J. Edgar (2011) Résumé : Le tout-puissant John Edgar Hoover, à la tête du FBI depuis près d’un demi-siècle, fait le bilan de sa vie professionnelle et privée. Critique : A travers ce biopic, J. Edgar se remémore Hoover et tout le chemin parcouru. Agé, mais toujours à la tête du FBI, - il le restera jusqu’à sa mort le 2 mai 1972 - il dicte à de jeunes agents sa carrière qui débuta en 1919. Il fustige l’intérêt de la presse pour les truands, ce qui glorifie à ses yeux le crime, et il désire donner son point de vue pour l’Histoire. Au début de sa carrière, il a voulu créer un bureau fédéral d'investigation afin de contrer les communistes (‘Communism is not a political party. It is a disease. It corrupts the soul, turning men, even the gentlest of men, into vicious evil tyrants’), les anarchistes et toutes autres actions révolutionnaires (‘radical persons’), qui menaçaient la nation. Lentement, il façonne la réputation de l’agence, devenant le seul juge pour recruter et licencier et il se rappelle la bataille qu’il a menée contre le Congrès pour être financé, avoir des locaux et autoriser ses agents à porter des armes. Hoover souligne également l'avancement des enquêtes pendant son mandat, en utilisant de plus en plus la science comme preuve irréfutable. Acariâtre et despote, il ne fera confiance qu’à trois personnes durant ses décennies de pouvoir : Annie, sa mère possessive et castratrice - c'est pour elle qu'il a surmonté son bégaiement, qu'il nie farouchement son homosexualité et qu'il veut gravir les échelons de la bureaucratie fédérale -, Helen Gandy, sa secrétaire personnelle, qui a juré de le protéger à tout prix et Clyde Tolson, l'une des recrues, qui est rapidement promu au poste de directeur adjoint et deviendra le confident et compagnon d'Hoover le reste de sa vie. Les souvenirs de Hoover lui permettent d’embellir son rôle dans de nombreuses affaires où fut impliqué le FBI et il se montre également assez habile à manipuler les politiciens avec lesquels il a travaillé au cours de sa carrière, en grande partie grâce à des documents secrets. J. Edgar Hoover a été responsable de ‘son’ FBI pendant quarante-huit ans, de 1924 à 1972, et il officia sous huit présidents, de Coolidge à Nixon. Il a gardé des fichiers privés sur de nombreuses personnalités comme informations à utiliser à charge, le cas échéant ; des dossiers qui étaient connus de ses ennemis. Il était redouté, admiré, vilipendé et vénéré, un homme qui pouvait travestir la vérité aussi facilement qu'il la présentait. Ses méthodes étaient à la fois impitoyables et héroïques, mais derrière des portes closes, il tenait des secrets qui auraient détruit son image, sa carrière et sa vie. Hoover représente à lui seul un énorme chapitre de l’histoire du vingtième siècle des Etats-Unis, mais le personnage, extrêmement controversé, bourré de turpitudes et avide de reconnaissance, n’est pas un sujet aisé à traiter. Eastwood s’intéresse au projet, alors que Hereafter est en préproduction, et occupe une nouvelle fois la triple fonction (metteur en scène, coproducteur, compositeur). Plus d’un demi-siècle relaté en un peu plus de deux heures, et il faut nécessairement avoir quelques connaissances de la civilisation des Etats-Unis pour comprendre ; mon sujet de prédilection à l’université. Il faut suivre car se succèdent l’affaire Lindbergh, la vie privée de la très laide Eleanor Roosevelt, Shirley Temple, Ginger Rogers, les frasques amoureuses de JFK... Mais, en voulant dessiner la destinée globale de J. Edgar, Eastwood choisit de s’attarder sur sa vie privée, bien moins passionnante que les magouilles et autres manipulations. Par conséquent, des évènements majeurs sont traités à la va-vite, tels l’assassinat de JFK, expédié en un plan et une réplique, et celui de Martin Luther King, rappelé par une image d'archives. De grands pans de l'histoire sont donc laissés de côté. D’autres sont complètement ignorés, comme les liens étroits de Hoover avec Le film est très bavard et parfois ennuyeux, malgré une interprétation remarquable de Leonardo DiCaprio, impeccable. La performance de l’acteur montre les failles d’Hoover : son bégaiement lorsqu'il se sent mal à l'aise s'oppose totalement à son caractère fort et ambitieux. Il en est de même pour Helen Gandy, interprétée par Naomi Watts, malgré une présence éclipsée. Judi Dench est une mère convaincante, entre deux James Bond : « I would rather have a dead son than a daffodil for a son». Par contre, Armie Hammer (Clyde Tolson) est transparent, sans oublier Ken Howard, qui fut le héros de la série Le justicier dans les années 70 et qui incarne ici l’Attorney General qui recrute Hoover. Quant à l’équipe de production, Eastwood a reconduit ses ‘fidèles’ : Tom Stern (photographie), Joel Cox (montage), James J. Murakami (décors) et Deborah Hopper (costumes). Ce n’est pas la distribution qui est par conséquent la cause du semi-échec de ce film. C’est le déroulement décousu aux flashbacks incessants, les bavardages fatigants, les maquillages grossiers et l’absence d’intrigue. Evidemment, la part importante consacrée aux déviances de Hoover plombe, à mon avis, le long-métrage. Le baiser refusé d’Helen est-il la conséquence de son inclination homosexuelle ? Quoi qu’il en soit, la romance de Robert Kincaid sur la route de Madison m’avait fortement barbé, alors que dire de celle d’Hoover et de son second qui culmine dans cette scène de jalousie ridicule au sujet de Dorothy Lamour (‘Have you become physical ?’) ! L'interminable final entre les deux amants, duo de vieillards amidonnés et raidis par le maquillage, comme des marionnettes des Guignols, sonne creux, telle une tragédie de pacotille (ah, ce passage où Hoover casse deux œufs, le sien et celui de son amant de toujours…tout un symbole !).On ajoute à cela la présence véridique et obsessionnelle de sa mère (qui lui conseille une cravate bleue à son premier rencart et lui apprend à danser), dont la mort est sujette à une mise en scène pathétique à A côté de cela, quelques passages sont palpitants, tels l’attaque à la bombe de la maison de Mitchell Palmer au début, la séquence dans la somptueuse librairie du Congrès – sur Cette légende permet aussi à Clint Eastwood de mettre en scène, une fois encore après L'échange, le temps de son enfance, mais avec beaucoup moins de réussite. Comme pour Au-delà, malgré un accueil très mitigé aux USA, où on reproche au film sa monotonie et son absence de prise de risque sur le personnage controversé que fut Hoover, le long-métrage est un véritable succès critique et commercial en France. Pendant près d'un demi-siècle, J. Edgar Hoover a déjeuné et dîné tous les jours avec son bras droit, Clyde Tolson, qui partageait aussi ses week-ends, et auquel il a légué ses biens. Au final, la vie globale de ce personnage ayant marqué l’histoire américaine est intéressante, mais guère passionnante – comme le film - et on comprend le peu de nominations à des récompenses. A mon avis, c’est un des moins bons Eastwood en tant que réalisateur, car tout va trop vite et, en même temps, on trouve le moyen de s’ennuyer…Pour terminer, je reprends, une nouvelle fois, la conclusion de Nicolas Bouland : « Quand à savoir si le vrai JEH était gay comme le laisse soupçonner (un peu lourdement) le film, on n'en sait pas plus qu'à l'époque. Qu'il ait été un expert de la manip et des coups tordus, ainsi qu'un amateur de dossiers confidentiels, ne fait guère de doute, et qu'il ait parfois joué avec la vérité est probable, mais le traiter de "plus grand salaud d'Amérique" semble un peu provoc'. En France, du moins, le film ne peut passionner que les clintophiles farouches et les fondus d'histoire contemporaine. Par chance, je suis les deux. » Anecdotes :
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