Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (2002) Résumé : Sur le chemin du Mordor, Sam et Frodon croisent la route de Gollum. Pendant ce temps, Saroumane réunit une immense armée pour frapper le royaume de Rohan où Aragorn et ses compagnons arrivent. Non sans avoir reçu une visite imprévue mais pleine d’espoir. Critique : « Il n’y aura pas d’aube pour les Hommes » Saroumane Si cette seconde partie est celle qui accuse le plus de longueurs, aucune n’est véritablement inutile puisqu’elles participent soit de la poétique soit de l’héroïque du récit. Le Seigneur des Anneaux n’est pas un vulgaire film d’aventure avec des effets spéciaux ; c’est une fresque. Une épopée avec ses temps propres ; temps de guerre pour l’héroïsme, temps de méditation pour la sagesse, temps de tendresse pour l’espoir. D’autant que, question paysages, nous sommes gâtés et, cela, d’entrée de jeu. Un beau contraste nous fait ainsi passer de cols enneigés à un paysage de roches où errent Sam et Frodon. Dans ce moment d’égarement, nous pouvons apprécier la personnalité solaire de Sam à qui Sean Astin donne une mine certes bonhomme mais loin d’être naïve ou simple. En comparaison, Frodon est lunaire, il devient de plus en plus froid, agressif aussi. Les grands yeux bleus d’Elijah Wood reflète une âme qui se sait atteinte. Si l’acteur n’est pas le plus expressif au monde, c’est ici une chance puisque l’Anneau modifie justement la personnalité en la nivelant. Il faut donc en montrer le moins possible. C’est peu après que surgit un des personnages dont l’importance est égale au dégoût qu’il procure, Gollum. Physiquement, il est répugnant et sa voix geignarde et aiguë ne le classe pas parmi les oiseaux chanteurs. L’apprivoisement de Sméagol (son premier nom, « Gollum » étant une interjection) par Frodon est un moment capital. Il paraît réussi et la créature visqueuse accepte de les conduire en Mordor. Après la traversée d’un marécage répugnant (superbe travail de photographie avec cette atmosphère pâle et brumeuse) où marinent les morts, ils arrivent devant le Mordor. La Porte noire étant infranchissable (le film en rajoute dans la dramaturgie par rapport au livre), ils devront passer par la montagne. En chemin, ils tomberont sur des guerriers du Gondor menés par Faramir, frère de Boromir. S’il trouve l’Unique, le cadet ne succombe pas comme son aîné et, après quelques péripéties, les laissera partir, non sans inquiétude car le col de Cirith Ungol est déconseillé. Le final semble d’ailleurs lui donner raison. Pendant ce temps, l’Isengard affûte ses armes. La vue de ses forges en fusion, de ce contraste entre le noir de la pierre de la tour d’Orthanc et la lueur proprement infernale des ateliers du magicien dévoyé est saisissante. Qui mieux que Christopher Lee pouvait prononcer avec une arrogance souveraine cette terrible sentence : « L’ancien monde brûlera dans les flammes de l’industrie ». Tolkien détestait cette industrie ; le film est en cela fidèle à la pensée de l’auteur. Pour alimenter les forges, il faut du bois et Saroumane ordonne de brûler la forêt de Fangorn. Quand on sait qu’en vieil-anglais, Saruman, signifie « Homme rusé », on ne peut qu’applaudir au choix de Peter Jackson concernant Christopher Lee. Nouveau Dracula, Saroumane a remplacé la soif de sang par celle du pouvoir, une Terre du Milieu à soumettre aux jeunes femmes soumises. Plus terrible encore est le discours hallucinant, froid et orgueilleux qu’il tient à Sauron à travers le Palantir – la pierre de vision – : il ne parle rien de moins que de cogestion de la Terre du Milieu par les Deux Tours ! Il faut avoir perdu la tête pour penser à une folie pareille. Mais la folie des Grands retombe sur les plus humbles ; les troupes de l’Isengard commencent à ravager le Rohan. Le Rohan est une région au nord du Gondor dont il formait une marche extérieure. Ses habitants sont les Rohirrim et ce sont de merveilleux éleveurs de chevaux. Ils ont un roi, Théoden, mais celui-ci n’est plus qu’un vieillard décati, une véritable momie. On saluera le travail des maquilleurs car la première vision de Théoden n’a vraiment rien de royale. Son fils est blessé (il mourra peu après) mais son conseiller, Grima – affectueusement surnommé « Langue de Serpent » par tout le monde – affirme que Saroumane est l’ami du Rohan et fait bannir le trop perspicace maréchal Eomer. Ces trois personnages sont capitaux pour la suite de l’histoire. Grima, interprété par Brad Dourif qui est l’image même de l’obséquiosité malsaine, est un pion de Saroumane qui a pris possession de l’esprit du roi. Comme son maître, le pouvoir de Grima réside dans sa voix. Ses paroles sont doucereuses et il n’élève jamais la voix mais l’homme sain est proche de la nausée quand il approche. Karl Urban donne une allure très raide à Eomer. En guerrier, il est convaincant. Mais Bernard Hill se montre véritablement fantastique. Complètement avachi sur le trône, il donne corps à la résurrection de Théoden. On voit littéralement l’homme retrouver la vue, la santé, se redresser. Dans la suite du film, il sera l’image de l’autorité, non sans laisser voir les doutes qui habitent le souverain. La résurrection de Théoden est un miracle et qui mieux qu’un ressuscité pour dire (métaphoriquement) à quelqu’un : « Lève-toi et marche » ? Ce ne sont pas les paroles certes mais c’est ce qu’accomplit Gandalf. Le magicien que l’on croyait mort est revenu, blanc cette fois. Sa chute – vue comme un cauchemar de Frodon, excellente idée et très bon montage – puis son récit compose une action de grâce et lorsqu’il apparaît à Aragorn, Gimli et Legolas, c’est dans un corps de lumière. Tolkien était catholique et cette apparition semble faire écho à l’apparition pascale du Christ ; c’est un « corps de gloire ». Mais, le monde du Seigneur des Anneaux est un monde païen et Gandalf reprend chair. Le verbe se fit chair si l’on veut filer la métaphore. Le personnage de Gandalf est clairement un archétype du magicien comme Merlin pour Arthur : débordant de vie, voyageur, détenteur d’un vaste savoir, portant une longue barbe blanche et indifférent au pouvoir. Le costume est également identique (ample robe chapeau à larges bords). Gandalf, impuissant à empêcher Théoden d’aller s’enfermer au Gouffre de Helm – la grande forteresse du Rohan – part à la recherche d’Eomer. Il revient à Aragorn de permettre aux Rohirrim de tenir jusqu’à son retour. Parmi la cour du roi Théoden, il est une gente dame que convoitait Grima. On comprend en voyant Eowyn – dont le nom signifie « cavalière » en vieil-anglais - qu’elle lui plaise tout comme on comprend le dégout qu’il lui inspire. Leur seule scène en commun amène le cœur près des lèvres. Mais si Miranda Otto donne une grâce et une beauté à Eowyn, elle ne la joue pas comme une faible femme et elle a bien raison ! Une femme qui tombe vite amoureuse d’Aragorn mais qui comprendra qu’elle arrive trop tard. C’est un moment de paix dans le récit que de nous parler d’Arwen sans qu’il en soit moins grave. Les Elfes quittent la Terre du Milieu et Elrond rappelle à sa fille qu’elle est immortelle et qu’Aragorn non. Qu’il survive à la guerre et devienne roi ne changera pas cet état de fait. Le choix ne semble pas encore fait mais en peu de temps Liv Tyler et Viggo Mortensen ont donné corps à un amour d’autant plus fort qu’il transcende les peuples. Le morceau de bravoure de ce film c’est la bataille du Gouffre de Helm. Une forteresse massive, imprenable s’en gargarise le roi. A son exclamation bravache et imprudente - « Est-ce tout ce que votre magie peut faire, Saroumane ? » - celui-ci avait répondu par avance dans une harangue à ses troupes : « Un nouveau pouvoir se lève ». L’image est effrayante : cet homme vu de dos devant une foule qui l’acclame. Il y a comme une réminiscence du Troisième Reich dans cette façon de soulever l’enthousiasme pour demander la guerre. La guerre qui concerne tout le monde. A Helm, les vieux et les jeunes s’arment. Mais, plus loin, Merri et Pippin, qui ont échappé aux Hourouk-Haï, ont découvert les Ents, des géants ressemblant à des arbres. On a quelques sourires dans ces moments, qui sont comme des virgules de légèreté entre les scènes de combats. Les Ents ne voulaient pas faire la guerre mais lorsqu’ils voient les ravages de l’Isengard – une brillante intuition de Pippin qui se rattrape de sa gaffe dans la Moria – ils lancent leur dernière marche : « Ce n’est pas digne d’un magicien ». Et les Elfes entrent aussi dans la bataille : une compagnie venue de Fondcombe prêtera main forte aux hommes. Eomer apportera les derniers renforts et la forêt massacrera les orques en fuite. Théoden ne croyait plus aux vieilles alliances mais ce sont justement ces alliances des différents peuples de la Terre du Milieu qui font échec au magicien, désormais emprisonné dans sa tour. On ne peut conclure sans citer Sam qui résume tout le pourquoi et l’importance de la lutte : « Il y a du bon en ce monde. Il faut se battre pour cela ». Anecdotes :
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Le Hobbit : un voyage inattendu (2012) Résumé : Alors qu’il vit tranquillement chez lui, Bilbon Sacquet, un Hobbit, est entraîné malgré lui dans une aventure dangereuse. Il s’agit, avec Gandalf le magicien, d’aider une compagnie de Nains à reconquérir leur royaume. Le voyage s’annonce pleins d’embûches et de rencontres. Critique : Les premiers mots du film – « Mon cher Frodon » - et plus largement l’introduction d’une dizaine de minutes présente franchement le projet de Peter Jackson. Faire du « Hobbit » le prologue du « Seigneur des Anneaux » de manière à remercier les fans de la première trilogie et à amener les nouveaux spectateurs à découvrir celle-ci. Rien qu’en 10 minutes, il y a trois occurrences. Un projet intéressant même s’il force un peu l’interprétation du roman par rapport à la trilogie. Bilbo le Hobbit (« Bilbon » en français) est un court roman pour enfants quand Le Seigneur des Anneaux vise un public plus adulte (les enfants de Tolkien avaient grandi eux aussi). Néanmoins, avec ses limites (qui se verront plus nettement par la suite), cette idée donne une structure et une cohérence au projet de seconde trilogie. Le démarrage est un peu maladroit cela dit. Alors qu’en voix off, Bilbon nous a présenté les enjeux et l’histoire du royaume nain d’Erebor, il faut ensuite se farcir l’interminable arrivée des Nains qui se montrent d’une goujaterie confondante ! Lorsque arrive Thorin « Ecu-de-Chêne », à qui Richard Armitage confère une réelle noblesse, le sérieux revient et l’objectif est présenté : la reconquête d’Erebor jugée possible suite à des « signes » montrant que la montagne est à nouveau libre et le dragon Smaug n’ayant pas donné signe de vie depuis 60 ans. La présence d’un dragon (qu’on ne verra pas, sa présence est suggéré lors de la dévastation d’Erebor dans une scène où la caméra se montre virevoltante et use de la contre-plongée et de la plongée avec un vrai sens du placement) et le côté grotesque des Nains montrent que nous sommes dans un univers résolument « merveilleux ». Il est inutile de comparer avec le côté « réaliste » du Seigneur des Anneaux. La base du récit n’est pas la même. Evidemment, après avoir d’abord refusé, Bilbon décide de suivre la compagnie. Les Sacquet ne sont pas des Hobbits tranquilles ! Le Hobbit est épris du confort petit-bourgeois à l’anglaise (confort des intérieurs) mais certains aiment prendre le risque de sortir de chez eux. Ce démarrage un peu poussif réalisé a tout de même permis de nous familiariser avec Martin Freeman qui campe avec bonheur et talent ce Hobbit. Il est un peu emprunté au départ mais c’est le rôle qui veut cela. Signalons ensuite de très beaux paysages. Une des marques de la première trilogie qu’on apprécie de ne pas voir sacrifiée. Le récit s’encombre cependant de sous-récits qui ne sont pas dénués d’intérêts en eux-mêmes mais montrent que la matière du roman et le projet du réalisateur ne coïncident pas tout à fait. Le passage avec les trolls ne sert pas à grand-chose mais l’ambiance burlesque avec ces trois balourds, outre que c’est fidèle à Tolkien, c’est aussi un autre signe du caractère enfantin du Hobbit. Peter Jackson a parfaitement eu raison de garder cet esprit comique et Martin Freeman est assez drôle quand, avec le sérieux qui sied à un Hobbit parlant de cuisine, il essaye d’expliquer aux monstres comment assaisonner un Nain ! Le décalage du visage fermé et des paroles absconses est savoureux ! Autre moment mi- sérieux mi-comique, la survenue de Radagast le Brun, un des Magiciens. Bien que mentionné dans Le Seigneur des Anneaux, il n’apparaissait pas. Sylvester McCoy est absolument hilarant dans ce rôle qu’il maîtrise avec bonheur ! Le personnage est fantasque, complètement allumé mais rigolo et sympathique. Il est un peu l’opposé du sévère Saroumane (qui le méprise ouvertement) ; Gandalf est un point d’équilibre. Moment de dire tout le bien possible de Sir Ian McKellen qui reprend les oripeaux de Gandalf dix ans plus tard avec toujours autant de maestria. Il est une valeur sûre du film qui le met d’ailleurs plus en valeur que la première trilogie. Radagast est venu avertir qu’un Nécromancien utilise la forteresse abandonnée de Dol Guldur comme repère. Sa silhouette est familière au public du Seigneur des Anneaux mais il est parfaitement crédible que le lien entre Sauron et ce Nécromancien ne se fasse pas ici. L’histoire se passe 60 ans avant et, comme le rappellera Saroumane plus tard, le « Seigneur des Anneaux » a été vaincu. On sera moins indulgent avec le faux-raccord qui nous fait passer d’une forêt à une lande d’un coup. C’est sûr que pour montrer une poursuite entre la compagnie et des orques montés sur des ouargues (des loups géants mâtinés de hyènes féroces) c’est plus simple mais quand même. Par contre, que Gandalf les ait menés à Fondcombe contre l’avis de Thorin, c’est normal ! Le magicien a un esprit malin qui sait utiliser les chemins de traverse pour faire aller où il veut. Qu’on atteigne Fondcombe par un défilé étroit est cohérent avec l’univers de Tolkien. Le film mentionne par exemple « Gondolin » qui était un royaume elfique dont l’histoire est contée dans Le Silmarillon (très belle lecture) et ce royaume, comme d’autres, a cette particularité d’être installé dans une vallée. C’est aussi l’idée des locus amoenus, ces lieux hors du temps (« lieu agréable » en latin) où se reposent les guerriers. Fondcombe joue dans le Hobbit le rôle que tient la Lorien dans le Seigneur des Anneaux. C’est un plaisir de revoir Hugo Weaving en Elrond. Notons qu’il porte une armure. Le seigneur elfe était plus combattant à l’époque. Il décrypte la carte des Nains, ce qui leur permettra d’entrer dans Erebor. On ne peut s’empêcher de sourire devant la facilité scénaristique de la coïncidence du calendrier. Arriver à Fondcombe, le seul endroit de toute la Terre du Milieu où quelqu’un peut décrypter un langage qui ne se révèle qu’à un certain moment de l’année ; précisément, celui où se passe l’action ! C’est quand même énorme ! Si la scène du Conseil n’a pas une grande utilité dans le récit proprement dit, elle joue cependant un double rôle. D’abord, et principalement, c’est une révérence envers les fans du Seigneur des Anneaux en redonnant leurs rôles à Cate Blanchett (seule présence féminine du film) et à Sir Christopher Lee. Ensuite, c’est un point d’étape et il est intéressant de voir comment Peter Jackson crée les liens avec la première trilogie. Le projet de prologue prend ici tout son sens. On découvre un Saroumane avant sa Chute quoique le doute existe car c’est lui qui remet en cause les conclusions de Gandalf (voir le magicien dans le rôle de celui qui doit rendre des comptes, c’est assez savoureux) et semble vouloir calmer le jeu. C’est aussi lui qui mentionne pour la première fois le nom de Sauron. Face à ce sévère maître d’école, il y a un côté facétieux dans l’usage de la télépathie entre Gandalf et Galadriel comme ces gamins qui se passent des petits mots (ou s’envoient des textos !) derrière son dos ! Là, on applaudit les performances de Ian McKellen, qui se fait tout petit devant une poupée, et Cate Blanchett rayonnante et plus mutine que ne le deviendra Galadriel ! La dernière partie du film n’est pas exempt de longueur et tout le passage chez les Gobelins est un peu long mais, outre son caractère burlesque approprié dans cet univers (il faut voir la fuite de la compagnie et le côté « space mountain » !), il signe l’arrivée de Gollum. Andy Serkis maîtrise les facettes de son personnage : le visage et les expressions de la bestiole sont plus véridiques que jamais ! C’est aussi, bien sûr, l’entrée en jeu de l’Anneau. Le passage du jeu de devinette entre Bilbon et Gollum est par contre sinistre et la pirouette par laquelle s’en sort Bilbon un peu facile. Mais il fallait relâcher la tension et c’est aussi à ça que sert la course poursuite dans les souterrains des Gobelins. La nouvelle attaque des ouargues apporte quelque chose de nouveau. Outre qu’elle bénéficie d’une somptueuse lumière spectrale, elle confronte enfin le méchant de l’histoire, l’orque pâle Azog, et le Nain Thorin qui sont opposés par une longue querelle personnelle. Que Thorin n’ait pas voulu croire jusque-là qu’Azog avait pu survivre aux blessures qu’il lui avait autrefois infligé est parfaitement crédible là aussi. Le coup porté était violent et il s’est passé pas mal de temps depuis. Des gens meurent quand le temps passe, les orques aussi ! Ce passage marque aussi l’adoubement définitif de Bilbon par Thorin grâce à l’héroïsme dont le Hobbit a su faire preuve. Erebor n’est désormais plus très loin. Anecdotes :
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Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi (2003) Résumé : La situation devient critique pour la Terre du Milieu. Les armées du Mordor menacent un Gondor très faible. Pour obtenir des renforts, Aragorn devra accepter un lourd héritage. Quand à Sam et Frodon, toujours menés par Gollum, ils arrivent au sinistre col de Cirith Ungol. Critique : « Je suis l’héritier d’Isildur » Aragorn Le passé est quelque chose de pesant. Mais chacun y réagit différemment. Gollum a perdu le contact avec Sméagol, Frodon poursuit l’héritage de Bilbon, Aragorn s’empare du sien pour le dépasser. L’ouverture du film est le récit de la déchéance du hobbit Sméagol. Le mi-temps celui de l’accession au trône d’Aragorn. La conclusion l’apothéose de Frodon. Le film commence avec la clôture de la guerre contre Saroumane. C’est un duel entre Gandalf et Saroumane qui tourne en la défaveur de ce dernier qui perd son bâton (symbole de son rang) puis se fait assassiner par Grima ! Celui-ci ne profitera pas de son crime longtemps ; Legolas fait justice. Détail important : la mort du magicien livre à la Communauté un Palantir. Celui-ci jouera un rôle à deux moments : une gaffe de Pippin et un défi lancé par Aragorn. La première révèle le plan de Sauron. Le second participe du plan d’Aragorn. Les effets spéciaux pour la pierre de vision sont très bien faits : flammes, lumière vive et, surtout, les acteurs donnent corps à la douleur de toucher cet objet dangereux. Le plan de Sauron est de frapper Minas Tirith, la « cité blanche » (une merveille architecturale), capitale du Gondor. La salle du trône qui alterne marbre noir au sol et marbre blanc des statues des rois de naguère est splendide, immense, froide dans sa majesté, mais un homme va l’emplir cependant. Le réalisateur a l’habileté de zoomer progressivement sur cet homme qui occupe la place du Roi. Le Gondor n’a plus de roi depuis longtemps et il est gouverné par l’Intendant, une sorte de régent à vie. L’actuel détenteur de cet office est Denethor, qui se trouve être le père de Boromir et de Faramir. John Noble incarne ce serviteur que l’amertume et le désespoir ont rongé. Dénué de sourire, son visage est un masque fermé qui ne dévoile que dédain (pour Gandalf) et mépris (pour Faramir). Pire ! Il refuse de s’effacer devant Aragorn (qu’il connaît sans l’avoir vu) ; un Rôdeur ne saurait exercer le pouvoir. John Noble arrive cependant à donner une grandeur, un charisme à son personnage. Si l’Intendant ne veut pas se battre (puisqu’il est certain de la défaite), Gandalf va ruser avec l’aide de Pippin. Le Hobbit allume les feux d’alarme de Minas Tirith provoquant une réaction en chaîne. De poste en poste, à travers des paysages magnifiques, le message parvient jusqu’au Rohan : « Le Gondor appelle à l’aide » s’exclame Aragorn. « Et le Rohan répondra » affirme Théoden. Trop peu de mots peuvent rendre la sensation d’honneur et le grandiose de ces quelques paroles. Pendant ce temps, la situation s’aggrave pour Sam et Frodon. Celui-ci est de plus en plus rongé par l’Anneau et Gollum en profite pour susurrer à son oreille des paroles déplaisantes pour Sam. Il prépare une trahison, Sam le sait mais Gollum est plus malin et parvient à le faire chasser par Frodon. Ils sont alors dans les escaliers venteux qui contournent Minas Morgul, citadelle avancée du Mordor. Un décor dantesque que ces marches noires qui se distinguent mal de la roche brute. Peter Jackson sait trouver les angles pour donner la sensation de hauteur, de raideur et de danger. Trahison de Gollum et trahison de Denethor. En accablant Faramir de mépris et en le traitant à mots à peine couverts et d’une dureté inouïe de lâche, l’Intendant pousse ce dernier à tenter la suicidaire tentative de reprise d’Osgiliath, tombée peu avant. Cette scène est magnifiquement illustrée par une chanson de Pippin et le montage alterne bataille, chant et repas de Denethor. Les tomates-cerises laissent une symbolique trainée rouge-sang (gros plan sur la bouche de John Noble). L’Intendant paiera le prix de sa renonciation. Rendu fou de douleur par la mort (supposée) de Faramir, il est quasiment déchu par Gandalf qui a pris en main la défense de la cité. Ian McKellen est toujours aussi impeccable. Son regard affiche la détermination de Gandalf tout autant que son mépris pour Denethor. La faute de ce dernier aux yeux de Tolkien était de s’être abandonné au désespoir ; c’est un péché majeur. Judas y avait succombé également. La trahison, c’est aussi ce qu’Aragorn doit rencontrer. Pour trouver de l’aide, il doit suivre le conseil d’Elrond et aller quérir une armée de morts-vivants ; ils ont été maudits par Isildur, le dernier roi, pour ne pas avoir honoré leur serment. Ils n’obéissent à personne mais ils doivent obéissance au Roi. Elrond a reforgé l’épée d’Isildur : elle porte désormais le nom d’Andaril : « Oubliez le Rôdeur, dit Elrond. Devenez celui que vous devez être ». C’est une réponse indirecte à Denethor. L’Intendant a raison de ne pas vouloir s’effacer devant un Rôdeur mais il n’a pas le droit de lui refuser la noblesse et ses droits au trône. Le Chemin des Morts où se rendent Aragorn, Gimli et Legolas, a été soigné par les décorateurs : sinistre, une brume bleutée et une sorte de façade palatiale sèche et dure. L’image de l’armée des morts est impressionnante. L’offre d’Aragorn est simple : « Battez-vous pour nous et regagnez votre honneur ». Alors que la bataille commence, que les Nazguls sèment la terreur ; Gollum amène Frodon devant un tunnel sombre, puant et…plein de filaments gluants. L’antre d’Arachné est un des pires lieux de la Terre du Milieu et c’est tout un passage d’épouvante. Le spectateur est pris à la gorge par l’effroi et maudit le scénario qui mêle espoir et désespoir dans un mélange efficace. La loyauté de Sam sauvera cependant Frodon. Son courage, la colère aussi quand il constate que Frodon a oublié le goût des fraises ou la sensation de l’herbe lui donnent des forces pour mener son maître jusqu’à la Montagne du Destin. Mais Gollum a d’autres projets ! La bataille de Minas Tirith, concomitante, est un moment d’héroïsme tout en étant un morceau de bravoure du réalisateur. Le plus beau c’est la venue des Rohirrim. La harangue de Théoden est portée avec une force qui donne la chair de poule. La charge des Rohirrim, qui disloque les lignes du Mordor, est un passage grandiose, magnifique. Avec un sens du suspens parfait, Peter Jackson fait intervenir d’abord les cavaliers du Rohan puis les morts avec Aragorn pour emporter la victoire. Théoden y laisse la vie (un moment d’émotion rendu très fort par Bernard Hill mais aussi par Miranda Otto) mais Denethor l’avait précédé. La lignée des Intendants a failli. Place au Roi. Pour donner du temps à Frodon, Aragorn amène ses troupes devant la Porte Noire et charge en première ligne, tels les rois de jadis. Ses droits, il les prouve sur le champ de bataille. Du temps, Frodon n’en a plus. Epuisé, avançant tel un somnambule, il trouve cependant des forces pour accéder au volcan qu’est la Montagne du Destin. Un décor monstrueux, éclairé par des feux d’enfer. Pourtant, l’histoire vacille un instant. L’âme de Frodon cède à la tentation. Sauf que Gollum a d’autres projets. Il avait un rôle à jouer supposait Gandalf. C’est au prix de sa vie que l’immonde créature sauve la Terre du Milieu tout entière ! Frodon et Sam sauront sauvés. Aragorn est couronné et nous avons deux moments d’émotions. Le couronnement en lui-même et, surtout, l’embrassade passionnée entre Aragorn et Arwen. Elle a renoncé à son immortalité pour connaître l’aventure fabuleuse et terrible de la vie, de l’amour et de la maternité. Tout à une fin. La présence des Elfes en Terre du Milieu. Celle de Bilbon et de Frodon sur cette même Terre du Milieu. Le moment des adieux est touchant, émouvant, sans amertume cependant. Contrairement à la crainte d’Elrond, ce futur n’était pas révolu avant d’avoir été. Il y a toujours de l’espoir. Anecdotes :
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Le Hobbit : la Désolation de Smaug (2013) Résumé : Poursuivant leur quête, les Nains et Bilbon croisent la route des Elfes Sylvains, affrontent moult dangers avant de parvenir enfin à Erebor. Mais, le plus grand des dangers y vit toujours et sa volonté de garder son trésor est grande, sa haine des Nains profonde. Critique : Avec ce deuxième volet, l’action ne cesse plus, la tension monte et c’est un crescendo magistralement réalisé que nous offre Peter Jackson. Peut-être plus encore mis en avant, Martin Freeman nous régale en montant en gamme avec, en chef-d’œuvre, sa confrontation avec Smaug. Le réalisateur sait nous faire patienter en retardant la survenue du monstre sans temps morts. La première scène passée (simple rappel pour les ceux qui auraient oublié le premier opus), le spectateur est tout de suite plongé dans l’action : les ouargues sont sur les chevilles de nos héros qui trouvent une chaumière disons accueillante. C’est à ce moment que le scénario opère une rupture majeure : Gandalf quitte la compagnie pour une autre mission. Résumons-la tout de suite car c’est un arc mineur du récit. Le magicien se rend à Dol Guldur pour y confronter l’abomination qui y réside. Cela nous donne l’occasion de revoir brièvement Radagast qui ne sert toujours pas à grand-chose mais Sylvester McCoy est tellement à l’aise avec son rôle que c’est un plaisir coupable que de revoir le magicien frappé. L’architecte de Dol Guldur devait être un dément mégalomaniaque doublé d’un dépressif suicidaire car l’on entre plus avant dans cet antre d’horreur. La répugnance suinte des murs et la lumière morte qui baigne des ruines qui ne le sont pas donne des frissons. La lutte de Gandalf contre le Nécromancien, lequel se présente sous forme de ténèbres mouvantes, est un moment effrayant et le cri final de Gandalf résonne encore. Ce passage, que le montage présente en courtes mais intenses pastilles, entre dans le projet de « prologue » au Seigneur des Anneaux. Il n’a pas une utilité immédiate mais, outre qu’il instille de vrais moments de terreur (jusqu’au réveil de Smaug évidemment), il est à la fois clin d’œil aux fans et préparation à la première trilogie en montrant les ressorts du plan patient du « Nécromancien ». Cette relative mise à l’écart de Sir Ian McKellen a pour vertu de donner plus de place à Martin Freeman qui devient résolument le héros de ce film. L’acteur accompagne l’évolution de son personnage avec talent. Bilbon n’est plus un casanier petit-bourgeois. Il a du courage mais, une brève scène quand il doit tuer un monstre, nous montre un visage qui s’est durci. Pourquoi ne pas avoir fui ? Parce que le monstre l’empêchait de récupérer l’Anneau. La traversée de la « Forêt Noire » (un nom un peu cliché) réserve son lot d’émotions ! Maléfique, la forêt ensorcelle ses visiteurs pour les perdre. Le rythme qui se ralentit et l’image qui devient grise donnent à voir les hallucinations qui piègent nos héros avant que ce ne soient des araignées géantes qui le fassent ! Et dire que Peter Jackson est arachnophobe ! Qu’est-ce que cela aurait donné s’il ne l’avait pas été !! C’est de l’horreur renforcée par les atroces bruits de claquements de pattes et de mâchoires et autres bruits de succions ! De quoi cauchemarder durant des nuits entières ! C’est aussi à ce moment que surviennent les Elfes Sylvains conduits par Legolas (Orlando Bloom retrouve son rôle avec classe et n’a rien perdu de son élégance) et Tauriel (entrée en scène très réussie d’Evangeline Lilly) qui capturent tout ce beau monde (sauf Bilbon devenu invisible). Notons avec humour que Le Hobbit c’est un peu un guide des geôles de la Terre du Milieu ! Grâce à l’habileté de Bilbon, les Nains pourront s’enfuir dans une séquence d’un grand comique pleine d’allant et avec de l’action sans arrêt et une certaine fantaisie. Le réalisateur joue avec habileté sur plusieurs gammes de sentiments pour enrichir ce passage. Il ajoute un brin de romance entre le Nain Kili et l’Elfe Tauriel rendu très convainquant et par le jeu tout en retenu des acteurs mais aussi Peter Jackson ajoute du drame avec cette blessure gravissime infligée au même Kili et qui poussera Tauriel à faire un choix. Une autre rencontre, celle de Bard, marchand maniant bien l’arc, permet aux Nains d’arriver à Lacville, sympathique cité lacustre non loin d’Erebor. A l’image de son Maître, auquel Stephen Fry prête ses traits, c’est une Venise de bois pourrissant, dont on a aucun mal à croire qu’elle sent le poisson et la vermine. En seigneur décati, méfiant, méprisant envers ses sujets, ventripotent, alcoolique et vénal ; bref, en barbon décadent, Stephen Fry est diablement convainquant ! Il opère un contraste très réussi avec Bard incarné par Luke Evans. Celui-ci est solaire, courageux, moral sinon droit. Lui voit clairement le péril si les Nains réussissent leur entreprise mais que peut la raison contre le discours plein de gloriole et d’espèces sonnantes et trébuchantes promises par Thorin qui a parfaitement saisi à qui il avait affaire. Schématique peut-être mais efficace. La recherche de la porte d’Erebor est le dernier moment d’émotion du film mais comment ne pas le ressentir devant ces réfugiés qui peuvent enfin rentrer chez eux même s’ils craignent que le tyran qui les en a chassé ne soit toujours là ? Bilbon est alors envoyé chercher l’Arken Stone (« pierre d’angle » soit pierre angulaire). Elle symbolise la clé de voûte (cf. la scène d’entrée dans Erebor). C’est la preuve de l’achèvement, du couronnement. La pierre taillée est symbole de connaissance. C’est aussi le cœur de la montagne et le cœur de Thorin « Roi sous la montagne ». Il y a un côté un peu absurde dans cette quête puisque Bilbon doit trouver « une grosse pierre banche » au milieu d’un trésor gigantesque ! La salle du trésor est presque un classique dans son architecture mais cela n’en reste pas moins époustouflant. Tout Erebor que nous parcourrons peu après est à la fois monumentale, superbe mais aussi, et c’est plus rare dans ces constructions fantasmagoriques, il est davantage possible d’imaginer que l’on ait pu y vivre et, mieux encore, que l’on puisse y vivre à nouveau. Un grand classique aussi du récit d’aventure : tout trésor a son gardien et, dans ce domaine, on n’a pas fait mieux qu’un dragon ! Smaug est absolument magnifique. C’est une des plus belles réalisations techniques que l’on ait pu faire. Le meilleur dans cette superbe horreur, c’est son visage qui exprime toute la malignité de la créature. En VF, le susurrement de la bête en rajoute dans l’impressionnant. Son discours est fielleux et ironique ; celui d’un être puissant qui a parfaitement conscience de sa force et ne doute ni d’elle ni du temps qu’il peut prendre car rien ne presse. La conversation entre Bilbon et Smaug est un moment surréaliste par la politesse courtoise qu’elle prend malgré le fait que l’apprenti voleur avoue crûment qu’il sait parfaitement qu’elle ne le sauvera pas. C’est typiquement la fausse conversation pendant laquelle chacun des interlocuteurs tente de doubler l’autre. On voit ainsi que les deux personnages ne cessent de bouger. L’action reprend ensuite ses droits avec une fascinante et pleine de tension partie de cache-cache entre les Nains venus rejoindre Bilbon et Smaug qui crache sa haine de Thorin et de son peuple. C’est une suite de séquences extrêmement dynamiques très variées et qui ne permettent pas de s’ennuyer. « Qui a vécu par le glaive périra par le glaive » proclamait l’Evangéliste Mathieu (Mt 26,52) et on a l’impression que Smaug va mourir de son exécrable soif de l’or (Auri sacra fames ! écrivait Virgile) mais c’eut été bien mal connaître le monstre ! Dès lors, c’est un épouvantable frisson glacé qui nous parcourt en entendant Smaug susurrer en volant vers Lacville : « Je suis le feu. Je suis la Mort ». Anecdotes :
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