l’agent Leyla Harrison (Jolie Jenkins).

  • Scully prend comme déjeuner entre deux cours une pomme et un sandwich au thon.
    .
  • L’actrice de doublage français de Jolie Jenkins fait une petite erreur au début de l’épisode : elle lui fait dire Je me demandais si vous alliez me remettre. Il faut bien sûr entendre reconnaître.

Retour à l'index


15. N’ABANDONNEZ JAMAIS
(JUMP THE SHARK)

Scénario : Vince Gilligan, John Shiban & Frank Spotnitz
Réalisation : Cliff Bole
 
*Cet épisode sert de conclusion au spin-off de la série Au coeur du complot.
 
Once upon a time, there were three... how should I put this... geeks. Three more unlikely heroes... there never were. It wasn't long before their naïveté nearly got them killed. Until they hooked up with an FBI agent... And began publishing a – what shall I call it ?  "rag" called "The Lone Gunman". From their cramped basement office, they pointed fingers at powerful, evil forces... and some not so evil.
In their own unique way, the three gunmen were patriots, fighting the good fight. And provided... expertise for their friends at the FBI. For a brief time, it looked as if they might actually make a difference in this cold, cruel world. They acquired an intern who believed in their cause, and a powerful, beautiful nemesis... who became an ally. But the world is not kind to idealists... and those who fight the Good Fight don't always win.
 
Résumé :

Morris Fletcher révèle à Doggett et Reyes qu’une amie des Bandits Solitaires, Yves Adèle Harlow, disparue depuis un an, est en fait une Super Soldate. Il veut la retrouver. Les Bandits Solitaires n’en croient pas un mot, mais Jimmy, leur allié, revenu lui aussi après un an d’absence, déclare qu’elle vient de commettre un meurtre. Lorsqu’ils la localisent, elle est sur le point de tuer une deuxième personne, mais ils ignorent encore qu’elle a d’excellentes raisons de le faire…

Critique :

On n’épiloguera pas inutilement. Certes, l’on distingue des éléments fort plaisants au cours de cet épisode calamiteux, comme le retour de cette fripouille cynique mais pas si antipathique de Fletcher (Michael McKean se montre toujours crapuleux et hilarant). On le retrouve avec plaisir, en provenance d'Au cœur du complot, d’autant que ce grand hâbleur devant l’Éternel nous offre en ouverture un portrait des Bandits Solitaires aussi narquois et incisif que celui de Mulder au début de la seconde partie de Zone 51. Il est très amusant de le voir faire chou blanc devant Monica et Doggett en se trompant de mythologie, avant de les intéresser avec les Super Soldats.

On apprécie également de découvrir (redécouvrir pour les amateurs d'Au coeur du complot) Kimmy le Geek, le valeureux Jimmy, et la capiteuse, l’envoûtante Yves au sein de la série mère, un honneur bien mérité. L’intrigue en elle-même, construite autour du bio terrorisme, semble effectivement davantage relever d'Au cœur du complot (dont on retrouve la musique) que des X-Files, mais se révèle efficacement construite, offrant de nombreux rebondissements des plus réussis. Monica et Doggett demeurent périphériques, et Scully quasiment absente, bien que l'on doive une épitaphe du Trio particulièrement éloquente au talent de Gillian Anderson. Mais cela ne constitue pas réellement une faiblesse, l'épisode demeurant avant tout la conclusion d'Au cœur du complot, qui est d'ailleurs fort judicieusement inséré dans le coffret de la série.

Tout ceci demeure cependant parfaitement secondaire, car Jump The Shark reste bien entendu avant tout marqué par la plus néfaste décision jamais prise par Chris Carter au cours des 207 épisodes des X-Files : la mort assez abjecte du Trio, dont l’absence se fera d’ailleurs ressentir cruellement dans I want to believe. Pour être honnête, la FOX avait instamment demandé à ce que nos joyeux rigolos se fassent oublier, si possible pour toujours (Frank Spotnitz déclare que seulement convaincre les producteurs à faire cet épisode fut un parcours du combattant, et que la promesse de les tuer pesa beaucoup dans la balance), forçant plus ou moins le trio d'auteurs à cette solution désespérée.

On comprend la nécessité de clôturer les différents dossiers ouverts, y compris dans l’inachevée Au cœur du complot (on se situe un an après le dernier épisode), sur un laps de temps très bref après l’annonce de l’arrêt de la série. Mais l’on ne perçoit pas l’intérêt de faire prendre une porte de sortie aussi définitive et sordide à ces fabuleux personnages ayant tant apporté en humour et fantaisie à la série. Et cela même si l'évènement se voit annoncé par une émouvante scène bilan d'une étonnante gravité entre Byers et un Frohike allumant déjà symboliquement la cigarette du condamné. Langly clame lui prophétiquement son admiration pour Joey Ramone, figure fondatrice du Punk Rock, qui vient de décéder tragiquement en 2001 presque un an jour pour jour avant la diffusion de l’épisode.

Comme indiqué dans le Complete X-Files, Bruce Harwood (Byers) déclare préférer que les personnages aient eu droit à une vraie conclusion plutôt qu'à une vague fin ouverte, mais Vince Gilligan, co-auteur du scénario, regrette vivement ce qu’il considère comme une erreur. On adhère ici à l’homme de l’art. tandis que l’on ressort passablement nauséeux de la relecture de l’épisode, nonobstant sa grande qualité . Les X-Files débutent leur agonie d’une bien affligeante façon.

 

Anecdotes :

  • Décès apparent de Melvin Frohike, John Fizgerald Byers, et Richard « Ringo » Langly, plus communément appelés Les Bandits Solitaires, mortellement touchés par un virus. Ils sont enterrés au cimetière national d’Arlington, le cimetière des héros. Ils reviendront cependant en tant qu’apparitions dans le final : La vérité est ici, ainsi que dans la saison 10.
  • Cet épisode sert de conclusion au spin-off des X-Files : Au cœur du complot. Une année s’est écoulée depuis la fin de cette série. Jimmy Bond (Stephen Snedden) et Yves Adèle Harlow (Zuleikha Robinson), personnages principaux aux côtés des Lone Gunmen dans leur série, font leur unique apparition dans les X-Files.

  • Comme le rappelle Vince Gilligan dans le commentaire audio, Jump the shark est une expression désignant le moment où une série a passé son climax, et baisse alors en qualité jusqu’à son annulation. L’expression vient d’un fameux épisode de la sitcom Les jours heureux (1974-1984). En effet, dans l’épisode Hollywood : Part III (saison 3), le personnage de Fonzie saute sur un requin en saut à ski. La situation est tellement improbable et exagérée que les spectateurs pensèrent que la série avait basculé dans le n’importe quoi. Contrairement à la croyance populaire, l'audience du show ne souffrit point de cette bizarrerie : l'épisode fut diffusé en 1977, et la sitcom tiendrait encore 7 saisons avant son annulation. Cependant, la scène marqua tant les esprits qu'elle fut choisie pour désigner désormais le moment-critique où une série décline.

  • Nous apprenons le vrai nom d’Yves Adèle Harlow : Lois Runce, fille d’une grande figure terroriste internationale. Morris Fletcher est un employé de cet homme. Une scène coupée de Roméo 61, final de la série dérivée The Lone Gunmen, racontait une tout autre histoire de ce personnage : elle s’appelait en réalité Esther, et son histoire tournait autour d’un appareil dentaire tchèque. Le respirateur qu’elle porte quand elle brûle le virus est appelé par John Shiban « respirateur Emma Peel » !

  • Dernière apparition de Morris Fletcher. Michael McKean, son interprète, improvisait souvent les répliques humoristiques qu’il disait.

  • L’orateur de l’avant-dernière scène est joué par Thomas Schnauz, scénariste de plusieurs épisodes d’X-Files et des Lone Gunmen. Son discours a été écrit par Schnauz lui-même.
  • Frohike a arrêté de fumer il y a 20 ans.

  • A la différence de Mulder, Doggett a vu le film Men in black, que Fletcher considère comme étant très éloigné de la réalité.

  • Le How the Grinch stole Radio Shack mentionné est évidemment un clin d’œil à un populaire dessin animé de Noël : How the Grinch stole Christmas ! (1966)

  • Le Hartwell College est nommé en l’honneur de Holly Hartwell, la petite amie de Gilligan. Le miroir qu’utilise Frohike pour espionner Lois appartenait à Holly, mais il a disparu après le tournage ! La bombe humaine s’appelle John Gillnitz, nom-valise regroupant les trois auteurs John Shiban, Vince Gilligan, et Frank Spotnitz.

Retour à l'index


16. WILLIAM
(WILLIAM)

Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter, d’après une histoire de David Duchovny, Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : David Duchovny
 
Résumé :

Un homme s’infiltre dans le bureau des Affaires Non Classées, mais est capturé par Doggett. Cet homme a le visage et le corps atrocement défigurés et brûlés. Interrogé par nos agents, il déclare être envoyé par Mulder pour chercher des documents qui lui permettraient de se venger de la Conspiration gouvernementale, responsable de son état. Une analyse ADN livre un résultat surprenant : l’homme est… Mulder lui-même !! Mais Scully refuse d’y croire… 

Critique :

La série continue à régler au pas de charge les divers problèmes en instance avant l’extinction des feux.

Cette fois, c’est au tour de William de prendre la porte de sortie, mais cet évènement salutaire se voit précédé par ce qui restera sans doute comme l’épisode le plus creux des X-Files. De la survenue du mystérieux défiguré à la résolution ultra rapide de l’intrigue, absolument rien ne se passe hormis une accumulation de dialogues convenus et mélodramatiques. L’unique ressort de l’histoire repose sur le doute que cet homme pourrait être Mulder, ce que bien entendu personne ne croit.

L’inertie s’avère telle que le récit minimaliste de Duchovny va jusqu’à oser quelques expédients minables pour donner l’impression de mouvement, comme cet aller-retour à Quantico pour un simple examen médical. Sa caméra ne peut rien face à ce néant, d’autant que si elle se montre sobre et  élégante, l’inventivité de Hollywood est remisée au vestiaire (hormis son apparition choc dans l’œil de Scully, astucieuse).

On se croirait vraiment dans le mauvais théâtre new-yorkais raillé par Woody Allen, composé de pathos stérile et enflé. Même les comédiens, pourtant si excellents, semblent ici en rajouter. Une scène ressort particulièrement, quand Monica et Scully à l’hôpital (oui, il y a bien entendu un hôpital dans l’affaire) attendent désespérément du nouveau. Comme on les comprend.

Après cet interminable pensum (les trois quarts de l’épisode), l’histoire se résout avec une succession abracadabrantesque de révélations expédiées en une poignée de minutes. Cet homme dont Scully doute de la véritable identité est laissé quasiment libre de faire ce qu’il veut dans l’appartement de celle-ci, y compris dans la chambre de William nullement surveillée. C’est absurde. Donc l’homme est en fait Spender, qui aurait survécu à une balle tirée à bout portant par quelqu’un qui pourtant s’y connaît vaguement en matière de meurtre... Bon. Il aurait découvert un produit miracle annihilant les pouvoirs (toujours flous, d’ailleurs) de William. Où ? Comment ? On n’en saura rien. Tout ça pour ça, tout le cycle William réduit à néant par une substance jaillissant de nulle part sans que la nature en soit explicitée un minimum...

En passant, le Fumeur est bien le père de Mulder, un retour en arrière assez hors sujet. Et que devient Spender à l’issue de l’épisode, on n’en saura rien non plus. Le tout à l’avenant, dans une histoire navrante d’ineptie et s’effilochant sous nos yeux navrés de constater jusqu’où une telle série a pu déchoir. De bout en bout, cette nouvelle Mythologie si faisandée se sera montrée décevante, creusant le tombeau des X-Files au moment où ces derniers nous offrent encore de splendides loners.

Les Bandits Solitaires et William connaissent des sorties de scène étrangement asymétriques : Jump The Shark constituant un trépidant épisode à la conclusion calamiteuse, tandis que William connaît une fin des plus appréciées (l’évacuation du bébé enclume... du moins jusqu'à la saison 10) mais précédée par une bouillie consternante. Dans les deux cas, l’échec cinglant est au rendez-vous, William parvenant à nous laisser encore plus effondré que le précédent.

 

Anecdotes :

  • 48e et dernière participation au scénario du numéro 2 de la série : Frank Spotnitz. Ce dernier a continué d’écrire des épisodes de série et a créé les séries Hunted et Le maître du Haut-Château (d'après Stephen King). Il a aussi collaboré avec Chris Carter pour écrire le deuxième film X-Files : I want to believe.
  • 8e et dernière participation de David Duchovny à l’écriture d’un épisode de la série. Il s’agit aussi de sa troisième et dernière réalisation pour la série. S’il est parfois repassé derrière la caméra (notamment dans Californication), il n’a jamais repris la plume, à l’exception d’un film qu’il a écrit et réalisé : Le prince de Greenwich Village (2004).

  • Au début de l’épisode, Scully chante à William la comptine Jeremiah is a bullfrog en remplaçant Jeremiah par William. Scully a vraiment l’air d’aimer cette chanson puisqu’elle la chantait déjà pour endormir Mulder dans Détour (saison 5). On notera que son interprétation reste toujours aussi… spéciale ! Chanson inconnue en France, Caroline Beaune la remplace en VF par Au clair de la lune, ce qui lui permet d’inclure William dans la comptine (qui remplace Pierrot).

  • Il est curieux que les chaussures de l’inconnu fassent du bruit quand il entre au FBI puisqu’il porte des chaussures de tennis qui normalement n’en font pas.

  • 1121 du jour : Doggett fait des pompes dans son bureau à 23h21.

Retour à l'index


17. CLAIRVOYANCE
(RELEASE)

Scénario : David Amann, d’après une histoire de John Shiban & David Amann
Réalisation :
Kim Manners

He thinks he failed Luke. In his mind, he can never do enough, never suffer enough, for what happened. I think if you can help him find the man who did this, maybe... he could move on. He and Monica could really have something together. He just won't let her in.

Résumé :

Doggett reçoit une lettre anonyme qui le mène à un cadavre de femme emmuré dans une maison abandonnée. Lors de l’autopsie, Scully est surprise par Rudolph Hayes, un de ses élèves aux dons d’observation et de déduction prodigieux. L’étudiant explique qu’en fixant des photos de crime, il entend « des voix », et déclare à Doggett que l’assassin de la femme est le même qui a assassiné son fils. Doggett est-il sur le point de connaître enfin la vérité sur la mort de son fils ? Il ignore que Hayes n’est pas ce qu’il prétend être, ni que Brad Follmer est aussi mêlé à cette affaire…

Critique :

Après que les Bandits Solitaires et William aient quitté la série de manière particulièrement désastreuse, les X-Files poursuivent leur frénétique clôture des dossiers avec John Doggett et la lancinante énigme du meurtre de son fils. Autant dire que l'on abordait cet épisode avec de légitimes appréhensions ; pourtant, Clairvoyance se révèle une excellente surprise.

Un élément crucial apporte un clivage entre cet épisode et le précédent, tous deux caractérisés par la survenue d'un élément extérieur aboutissant à la résolution de leur arc narratif (tout comme d'ailleurs la résolution de l'arc Samantha). Là où William se contentait de sortir du chapeau magique une miraculeuse substance d'un flou total, David Amann et John Shiban prennent le temps de mettre en scène l'étonnant personnage de Hayes (très Frank Black), porté par un époustouflant Jared Poe, totalement immergé dans son rôle. La personnalité complexe de Hayes fait l'objet d'une savante découverte progressive, accompagnant habilement l'enquête de Doggett. Il débute par un amusant numéro de déduction qui ravira les amateurs de Sherlock Holmes, avant d'en venir à une relation plus paranormale avec cet étrange mur de photos de meurtres inexpliqués, admirablement mis en valeur par la caméra de Kim Manners. Sa nature de schizophrène apporte un twist au récit, avant une sortie de scène quelque peu brusque, seul regret occasionné par ce Monstre de la Semaine particulièrement fascinant.

Mais la grande figure de l'épisode demeure bien entendu John Doggett. Le personnage, en qui le spectateur s’identifie pleinement, se révèle particulièrement poignant face aux nouvelles perspectives ouvertes par les facultés de Hayes. Robert Patrick sait admirablement exprimer ce qu’a de terrible l’espoir qui étreint son personnage, avec son lot de souffrances ravivées. La scène où Doggett, homme fier et aux convictions solidement enracinées, quémande l’assistance de son étrange partenaire, s’avère absolument poignante. Dans cet épisode où le paranormal se limite à la portion congrue (Hayes peut relever des troublants confins de la folie et du génie), on retrouve de manière prononcée les accents de la grande tradition de la série noire américaine.

On y distingue une intrigue tortueuse à souhait, mais également un policier à la fêlure secrète, hanté par une énigme irrésolue qui le ronge au fil du temps. On songe bien entendu au Dahlia Noir de James Ellroy, comme à l’ensemble du Quatuor de Los Angeles. L’analogie se développe avec brio grâce à Follmer, qui revêt ici une dimension supplémentaire dans son rôle archétypal de flic corrompu et ambitieux dont les actes s’enchevêtrent de manière complexe à l’enquête du héros, comme un Dudley Smith un peu tendre. Regali vaut aussi le coup en gangster dur à cuire.

L’histoire creuse encore ce sillon avec des personnages féminins subtilement dessinés. Ils se révèlent aussi cruciaux que de coutume dans ce style littéraire, hormis Scully qui demeure encore une fois périphérique, mais à ce stade de la saison, on en a pris son parti. Après Amnésie, on retrouve Barbara Patrick, épouse de Robert, dans le rôle de Barbara Doggett. Cette dernière ne partage pas la soif de compréhension de Doggett et se replie sur son chagrin, elle aussi sapée par la disparition du fils. Les scènes entre les deux parents expriment avec sensibilité l’incommunicabilité installée dans l’ancien couple et l’omniprésence de l’absent. Monica se montre admirable de dévouement et de soutien à John, comprenant mieux que nul autre les tourments qu’il endure et le farouche besoin de compréhension qui l’anime. On peut considérer que leur couple achève de se forger à cette occasion, au terme de cette histoire ayant vu leur rencontre, comme une boucle élégamment bouclée.

La coda du récit intervient lors de la scène où John et Barbara se résolvent enfin à faire leur deuil, en confiant symboliquement les cendres mortuaires à l’Océan. La scène ressort superbement mise en valeur (travelling impressionnant) par Kim Manners démontrant que son talent ne se limite pas à l’Épouvante. Mais, l'autre roi de l'épisode est bel et bien Mark Snow, le compositeur séculaire de la série. Il est ici en pur état de grâce : il transcende cette histoire par une musique sublimement mélancolique qui habite l’ensemble de l'épisode, notamment l'entêtant élégiaque thème de piano, ou ce lumineux choral final de cordes résonnant comme une délivrance. Il n'est pas étonnant que les fans aient salué sa partition comme une de ses meilleures, voire la meilleure tout court, pour la série. John, enfin libéré (d’où le titre original bien supérieur à sa traduction), peut désormais bâtir un avenir avec Monica, une conclusion présentée avec émotion mais sans pathos. Et c’est ainsi que se conclue véritablement leur histoire, même s’ils participent encore aux ultimes épisodes. Une fin sinon heureuse, du moins non dénuée d’espérance pour ce duo attachant, ce qui n’est pas peu dans l’univers si sombre des X-Files.

Release, grâce à sa densité, sa sobriété, sa mise en scène et sa musique si émouvantes, et sa qualité d’écriture (joliment découpée en actes), parvient à l’exploit d’emporter sans réserves l’adhésion du spectateur, même si quasiment dépourvu de Fantastique et laissant de côté les pistes tracées dans Empedocles. Une constatation s’impose à cette occasion : chaque fois que la saison s’est intéressée au parcours et à la personnalité de Doggett et Monica, le succès a été au rendez-vous (4-D, Amnésie, Audrey Pauley, Clairvoyance), soit rigoureusement l’inverse que lors de ces histoires ineptes de Supers Soldats et autre William.

De quoi nourrir bien des regrets quant à l’erreur stratégique de ne pas développer franchement des New X-Files et de s’entêter à vouloir faire perdurer aussi maladroitement qu’artificiellement un passé glorieux mais révolu.

 

Anecdotes :

  • Résolution de l’affaire Luke Doggett.

  • 24e et dernière participation de John Shiban à l’écriture d’un épisode de la série. Shiban continue depuis à écrire et diriger des épisodes de série.

  • Erreur de continuité : il est mentionné tant sur le dossier que dans l’urne funéraire que Luke Doggett est né le 9 janvier 1986 et mort le 13 août 1993, des dates différentes de celles mentionnées dans Empédocle (9 juillet 1990-12 août 1997). Pareillement, le cadavre de la jeune femme trouvée par Doggett respire quand Hayes explique la cause de la mort.

  • Jared Poe (Rudolph Hayes) était en réalité interne dans le staff d’écriture des X-Files. Il demanda à Frank Spotnitz de l'auditionner pour le rôle au grand étonnement de ce dernier. D'abord peu convaincu, Spotnitz accepta sa demande.

Retour à l'index


18. IRRÉFUTABLE
(SUNSHINE DAYS)

Scénario : Vince Gilligan
Réalisation : Vince Gilligan
 
I think I'm finally gettin' the hang of this job !
 
Résumé :

Un fan de la sitcom La famille Bunch a découvert l’intérieur d’une maison ressemblant trait pour trait à celle utilisée par la série. Il s’y introduit un soir, mais est brusquement catapulté à travers le toit et tombe, mort, sur une voiture, sous les yeux d’un de ses amis !! Doggett et Reyes enquêtent dès le lendemain avec cet ami… mais l’intérieur de la maison ne ressemble pas du tout à ce qu’il a vu la veille ! Doggett s’intéresse au propriétaire de la maison qui semble vouloir cacher quelque chose…

Critique :

Après une cavalcade à en donner le tournis pour clôturer les différents chapitres ouverts, les X-Files prennent le temps d’une respiration avant le grand final, le temps de cet ultime loner de la série. Or, celui-ci retrouve une tonalité très proche, quoique moins aboutie, de l’éclatante réussite de Je souhaite, également avant-dernier épisode, cette fois de la saison 7. Tout comme lui, il il met en scène un beau duo de crétins et manifeste une pétillante fantaisie, parfois teintée d’humour macabre (Gilligan's touch).

De même, il joue plaisamment avec cette idée de tenir enfin une preuve manifeste et incontestable du paranormal à l’issue de cette odyssée à travers les Affaires Non Classées. Toutefois, au lieu d’un récit très structuré comme celui de Je souhaite, Irréfutable part dans tous les sens avec une énergie et un plaisir évident de la part de l’auteur comme des interprètes, évoquant cette atmosphère si festive des derniers jours de classe avant de longues vacances.

De nombreux thèmes se voient ainsi abordés comme le goût de Chris Carter pour la télévision de jadis (dans les X-Files comme dans Au cœur du Complot), la magie des séries télé et l’addiction pouvant en découler, la psychokinésie (avec Skinner en lévitation), le pouvoir de l’imagination, un premier bilan avant The Truth (200 épisodes, 9 saisons !), la société spectacle et ses dérives, la fuite dans l’imagination face aux désillusions du réel (le pouvoir d'Oliver apparaît également comme une allégorie de la drogue)…

De plus, le récit fait la part belle aux personnages récurrents avec un Doggett et une Monica visiblement sur le même petit nuage que Mulder et Scully dans Maleeni le Prodigieux, ravis l’un de l’autre, se taquinant, se tenant par la main, etc. On en est ravi pour eux, d’autant que, oh joie ! Scully participe cette fois pleinement à la fête, avec une ultime autopsie hors normes (conclusion d’une véritable série dans la série), mais surtout une importance pleine et entière dans l’action. Les acteurs s’amusent visiblement beaucoup, et nous aussi.

Au total, l’épisode apparaît joyeusement fourre-tout, mais très tonique. Il finit cependant par s’organiser autour du personnage d’Oliver au fil d’une énigme très ludique. Guest de choix, Michael Emerson étonne par la personnalité fragile qu’il confère à son personnage, très loin du fascinant et méphitique Ben Linus de Lost ou du sombre et tourmenté Finch de Person of Interest. Grâce à son talent, l’épisode connaît une fin élégante, et marquée d’une vraie émotion tout comme jadis son modèle. Autre invité marquant, David Faustino, le Bud Bundy de l’inénarrable et hilarant Marié, deux enfants. Chargé à la bière tout comme dans sa série, il n’est guère étonnant de le voir partir dans le décor, car la rencontre de familles aussi antinomiques que les Bundy et les Brady ne pouvait que provoquer des étincelles ! Enfin, l’on reconnaît John Aylward, le Dr. Donald Anspaugh d’Urgences.

Pour l’anecdote, The Brady Bunch, quasi inconnue chez nous, fut une sitcom extrêmement populaire aux États-Unis (1969-1974), conservant encore de nombreux fans de nos jours. Elle racontait les aventures quotidiennes d’une famille aussi nombreuse et soudée qu’amusante. Le Cousin Oliver évoqué dans l’épisode a également existé, son nom subsiste d’ailleurs comme désignant une tactique de scénariste, introduisant un personnage plus jeune pour remplacer ceux vieillissant avec la série.

 

Anecdotes :

  • Ultime loner de la série.

  • 200e épisode de la série.

  • 30e et dernier scénario de Vince Gilligan pour la série, qui signe aussi sa deuxième et dernière réalisation en son sein. Gilligan a continué d’écrire et de réaliser des séries. Il a notamment crée depuis la série Breaking Bad, succès critique et public unanime, souvent considérée comme une des meilleures séries de tous les temps (plus haute note pour une série sur Imdb : 9.5/10).

  • Le bureau de Skinner se situe au 4e étage des locaux du FBI.

  • Scully et Reyes sont des fans de la sitcom The Brady Bunch. Gillian Anderson elle-même aime beaucoup cette série. Le titre original de l’épisode vient aussi de la série : c’est le nom d’une chanson qu’interprétait parfois la famille Brady.

  • Le psychiatre d’Anthony s’appelle John Rietz, d’après Robert Rietz, vrai nom de Robert Reed qui jouait Mike Brady dans The Brady Bunch.

  • Dernière apparition d’Arlène Pileggi, femme de Mitch, dans le rôle de la secrétaire de Skinner.

  • John Doggett cite les sitcoms The Partridge family et Eight is enough. La première série dura de 1970 à 1974 et met en scène une mère veuve et ses cinq enfants se lançant dans une carrière musicale. La deuxième, connue en France sous le titre Huit, ça suffit ! dura de 1977 à 1981, et met en scène un journaliste et sa seconde femme qui élèvent les huit enfants que le mari a eu d’un premier lit. En VF, Hervé Furic les remplace par La famille Addams (1964-1966) et La famille Duraton, soap opera radiophonique (1937-1966).

Retour à l'index


19/20. LA VÉRITÉ EST ICI
(THE TRUTH)

Épisode Mythologique
 
Scénario : Chris Carter
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

Mulder s’introduit dans un QG militaire ultra-secret et découvre la Vérité qu’il a toujours cherchée. Mais il est capturé après avoir précipité Knowle Rohrer dans le vide pour se défendre. Jugé dans un tribunal militaire présidé par Alvin Kersh pour homicide, Mulder sait que l’issue du procès est courue d’avance, mais demande à Skinner d’être son avocat. Scully, Doggett, et Reyes convoquent les survivants de la Conspiration pour témoigner en sa faveur. Mais pourquoi Mulder refuse-t-il obstinément de clamer la Vérité non seulement à ce tribunal mais aussi à Scully elle-même ?…

Critique :

Le grand final de la série originale débute idéalement par un retour spectaculaire de Mulder dans un quartier général du gouvernement occulte – ressemblant d’ailleurs beaucoup à celui de Stargate, la série concurrente au long cours… On retrouve également l’inaltérable Rohrer (Rohrer, malheur !) cette fois de nouveau en piste après une décapitation. Quel intérêt vraiment d’opposer des adversaires aussi invincibles à nos héros ? Les images d’interrogatoires paraissent également très fortes, l’œil contemporain y découvre comme des images annonciatrices de Guantanamo et autre Abu Ghraib ; décidément la série aura conservé jusqu’au bout un ton très contestataire. Alors qu'Alex Krycek effectue déjà de fort savoureuses réapparitions avec un Nick Lea toujours impeccable, cette première partie très prometteuse se voit bien entendu couronnée par les retrouvailles de nouveau très émouvantes entre Scully et Mulder, la complicité magique entre Gillian Anderson et David Duchovny n’ayant visiblement pas été émoussée par l’absence de ce dernier.

Hélas ! la direction prise par l’épisode dans son tronçon principal convainc beaucoup moins. Voir les X-Files revêtir pour leur conclusion les oripeaux les plus éculés de la série judiciaire, de plus émaillés de clip show, un écueil évité jusqu’ici, déçoit beaucoup. On aurait préféré que le récit aille de l’avant en nous offrant une ultime et trépidante aventure plutôt que de stagner dans l’exercice passablement compassé et convenu de la lecture de l’album de souvenirs. Au total, l’on n’apprend rien que l’on ne sache déjà sur la Conspiration, et comme le souligne Mulder lui-même, l’issue du procès apparaît si évidente que tout suspense en est exclu. Un réel intérêt aurait pu constituer dans l’apport d’informations sur le devenir de personnages importants, c’est particulièrement le cas pour Marita Covarrubias, toujours magnifiquement interprétée par Laurie Holden et malheureusement totalement évaporée depuis Requiem, mais l’histoire n’apporte rien de concret sur ce point alors que l’on reste également sur sa faim concernant Gibson.

Inévitablement dans cet épisode avant tout dédié à Mulder et Scully, Doggett et Monica demeurent ici tout à fait périphériques après Release qui marque leur véritable aboutissement. Ils n’en accomplissent pas moins des interventions piquantes à la barre, en particulier Monica, toujours si tranchante quand elle est en colère (il y en a un qui aura intérêt à filer droit).

On ne niera pas un certain plaisir nostalgique devant la découverte d’extraits parfaitement choisis, et surtout devant l’excellente idée de faire intervenir plusieurs grands disparus. Monsieur X, qui a retrouvé sa barbiche, bénéficie du charisme toujours si palpable de Steven Williams, tandis que l’on aime voir Krycek manifester du souci pour la sécurité de Marita. Alex, ou le parfait romantique, la rédemption post mortem c’est quelque chose... L’ultime apparition les voyant derrière les juges, immobiles, prend une tonalité à la David Lynch parfaitement saisissante.

Évidemment, le revers de la médaille réside dans les inévitables frustrations qu’éprouvera chaque spectateur devant tel ou tel absent cher à son cœur. On se lamentera ainsi devant les oublis de Gorge Profonde, qui aurait pu si joliment boucler la boucle avec Mulder, et de l’Homme bien Manucuré. On regrettera également vivement le message défaitiste véhiculé par les Bandits Solitaires, qui ne leur ressemble pas, le tout enrobé d’un humour des plus lourds. Décidément les pauvres n’auront guère eu de chance pour leur départ de la série. Tout cela est bien triste.

Ainsi va l’épisode, suscitant des impressions ambivalentes de par son schéma très particulier d’une idée originale décevante mais très efficacement exploitée, avec un Kim Manners toujours aussi pertinent. Mais un évènement va définitivement faire pencher la balance en sa défaveur : la réapparition passablement pathétique de l’Homme à la Cigarette.

La surprise provoquée résulte déjà passablement ébréchée par son absence demeurée inexplicable au cours du procès, n’importe qui ayant à peu près suivi la série aura facilement compris le pot aux roses. On comprend la volonté de Chris Carter d’avoir voulu honorer ce grand personnage à qui la série doit tant, mais alors qu’il avait eu droit à une parfaite sortie de scène dans Requiem, il revient ici pour un numéro grinçant et dépourvu de la subtilité de naguère, où il semble se caricaturer lui-même. Le talent de William B. Davis n’y peut rien, cette déchéance du personnage navre plus qu’autre chose, tandis que la comparaison avec Anasazi se révèle sans appel pour l’épisode.

Cette conclusion usant d’un procédé trop facile (le Fumeur était à l’article de la mort il y a déjà deux longues années…) se voit de plus soulignée par un recours déplacé à la pyrotechnie hollywoodienne, aussi hors sujet que jadis dans Fight The Future, même si elle illustre une ultime fois le savoir-faire de l’équipe technique d'alors. Quand les X-Files revêtent des allures de Supercopter, on n’éprouve guère de difficultés à maîtriser son enthousiasme. On regrettera également la sortie de scène tout de même bien rapide pour les si méritants Doggett et Monica, idem pour Skinner, mais l’on sait désormais que pour lui et Monica, ce n’était qu’un au revoir !

Astucieusement située à Roswell, la scène finale entre Mulder et Scully établit un joli parallèle avec la première aventure du duo et demeure un grand moment d’émotion (un rien grandiloquent), mais ne rattrape que partiellement la détestable impression laissée par le passage précédent. 

Ainsi s’achèvent en demi teinte la série originale des X-Files, après une passionnante et si novatrice exploration du Fantastique et de la Science-Fiction, tout en développant des personnages bien plus denses que ne l’offre d’ordinaire l’écrasante majorité des séries télé, d’une profondeur toute littéraire. L’ébouriffante qualité de l’ensemble, avec un duo de comédiens absolument magique, place pour longtemps Aux frontières du réel au premier plan des séries fantastiques, mais aussi de l’ensemble de ce que le petit écran a pu jamais nous offrir, à égalité avec les plus grands monuments audiovisuels du passé et ceux du nouvel âge d'or des années 2000 et suivantes. Égale à elle-même, la série débouche sur une conclusion aussi inquiétante qu’ouverte, stimulant comme toujours délicieusement l’imagination du spectateur.

L’épreuve finale reste encore à venir et l’on ne désespère pas de la découvrir un jour, car, comme conclut Mulder, il reste toujours de l’espoir.

 

Anecdotes :

  • Final de la série originale. Aka. La Vérité. Un deuxième film, non relié à la Mythologie : X-Files : I want to believe, sortira quelques années plus tard en 2008. Un revival de la série, toujours dirigé par Chris Carter, sera activé en 2016.

  • 52e et dernière réalisation de Kim Manners, réalisateur le plus prolifique des X-Files. Ce dernier mettra par la suite son talent dans d’autres séries dont Supernatural. Il est mort en 2009 durant le tournage de cette dernière série si proche des X-Files.

  • Décès définitif (quoique, on sait jamais…) de CGB Spender alias L’Homme à la Cigarette.

  • Apparitions dans l’épisode des Lone Gunmen (présumés morts dans N’abandonnez jamais), de Mr.X. (assassiné dans Tout ne doit pas mourir), Alex Krycek (tué dans Essence), Jeffrey Spender (invisible depuis William), Marita Covarrubias (invisible depuis Requiem), de l’Homme à la Cigarette (laissé pour mort dans Requiem), et de Gibson Praise (invisible depuis Chasse à l’homme). Plusieurs personnages apparaissent en flashbacks : Billy Miles, Cassandra, Bill et Teena Mulder, Gorge Profonde, Samantha Mulder (enfant et adulte), et le Bounty Hunter. Pour l’unique fois de la série, Mulder appelle son ancien informateur « Mr.X », lors de sa dernière apparition.

  • Le calendrier Maya s’arrête non au 22 décembre 2012, mais au 23 en réalité.

  • Le générique de l'épisode inclut David Duchovny, faisant de cet épisode celui comptant le plus grand nombre de personnages principaux crédités au générique principal : 5 (David Duchovny, Gillian Anderson, Robert Patrick, Annabeth Gish, Mitch Pileggi). De plus, dans la liste des noms dans une séquence du générique, a été ajouté le nom d’Exar Kun, un des Sith Lords de l’univers étendu de Star Wars !

  • Admirateur de la série politique d’Aaron Sorkin A la maison blanche (The West Wing), Chris Carter souhaitait intégrer dans l’épisode le personnage de Josiah Bartlet, le Président des États-Unis d’Amérique dans la série. L’emploi du temps de Martin Sheen, son interprète, empêcha malheureusement ce projet. De même, la grossesse de Lucy Lawless empêcha le retour de la Super Soldate Shannon McMahon.

  • Les noms complets de Spender et Praise sont Jeffrey Frank Spender et Gibson Andrew Praise.

  • Monica Reyes travaille pour le FBI depuis 1990.

  • L’épisode est le seul de la série à ne pas durer 42 minutes, mais 75 minutes. Gardons à l’esprit qu’il s’agit d’un épisode entier, et non en double épisode. Il s’agit de l’épisode contenant la plus longue introduction de la série : 6 minutes et 09 secondes.

  • Lors de la deuxième visite en cellule, Mulder surnomme Scully « Clarice », en référence au personnage du Silence des agneaux inventé par Thomas Harris en 1988 qui connut plusieurs adaptations cinématographiques. Clarice Starling et son interprétation par Jodie Foster (la voix de Betty dans Plus Jamais, saison 4) dans l'iconique film de 1991 furent souvent cités par Chris Carter comme une inspiration pour le personnage de Dana Scully. Jodie Foster fut d'ailleurs pressentie non seulement pour le rôle, mais aussi pour le reprendre en lieu et place de Gillian Anderson en cas de désistement de cette dernière.

  • 1121 : Knowle Rohrer se met à rechercher Mulder à 23h21.

Retour à l'index


TOP 5 SAISON 9

1) Clairvoyance : L’un des épisodes les plus aboutis émotionnellement et esthétiquement de la série, bénéficiant d’une merveilleuse musique du grand Mark Snow. Les interprètes se donnent pleinement, nous faisant lire à livre ouvert dans les sentiments déchirants de leurs personnages. Grâce à ce chef-d’œuvre, Doggett et Monica, les véritables âmes d’une saison particulièrement inégale leur devant ses meilleurs moments, connaissent la sortie en apothéose qu’ils méritent. Le reste n’est plus que littérature, y compris dans The Truth.

2) Audrey Pauley : L’épisode se révèle également très impressionnant d’un point de vue esthétique, nous narrant de plus une histoire profondément étrange. Annabeth Gish et Robert Patrick s’y montent exceptionnels. Du Fantastique de haute tenue, prouvant que finalement les séries télé pouvaient raconter quelque chose d’intéressant dans un hôpital au temps où ce lieu demeurait sans exception un sanctuaire du pathos facile. Ayons une pensée émue pour Monica qui se prend le râteau le plus mémorable de la série.

3) 4-D : Outre une très habile variation sur le grand thème de Science-Fiction des univers parallèles, l’épisode nous offre sur un plateau un serial killer de la meilleure cuvée qui ne déparerait pas dans Dexter. Dylan Haggerty nous régale d’une composition proprement terrifiante. 4-D permet également à Robert Patrick et Annabeth Gish de nous bluffer encore une fois dans diverses scènes de nature très différentes, frénétiques, émouvantes, ou amusantes. Steven Maeda confirme qu'il est le meilleur scénariste de l'ère Doggett.

4)
Une vue de l'esprit : Un remake formidablement pertinent de la Quatrième Dimension, sachant allier à merveille l’épouvante comme l’humour le plus réjouissant. Un festival de très bonnes idées comme cette autopsie d’un chat en piteux état dans la cuisine de Scully, le retour réussi de Leyla Harrison, ou le duel d’esprits entre Doggett et le gamin infernal. Ah, et puis aussi William qui fait dodo, merci mon Dieu.

5)
Improbable : Un scénario totalement ludique et fantaisiste, mais ne perdant pas de vue une authentique enquête, caractérise cet épisode marqué également par la participation d’un Burt Reynolds s’amusant visiblement beaucoup. Karl Zéro représente l’alternative effectivement la plus improbable à Mark Snow, mais finalement pertinente pour cette histoire des plus décalées. Scully tient également pleinement son rôle, un plaisir trop rare au cours de cette saison.

Retour à l'index

Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.

   

 saison 1 saison 3

X Files (1993-2002)

Saison 8

 


1/2. CHASSE À L’HOMME
 (WITHIN/WITHOUT)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

Tout le FBI se mobilise pour retrouver l’agent Mulder. Mais Alvin Kersh, le nouveau directeur adjoint, ne veut pas entendre parler de paranormal. La commission d’enquête est dirigée par le très cartésien agent John Doggett. Sa rencontre avec Scully est on ne peut plus polaire. Alors que se produisent vols d’ordinateurs et documents secrets en rapport avec Mulder, Scully et Skinner, avec l’aide des Bandits Solitaires, tentent de localiser la prochaine destination de l’OVNI qui a kidnappé Mulder. Doggett se concentre de son côté sur Gibson Praise après avoir reçu un tuyau anonyme, mais comprend rapidement que certains cadres de l’affaire dépassent ses compétences…

Critique :

La saison 8 débute, elle va voir l’arrivée d’un nouveau personnage, le solide et sceptique John Doggett, qui viendra remplacer un Mulder n’apparaissant plus que par intermittence. Si, Carter et Spotnitz recrutant une figure de la SF à l’écran pour suppléer au semi départ de Duchovny, la série enregistre l’apport du grand acteur Robert Patrick, cette absence partielle a pour conséquence de placer Gillian Anderson au premier plan.

De fait, Scully occupe une position centrale dans l’arc narratif de la saison par ses sentiments envers Mulder désormais dévoilés au grand jour, sa grossesse agitée, et le fait qu’elle occupe désormais la place de la croyante au paranormal face à un nouveau partenaire qui s’y montre aussi réfractaire qu’elle à ses débuts dans les Affaires Non Classées ! Le talent si sensible de l’actrice pour l’émotion lui vaudra d’ailleurs de nombreuses récompenses au cours de cette saison. La performance des deux acteurs, accompagnée d’un retour à une atmosphère sombre proche des origines après l’exubérance observée depuis l’installation en Californie, aboutit à un arrêt du déclin de l’audience, celle-ci stagnant à un niveau équivalent de la saison 6. Il n’en reste pas moins que la qualité des épisodes de cette saison non planifiée initialement par Chris Carter va faire débat (ou pas)…

Devant non seulement instaurer une nouvelle phase de la Mythologie, mais également introduire le futur nouveau partenaire de Scully, tout en convainquant les fans que le spectacle peut fonctionner avec un Mulder intermittent, Chasse à l’homme doit remplir un cahier des charges particulièrement exigeant et souffre de fait des inconvénients coutumiers des épisodes de transition. Ce double épisode va donc sacrifier son intrigue, demeurant simpliste et prévisible, à la mise en place de la saison. Face à l’écueil supplémentaire que représente la succession d’un épisode aussi abouti et intense que Requiem, Carter va, au cours de la première partie, intelligemment établir une rupture, un interlude différenciant les époques tout en évitant un choc frontal. L’action se déroule volontairement au ralenti tandis que les sentiments et la situation des personnages se voient minutieusement décrits en ce nouvel instant zéro de la série. Alors que, vraie révolution culturelle, Mulder cesse de constituer le héros de l’intrigue pour devenir un de ses X-Files, le spectateur découvre une Scully entièrement tournée vers le déni de la disparition définitive de Mulder et sa recherche. Son terrible cauchemar d’un Mulder à la torture (Manners a décidemment un don authentique pour l’épouvante) se révèlera une atroce vérité… 

Scully se voit secondée, sinon devancée, par un Skinner particulièrement ardent, hanté par le remords, et qui en oublie sa retenue coutumière jusqu’à mettre en péril sa position au FBI. Les observer se soutenir l’un l’autre reste particulièrement émouvant. La collaboration de Skinner avec les Bandits Solitaires montre bien à quel point la situation est grave, ainsi que son héroïque volonté d’aboutir (la relation compliquée Skinner/Bandits Solitaires sera bien mise en valeur dans Au cœur du complot).

Si les comédiens donnent une émouvante véracité à leurs personnages, l’attention se porte cependant sur le «  new kid in town  », John Doggett, habilement très différent de Mulder. Esprit solide et aiguisé, mais cartésien par nature, cet agent n’est pas préparé par son parcours classique à affronter l’univers étrange et paranoïaque dans lequel il va désormais s’aventurer. Mais là où Spender va s’effondrer, Doggett, par ses qualités morales et sa méticuleuse honnêteté, va parvenir à s’affirmer. Dépourvu du génie bondissant d’un Mulder (qu’il rejoint car ayant lui aussi sa tragédie personnelle), il va néanmoins manifester une opiniâtreté et une soif de vérité dignes du grand policier. Et s’il ne montre pas non plus l’humour pétillant de son prédécesseur, les plaisanteries et l’humour à froid de cet ancien militaire pénétré de l’importance et du sérieux de sa mission n’en brilleront que davantage quand ils se manifesteront. Robert Patrick met tout son talent et sa solide personnalité au service d’un héros qui aurait difficilement pu trouver meilleur interprète, même si durant ses premières apparitions on s’attend sans cesse à le voir se fondre dans le plancher ou transformer son bras en une lame mortellement affûtée... Avec lui, on replonge avec délices dans les sombres enquêtes des débuts de la série. Doggett est un morceau de Vancouver au milieu de la Californie, et on s’en régale.

Au fil de la saison on se prend à apprécier ce personnage si différent de Mulder, mais appelé à devenir lui aussi un combattant de la Vérité, même s’il l’ignore encore. L’intrigue a l’habileté de ne dévoiler encore que partiellement sa personnalité et son parcours, le spectateur s’identifiant habilement à Scully qui découvre l’individu avec appréhension, voire rejet. Même si, dans une grande tradition hollywoodienne, leur relation débute au plus mal (percutante scène du verre d’eau, un classique de la série), signe infaillible d’une grande amitié à venir, Chasse à l’homme se découvre aussi comme une belle rencontre entre deux personnes, à l’heure des grands choix. Si cet aspect fonctionne parfaitement, on regrette que, mécaniquement, Scully devienne « croyante » (et parano). La série cherche à reconstituer le duo antagoniste lui ayant tellement réussi par le passé, mais là on bloque quelque peu, et il en ira de même par la suite. Scully, que l’on avait tant appréciée au fil des sept saisons écoulées, demeure indissociablement marquée par le scepticisme, et c’est trop demander au spectateur qu’il adhère à une conversion, même compte tenu des évènements de Requiem. Passe encore pour Skinner, mais cette altération de la personnalité de Scully la transforme en maillon faible de la série, sans que Gillian Anderson, fabuleuse, n’ait rien à se reprocher. On n’y adhère pas tout simplement, même si la solution retenue vaut mieux que la mise en place d’un nouvel acteur interprétant Mulder. Ce phénomène s’accentuera avec l’entrée en scène de la brune Monica, qui verra Scully devenir franchement nuisible à l’instauration du nouveau couple.

Après cette mise en place et le tonitruant cliffhanger coutumier, l’histoire accélère la cadence dans la seconde partie, l’action et les rebondissements gagnant en intensité. Outre qu’il consacre d’importants moyens (superbes paysages désertiques, très Invaders) à la toujours efficace et percutante mise en scène de Kim Manners (le budget fait plus que doubler celui d’un épisode habituel), Carter entend rassurer les fans sur la pérennité de la série en introduisant deux personnages référentiels : Grayson et le Bounty Hunter, celui-ci présentant de plus l’avantage de pouvoir employer Duchovny (parfait encore ici) sans réellement introduire Mulder.

Par contre, le Boss pousse trop loin le curseur concernant une intrigue déjà bien linéaire, même si elle maintient le suspense, en la lestant également de moments déjà vus dans la série, histoire de bien enfoncer le clou. Les poursuites dans l’escalier, Scully et Skinner se braquant de leur arme, l’OVNI se révélant être un hélicoptère, et c’est incroyable comme la vie des hôpitaux se voit perturbée dans les X-Files… De plus, comme adversaire, outre le Hunter dont on commence à bien connaître le numéro (idem pour Grayson), nos héros doivent se contenter d’un bien terne Kersh. Son ascension se perçoit comme un fade palliatif à la dramatique absence du Fumeur. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé : comme tous les héros, ceux des X-Files ont besoin d’un grand adversaire pour briller, et l’absence de celui-ci laisse un vide béant. Kersh, dont l’interprète James Pickens Jr. se montre également bien moins enthousiasmant que Davis, se révèle une simple nuisance, guère plus. Le talentueux Kirk B. R. Woller s’en sort beaucoup mieux, mais Gene Crane n’aura jamais l’éclat ni la densité des fabuleux méchants de jadis. Même si Krycek, aveuglé par la haine, a refusé la succession de l’Homme à la Cigarette, on ne peut s’empêcher de penser que sa présence, comme celle de Marita, aurait considérablement relevé l’épisode. Hélas, comme cela se confirmera par la suite, Carter se révèle incapable de donner à ces deux fabuleux personnages la place qu’ils méritent dans ce nouveau tronçon de la série. À la place nous aurons les Super Soldats. Ainsi vont les X-Files… Si la conclusion demeure frappante, on regrettera également qu’elle désacralise le Hunter en le multipliant : tout comme le monstre de Alien, il y perd de son aura. C’est également un adieu car ce pilier de la série nous quitte lui aussi à cette occasion…

Si Chasse à l’homme montre des limites évidentes dans son approche proprement narrative, il n’en satisfait pas moins à un cahier des charges particulièrement exigeant : Doggett, finalement affecté aux X-Files, se voit idéalement introduit et riche de promesses, tandis que la saison 8, son décor solidement mis en place, peut désormais réellement débuter. Il lui appartiendra de convaincre… c'est heureusement ce qui se produira. Ce n'est pas un moindre exploit de voir l'acteur et le personnage composer une alternative impeccable au héros/interprète iconique de la série, un cas très rare de remplacement convaincant tout à fait.

On remarque aussi un nouveau générique pour la toute première fois de la série. Si on comprend bien entendu la nécessité de faire place à Doggett, on regrettera quelques choix malheureux parmi les nouvelles images comme la chute de Mulder accentuée jusqu’au ridicule, ou le fœtus solaire, très chic. Heureusement, l’inoubliable musique de Snow perdure.

 

Anecdotes :

  • Première apparition du troisième personnage principal de la série (ou quatrième si l’on compte Skinner qui sera crédité en tant que tel dans la saison 9) : L’agent spécial John Jay Doggett, matricule A6-27109. Voici son CV :

Né à Atlanta, Georgie.

1977-1983 : Incorpore la division n° 2 de la Marine Amphibious Unit n°24 (rebaptisée Marine Expeditionary Unit depuis 1988), une des sept forces opérationnelles Marine Air-Sol du Corps des Marines des Etats-Unis. Il en sort avec le grade de sous-officier « sergent E-5 ».

1er septembre 1982-30 octobre 1983 : rejoint la Force Multinationale de Sécurité à Beyrouth. Il est vraisemblablement rapatrié après les attentats du 23 octobre. Il quitte à ce moment-là la carrière militaire.

1987-1995 : Intègre le New York City Department (Police municipale de New York) en tant qu'inspecteur, dans la Fugitive Enforcement Division, Warrant Section.

1995 : Licencié de la FBI National Academy de Quantico. Entre au FBI la même année au Département des Enquêtes Criminelles.

2001 : Est affilié en remplacement de l'agent Fox Mulder au Département des Affaires Non Classées en collaboration avec l’agent Dana Scully.

  • Le nom de Doggett provient de Jerry Doggett, commentateur sportif associé de… Vin Scully, qui a donné son nom au personnage de Dana Scully ! Par ailleurs, l’agent Landau de l’épisode est peut-être un hommage à Martin Landau, le fameux acteur ayant joué un rôle-clé dans le film X-Files : combattre le futur.

  • Dates de la famille Mulder : William Mulder (1936-1995) ; Teena Mulder (1941-2000) ; Samantha Mulder (1965-1979).

  • Contrairement à son personnage, Jeff Gulka (Gibson Praise) ne croit pas aux extra-terrestres !

  • Mark Snow déclare que la soprano (Nicci Sill) du « thème de Scully » reflète la solitude de l’héroïne. A l’origine, elle devait chanter sur les mots « We are near », mais Chris Carter demanda au compositeur de les remplacer par une vocalise dans la version finale.

  • Within est dédié à Jim Engh, membre de l’équipe technique de la série mort électrocuté par un accident de tournage durant cet épisode. Curieusement, ses dates (1961-2000) sont celles gravées sur la pierre tombale de Mulder !

  • Il faisait entre 35 et 50°C lors des scènes tournées dans le désert (Anza Borego State Park). La scène où Mulder tombe a été filmé à un endroit appelé « Split Mountain ». Quant à l’arrière-plan de la salle de torture, elle est tirée d’un décor d’Alien.

  • Première fois que Skinner appelle Scully par son prénom, aussi bien dans la VO que dans la VF !

  • Erreurs : Teena est orthographié Tena sur la pierre tombale. La Force Multinationale de Sécurité de Beyrouth ne fut fondée que fin septembre 1982, Doggett n’a donc pas pu l’intégrer le 1er de ce mois.

  • 1013 du jour : le numéro du dossier Gibson Praise est 1013-113.

Retour à l'index


3. PATIENCE
(PATIENCE)


Scénario : Chris Carter
Réalisation : Chris Carter
 
Résumé :

Pour leur première enquête ensemble, Scully et Doggett poursuivent une « créature » qui a eviscéré un fossoyeur et sa femme. Nos agents et le shérif s’interrogent sur sa nature : humaine ou pas ? Après un nouveau meurtre, Scully découvre que l’assassin a des caractéristiques de la chauve-souris, or Doggett a découvert un article de journal de 1956 où des chasseurs auraient abattu une créature mi-humaine mi-chauve-souris ! Ils comprennent qu’ils sont mêlés à une sombre histoire de vengeance…

Critique :

Patience, marqué par une forte implication de Chris Carter, creuse le sillon entamé dans Chasse à l'homme en revenant encore plus explicitement aux origines des X-Files tant du point de vue de l'ambiance et de l'esthétique que de celui de l'intrigue. Il s'agit bien évidemment d'un choix délibéré face à la désaffection partielle rencontrée par la série au cours des deux saisons novatrices écoulées, mais un nouvel écueil se dessine alors, celui de la lassitude engendrée par la répétition. Cette navigation malaisée, inévitable pour une série aux 165 épisodes, ne connaît qu'une échappatoire : le talent. Si la série ne peut varier sa thématique sans perdre son noyau de fidèles, elle conserve l’option de séduire par un haut degré de qualité sublimant des scènes maintes fois vues, sinon éculées. Patience va en établir la brillante démonstration.

Tout l'épisode se trouve ainsi résumé dans sa scène d'ouverture, à la fois parfaitement classique dans son déroulement et enthousiasmante par son esthétisme raffiné, tout en noirceur et effets horrifiques savamment articulés. On reste pantois devant les efforts que l'équipe technique a dû déployer pour recréer l'atmosphère de Vancouver, sombre et pluvieuse, dans cette Californie jusqu'ici si radieuse.

L'épisode va continuer par la suite à distiller les clichés du temps jadis, mais portés à la perfection. Il en va ainsi du monstre semi humain, directement issu du déjà lointain Flukeman, et parfaitement terrifiant, d'autant que la mise en scène de Chris Carter sait agencer ses apparitions pour en accroître encore l'effet. Le shérif hostile à l'immixtion du FBI et aux thèses farfelues constitue lui aussi une figure régulière, mais le solide Bradford English va lui donner une dimension vociférante et machiste assez réjouissante. On retrouve des éléments familiers tout au long du récit comme cet article des années 30, la mythique séance de diapositives, ou cette fin ouverte si troublante.

L’interprétation se montre aussi très relevée. Avec de plus une intrigue en forme d'énigme parfaitement agencée, maintenant le suspense jusqu'au terme, et glaçante par ce concept de vengeance au long cours (on se situe clairement dans une ambiance à la Edgar Allan Poe), Patience retourne bien aux sources de la série avec une intensité forçant l'admiration des plus blasés. Il n'est pas exagéré de considérer qu'il en constitue comme un manifeste et une introduction idéale à présenter aux nouveaux arrivants pour leur faire saisir l'esprit et la sombre beauté des X-Files.

Mais l'épisode poursuit également Chasse à l'homme, dont il représente un véritable troisième volet par l'approfondissement et la consolidation de la relation amicale entre Scully et Doggett. Doggett, dont on apprécie l'effarement, fait ses premières armes dans le monde du surnaturel. Il doit surmonter les réticences d'une Scully ulcérée devant ce qu'elle considère comme une oblitération de Mulder (premier épisode de la saison sans Duchovny…).

Gillian Anderson, toujours souveraine dans le registre de l'émotion, exprime à merveille les souffrances de son personnage, entre sa volonté touchante de défendre la mémoire de Mulder et de demeurer fidèle à son combat (même si sa conversion au paranormal semble un tantinet forcée). Ces sentiments exacerbés débordent sur son comportement, et il faut bien avouer que Scully réserve un accueil polaire au pauvre Doggett, avec lequel elle se montrera un temps particulièrement cinglante. On ne saurait lui en vouloir, car on perçoit la douleur qui s'exprime ainsi, mais on apprécie que la série n'édulcore pas ses personnages et montre crûment leurs sentiments, jusqu'à la violence.

De son côté, Doggett manifeste une compréhension et un tact des plus admirables (Patrick impressionne par sa justesse), retrouvant les ressources d'humanité dont il avait fait preuve précédemment. Patience (écrit par Carter) devient ainsi un récit psychologique très abouti, nous décrivant la rencontre et la révélation mutuelle de deux individus finalement si semblables. Entre respect mutuel et identique soif de vérité dépassant leurs opinions contraires sur le paranormal, c'est ainsi une indéfectible amitié qui achève de se nouer entre Doggett et Scully. Les deux agents s'échangent déjà des confidences particulièrement émouvantes, ce qui se poursuivra par la suite. Finalement, Scully, s'identifiant au spectateur, remise le panonceau « Fox Mulder », indiquant que si, bien entendu, Doggett ne remplace ce dernier, il a bien toute sa place dans ce service très particulier que sont les Affaires Non Classées.

Si par son classicisme revendiqué il manque à Patience ce souffle supplémentaire caractérisant les plus grands épisodes, il n'en constitue pas moins un retour aux sources des plus convaincants et un approfondissement prometteur de la relation Scully/Doggett. Débutée sous les meilleurs auspices, cette saison 8 continue à joliment tracer son chemin.

 

Anecdotes :

  • Générique encore changé : suppression de David Duchovny et remplacement des images de Tooms par Scully et Doggett marchant dans la nuit une lampe à la main, de manière analogue.

  • Malgré tout, Scully dit ne jamais prendre de lampe torche.


4. UN COIN PERDU
(ROADRUNNERS)



Scénario : Vince Gilligan
Réalisation : Rod Hardy
 
Résumé :

Perdu dans le désert de l’Utah, un homme monte dans un car qui passe par là. Mais le car s’arrête bientôt pour laisser les passagers le lapider ! Scully part enquêter et arrive dans un petit village isolé de tout, mais les habitants font en sorte qu’elle reste prisonnière. Elle se voit contrainte de soigner un homme gravement affaibli qui cache quelque chose dans son corps. Doggett tente de retrouver la trace de Scully…

Critique :

L’histoire, une nouvelle fois très classique, renoue avec un thème populaire des films d’épouvante américains que l’on peut faire remonter jusqu’à Lovecraft et Innsmouth : les héros urbains croisant pour leur malheur une communauté isolée de dégénérés ou une secte maléfique. Si la première version avait bénéficié d’une grandiose illustration avec La meute, la seconde eut moins de chance avec l’extrêmement médiocre Une petite vie tranquille. Tout à leur travail de refondation développé depuis le début de la saison, les X-Files vont redresser le cap en nous offrant un épisode à la thématique semblable, mais autrement dense et prenant dans son traitement.

Un élément-clé de la réussite de ce type d'histoires réside dans la progressivité de l’effroi gagnant les personnages quand ils se rendent compte peu à peu de l’horreur de leur situation, prise de conscience simultanée à celle du spectateur qui ainsi s’identifie à leur malheur et vit pleinement leur angoisse. Or, ce dégradé est parfaitement établi par un Vince Gilligan qui, même quand il renonce à sa prédisposition naturelle pour l’humour, n’en reste pas moins un auteur de scénarios particulièrement talentueux et solide.

Après l’introduction énigmatique et horrifique à souhait, nous retrouvons une Scully se complaisant toujours dans une posture très mulderienne : partir à l’improviste en suivant une piste paranormale et ensuite seulement daigner avertir son partenaire. Mais Scully n’a pas la surhumaine maîtrise des dossiers non classés du disparu et se voit contrainte de demander l’assistance de Doggett, avec quelques grimaces d’embarras assez réjouissantes.

Après ce prélude détendu, c’est une longue et implacable descente aux enfers qui attend notre héroïne, ponctuée par divers paliers (l’essence, le téléphone, le malade, le bus, la capture, la révélation du monstre…), mais demeurant suffisamment fluide pour garder tout son pouvoir de fascination. L’écriture est parfaite, d’autant qu'elle montre une Scully bien loin des jeunes écervelés peuplant ce genre de films (hormis les survivants), et qui, voyant dès le début ce qui se déroule, tente de s’y opposer de toutes ses forces ; un combat haletant, hélas sans résultat, mais cette lutte donne une intensité supplémentaire au récit.

L’épisode illustre clairement le passage au premier plan opéré par Scully durant cette saison, comme émancipée par le départ de Mulder. La progression de l’intensité dramatique finit par déboucher sur un pur cauchemar passablement gore où le jeu déjà excellent de Gillian Anderson devient véritablement incandescent, annonçant certaines intonations de Straightheads. L’épisode peut également compter sur la réalisation impeccable de Rod Hardy et d’excellents comédiens comme le si mielleux Lawrence Pressman ou Conor O'Farrell (Dark Skies, Medium…)  dans le rôle d’un shérif heureusement coopératif. L’équipe des effets spéciaux fait encore des prodiges avec ce monstre demeurant dans un mystère bienvenu, mais évoquant curieusement la forme et le modus operandi des Goa'ulds de SG1, la série rivale au long cours. Un clin d’œil ?

Après l’intervention réussie d’un Doggett, on s’étonne tout de même de voir Scully encore en vie après les dégâts subis et prête à repartir quelques jours plus tard avec un simple pansement. On va finir par croire à cette théorie issue de Photo mortelle : la Mort l’aurait oubliée ! On remarque que Doggett ne mâche pas ses mots, indiquant clairement qu’il entend être un partenaire à part entière, ce que Scully admet. Un coin perdu positionne bien la relation avec Scully : la relation professionnelle déséquilibrée entre Mulder (clairement locomotive) et Scully ne sera pas remplacée par une dissymétrie opposée, mais bien par un rapport d’égal à égal.

Encore une fois, les X-Files revisitent ici leurs fondamentaux avec une efficacité des plus convaincantes, l’inévitable contrepartie demeure que le classicisme de l’intrigue empêche l’épisode d’atteindre les cimes de la série, mais l’impact horrifique de l’histoire vaut néanmoins largement le coup d’œil et dépasse bien des productions plus longues sur grand écran. Pour retrouver la succession de « remakes » d’épisodes des Avengers signalée durant la saison précédente, c’est bien entendu à Voyage sans retour auquel nous avons ici affaire !

 

Anecdotes :

  • Vince Gilligan déclare qu’il a été inspiré par le film Un homme est passé (Bad day at Black Rock, 1955) réalisé par John Sturges. Dans le film, un étranger arrive dans un village fermé et suspect qui n’apprécie pas sa venue, comme Scully arrivant dans le village de l’épisode.

  • L’hôpital de la fin est sensé être en Utah, mais il a le drapeau du Kansas.

  • La « petite bête » de l’épisode est une limace animatronique. D’après le producteur Paul Rabwin, lors de la scène où Doggett arrache la peau de Scully pour la lui retirer, plusieurs cameramen se sont sentis mal !

  • On entend dans l’épisode la chanson Lockdown de Richard Wolf et Jervae Johnson.

Retour à l'index



5. INVOCATION
(INVOCATION)



Scénario : David Amann
Réalisation : Richard Compton
 
Résumé :

1990. Un homme épie Billy, 7 ans. Quelques secondes plus tard, Billy disparaît sans laisser de traces ! 2000. Lisa vient chercher son second fils Josh à l’école et découvre avec stupéfaction que son fils Billy est réapparu à l’endroit où il a disparu ! Mais en dix ans, l’enfant n’a pas vieilli, est désormais muet, et met toute sa famille sur les nerfs par ses apparitions et disparitions incessantes. Doggett fait preuve d’un investissement inaccoutumé dans cette affaire, tandis que Scully s’interroge sur la nature paranormale de l’enfant…

Critique :

David Amann nous régale ici d’une histoire subtilement agencée, exploitant à merveille l’énigme représentée par Billy en multipliant les embûches. Après un lancement ressemblant fort à celui des Calusari, l’intrigue sème de façon similaire les indices nous faisant croire à une créature diabolique (couteau sanglant, réaction archétypale du chien…), ou bien à une faille temporelle, mais en sachant laisser planer un doute délicieusement déstabilisateur pour le spectateur. Celui-ci participe de manière très ludique à l’enquête en cours, se forgeant son opinion au fil des indices parfois contradictoires et des spectaculaires apparitions de Billy.

L’exercice se voit rehaussé par la présence d’un faux coupable très convaincant. La mise en scène de Richard Compton se montre anxiogène à souhait, avec une musique de Snow particulièrement expressive. Le spectateur ne se contente pas d’analyser les péripéties de l’enquête mais ressent bien l’effroi suscité par l’enfant.

L’interprétation de tous les personnages se montre de fait parfaitement convaincante, la palme revenant bien entendu aux jeunes Kyle et Ryan Pepi (des jumeaux !), à l’étrangeté silencieuse vraiment glaçante. Évidemment, on pourrait rester quelque peu frustré par la résolution finalement très classique, renouant avec un grand thème du Fantastique, notamment très présent dans Medium. Le personnage de la voyante se rapproche d’ailleurs d'Allison DuBois, le personnage réel ayant inspiré cette excellente série (avec une manifestation un peu trop spectaculaire). Mais cela n’entache que légèrement la réussite cet épisode, dans la ligne de cette saison revenant avec bonheur aux fondamentaux, et où les X-Files continuent de manifester un savoir-faire enthousiasmant.

Le couple Scully/Dogett, si efficacement introduit au cours des épisodes précédents, se positionne désormais en ordre de marche (le policier, la scientifique). Scully se montre plus ouverte que jamais au Paranormal, évoquant notamment la possibilité d’un enlèvement extra-terrestre. On a beau faire, on du mal à s’y habituer ! Cependant, le personnage demeure ici un tantinet schématique, entre questions sans réponses et conseils quelque peu sentencieux adressés à son collègue. En effet, sans que cela empiète sur son sujet principal, Invocation se centre davantage sur Doggett, dont la faille intime, la disparition de son fils, se voit ici introduite, induisant un comportement exalté qui n’est pas sans rappeler les fixations de Mulder concernant Samantha. Robert Patrick apporte une vraie densité à son personnage et confirme sur la durée l’excellence de son choix pour suppléer à l’absence de Duchovny.

 

Anecdotes :

  • Première référence au fils décédé de John Doggett : Luke. Le mystère entourant sa mort ne sera résolu que dans Clairvoyance (saison 9).

Retour à l'index


 

6. COMBATTRE LE PASSÉ
(REDRUM)



Scénario : Steven Maeda, d’après une histoire de Steven Maeda & Daniel Arkin
Réalisation :
Peter Markle

Résumé :

Le juge Martin Wells se réveille un samedi en prison. Il ne se souvient de rien. Scully et Doggett (un de ses amis) lui annoncent qu’il sera transféré dans une autre prison. Mais il est alors assassiné par le père de sa femme car il aurait tué cette dernière. Le lendemain, Wells, bien vivant, se réveille… vendredi !! Et est jugé par un tribunal qui confirme sa sentence et son transfert demain ! Wells comprend que son temps n’est plus celui de la réalité. Stupéfié, il tente de sortir de ce terrible piège temporel et de trouver le vrai assassin de sa femme. Mais Wells est-il vraiment innocent ?…

Critique :

Combattre le passé (les ineffables traducteurs français se sont surpassés) vient compléter la trilogie temporelle des X-Files, après le classique voyage dans le passé d'Aux frontières du jamais (oui, les mêmes manifestaient déjà une belle énergie) et le glacial verrou de Lundi. Cette anthologie dans la série se montre toujours plus ambitieuse car elle s’attaque désormais au thème toujours très risqué que représente la déstructuration temporelle, que cela soit des temps différents cohabitant dans un espace contigu, ou comme ici, une inversion du flux temporel. Ce sujet hautement spéculatif, rarement abordé mais produisant des chefs-d’œuvre comme bien entendu l’immense À rebrousse temps de Philip K. Dick ou Memento au cinéma, nécessite une parfaite rigueur d’écriture, qualité dont fait résolument preuve cet épisode.

La solide intrigue de Steven Maeda, assisté par Daniel Arkin, va en effet jusqu'au bout du concept avec des réactions parfaitement logiques dans l’absurde du héros, mais aussi des autres intervenants, de même qu’un agencement des évènements implacable et d’une parfaite cohérence. Outre son versant paranormal, l’histoire se double également d’un remarquable thriller où abondent fausses pistes et rebondissements, soutenus par une mise en scène de Peter Markle aussi tendue et lugubre que l’on était en droit de l’espérer.

La thématique de l’araignée et de sa toile reste une remarquable idée, renvoyant aux Parques et à l’inéluctabilité du destin. L’interprétation paraît au diapason avec notamment Danny Trejo, guest des plus convaincants en brute latino, mais surtout un Joe Norton émouvant, retrouvant Robert Patrick (un ami proche) après Terminator !

L’auteur manifeste également une belle audace en reléguant Doggett et Scully (chacun bien saisi dans sa partition jouée depuis le début de la saison) au second plan, se centrant habilement sur les émotions et le désespéré combat contre la montre de Wells. Une clairvoyance payante, évoquant la réussite de Appétit monstre de la saison précédente, et permettant une immersion totale pour le spectateur tout au long de ce véritable cauchemar.

Cette impression onirique ne doit d’ailleurs rien au hasard, tant Redrum paraît être un hommage à Peine Capitale, un classique de la Quatrième Dimension où un condamné à mort ne cesse de se réveiller pour revivre son exécution dans un rêve sans issue. L’épisode se conclut sur une note particulièrement amère, Wells ne retrouvant pas la liberté à la conclusion de son étonnante odyssée. Quelque soit le sens de la marée du temps, les happy endings demeurent toujours aussi rares dans les X-Files

Récit emprunt d’un fantastique de haute volée, Redrum (murder à l’envers, un clin d'œil à Shining) s’insère de plus à merveille dans cette saison 8 brillant jusqu’ici par des épisodes classiques mais relevés, lui apportant un souffle créatif au moment où son besoin s’en faisait ressentir. Tout juste regrettera-t-on que l’astucieuse image de la montre de Scully fonctionnant à rebours indique clairement une marque déjà plusieurs fois apparue au cours de la série…

 

Anecdotes :

  • Dans la scène de la cour de prison, le grain de beauté de Wells passe d’une joue à l’autre suivant les plans. De plus, quand Wells prend la caméra cachée, le cache-objectif est toujours là, ce qui devrait empêcher la caméra de tourner.

  • Le numéro du dossier de l’affaire Martin Wells est 8ABX03, le numéro de production de cet épisode (diffusé toutefois en sixième position cette saison).

Retour à l'index


7. VIA NEGATIVA
(VIA NEGATIVA)


Scénario : Frank Spotnitz
Réalisation : Tony Wharmby

Résumé :

Deux agents du FBI enquêtent sur une secte. Ils trouvent dans son sanctuaire les membres de la secte tous assassinés dans leur sommeil d’un violent coup de hache ! Les deux agents sont à leur tour assassinés par un homme qui possède un troisième œil, et leurs cadavres retrouvés dans des pièces fermées de l’intérieur !! Scully, souffrante, est à l’hôpital, et délègue l’affaire à Doggett et Skinner qui partent à la recherche d’Anthony Tipet, le gourou de la secte. Doggett se rend compte que l’arme du crime n’est pas une hache mais en fait l’esprit surpuissant de l’assassin…

Critique :

Le fantastique onirique constitue un sous-genre qui, par nature, nécessite pour vraiment fonctionner une vive imagination, ainsi qu’un jeu subtil sur la ligne floue séparant rêve et réalité. Wes Craven l’a démontré à la perfection dans Les Griffes de la nuit, mais également les X-Files eux-mêmes dans des épisodes fort réussis (Cœurs de tissu, Spores). Malheureusement, ces indispensables ingrédients font cruellement défaut à Via Negativa.

Hormis la relative surprise du Troisième Œil, l’épisode reste constamment terne, n’offrant qu’une invasion de rats des plus classiques (et remémorant Teso Dos Bichos) ainsi que quelques effets faciles, comme la tête de Scully (avec de plus une probabilité nulle qu’elle soit tuée par Doggett, ce qui vide le procédé de sa substance) ou ces sables mouvants tant vus ou revus. On se situe très loin des surprenants effets lumineux de Cœur de tissu ou de sa connexion audacieuse avec la Mythologie.

Via Negativa échoue également à distiller un doute ludique sur la situation de Doggett dont on sait toujours précisément s’il demeure dans la réalité ou entre dans le domaine du Rêve. Une scène nuit en particulier à l’épisode : à la fin, Doggett ne sait plus s’il dort ou non et, alors que ce trouble devrait être partagé par le spectateur, nous savons qu’à l’évidence il est en train de rêver. On ne pénètre pas dans un labyrinthe similaire à Spores, ce qui empêche l’épisode de fonctionner, en plus de faire échouer totalement sa conclusion.

Si la réalisation de Whamby demeure empreinte de savoir-faire, de plus soutenue par la musique ad hoc de Snow, elle abuse cependant de l’obscurité comme cache-misère et manque d’allant. Le fantastique onirique de Via Negativa apparaît non seulement fade, mais aussi verbeux, car le tout se voit noyé par ce salmigondis pseudo mystique saisissant parfois la série depuis La Sixième extinction, une véritable plaie suppurante.

Et pourtant, l’épisode ne manque pas d’atouts, à commencer par le talent toujours vivace des artistes de la série avec des effets spéciaux et des maquillages comme si souvent parfaitement convaincants. Tandis que l’on apprécie toujours autant de voir Skinner abandonner la posture de l’homme-tronc pour sortir de son bureau et participer à l’enquête (il bénéficie lui aussi de la place vacante laissée par Mulder), Robert Patrick nous offre un superbe numéro de comédien, sur un registre original voyant son solide personnage dévoré par le doute puis la peur. Évidemment, il doit cet espace à une mise en retrait de Scully qui n’apporte rien sur le plan narratif. William n’est pas encore arrivé qu’il se montre déjà envahissant.

La série enregistre également l’apport d’un guest de haute cuvée avec Keith Szarabajka, qui sera notamment Daniel Holtz, l’un des adversaires les plus déterminés et vicieux d’Angel (apparu également dans Equalizer, Profit, 24h chrono, Prison break, The Dark Knight, etc.). Et surtout, Doggett connaît sa première confrontation avec des Bandits Solitaires très toniques. La scène est hilarante, entre le Trio faisant passer ce qui ressemble bien à un bizutage à Doggett, de même que le stoïcisme de ce dernier, passant outre ce qu’on imagine très bien qu’il ressent face à cette histoire « d’assassin psychique de la CIA » pour le bien de l’enquête. Finalement, il réussit haut la main son oral, et le spectateur rejoint le Trio quand ce dernier admet qu’il n’est pas mal pour un nouveau !

Malheureusement, ces à-côtés ne pallient que bien partiellement à l’échec narratif de Via Negativa, dont le titre reste révélateur de son contresens dans cette excellente saison 8.

 

Anecdotes :

  • Un des épisodes préférés de Robert Patrick. Surtout parce qu’il avait l’occasion de jouer autrement son personnage, ici plus fragilisé et angoissé.

  • Le titre de l’épisode est un terme latin désignant une voie de ténèbres qu’un esprit corrompu peut emprunter, loin d’un accomplissement spirituel positif.

  • André Bormanis, le « fournisseur » de Tipet, tire son nom d’un ami de Frank Spotnitz qui a travaillé à la NASA.

  • Dans l’annuaire des médecins se trouvant dans le Washington National Hospital, figurent trois noms bien connus : C.Carter, D.Scully, et C.Kaplan (Corey Kaplan est la production designer de la série).


8. À COUP SÛR
(SUREKILL)


Scénario : Greg Walker
Réalisation : Terrence O’Hara

Résumé :

Carlton Chase se rue en pleine nuit au poste de police, hurlant que quelqu’un va le tuer. Incontrôlable, on l’enferme dans une cellule close, mais il est certain que cela n’arrêtera pas le tueur. Effectivement, il se fait tuer quelques secondes plus tard ! Ne tardant pas à comprendre que l’assassin a tiré à partir du toit, Scully conjecture que le tueur devait avoir une vision à rayons X. L’enquête mène Doggett et elle à une petite société de dératisation tenue par deux frères jumeaux aveugles et la petite amie de l’un d'eux, qui s’occupe certainement d’autre chose que de tuer des rats…

Critique :

Certains épisodes des X-Files, plus faibles que la moyenne, se bâtissent sur une seule bonne idée sans rien développer. Surekill parvient à l’exploit de faire de même, mais à partir, lui, d’un concept vraiment limité. À part le trucage de la vision X dont Smallville nous abreuvera jusqu’à satiété par la suite, l’histoire se cantonne à du simple remplissage avec une intrigue sentimentalo-policière vraiment rachitique. Décidément, les X-Files ne sont pas solubles dans le policier classique !

Si comme toujours dans cette série l’interprétation est excellente, les personnages, criminels basiques, ne dégagent aucun intérêt entre la femme fatale à la petite semaine, le Joe Dalton rapidement aussi insupportable pour le spectateur que pour ses acolytes, ou le classique individu vivant son pouvoir comme une malédiction – particulièrement bien défendu il est vrai par Patrick Kilpatrick. Ce dernier sera plus tard l’un des meilleurs Terminators de Sarah Connor Chronicles, et le voir confronté au T1000 constitue l’une des rares curiosités du récit (on s’occupe comme on peut).

On ne s’intéresse pas du tout à cette histoire d’une trivialité telle que l’on s’étonne de voir les Affaires non classées mettre tout un épisode pour la résoudre tant les indices semblent à portée de main (on a parfois l’impression de regarder Trop d’indices). Tandis que la réalisation ne fait qu’accompagner le rythme lent de la si prévisible intrigue, on regrette vraiment la fantaisie pétillante et la flamme de Mulder, tant Scully débite la thèse paranormale du jour comme un cours de médecine sentencieux et pesant.

Cette histoire fleurant bon l’exploitation facile du filon du super héros finit par faire ressembler les X-Files à un épisode standard de Heroes (ou à un 4 400 particulièrement raté, c’est équivalent). Au total l’épisode va à coup sûr dans le mur plutôt qu’il ne le traverse !

 

Anecdotes :

  • Cet épisode est dédié à Gregory Nathan Boniface (1970-2000). Cet acteur et cascadeur faisait partie de l’équipe des X-Files mourut suite à un accident d’automobile. Cet épisode fut le dernier auquel il participa.

  • Un point commun entre Mulder et Doggett : ils aiment bien faire référence à Elvis !

  • Doggett déteste les jumeaux (Ils ne se balancent jamais l’un l’autre).

  • Références à Superman (Calling Clark Kent), et au Parrain (le « truc » du pistolet).


9. DUR COMME FER
(SALVAGE)


Scénario : Jeffrey Bell
Réalisation : Rod Hardy

Doggett : What are you saying ? Ray Pearce has become some kind of metal man ? 'Cause that only happens in the movies, Agent Scully.
Scully : Does it, Agent Doggett ?

Résumé :

Ray Pearce est mort à la suite d’une maladie mystérieuse. Le soir de son enterrement, Curt Delario, ami de sa veuve, prend sa voiture quand il aperçoit un homme au milieu de la route, il freine trop tard… mais c’est la voiture qui se brise sous le choc ! « L’homme » tue alors Curt en enfonçant ses doigts dans son visage ! Scully et Doggett enquêtent et découvrent que l’assassin a laissé des traces qui sont celles… de Ray Pierce ! Scully envisage que Ray a ressuscité sous forme d’homme de métal, et qu’il veut se venger de tous ceux qu’il estime responsables de son état…

Critique :

Après le trou d’air d'À coup sûr, la saison 8 en revient à son trait principal : le retour aux classiques de la série accompagné d’une grande qualité et d’un nouveau duo d’enquêteurs. On retrouve ainsi le thème déjà bien usité de la vengeance post-mortem (Vengeance d’outre-tombe, La liste, L’ombre de la mort, Mystère vaudou, Invocation…) même si le décès ouvre ici sur une nouvelle forme d’existence particulièrement cauchemardesque.

La mise en scène de Rod Hardy se montre sobrement efficace, profitant d’effets spéciaux réussis (notamment lors d’une spectaculaire introduction), mais pâtissant également de quelques maquillages faciaux pour une fois décevants. L’intrigue suit le rituel commun à toutes ces histoires et cet obstacle de la répétition du thème aurait pu se révéler difficile à franchir. Fort heureusement, Jeffrey Bell va introduire plusieurs notions élargissant le champ du récit.

La série retrouve ainsi son ton parfois contestataire pour évoquer les expérimentations réalisées sur les soldats américains durant la guerre du Golfe, même s’il ne s’agit ici que d’une fausse piste. Au-delà, elle se livre à une critique acerbe de ce progrès scientifique sans frein caractérisant la recherche du profit dans nos sociétés, ouvrant de bien périlleuses boîtes de Pandore, avec une bonne conscience des protagonistes aussi irritante que désarmante. Face aux risques multiples que développe notre société industrielle, notamment la gestion des déchets (on se situe ici à l’ombre de Seveso et de Bhopal), Jeffrey Bell pointe bien le problème aigu de la dilution fréquente des responsabilités, entraînant une incertitude sur le responsable du drame originale dans ce type de récit.

L’histoire culmine aussi à une rare horreur avec un parallèle aussi glaçant que circonstancié entre l’évolution physique de Pearce et la destruction concomitante de son humanité, un choix très efficace dans lequel on peut voir une parabole sur le prix à payer pour notre inféodation aux machines. On regrettera le sursaut final qui apporte une conclusion un rien larmoyante, d’autant qu’elle se voit lourdement commentée par une Scully décidément très prêchi-prêcha ces derniers temps. L’ultime image reste cependant terriblement poignante !

Ce dense récit renouvelant le genre tout en en respectant les fondamentaux trouve son interprète idéal en la personne de Wade Williams, le futur chef gardien Bellick de Prison Break, déjà remarquable de violence contenue explosant par à-coups, et d’une présence effectivement minérale. Le reste de la distribution apparaît nettement plus faible.

Le duo Scully/Doggett, désormais totalement rodé, ne produit guère d’étincelles durant cet épisode, mais cette histoire d’humain se transformant progressivement en Cyborg tueur évoque irrésistiblement Terminator, et l’épisode ne rate pas l’occasion d’un clin d’œil particulièrement amusant au T1000 : Robert Patrick s’exclamant ainsi qu’un homme de métal, cela ne se voit qu’au cinéma, et Scully lui demandant s’il en est bien certain ! Un éclat de rire des plus vivifiants dans une histoire indiciblement sombre, même à l’échelle des X-Files.

Il s’agira hélas de la plus faible audience de la saison (avec quand même 11,7 millions de spectateurs). On saluera également la nullité plus manifeste que jamais de la traduction française du titre !

 

Anecdotes :

  • Autre référence à Terminator : Ray Pierce dit « Get out ! » à la femme de l’hôtel de la même manière que le T-800.


10. À L’INTÉRIEUR
(BADLAA)



Scénario : John Shiban
Réalisation :
Tony Wharmby

Résumé :

Hugh Potocki, homme d’affaires, méprise un mendiant sans jambes durant un voyage en Inde. En revenant à Washington, il meurt en saignant de tous les côtés de son corps ! Plus tard, un second cadavre est retrouvé, et Scully constate qu’une perte de 17 kilos a suivi la mort. Elle en vient à penser que l’assassin serait un fakir doté de grands pouvoirs comme celui « d’entrer » dans un corps sans laisser de traces…

Critique :

Dans leur édification d’un panorama global du surnaturel, les X-Files se sont fréquemment intéressés aux croyances non occidentales en provenance des quatre coins du monde, avec des résultats de diverses natures, d’excellent (Anasazi, Teliko, Calusari…) au franchement plus discutable (Mystère vaudou, La règle du jeu…). Hélas, À l’intérieur se situe sans conteste dans la seconde catégorie tant il souffre des mêmes tares qu'À coup sûr : intrigue vraiment minimaliste au point d’apparaître comme une caricature, quelques facilités scénaristiques (Trevor réapparaissant pile devant Doggett et Scully, réapparition inexpliquée du Fakir), mise en scène sobrement efficace sans plus, argument limité, la répétition ad nauseam de la faculté étrange du jour, interprétation sans guère de relief hormis le guest principal…

Un tel épisode aurait pu s’insérer avec succès dans les premiers temps de la série, mais l’usure de ce type d’histoire de vengeance force le retour aux origines développé par cette saison 8 à une exigence de qualité sans cesse renouvelée pour échapper au piège de la lassitude. Or, l’épisode ne parvient pas un seul moment à s’y hisser, d’autant que son aspect revendicatif se voit lesté d’une image bien trop caricaturale (l’Occidental obèse et méprisant face au chétif mais digne indigène) pour entraîner totalement la conviction.

L’épisode ne paraît certes pas dépourvu d’atouts, à commencer par la formidable prestation de Deep Roy, bien connu des amateurs des New Avengers (Cible) dont on remarquera qu’il est également ici muet et qu’il prend pareillement l’apparence d’un enfant… Si l’acteur impressionne par la haine silencieuse qu’il exprime, suscitant un personnage à la terrifiante anormalité (on pense parfois à Chucky !), la répétition des mêmes effets tout au long des épisodes, dépourvue de la justification d’une véritable histoire, finit cependant par en atténuer considérablement l’impact.

On s’amuse de  voir sortir Doggett et Scully de leur réserve pour entamer un amusant duel d’hypothèses rappelant l’époque Mulder, un mouvement malheureusement gâché par un final un rien mélodramatique de la part de Scully. Le modus operandi utilisé par le Fakir ressort bien plus original qu’un pouvoir basique de super héros, et autorise de plus quelques effets gores assez croquignolets. L’autopsie du jour de Scully est ainsi un régal : voici une série dans la série dont on ne se lasse pas ! Pour sa dernière apparition dans la série, Burks se montre très amusant. Malheureusement, ces divers éléments demeurent périphériques et ne peuvent pallier au manque de substance et d’originalité de l’épisode.

 

Anecdotes :

  • Doggett a vu son premier cadavre à 20 ans alors qu’il servait dans les Marines. Ayant intégré les Marines en 1977, on peut présumer qu’il est né vers 1957.

  • Episode le moins aimé du producteur Paul Rabwin.

  • Badlaa est un terme undu (dialecte indien) signifiant « vengeance ».

  • A l’origine, le « petit homme » devait entrer dans les corps de ses victimes par l’oreille. Chris Carter déclara « Je sais ce qui est mieux », et proposa la fameuse scène de l’autopsie de Scully où la main sort du ventre.

  • Erreur dans le générique : David Duchovny est à nouveau crédité alors qu’il n’apparaît pas dans l’épisode. On distingue par ailleurs la perche lorsque Scully et le principal entrent dans la salle de classe où se trouvent le Beggar et Quinton.

11. DÉVOREUR D’ÂMES
(THE GIFT)


Épisode Semi-mythologique

Scénario : Frank Spotnitz
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

6 mai 2000, une semaine avant son enlèvement, Fox Mulder entre dans une maison de Pennsylvanie et tue de trois balles une « créature » qui s’approchait d’une femme. Doggett apprend que Mulder est allé là-bas en fouillant ses affaires et décide d’en savoir plus. Il se heurte à une conspiration du silence de la ville, mais persiste à découvrir qui était la créature et les motivations de Mulder à être venu…

Critique :

De l’art d’y être sans y être tout en y étant. Dès son préambule particulièrement mystérieux, l’épisode introduit son argument choc : le retour de Mulder ! Mais l’on comprend fort vite, et c'est bien une vérité aussi cruelle qu'injuste pour le formidable travail accompli jusqu'ici par Robert Patrick qui transparaît ici : les retrouvailles, même biaisées, avec Fox Mulder apportent immédiatement un surcroît d'intensité à l'intrigue et une vraie émotion au spectateur, tant la série demeure indéfectiblement liée à son personnage fondateur.

Et pourtant, le véritable intérêt de l'histoire réside bien dans la personnalité de Doggett sur lequel se centrent les évènements, car Scully n'apparaît également que par quelques reprises d'épisodes précédents (sans que l'on puisse parler de clip show). Spotnitz se montre une nouvelle fois un scénariste hors pair, car il va développer une trame policière particulièrement solide convenant idéalement à Doggett. Celui-ci va briller de toutes ses qualités de policier tenace, habile mais aussi sans concessions car n'informant pas Scully de l'affaire, estimant qu'elle peut y être mêlée (une élégante justification de l'absence de Gillian Anderson).

On suit avec un réel plaisir cette enquête dynamique et au mécanisme efficacement agencé, entre indices, interrogatoires, études des chronologies, recours aux diverses ressources du FBI... De la belle ouvrage, classique, mais diablement prenante, d'autant que l'énigme révèle un dénouement inattendu de bon aloi dans la grande tradition du genre. Doggett ne bénéficie pas d'intuitions géniales, mais compense cet handicap par un travail policier rigoureux et acharné, un ton nouveau bienvenu apportant un relatif renouvellement de la série. Skinner profite lui aussi de l'espace vacant pour quitter une nouvelle fois son bureau, mais il apparaît ici clairement sacrifié à la figure de Doggett, n'intervenant qu'en périphérie. Il apporte néanmoins une dimension supplémentaire à ce versant policier, avec une fenêtre ouverte sur les intrigues du Bureau et les menaces planant sur Scully. Spotnitz ne néglige aucune potentialité de pimenter son intrigue !

L'aspect fantastique de l'histoire se connecte de manière très fluide au policier grâce à l'honnêteté intellectuelle de Doggett et à sa soif de vérité. Il se montre également très réussi grâce à un monstre de la Semaine impressionnant, étonnant mélange de Mutato et du Diable du New Jersey. Le récit lui insuffle une émouvante humanité tandis que les personnages humains, à commencer par l'imposant shérif, connaissent un subtil dégradé de la sympathie jusqu'à la violence homicide, demeurant toutefois habilement ambivalente car motivée par un souci de protection des éléments malades de la communauté.

Le récit de Spotnitz développe également une discordance agréablement déstabilisante entre la bonté du monstre et son apparence horrible, ainsi qu'entre son don prodigieux et la manière abominable dont il s'opère (qui nous vaut d'ailleurs quelques passages gores assez stimulants). Une épouvante de qualité, d'une dimension aussi littéraire qu'audacieuse dans son propos (notamment par l'étonnante personnalité du héros).

L'épisode se voit soutenu par une interprétation sans failles, au premier rang de laquelle figure une nouvelle fois l'enthousiasmant Robert Patrick. La mise en scène de Kim Manners se montre également d'un rare impact, utilisant une très large gamme d'effets avec un goût très sûr et une réelle imagination (image mordorée des flash back, judicieux angles de caméra sur le monstre, jeux d'ombres et de lumières très esthétiques, opération « post mortem »...), tandis que la musique de Snow et les maquillages comme si souvent incroyables concourent pleinement à l'ambiance. Spotnitz achève la réussite de cet épisode particulièrement dense avec une pétillante intervention de Bandits Solitaires tirés du lit. Outre les dialogues amusants, on relèvera que la tenue de nuit de ces Messieurs révèle leur personnalité : robe de chambre rouge de tombeur pour Frohike, plus proprette et d'un chic classique pour Byers, et du simplement n'importe quoi pour un Langly dépenaillé et sans pantalon ! Encore une fois de quoi regretter le recours à Google de I want to believe...

Enfin, The Gift (un titre convenant idéalement à cet épisode si relevé) présente l'ultime intérêt d'évoquer des souvenirs aussi précieux que nostalgiques pour les amateurs de grandes séries fantastiques. Un petit village isolé dans les bois et abritant de lourds secrets, un cacique omniprésent et à la forte personnalité, un démon (certes spécial) errant dans la nature, des évènements surnaturels, un agent du FBI venu enquêter et désormais disparu… L’épisode prend parfois comme des allures d’hommage à cette grandiose série qu’est Twin Peaks, et l’on se prend volontiers à rêver d’un Doggett venant découvrir ce qu’il est advenu de Dale Cooper…

Récit virtuose et manifeste éclatant du savoir-faire unique toujours détenu par les X-Files en cette huitième saison, The Gift se permet de conclure sur l’image troublante d’un Doggett entrevoyant Mulder devant son bureau. Image prophétique, car le retour tant espéré approche désormais à grands pas…

 

Anecdotes :

  • David Duchovny réapparaît dans cet épisode. 6e (et dernier) épisode sans Scully, présente seulement dans le flash-back initial.

12. LUMINESCENCE
(MEDUSA)


Scénario : Frank Spotnitz
Réalisation :
Richard Compton

Résumé :

Le cadavre d’un officier est retrouvé dans le métro, le visage atrocement dévoré ! Le sous-directeur des transports laisse cinq heures à Doggett et une équipe d'intervention pour trouver l’assassin qui se cache dans les tunnels du métro, Scully supervisant l’opération depuis un poste de commande. Ils se rendent bientôt compte que le responsable est un virus mortel extrêmement contagieux qui s’est infiltré dans les tunnels. Mais quand ils font cette découverte, ils sont bien trop loin dans les profondeurs pour faire demi-tour. Et de plus, l’un des membres a contracté le virus…

Critique :

Le décor aussi particulier qu’anxiogène du métro (et du monde obscur s’étendant dans ses replis cachés) nous a valu plusieurs excellents films d’épouvante (Death Line, Creep, Mimic…). Luminescence choisit l’option du commando affrontant le péril au lieu de celle du quidam perdu dans les ténèbres, ce qui n’est pas a priori le choix permettant les émotions les plus fortes.

De plus, le classicisme de cette saison 8 rejaillit particulièrement, avec un choix archétypal des personnages et un déroulement de l’action suivant les incontournables péripéties du genre. Nous retrouvons donc le héros valeureux (un Doggett beaucoup plus convaincant que Mulder dans ce genre d’exercice), le responsable cynique uniquement préoccupé par le business, le gros bras impressionnant qui finit par craquer nerveusement, la scientifique efficace mais dépassée par l’inconnu, l’indispensable série de victimes connaissant un funeste destin particulièrement gore… Disons-le, on se situe ici en terrain plus que connu.

Toutefois, le format limité de l'épisode et la mise en scène épurée de Richard Compton poussent l’épisode vers la quintessence du genre : aucun temps mort, aucune inutile digression ne viennent ralentir la progression de l’horreur au fur et à mesure qu’un groupe de plus en plus réduit s’enfonce dans les souterrains et que la mort frappe. L’intensité dramatique et le suspense demeurent intenses, jusqu’à une conclusion hélas un peu trop vite expédiée (un court-circuit vraiment miraculeux…), mais il est vrai que ce n’est pas la distance qui compte, mais le chemin parcouru !

L’épisode vaut aussi par sa production, une nouvelle démonstration de savoir-faire de la part des X-Files, qui restera sans doute comme la série ayant le mieux filmé l’obscurité et son effroi. Les effets spéciaux impressionnent, et cette lueur méphitique s’étendant sur le corps et les visages de Doggett et Bianco se révèle inquiétante au possible. On admire également le colossal décor du tunnel réalisé à l’occasion, parfaitement mis en valeur par la caméra de Compton.

Tandis que le duo Scully/Doggett se révèle aussi solide qu’à l’accoutumée avec des fonctions bien dessinées, Luminescence enregistre également l’apport de plusieurs guests de choc. Ainsi, Penny Johnson, bien avant de devenir la terrible Sherry Palmer de 24h chrono, accomplit déjà une belle performance, et on ne peut s’empêcher de sourire quand Scully évoque la possibilité d’une arme biochimique installée par des terroristes… On remarque également la présence courte mais efficace de Judith Scott (Jake 2.0, Dexter...), Brent Sexton (Life, Deadwood, Surface...), et de Ken Jenkins (le Dr Kelso de Scrubs), tous déjà parfaitement convaincants ici.

Rien d’innovant dans cet épisode donc, mais une qualité le situant dans les authentiques réussites du genre devant bien des productions plus longues, mais moins intenses.

 

Anecdotes :

  • Frank Spotnitz déclare qu’il s’agit de son plus faible épisode pour la série, arguant que l’idée était bonne mais pas son développement.

  • On apprend que Doggett est tireur d’élite.


13. PER MANUM
(PER MANUM)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

Lors de son accouchement, une femme met au monde… un alien ! Quelques jours plus tard, son mari Duffy vient voir Doggett et Scully : sa femme a été assassinée par les docteurs peu après la naissance, et il est au courant de la nature de son « enfant » grâce à une échographie. Or, sa femme a plusieurs fois été enlevée par les extraterrestres, et il est donc certain qu’elle a été fécondée par un alien. Scully tente de tirer au clair cette affaire tout en protégant d’autres femmes qui seraient en danger similaire. Mais c’est pour mieux tomber dans un piège diabolique…

Critique :

Avec Per Manum, la saison 8 entame une seconde période. Après une série de loners d’intérêt variable mais globalement solides, introduisant Doggett et marquant un retour prononcé aux sources de la série, nous entamons ici un vaste arc narratif Mythologique (sur les 9 épisodes restants, 7 sont Mythologiques, dont 4 à la suite écrits par le même duo de showrunners !) qui verra le retour, provisoire, de Mulder et se conclura par la naissance de William (et un important départ de la série).

On ressent quelques frissons lors de cette ouverture tant l’épisode résulte grevé par plusieurs facilités de scénario vraiment dérangeantes. Plusieurs passages étonnent (et détonnent) vraiment, notamment quand Scully pénètre sans coup férir et presque directement dans la salle contenant les embryons difformes, ou quand la machination complexe se voit presque déjouée par une simple cassette vidéo mal étiquettée. On sait bien que L'Homme à la Cigarette n’est plus aux commandes, mais tant de négligence laisse tout de même pantois. On ne discerne pas non plus clairement ce que tout ceci apporte à la conspiration alors que la future mère, même méfiante, est entre leurs mains, de même que l’hôpital militaire. On ne peut s’empêcher de trouver toute cette complexité inutile de leur part.

Mais cette écriture malaisée du récit ne vient que modérément entacher la réussite de l’épisode. En effet, celui-ci permet de retrouver, à un niveau rarement égalé, l’une des caractéristiques majeures de la série : la paranoïa. C’est dans un véritable cauchemar sans fin que se retrouve plongée Scully, avec cette succession de traîtrises de la part des médecins, en qui toute confiance se voit normalement placée. Le proverbial « Trust No One » apparaît plus que jamais d’actualité, avec aussi l’implication de Knowle Rohrer, collègue et ami de Doggett, interprété par le solide Adam Baldwin (Chuck, The Inside, Firefly…) - on ignore encore sa nature véritable - jusqu’au mari éploré qui se révèle membre de la conspiration ! Il en résulte un vertige très agréable pour le spectateur, finissant par atteindre Scully qui se refuse contre toute raison à dire la vérité à un Doggett qu’elle a pourtant appris à connaître, comme le souligne Skinner lui-même. Cette psychose gagnant l’héroïne accroît encore, de manière très habile, le trouble ressenti, au point que l’épisode prend parfois des allures de pur cauchemar.

Marqué par la mise en scène de Kim Manners et la musique de Mark Snow qui s’entendent à merveille pour susciter l’angoisse, l’épisode se caractérise par deux autres grandes idées : les nombreux flashbacks introduisant Mulder et une tentative de fécondation in vitro de Scully avec les ovules découverts dans Memento Mori (une hypothèse de moins pour la venue de William !). Certes, après l’excursion de Mulder dans The Gift, cela commence à faire beaucoup de révélations, mais ce fait s’explique par le rajout de cette saison 8 au schéma initialement prévu par Carter (ici à la plume).

Avec un peu de bonne volonté cela fonctionne très bien, d’autant que ces scènes, toutes somptueuses, s’intègrent à merveille dans le récit selon un l’art toujours subtil de Manners. L’atout maître de Per Manum demeure bien cependant Gillian Anderson elle-même, qui dans les flashbacks comme dans l’épreuve actuelle, se montre absolument sublime d’émotion, donnant une humanité et un courage bouleversants à son personnage.

La relation intime entre Mulder et Scully se révèle désormais au grand jour, et comme existant depuis longtemps s’il faut remonter à Memento Mori (mais la datation des flashbacks reste imprécise). Cet excellent mythic s’achève toutefois avec plusieurs questions en suspens annonçant idéalement la suite de l’arc narratif. Qui tire les ficelles de la conspiration maintenant que le Fumeur est sensé avoir pris la porte de sortie définitive ? Quelle est la vraie nature de l’enfant qu’attend Scully ? La confiance de Doggett est-elle perdue ? C’est un univers bien inquiétant et incertain qui se dessine pour notre héroïne en cette seconde partie de saison…

Outre la courte apparition muette de Mark Snow comme l’un des médecins de l’hôpital militaire, on notera également l’un des plus beaux inserts publicitaires de la série (avec une pomme bien connue…).

 

Anecdotes :

  • Gillian Anderson commet une petite erreur de texte lorsque Scully se réveille dans la chambre d’hôpital : elle demande des nouvelles de Miss Henderson, alors que le nom de la femme évoquée est Henderschott.

14/15. ESPÉRANCE/RENAISSANCES
(THIS IS NOT HAPPENING/DEADALIVE)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Kim Manners (1re partie) et Tony Wharmby (2e partie)
 
Scully : Mulder... Hi.
Mulder : Who are you ?
Scully : Oh, my God. Don't do that to me. Do you know... ? Do you have any idea what you've been through ?
Mulder : Only what I see in your face. Anybody miss me ?
 
Résumé :

Un OVNI survole le Montana et y dépose le corps de Theresa Hoese, enlevée la veille de l’enlèvement de Mulder ; une silhouette s’enfuit du champ. Theresa est dans un état critique. Scully, Doggett, et Skinner enquêtent, mais un extraterrestre polymorphe prend la forme du médecin de Theresa et la kidnappe ! Doggett demande conseil à une connaissance : l’agent Monica Reyes, spécialiste des meurtres rituels. L’équipe pressent que le retour de Mulder est proche… Krycek attend dans l'ombre son heure, il va proposer un terrible marché à Skinner…

Critique :

Le traditionnel double épisode mythologique de mi-saison (décalé ici du fait de la structure narrative retenue) débute par une première partie assez décevante par son manque de flamme mais aussi de rebondissements. Une fois que l’on a compris que les disparus de Bellefleur réapparaissent et surtout aperçu Jeremiah Smith dans ses œuvres, on prévoit facilement comment le segment va se dérouler sans que le moindre évènement vienne nous contredire. Le récit se voudrait haletant, mais des épisodes du même type se sont souvent montrés autrement plus dynamiques par le passé.

La mise en scène de Manners se montre certes très efficace (superbe photographie), mais ne suffit pas à enflammer cette histoire trop prévisible. De plus, on regrette certaines facilités comme cette réapparition de Jeremiah que l’on ne prend pas la peine d’expliciter alors même qu’on l’avait laissé en bien mauvaise posture face au Bounty Hunter. Si on ne boude pas son plaisir de retrouver un Roy Thinnes toujours vaillant, il faut bien admettre que son rôle se résume à bien peu de choses : une fausse piste limpide concernant la résurrection de Mulder avant un énième enlèvement (les aliens ne font même plus l’effort de demeurer discrets, cela commence à sentir la poudre). Toutefois, la musique de Mark Snow semble, elle, plus pénétrante que jamais, et Scully nous offre plusieurs scènes bouleversantes, en particulier avec Skinner. Elle semble vraiment à bout de forces (avec une scène finale un peu trop démonstrative), mais le destin semble continuer à s’acharner…

Cette première partie se voit rehaussée par une apparition déterminante en la personne de Monica Reyes, et c’est peut dire que l’on est d’emblée conquis. L’étoile du soir des X-Files a l’opulente et sombre chevelure ainsi que les grands yeux bruns d’Annabeth Gish, une actrice une nouvelle fois formidable dans cette série en comportant tant. Elle impose d’emblée son personnage avec un naturel forçant l’admiration. Outre son charme très latino et le regard nouveau qu’elle apporte sur les évènements, on apprécie son allant et sa radieuse joie de vivre. L’humour qu’elle distille (avec de petites gaffes et un étonnant clin-d’œil aux Morley-light !) se goûte d’autant plus qu’il apporte une nouveauté vis-à-vis du pathos de Scully, certes toujours exprimé avec le même talent par Gillian Anderson, mais ayant tendance à devenir omniprésent au fil des épisodes.

Après un accueil assez mordant (cela devient une habitude), Scully apprécie visiblement elle aussi la solidité, la vivacité et l’ouverture d’esprit de cette nouvelle variable dans l’équation complexe des évènements. En fait, tout comme avec Doggett, c’est bien à la naissance d’une véritable amitié que l’on assiste, dans la grande tradition du genre. La relation Doggett-Monica reste encore en devenir, mais ses bases s’installent déjà avec le partage du drame paternel du policier. Aussi Monica Reyes, ultime figure majeure de la série à entrer en scène, apparaît-elle dès ses débuts comme un personnage captivant mais également riche en potentialités.

Nouvel insert évident, cette fois pour un célèbre équipementier sportif…

Après le cliffhanger attendu (l’apparition du corps de Mulder jouxtée à la disparition de Smith), reste à savoir si la seconde partie va enfin dynamiser le double épisode. Fort heureusement, c’est ce qui se produit, car après une troublante ouverture sur l’enterrement de Mulder parfaitement glacial (les Bandits Solitaires y assistent, l’inverse ne se vérifiera pas…), le récit va multiplier cette fois les rebondissements inattendus et les moments de grande tension. La surprise de Billy Miles retrouvant son apparence d’origine (avec quelques composantes aliens…) vaut le coup d’œil, de même que la séquence d’exhumation de Mulder, un vrai joyau de suspense.

Mais l’épisode gagne encore en intensité avec le retour en fanfare d’un Krycek aussi diabolique et charismatique que jamais, porté par un Nicholas Lea particulièrement incandescent. On retrouve notre Alex tel qu'on l'aime, mortel, sadique, brillant. Un pur régal et une parfaite illustration du surcroît d’intérêt que peut apporter un grand méchant à une série déjà de très haut niveau. On apprécie de voir le pourtant redoutable Doggett perdre son duel contre Alex, celui-ci ayant accumulé une expérience unique en matière de survie et de coups tordus. Son intervention présente aussi le mérite de replacer le fil rouge du futur William dans cet épisode déjà bien rempli (on se demande cependant pourquoi il ne se charge pas de Scully lui-même…). Aux côtés de Lea, Gillian Anderson domine une nouvelle fois la distribution, sachant communiquer avec une force inouïe au spectateur le féroce espoir se substituant à la souffrance, et enfin la merveilleuse délivrance ressentie par son personnage. L’éveil de Mulder reste ainsi un pur moment d’émotion et de liesse, déjà ponctuée par une plaisanterie du gaillard. Le roi de la vanne est de retour, et on aime ça !

Certes on pourra critiquer la vacuité des scènes entre Doggett et Kersh, du délayage inutile, ainsi que l’explication peu convaincante de la résurrection de Mulder après la destruction du vaccin (merci tout de même à l’Anglais qui se rappelle ainsi à notre bon souvenir). Différences de températures, providentiel traitement anti-viral, tout ceci demeure assez fumeux et expédié, mais il fallait bien trouver une porte de sortie ! L’essentiel reste bien que le double épisode parvient en fin de compte à remplir son objectif principal, et à réintroduire avec l’éclat qu’il convient Mulder dans la série. Et l’on se languit déjà de retrouver Monica…

 

Anecdotes :

  • Première apparition du dernier personnage principal de la série : l’agent Monica Reyes, jouée par Annabeth Gish. Fan de la série, l’actrice se précipita aux auditions dès qu’elle sut que la production engageait un nouveau personnage féminin. Frank Spotnitz déclare qu’elle a un rire et un sourire irrésistibles (10/10 Frank !).

  • La première scène tournée par Annabeth Gish se déroula… à quatre heures du matin ! Il s’agit de la scène où elle dévale la colline pour poursuivre les deux intrus du champ. Une entrée en matière énergique pour la comédienne !

  • Troisième et dernière apparition de Jeremiah Smith (Roy Thinnes).

  • Il est possible que le titre This is not happening soit un clin d’œil à la phrase inlassablement répétée par l’extraterrestre dans Le seigneur du magma (saison 3).

  • L’épisode gagna l’Emmy Award du meilleur maquillage dans un épisode de série.

  • Lors des crédits d’ouverture, le nom de l’interprète de Byers est bizarrement orthographié Bruce Hardwood (au lieu de Harwood). Par ailleurs, lorsque Reyes conduit sa voiture, on voit que la jauge de température indique une température froide alors qu’elle roule depuis un certain temps. Enfin, le Dr.Orovetz appelle Skinner « Agent Skinner », alors qu’il devrait l’appeler « Assistant Director ».

  • Absalom est le nom du troisième fils du Roi David selon la Bible. Il avait la réputation d’avoir les cheveux très longs qui causèrent en partie sa perte, comme le personnage de l’épisode.

Retour à l'index


16. CONFIANCE
(THREE WORDS)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Tony Wharmby
 
Résumé :

Howard Salt tente de s’introduire à la Maison-Blanche pour remettre au Président un disque contenant des informations sur une « invasion », mais il est abattu par les gardes. Mulder, qui se remet de sa terrible expérience, enquête pour découvrir le secret d’Howard, tout en tenant à distance Doggett en qui il n’a aucune confiance. Ce dernier reçoit la visite d’Absalom (cf. double épisode précédent) qui le contraint à s’introduire dans un lieu top secret où il trouverait une partie de « La Vérité »…

Critique :

Plus que sur une affaire se contentant de brasser des thèmes connus et d’avancer quelque peu vers la révélation des Super Soldats (ils sont parmi nous…), c’est bien sur la psychologie des personnages que se centre l’épisode.

Si Doggett en policier honnête et humain et Skinner en sage adepte de la modération se situent dans leur registre coutumier, la surprise vient évidemment de Mulder. Après être demeuré en suspension (d’une manière similaire à I Want To Believe), Mulder se jette de nouveau dans l’action, mais imbibé d’une paranoïa plus ardente que jamais dont Doggett fait les frais. Ce dernier devient la fixation de son ressentiment et de sa colère face à ce qui lui est arrivé, aux menaces pesant sur les Affaires Non Classées, et à un monde qui a changé sans lui.

On perçoit bien que l’on sort ici du rationnel et que Mulder reste encore sous le choc, tandis qu’il faut bien parler de jalousie envers Doggett. Scully se montre elle-même très protectrice, mais peine à comprendre ce que traverse son compagnon qui finit comme toujours par se réfugier dans l’action après des retrouvailles amusantes avec les Bandits Solitaires. Cette difficulté à communiquer entre les deux héros apparaît comme une nouveauté particulièrement poignante.

L’épisode marque un retour passionnant réussi de Mulder car offrant un portrait très réaliste et sans concessions d’un personnage contraint de rebâtir sa vie. On retrouve également la saveur des épisodes Mythologiques de jadis.

 

Anecdotes :

  • Complétion du CV de John Doggett : entre 1983 et 1986, il s’inscrivit à la Maxwell School Citizenship and Public Affairs de la Syracuse University. Il en sortit avec un Master en Administration Publique.

  • Le poisson rouge de Mulder s’appelait Molly.

  • Mulder fait une référence à Austin Powers pour dire ce qu’il ressent. Hum, hum.

Retour à l'index

17. EMPEDOCLE
(EMPEDOCLES)

Scénario : Greg Walker
Réalisation : Barry K. Thomas
 
Résumé :

Jeb Dukes est licencié de son travail. En sortant de l’entreprise, il assiste à un accident de voiture. C’est alors qu’un « esprit de feu » sort d’une voiture et prend possession de lui ! Cinq minutes plus tard, Jeb abat ses patrons avant de prendre la fuite ! En contemplant les cadavres, Monica Reyes a une vision psychique, la même qu’elle a eue quand elle a vu le cadavre de Luke Doggett, le fils de John. Elle avertit Mulder et Doggett qu’il pourrait y avoir un lien entre les deux événements. Pendant qu’ils tentent de retrouver Jeb, Scully est prise de malaises et va à l’hôpital…

Critique :

Cet épisode ne manquant pas d’atouts constitue la parfaite illustration du dicton selon lequel « Qui trop embrasse mal étreint ». En effet, chacun des segments de l’histoire (Mulder/Scully et Doggett/Monica) pris séparément présente un intérêt certain, mais ils cohabitent sans s’enrichir réciproquement, comme simplement juxtaposés. Dévorant l’espace restreint d’un épisode, ils s’empêchent l’un l’autre de se développer mutuellement.

C’est ainsi que Mulder n’apporte en définitive rien de concret à l’enquête en cours ou que Doggett ne se rend dans la chambre d’hôpital de Scully que pour percevoir des réminiscences s’assimilant à des visions, outre un court dialogue des plus creux. La seule exception concerne la rencontre entre Mulder et Monica, agréablement acidulée tout en demeurant amicale. Et découvrir notre héros pour une fois confronté à une personne plus « ouverte d’esprit » que lui vaut le coup d’œil !

De fait, on aurait aimé que le récit se centre beaucoup plus sur Monica et Doggett. L’affaire du jour, dense et astucieuse (très proche de MillenniuM ou de Grotesque), nantie de surprenants effets spéciaux, constitue le moteur de l’intrigue, et souffre d’être ainsi trop brièvement expédiée. Et surtout, les deux agents, qui représentent l’avenir d’une série que Duchovny va bientôt quitter, établissent ici leur relation, un évènement majeur parasité par les histoires de pizza, cadeau surprise, et énième rebondissement de la grossesse décidément au très long cours de Scully.

On adore bien entendu Mulder et Scully, et leurs retrouvailles font chaud au cœur entre humour et émotion (excellent clin d’œil à Dingue de toi), mais ces scènes de psychologie auraient dû s’insérer dans l’épisode précédent, clairement orienté vers les sentiments d’un Mulder redécouvrant le monde. D’autant que l’on s’explique malaisément cette évolution très rapide d’un couple quelque peu bloqué vers l’aspect fusionnel qu’il donne ici.

Les X-Files semblent ici écartelés entre la gestion d’un glorieux passé et l’édification de l’avenir, ce qui ne peut que s’avérer préjudiciable à terme. Demeure tout de même la bonne nouvelle que la belle Monica, qui confirme ici son charme souriant et son vif intérêt, gravite de plus en plus autour des Affaires Non Classées…

Empédocle d'Agrigente fut un philosophe grec présocratique (Ve siècle avant J-C) particulièrement original, mêlant la dialectique philosophique grecque à la cosmologie et aux croyances de l’Orient ancien. Il décrit la Haine, mais aussi l’Amour, sous formes proches de maladies contagieuses, soit le thème de l’épisode. L’activité plus ou moins forte de chacune de ces maladies, suivant des cycles, détermine les phases ascendantes ou descendantes de l’Humanité. Également scientifique et ingénieur fasciné par le feu, la légende veut qu’il meure en se précipitant dans l’Etna. Le Complexe d’Empédocle définit les personnes désirant s’immoler par le feu. Les effets spéciaux de l'épisode représentent également une allusion à ces flammes chères au philosophe.

 

Anecdotes :

  • Unique réalisation de la carrière de Barry K. Thomas, premier assistant réalisateur - sa profession principale - sur la série pour 29 épisodes. Il l'avait rejointe à partir d'Agua mala (saison 6), et avait incarné le Sugar Bear d'Hollywood (saison 7) pour sa seule apparition en tant qu'acteur sur un écran.
  • John Doggett a eu un fils : Luke John Doggett. Né le 9 juillet 1990, enlevé le 12 août 1997 à 7 ans - dates toutefois en contradiction avec l'épisode Clairvoyance. Il fut retrouvé mort peu après. Il mesurait 1m22 et pesait 23,6 kilos, avait les yeux bleus et les cheveux blonds. Il habitait Long Island.

  • Monica Reyes prend des chewing-gum pour arrêter de fumer.

  • Doggett sort de la chambre d’hôpital de Scully à 20h40. Quand il revient la voir peu après, il est 20h28 !

18. VIENEN
(VIENEN)


Épisode Mythologique

Scénario : Steven Maeda
Réalisation : Rod Hardy
 
Résumé :

Dans une plateforme pétrolière du golfe du Mexique, un travailleur mexicain assassine le préposé à la radio et tente de détruire l’appareil. Mais il est interrompu par un garde qui le tue à son tour en irradiant de tout son corps ! Scully n’étant pas en état de se déplacer, Doggett est envoyé seul là-bas, mais Mulder, bravant les ordres, y est déjà. Leur cohabitation est difficile, mais ils vont devoir unir leurs forces pour abattre un très vieil ennemi…

Critique :

Toute à ses retrouvailles avec le ton des origines, la saison 8 renoue ici avec un thème ayant fait les riches heures de la série depuis Projet Arctique ou Quand vient la nuit : les héros isolés dans un contexte hostile, en proie à un adversaire anxiogène au plus haut point, dans la tradition de The Thing. Une fois de plus, le procédé fonctionne à merveille avec un suspense intense et allant crescendo au fur et à mesure que la situation des héros devient plus précaire.

L’épisode sait également innover vis-à-vis du canevas original avec une coupure moins radicale que précédemment (le jeu des communications tient un grand rôle dans l’intrigue), et surtout le couplage avec la Mythologie via le retour d’un Grand Ancien, l’Huile Noire (absente depuis Fight The Future), sans doute l’un des adversaires les plus terrifiants que Mulder ait jamais affronté. Le fluide méphitique se prête merveilleusement à l’exercice par son caractère nocif mais aussi intrusif, semant un doute très ludique sur la réelle personnalité des divers membres d’équipage croisés, tandis que peu à peu s’impose l’implacable vérité de leur totale assimilation. Avec le recul, la scène initiale les voyant tous singer l’humanité fait réellement froid dans le dos !

L’original et imposant décor de la plate-forme maritime joue également un grand rôle dans l’intensité dramatique époustouflante de Vienen avec ses coursives obscures et son environnement hostile, jusqu’à un spectaculaire dénouement pyrotechnique qui fera date dans la série ! La caméra de Rod Hardy sait agréablement varier ses effets entre intenses moments d’action mais aussi moments plus intimistes, comme le dialogue entre Doggett et Garza également très réussi. Les effets spéciaux, une nouvelle fois, se montrent étonnants de qualité. Rien ne manque à l’appel de cette réussite palpitante, y compris une autopsie haute en couleurs d’une Scully qui reste décidément à la barre jusqu’au bout. Sans aller jusqu’à parler de message écologique à propos du rapprochement déjà pratiqué par le passé entre l’abominable Huile Noire et le pétrole, l’épisode jette un regard incisif sur les pressions que le lobby énergétique peut faire peser sur les enjeux de morale et de sécurité, rejoignant ainsi la sensibilité contestataire de la série.

L’interprétation se révèle également un atout de cet épisode comportant quelques guests de choix comme Miguel Sandoval, le futur Procureur Devalos de l’excellent Medium, ou M.C. Gainey (Tom, bras droit de Ben Linus dans LOST). On regrettera simplement le tour de passe-passe scénaristique voulant que certains indiens soient immunisés contre l’Huile Noire…

Vienen marque aussi la véritable rencontre entre Mulder et Doggett après les orages des premiers temps entre ces deux fortes personnalités. Rien de tel qu’une épreuve du feu vécue en commun pour forger une amitié, et il demeure intéressant de discerner comment une entente finit par établir ces deux individus si dissemblables via les points communs essentiels que constituent la moralité, l’abnégation, et la soif de vérité. Alors que Scully reste en retrait dans cette histoire d’hommes, la réserve notée lors de l’épisode précédent concernant des personnages se phagocytant mutuellement semble moins prégnante ici.

Au démentiel ballet à quatre se substitue une action centrée sur deux personnes, et s’il demeure évident qu’un seul agent aurait pu accomplir l’aventure avec un agencement légèrement différent, chacun a un espace suffisant pour affirmer sa personnalité et sa pertinence. L’épisode marque aussi le renvoi du FBI d’un Mulder qui en fut jadis l’un des éléments les plus prometteurs. Une conclusion sans doute inéluctable et qui annonce déjà le départ définitif de Duchovny, avec un passage de témoin des plus éloquents !

 

Anecdotes :

  • Premier épisode Mythologique non écrit par le quatuor principal des scénaristes des X-Files (Chris Carter, Frank Spotnitz, Vince Gilligan, John Shiban) depuis le départ de Glen Morgan et James Wong en saison 4.

  • Lors du « saut de l’ange » final, Doggett saute avant Mulder, mais l’instant d’après, Mulder est plus bas que Doggett, puis au plan suivant, de nouveau l’inverse !

  • Référence à Star Wars lorsque Mulder s’étonne de ne pas voir Doggett avec un sabre laser.

  • Vienen signifie en espagnol "ils viennent". "Ils" désigne bien entendu les extraterrestres.


19. SEUL
(ALONE)


Scénario : Frank Spotnitz
Réalisation : Frank Spotnitz
 
Résumé :

Après le renvoi de Mulder, Scully annonce son départ en congé maternité. Alvin Kersh nomme donc l’agent comptable Leyla Harrison partenaire temporaire de Doggett à la gestion des X-Files. Harrison et Doggett enquêtent sur un vieil homme qui fut aveuglé par un venin mystérieux avant d’être tué. Leur enquête les mène près d’un biologiste suspect. Soudain, Harrison est emportée par un « monstre », et Doggett tombe dans un tunnel souterrain…

Critique :

Après le renvoi de Mulder, le départ apparemment indéfini de Scully en congé maternité (Gillian Anderson n’a alors pas encore confirmé sa participation à la saison 9) laisse Doggett bien seul aux commandes des Affaires Non Classées. Cette sortie de scène, encore partielle comme le montrera la suite de l’histoire, s’accompagne d’un fort amusant rappel des grands moments écoulés avec Scully égrenant ses objets souvenirs : la pièce double de Zone 51, le collier du regretté (ou non) Queequeg, et le fameux porte-clés Apollo offert par Mulder dans Tempus Fugit (et remontant à Espace) qui jouera un rôle important dans le récit, tant pratique que symbolique. Chris Carter et Frank Spotnitz ont émaillé chaque inflexion majeure de leur série par ce genre de clin d’œil, mais le procédé s’accompagne ici d’un sens plus vaste.

En effet, Mulder et Scully apparaissent comme changeant de nature, passant de héros actifs à éléments du décor de la Mythologie. Ils deviennent mythiques eux-mêmes par les nombreuses citations de leurs exploits passés (on remonte jusqu’à l’ami Eugène, amateur de foie gras). Ce phénomène avait déjà été enclenché par les références citées par Doggett lors des épisodes passés, y compris concernant les Bandits Solitaires, mais atteint ici un paroxysme, tandis que Scully et Mulder, qui retrouve les également emblématiques graines de tournesol, apparaissent agir en soutien, déjà presque depuis les coulisses.

Les amateurs de jeux de rôle retrouvent ici une figure de style bien connue où des Personnages devenus trop prestigieux ou puissants se transmutent en éléments référentiels de l’Univers de Jeu, leur permettant de demeurer présents tout en autorisant la suite d’une partie normale avec de nouveaux individus. C’est bien cette combinaison complexe mais finalement pérenne que le suprêmement habile Spotnitz tente ici d’installer, soit une voie nouvelle et convaincante de développement de la série. Hélas, cela ne constituera pas la solution finalement retenue, avec une Scully demeurant inutilement et nuisiblement dans la partie.

À côté de ce brillant aspect Mythologique, Spotnitz n’oublie pas de nous régaler d’une aventure absolument trépidante, avec comme atouts maîtres un suspense horrifique de haute volée et hautement claustrophobique, ainsi qu’un métamorphe ophidien parfaitement terrorisant. Sa mise en scène se montre également vive et imaginative, multipliant les effets visuels avec une totale réussite (vue subjective, angles de vues ascendants, images floutées, ralenties, ou accélérées, effets spéciaux spectaculaires, jeux d’ombres et de lumières, rotations de caméra, champs–contrechamps variés, etc.).

Seul prend parfois l’aspect d'une bande dessinée saisissante de vie. Scénariste dense et profond ainsi que réalisateur inspiré, Spotnitz confirme encore une fois si besoin en était qu’il représente bien une des colonnes majeures du temple des X-Files (ses commentaires audio d’un épisode dans lequel il s’est totalement investi s'écoutent avec le plus vif intérêt).

Une ultime grande idée réside dans l’introduction du personnage aussi hilarant qu’émouvant de l’Agent Leyla Harrison (excellente et ravissante Jolie Jenkins, très justement prénommée). Apparaissant véritablement comme le porte-parole des fans de la série, elle pousse jusqu’à son paroxysme l’entrée dans le Mythe de Mulder et Scully grâce à ses multiples citations énumérées comme un Évangile. Dans l’ultime scène, absolument remarquable, Mulder et Scully comme déjà ailleurs racontent leur propre légende avec verve et humour caustique (Duchovny et Anderson sont absolument épatants). Mais Leyla ne se contente pas d’être une groupie, et malgré sa naïveté et son inexpérience, participe à l’aventure avec courage. Elle aura bien mérité des Affaires Non Classées, même si elle est finalement mutée (un vrai service à lui rendre), et l’on comprend que Doggett lui remette le fameux insigne Apollo.

Par ce geste, Carter et Spotnitz entendent évidemment remercier leur public du soutien apporté depuis tant d’années, une attention que bien peu de séries auront, mais les liens très intenses tissés avec les fans restent bien une caractéristique majeure des X-Files. Son héritière, Supernatural, qui doit sa longévité aussi à son lien fusionnel avec ses fans, intégrera d'une manière analogue à ici son public à la série. Avec le problème effectivement nébuleux du retour de nos héros à la fin de Fight The Future, Spotnitz leur lance d’ailleurs un joli clin d’œil quand Leyla, qui vit éveillée le fantasme absolu de tous les fans, pose à Mulder et Scully le type même de questions que les plus passionnés d’entre eux posent toujours aux auteurs et interprètes durant les conventions ! On retrouvera ce personnage particulièrement sympathique dans Scary Monsters la saison prochaine.

Tandis que se déroule cette scène pratiquement en dehors du temps et de l’espace de la série, Doggett en demeure symboliquement exclu, lui, récemment arrivé, et qui est alors censé assurer seul la poursuite du cours normal de l’histoire. Une conclusion particulièrement mélancolique le renvoie à sa solitude… Monica, vite !

Épisode subtilement Mythologique, trépidant, et d’une écriture vraiment éblouissante alliant humour et épouvante, Seul vient apporter une parfaite conclusion à la succession de loners le plus souvent d’excellente facture caractérisant cette saison 8. Et voici que s’avance déjà le double Mythic de fin de saison, première partie d’un vaste arc en quatre segments. "L’Enfant Jésus" sera bientôt là !

 

Anecdotes :

  • Aka. A dream whose sleep. Ce titre vient d’un poème d'E.E.Cummings.

  • Leyla Harrison était le nom d'une jeune fan de la série, réputée pour ses excellentes fanfics qu’elle publiait sur Internet. Elle mourut prématurément d’un cancer en février 2001. En hommage, son nom devint celui de l’agent du FBI qui symbolise toute la communauté des fans de X-Files, qui connaît les Affaires Non Classées sur le bout des doigts.

  • Mulder dit regarder The Oprah Winfrey show pour en savoir plus sur les femmes enceintes. Oprah Winfrey est une des plus célèbres animatrices de télévision de divertissement aux Etats-Unis.

Retour à l'index


20/21. ESSENCE
(ESSENCE/EXISTENCE)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter
Réalisation : Kim Manners
 
Résumé :

Mulder et Doggett enquêtent sur la disparition du Dr.Lev et l’incendie de l’hôpital Zeus Genetics où eurent lieu des expériences sur des femmes enceintes portant des fœtus issus d’ADN extraterrestres. Le Dr.Parenti, allié de Lev, est retrouvé décapité. C’est Billy Miles, désormais incontrôlable et indestructible, qui est l’auteur des meurtres. Lui et ses « semblables » veulent détruire toute trace des expériences extraterrestres et s’emparer du futur bébé de Scully. Reyes l'escorte dans une ville abandonnée pour qu’elle puisse accoucher en toute sécurité, mais les Super Soldats ne sont pas loin. Mulder, Doggett, et Skinner s’aperçoivent qu’ils ne sont entourés que par des traîtres. Krycek devient de plus en plus menaçant…

Critique :

La catastrophe de fin de saison (le crépuscule de l’odieux) débute déjà extrêmement mal avec une introduction constituant le plus bel exemple de logorrhée pseudo-mystique dont nous aura régalé la série depuis La sixième extinction. Le fait qu’elle soit ânonnée par Mulder ajoute encore au ridicule de la chose. Fort heureusement, cela restera comme l'ultime entrée en matière de ce type dans la série. 

Si on se réjouit pour Scully et Margaret de la scène chaleureuse du début (avec la meilleure réplique de l’épisode « C’est un complot ! » en parlant des poupées), la série retombe dans le médiocre avec ce personnage de Lizzy Gill dont n’importe qui ayant vaguement suivi les X-Files devine instantanément qu’il s’agit d’une infiltration. Gill, même superbement incarnée par la talentueuse Frances Fisher (Eureka, The Shield), ne sert d’ailleurs strictement à rien sinon à introduire la grande révélation tant attendue concernant la nature de William. Et bien, il s’agit du résultat d’une vague expérience génétique menée par une branche subsistante du Syndicat (nous ramenant à la calamiteuse seconde partie d’Emily) ayant échoué partout ailleurs, mais qui marche bien sûr avec Scully. Et on va dire du coup qu’il est d’une essence supérieure, et que ce doit être (ou pas) Mulder le père. Tout ça pour ça…

Pour le reste, le scénario se limite au linéaire avec des va-et-vient répétitifs et besogneux entre les différents laboratoires (bonne idée que la tête de Parenti dans le formol), une unique course-poursuite à rallonge, et des rebondissements des plus rebattus. On distingue également plusieurs invraisemblances avec ces médecins à la duplicité révélée dans Per Manum, et qui cependant ne changent rien à leurs habitudes, dont leur salle des horreurs toujours aussi commodément accessible.

On reste aussi confondu de découvrir que cet enquêteur acharné qu’est Doggett n’avait pas vu que Parenti et Lev étaient associés dans Zeus Genetics. Il s’en lave les mains ou quoi ? La mise en scène de Manners demeure très efficace, mais impuissante à donner de la vigueur à cette histoire très faible et à susciter dans l’épisode l’intensité propre aux grandes fins de saisons écoulées.

Au-delà de la très faible intrigue, aboutissant à un cliffhanger également particulièrement faible comparé aux antérieurs nous apprenant, quelle surprise, que Scully est toujours poursuivie, deux éléments se révèlent particulièrement dévastateurs, obérant d’ailleurs dès à présent le devenir de la saison suivante.

Tout d’abord, et cela nous tombe violemment sur les épaules au cours de cet épisode, toute cette histoire interminable, avec son pathos afférent, autour de William, et de cette grande énigme ne débouchant que sur du verbeux, on commence vraiment à s’en lasser. Tout ceci devient trop démonstratif, loin du tabou subtil et souvent pétillant entourant la relation de Mulder et Scully. Auparavant, on sollicitait élégamment et ludiquement l’imagination du spectateur, maintenant on assène avec de gros sabots des effets larmoyants supportables uniquement grâce à l’immense talent de Gillian Anderson.
Plus dommageable encore, la série connaît un travers majeur avec la nature des nouveaux adversaires récurrents : les Super Soldats. Avec leurs caractéristiques de cyborgs et l'implacabilité de leur mission, ils évoquent irrésistiblement Terminator, d'autant qu'ils désirent ici la naissance de celui présenté comme un sauveur pour l'humanité... Bien entendu, Terminator reste une grandiose réussite de la Science-Fiction à l'écran, mais se situant rigoureusement à l'opposé de ce qui constitue l'intérêt et la spécificité des X-Files. Tout au cours de la Mythologie, la menace reste diffuse, complexe, nimbée d'un fascinant mystère, ici elle s'exhibe d'une manière particulièrement basique et spectaculaire à la manière d'un blockbuster que la série n'a pas vraiment les moyens d'imiter (travers déjà observé dans Fight the Future).

Cette réification, renforcée par la vulgarisation des apparitions des Petits Gris, fait perdre de son... essence à la série, en un dramatique contresens vis-à-vis de tout ce qu'a édifié Carter jusqu'ici. Il demeure certes plaisant d'observer l'ancien T1000 confronté à des similis T800, notamment dans des scènes clins d'œil à Judgement Day (parking, ascenseur...), mais ceci paraît tout de même anecdotique. La théâtralité de William se conjugue à celle des Super Soldats, avec pour résultante une simplification réductrice de la série bien regrettable.

Tout ne ressort pas négativement dans cette première partie. Le talentueux Kim Manners dispose toujours de l'effarante technicité de la série, même si tournant quelque peu à vide ici. Que la confrontation finale se déroule au sein même du siège du FBI s'avère une excellente idée : cet endroit, malgré les complots, apparaissait comme un sanctuaire, et sa profanation rajoute une intensité supplémentaire à la scène. Le renfort de Monica fait autant plaisir à l'équipe qu'au spectateur, mais le véritable pompier de l'épisode se nomme incontestablement Alex Krycek, de nouveau après Deadalive. Nick Lea manifeste une formidable présence, et tandis que l'apparition de son personnage au FBI produit le même effet choc que lors de Requiem, un véritable twist survient avec son alliance soudaine. L'effet est considérable, et l'on conviendra que voir Mulder lui confier la protection de Scully restera dans les annales. Mais où est la cohérence alors que Krycek exigeait dernièrement l'arrêt de la grossesse, et que personne ne l'interroge sur cela ? Sinon, les amateurs des Avengers apprécieront que le Billy Miles version Alien soit devenu tel un Cybernaute, exécutant sa liste de victimes d'un revers mortel de la main, avec un niveau de réalisme néanmoins bien plus explicite que pour ses prédécesseurs…

Hélas, malgré les méritoires efforts de Krycek et Monica, la seconde partie ne va que prolonger les faiblesses de la première avec une vacuité encore davantage ressentie. Le récit se scinde en deux, avec un versant féminin où il ne se déroule pour ainsi dire rien jusqu’à l’accouchement qui va mettre fin à une grossesse comptant parmi les plus longues de l’univers des séries télé. Billy nous refait une énième fois son numéro (Zachary Ansley n’a pas du tout la présence d’un Brian Thompson en Bounty Hunter), tandis que l’alliée providentielle se révèle elle aussi une Super Soldate, un « rebondissement » pour le moins relatif. Heureusement, la décidément surprenante Monica meuble joliment avec un chant de baleine et une prestation de spiritisme réjouissants, alors qu’une vraie complicité se noue avec Scully.

Le versant viril ne vaut guère mieux avec derechef de multiples cavalcades dans des couloirs, parkings, et escaliers déserts, soit très exactement ce dont on nous avait déjà régalé dans Essence. Merci, quand c’est si bon, on en reprend une louchée, c’est certain. Sans oublier que Billy… eh bien, Billy nous refait une énième fois son numéro ! On ressent parfois la trouble impression de revoir Lundi, si ce n’est le scopitone de Zorro est arrivé. Sacré Billy, toujours sur la brèche. Comme l’attention ne demeure guère fixée, on se surprend à constater que la réputation du Bureau aux États-Unis doit être bien dissuasive pour qu’il puisse se dispenser d’avoir le moindre gardien de nuit dans ce vaste édifice.

Fort heureusement, Alex continue à irradier de son aura cruelle et flamboyante et à nous enthousiasmer, comme lorsqu’il laisse à Skinner tout juste le temps de se glisser dans l’ascenseur, du grand Krycek ! Surtout, ce personnage particulièrement irrésistible, qui aura tant et tant apporté à la série, connaît une issue digne de lui après un face-à-face d’une rare intensité avec Mulder, puis une spectaculaire exécution par un Skinner implacable (il a ses raisons…). Ainsi disparaît l’ultime figure marquante de la Conspiration, portée par un Nicholas Lea réellement transcendant. Cela signifie hélas que la saison 9 devra se dérouler sans lui, avec une absence d’adversaire récurrent captivant qui lui coûtera beaucoup.

La convergence des deux fils de l’intrigue, avec à la clef une juxtaposition temporelle guère convaincante, échoue également à emporter l’adhésion. On reste confondu de découvrir les Super Soldats évacuer bien gentiment les lieux alors qu’ils étaient jusqu’ici censés en finir avec William. Aucun semblant d’explication ne nous est fourni, Mulder et Scully soulignant même cette énigme. Au terme d’une saison et d’un arc narratif construits autour de cette naissance, tout ceci fait pour le moins désordre. On remarque également que le prochain effacement de Mulder n’est nulle part annoncé ou justifié.

Le spectateur reste aussi catastrophé par le parallèle pesamment tracé entre la naissance du Christ et celle de William (l’étoile ayant guidé Mulder, les Super Soldats en population accourue, les Bandits Solitaires en Rois Mages, etc.). C’est lourd, théâtral, appuyé, c’est William. Alors bien entendu, par l’alchimie unique existant entre David Duchovny et Gillian Anderson, et parce que l’on adore Mulder et Scully depuis si longtemps, l’ultime vision du couple s’embrassant enfin, en portant l’enfant du miracle, fait sincèrement chavirer les cœurs. Au moment où Carter ne sait pas encore si la série va être reconduite, ce parachèvement lui fournit une conclusion nettement plus optimiste et fédératrice que celle, sombre et dure, de Requiem. Mais cela ne suffira pas, il s’en faut de beaucoup, à éclipser l’absolue réussite de celui-ci par cette histoire considérablement plus mal construite et floue.

Par son manque de densité, Essence conclut par une vraie déception une saison 8 jusque-là très solide et convaincante. Pire encore, par la double funeste direction sur laquelle elle lance la série (William et Super Soldats), elle augure bien mal de la prochaine saison au moment précis où Duchovny, mais aussi Nick Lea, tirent leur révérence. Une perspective guère encourageante ; seule la réussite du duo Doggett-Monica est vraiment rassurante pour la suite.

Enfin, on note que les titres originaux des deux épisodes, en français dans le texte, constituent une référence à la célèbre maxime de Jean-Paul Sartre, selon laquelle L’existence précède l’essence (les titres sont curieusement inversés), soit le fondement de son courant philosophique, l’Existentialisme.

 

Anecdotes :

  • Pas moins de sept bébés incarneront William, le fils de Mulder et Scully. Ici, il a les traits de Jerry Shiban, le fils de John Shiban, un des quatre capitaines de la série.

  • Troisième des quatre baisers à l'écran de Mulder et Scully.
  • Référence au Dr.Frankenstein dans l’épisode.

  • Quand l’agent Crane introduit Rohrer au FBI, ce dernier a un badge d’agent. Mais lorsque Doggett parle avec lui, il a un badge de visiteur. L’inscription sur la fenêtre de la maison où Scully et Reyes trouvent refuge est « Water from the rock, Exodus 7.16 ». En fait, il faut lire Exodus 17.6.

  • La scène où Monica Reyes imite le chant de la baleine vient d’un souvenir de Chris Carter : enfant, on lui avait offert un disque de Frank Winter où figuraient des chants de baleine.

Retour à l'index


TOP 5 SAISON 8

1) Seul : Épisode bilan par excellence, fourmillant d’irrésistibles références à de grands moments de la série. Il lance un vrai cri d’amour aux fans, représentés par la craquante Leyla, elle-même une grande idée de scénariste. Mulder et Scully commencent à prendre congé avec une finesse et une élégance rares en laissant toute sa place à un Doggett qui ne restera pas seul bien longtemps. Un sillon que ne creusera hélas pas la série. L’art de Spotnitz à son sommet.

2) Combattre le passé : Variation fascinante et parfaitement aboutie sur l’un des thèmes éternels de la Science-Fiction, le voyage temporel, sur un ton très Twilight Zone. L’épisode représente une superbe évocation de liberté créatrice unique qu’autorise ce genre, d’autant plus admirable quand elle s’accompagne de rigueur narrative.

3) Dévoreur d’âmes : Magnifique et très sensible histoire de Spotnitz sublimée par la mise en scène inspirée de Kim Manners ; un épisode centré avec justice sur Doggett, personnage dont la qualité demeure la meilleure surprise de la saison. Formidable interprétation de Robert Patrick.

4)
Per manum : Épisode Mythologique dense et trépidant, développant un climat de paranoïa fleurant bon les riches heures de la série. On reste émerveillé devant la formidable prestation de Gillian Anderson et l’art du flashback démontré par Kim Manners. Autant de promesses qui se révèleront trahies par un Essence très délayé.

5)
Vienen : Épisode renouant avec une veine particulièrement féconde de la série, et nous valant le plaisir de retrouver une vieille connaissance, l’Huile Noire. Une montée au feu en commun pour Mulder et Doggett, avec un passage de témoin au terme d’une captivante aventure.

Retour à l'index

Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.

   

 saison 1 saison 3

 

X Files (1993-2002)

 

Saison 7 


1/2. LA SIXIÈME EXTINCTION
 (THE SIXTH EXTINCTION / AMOR FATI)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter (1re partie), et David Duchovny & Chris Carter (2e partie)
Réalisation : Kim Manners (1re partie) et Michael Watkins (2e partie)

Critique :

Ultime parcourue intégralement en compagnie de Mulder, la septième saison apparaît en demi-teinte. Si elle comporte nombre d’épisodes décalés réjouissants ou étonnants, ceux-ci se concentrent principalement dans sa seconde partie et apparaissent tout de même de moindre impact que ceux de la saison précédente. Après l’écrasement du Syndicat, la Mythologie achève certes de brûler ses vaisseaux de spectaculaire manière, mais peine à trouver un second souffle hormis dans un mysticisme de pacotille. La part sans cesse accrue accordée à la fantaisie dans les loners décourage les fidèles de la première heure sans réellement apporter de nouvelles troupes. Alors que la disparition de Mulder achève de précipiter les X-Files dans une nouvelle ère s’annonçant périlleuse, l’audience continue à s’éroder, même si demeurant considérable. Mais en attendant, magiciens roublards et policiers dépassés, réalité virtuelle et télé-réalité, Génie des Mille et une Nuits et Mecque du cinéma sont au programme !

Constatons-le : lors de la première partie de ce double épisode, la saison débute par un pur désastre. En effet, dans la droite ligne de Biogenèse, nous subissons autour de Scully une véritable avalanche de concepts pseudo mystiques se traduisant par une succession de termes aussi vides que grandiloquents (la Clé de Tout, etc…). Cette inanité du discours se ressent d’autant plus qu’elle accompagne un surplace total de l’action, à peine interrompu par quelques évènements vaguement bibliques maintes fois vus ailleurs en mieux (les insectes). Le tout est saupoudré par des apparitions/disparitions ridicules d’une espèce de sorcier tenant plus du grand guignol qu’autre chose. On s’amuse beaucoup de voir Scully, après s’être extasiée sur la Découverte et avoir affirmé qu’elle y trouverait une solution pour Mulder, se précipiter à l’aéroport après voir vu ce dernier dans sa voiture. Tout ceci ressemble fort à une grosse ficelle de scénariste destinée à extraire d’urgence le récit de son ornière ! Le Dr.Barnes ne sert à rien sinon à installer des effets faciles pour meubler (le jeu caricatural de Michael Ensign crispe rapidement). Le journal de Scully se révèle également d’une grande pauvreté, synthétisant tout le caractère factice et ronflant de ces interminables passages. On ressent une vraie nostalgie pour Memento mori, mais c’est bien toute la Mythologie de naguère (enjeux concrets et authentique tension dramatique) que l’on regrette à la voir ainsi remplacée par des élucubrations vaines et boursouflées.

Le segment de l’histoire consacré à Mulder se découvre avec un peu plus d’intérêt, principalement du fait de l’étonnante composition de Duchovny, particulièrement éloquent dans son évocation de la folie. On y retrouve également un peu de cette atmosphère que l’on aime tant, entre paranoïa prégnante et conspirations échevelées. Certes, il faut en passer par quelques poncifs hospitaliers assez pesants et par une résurrection d’un intérêt limité de Kritschgau, sans doute la source de Mulder la moins riche, et qui nous évoque le pénible souvenir de la crise de scepticisme de ce dernier. Même si au total le fond du récit n’aura pas progressé d’un iota, le suspense et les quelques péripéties offertes font que l’ennui desserre quelque peu son étau. On en sort reconnaissant face à la purge représentée par le voyage de Scully dans les contrées du Grand Vide. On apprécie de nouveau une prestation très relevée de Diana Fowley qui, toutes griffes dehors, apporte enfin de l’énergie à l’épisode. Mimi Rogers se montre aussi convaincante en dragon qu’en vile séductrice, et elle confirme bien que son personnage appartient aux grandes figures d’Adversaires peuplant la série. Elle se retrouve cependant bien seule, Alex demeurant absent alors qu’il avait lui aussi beaucoup apporté à la première partie de l’arc. Au moins cela permet-il à Skinner de disposer de plus d’espace, avec un Mitch Pileggi une nouvelle fois parfait.

Cette première partie singulièrement peu relevée se conclue cependant sur un moment de grâce, les retrouvailles de Mulder et Scully où Gillian Anderson nous offre une de ces superbes compositions dont elle a le secret, empreinte de la plus vive émotion. De quoi espérer la fin du marasme dans Amor fati !

Et de fait, ce double Mythic trouve un tout nouveau souffle dans sa seconde partie. La spectaculaire apparition d’un Homme à la Cigarette plus méphistophélique que jamais rassure d’emblée. Notons que dans la droite ligne de Musings, il s’amuse à déclamer son Shakespeare… En découle pour Mulder une captivante dérive progressive dans une réalité virtuelle évoquant Spores, à la parfaite imbrication avec les évènements survenant dans le monde réel. Ces images oniriques bénéficient d’une brillante mise en scène de Michael Watkins sachant admirablement varier ses effets, du rêve lumineux jusqu’à la scène dantesque de l’Apocalypse en passant par une terrorisante accélération à la 2001 : l'Odyssée de l’Espace. Les bonnes idées regorgent, comme la savoureuse réapparition de Gorge Profonde où l’on perçoit bien la joie de Duchovny (co-auteur de l’épisode) à retrouver l’épatant Jerry Hardin. En contraste avec ce rêve au long cours (et les images trop naïves de la plage), le cauchemar technologique où trône un Fumeur triomphant et satisfait frappe les esprits. L’épisode ne comporte aucune indication sur ce qu’il est devenu de lui après une opération au résultat incertain, ce qui laisse le spectateur tout de même quelque peu frustré !

Les parcours de Scully et de Mulder ne demeurent pas stérilement séparés comme lors de la première partie, mais s’entrecroisent dans un suspense convergent parfaitement tissé. À l’immobilisme bavard succède pour Scully une enquête frénétique où son angoisse devant la disparition de Mulder la fait successivement frapper en vain à toutes les portes possibles jusqu’à la plus improbable, celle de Diana Fowley. La détestation palpable émanant de leur rencontre rend la scène particulièrement forte, avec un beau double numéro d’actrices. La haine suintant du visage de Gillian Anderson après le départ de Fowley est à voir ! Il s’agit de la dernière apparition de Mimi Rogers dont le personnage quitte précipitamment la série par la petite porte, Carter y étant incité par la haine généralisée dont Fowley faisait alors l’objet ! Le retournement improbable de cette dernière et la facilité avec laquelle Scully parvient jusqu’à Mulder ne pénalisent pas réellement l’épisode tant ils s’insèrent bien dans cette zone étrange où le rêve et la réalité fusionnent, et où, comme l’énonce Albert Hosteen, le miracle devient possible. L’ensemble, porté par la musique de Snow, conserve une tonalité éthérée réellement fascinante. Enfin, on reste reconnaissant à Alex de nous débarrasser une bonne fois du personnage décidément trop limité de Kritschgau…

Au total, La sixième extinction parvient à s’extraire de son bourbier religio-ufologique inepte pour atteindre un Fantastique d’excellente qualité. Le décor est planté pour la septième saison, mais un doute sérieux subsiste sur la pérennité de cette nouvelle Mythologie qui nous est proposée.

Anecdotes :

  • Mort de Diana Fowley (Mimi Rogers) à l'issue de sa septième apparition dans la série.

Retour à l'index


3. APPÉTIT MONSTRE
(HUNGRY)



Scénario : Vince Gilligan
Réalisation : Kim Manners

Critique :

Sous l’éclatant soleil californien, Appétit monstre semble s’apprêter à nous raconter une histoire des plus classiques, les Affaires Non Classées affrontant une énième fois un tueur en série doté de facultés particulières. Mais la très astucieuse idée du scénario de Vince Gilligan consiste à inverser la situation en nous faisant vivre cette enquête du point de vue du tueur, un cas unique dans la série. Outre sa rafraîchissante nouveauté, le procédé présente un double avantage : approfondir le portrait du Monstre de la semaine, mais aussi mettre en scène nos héros d’une manière très ludique. Ceci correspond également à une nécessité, Duchovny étant encore pris par Return to me et Gillian Anderson par The House of Mirth [Chez les heureux du monde]

Nous assistons ainsi à un spectacle rare : le quotidien de l’adversaire du jour. C’est d’autant plus amusant que Rob développe plus que nul autre l’immersion dans l’humanité, tout en tentant de combattre ses dévorantes pulsions. Le récit s’accompagne ainsi d’un bel humour noir, dans une évocation aussi juste que corrosive du drame de la boulimie, mais également de toute autre addiction. Tout en demeurant astucieux et redoutable, Rob Roberts, fort justement interprété par le jeune Chad Donella (Ghost Whiperer, Les Experts, Smallville…), finit par toucher par sa volonté de rédemption sans cesse contrecarrée par son estomac, mais l’humour de répétition l’emporte quand on le voit dévorer systématiquement tous ceux qui l’entourent dès que gronde son estomac. La psychiatre introduit un sarcasme supplémentaire en croquant joliment ces psy peuplant L.A. (Judith Hoag est aussi craquante qu’à l’accoutumée…). On apprécie également la vivacité de la mise en scène de Kim Manners et l’efficacité des effets spéciaux, simples mais percutants.

La vision tierce de notre duo de fins limiers se révèle également très divertissante. Les regards échangés et les diverses postures des personnages évoquent parfaitement les scènes que nous ne voyons pas, et c’est avec un amusement certain que l’on devine leur opposition entre les deux suspects envisageables et la théorie une nouvelle fois ahurissante de Mulder. C’est surtout ce dernier qui se voit ici mis en vedette, avec un numéro à la Columbo proprement irrésistible entre questions faussement patelines et savante déstabilisation souriante d’un suspect qui tente d’ailleurs des esquives dans la grande tradition des adversaires du détective du LAPD. L’épisode se déroule d’ailleurs explicitement à L.A. ! Duchovny déploie sa verve humoristique pour camper un Mulder plus sarcastique et vicelard qu’à l’accoutumée, on s’en pourlèche ! On devinerait presque chez le toujours imaginatif Gilligan comme une envie de le dépeindre lui comme le Monstre de la semaine…

Le premier loner de la saison s’avère déjà décalé, mais avec modération. Sans pour autant constituer un épisode majeur, Appétit monstre renouvelle agréablement un des standards de la série remontant jusqu’à Tooms (mais guère présent dans la saison 6), et développe un humour noir des plus agréables.

Retour à l'index



4. MILLENNIUM
(MILLENNIUM)



Scénario : Vince Gilligan & John Spotnitz
Réalisation : Thomas J. Wright

Critique :

Les X-Files s’apprêtent à changer de millénaire, et faire coïncider cet évènement avec la conclusion de MillenniuM, grande série des productions Ten-Thirteen annulée avant terme pouvait sembler astucieux.

Malheureusement, on reste véritablement confondu devant la faiblesse de l’argument développé par Gilligan et Spotnitz - qui n'ont d'ailleurs que peu travaillé sur la série, voire même pas du tout pour Gilligan - ce cross-over si stimulant se résolvant en une histoire grotesque et simpliste de zombies. Comment peut-on conclure la trame aussi subtile et imaginative des aventures initiatiques de Frank Black par un final aussi indigent ? On aurait pu pour le moins espérer une double enquête passionnante mettant en œuvre les personnalités si différentes d’enquêteurs mus par la même soif de vérité au cours d’un double épisode particulièrement relevé. Le fabuleux compte à rebours de MillenniuM se conclut par un final ne tenant absolument pas les promesses semées tout au long des trois saisons écoulées. Il aurait certainement mieux valu s’abstenir.

On comprend aisément la colère du génial Lance Henriksen (encore formidable ici) devant le traitement subi par son personnage, d’autant que celui-ci demeure tristement statique durant l’essentiel de l’épisode hormis un tir au pigeon de grand guignol. La joie de voir ensemble Mulder et Black reste entachée par le manque de relief de leurs scènes communes, d’autant qu’elles apparaissent singulièrement déséquilibrées au détriment du second, maintenu confiné dans un silence inepte. Quiconque n’aurait jamais vu MillenniuM serait tout à fait incapable d’appréhender la richesse du personnage, figurant ici comme un vulgaire indic à qui le duo doit arracher les vers du nez dans la tradition la plus éculée du policier. Il en va de même pour la série dont la riche (et variable) thématique se voit passée sous silence, pour ne retenir que le seul Black et laisser de nombreuses questions sans réponses. On se demande ainsi ce que devient Emma Hollis alors qu’elle passe cadre supérieur du FBI à l’issue de la dernière saison. L’épisode ne traite que d’une fraction dissidente du Groupe, la dissolution de ce dernier se cantonnant dans un flou particulièrement frustrant.

Subsistent quelques bonnes surprises comme la reprise des si belles harmonies de MillenniuM, la seule composante de l’épisode faisant réellement justice à cette série, même si on retrouve de-ci de-là son ambiance si guillerette. Les artistes des X-Files demeurent toujours aussi performants, leurs zombies paraissent particulièrement suggestifs ! On s’amuse de voir Scully énoncer que l’an Un du nouveau millénaire reste bien 2001, qui d’autre aurait pu nous le rappeler ? On reste cependant surpris par son manque de réaction quand Skinner présente l’Ourobouros car il s’agit exactement de son tatouage de Never again… En nécromancien mystique, Holmes Osborne (Invasion) accomplit une superbe composition.

On apprécie le clin d’œil montrant Frank Black n’assistant pas à la fin du décompte, tout à sa joie d’avoir retrouvé sa fille (on a le plaisir de redécouvrir la pétillante Brittany Tiplady), mais c’est bien l’impression d’une terrible inanité de l’épisode qui prédomine.

Après le tour de passe-passe de Triangle, les passionnés de la relation Mulder/Scully se réjouiront d’enfin découvrir leur premier vrai baiser, propice à toutes les interprétations et ayant pas mal titillé les fans à l’époque : le nouveau millénaire ouvre-t-il la voie à de nouvelles possibilités ? Mulder et Scully peuvent-ils s’embrasser et la Terre ou les X-Files continuer à tourner ? Un rapport avec Steed et Mrs Peel s’embrassant également sous le gui du Nouvel An ? etc. Mais on est à ce moment si catastrophé qu’il en faudrait plus pour nous ragaillardir ! L’émission vue à cette occasion est une institution de la télévision américaine, le Dick Clark's New Year's Rockin' Eve.

Le combat sur Internet pour une vraie conclusion de MillenniuM au cinéma se poursuit, avec un Lance Henriksen ne lâchant pas le morceau. Et si Black était intervenu dans un I want to believe à la tonalité si proche de son univers  ?

Anecdotes :

  • Épisode concluant la série MillenniuM. Les X-Files assumeront également la fin d'une autre série : leur spin-off Au coeur du complot trouvera une conclusion dans l'épisode N'abandonnez jamais (saison 9).

  • Deuxième des quatre baisers échangés entre Mulder et Scully, mais leur premier véritable après celui avec la fausse Scully de Triangle.

Retour à l'index


 

5. À TOUTE VITESSE
(RUSH)



Scénario : David Amann
Réalisation : Robert Lieberman

Critique :

Loner moyen, Rush ne parvient jamais à passer à la vitesse supérieure et à éveiller réellement l’intérêt du spectateur.

La faute en revient à une impression de déjà vu persistante, ces pouvoirs venant troubler une jeunesse déjà difficile ayant été maintes fois aperçus ailleurs (Coup de foudre, Âmes damnées...). De plus, l’épisode ne présente strictement aucune originalité, contrairement à la tentative couronnée de succès de Hungry, et les lycéens observés demeurent tristement conventionnels, sans cachet particulier. L’intrigue s’achemine au gré d’une enquête certes rigoureuse, mais aussi très prévisible et au rythme désespérément lent, un comble pour une histoire traitant de la vitesse.

Heureusement, de nombreuses scènes se parent d’un humour bienvenu comme l’apparition toujours savoureuse de Charles Burks, dont les explications enthousiasment comme de coutume Scully, ou les plaisanteries d’un Mulder toujours aussi pénétrant (- Yeah, too much teen spirit. - You think ? Smells like murder to me), et qui s’attire instantanément les bonnes grâces de la séduisante Chastity (sic), ce qui vaut à cette dernière d’être immédiatement ciblée par Scully. On regrettera d’ailleurs le pathos autour du suicide inutile de la jeune fille.

Nicki Aycox se montre aussi irrésistible que dans Supernatural où elle interprétera la possédée Meg Marsters, ennemie jurée des frères Winchester au service d’Azazel.

Enfin, les effets spéciaux frappent un grand coup avec une scène d’hyper accélération permettant de suivre spectaculairement la trajectoire d’une balle et prouvant que Dead Zone et Smallville n’ont rien inventé ! Tout ceci évite à l’épisode de dégager un ennui trop pesant, mais À toute vitesse s’oublie effectivement aussi vite qu’il est regardé !

Retour à l'index



6. CHANCE
(THE GOLDBERG VARIATION)



Scénario : Jeffrey Bell
Réalisation : Thomas J. Wright

Critique :

L’épisode avait accumulé tous les ingrédients requis pour une pétillante réussite. Henry, au destin très proche de Fellig (Chance apparaît clairement comme un remake inversé de Photo mortelle), aboutit à une malédiction différente, plus propice à la comédie. Architecte du changement, capable d’orienter la théorie du Chaos à son profit en en faisant payer le prix à d’autres, il suscite des enchaînements de circonstances aussi amusants que hautement improbables. L’écriture inventive de Jeffrey Jackson Bell (auteur de nombreux épisodes d’Angel) et la caméra tonique de Thomas J. Wright mettent bien en valeur ces purs moments de Fantastique immiscés subtilement dans notre réalité, et brillamment illustrés par les assemblages de Henry ressortant comme autant de totems érigés au dieu Hasard.

On se divertit beaucoup devant ces insolites rebondissements d’autant qu’ils s’accompagnent du jeu très plaisant de Willie Garson (l’inénarrable Stanford de Sex and the City, doublé par Caudron !) - déjà apparu dans Corps astral - d’un couple Mulder/Scully optant lui aussi pour le ton de la comédie (comme de plus en plus souvent), et par le festival des gueules spectaculaires de gangsters siciliens rappelant les Sopranos. On se dit alors que l’on assiste à un épisode très ludique, aussi astucieux et potentiellement jouissif que le grandiose Voyances par procuration

Et c’est alors que survient le drame atroce.

Devant nos yeux exorbités, l’épisode dévie brusquement de sa brillante trajectoire initiale pour s’écraser sur le terrain spongieux et dégoulinant de la série hospitalière basique (qui à l'époque n'a pas encore opéré sa mue des années 2000). Cette vilenie porte un nom : Shia LaBeouf  - qui fait ici ses classes de saboteur bien avant Indiana Jones IV - et a le visage d’un des enfants les plus crispants et tête à claques d’une série en comportant un nombre certain, à force d’effets appuyés jusqu’au vulgaire et d’insoutenable mièvrerie. Sous le regard du spectateur impuissant, la tonalité, les termes et les postures idiotes appartenant aux plus mauvaises représentantes de ce type de série se développent comme un cancer, et cela demeure un bien triste spectacle que d’assister ainsi à l’agonie d’une histoire jusqu’à son décès clinique.

De plus, le processus se montre d’une épuisante prévisibilité, on se dit qu’à ce stade Scully va nous sortir son jargon volontairement obscur pour impressionner le chaland, et cela ne manque pas. Puis que le moment est venu de la découvrir débordante de compassion au chevet du gamin idiot et… bingo ! Cela ne rate jamais, à tous les coups l’on gagne ; à croire que Henry est notre deuxième prénom. Cet épisode, démarré comme un récit plein d’esprit, d’inventivité, et d’humour noir réjouissant se conclue sur une scène définitivement atterrante où tous les personnages sourient à qui mieux mieux, parfum guimauve. On assassine beaucoup dans les X-Files, parfois jusqu’aux épisodes.

Les Variations Goldberg sont un célèbre morceau de J.S.Bach, fameux pour la complexité de sa trame. Rube Goldberg est aussi un dessinateur célèbre pour avoir couché sur le papier des machines extrêmement complexes, mais à la résultante absolument mineure, tout comme les créations de Henry.

Retour à l'index


7. ORISON
(ORISON)


Scénario : Chip Johannessen
Réalisation : Rob Bowman

Critique :

Après Tooms ou bien encore le Pusher, c’est au tour du Fétichiste de connaître la gloire d’une réapparition dans la série. Ce type d’exercice s’avère toujours périlleux, à proportion du souvenir laissé par le premier épisode, alors même que Le fétichiste avait réellement marqué les esprits. Par ailleurs, Chip Johannessen rajoute une incertitude supplémentaire en introduisant une seconde inconnue dans l’équation, Orison, alors que c’est bien entendu une poursuite de l’affrontement entre Pfaster et nos héros (en particulier Scully ici) que l’on attend. La sœur du Pusher, pourtant une remarquable adversaire, avait ainsi minoré la réussite de Kitsunegari. Et pourtant, Orison se révèle un authentique succès.

Les interprètes épousent donc à merveille la haute qualité de leurs personnages. La série (ainsi que sa récente adaptation cinématographique) a toujours su créer des personnages d’ecclésiastiques aussi denses que spectaculaires quelle que soit la religion concernée, et Orison ne viendra certes pas contredire cette assertion. Irradiant d’une passion totale, il parvient à occuper beaucoup d’espace dans le récit sans pour autant dévorer celui dévolu au Fétichiste. Scott Wilson (CSI) réalise une flamboyante prestation, emportant l’adhésion dès la remarquable scène d’ouverture.

Nick Chinlund parvient à recréer la pure épouvante et la fascination horrifiée suscitées par Pfaster. On approuve sans peine Mulder quand il commente que Scully lui doit la plus grande frayeur de sa vie : un monstre véritablement terrifiant même à l’aune des X-Files. Si Duchovny reste remarquable de justesse tout au long de l’épisode, c’est bien entendu Gillian Anderson qui subjugue ici, tant elle manifeste un jeu intense lorsque Scully se bat pour sa vie avec une rage qui évoque déjà l’âpre Straightheads. Une scène spectaculaire !

Mais c’est finalement son subtil scénario qui parvient à définitivement mettre en orbite l’épisode (à l’Orison de l’évènement). Le spectateur se voit ainsi transporté dans une atmosphère délicieusement trouble de mystère. C’est tout d’abord le cas en ce qui concerne la nature profonde de Pfaster, qu’une Scully très Frank Black avait entraperçue jadis sous une forme démoniaque, avant de rappeler ici qu’il n’y avait rien de surnaturel chez lui (une des forces du premier épisode). Orison vient ici fissurer nos certitudes alors qu’il n’explicite pas réellement le funeste destin du prêtre. Le fait que Pfaster soit par la suite simplement abattu par Scully laisse de nouveau planer un doute effrayant.

Un inexplicable sentiment vertigineux nous saisit encore plus à propos de l’origine des impulsions reçues par Orison. Le récit se cantonne fort intelligemment à un flou d'un impact total, laissant libre cours à une imagination à laquelle le formidable coup de théâtre final ouvre une perspective effrayante au plus haut point. Bien plus suggestive que la thèse de la folie portée par Mulder, l’évocation par Scully du véritable commanditaire fait littéralement froid dans le dos… L'on comprend que Chip Johannessen ait été retenu pour écrire cet épisode, car suggestions diaboliques et personnalité déviante soigneusement explorée ont été le quotidien du scénariste durant son travail sur le MillenniuM de Carter, dont il fut un auteur-clé et le showrunner de sa dernière saison.

Cette audace du récit se voit également portée par une mise en scène très imaginative de Rob Bowman comme cette chanson introduisant finement le surnaturel dans notre réalité, et résonnant finalement comme le tic-tac menaçant de l’étonnante bombe à retardement du scénario, ou encore le recours à la technique souvent risquée du ralenti, ici parfaitement efficace !

On regrettera par contre l’effet bien trop appuyé du 666 de l’horloge, un couac étonnant dans la subtile orchestration du récit, et que ni Mulder (ou un peu tardivement…) ni Scully n’ait anticipé que Pfaster s’en prendrait en priorité à cette dernière. On a connu nos héros plus intuitifs !


8. MALEENI LE PRODIGIEUX
(THE AMAZING MALEENI)


Scénario : Vince Gilligan, John Shiban, & Frank Spotnitz
Réalisation :Thomas J. Wright

Critique :

Avec la même parfaite réussite qu’autrefois Humbug pour Les Caravanes de l’Étrange, The Amazing Maleeni se découvre comme un vibrant hommage au monde fascinant de la prestidigitation. On assiste ainsi tout au long du récit à un véritable florilège de tours de magie véritablement impressionnants mettant en œuvre tous les classiques de cet art si particulier. Cartes, pièces, gobelets, menottes, chapeau et colombes, tout y passe pour notre plus grand bonheur. On est au spectacle comme de vrais gosses, et on en raffole !

Au-delà de ces performances, l’épisode sait reconstituer toute une atmosphère, entre évocation de légendes du passé, rivalités d’artistes, et ébahissement ravi du public. On apprécie vivement l’évidente sincérité du clin d’œil faisant naître le merveilleux sans quasiment aucun recours au paranormal au sein d’une série où le Fantastique le plus débridé fait loi. Même si, X-Files oblige, le coup de maître de l’éblouissante séquence d’ouverture demeure inexpliqué…

Diabolique habileté du trio magique d’auteurs, l’intrigue elle-même, toute en savantes diversions, se révèle un prodigieux tour de passe-passe dans la grande tradition si goûteuse de L’Arnaque, ou plus encore de L’Illusionniste, film très réussi s’inspirant à l’évidence de l’épisode. La machination, toute en trompe-l’œil et en strates successives, se montre aussi tortueuse que propice à de remarquables coups de théâtre. Elle fait honneur au concept d’énigme, brillant trait d’union entre la prestidigitation et cette grande tradition du Policier où le lecteur tente de démêler l’écheveau jusqu’à l’ultime révélation du récit. C’est d’ailleurs à la conclusion de l’épisode qu’un Mulder très Hercule Poirot nous révèle la dernière pièce du puzzle après un ultime rebondissement inattendu. Chapeau (magique) bas au spectateur qui aura su résoudre l’énigme avant terme tant ses fils sont savamment tissés !

Ce superbe scénario se trouve encore sublimé par une musique de Snow volontiers ironique dans son soulignement des effets, et par la mise en scène tonique et inventive de Thomas J. Wright. Les effets spéciaux ont le bon goût de demeurer discrets durant cet hommage aux artistes de la prestidigitation, même si l’on apprécie au plus haut point de retrouver les autopsies si particulières de Scully. Alors que Vancouver avait dû attendre l’ultime épisode pour recevoir un hommage explicite, la réalisation nous vaut également ici quelques très jolies vues de L.A., dont cette célèbre plage de Santa-Monica où dans un autre univers, Hank Moody connaîtra d’inoubliables moments de bonheur avec sa famille.

On se surprend à éprouver de la sympathie, voire de l’enthousiasme, pour ce duo d’artistes de l’arnaque aussi bien que du music-hall, et ce d’autant plus qu’ils comptent parmi les très rares adversaires des Affaires Non Classées à n’avoir aucune goutte de sang sur les mains. Leur audace, ruse, et humour malicieux forcent l’admiration, d’autant que leur crapulerie se sublime par un sincère amour de leur Art et un authentique sens du panache. On s’attristerait presque de les voir tomber sur la seule équipe du FBI capable de les coincer, mais le scénario présente l’habileté consommée de les laisser libres, afin de ne pas gâcher la fête. Encore que l’on se demande quelle prison aurait pu retenir nos Houdini. Toujours par deux ils vont, le maître et l’apprenti, et chacun de nos héros de la semaine se trouve doté d’une vraie personnalité : la crânerie et l’impétuosité du déjà très doué Labonge trouvant son prolongement naturel dans la tranquille assurance non dénuée de malice du plus expérimenté Pinchbeck, à l'insurpassable bagout.

Les deux interprètes, Jonathan Levit et Ricky Jay (Malleeni), apportent une conviction absolue à leurs personnages. Rien d’étonnant à cela car il s’agit de magiciens professionnels très réputés ! Jonathan Levit donne ainsi de nombreuses représentations à succès au prestigieux Magic Castle d’Hollywood. Son apparition dans les X-Files lui valut plusieurs apparitions à l’écran. Ricky Jay (Magnolia, Deadwood où il interprète également un joueur professionnel) est un expert mondialement reconnu dans la manipulation des cartes à jouer, ce qui donne une saveur certaine à plusieurs scènes de l’épisode. Frank Spotnitz s’en déclare un très grand fan et bâtit l’épisode autour de sa participation. Nos magiciens se révèlent également d’excellents comédiens dans la grande tradition américaine de l’entertainment où un artiste se doit d’avoir plusieurs cordes à son arc.

Dans The Complete X-Files, Gilligan évoque que Spotnitz, depuis toujours passionné par la prestidigitation, voulait de longue date créer un épisode dans cet univers avec la présence incontournable de Ricky Jay. On appréciera aussi la pittoresque performance de Robert LaSardo, bien connu des amateurs de Nip/Tuck et de nombreuses séries policières.

Après la parenthèse horrifique de l’épisode précédent, Scully et « Il grande Mulderi » retrouvent sans coup férir le petit nuage où, tels Ally McBeal, ils semblent en lévitation depuis le début de la saison. Rarement ils se seront autant divertis au cours d’une enquête les voyant, au cours de nombreuses scènes parfaitement pétillantes, plaisanter, se titiller, manifester à chaque instant une complicité et un bonheur radieux d’être ensemble. Si on rajoute à cela le Baiser du Millénaire, on en viendrait presque à se demander s’il ne se passe pas quelque chose dans l’arrière-boutique que la série s’amuserait à ne pas nous révéler explicitement… Voici qui n’est pas sans évoquer de grands souvenirs aux amateurs des Avengers ! Visiblement ravis devant cette évolution, David Duchovny et Gillian Anderson enthousiasment durant tout l’épisode. La parfaite alchimie des comédiens rejoint celle des personnages, parachevant l’éclatant succès de Maleeni le Prodigieux.

Cet épisode parfaitement « amazing », auquel même les plus fervents adeptes de l’époque Vancouver reconnaîtront que l’éclatant soleil et l’atmosphère de L.A. conviennent à merveille, ouvre la voie aux loners très conceptuels qui vont désormais se succéder. Ceux-ci vont apporter un second souffle à une septième saison jusque-là en demi-teinte.

Retour à l'index


9. LA MORSURE DU MAL
(SIGNS & WONDERS)


Scénario : Jeffrey Bell
Réalisation : Kim Manners

Critique :

On éprouvait de vives espérances à propos de cette histoire, les sujets religieux donnant souvent lieu à des épisodes relevés, comme d’ailleurs encore récemment Orison.

Hélas, force est de déchanter devant cette histoire très insipide et fort mal ajustée, tout le monde comprenant aisément qui est le coupable tant le faux suspect et l’insoupçonnable personne sympathique (figures classiques au plus haut point) se voient ici caricaturés sans nuances. Même si la scène confrontant deux lectures différentes d’un même passage de la Bible est bien trouvée, l’intrigue fait rapidement du surplace entre retours incessants à l’église sans cachet ni lumière d’Énoch et rebondissements prévisibles déjà tant de fois vus ailleurs.

On peut d’ailleurs s’interroger sur la capacité de la série à renouveler ses loners classiques : après six saisons intenses, il devient difficile de dégager de l’inédit et les impressions de déjà vu s’accroissent (l’histoire est ici très proche de celle de Sanguinarium). On peut y trouver une justification, après de belles initiatives du type Appétit monstre ou Maleeni le Prodigieux, de la multiplication de loners décalés faisant suite au traditionnel double épisode mythologique.

Les dialogues demeurent également sans cachet particulier, se montrant souvent aux limites de la caricature. Cela déteint sur le duo vedette qui nous a habitués à des prestations autrement plus relevées cette saison. Les scènes entre Mulder et Scully ne viennent ici que sporadiquement extraire le spectateur de la torpeur qui s’en vient le saisir. Il était intéressant de baser l’épisode sur une de ces sectes américaines bien réelles mettant en œuvre serpents et venins, mais la dimension religieuse se cantonne ici à un prétexte donnant lieu à un affrontement archétypal certes efficace mais sans profondeur.

Cela pénalise directement le personnage de Scully, ce sujet trouvant toujours une résonance particulière chez elle. De fait, hormis un petit clin d’œil à une amusante phobie des serpents à la Indiana Jones, elle demeure ici très en retrait, son opposition habituelle avec le scepticisme de Mulder face au sacré ne donnant lieu qu’à un échange de vannes très mineur.

De son côté, Duchovny ne force guère son talent non plus, à croire que Mulder lui-même s’ennuie devant cette histoire ressassée. Les comédiens incarnant les deux « prêtres » nous offrent par contre un joli récital, même si, en jeune femme éplorée, Tracy Middendorf irrite rapidement en en faisant des tonnes - une contreperformance étonnante de la part d'une comédienne habituellement extrêmement marquante.

Fort heureusement, l’épisode sauve les meubles grâce au beau talent de Kim Manners pour sublimer le Fantastique, et toujours trouver à coup sûr l’image la plus saisissante possible. C’est ainsi que les apparitions ophidiennes (y compris les traces sanguinolentes d’accouchement terriblement évocatrices) ou encore les transes de la secte, de scènes potentiellement grotesques, deviennent de saisissants moments au rare impact horrifique. Malheureusement, la force de ces passages souligne la saveur insipide du récit qui les encadre, Manners lui-même ne pouvant électriser suffisamment ces enfilements verbeux saturés de poncifs comme les oies sont gorgées au grain. Si, dans son idée, la conclusion demeure d’un classicisme achevé, cette talentueuse mise en scène en fait un joyeux moment de bizarre et d’épouvante que les amateurs de V goûteront particulièrement !

Un épisode non indispensable, toutefois embelli par la caméra ensorcelée de Kim Manners, et qui aurait sans doute été mieux mis en valeur dans MillenniuM. Courage, la traversée de la saison 7 va désormais s’effectuer sur des eaux plus poissonneuses !


10/11. DÉLIVRANCE
(SEIN UND ZEIT/CLOSURE)



 

Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
Réalisation : Michael Watkins (1re partie) et Kim Manners (2e partie)

Critique :

Depuis plus de sept ans, à travers des dizaines d’épisodes de toutes natures, s’il y a un mystère qui a encore et toujours tenu en haleine le spectateur, c’est bien la désormais légendaire disparition de Samantha Mulder, définitivement le X-File absolu. Aussi devine-t-on sans peine les espérances soulevées par la résolution de l’énigme et… à quel point la série était attendue au tournant. Tout échec, même relatif, sur cette question aurait pris des proportions absolument catastrophiques !

Certes, le double épisode ne connaît pas une perfection sans tâche. On s’étonnera de voir surgir cette histoire de Nomades du diable vauvert après 149 épisodes dont elle demeure totalement absente. Surtout, l’épisode se parsème de quelques raccourcis parfois embarrassants. On observe ainsi, notamment, que la corbeille où Teena a incinéré ses documents échappe à la fouille minutieuse de l’appartement par la police, ainsi qu’à Mulder qui d’habitude déniche les indices avec une redoutable perspicacité. Plus tard, Scully revient, tombe sur la corbeille en trois secondes, et l’unique papier intact qu’elle en retire porte les initiales CGBS… À ce moment, le voyant « facilité scénaristique » clignote avec véhémence…

Mais qu'importent ces imperfections, l'épisode demeure bien de la plus belle étoffe, avec une présentation à la fois très précise et circonstanciée mais aussi des plus poétiques de ces Nomades. Si la première partie apparaît comme un tremplin pour la révélation amenée par Closure, elle n'en ressort pas négligée pour autant. Le mystère, angoissant à souhait, se développe selon un agencement subtil, l'intrigue jouant habilement de l'imbrication des actes du serial killer et des Nomades pour semer le doute. Le Père Noël est bien une ordure : ce tueur fait réellement naître l'effroi, le patelin Santa Claus se transformant en abominable ogre des contes de fées au fil de révélations savamment agencées jusqu'à la terrible scène finale, valorisée par la mise en scène sobre mais efficace de Watkins.

L'épisode bénéficie également d'une distribution parfaitement convaincante, avec notamment un Mark Rolston aussi solide que dans Le musée rouge ou Profiler. Comme on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, la série que Lapierre admire tant n'est autre que le pilote d'Harsh Realm que Ten-Thirteen vient de lancer, avec Gillian Anderson en voix off !

La seconde partie voit une accélération, avec une nouvelle entrée en scène, celle de Harold Piller, clairement destiné à devenir le catalyseur de l'intrigue. Avant que sa fuite finale n'illustre ce qu'aurait pu être le destin d'un Mulder se détournant de la Vérité, il mène celui-ci de révélations en révélations jusqu'au but ultime, aidé en cela par les messages post-mortem de Teena Mulder. Cette dernière accomplit ici une sortie réussie d'une série lui devant plusieurs scènes très intenses. Cette démarche conduit certes à quelques accélérations dommageables, mais si le récit passe à la vitesse supérieure après des saisons entières où seules des fausses pistes s'étaient manifestées, il n'en demeure pas moins cohérent et maîtrisé.

On remarquera une introduction à la terrible éloquence, un joli clin d'œil apporté par La planète des singes sur la révélation à venir, ainsi qu'une rencontre à la remarquable intensité dramatique entre Scully et le Fumeur. Les scènes de Scully avec les diverses figures de la Conspiration se montrent aussi rares que savoureuses, et on ne pourra reprocher à celle-ci que sa brièveté (on se rattrapera bientôt dans En ami). Skinner (participant cependant à l'enquête) et Scully apparaissent ici logiquement en retrait dans un épisode totalement centré sur Mulder et son histoire. Duchovny accomplit ici une véritable prouesse de talent et d'émotion, témoignant de sa parfaite connaissance d'un personnage incarné depuis tant d'années, et ici au bout de sa résistance d'une manière particulièrement déchirante, comme laminé par le doute.

Mais, bien évidemment, c'est la scène des retrouvailles qui allait en définitive décider du succès ou de l'échec d'un double épisode qu'elle couronne fort logiquement. La scène apparaît incroyablement difficile à mettre en scène entre attentes incandescentes des fans, nécessité de rendre positive l'idée que Samantha ne soit plus de ce monde, et manœuvre d'évitement de l'écueil du pathos dégoulinant. Fort heureusement, Chris Carter a l'idée salvatrice de confier la réalisation de Closure au regretté Kim Manners, le plus (le seul ?) à même de relever semblable gageure. Son sens inouï du Fantastique, faisant déjà merveille lors des diverses apparitions fantasmagoriques de l'épisode, éclate à cet instant suprême : somptueux ralenti, lumière et couleurs irréelles, parfait placement des caméras pour mettre en relief le jeu des comédiens font de cette rencontre un pur moment de grâce. Cette magie onirique balaie les quelques réserves précédemment observées et emporte totalement l'adhésion d'un spectateur vivant à l'unisson de Mulder cet incroyable moment de joie, d'émotion, et de délivrance. Peut-être le sommet de la série.

L'étonnante substitution de Mark Snow par Moby se justifie par le caractère éthéré de la musique de ce dernier et le fait qu'elle soit supportable durant une minute. On reste cependant déçu que Vanessa Morley, qui a si bien incarné Samantha dans la plupart des occasions, ne soit pas ici de la fête, sans doute du fait de la différence d'âge. Fort heureusement, I want to believe saura lui rendre l'hommage qu'elle mérite.

Après la chute de la Conspiration, c'est le dernier pan de la Mythologie historique qui tombe ici. Dès lors, Mulder (et son interprète) peut s'acheminer vers la sortie, mais il reste aux Affaires Non Classées une demi-saison très pétillante, en roue libre, pour nous divertir lors d'épisodes irrésistiblement décalés !

Anecdotes :

  • Fin de l'arc Samantha Mulder initié depuis le Pilote. Closure tombe à pic pour fêter l'événement car il s'agit du 150e épisode de la série !

Retour à l'index


12. PEUR BLEUE
(X-COPS)


Scénario : Vince Gilligan
Réalisation : Michael Watkins

Critique :

Produite depuis plus de 25 ans par la FOX, et visible un temps en France sur NT1, COPS est une émission de téléréalité faisant ses choux gras d’opérations de police spectaculaires, filmées dans les conditions du direct. J’y ai jeté un coup d’œil dans la perspective de cet épisode : la forme s’impose comme redoutablement efficace, on ne saurait le nier, mais le fond fait réellement s’interroger sur la nature et le devenir d’une société utilisant sa violence et ses aspects les plus sordides pour distraire ses citoyens (sans rien enlever au courage bien réel des policiers). Et c’est pourtant ce monument érigé au voyeurisme que Chris Carter a décidé d’entremêler aux X-Files, ce qui n’alla pas sans provoquer quelques grincements de dents à l’époque. Alors, le jeu en valait-il la chandelle ?

La production et la mise en scène étonnent d’emblée. Le mimétisme avec COPS transparaît vraiment poussé jusqu’à son terme avec la reprise de tous les gimmicks de l’émission : panneau d’annonce réécrit, générique, logo des écrans publicitaires savamment entremêlé avec celui des X-Files, visages floutés et paroles obscènes censurées, etc. L’effet d’immersion est total pour le spectateur, avec une réalisation caméra sur l’épaule conférant une authentique originalité ainsi qu’un tonus indéniable à l’épisode. Watkins sait également varier ses effets, de frénétique, le procédé devient parfois franchement inquiétant en retrouvant des effets à l’impact très proches de l’inouï Blair Witch Project. Derrière les apparences de cavalcade, on voit bien à quel point la technicité déployée est impressionnante avec une multitude de caméras et de comédiens à gérer simultanément. Le montage apparaît également d’une étonnante fluidité. De la belle ouvrage !

Mais X-Cops ne borne pas là son intérêt, l’exercice de style s’enrichissant d’un humour ravageur. Cette idée géniale de personnes mourrant d’être confrontées à leur frayeur nous vaut ainsi une succession de gags mortifères particulièrement percutants au cours d’un vrai jeu de massacre dont cette apparition de Freddy Krueger nous évoquant quelque peu le Luke Skywalker d’Eddie Van Blundht ! Le gag de l’assistante (Tara Karsian, qui reviendra cependant dans Urgences…) tombant raide morte du fait d’un virus durant une autopsie encore plus dingue que de coutume, ce qui n’est pas peu dire, vaut également absolument le coup d’œil.

Le couple Steve/Edy nous offre de plus un numéro style La Cage aux folles assez irrésistible, sans mépris, mais au contraire beaucoup de tendresse. Ils seront d’ailleurs les seuls à avoir le courage nécessaire pour contrecarrer les plans de l’entité… On apprécie également le jeu étonnant de justesse de Judson Mills (Walker Texas Ranger) en policier valeureux mais totalement dépassé par les évènements.

Notre duo dynamique participe activement à la drôlerie débridée de cette histoire. Scully tient ici la vedette, sa honte habituellement ressentie aux côtés d’un Mulder débitant ses théories se voyant amplifiée au centuple par le passage à la télévision. Cela nous vaut durant tout l’épisode une succession de gestes irrésistibles d’embarras ou de mauvaise humeur. Ils culminent avec une véritable scène de ménage des plus jouissives où la rousse volcanique va jusqu’à appeler Skinner à la rescousse ! Rires garantis, surtout quand celui-ci répond, avec le raidissement de mâchoire que l’on devine sans peine, que « le FBI n’a rien à cacher ». Dans une antithèse absolue, Mulder se montre lui particulièrement enthousiaste de pouvoir enfin révéler le paranormal à la télévision… le pauvret ira de désillusion en désillusion car Vince Gilligan, avec une cinglante ironie, lui fait alors affronter le plus immatériel et invisible des adversaires ! Survoltés et étonnants de naturel, Duchovny et Gillian Anderson parviennent à encore renforcer cette impression de véracité faisant tout le sel de cet épisode très à part.

Cependant, au-delà des éclats de rire, X-Cops ne se contente pas de constituer un délicieux remake très X-Files d’un classique des Avengers, Les marchands de peur, mais développe également une parabole beaucoup plus angoissante. En effet, cette mystérieuse et létale créature symbolise avec pertinence la peur multifacettes gangrenant nos sociétés, atteignant quiconque y compris les policiers, et provoquant les réflexes les plus autodestructeurs. En toute fin d’épisode, Carter fait d’ailleurs explicitement déclarer à Mulder que ce fléau peut apparaître n’importe où, pas seulement aux États-Unis ou dans les quartiers difficiles...

Apporter du sens et de la lucidité à la fanfare vulgaire de la téléréalité demeure bien l’ultime exploit de cet épisode aussi fin que tonique, l’une des très belles réussites de cette seconde partie de saison.


13. MAITREYA
(FIRST PERSON SHOOTER)


Scénario : William Gibson & Tom Maddox
Réalisation : Chris Carter

Critique :

Le First Person Shooter (souvent abrégé en FPS) ou jeu de tir subjectif en bon français est un style de jeu vidéo en trois dimensions subjectives, où le héros, dont on ne voit souvent que la main armée, se déplace dans un environnement hostile et doit abattre divers adversaires (comme Gambit et Purdey dans Cibles). Ce genre de jeu popularisé par des titres comme Wolfenstein 3D (1992) ou surtout Doom (1993), encore très populaire aujourd’hui, est souvent synonyme de style joyeusement bourrin, générateur d’adrénaline à haute dose !

Figure fondatrice de l’école Cyberpunk, William Gibson (en compagnie de Tom Maddox, autre auteur important de cette mouvance) avait déjà signé le réussi Clic mortel (saison 5). Ils développent ici un nouveau récit reprenant différents thèmes cybernétiques en les liant astucieusement à un style de jeu existant réellement, le FPS, accroissant ainsi la véracité de l’ensemble. C’est ainsi que nous avons affaire à un FPS se déroulant dans un univers virtuel où pénètre réellement un joueur affrontant une Intelligence Artificielle aussi séduisante que mortelle. Cette astuce semblait très efficace lors de la diffusion de l’épisode mais aujourd’hui date terriblement celui-ci. En effet, les perspectives de jeux virtuels enflammant alors l’imagination se sont révélées de simples mirages, leur technologie demeurant largement inaccessible !

Fort heureusement, Maitreya ne se limite pas à cela et poursuit l’évolution observée depuis le terriblement pompeux Un fantôme dans l’ordinateur (saison 1) en introduisant encore plus de fantaisie et d’humour que dans Clic mortel. L’histoire s’avère ainsi l’occasion de porter un regard joyeusement caustique sur la communauté des hardcore gamers (effectivement de jeunes mâles à 95%), leurs idoles éphémères, et leurs attitudes les plus ridicules. Gibson se moque de ces inconditionnels du virtuel avec presque autant de férocité que Darin Morgan pastichait les ufologues délirants dans Le Seigneur du magma.

Tout en présentant plusieurs thématiques sous un jour plus rieur que de coutume dans leur littérature, les auteurs achèvent également la galerie de portraits d’icônes de la Silicon Valley développée par cette trilogie Cyber des X-Files : après le Gourou puis le Hacker, nous trouvons ici l’Entreprenaute des start-up. En février 2000, nous nous situons à l’apogée d’une Bulle Internet sur le point de s’effondrer, et les auteurs, fins connaisseurs du milieu, manifestent également ici une plume diablement aiguisée (fièvre de l’argent, fuite en avant, mégalomanie, machisme…). Cette dimension satirique très aboutie et finement ciselée rattrape aisément l’aspect volontiers succinct d’un scénario parfois aussi répétitif qu’une vraie partie de FPS !

L’intrigue ne constitue pas le seul atout de Maitreya car les X-Files offrent également une solide démonstration de leur maîtrise technique dans la réalisation de l’épisode (Chris Carter dirige lui-même ici). Les effets spéciaux, en pointe pour l’époque, se montrent très relevés (l’épisode remporta deux Emmy Awards à ce titre en 2000). C’est particulièrement le cas pour la disparition de l’IA grâce à son épée magique, demeurant une image célèbre de la série, et caractéristique au plus haut point de l’esthétique Cyberpunk  (cf. un chef-d’œuvre du genre, Autremonde de Tad Williams).

Les nombreuses scènes d’action du Jeu sont tournées avec beaucoup d’efficacité, illustrant éloquemment la violence extrême de ce style de loisir épicurien. Il en va de même pour la paranoïa ambiante distillée par les FPS où un ennemi peut apparaître n’importe quand, n’importe où, parfaitement rendue par le décor de premier plateau totalement anxiogène. L’épisode explose le budget coutumier de la série, déjà conséquent. Les alignements de pseudo SS tirant à vue sur les joueurs résonnent comme un écho de Wolfenstein 3D (dit Wolf) où le joueur détruit du Nazi au kilomètre. Maitreya se montre aussi parfaitement saisissante et mystérieuse dans son étrangeté intangible ; elle bénéficie du talent et de la plastique de Krista Allen (Alerte à Malibu, Charmed…). La scène du commissariat se montre d’ailleurs des plus spectaculaires et suggestives…

Humour plus paranoïa : il était logique que nos Bandits Solitaires soient de la partie, d’autant que Gibson et Maddox avaient manifesté une jolie compréhension du potentiel humoristique du Trio dans Clic mortel. Comme toujours, nos amis se montrent divertissants au possible, plus ados attardés que jamais, avec notamment un Byers semblant fendre l’armure et s’encanailler en compagnie des deux bourrins. Alors que la Fox avait considérablement communiqué sur Mulder et Scully dans leur spectaculaire tenue de combat, nos héros semblent tout de même moins dans leur élément que leurs petits camarades, et l’effet atteint vite ses limites.

De fait, tout comme La morsure du Mal se voyait comme un épisode très MillenniuM, FPS s’insérerait parfaitement dans Au Cœur du Complot, alors que Mulder et Scully semblent quelque peu déplacés et inopérants ici. Tandis que Mulder se lâche totalement, on observe cependant une nouvelle manifestation de la fibre féministe de Scully, parfois de manière un peu trop démonstrative. Duchovny s’en sort bien, mais Mulder en Rambo du futur, on n’accroche pas vraiment… L’épisode aurait vraiment atteint sa perfection en laissant place nette aux Bandits Solitaires (en les laissant se débrouiller misérablement en fait).

On regrettera aussi que la situation ne se dénoue que par une péripétie passablement éculée, se déroulant de plus dans le monde réel, alors qu’il aurait été plus audacieux et efficace de trouver une solution dans le Cyberespace. Cela semble d’autant plus frustrant que les auteurs avaient à leur disposition le personnage si spectaculaire d’Invisigoth. Celle-ci aurait pu voler au secours de ses trois admirateurs transis à travers les mailles du réseau et les strates du Kernel pour nous offrir une bataille d’IA spectaculaire, comme le courant Cyber a su en mettre en scène dans ses romans (Les Cantos d’Hypérion). Un manque d’audace créatrice étonnant chez Gibson, pourtant le grand promoteur de ce genre de facéties.

Ces quelques réserves n’empêchent pas FPS d’apparaître comme un joyeux pamphlet, sarcastique, et aiguisé au plus haut point ! Après X-Cops, la saison 7 remporte de nouveau son pari de développer des épisodes très conceptuels totalement en marge du corpus principal de la série. Ce qui n’alla pas sans désarçonner une nouvelle fois les fidèles de la première heure qui commencent d’ailleurs à quitter le navire…


14. COUP DU SORT
(THEEF)


Scénario : Vince Gilligan, John Shiban, & Frank Spotnitz
Réalisation : Kim Manners

Critique :

Depuis Mystère vaudou (saison 2), les épisodes relevant du Vaudou n’ont guère été heureux, et celui-ci ne fera pas exception. Nous nous retrouvons encore ici face à une trame archi classique de vengeance, ponctuée par les sempiternels envoûtements à base de pattes de poulets, poupée ensorcelée, composants organiques... Mulder tente effectivement d’expliquer qu’il s’agit de vaudou « celtique » mais la ficelle paraît vraiment grosse, c’est tout de même bien un recyclage bon teint que développe une intrigue singulièrement linéaire et beaucoup trop prévisible. L’opposition entre médecine moderne et art mystique paraît également particulièrement téléphonée. On ne goûte guère non plus de voir Mulder trouver l’information lui manquant dans un journal télévisé bien opportunément inséré.

Ce n’est pas que l’épisode soit honteux. La mise en scène de Kim Manners demeure efficace, notamment lors des scènes les plus horrifiques, avec des artistes toujours aussi inspirés concernant effets spéciaux et maquillages (Emmy en 2000). La scène du combat final, avec une Scully aux yeux aveugles très effrayante, semble insuffler un peu d’énergie à l’épisode, même s’il est bien trop tard.

De plus, Theef dispose d’un casting de choix avec James Morrison (Bill Buchanan dans 24h chrono, un des rares alliés sûrs de Bauer), ici très convaincant, mais surtout Billy Drago. Malheureusement, on observe le même phénomène qu’avec Campbell dans Pauvre diable : le grand comédien (enthousiasmant en tant que Bly dans Brisco County ou Nitti dans Les Incorruptibles) se trouve ici affublé d’un rôle ne lui convenant pas et sans réel intérêt. Peattie passe l’épisode à prendre des poses éculées et à débiter des phrases creuses avec des tics de langage vite crispants au possible. L’épisode introduit également un débat sur l’euthanasie, une ambition méritante mais guère développée tant la situation s'inscrit dans un extrême radical.

De fait, avec un peu plus de tonus, l’épisode aurait pu séduire dans les premiers temps de la série. Mais tout ceci a déjà été vu et revu tant de fois qu’une certaine lassitude finit par saisir le spectateur. Mulder et Scully ironisent d’ailleurs eux-mêmes sur ce caractère répétitif, mais on agrée plutôt que l’on ne sourie...

Après 153 épisodes, il était inévitable qu’une certaine usure se fasse jour, et pour aller de l’avant, les X-Files semblent désormais condamnés ou à innover comme lors des épisodes décalés que Carter, qui a bien senti souffler le vent, multiplie dans cette saison - il faisait d'ailleurs de même la saison précédente - ou à réaliser des épisodes classiques dont la qualité force l’admiration et suscite encore l’enthousiasme. Rien de tout ceci pour Coup du sort (y compris ici au niveau de la traduction du titre…), ce qui le condamne à l’indifférence.


15. EN AMI
(EN AMI)


 

Épisode Mythologique

Scénario : William B. Davis
Réalisation : Rob Bowman

- If you would permit me, I'd like to make an observation. You're drawn to powerful men but you fear their power. You keep your guard up, a wall around your heart. How else do you explain that fearless devotion to a man obsessed, and, yet, a life alone ? You'd die for Mulder but you won't allow yourself to love him.
- Wow. I'm learning a whole other side to you. You're not just a cold-blooded killer, you're a pop psychologist as well.

Critique :

Les scènes de Scully avec les principales figures de la Conspiration ont toujours constitué de grands moments et de superbes rencontres de comédiens, dont l’impact se voit renforcé par leur grande rareté. Gorge Profonde, X, le First Elder, et le Bien Manucuré ont ainsi eu droit à des dialogues de différentes natures, mais tous fort intenses. Or, comme le rapporte le livre The Complete X-Files, William B. Davis s’étonna que le Fumeur n’ait eu, lui, droit qu’à quelques face-à-face fugaces et le plus souvent silencieux avec elle. Carter lui offrit donc d’écrire cette histoire, où il imagine une étonnante aventure menée en commun par ce duo pour le moins hétéroclite.

Davis jette un regard passionnant et complexe sur le personnage qu’il incarne avec talent depuis déjà de longues années. Le Fumeur, dont nous continuons ici à suivre la dégradation physique initiée par la trouble opération de Amor Fati, se montre évidemment d’une rouerie extrême et manifeste toujours son talent unique pour la manipulation. C’est ainsi qu’on se délecte de le voir cibler très précisément les bons rouages pour influencer Scully. Celle-ci, en tant que catholique convaincue et médecin, ne pouvait demeurer indifférente à cette antienne de la rédemption par le sacrifice, mais aussi à la mirifique perspective d’une Panacée universelle. Le vieux renard le sait très bien et n’hésite pas à rajouter dans le chien battu pour emporter la décision, tandis que le spectateur ne peut retenir un sourire admiratif… Toutefois, Davis accroît la profondeur psychologique du récit en dotant son personnage déclinant d’une affection que l’on devine sincère pour Scully.

Voir la belle âme de celle-ci éveiller l’humanité de l’Homme à la Cigarette, et ainsi, finalement, le prendre à son propre piège, demeure une des grandes habiletés de l’intrigue. Voir le Fumeur épargner la vie de Scully ne surprend guère, il en va différemment quand il renonce au profit de sa machination, avec beaucoup d’interrogations à la clé. Commence alors un renoncement progressif accompagnant l’approche de la mort, qui conduira certes au final passablement grotesque de The Truth, mais qui demeure pour l’instant suprêmement élégant et subtil. Comme toujours, Davis est simplement parfait, on ne se lasse jamais de le voir apporter son talent et de magnifier un personnage déjà extraordinaire. Et puis, on pardonnera beaucoup à l’Homme à la Cigarette pour avoir offert à Scully sa tenue la plus… disons raffinée de la série !

No matter how paranoid you are, you're not paranoid enough commentait déjà Susanne dans Les Bandits Solitaires. Une leçon que n’a visiblement pas suffisamment intégrée Scully tant celle-ci apparaît bien tendre face à celui venant « en ami ». Elle a beau se montrer aussi méfiante qu’hostile, elle n’en ira pas moins finalement docilement là où CGB veut qu’elle aille ! On reste un tantinet confondu de la voir persuadée que son astuce du micro (certes idéalement dissimulé) allait fonctionner face au maître de l’intrigue… mais c’est aussi pour cela que l’on aime Scully, parce qu’après sept saisons dans les ténèbres, elle conserve une certaine confiance en l’âme humaine et refuse de se laisser envahir par la paranoïa maladive propre à Mulder et à ses trois copains.

Le personnage (comme sa relation avec Mulder) bénéficie également d’une analyse psychologique très fine de la part de celui qui compte effectivement parmi ceux la connaissant le mieux. Et en effet, Scully ne semble pas demeurer insensible aux hommes de pouvoir car, de même qu’elle influe le Fumeur, elle-même paraît quelque peu troublée durant l’excellente scène du dîner ! On observera d’ailleurs que les robes de soirée vont particulièrement bien à Gillian… On apprécie vivement l’élégance et la générosité de Davis qui ne centre pas le récit sur son personnage, et développe de superbes scènes pour sa partenaire, tout comme naguère Duchovny.

Au-delà de la fascinante rencontre des personnages, l’intrigue apparaît fort habilement organisée. Elle débute comme un épisode Mythologique classique, mais bascule brusquement dans l’inédit avec la spectaculaire entrée en scène du Fumeur et sa révélation originale de toute l’intrigue sous-jacente que nos héros recherchent de coutume durant tout l’épisode. En apparence…

Par la suite, l’histoire revêt la forme très américaine, et souvent particulièrement efficace, du road movie, très propice aux rencontres et aux voyages intérieurs, ici superbement filmé par Rob Bowman. On remarque ainsi de superbes paysages californiens ainsi qu’une savoureuse apparition de Louise Latham (Pas de printemps pour Marnie et une foule de séries tout au long de sa longue carrière) pour son dernier rôle répertorié. Le scénario sait parer à toute lassitude en faisant intervenir Skinner et des Bandits Solitaires en roue libre (chacun a pris le costume d’un autre !), mais surtout en réservant une partition limitée mais non dénuée d’intérêt à Mulder.

Celui-ci paraît autant inquiet que courroucé de voir que Scully a pris la poudre d’escampette en ne lui racontant pas la vérité (comme s’il ne l’avait pas déjà fait de son côté). Il goûte aussi visiblement fort peu de se faire raccrocher au nez… Au final, c’est un Mulder qui prend sur lui, mais demeurant blême de colère, qui apporte un soutien minimal à Scully en fin d’aventure. À croire que son duel avec CGB reste une affaire essentiellement personnelle, pour ne pas dire une affaire d’hommes… Davis, tout comme Spotnitz, Shiban, et Carter eux-mêmes dans Milagro, semble bien en vouloir à Mulder de ne pas faire assez cas de Scully ! L’auteur exprime par contre un visible coup de cœur pour cette dernière !

Récit aussi subtil que captivant d’une étonnante rencontre ouvrant la voie à Requiem, et témoignage enthousiaste du vif intérêt que parviennent encore à dégager les X-Files quand ils savent se renouveler, En ami marque aussi deux adieux à la série : le Black-Haired Man, tueur aussi taciturne qu’efficace au service du Fumeur, se voit ainsi mal récompensé pour sa fidélité ; et celui plus notable de Rob Bowman - qui avait cependant quitté la production de la série après la saison 6, ne revenant que pour Orison et cet épisode - qui, après 33 réalisations (plus FTF) et 89 productions, s’en va désormais tenter sa chance au cinéma (Elektra, Le Règne du feu…).

Anecdotes :

  • Unique scénario écrit par William B. Davis pour la série.

Retour à l'index


16. CHIMÈRES
(CHIMERA)


Scénario : David Amann
Réalisation : Cliff Bole

Critique :

La figure du corbeau, l’oiseau des Ténèbres messager de mort, s’enracine profondément dans la mythologie occidentale, depuis Odin jusqu’à la littérature moderne en passant par les croyances médiévales. Des auteurs comme Poe mais aussi King, qui en fait le psychopompe par excellence dans La part des ténèbres, perpétuent encore la légende aujourd’hui (sans parler de The Crow et autres). Il était donc inévitable que les X-Files, qui tout au long de leurs 207 épisodes dressent un panorama quasi complet du Fantastique, finissent par s’y attaquer.

Ils abordent fort efficacement le sujet grâce à une redoutable intrigue à tiroirs, tout à fait dans la tradition d’Agatha Christie. Grâce à l’introduction de fausses pistes menées avec un talent consommé, dont la redoutable technique d’un faux coupable évident suivi par un autre beaucoup plus crédible, l’épisode parvient à conserver le mystère de l’énigme jusqu’à son terme. Le twist révélant la véritable nature de la créature se montre également très surprenant. Cette qualité du scénario vaut à Chimères de parvenir à accomplir l’improbable exploit de restituer la saveur des premiers épisodes de la série, tout en combattant efficacement le sentiment d’usure ressenti lors de Coup du sort. L’indice génial, délicieusement classique, des deux clés, renforce la dimension très ludique d’une histoire finissant par joliment évoquer Dr.Jekyll et Mister Hyde.

L’épisode, où un Mulder en grande forme multiplie les dialogues incisifs, bénéficie également du talent de Cliff Bole. Il réussit comme à l’accoutumée les scènes horrifiques (mais aussi des vues de corbeaux à la Hitchcock), tout en reconstituant avec ironie l’ambiance si proprette de ces banlieues très cosy déjà vues dans Bienvenue en Arcadie. De fait, comme souvent chez les X-Files, l’intrigue se double d’un regard critique porté sur la société américaine. L’histoire évoque ici avec clarté et éloquence les conséquences des refoulements de tous ordres régnant dans cette société et des brusques crises de violence qu’ils peuvent susciter quand les digues se rompent. Toutes les études montrent d’ailleurs que les tragiques fusillades connues aux États-Unis (mais se développant hélas en Europe) se déroulent pour leur extrême majorité dans le milieu ici décrit…

Cet épisode se caractérisant par une enquête en solo de Mulder, nous avons bien entendu droit au gimmick des coups de fil entre membres esseulés des Affaires Non Classées, devenu incontournable dans ce genre de situation. Sans qu’ils apparaissent les plus pétillants que nous ayons connus (La guerre des coprophages), ils parviennent toutefois à nous divertir, d’autant que Scully nous régale d’un de ces discours très prudes dont elle a le secret. Restant une bourgeoise bon teint par son milieu familial, on s’amuse un peu cruellement de la voir subir passivement cette vie nocturne d’un quartier chaud lui faisant horreur. Les mimiques de Gillian Anderson sont parfaitement désopilantes tant elles témoignent d’une Scully se raccrochant au téléphone comme à une corde de salut au beau milieu de son enfer d’ennui et d’écœurement. Un régal. Le summum intervient quand elle finit par résoudre cette affaire pathétique et prend alors un malin plaisir à précisément expliciter à Mulder qu’il n’y avait rien de paranormal là-dedans (tout en lui donnant le coup de pouce décisif). La vengeance est un plat qui se mange froid, tout comme les pizzas dont la malheureuse s’est sustentée trop longtemps.

Enfin, Chimères recèle un attrait tout particulier pour les amateurs des Avengers, car tout comme X-Cops se révélait un remake très jouissif des Marchands de peur, nous nous trouvons ici face à la version X-Files du Vengeur Volant ! On s’amuse à répertorier les ressemblances mais aussi les discordances entre les deux épisodes. Il s’agit bien d’une vengeance, où l’assassin revêt l’apparence d’une créature "vengeuse" évoquant un oiseau aux serres acérées, mais ici au sens propre ! Images impressionnantes (mais sanglantes…) d’assassinats et de luttes, images de griffures d’oiseau sur les parois, pouvoir paranormal dissimulé (quoique fantastique ici et non de Science-fiction), seconds rôles fantaisistes (Ellen est une Desperate Housewife plus vraie que nature), identité du coupable révélée à la toute dernière extrémité, combat final spectaculaire (avec un Mulder privé, lui, de son associée si précieuse)… on s’y croirait presque ! Au lieu d’un tag pétillant comme du champagne, l’épisode se conclue cependant sur une image particulièrement sombre… Nous sommes bien dans les X-Files !

Retour à l'index


17. EXISTENCES
(ALL THINGS)

Scénario : Gillian Anderson
Réalisation : Gillian Anderson

Critique :

L’épisode écrit et réalisé par Gillian Anderson s’avère un fiasco à peu près total où rien ne semble fonctionner. Ainsi, la révélation de la séquence d’ouverture (ils l’ont fait !) se voit déjà sabotée par un commentaire abscons et pompeux du style subi autrefois dans La sixième extinction. De plus, l’épisode nous appâte avec un passage très amusant où Mulder évoque le fameux mystère des Cercles à une Scully ne dissimulant pas son ennui. La scène crépite mais ne fait qu’aviver les regrets tant on comprend vite que l’on aurait sacrément mieux fait de suivre Mulder au long d’une passionnante balade dans la campagne anglaise plutôt que de rester à Washington à subir des dialogues recopiés dans les romans-photos de Nous Deux. En effet, dès ce moment, on peut tirer un rideau définitif sur l’épisode.

On demeure pour le moins dubitatif sur l’intérêt à créer de toutes pièces une ancienne liaison à Scully alors que la saison 7 converge déjà vers sa conclusion (encore un homme de pouvoir, le Fumeur avait raison…). C’est d’autant plus vrai que là où Phoebe introduisait un personnage drôle et pétillant (tiens, Scully ne s’inquiète pas de voir Mulder partir seul en Angleterre ?), Daniel ne provoque lui que diverses scènes où les X-Files revêtent une nouvelle fois les oripeaux les plus défraîchis de la série hospitalière : des situations stéréotypées (ah ! ces réanimations ardentes, ce vocabulaire pseudo scientifique, ce docteur compatissant, ces infirmières dévouées, etc.) et du mélodrame sirupeux abrutissant d’ennui. Nicholas Surovy interprète bien son personnage, mais Daniel n’a que des clichés éculés à nous offrir, durant lesquels l’épisode s’épuise à faire sans cesse revenir Scully dans cette chambre d’hôpital, comme un cauchemar en boucle particulièrement verbeux.

Jusque-là, on se situait dans un larmoyant déjà connu dont on aurait éventuellement pris son parti si Gillian Anderson avait bâti parallèlement une véritable intrigue, mais son récit va ensuite se perdre dans un vaste clip New Age, développant tout un salmigondis de philosophies asiatiques. Feng Shui, Taoïsme, Bouddhisme, médecine spirituelle (que Scully se gardera bien de réemployer dans I Want to believe…), etc. Autant de doctrines certes individuellement riches et captivantes, mais qui se voient jetées ici à la tête du spectateur totalement entremêlées et sans approche autre que publicitaire. Gillian Anderson détourne les X-Files pour faire la promotion de systèmes de pensée dans lesquels elle croit sans doute sincèrement, mais dénature ainsi totalement l’esprit de la série. Où sont les Affaires Non Classées, où sont les X-Files dans ce capharnaüm couronné par une vision divine d’un kitsch total ? La conclusion (l'identité de la femme mystère) achève le spectateur par la naïveté confondante de la chose. Collection Harlequin, tout un monde de passions…

Si le fond ne convainc pas, que dire de la forme de All things ? Gillian Anderson montre l’enthousiasme des débutants et tire beaucoup trop sur la corde des gros plans sur les visages, d’angles de vues distordus, de l’emploi toujours risqué du ralenti ou du rythme. Les effets visuels s’avèrent trop nombreux et marqués, jusqu’à provoquer une vraie saturation chez le spectateur. The Complete X-Files rappelle qu’elle a bénéficié des conseils techniques de Manners, mais l’art subtil de la mise en scène et du dosage du Maître se retrouvent comme caricaturés à l’excès ici. Le summum demeure ces scènes muettes tournées en ralenti et baignées dans la musique New Age, c’est beau comme l’antique et d’une telle lourdeur que l’on doit se pincer pour y croire (plusieurs fois et avec vigueur). Tout ceci se prend terriblement au sérieux et demeure d’une grandiloquence consternante. Au bénéfice de l’épisode, on remarquera le superbe décor de la maison de Colleen, une vraie merveille d’élégance et de raffinement avec plusieurs objets d’art étrange du meilleur effet.

À l’appui de All Things, on notera également qu’il s’agit d’un épisode d’actrices, avec de superbes compositions de Gillian Anderson en premier lieu, mais aussi des excellentes Stacy Haiduk (Prison Break, Heroes, All my children) et Colleen Flynn (Nip/Tuck, The Practice…). Malheureusement, les rôles que sert leur beau talent n’enthousiasment guère. Il nous déplaît de voir Scully se défaire du scepticisme qui lui reste indubitablement attaché, ce qui se confirmera hélas dans le prolongement de la série. Maggie se limite à quelques clichés et à frôler avec irritation Scully en sortant d’une pièce (trois fois dans l’épisode). Colleen Azar (la bien nommée…) apparaît beaucoup plus intéressante (Flynn est vraiment lumineuse), mais que de certitudes ésotériques énoncées avec aplomb… On appréciera le regard légèrement embarrassé de Scully découvrant qu’il s’agit d’une lesbienne, certaines choses ne changeront jamais…

Dans le petit rôle de Carol, on retrouve Carol Baker, un clin d’œil à une des principales scriptes de la série, mais aussi réalisatrice d’un excellent épisode de Au Cœur du Complot (Capitaine Toby), et de nouveau scripte pour la saison 2 de Californication. Une de ces petites mains invisibles qui ont tant fait pour le succès des X-Files.

On apprécie également vivement la complicité entre Mulder et Scully au cours de la dernière scène, où l’on se retrouve en terrain connu de fort agréable manière. Décidemment, le tout représente plus que la somme des parties, Mulder et Scully paraissent bien plus passionnants ensemble que séparés (peu d’humour de plus dans leurs communications téléphoniques). Mais il sera dit que les Affaires Non Classées n’iront jamais en Grande-Bretagne ! La série (choix incité par Carter et Spotnitz) prend le risque du passage à l’acte, ce qui avait naguère condamné Clair de Lune. Mais il vrai que Mulder va bientôt prendre la tangente…

All Things reste certes une œuvre d’auteur, à l’écriture évidemment très introspective, mais qui demeure néanmoins plus un manifeste de la part de Gillian Anderson (ou un document sur les convictions de celle-ci) qu’un authentique épisode des X-Files. Ses commentaires audio se révèlent d’ailleurs formidables à cet égard. Il s’adressera donc en priorité aux fans de celle-ci et à ceux qui s’intéressent vivement à la relation Mulder–Scully à côté des enquêtes très affûtées dans un univers fascinant de paranoïa et de Science-Fiction. La série agence de fait un savant alliage de ces deux composantes, alors que le curseur semble ici bien extrêmement fixé sur un seul élément. Mais chaque public se respecte, et l’épisode aurait sans doute eu droit à une critique des plus enthousiastes sous une autre plume !

Anecdotes :

  • Unique scénario de la carrière de Gillian Anderson. Première des deux réalisations de sa carrière ; elle filmera en effet un court-métrage prequel à la pièce de théâtre de Tennessee Williams Un tramway nommé désir nommé The departure (2014) où elle joue le rôle de Blanche DuBois, rôle qu'elle joua d'ailleurs plusieurs fois avec succès au théâtre.

  • La scène d'introduction suggère que Mulder et Scully ont passé une nuit ensemble, concrétisant après sept longues années leur relation. Certaines déclarations du shadow man dans Trustno1 (saison 9) laissent à penser que ce fut également pendant cette nuit que fut conçu William.


18. NICOTINE
(BRAND X)


Scénario : Steven Maeda & Greg Walker
Réalisation : Kim Manners

Critique :

Après la balade hasardeuse entre le Ying et le Yang, c’est avec un vif plaisir que l’on découvre cet épisode très affûté revenant avec éclat aux fondamentaux de la série. C'est que l'épisode voit l'entrée en scène de Steven Maeda, qui va devenir le scénariste le plus talentueux de la dernière période de la série. On savoure d’autant plus cet épisode que le thème de la cigarette prend bien entendu un relief particulier dans les X-Files !

On remarque d’ailleurs que, dans un clin d’œil très ludique, la firme concernée n’est autre que Morley, soit la marque d’addiction de l’Homme à la Cigarette ! De fait, les cigarettes Morley (au paquet très proche ce celui de Malboro…) apparaissent dans de multiples séries, en clin d’œil aux X-Files : Buffy (fumées par Spike…), Cold Case, Criminal Minds, CSI, Heroes, Prison Break, etc… et bien entendu MillenniuM, où Peter Watts découvre le mégot d’une Morley dans un sous-sol servant de lieu de réunion au Groupe, ce qui ouvre bien des perspectives (The time is now)... Mais les X-Files eux-mêmes ont agi en référence à un Grand Ancien, car la première apparition référencée des Morley se trouve dans... La Quatrième Dimension ! William Shatner les fume dans un des épisodes les plus célèbres de l’anthologie : Nightmare at 20,000 feet.

Le récit présente aussi l’atout de faire intervenir directement Skinner sur le terrain, un fait assez rare, mais apportant toujours un piment supplémentaire à une intrigue. Encore une fois, le Directeur-Adjoint, dont les Affaires Non Classées ne composent qu’une faible partie de son secteur d’activité, fait appel à ses deux meilleurs agents quand il est sous pression alors même que le rapport avec le paranormal reste de prime abord très ténu (tout comme dans Le pré où je suis mort et autres). Le duo vole d’ailleurs avec un enthousiasme assez touchant au secours de leur supérieur (et ami, même s’ils ne le disent jamais) en difficulté. Ce rôle plus important que de coutume de Skinner dans le déroulement de l’enquête, joint à la rapide mise en retrait de Mulder, apporte une nouveauté bienvenue à l’épisode en ce moment tardif de la série, alors même que sa qualité apparaît vraiment des plus relevées.

En effet, l’intrigue se révèle remarquable d’efficacité, avec le suspense supplémentaire représenté par le péril que connaît Mulder et cette énigme à tiroirs successifs prolongeant l’intérêt jusqu’au bout, scandée par une enquête policière remarquable de rigueur et de crédibilité. La scène de fin habilement ouverte se montre également d’une cinglante ironie : verra-t-on Mulder fumer des Morley ? La réalisation de Kim Manners suscite encore une fois l’enthousiasme, par sa parfaite maîtrise technique et quelques idées originales de mise en scène portant la griffe du Maître, comme cette fumée évoquant une cigarette se révélant celle d’une cheminée, ou l’horreur de l’autopsie se reflétant dans les lunettes de Scully. Les artistes de la série accomplissent une nouvelle fois des prouesses tandis que l’épisode joue habilement de l’effroi primal ressenti devant les insectes, comme lors de Folie à deux.

L’interprétation paraît également particulièrement solide avec Dennis Boutsikaris (Law and Order) exprimant avec crédibilité les tourments de son personnage, et surtout le grand Tobin Bell, magnifique dans un rôle sinistre convenant parfaitement à son répertoire de durs ou de serial killers (Saw, multiples séries). Mitch Pileggi démontre une nouvelle fois qu’il peut porter admirablement une dimension accrue accordée à son personnage, tandis que Duchovny et Gillian Anderson manifestent avec talent la proximité désormais si manifeste de leurs personnages.

Une série à l’orientation idéologique aussi marquée que les X-Files ne pouvait laisser passer une telle occasion : Nicotine développe également une satire corrosive de ces multinationales pour qui ne comptent que le profit : des géants du tabac disposés à accroître la dépendance induite par leurs produits (des jugements sont depuis allés en ce sens) à ceux de l’agro-alimentaire jouant aux sorciers de l’ADN, le tableau s’impose comme particulièrement sombre. Le summum demeure le féroce portrait de ces avocats mercenaires se servant de la loi pour défendre l’indéfendable au mépris de toute humanité. Percutant !

À propos de cet épisode succédant à All Things, des esprits délurés pourront avancer qu’il est assez courant de fumer après avoir fait l’amour, mais nous ne saurions nous prêter à cet esprit salace de mauvais goût…


19. HOLLYWOOD
(HOLLYWOOD A. D.)


Scénario : David Duchovny
Réalisation : David Duchovny 

- I'll offer you a deal. You give me the Lazarus bowl and I'll give you Scully.
- How about this deal ? : You give me Scully, I don't smash the Lazarus bowl and shove the pieces where the Son of God don't shine you, Cigarette-Smoking Mackerel Snapper.

Critique :

Après quasi deux saisons passées dans la Mecque du cinéma mondial, il devenait inévitable que les X-Files, en recherche de sujets nouveaux à traiter, s’en viennent à s’intéresser au Septième Art. Mais ce qui aurait pu demeurer une enquête classique dans un milieu donné se révèle un des épisodes les plus joliment absurdes et enthousiasmants de la série. L'épisode préfigure d'une manière confondante les incursions d'Hank Moody dans le monde du cinéma. David Duchovny, de nouveau éblouissant auteur et réalisateur, sépare son histoire en deux temps.

La première, que l’on pourrait croire écrite sous un de ces acides qui faisaient fureur à l’époque de la contre-culture évoquée dans l’histoire, rappelle par sa folie Le Seigneur du magma. On y retrouve un flash-back réussi, Skinner décrit sous un angle pour le moins inhabituel, une scène d’autopsie totalement hallucinée, une animation très spectaculaire… On y croise des personnages pour le moins hauts en couleur, avec ce Cardinal en apparence solide et plein d’esprit mais dévoré par le doute, ou cet étonnant Micah Hoffman, mêlant diable et démiurge d’une manière assez troublante, et surtout Wayne Federman qui fera le pont avec le second temps de l’histoire. Avec lui débute une satire féroce du petit monde du cinéma tant le gaillard montre de sans-gêne, de mauvais goût, et de cynisme.

La caricature présente l’habileté de ne pas forcer le trait, Wayne reste loin d’être idiot ou inculte, mais il se prend simplement pour le centre du monde, avec une gentille mégalomanie déjà très hollywoodienne. Les confrontations successives avec un Mulder à la fois irrité et amusé (il faut le voir l’interroger sur son comportement très « trekkie »), mais aussi un  « Walter » totalement hypnotisé par la magie du cinéma provoquent le rire à chaque occasion. L’intrigue demeure dans un flou agréablement déstabilisant (quid du corps ?) mais, tout en se situant aux frontières du n’importe quoi (cette histoire de voix de Jésus gravée sur un bol comme sur un disque), se montre également solide et fort intéressante à suivre.

Un segment très relevé donc, où l’on voit que Duchovny a su retenir la leçon de travail de Darin Morgan et Vince Gilligan, mais qui ne constitue que le socle sur lequel va se baser la crépitante seconde partie.

Duchovny se lance alors dans une satire particulièrement drôle et incisive du petit monde du cinéma et de l’envers du décor de la machine hollywoodienne, tout en dévoilant également celui de la série (symboliquement, Chris Carter apparaîtra dans la scène de projection du film, mais aussi comme zombie !). Cela débute par une séquence d’introduction d’anthologie où l’on découvre le résultat des X-Files broyés par la mécanique hollywoodienne : un très mauvais épisode des Contes de la crypte, idiot, vulgaire, et succombant à tous les effets faciles se présentant. Dans l’inénarrable Archevêque à la Clope, on reconnaîtra de manière stupéfiante Tony Amendola, le très sévère Bra’tac de Stargate. Le contraste s’avère tellement drôle avec l’original (notamment concernant la relation Mulder/Scully !) que l’on en ressort d’emblée conquis.

S’ensuit une galerie de portraits joyeusement acides où se voient dépeints la mégalomanie des acteurs, leurs tics de jeux idiots, le stoïcisme à toute épreuve des metteurs en scène, la construction passablement cynique d’un film, etc. Duchovny évoque également ce qu’il voit quotidiennement autour de lui à L.A. : la folie contagieuse de ce monde. L’austère Skinner lui-même s’en voit dévoré, agissant comme un vrai gosse, simulant une colère pour forcer nos héros désœuvrés à participer au film, ou en s’affichant, ravi, au bras d’une starlette sous le regard écœuré de Scully. On se régale !

On distingue plusieurs sommets dans cette charge : la rencontre de Mulder et Scully avec leurs doubles, totalement irrésistible, où Mulder se voit interprété par le comique farfelu Garry Shandling et Scully par nulle autre que la flamboyante Téa Leoni, la propre compagne de Duchovny à l'époque ! Voir Mulder être interrogé s’il porte à gauche ou à droite, ou Scully piquer des sprints répétitifs restera comme l’une des images les plus délirantes de la série ! La scène offre également l’occasion de présenter le fonctionnement d’un tournage, avec un clin d’œil à la formidable équipe technique de la série. Il y a ensuite l’évocation de ce glamour très hollywoodien voyant Scully et Mulder partager un somptueux bain de mousse (par image divisée !) avant d’être rejoints par Skinner ! Duchovny est en roue libre et on en redemande !

Dans cette œuvre très personnelle de Duchovny (l’épisode regorge de clins d’œil à son parcours), on remarquera de manière très amusante plusieurs éléments évoquant déjà Californication comme l’ambiance très L.A. ou un Mulder voyant son œuvre caricaturée comme plus tard Hank Moody avec la même colère ; la saison 5 de cette fabuleuse série verra d'ailleurs le héros aux prises avec Hollywood, dans un crescendo satirique de plus en plus corrosif et cynique. Au cours de la superbement écrite scène finale, Mulder s’interroge d’ailleurs sur l’image que laissera son travail, un souci visiblement partagé par l’interprète au moment où celui-ci s’apprête à suivre de nouvelles voies. Les amateurs des Avengers trouveront également une belle référence dans l’épisode puisque, après Les marchands de peur (X-Cops) et Le Vengeur Volant (Chimera), c’est clairement un épisode très proche de Caméra meurtre auquel nous faisons face ici, par cette perspective parfois étourdissante entre l’univers projeté par le cinéma et sa réalité.

Alors que Mulder et Scully s’éloignent la main dans la main (cette fois c’est sûr !), ce grandiose épisode se conclue par un étonnant ballet de zombies, très belle allégorie, après un émouvant hommage au merveilleux Plan 9 from Outer Space, de cette magie que le cinéma continue à insuffler malgré toutes ses vicissitudes. Hollywood reste bien un cri d’amour pour le Septième Art, qui dépasse les humaines faiblesses de ses créateurs pour imaginer des univers enchantés, émerveillant encore et toujours le public.

Retour à l'index


20. DOUBLES
(FIGHT CLUB)


Scénario : Chris Carter
Réalisation : Paul Shapiro

Critique : 

Doubles (clin d’œil au film Fight Club sorti l’année précédente) apporte un nouvel épisode drôle et décalé à la saison 7, mais sans atteindre la réussite d’un Peur Bleue ou d’un Maleeni le Prodigieux. En effet, là où ceux-ci se montraient captivants de bout en bout et développaient une réelle intrigue, Doubles se bâtit pratiquement sur une seule bonne idée (les sœurs antagonistes dont les rencontres provoquent des éruptions chaotiques), d’ailleurs astucieuse puisque apportant une variation originale sur un thème classique du Fantastique : les jumeaux et la mystérieuse relation les unissant. La série en avait jadis déjà donné un aperçu particulièrement glaçant dans Ève.

Et de fait, l’épisode débute sous les meilleurs auspices avec une scène d’ouverture parfaitement insolite, suivie du gag irrésistible des faux Mulder et Scully (Arlène Pileggi, épouse de Mitch), à la révélation idéalement amenée par un Paul Shapiro sachant ménager ses effets. Malheureusement, après ce tonitruant démarrage, l’intrigue se fige, se contentant de répéter plusieurs fois le même cas de figure, avec de plus un jeu de sorties et d’entrées digne d’un médiocre vaudeville, et qui finit par lasser à force d’être prolongé. Seuls les événements spectaculaires survenant du fait de ces rencontres viennent apporter un semblant de nouveauté (tremblement de terre, bagarres homériques, ou surtout Mulder happé par l’implosion d’une bouche d’égout). Tout ceci ne compense en rien une vraie progression dramatique, même si ces scènes demeurent pimentées, car même quand les X-Files n’ont rien à dire, demeure au moins la qualité technique de la série. De plus, Kathy Griffin et Randall Cobb (vrai lutteur), certes très éloquents, n’apportent pas à Doubles les enthousiasmantes interprétations de seconds rôles souvent notées ailleurs.

Le couple Mulder/Scully réside visiblement toujours sur son petit nuage blanc et file le parfait bonheur, on en est ravi pour eux, mais ne il vient pas le moins du monde au secours de l’épisode. L’enquête se voit totalement sacrifiée à la surenchère d’épate des scènes explosives qui constitue le seul moteur du récit. On voit Scully (bien avant I want to believe) tout résoudre en une seule recherche miraculeuse sur Internet, tandis que Mulder est visiblement aux abonnés absents (Duchovny est-il déjà en vacances ?) : il passe le plus clair de l’épisode à causer avec Argyle ou à explorer les égouts, se déchargeant totalement sur le travail de Scully.

Plus que la faiblesse insigne de leur action, on ressent une pénible impression, comme si eux-mêmes n’y croyaient plus : le pastiche de la scène de présentation de l’affaire (un rituel de la série) paraît certes très amusant, mais l’on y voit Mulder s’autoparodier et réduire l’ensemble du sujet à un jeu assez stérile, tandis que Scully embrasse, comme par plaisanterie, la voie du paranormal (affaire à suivre…). Si les personnages ridiculisent leurs caractéristiques principales, que reste-t-il de la série ? La scène finale les voyant joyeusement tabassés atteint par contre son but, cette fois on rit franchement ! Ce que les gens sont méchants…

Doubles démontre que la tentative de développer une série ayant déjà fait considérablement le tour de sa question et ayant scié la branche mythologique sur laquelle elle était assise par une succession d'épisodes décalés, ne constitue pas une martingale, alors même que celui-ci a été écrit par Chris Carter lui-même. Pour peu que la qualité baisse un tantinet, le ressort ne fonctionne plus. À la longue, trop d’effet tue l’effet et ne remplace pas à terme la matière narrative. Il devient donc urgent pour la série de trouver un second souffle véritable, en bouleversant son univers blanchi sous le harnais. Cela tombe bien, nous en arrivons presque à la grande bascule…

Retour à l'index


21. JE SOUHAITE
(JE SOUHAITE )

Scénario : Vince Gilligan
Réalisation : Vince Gilligan

Critique :

À la vision de Je souhaite, on se réjouit que l'ultime loner de la grande période Mulder ait été ce pur joyau, au lieu d'un épisode passablement laissé à l'abandon comme Doubles. Pas de syndrome « Emily » pour les X-Files, car au lieu d'une accumulation de scènes spectaculaires reliées par un vague argument en forme de prétexte, nous nous retrouvons tout simplement en face de l'un des scénarios les plus enthousiasmants de Vince Gilligan (également excellent dans ses débuts de metteur en scène). Dans une prouesse étonnante de drôlerie et de fantaisie, celui-ci va ressusciter l'émerveillement des grandes comédies du Hollywood de l'Âge d'Or où humour pétillant et Fantastique léger donnaient lieu à des fables irrésistibles.

Il paraît finalement inévitable que l'évolution continue de la série vers plus de fantaisie depuis les enquêtes très sombres des premières saisons finisse par déboucher sur le plus improbable et exotique des Monstres de la semaine : le Génie de la Lampe des Mille et une Nuits ! Celui-ci a toujours été une valeur sûre, de Disney aux films d'horreur du Witchmaker, de Shazzan à Jinny de mes rêves (citée dans l'épisode), sans oublier Mrs Peel ! Sous sa version classique ou plus psychanalytique, on doit à ce thème du faiseur de souhaits tout-puissant plusieurs brillantissimes épisodes de la Quatrième Dimension (Dream of Genie, The Man in the Bottle, et The Mind and the Matter) dont Je souhaite apparaît clairement comme un hommage particulièrement tonique et avisé.

C'est ainsi que Jenn (une Française !), interprétée avec charme et vivacité par Paula Sorge, donne une version rénovée du génie. Elle n'apparaît certes pas mauvaise (il faut la voir se démener pour suggérer l'évidence aux inénarrables frères Stokes), mais aigrie par son sort et surtout par la fréquentation d'une humanité désespérante dans sa perpétuelle avidité sans bornes et son insigne médiocrité. Le personnage manifeste un humour acrimonieux et coupant assez irrésistible, tout en se montrant réellement touchant quand il évoque sa destinée. Grâce à Jenn (et aux exploits coutumiers de l'équipe des effets spéciaux de la série), l'épisode exploite avec brio l'accomplissement des souhaits et leurs conséquences désastreuses, un procédé ludique à l'impact toujours terriblement efficace. Hilarants avec les Stokes, ces enchantements prennent un tout autre relief quand Jenn est confrontée à la pénétrante intelligence de Mulder, l'histoire revêtant dès lors une dimension morale. Ne nous offrons pas des rêves au-dessus de nos moyens et contentons nous de faire le bien dans nos possibilités immédiates semble nous souffler Gilligan lors de la résolution astucieuse de cette fable.

Que ce soit dans ses rôles à la télévision ou au cinéma, David Duchovny a toujours su distiller d'irrésistibles relations avec ses partenaires féminines, et Je souhaite n'y fait pas exception. Une tension diffuse mais bien réelle de séduction s'instaure entre Mulder et la ténébreuse Jenn, ajoutant encore au crépitement de leurs scènes. On remarquera d'ailleurs que Scully bat froid avec ténacité à cette dernière... La même Scully n'est d'ailleurs guère à la fête dans cet épisode. En effet, par une de ces diaboliques intuitions dont il a le secret, Vince Gilligan, en cette ultime occasion, offre enfin à nos héros, après sept années d'efforts contrariés, une preuve bien visible (sic) de l'existence du paranormal. Or ce n'est pas Mulder, encore intrigué par le mystère en cours, qui bondit d'enthousiasme, mais bien Scully ! La voir ensuite toute dépitée et ridiculisée lors de la véritable disparition du corps de Anson nous vaut une scène à pleurer de rire, avec un superbe numéro de Gillian Anderson. Ce ne sera pas encore pour cette fois-ci finalement (rendez-vous dans Sunshine days)... Scully se verra consolée par une scène finale très intimiste avec Mulder, où l'on voit que nos héros sont bien désormais chez eux dans l'appartement de l'autre, nous rappelant ainsi certains Avengers (la bière remplaçant le thé...). On pourra regretter que Mulder n'ait pas pensé à la stérilité de Scully lors de ses vœux, mais ce problème va vite recevoir sa solution !

Enfin, on se gardera d'oublier Leslie et Anson Stokes (joués avec un naturel confondant par Will Sasso de MADtv et Kevin Weisman, le futur Marshall d'Alias) qui comptent pour beaucoup dans l'humour dévastateur de l'épisode. Dans les X-Files, on avait eu droit à peu près à tout : des fous, des pervers, des tueurs... mais rarement à des idiots aussi massifs ! Même le Roi de la Pluie ressemble à un cérébral à côté de ces plus bêtes que méchants ultimes. Leurs mésaventures au pays du paranormal (on a failli dire de la Quatrième Dimension) provoquent un rire irrépressible, parachevé par une catastrophe finale d'un humour noir assez jouissif. Autant le Roi de la Pluie représentait une belle figure du redneck rural (type Shérif fais-moi peur), autant les frères Stokes introduisent avec brio le White Trash urbain, qui nous a valu de belles réussites dans le domaine des séries télé. De fait, le récit prend ici des allures fort plaisantes de Roseanne et annonce clairement l'hilarant Earl. Une belle réussite !

Cette brillante et spirituelle comédie menée tambour battant qu'est Je souhaite s'achève sur l'image particulièrement lumineuse de Jenn retrouvant le fil de sa vie. Tout comme elle, la série va reprendre son cours après cette parenthèse ensoleillée, car le temps des au revoir est arrivé...

Anecdotes :

  • Première réalisation de la carrière de Vince Gilligan. Il réalisera aussi Irréfutable (saison 9). Il dirigera par la suite 5 épisodes de sa série Breaking Bad et le pilote de son spin-off Better call Saul. 

22. REQUIEM
(REQUIEM)

Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter
Réalisation : Kim Manners

Critique :

Requiem ne marque pas seulement la conclusion de cette septième saison, mais bel et bien la fin de la première grande période de la série, celle du couple Dana Scully-Fox Mulder. David Duchovny, arrivé au terme de son contrat, et souhaitant se lancer dans de nouvelles aventures (le fourbe), Carter et Spotnitz vont organiser la sortie du personnage à un moment où l’existence même de la série se voit remise en question (l’épisode fut majoritairement écrit comme le final de la série, avant que la nouvelle de la prolongation par la Fox ne fut connue). Restait à savoir si Mulder allait connaître une sortie de scène digne de sa stature…

Chris Carter a toujours su scander les principales inflexions de sa série majeure par des retours en arrière sous forme de bilans très émouvants et particulièrement fédérateurs pour les fans. C’est ainsi que le dernier épisode tourné à Vancouver (La Fin) s’ouvrait sur des photos accrochées au mur du bureau de Mulder, évoquant de grands moments écoulés, et nous reparlerons bien entendu de ce long regard dans le rétroviseur qu’est La Vérité. Pour Requiem, il développe l’idée tout simplement géniale du retour aux sources de la série en faisant retourner Mulder et Scully sur le site de leur toute première enquête en commun, à Bellefleur. L’occasion bien entendu de boucler élégamment la boucle, tout en reliant de nombreuses destinées déjà croisées à celle de Mulder. On goûtera ainsi franchement au plaisir doux-amer de la nostalgie en retrouvant la fameuse croix peinte par Mulder sur la route, ou en découvrant ce que sont devenus Billy Miles et les autres.

Ce voyage à rebrousse temps imprègne une intrigue Mythologique d’une redoutable efficacité. Se contentant d’un format simple, l’intrigue supprime tout poids mort inutile, alors que certains épisodes doubles ont paru bien verbeux. Surtout, elle apparaît délicieusement archétypale, le retour géographique accompagnant des retrouvailles avec le ton des premiers temps de la série, une vraie récompense pour les vieux briscards parfois indisposés par la fantaisie hollywoodienne des dernières saisons. Ce double processus se voit couronné par une reprise étonnante de la Cène où tous les personnages survivants de la Mythologie, ennemis temporairement réconciliés, se retrouvent autour d’une table, comme figés dans un instant d’éternité. Seul l’Homme à la Cigarette manque à l’appel, mais il demeure présent dans tous les esprits, et sa grande ombre s’étend sur cette étrange rencontre.

En effet, l’heure des bilans a aussi sonné pour les adversaires : le Fumeur arrive au bout de sa déchéance physique et assiste amèrement à la seconde mort du Projet alors même qu’il transmettait le flambeau à l’approche du trépas. Il quitte d’ailleurs symboliquement la scène en même temps que Mulder ; décidément les destinées de ces deux antagonistes demeurent bien inextricablement liées. Toujours aussi shakespearien, sa chute considérable et sa « mort » sordide font irrésistiblement penser au Roi Lear ou à Richard III… On n’oubliera cependant pas qu’il a autant de vies qu’un chat ! Marita paraît endurcie par les épreuves traversées : la jeune femme effacée au milieu des loups du Syndicat se situe désormais bien loin, de même que le cobaye des expériences de l’Anglais. La nouvelle Marita semble aussi dure que l’acier et autant cruelle que son partenaire masculin ; mais, au détour d’un regard ou d’une expression, une émotion se perçoit encore (Laurie Holden est extraordinaire). Tout espoir d’humanité n’est pas encore perdu pour Marita Covarrubias, qui reste bien l’un des personnages les plus mystérieux et ambivalents (et donc fascinants) de la série.

Quoique toujours aussi flamboyant, astucieux, et mortel, Alex se laisse consumer par sa rage et sa haine envers le Fumeur. Son ambition hors normes, frustrée, semble se convertir en un nihilisme total qui porte en germe son devenir fatal. Il échoue ici à acquérir la dimension d’un Fumeur que celui-ci lui offrait pourtant bien volontiers. Décidément, même les victoires de Krycek, personnage maudit par excellence, précipitent les défaites à venir. Le couple Marita/Alex produit ses étincelles coutumières, entre Eros et Thanatos, mais l’on sent bien qu’il reste lui aussi sans avenir. Les Bandits Solitaires sont un peu là pour la photo et ne présentent pas une réelle utilité, mais on n’aurait tout simplement pas pu imaginer cet épisode d’adieux sans eux !

Ces divers éléments ne nous sont pas assénés brutalement, et la relative brièveté d’un épisode unique n’empêche pas une subtile progression dramatique. Après une séquence pré-générique choc où les habitués devineront sans peine la présence du Bounty Hunter, Requiem débute comme de nombreux épisodes drôles et décalés des deux dernières saisons. L’audit de cet expert-comptable plus vrai que nature nous vaut des scènes aussi amusantes qu’astucieuses, car de fait Carter y développe ici les raisons d’un éventuel arrêt des X-Files qui seraient sans objet désormais, après l’écrasement de la conspiration et la résolution de l’énigme de Samantha - Clair de Lune, dont Carter avoua l'influence dans l'écriture de son couple vedette, construisit d'ailleurs sa sortie de scène sur une idée similaire - Symboliquement, Mulder envoie d’ailleurs sévèrement balader le gêneur tout en admettant le bien-fondé de ses remarques… Cependant, l’humour prédomine quand soudain, avec le coup de fil fatidique, l’univers bascule et nous replonge sept années en arrière, aux origines paranoïaques de la série. L’effet est énorme !

Grâce aux talents de scénariste de Chris Carter et à l’art consommé d’un Kim Manners toujours aussi doué, nous avons droit à de nombreuses scènes paroxystiques bien dans le ton de ces épisodes charnières, comme l’apparition spectaculaire de Krycek dans le bureau de Mulder et l’accueil enthousiaste en résultant, les manifestations du Bounty Hunter plus Envahisseurs que jamais, ou bien entendu la révélation finale (très Twin Peaks pour le coup, Mulder pénétrant dans le champ du vaisseau comme Cooper dans le Monde Noir à la fin de la série). Requiem ne se limite pas à célébrer le passé sur un ton nostalgique, mais installe également une histoire captivante aux coups de théâtre virevoltants. Un spectacle total.

Mais l’épisode atteint toute sa dimension et devient proprement déchirant quand il s’attarde sur des héros au seuil d’une longue séparation. Le retour en arrière se révèle ici particulièrement parlant car la scène des piqûres de moustique, très divertissante dans le pilote, trouve son équivalent dans le passage terriblement émouvant du lit, qui connaîtra également une éloquente répercussion dans I want to believe. On mesure tout le chemin parcouru entre les camarades d’aventure du début de la série et le couple fusionnel désormais installé. La scène est magnifiquement écrite et chargée d’une pure émotion. Tandis que Mulder est comme toujours immergé dans l’action, avec une finesse toute féminine Scully pressent le malheur à venir.

Ceci se trouve encore renforcé dans la magnifique scène des adieux où Mulder songe à protéger Scully sans penser à lui-même, tandis qu’elle sent de toutes les fibres de son être l’imminence du péril mais échoue à retenir son compagnon. En proie à un effroyable pressentiment et dévorée par l’angoisse, Scully arracherait des larmes à une pierre tant Gillian sait à merveille rendre palpables les tourments de son personnage. Requiem prend ici une envergure de tragédie grecque où le Destin s’impose aux volontés des Mortels et les emmène inexorablement vers le drame. Mulder semble convaincu de l’évidence de sa destinée et accepter son accomplissement (on retrouve la magie irréelle des retrouvailles avec Samantha), tandis que Scully se voit écartelée entre la douleur de la séparation et la joie si inespérée de la révélation finale. On peut considérer que Gillian Anderson, qui nous a tant régalés de son jeu magnifique et si éloquent au cours de la série, connaît ici son apothéose, au cours de cette scène totalement bouleversante qui est aussi un beau moment d’amitié partagée avec le valeureux Skinner. Elle ouvre également la perspective narrative de la saison suivante…

Tout au long de ces sept saisons, nous nous sommes efforcés de porter un regard certes enthousiaste, mais néanmoins sans concessions sur les X-Files, critiquant ce qui nous semblait devoir le mériter. Mais là, il faut bien avouer que l’on ne voit vraiment pas comment Carter et Spotnitz auraient pu mieux faire que lors de Requiem, un épisode tout simplement parfait et venant idéalement conclure la partie la plus réputée de la série. Il demeure d’ailleurs particulièrement populaire chez les fans, d’aucuns allant jusqu’à considérer qu’il aurait - en dépit de sa douloureuse dureté - dû réellement conclure la saga… Nous n’irons pas jusque-là car il nous semble que John et Monica (Monica…) développent eux aussi une musique méritant d’être écoutée, ne se résumant pas aux seuls funestes « Super soldats » (et Mulder réapparaît finalement, même si partiellement). Mais il est vrai que Requiem reste un moment d’absolu qui ne connaîtra pas d’équivalent par la suite, y compris lors de The Truth.

Ainsi s'achève cette saison 7 qui, tout en retrouvant parfois avec bonheur le ton des origines (Orison, Nicotine, Chimères), aura su, au moins partiellement, lutter contre l'usure de la série en multipliant les épisodes décalés, drôles, et toniques. Néanmoins ces épisodes paraissent souvent de moindre stature que ceux d'une saison 6 que l'on préférera à la 7, d'autant que cette dernière se voit grevée de quelques monumentales sorties de piste, dont MillenniuM et All Things (et, à un degré moindre, Doubles), totalement hors sujet, et de loners classiques insuffisants (Coup du sort, À toute vitesse, La morsure du mal). 


TOP 5 SAISON 7

1) En ami : Sublime road movie et une rencontre aussi captivante que surprenante. William B. Davis est un grand monsieur et le courant passe formidablement bien avec Gillian Anderson.

2) Requiem : Aurait constitué une parfaite conclusion pour la série, mais, tout en déclinant, les audiences demeurent plus que confortables... La Fox exige donc une suite malgré la résolution des principales problématiques. En piste donc pour les Super Soldats... Super, en effet.

3) Délivrance : La série parvient à trouver une formidable conclusion à l'énigme qui en constituait le fil rouge, un pari loin d'être gagné à l'avance.

4) Hollywood : Épisode particulièrement enjoué et imaginatif, un superbe hommage au Septième Art, mais sans mièvrerie ni grandiloquence.

5) Peur bleue : Cinquième place très disputée entre les pétillants épisodes décalés de la saison. Maitreya, Je souhaite, Appétit monstre, et Maleeni le Prodigieux auraient pu s'en emparer, mais X-Cops reste tout de même particulièrement original et audacieux.

Retour à l'index

Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.