The Return (2006) Résumé : Joanna Mills, une cadre commerciale, se rend au Texas pour affaires. En route elle est saisie d’étranges visions et d’inexplicables sentiments de déjà-vu, se souvenant d’endroits qu’elle n’a jamais visité, d’évènements qu’elle n’a jamais vécus. Ces phénomènes la conduisent à se rendre dans le comté rural de La Salle, au sud de l’Etat. Peu à peu, elle comprend que ses réminiscences sont celles d’une autre femme, ayant été assassinée par un inconnu. Tout en menant l’enquête elle se le lie à Terry Stahl, homme solitaire et violent, dont elle se sent étrangement proche. Critique : En salles le 10 novembre 2006, The Return reste un cas d’école d’un film aux nombreuses qualités, mais pâtissant d’un net décalage entre ce qui aura été promis et vendu au public (un thriller d’épouvante) et sa nature profonde (un récit introspectif au sein d’un environnement approché d’une manière quasi documentaire). La bande annonce du film et la présence emblématique de Sarah Michelle Gellar, qui plus est en provenance directe de The Grudge 1 et 2., affichent en effet clairement la couleur, à propos d’un Fantastique horrifique. Et, certes, cette dimension demeure bien présente au sein du film. Mais elle se limite pour l’essentiel à une succession assez mécanique de Jump Scares classiques. Ces derniers se voient réalisés avec efficacité par Asif Kapadia, mais sans aucune originalité propre, même si l’on apprécie de jolis effets de miroirs et une nuit rendue angoissante à souhait. Surtout, le récit dissémine ces scènes chocs au sein d’un parcours volontairement méandreux et au rythme très lent, en totale rupture de ton avec les récits coutumiers du genre. Certes le final rattrape quelque peu l’ensemble par son paroxysme tonitruant et sa course poursuite anxiogène, mais il est alors bien tard. De plus le Fantastique développé ne se dépare pas d’une approche classique, donc rapidement identifiable, du thème bien connu de la métempsychose. Ce thème de racine spiritualiste est présent dans la littérature dès Edgar Allan Poe (Metzengerstein, Morella, Le Portrait ovale), autant dire que l’on se situe en terrain connu. On devine donc rapidement le pot aux roses et la seule trame narrative à suspense demeurant, réside dans l’identité demeure, avec une ambigüité efficacement prolongée jusqu’à son terme autour de Terry Stahl. Si le volet thriller d’épouvante ne convainc que médiocrement, l’on ressent clairement que l’intérêt du réalisateur, et le cœur du film, se situe dans son aspect quasi documentaire. The Return constitue un sublime album photo de paysages naturels, principalement des plaines désertiques à pertes de vue, où les quelques constructions humaines se dressent sous un ciel gris. La Salle, ses teintes froides, son intemporalité figée et ses habitants saisis sur le vif constituent le point d’intérêt central de Kapadia, qui filme sublimement l’ensemble aidé par une musique d’ambiance particulièrement évocatrice. Cet ensemble rejoint son sens aigu du panorama et de l’évocation des beautés surhumaines de la nature déserte, et du mode de vie de ses rares habitants, ici concernant le Texas profonde et rural. On renoue pleinement avec la veine de The Warrior (2001), pour le Rajasthan et, ultérieurement, d’Ali et Nino (2015) pour l’Azerbaïdjan. Après l’échec du The Return, de manière caractéristique, Asif Kapadia s’orientera davantage vers le documentaire de prestige, notamment pour le compte de la BBC. Ses portraits d’Ayrton Senna (Senna, 2010) et d’Amy Winehouse (Amy, 2015) connaitront d’ailleurs un grand retentissement. Le paysage, similairement décor d’un récit ascétique et épure quasi métaphysique, devient un protagoniste à part entière. Il accompagne pleinement l’évocation du voyage intimiste de Joanna, femme divisée, entre deux âmes plutôt qu’entre deux personnalités, et cherchant une improbable réunification dans la résolution de l’énigme de son double passé. Un thème où l’on pourra retrouver des consonances bouddhistes et trouvant le véhicule idéal en Sarah Michelle Gellar. Bien loin du simple registre de la Scream Queen, qu’elle sait pleinement retrouver à l’occasion, l’actrice apparaît ici totalement habitée par son rôle. Supportant aisément le poids de l’ensemble d’un film centré sur son personnage, elle exprime à merveille le trouble profond de Joanna, son angoisse mais aussi sa volonté inextinguible de déchiffrer le puzzle éclaté de son identité. Un rôle magnifique. Ses partenaires, tous excellents, lui donnent la répartie avec beaucoup de sensibilité et de véracité. Outre son l’accueil public du The Return souffrit du décalage entre son style narratif très à part l’attente d’émotions fortes qu’il avait suscité, mais The Return, thriller imparfait, reste un superbe film profondément artistique et aux troublantes résonnances spirituelles. Anecdotes :
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