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Deux heures moins le quart avant Jésus-ChristTout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

Saga Jean Yanne

Liberté, égalité, choucroute (1984)


LIBERTÉ, ÉGALITÉ, CHOUCROUTE (1984)

classe 4

Résumé :

L'histoire de la Révolution française, revue et corrigée par Jean Yanne, et vue par le prisme d'un calife et de son vizir, venus à Paris pour le salon de la torture et de l'équipement de bourreau.

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Critique :

Dans le contexte de l'année 1985, avec une gauche au pouvoir au sommet de l'impopularité, Jean Yanne pousse une incursion dans le domaine de la politique, jusqu'à un point où il n'était jamais allé. En effet, Moi y'en a vouloir des sous était plus orienté vers une satyre sur le syndicalisme.

Ici, Jean Yanne donne une caricature féroce des révolutionnaires montagnards, qui se présentent comme « socialistes », et qu'il dépeint comme des hypocrites méprisant le peuple tout en feignant de le soutenir, des combinards et des champions du retournement de veste.

Mirabeau (Gérard Darmon), Danton (un étonnant Olivier de Kersauson), Camille Desmoulins (Georges Beller) et Robespierre (Roland Giraud, comme toujours excellent) forment un quatuor avec lequel Jean Yanne n'est pas tendre. L'humoriste se montre finalement plus indulgent avec l'extrémiste Marat, qu'il interprète, car jugé sans doute plus sincère que les « socialistes ».

Tout comme dans Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, la société de l'époque apparaît comme une métaphore de la société contemporaine. Déjà, les divisions de la gauche sont mises en exergue.

L'anachronisme est moins omniprésent, mais demeure avec le chômage, l'inflation, les dévaluations, la retraite à soixante ans, le serpent monétaire, les banques nationalisées, les dévaluations, le déficit du commerce extérieur, la sécurité sociale...

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Donc, la gauche en prend pour son grade, mais la droite n'est pas épargnée : le couple royal, et en particulier Marie-Antoinette, est présenté sous un jour ridicule, tout comme Jules César sur le film précédent. Michel Serrault est convaincant en Louis XVI inconscient de ce qui se trame, surtout préoccupé par ses serrures, alors que Marie-Antoinette (Ursula Andress) ne pense qu'à ses moutons. Necker est interprété par Jacques François, qui reprend un rôle similaire à celui de Michel Auclair dans celui du consul conseiller de César, c'est-à-dire l'homme d'état sérieux qui tente de pallier les insuffisances du dirigeant officiel.

Le film compte suffisamment d'aspect plaisants pour ne pas être un échec complet. C'est surtout la galerie de personnages, interprétés par de très bons acteurs, qui apporte les meilleurs moments, Jean Yanne perpétuant son habitude de bétonner la distribution avec ses acteurs favoris, le plus souvent des poids lourds.

Jean Poiret compose un calife particulièrement cynique, dans un rôle où sa façon de parler et de jouer ne pouvaient que faire merveille. Il est secondé par Daniel Prévost, dans un rôle de conseiller servile où il peut donner sa pleine mesure.

Jean Yanne et Mimi Coutelier, alors ensemble à la ville, forment presque un couple à l'écran, mais un couple antagoniste puisque si Yanne joue Marat, Mimi n'est autre que... Charlotte Corday ! La vérité historique de l'assassinat dans la baignoire est conservée, sauf que l'assassinat échoue, et que les circonstances sont différentes puisque Charlotte est employée à l'Ami du peuple, le journal de Marat, et ne supporte plus les manières rudes de son patron.

Marat a sa conception toute personnelle de la presse, qu'il estime devoir mettre entièrement au service de la Révolution la plus totale, sans concession et sanguinaire, quitte à travestir quelque peu la vérité. Ainsi, il demande à ses rédacteurs de chercher dans les dépêches les fais divers les plus sordides où sont impliqués des nobles, et de les reproduire dans son journal. Les meurtres d'enfants ou de vieillards sont très recherchés, et si leurs auteurs ne sont pas des aristocrates, il suffit de rajouter un « de » devant leurs noms.... Comme le proclame Marat : « C'est avec les mains sales qu'on fait une Révolution propre ».

Paul Préboist reprend un rôle similaire à celui tenu dans Les Chinois à Paris, celui d'un sans-culottes intransigeant, tout dévoué à Marat, quand d'autres s'impatientent lorsque le chef révolutionnaire est en retard, en raison de l'attentat perpétré par Charlotte Corday.

Darry Cowl interprète un Rouget de Lisle qui tâtonne beaucoup avant de trouver les paroles de la Marseillaise, et Philippe Castelli le célèbre docteur Guillotin, présent au salon de la torture et de l'équipement de bourreau pour présenter fièrement sa belle invention, dont il vante les qualités au calife, de prime abord peu séduit.

Le serment du jeu de paume est quelque peu modifié. Robespierre-Roland Giraud propose aux révolutionnaires d'utiliser tous les moyens pour parvenir à leurs fins, y compris... s'allier avec l'adversaire pour être sûrs d'avoir la majorité !

Malgré toutes ces qualités indéniables, l'impression dominante est un sentiment d'inachevé, parce que le film, qui avait tout pour être mémorable, est gâché par deux maladresses majeures.

D'abord, l'addition de passages se déroulant en pays arabe, qui ne s'imposait pas. On a l'impression d'une mauvaise redite de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, et cela n'a aucun rapport avec le contexte révolutionnaire. Certes, Jean Poiret et Daniel Prévost accomplissent une très bonne performance. Mais on aurait pu se contenter de les montrer uniquement en visiteurs au salon de la torture et de l'équipement de bourreau, et donc ne conserver que les passages où ils sont en France, qui sont les plus drôles.

Ensuite, on ne peut qu'être déçus par la seconde partie du film, qui s'éloigne trop de la vérité historique. La première partie, où la vision iconoclaste de la Révolution développée par Jean Yanne se situait pour l'essentiel dans les événements réels, est agréable et distrayante. Son sommet est atteint lors d'une scène au parlement, avec cette passe d'armes entre Danton et Marat :

Danton : « Le but du socialisme est de permettre à ceux qui vivent mal de vivre mieux, et non pas de faire vivre mal ceux qui vivent bien ! »

Marat : « Hé ! Hé !... Mais ils ne vivront pas plus mal, pour la bonne raison qu'ils ne vivront plus du tout ! Citoyens, je propose de couper la tête à tous les riches, en commençant par les aristocrates, pour la bonne raison qu'ils sont plus faciles à repérer ! »

Quel dommage que par la suite, le film s'enfonce dans des contre-vérités historiques qui n'apportent rien ! Et se termine de façon ridicule avec cette fuite du couple royal et du quatuor de révolutionnaires d'opérette en pays arabe, alors que Marat s'improvise dictateur en France.

Anecdotes :

  • Après le triomphe de Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ et ses quatre millions de spectateurs, Liberté, égalité, choucroute constitue un échec cuisant avec un score inférieur à 800 000 entrées. Les insuffisances du film ont ainsi été sanctionnées par un public sans pitié.

  • Il s'agit du dernier film réalisé par Jean Yanne. L'échec commercial y est sans doute pour beaucoup.

  • Le salon de la torture et de l'équipement de bourreau est de toute évidence une caricature du SICOB, le salon des industries et du commerce de bureau.

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