Frankenstein s'est échappé (1957) Résumé : Persuadé qu’il peut vaincre la mort, le baron Victor Frankenstein entreprend de créer un être parfait.
Critique : A voir ce film, on comprend bien pourquoi la Hammer a voulu continuer. C’est une variation sur le roman, ce qui est bien mieux qu’une adaptation littérale. Le scénario en a gardé la substantifique moelle et ôté toute la fioriture romantique qui rend parfois la lecture indigeste. Le film est construit en flash-back : le baron Frankenstein se « confesse » à un prêtre. D’entrée, Peter Cushing nous accroche : barbu, échevelé, grisonnant, il compose un homme à bout de nerfs et qui veut être cru. Frankenstein, médecin, voulait aller au-delà d’une simple avancée chirurgicale : « Ressusciter ne suffit pas » (!), il voulait créer un homme idéal, un être parfait ! Nous sommes déjà accrochés par Peter Cushing et comment ne pas suivre cet être extraordinaire ? Frankenstein a une conception philosophique datée mais intéressante : il est certain que le Bon intérieur se reflète dans un Beau extérieur. Très ambitieux, simple dans son énoncé mais qui fournit amplement la motivation à poursuivre ses travaux. La première partie du film voit ainsi le baron assisté de Paul Kempe, son ancien précepteur, suivre des travaux de physiologie et d’anatomie. Seul souci : Paul qui « vieillit » moins que son élève. Une barbe et ça passe ! Pas vraiment crédible mais, chez la Hammer, la crédibilité n’a jamais été une politique ni une option. Frankenstein poursuit ses travaux seul quand ils épouvantent Paul. Pour « créer », Frankenstein ne recule ni devant le vol de cadavre ni même devant le meurtre ! Le visage de Peter Cushing reflète une concentration inquiétante et pourtant il parle et agit comme si tout était normal et c’est bien ça le plus terrifiant ! Quand il parle de trouver un cerveau « génial », son regard a une fixité inquiétante et notre inquiétude ne tombe pas quand, sans prévenir, le réalisateur passe à une soirée anodine avec…un savant « génial ». C’est terrifiant de normalité. Pas de surprise pour le sort du savant mais le changement de musique qui fait monter la tension et surtout la réalisation impeccable qui laisse monter les acteurs et qui met parfaitement en valeur Frankenstein, filmé à mi-corps et par en-dessous. Hiératique et majestueux. Ce n’est qu’au deux tiers du film qu’apparaît la Créature. L’étape finale a lieu évidemment pendant une nuit d’orage. On sourit en regardant les flashs aux fenêtres et les grondements, histoire de nous mettre en condition. C’est devenu un cliché mais nous sommes à l’époque où ont été inventés les clichés. Enfin, nous voyons la créature et c’est une horreur sans nom ! Christopher Lee n’a aucun texte mais il dégage une aura d’étrangeté dérangeante par ses gestes de pantin désarticulés. A la toute fin, Frankenstein explique qu’il doit « améliorer » sa créature. A cet instant, le scientiste le plus indulgent comprend que Frankenstein est engagé dans une aventure sans fin, que les expériences ne cesseront jamais et qu’il est incapable de reculer. Pour le coup, le spectateur est pris dans deux émotions contradictoires : la fascination et l’horreur devant Frankenstein. Pour réussir l’adaptation, la Hammer devait soigner l’ambiance. Le roman ayant été écrit en pleine vague romantique en porte les traces et le studio anglais pose les bases du style qui sera le sien durant plus d’une décennie. Le film s’ouvre sur une bâtisse gothique, un homme qui y entre à cheval…Les costumes nous plongent dans une époque révolue telle la soirée d’avant le mariage avec une ambiance désuète, surannée. C’est loin d’être un détail car si les costumes sont d’avant, le discours sur la science et ses possibilités que tient Frankenstein sont autrement modernes et ce contraste dérange car il montre que le scientisme traverse les époques. C’est nous-mêmes que le film interroge et nos descendants après nous ! Le thème reste d’actualité. Pour créer l’ambiance, la Hammer pouvait compter sur ses décorateurs. Ah ! Les décors de la Hammer ! Toute une époque ! Le décor du labo est très basique avec ses cornues, ses substances bizarres etc. Par contre, aucune connotation glauque et on est même surpris par la luminosité de la pièce. Mais, c’est un peu la Hammer qui a inventé le laboratoire du savant fou. L’ambiance est faite par la musique et, au moment important, le silence se fait, seulement entrecoupé par un bruitage en forme de gargouillis. Un zoom progressif sur le visage illuminé de Peter Cushing montre le succès et la musique change devenant guillerette. Dans le roman, le lien entre la Créature et le créateur est fait d’espoirs déçus, de rancœurs, et de vengeance. Le film simplifie cette trame en se concentrant sur le créateur. L’investissement inouï qu’il y met, à tout point de vue (temps, argent, mais aussi psychologique) crée une attente et une espérance démesurée. Frankenstein veut tout simplement recréer la Vie ! Il est donc condamné à échouer mais l’échec n’est jamais assez total. Frankenstein voulait que son œuvre soit belle or, rappelons-le, c’est une horreur sans nom ! Ce qui est d’ailleurs à signaler : jamais le baron ne baptisera l’être qu’il a mis au monde. Ce sera toujours la « créature ». Qu’est-ce qu’elle comprend ? Qu’est-ce qu’elle ressent ? Nous n’en saurons rien et c’est aussi ce qui trouble. Si le regard de la créature est souvent vide, elle a tout de même une lueur à la fin mais ce qu’elle exprime est ambivalent. Peter Cushing est le héros et le pilier du film mais d’autres acteurs gravitent autour de lui. Il y a d’abord Robert Urquart qui incarne Paul Kempe. Derrière le vague prétexte du précepteur, la seule utilité de ce personnage est d’être la « voix de la raison » qui, évidemment, n’est pas écoutée. Robert Urquart ne nous régale pas vraiment par la profondeur de son jeu. Dans le rôle d’Elizabeth, la cousine et fiancée de Frankenstein, Hazel Court est très jolie (et les tenues qu’elle arbore le confirme), mais elle demeure limitée et n’agit que bien peu réellement. A la toute fin, Elizabeth se décide – enfin – à entrer dans le labo…au moment où la créature s’est libérée de ses chaînes ! La musique est alors insistante, oppressante et un jeu du chat et de la souris s’installe rendu plus tendu par le fait qu’elle ignore le danger qu’elle court. On a tout de même le temps de sourire franchement lorsqu’elle allume la lampe à pétrole et que la pièce s’éclaire vraiment beaucoup. Dernier personnage, la bonne, qui est aussi la maîtresse du baron (qui a dit cliché ?), et qui menace de tout déballer s’il ne l’épouse pas. Valérie Gaunt l’interprète de façon assez appuyée. Dans cette scène de chantage, le réalisateur rend bien perceptible la différence de classe en filmant le baron en contre-plongée et la domestique en plongée. Que faut-il pour appuyer une accusation ? Des preuves. Rien de surprenant dans ce qui va suivre mais on appréciera la plastique très agréable de Valérie Gaunt qui, en chemise de nuit blanche et joliment échancrée, est une belle victime sacrificielle. Qu’elle ne trouve pas étrange qu’un homme aussi prudent que le baron ne ferme pas la porte de son labo à clé est véritablement extraordinaire ! La Hammer sélectionnait ses actrices sur leurs plastiques mais aussi, certainement, sur leur capacité à crier très fort ! C’est sans doute la vraie faiblesse du film : en dehors de Peter Cushing, il n’y a pas grand monde à ses côtés ! Au final, qu’advient-il de Frankenstein ? Anecdotes :
|