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Frankenweenie (2012)Miss Peregrine et les enfants particuliers (2016)

Saga Tim Burton

Big Eyes (2014)


BIG EYES
(BIG EYES)

Résumé :

Au début des années 1960, le peintre Walter Keane connaît un succès phénoménal avec ses toiles représentant des enfants aux grands yeux. Bateleur né, il sait se vendre et se vendre bien. La seule chose qu’il ne sait pas faire, c’est peindre car c’est sa femme Margaret qui est la véritable artiste.

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Critique :

Après Ed Wood, Big Eyes constitue le second film biographique réalisé par Tim Burton et, à nouveau, c’est à un artiste qu’il le consacre car, ce qui intéresse Burton, c’est moins l’artiste que le processus créatif qu’il essaye de représenter. A nouveau, le sujet présente un artiste singulier ayant le besoin vital de créer mais aussi des rapports houleux avec la critique. Si on ajoute cette phrase, « Il s’en dégage un certain trouble, de la tristesse ainsi que de la noirceur, de l’humour et de la couleur », Big Eyes constitue en fait une définition de l’art burtonien ! En outre, le film a le mérite de montrer la condition féminine dans les années 50/60 et la difficulté pour une femme seule de subvenir à ses besoins et d’être prise au sérieux, quand elle est artiste qui plus est ! « L’art féminin n’est pas très pris au sérieux » dira Walter et il a hélas raison. A travers l’histoire de Margaret Keane, c’est aussi un jalon dans l’histoire des femmes qui est posé.

Le projet venait des scénaristes Larry Karaszewski et Scott Alexander qui y travaillaient depuis dix ans et avait gagné la confiance de Margaret Keane. Ils voulaient que ce soit Burton qui produise le film ; ce qu’il fit avant de décider de le réaliser. La première scène – une sinistre banlieue pavillonnaire – montre d’emblée qu’on est bien dans un Burton !

Tim Burton voulait travailler avec de nouveaux acteurs aussi toute la distribution est-elle inédite. Amy Adams avait refusé le rôle en 2011 se jugeant trop jeune. Elle accepta cette fois-ci, désireuse de tourner avec Burton. Elle reçut des conseils de la véritable Margaret Keane qui vint fréquemment sur le plateau. Amy Adams est prodigieuse et très juste surtout quand elle montre la douleur de son personnage obligée de mentir à sa propre fille. Tout au long du film, elle saura incarner ces petites ruptures, ce progressif enfoncement dans le mensonge et la honte qui ne va cesser de la ronger ainsi que son isolement croissant. Symboliquement, il n’y a que deux moments où elle montre Margaret souriante : quand elle commence et recommence une nouvelle vie sans Walter.

Le choix de Christoph Waltz pour incarner cet escroc est là aussi magistral. Depuis Inglourious Basterds qui le fit connaître, l’acteur autrichien est reconnu comme un maître pour incarner les pires salauds ayant de la classe ; des manipulateurs de génie et des raconteurs d’histoires. La scène où Walter séduit Margaret est un modèle de technique commerciale : se montrer modeste soi-même et flatter l’autre. Christoph Waltz joue parfaitement les deux facettes de Walter Keane : le séducteur en public et l’oppresseur en privé mais aussi un mondain se plaisant à faire la roue en public mais maîtrisant mal ses nerfs dès lors que l’on froisse son orgueil. Et c’est ce monstrueux orgueil qui sera la cause finale de sa chute.

Face à ces deux acteurs éblouissants, les seconds rôles pourraient faire de la figuration mais chacun s’en tire assez bien. Kristen Ritter hérite certes à nouveau du rôle de la meilleure amie (comme dans Confessions d’une accro du shopping) mais le joue avec finesse et en dégageant une grande empathie. Elle montre à la fois la proximité entre les deux personnages et son incompréhension devant une situation qui lui paraît étrange car Margaret ne paraît pas aller bien. Désireuse de soutenir Margaret, DeeAnn se montre trop curieuse et sa visite cause un malaise qui dégénère en crise. Cette fracture entre les deux amies aggrave l’isolement de Margaret mais crée aussi les conditions de sa future libération. Surtout, Burton a confié le rôle du critique hostile à Keane à un monstre sacré du cinéma britannique, Terence Stamp. Une classe altière, un charisme impressionnant ; en peu de scènes, l’acteur s’impose et chacune de ses lignes de texte est un jet d’acide qui ronge la statue de Walter Keane. Le clou étant la confrontation entre Waltz et Stamp. Le premier rend magnifiquement l’impuissance à laquelle est finalement réduit Walter en quelques secondes de joute verbale.

La parole a créé Walter Keane et c’est la parole qui le perdra. « Qui a vécu par l’épée périra par l’épée » (Mt 26,52) et la référence biblique n’est pas incongrue puisque ce sont les Témoins de Jéhovah qui vont finalement décider Margaret à parler et à dire la vérité. Walter a longtemps dominé Margaret par la parole, en mentant, en la faisant chanter, en la menaçant même et Amy Adams a montré l’effacement progressif, la soumission douloureuse de celle-ci. Mais, dans les scènes du procès, quad Christoph Waltz montre toute la suffisance de son personnage, Amy Adams montre, elle, toute la dignité retrouvée du sien. 

Anecdotes :

  • Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski.

  • Le budget était de 10 millions de dollars. Le film en rapporta 29.

  • L’une des questions les plus importantes soulevées par le film, c’est pourquoi Margaret a consenti à l’escroquerie. « Elle était assurément amoureuse et lui faisait confiance, explique Amy Adams. Découvrir sa supercherie la dévastée mais le fait est qu’elle était devenue sa complice et la culpabilité la rongeait » (The Wrap, 7/12/2014)

  • Amy Adams remporta le Golden Globe de la meilleure actrice dans un film musical ou une comédie.

  • La véritable Margaret Keane fait un caméo (une femme assise sur un banc).

  • Amy Adams/Margaret Keane : actrice américaine née à Vicence en Italie, vue au cinéma dans Arrête-moi si tu peux (2002), Junebug (2005), Il était une fois (2007), Man of Steel (2013), American Bluff (2013, Golden Globe de la meilleure actrice dans un film musical ou une comédie), Batman vs Superman : l’aube de la justice (2016), Nocturnal Animal (2016), Vice (2018). Elle a également joué à la télévision : Buffy contre les vampires (2000), A la Maison-Blanche (2002), Sharp Object (2018).

  • Christoph Waltz/Walter Keane : acteur germano-autrichien, il débute à la télévision dans des séries allemandes comme Un cas pour deux (1985), Inspecteur Derrick (1986, 1988), Le Renard (1986, 1990). Au cinéma, on le voit dans Richard et Cosima (1986) mais c’est son rôle de méchant raffiné et cruel dans Inglorious Basteards (Prix d’interprétation masculine à Cannes, BAFTA, Golden Globe et Oscar du meilleur acteur dans un second rôle) qui le fait connaître et le lance définitivement. Il joue ainsi dans Django Unchained (2012, BAFTA, Golden Globe et Oscar du meilleur acteur dans un second rôle), 007 Spectre (2015), Tarzan (2016), Mourir peut attendre (2020).

  • Kristen Ritter/DeeAnn : actrice, mannequin et musicienne américaine, vu au cinéma dans 27 robes (2008), Confessions d’une accro du shopping (2009) mais c’est surtout la télévision qui lui a donné des rôles intéressants : Veronica Mars (2005-2006), Gilmore Girls (2006-2007), Breaking Bad (2009-2010), Blacklist (2014), Jessica Jones (2015-2019), The Defenders (2017).

  • Jason Schwartzman /Ruben : acteur, scénariste et musicien américain, on l’a vu au cinéma dans Rushmore (1998), Simone (2002), Ma sorcière bien-aimée (2005), Marie-Antoinette (2006), A bord du Darjeeling Limited (2007), Scott Pilgrim (2010), Moonrise Kingdom (2012), The Grand Budapest Hotel (2014), Un weekend à Napa (2019).

  • Danny Huston / Dick Nolan : acteur américain, fils du réalisateur John Huston, il a notamment joué dans Anna Karenine (1997), 21 grammes (2003), The Constant Gardener (2005), Marie Antoinette (2006), X-Men : Wolverine (2009), Le choc des Titans (2010), La colère des Titans (2012), Frankenstein (2015), Wonder Woman (2017), Game Night (2018). Il tourne également pour la télévision : Les Experts (2004), Magic City (2012-2013), American Horror Stories (2013-2015), Masters of Sex (2014), Yellowstone (2018-2019).

  • Terence Stamp/ John Canaday : acteur britannique qui joua, entre autre, dans Billy Budd  (1962), Théorème  (1968), Histoires extraordinaires (1968, film à sketches), Une saison en enfer  (1971), Superman (1978, 1980), La Compagnie des loups  (1984), Wall Street (1987), Priscilla, folle du désert  (1994), Star Wars, Episode I : La menace fantôme  (1999), Ma femme est une actrice  (2001), Max la Menace  (2008), Song for Marion  (2013), La Maison biscornue  (2017). Il a également tourné pour la télévision dans Smallville (2005-2011).

  • Jon Polito / Enrico Banducci : acteur américain (1950-2016), il fut prolifique sur les deux écrans. Au cinéma, il a joué dans Un tueur dans la ville (1982), Highlander (1986), Miller’s Crossing (1990), Le grand saut (1994), The Big Lebowsky (1998), Le tailleur de Panama (2001), Mémoire de nos pères (2006), American Gangster (2007). Pour la télévision, il joua dans Un flic dans la Mafia (1988), Les contes de la crypte (1991), Homicide (1993-1994), Dream On (1995-1996), Le Caméléon (1996, 2000), MilleniuM (1998), Desperate Housewifes (2005), Modern Family (2014-2016).

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