Une nouvelle chance (2012) Résumé : Un recruteur vieillissant d’une équipe de baseball perd progressivement la vue et sa fille décide de l’accompagner lors d'un de ses voyages de repérage pour pallier sa déficience visuelle. Critique : Clint Eastwood avait pour projet de réaliser un troisième remake du film A Star Is Born, avec Beyoncé Knowles et, à nouveau, Leonardo DiCaprio, mais la grossesse de la chanteuse modifia ses plans. Il en profita pour incarner Gus Lobel, un chercheur de talents de l’équipe de baseball des Braves d’Atlanta, dont les dirigeants rechignent à prolonger le contrat car ils souhaitent qu’il prenne enfin sa retraite. Alors qu’on pensait que Kowalski serait le dernier rôle de Clint, il céda aux sollicitations quatre ans plus tard, et beaucoup pensèrent que c’était une mauvaise décision ; ce n’est pas mon avis. Trouble with the Curve – le titre original est bien meilleur - est une comédie agréable à regarder, sortie en catimini, dans une confidentialité injustifiée, et elle mérite amplement qu’on s’y attarde. La relation conflictuelle père / fille, thème récurrent de l’œuvre eastwoodienne, tient une place de choix. Déjà présent dans Les pleins pouvoirs et Million Dollar Baby, cet antagonisme provient vraisemblablement des rapports difficiles entre Clint et sa fille Kimber, son premier enfant. Gus, obnubilé par le baseball, a délaissé Mickey (Amy Adams), comme l’acteur ses propres enfants. Ici, la vue du recruteur décline et Pete Klein (John Goodman), son ami de trente ans, convainc Mickey d’accompagner son père en déplacement professionnel en Caroline du Nord, ce qui l’oblige à délaisser sa carrière d’avocate. Le voyage permettra à la jeune femme, fan de baseball, d’éclaircir son traumatisme d’enfance – avec un dénouement tiré par les cheveux – et de rencontrer Johnny (Justin Timberlake), ancien joueur prometteur devenu recruteur pour une équipe adverse. Eastwood est égal à lui-même, superbe et crédible, avec ce thème récurrent de la vieillesse qu’il peaufine depuis Impitoyable. L’artiste n’a d’ailleurs jamais essayé de dissimuler les affres dues à l’âge, comme le démontre la première scène du film, d’anthologie, sans embellissement, car le temps de L’inspecteur Harry est bien loin. Une séquence d’ouverture mythique où Clint tente laborieusement de pisser... Gus, aux toilettes, se lance dans un monologue à l’encontre de son ‘robinet’ au moment d’uriner, sans oublier de conclure par une phrase à Ce rôle de recruteur de talents confronté à une baisse de la vue est touchant et il permet à Eastwood de déplier son registre, que cela soit en tant que buveur de bières au bar avec ses potes ou cogneur à Sandra Bullock déclina le rôle de Mickey, et c’est tant mieux, car Amy Adams s’en sort magistralement et l’actrice, rayonnante et pétillante, est l’autre grande satisfaction du film. Amy déclara que travailler avec Clint était superbe, qu’il est une véritable légende et que partager l’écran avec lui constituait un honneur. L’osmose entre les deux fonctionne parfaitement et procure de nombreuses scènes à l’humour certain, tels le burger brûlé et l’échange de balles où Mickey qualifie son père de ‘stubborn mule’, comme Sœur Sara des décennies plus tôt. Par contre, la prestation transparente et ‘gentillette’ de Justin Timberlake est à oublier ; on le ressent dès sa séquence d’apparition avec les enfants – après un bon quart d’heure – qui ne laisse présager rien de bon et les longueurs qui alourdissent le film sont les scènes de romance de Mickey et Johnny, les passages où Eastwood n’apparaît pas…tels le long intermède au bar et la promenade nocturne qui s’ensuit. Le baseball m’a toujours profondément ennuyé et je ne vais pas trop m’étendre là-dessus. Après la boxe et le rugby, Eastwood se frotte à un sport qu’il connaît mieux, surtout comparé au rugby, et les passages sportifs sont nettement plus digestes. Et soyez rassurés : on peut apprécier le film sans pour autant comprendre les règles de ce jeu typiquement américain. Le long métrage est aussi une excellente critique des nouvelles technologies, qui ne peuvent pas remplacer l’être humain en toutes circonstances : « Anybody who uses computers doesn't know a damn thing about this game » [Quiconque utilise des ordinateurs ne connaît rien à ce jeu] ; Gus découvre ainsi que Gentry rencontre des problèmes avec les balles lancées avec effet – d’où le titre original - et il ne recommande pas le joueur aux Braves, contredisant tous les graphiques élogieux. C’était la première fois depuis dix-neuf ans qu’Eastwood jouait dans un film qu’il ne réalisait pas, depuis Dans la ligne de mire en 1993. Le réalisateur – et coproducteur- est Robert Lorenz, qui apparaît souvent dans les bonus des films d’Eastwood comme producteur associé ou assistant-réalisateur, un ‘fidèle’ de la star depuis le milieu des années 90. Il a eu largement le temps d’apprendre le style eastwoodien et ça se confirme. Certes, Eastwood aurait peut-être dû s’arrêter sur le grandissime Gran Torino, comme il l’avait annoncé en 2008, mais ce long métrage n’est pas le navet sur lequel beaucoup de critiques ont craché, dont Le Monde, une nouvelle fois en mal d’inspiration pour un film d’Eastwood (voir ma critique de L’échange). Et puis, personnellement, je préfère avoir les dernières images de Clint acteur debout, s’éloignant tel ‘a lonesome cowboy’ avec un cigare à Accueilli fraichement par la presse – certaines critiques furent des règlements de comptes suite à l’épisode de la ‘chaise vide’ - et passé quasiment inaperçu en France, Trouble with the Curve n’est certes pas dans mon top vingt d’Eastwood, mais il est à mon avis plus intéressant qu’au moins deux films tournés depuis Gran Torino, bien que la majorité des critiques écrivent le contraire (Invictus et J. Edgar). Malgré un sport que seuls les Américains apprécient, ce long-métrage n’est pas à négliger pour les inconditionnels de Clint, car le baseball passe souvent au second plan. Certes, l’ensemble prévisible et le final trop ‘chanceux’ sont conçus pour obtenir une belle fin, mais le film, porté par Clint et la ravissante Amy Adams, est très agréable à suivre. Il faut garder en tête que les rôles qu'Eastwood a interprétés, et les films qu'il a mis en scène, sont largement influencés par la culture des États-Unis. Un film que tous les fans d’Eastwood doivent avoir vu. Anecdotes :
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