Les sévices de Dracula (1971) Résumé : Orphelines, Maria et Frida sont recueillies par leur oncle, le très rigoriste Gustave Weil. Si la première semble s’en accommoder, la seconde a soif de liberté et regarde insolemment vers le château Karnstein où le comte du même nom cherche de nouveaux plaisirs pervers. Critique : Troisième volet de la « trilogie Karnstein » - une bien étrange trilogie d’ailleurs où chaque partie se suffit à elle-même – ce volet, le seul à être sorti en France, est de bien meilleure qualité que le navet qui l’a précédé. Très impliqué et très présent, Peter Cushing, dans un de ses très rares rôles antipathiques, incarne avec sa conviction habituelle ce chasseur de sorcières obsédé par la traque du Mal. Pour une de leurs rares apparitions à l’écran, les soeurs Mary et Madeleine Collinson, jusque-là surtout connues pour avoir été les premières jumelles à poser nues pour Playboy, sont, selon le mot d’Alain Schlockoff « étonnamment bien », car ce ne sont pas des comédiennes. Leur accent (elles viennent de Malte) et leur mauvaise diction font d’ailleurs qu’elles ont été doublées en version originale ! Le lien avec le roman censé inspirer le film, Carmilla, il est nécessaire de le rappeler, est mince : à peine le nom « Karnstein », d’ailleurs porté par un homme ; et une fugace apparition de Mircalla qui disparaît aussi vite qu’elle était venue sans qu’on sache comment ! A la base, Michael Carreras voulait adapter la pièce de théâtre Children of the Wolf car il avait été frappé par l’histoire de deux jumeaux, un frère et une sœur, qui se vengent de leur mère pour les avoir abandonnés après une tentative d’avortement ratée. Michael Carreras contacta l’auteur, John Peacock, et l’associa au réalisateur Seth Holt. La mort de ce dernier survenu début 1971 et l’aversion d’EMI pour l’histoire mirent fin au projet. Mais l’idée d’un film avec des vampires jumeaux fut discutée entre Peacok et Carreras. D’abord baptisé The Vampire Virgins, le film reçut son nom définitif de son distributeur américain. C’est Tudor Gates (choisi parce que Peacock qui espérait une adaptation de sa pièce ne voulait pas s’impliquer), déjà scénariste de The Vampire lovers et Lust for a vampire, qui rajouta l’idée des jumeaux au scénario initial. Si on oublie le lien ténu avec les films précédents, on se retrouve avec une bonne production Hammer. Les décors sont superbes, notamment l’intérieur du château. Les rues du village – qui porte le même nom que le château, c’est normal en un sens mais c’est la première fois que cela survient – sont des réutilisations du film Anne des mille jours ; ce qui leur donne un certain cachet. La musique est également une réussite, mélange de gothique et de modernité. Ce qui frappe, c’est la réussite de la Hammer à avoir réutilisé des éléments déjà connus pour en faire autre chose. Ainsi, en début de film, le comte Karnstein n’est qu’un aristocrate décadent, lassé de ses débauches. Il se rapproche ainsi de sir Hugo Baskerville mais, en en faisant un vampire (le mot est prononcé à la 41ème minute), il se transmute en Dracula. Il en porte ainsi la cape ! Damien Thomas, qui fit surtout carrière à la télévision, est plutôt bon. Il échappe à la figure du bellâtre pour devenir un personnage tragique. C’est par ennui, mais un ennui plus proche du désespoir que du simple spleen, que Karnstein bascule dans l’immortalité. La damnation de Frida vient de son appétit de vie, de sa soif de liberté qu’elle refuse de voir contraints par la dévotion mortifère de l’oncle Gustav. En fait, c’est en voulant vivre intensément que naissent les morts-vivants du film ! Singulier retournement ! Nouveau venu dans la galaxie Hammer, le réalisateur John Hough, par ailleurs, passionné de magie noire, effectue un très bon travail, aidé aussi par une bonne photographie. Il donne un vrai rythme au film, réussit des plans de toute beauté (la métamorphose de Karnstein, sa satisfaction quand Frida tue la paysanne, l’ultime repas de cette dernière…), et parvient à installer un véritable suspense à la fin du film : le comte va-t-il pouvoir kidnapper Maria ? Anton arrivera-t-il à temps ? Enfin, il use à bon escient du nu qui est extrêmement rare. Si les sœurs Collinson ont des décolletées pigeonnants, ce n’est qu’à la toute fin que Madeleine en montre davantage. Le plus beau, c’est tout de même une scène de déshabillage filmée en ombre chinoise. John Hough réinvente la pudeur de Terence Fisher en l’adaptant à la mode des années 70. Il n’a pas peur non plus de réintroduire du gore : le sang coule comme chez Fisher, bien rouge et liquide. On tue beaucoup dans ce film mais sans que jamais le film ne perde de son élégance. Anecdotes :
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