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Le Cauchemar de Dracula (1958)Dracula et les femmes (1968)

Saga Hammer

Dracula, prince des ténèbres (1966)


DRACULA, PRINCE DES TÉNÈBRES
(DRACULA : PRINCE OF DARKNESS)

Résumé :

Alors qu’ils se sont égarés, deux couples d’Anglais deviennent la proie du comte Dracula. 

Critique :

Second film de la Hammer sur Dracula, ce film est pourtant le plus original tout en empruntant de nombreux traits au roman de Bram Stocker. C’est une nouvelle et brillante réinterprétation du mythe forgé par l’écrivain irlandais.

D’emblée, le spectateur est prévenu : nous sommes dans une suite (dix ans après apprendrons-nous plus tard) avec la reprise du final du film précédent. La Hammer joue très finement ce coup-là : la surprise ne pouvant plus être de mise, la firme joue la connivence avec le spectateur. Nous savons ce que nous allons voir et pourtant, alors que l’intrigue pourrait passer pour linéaire, elle suit au contraire une progression logique, conforme à l’esprit du roman. Le film crée le leitmotiv de la résurrection ; procédé qui sera utilisé pour les films suivants à l’exception de celui de Roy Ward Baker.

Les éléments repris du roman composent donc le cadre identifiant et forment une trame de références qui enferment le spectateur dans le récit. Les voyageurs rencontrent une calèche mystérieuse or c’est ainsi que Jonathan Harker est amené au château (ce dont FW Murnau se souviendra également dans son Nosferatu de 1922). Une partie de l’action se déroule dans un monastère. C’est précisément dans un monastère qu’Harker fait sa convalescence. Il y a plus probant encore. Le personnage de Ludwig, par exemple, avec son allure annonçant le professeur du Bal des vampires (Polanski, 1967). Quand on le voit gober des mouches, il est évident que c’est une référence à Reinfield. Le spectateur sait alors indubitablement ce qui va survenir. Ce qui fait monter la tension ! La manière, enfin, dont le comte invite sa proie soumise à sucer son sang à même sa poitrine dénudée. Dans le roman, c’est de cette façon, et non en la mordant, que Dracula prend l’ascendant sur Mina. 

Si ce film joue la connivence, il s’astreint néanmoins à un excellent travail sur la production. Hormis la difficulté persistante de la Hammer de distinguer le jour et la nuit (qui tombe vraiment très vite !), c’est vraiment très bien fait. Toute l’atmosphère est ciselée pour faire ressentir l’angoisse puis la peur. Les quatre Anglais sont nos yeux et nos oreilles. Comment ne pas ressentir comme eux l’étrangeté vaguement menaçante de ce château ouvert, de cette table mise, de ce serviteur sinistre et en même temps si prévenant ? On a même une seconde de sourire quand Diana affirme qu’« On ne va pas s’ennuyer » ! La visite du château réalisée par une caméra lente avec une musique traînante nous angoisse et cela culmine dans une effroyable scène de sacrifice ! Le décor du château est le même que dans le précédent film sauf pour la crypte très bien faite, grandiose et majestueuse. Par contre, les scénaristes devraient revoir leur géographie. On nous parle de « Carlsbad » (c’est même écrit sur un panneau). Or, s’il y a une ville de ce nom en Allemagne et une autre en République tchèque (à l’époque, Autriche-Hongrie), il n’y en a aucune dans les Carpates et la forêt ne ressemble en rien à la végétation de la région. Au passage, les Carpates sont des montagnes. Il n’y en a aucune dans le film ! La précision, ce n’est vraiment pas le problème de la Hammer !

Les acteurs participent pleinement à cette réussite. Christopher Lee est d’une classe formidable même s’il n’a aucune ligne de texte ! Dracula ne parle plus : il feule ! Cela ne lui enlève aucunement sa séduction maléfique. Il y a même une étrange douceur avec sa première victime, comme une pudeur. Dracula n’est plus un noble distingué mais un prédateur uniquement motivé par la soif de sang. Terence Fisher rejoue plus loin la scène de l’hypnose avec ces gros plans sur les yeux du monstre et de sa proie devenue consentante dans une scène qui prend son temps. Le réalisateur réussit à rythmer son film sans temps morts tout en sachant poser les scènes fortes. Il parvient même relativement bien à réussir sa scène finale – ce qui n’est pas toujours le cas chez la Hammer !

Andrew Keir reprend d’une certaine manière le rôle tenu par Peter Cushing avec un grand talent. Là aussi, le scénario modifie la figure du « sachant » : il intervient en deux temps d’abord pour prévenir puis pour agir. La tenue monastique lui va comme un gant même si, ainsi que le reconnaît le personnage, il est un peu « excentrique » ! Il est intéressant de voir comment les quatre acteurs qui jouent les deux couples sont utilisés. Dans une optique de fidélité à Stocker, il y a logiquement un couple sacrifié et un autre triomphant. La similitude va même plus loin puisque, dans les deux cas, il y a une femme séduite et une femme, disons « fidèle ». La prestation de Barbara Shelley – clairement l’atout majeur du film derrière Christopher Lee –  est absolument remarquable. L’actrice joue sur toute une gamme allant de la hauteur de l’Anglaise en voyage à l’étranger à la violence du monstre sur le point de mourir et qui se débat avec une vigueur qu’on n’aurait pas cru au départ ! C’est tout le talent de Barbara Shelley d’avoir su marquer la césure entre la femme vivante et la femme morte-vivante, y compris physiquement. La mort ne manque pas de charme, certes, mais elle est tout de même la mort !

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Anecdotes :

  • Sortie anglaise : 9 février 1966 Sortie française : 21 décembre 1966

  • Scénario :  John Samson (Jimmy Sangster) et John Elder (Anthony Hinds)

  • Réalisation : Terence Fisher

  • Probable référence à Alexis Tolstoï (« La famille du vourdalak ») : la femme qui implore qu’on lui ouvre la fenêtre.

  • Le décor du studio est hivernal alors que la forêt est estivale mais, pour le critique « Jonathan Harker » (alias Pierre Philippe), il n’y a rien de choquant car le château, situé après un pont, est le domaine des morts.

  • Christopher Lee a dit avoir trouvé les lignes données à ce personnage si horribles qu’il a choisi de jouer en silence. Selon Jimmy Sangster, Lee se trompe, car il prétend n’avoir écrit aucun dialogue pour Dracula dans le film. Beaucoup de spéculations ont été faites autour de l’absence de dialogue pour Dracula : contrairement à ce que prétend Christopher Lee, aucuns dialogues n’aurait été trouvé dans les scripts originaux. Il avait été plus largement admis que les productions Hammer, craignant pour l’augmentation de son salaire, avait limité les apparitions de Lee au minimum et les dialogues à aucun. Cependant les aventures suivantes de Dracula joué par Lee, bien que pas particulièrement bavarde, tendent à nier cette dernière hypothèse.

  • Dans la scène où Dracula est « ressuscité » d’un cercueil dans lequel ses cendres ont été répandues, il ne semble pas entièrement habillé comme c’est habituellement le cas. Les vêtements ont été vus dans des scènes précédentes en attendant son retour.

  • Le doubleur de Christopher Lee, Eddie Powell, a été pris au piège sous l’eau pendant la scène de la noyade et s’est presque noyé.

  • Le propre cri de Barbara Shelley, bien que doublé par Suzan Farmer dans la version finale, peut être distinctement entendu dans la bande-annonce allemande originale du film, publié sous le titre « Blut für Dracula ».

  • À l’exception de la séquence de flashback d’ouverture, Dracula n’apparaît pas avant 45 minutes à mi-chemin du film.

  • Le magazine « Amateur Cine World » fut certainement le premier à montrer le film en couverture. Son édition de juin 1965 sortit un mois après la fin des prises de vues.

  • Aux États-Unis, des crocs à découper dans du carton furent distribués par la Fox (nouveau distributeur des Hammer aux États-Unis) comme produits publicitaires.

  • La projection de ce film le 13 juin 2015 sur Horror Channel au Royaume-Uni comporte une dédicace : « En mémoire de Christopher Lee 1922-2015 ».

  • Barbara Shelley/Helen Kent : actrice anglaise née Barbara Kovin. D’abord modèle, elle suit des cours d’art dramatique et a Terence Fisher comme professeur. Elle débute au cinéma dans Mantrap (1953). Elle part ensuite en Italie et adopte son nom de scène tournant 8 films en deux ans. En 1958, L’île du camp sans retour de Val Guest lui permet d’entrer à la Hammer. Elle tourne ensuite Le village des damnés (1960), Le spectre du chat (1961), La Gorgone (1964), Les monstres de l’espace (1967). Elle tourne ensuite exclusivement pour la télévision (Chapeau melon et bottes de cuir notamment) et se retire en 1990.

  • Andrew Keir/Père Sandor : acteur écossais né Andrew Buggy (1926-1997), on l’a vu au cinéma dans Atlantique latitude 41°(1958), L’attaque du San Cristobal (1962), Cléopâtre (1963), La chute de l’empire romain (1964), Lord Jim (1965), Les monstres de l’espace (1967), La momie sanglante (1971), Rob Roy (1995). Il a aussi tourné pour la télévision : Ivanhoé (1958-1959), Chapeau melon et bottes de cuir (1967, 1969), Les Champions (1968), Amicalement vôtre (1970), Adam Smith (1972-1973)

  • Francis Matthews/Charles Kent : acteur britannique (1927-2014), vu au cinéma dans La revanche de Frankenstein (1958), Raspoutine, le moine fou (1966) mais il a essentiellement travaillé pour la télévision : Robin des Bois (1958), Le Saint (1964, 1967), Chapeau melon et bottes de cuir (1967, 1968), Moi, général de Gaulle (1990). Il reste principalement connu pour la série Paul Temple (1969-1971).

  • Suzan Farmer/Diana Kent : actrice anglaise (1942-2017) a joué dans Les pirates du diable (1964), Le messager du diable (1965), Raspoutine, le moine fou (1966) mais essentiellement pour la télévision : Sherlock Holmes (1965), L’homme à la valise (1967), Le Saint (1962, 1965, 1968), Amicalement vôtre (1971), Angoisse (1976), Coronation Street (1978). Plus de références après 1980.

  • Charles Tingwell/Alan Kent : acteur australien (1923-2009), il a joué dans Les rats du désert (1953), Perdu dans la brousse (1956), Le voyageur des plaines (1957), Tarzan le magnifique (1960), Le train de 16H50 (1961), Le secret de l’île sanglante (1964), Petersen (1975), L’attaque du fourgon blindé (1978), Un cri dans la nuit (1988). Il fut aussi une figure du petit écran : Emergency (1957-1962), Les sentinelles de l’air (1966), Chapeau melon et bottes de cuir (1963, 1967), Z Cars (1968), Sherlock Holmes (1968), Homicide (1973-1977), L’Australienne (mini-série, 1983), Summer Bay (1995)

  • Thorley Walters/Ludwig : acteur britannique (1913-1991), vu au cinéma dans Gai, gai, marions-nous (1958), Le train de 16H50 (1961), Le fantôme de l’Opéra (1962), Sherlock Holmes et le collier de la mort (1962), Poupées de cendre (1966), Frankenstein créa la femme (1967), Le retour de Frankenstein (1969), Le cirque des vampires (1972), Le frère le plus fûté de Sherlock Holmes (1975). Il a également tourné pour la télévision : Armchait Theatre (1957), Chapeau melon et bottes de cuir (1966), Amicalement vôtre (1972), Angoisse (1973), Sherlock Holmes- Le signe des quatre (1983), David Copperfield (1986)

  • Philip Latham/Klove : acteur britannique, vu au cinéma dans Les pirates du diable (1964), Le secret de l’île sanglante (1965) mais il fit l’essentiel de sa prolifique carrière pour la télévision : Jesus of Nazareth (1956), Emergency-Ward 10 (1959), Destination Danger (1960), Paul of Tarsus (1960), Le Saint (1963, 1964), Z Cars (1965), Chapeau melon et bottes de cuir (1963, 1966), The Troubleshooters (1965-1972), La maison de tous les cauchemars (1980), Les professionnels (1982), Docteur Who (1983). Il se retire en 1990.

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