The Grudge (2004) Résumé : Avec son compagnon Doug, la jeune étudiante américaine Kristen suit des cours à l’université de Tokyo, tout en travaillant au pair. Elle va découvrir l’horreur quand elle se rend au domicile d’Américains, afin d’assister la grand-mère, en proie à la démence sénile. En effet la maison est hantée par une mère et son fils, qui y sont précédemment morts dans des circonstances horribles. Devenus des esprits habités par la haine, tôt ou tard ils tuent tous ceux qui pénètrent dans la maison, ne serait-ce qu’en simples visiteurs. Le compte à rebours de cette malédiction menace désormais Karen, alors même qu’elle découvre progressivement l’effroyable vérité. Critique : The Grudge est à l’affiche le 22 octobre 2004, s’inscrivant dans une vogue d’adaptations américaines de films d’épouvante japonais, avec The Ring (2002) en porte-drapeau mais aussi le captivant Dark Water (2005), ou encore Deux Sœurs (2003), pour un addenda coréen. Malgré ce contexte concurrentiel, The Grudge va s’imposer chez les amateurs du genre, jusqu’à acquérir un statut de petit film culte. Le film a la grande idée de demeure au japon là où les autres remakes déplacent l’action aux États-Unis. Son scénario se monte en effet habile, écrit en collaboration par Takashi Shimizu et l’Américain Stephen Susco, il va savoir transposer efficacement le récit originel, en incorporant une dimension américaine (ou occidentale au sens large) sans pour autant sacrifier la japonaise. C’est ainsi qu’une explication davantage explicite des avènements se fait jour, de même qu’une conclusion plus structurée, sans pour autant sacrifier l’ambiance morbide ni les effets horrifiques. Les manifestations des esprits divergent toujours agréablement de nos représentations occidentales usuelles, un zeste d’exotisme bienvenu au sein de l’horreur. Par ailleurs, si la trame narrative demeure relativement simple (en définitive l’on ne va guère au-delà de ce que peut proposer un épisode d’une série télévisée telle Supernatural), l’intrigue maîtrise à merveille l’art malaisé du dévoilement. Procédant à rebrousse-temps, la progressive révélation de l’horreur se montre énigmatique à souhait en nous prenant longtemps à contre-pied. La superposition de diverses temporalité s’effectue avec fluidité, jusqu’à la superbe scène d’immersion dans le passé par Karen. La mise à mort des victimes à l’extérieur de la maison permet de renouveler le procédé juste à temps pour éviter que les visites fatales ne virent au mécanique. Mais c’est avant tout la réalisation qui assure pleinement le succès de The Grudge. Quoique le budget demeure relativement modeste pour une production américaine, il apporte une amélioration considérable vis-à-vis du film japonais antérieur et Takashi Shimizu en tire le meilleur parti. Les deux esprits se montrent terrifiants et leurs apparitions, particulièrement suggestives (même si l’influence de The Ring - version nippone- se fait parfois ressentir), avec tout une mise en scène associant effets visuels et sonores, avec une grande variété de procédés. Le décor de la maison demeure un fascinant cas d’école des passerelles reliant architecture et cinéma, tant la disposition des pièces et escaliers, dans les trois dimensions, s’avère intelligemment pensée afin de servir de support optimal aux scénographies horrifiques. The Grudge reste bien un formidable film de maison hantée. Takashi Shimizu filme Tokyo et l’art de vivre japonais en introduisant suffisamment d’altérité pour séduire le public occidental friand de grande large cinématographie, mais sans tomber dans le piège de la carte postale ou du dithyrambe. Bien au contraire, sa mise en scène glaciale et aux angles subtilement biscornus insuffle un ton onirique immergeant spectateurs et personnages dans un cauchemar sans issue. Le choc entre réalité quotidienne et irruption du surnaturel suscite de vraies décharges d’adrénaline. Ce ton froid insuffle de fait d’autant plus d’effet de souffle aux authentiques déchirures du réel que constituent les apparitions horrifiques, alors même que celles-ci jouent pleinement la carte du suggéré. L’avant et l’après des atrocités nous sont révélés par le menu, mais l’acte même nous demeure toujours dissimulé. L’effroi se ressent comme rarement, du début à la fin du film. La distribution apporte pleinement sa pierre à l’édifice. La fadeur de Jason Behr ne pose pas réellement problème le rôle de Doug demeurant en définitive très marginal. Les autres acteurs américains expriment à merveille l’angoisse diffuse, puis exacerbée, de leurs personnages confrontés à une horreur émanant d’une culture profondément différente. Clea DuVall et Bill Pullman, en particulier, sont formidables. On apprécie également les acteurs japonais, dont Ryo Ishibashi, épatant en policier vétéran faisant face à la résurgence d’un cauchemar issu du passé. Takako Fuji et Yuya Ozeki crèvent l’écran avec leur formidable performance que constitue leur incarnation des esprits, en partie inspirée par la stylisation du théâtre Nô. Si elle est loin de figurer dans toutes les scènes, Karen s’impose comme la véritable protagoniste du récit En effet elle devient progressivement le fil rouge au travers duquel les différentes horreurs survenues dans la maison nous sont dévoilées avant de mener un combat semblant désespéré contre les esprits. Avec ce personnage présenté dès le départ comme tragique, Sarah Michelle Gellar a mécaniquement une palette relativement étroite de sentiments à exprimer, entre le doute et l’effroi mais aussi, in fine, le courage. Mais elle le fait avec une intensité réellement palpable et une véracité de chaque instant, s’affirmant comme l’un des atouts majeurs du film. On peut toutefois regretter qu’elle s’inscrive une nouvelle fois dans le registre fantastique, confirmant en creux sa persistante difficulté à réellement quitter Sunnydale. Anecdotes :
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