Les cicatrices de Dracula (1970) Résumé : Suite au meurtre d’une jeune fille, les villageois de Kleinenberg décident d’incendier le château du comte Dracula, espérant être débarrassé du monstre. C’est très loin d’être le cas ! Plus tard, un jeune homme, fuyant un père furieux, arrive au château. Séduit par une femme, il est victime de Dracula. Le frère de ce jeune homme et sa fiancée se lancent à sa recherche et découvrent la vérité. Ils doivent alors affronter Dracula.
Critique : Un Dracula mineur mais bien meilleur que l’opus précédent. S’il y a des invraisemblances, des facilités et des trucages pas à la hauteur (défense de rire quand les chauves-souris apparaissent !), l’histoire est convaincante, le casting de bonne facture et la réalisation meilleure encore. Il est dommage que John Elder n’ait pas mieux peaufiné son texte car il y a des invraisemblances qui nuisent gravement à l’efficacité du film. Ainsi, alors que les villageois ont été assez courageux pour monter incendier le château, ils s’en vont sans vérifier que tout a bien brûlé (et on nous montera ultérieurement de splendides pièces, parmi les plus beaux décors jamais réalisés par la Hammer !), sans s’assurer que Dracula a cramé (ce qui était quand même l’objectif) et, enfin, ils ne lèveront plus le petit doigt de tout le reste du film ! Ce serait déjà étrange si, en plus, cela ne condamnait pas d’autres personnes à mort ! La peur est certes mauvaise conseillère mais c’est beaucoup trop abrupte et sans nuances pour ne pas être trop facile. Heureusement que l’aubergiste est joué par Mickael Ripper. L’acteur donne de la prestance à son personnage même dans sa veulerie. Sa brutalité ne cache pas sa peur et c’est très bien rendu par l’acteur. Autre incohérence : l’attitude de Klove. On ne saisit pas très bien ses motivations et encore moins ses revirements. Heureusement là aussi, l’interprétation de Patrick Troughton est remarquable. Dans un visage marqué par le mal, l’acteur arrive à faire passer des moments d’émotions qui montrent que Klove n’a pas abdiqué tout sentiment d’humanité. Dernière invraisemblance : lorsque Tania veut s’en prendre à Paul, on voit nettement ses crocs. Or, peu avant, elle s’est reflétée dans un miroir ! C’est impossible pour un vampire ! Côté décor, c’est ambivalent. Ainsi, si les intérieurs du château de Dracula sont d’un luxe inouï contrastant avec un certain minimalisme jusqu’ici montré dans les opus antérieurs, les extérieurs n’ont pas bénéficié du même soin. Il est évident lorsque les villageois investissent le château que ce n’est qu’un décor posé devant une toile peinte ! Encore une fois, la forêt anglaise est censée nous faire croire que nous sommes en Europe centrale (probablement l’Autriche-Hongrie si c’est bien François-Joseph que l’on aperçoit sur un portrait chez le bourgmestre au départ). « Monter au château » veut dire « marcher en forêt » comme dans Dracula, prince des ténèbres alors que Dracula et les femmes avaient bien montré une montagne. D’ailleurs, quand Simon regarde par la fenêtre de sa chambre, c’est un bel à-pic que nous voyons ! D’où sort-il ? Roy Ward Baker réalise une très honnête prestation malgré tout. C’est qu’il dispose d’un scénario intelligent. En effet, John Elder « revisite » le roman de Bram Stocker ; ce retour aux sources est salutaire. Dracula retrouve des lignes de textes et une allure à la fois majestueuse et monstrueuse. Il est ainsi un hôte bienveillant, prévenant mais, comme le montre toute la séquence de la venue de Sarah au château, c’est pour mieux te manger mon enfant ! Christopher Lee n’avait plus envie de reprendre la cape mais il livre pourtant une prestation des plus remarquables. Si sa renaissance et sa mort ne sont pas du tout ni canonique ni même vraisemblable, au moins, cette fois, il joue avec assez de mesure pour éviter le ridicule qui frappait le final de Une messe pour Dracula. La chambre qui donne sur le vide, le cercueil de Dracula dans un caveau dont il sort par la fenêtre, la reptation du vampire le long de la muraille, l’attaque de la goule séduisante et la séquence du fiacre noir qui amène le malheureux Paul au château ; ce sont toutes des reprises de scènes du roman. Cet hommage donne une véracité et une profondeur au film qui manquaient aux deux films précédents. Roy Ward Baker sait parfaitement animer ce récit riche sans être lourd. Il alterne avec bonheur des séquences de tempos différents comme le retour triomphal des hommes et le massacre des femmes dans l’église (une idée reprise de Dracula et les femmes avec plus de brutalité et de cruauté) ; la légèreté comique et primesautière de Paul sortant du lit d’une jeune femme (à peine couverte, on est bien en 1970 !) pour aller saluer Sarah avant de se retrouver projeté dans le fiacre noir et arriver au château. C’est vraiment très dynamique comme séquence ! On ne s’ennuie pas une seule seconde dans cet opus. Si les chauves-souris sont échappées de l’échoppe d’un taxidermiste, l’attaque du prêtre par l’une d’entre elles est une des scènes les plus violentes du film. Par un cadrage de plus en plus serré, grâce à une musique stridente et un mouvement rapide de caméra, la sauvagerie de l’agression est parfaitement restituée et le spectateur frappé d’horreur. Si Christopher Lee se montre très bon, le reste du casting n’est pas mal du tout, et notamment le couple Simon/Sarah aux prénoms bien bibliques ! Dennis Waterman se défend plutôt bien alors que le réalisateur n’en voulait pas. Tout au long du film, l’acteur montre pourtant que Simon n’est pas un lâche et, du coup, tout le passage au château et face au comte est crédible. C’est même dommage de lui ôter le mérite de triompher du monstre au profil d’une scène certes spectaculaire mais un peu grotesque aussi. Michael Gwynn hérite du rôle du prêtre ; ce qui n’est pas forcément une gageure dans un film de la Hammer. S’il ne démérite pas, il reste cependant superficiel et pèse relativement peu sur l’action sauf à la fin. Au moins fait-il mourir honorablement son personnage ! Les seconds rôles féminins sont intéressants. Anouska Kempel reprend le rôle précédemment tenu par Valérie Gaunt dans Le cauchemar de Dracula. Si elle manque de charme, elle a un rôle plus étendu. Meilleure est Wendy Hamilton dont la Julie est une rebelle, un peu polissonne mais dotée d’une belle âme. Elle veut aider, se révolte contre la passivité des villageois mais c’est justement son attitude qui la condamne. Au-dessus de ces dames, Jenny Hanley est une très belle « Hammer’s Girl » qui joue un rôle central dans l’action. C’est en effet Sarah qui donne sa force à Simon. C’est son portrait qui trouble l’âme de Klove. C’est sa sensualité qui captive Dracula. Par l’insistance du réalisateur sur ses yeux, le spectateur vit et voit la fascination qu’éprouve Sarah face au comte tout comme sa lutte contre lui. Jenny Hanley incarne l’ambigüité des héroïnes Hammer tout aussi bien que l’air du temps. La Hammer voulait plus d’érotisme et, pour reprendre une formule de Robert Merle, « le sein cache la médaille » (ici, une croix). On comprend que le vampire ne l’ait pas vu ! Mais, dans le même temps, Sarah porte une robe rose et un manteau bleu ; c’est-à-dire les attributs de la Vierge Marie ! Anecdotes :
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