Dracula et les femmes (1968) Résumé : Alors qu’il avait été vaincu auparavant, le comte Dracula parvient à revenir à la vie grâce à un prêtre damné. Il veut alors assouvir sa soif de sang et tirer vengeance de celui qui a condamné l’accès à son château. Critique : Pour la première fois, ce film ne doit rien au roman de Bram Stoker hormis le comte évidemment et le final qui s’apparente à un pastiche. Si l’histoire n’a pas la force des précédents films, elle reste de bonne qualité et la réalisation de Freddie Francis est à la hauteur de celle de Terence Fisher. Peu concerné par la mythologie fantastique, le réalisateur va s’attacher à la dimension plastique de son film. Une image forte au début donne le ton : l’église du village en contrebas du château est vide. Plus fermement que Fisher, Francis accentue la dimension blasphématoire de Dracula. Si son principal adversaire est Monseigneur Muller, on trouve un prêtre lâche et veule qui va devenir le principal valet du comte et le personnage de Paul est ouvertement athée. En outre, le premier crime est commis dans une église. A aucun moment, le prêtre damné n’aura de nom, ce qui en fait un archétype de ces ecclésiastiques ayant choisi l’Église catholique sans avoir la foi. Il est aussi l’image vivante de la damnation. Ewen Hopper la montre physiquement à l’œuvre à travers le dos voûté, l’accablement permanent, la peur qui ronge de l’intérieur, la certitude que ce qu’il est en train de faire est mal tout en étant incapable de refuser. La réussite de cette interprétation laisse ouverte la possibilité qu’il puisse se racheter et trouver une forme de rédemption. John Elder parvient à renouveler la figure de l’adversaire en la dédoublant. Monseigneur Muller a un rôle clé au départ mais il disparaît la moitié du film pour ne jouer qu’un rôle secondaire mais déterminant dans le final. Non seulement il est le « sachant » mais, pour la première fois, il est passeur car il transmet son savoir à Paul pour que celui-ci puisse protéger Maria, sa fiancée prise dans l’étau du comte. Dans Le cauchemar de Dracula, Arthur Holmwood se contentait de suivre Van Helsing. Ici, Paul suit des instructions mais agit par lui-même et c’est lui qui doit sauver la jeune femme. Rupert Davies s’inscrit dans la lignée ouverte par Peter Cushing mais l’âge de l’acteur (52 ans) l’exclut des scènes « d’action » alors que Peter Cushing y participait lui-même ; d’où la création de Paul correctement interprété par Barry Andrews qui manifeste une belle et saine énergie. Que Paul soit étudiant n’est pas tout à fait crédible par contre. Par sa réalisation, Freddie Francis donne au film une dimension métaphysique intéressante. D’abord, il parvient, avec l’aide de décorateurs plutôt inspirés, à donner l’illusion d’une ascension en montagne ; ce qui était n’était pas du tout le cas dans Dracula, prince des ténèbres. Du coup, ici, la montée vers le château est une vision inversée de la descente vers l’Enfer. En outre, lors de la poursuite sur les toits de la ville, le réalisateur fait le parallèle avec cette même montée : Dracula est dans la ville ! Le vertige physique est ainsi mis en parallèle avec le vertige psychologique que représente le pouvoir de séduction du comte. Les scènes de déambulation sur les toits ont également une certaine poétique. Si le titre français est sensationnaliste, il n’est pourtant pas complètement faux. Ceci dit, cette dimension du film n’est pas la plus originale puisqu’il reprend le schéma du roman et des précédents films, deux femmes victimes. L’une succombe et devient servante, l’autre est sauvée. Barbara Ewing se sort plutôt bien du rôle un peu ingrat de « hors d’œuvre » par la gouaille qu’elle a du « vivant » de son personnage, de sa dimension « canaille » et de sa jalousie envers Maria. Elle ne rivalise pas en beauté avec Veronica Carlson qui fait ici son entrée dans le panthéon des « Hammer’s Girls ». Magnifique, elle est parfaitement mise en valeur par Freddie Francis qui a une astuce bien dans le goût de la Hammer pour marquer l’affermissement de l’emprise du comte sur Maria : il dénude à mesure son actrice. Si le pli reste sobre, le basculement du studio vers plus de sang et d’érotisme est patent. Quand le comte entre pour la première fois dans la chambre de Maria, la caméra se met en plan fixe et on voit Veronica Carlson reculer vers son lit puis tourner le cou et s’allonger. La posture érotique est nette mais, surtout, la réalisation met le spectateur à la place de Dracula ! La séduction opérée par le comte est mise en parallèle avec notre voyeurisme. Si l’on ne voit pas la morsure (qui est un signe de possession dans les représentations symboliques), le jeu des visages qui se frôlent est éminemment sensuel. Le jeu des gros plans participent pleinement à l’action : ce que nous ne voyons pas est suggéré assez nettement pour que le spectateur « complète » les vides de la narration. En Dracula, Christopher Lee reste prodigieux et, miracle !, il retrouve des lignes de texte ! Il a peu à dire mais ces paroles, rares, participent de la posture du comte : il est le maître qui ordonne, fustige, séduit ou condamne. Dans les poses hiératiques caractéristiques du monstre, l’acteur anglais est fabuleux. Il rayonne d’un charisme sombre et manifeste aussi une grande force physique. Par contre, dans le final, il en fait un peu trop et la « mort » du comte est beaucoup trop théâtrale et peu convaincante. Anecdotes :
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