Magnum Force (1973) Résumé : L’inspecteur Harry est confronté à de jeunes motards de la police qui n’hésitent pas à outrepasser les lois et exécuter froidement les criminels qui ont échappé à la justice. Critique : À San Francisco, l’inspecteur Harry Callahan et son nouveau partenaire, le débutant Early Smith (Felton Perry), ont été transférés temporairement à des tâches subalternes, alors que des criminels de la ville, qui ont échappé à la justice, sont mystérieusement abattus. Callahan commence à enquêter sur ces meurtres malgré les ordres de son supérieur, le lieutenant Briggs (Hal Holbrook). Rapidement, les différends entre les deux hommes sont mis en évidence, et dès sa réintégration à la criminelle, l’inspecteur constate que les victimes sont tuées à bout portant, comme si elles étaient en confiance, et l’arme est un Magnum. Callahan et Early remarquent également qu’il n’y a pas de témoin et ce sont toujours des motards qui surgissent de nulle part et arrivent les premiers sur les lieux des crimes. Les soupçons de l’inspecteur se confirment et se portent finalement sur un motard, le cynique Davis (David Soul) – qui assiste la veuve et les enfants d’un policier qu’il a tué - lors du concours de tir annuel de la police. Néanmoins, Callahan ne fait pas le rapprochement avec Briggs, qui a tenté de détourner l’enquête sur un truand notoire, et Harry l’appelle après avoir découvert une bombe dans sa boite aux lettres…. Dès l’impressionnant générique du début, le spectateur est impliqué dans l’ambiance et l’arme - le fameux Magnum – est définitivement au centre du script. Magnum Force, le plus long film de la saga, présente une structure sans temps mort, alternant scènes d’action et vignettes de la vie de Callahan, principalement durant la première partie de la production. Similairement à Dirty Harry, des illustrations mouvementées du quotidien de l’inspecteur sont proposées telles les séquences à l’aéroport, où Callahan en pilote contrecarre les projets d’un détournement d’avion, et à l’épicerie, où la fusillade constitue un moment fort du long-métrage, souvent sélectionnée pour des extraits. L’audience n’est pas ménagée en assistant d’emblée à l’assassinat du mafieux Ricca (Richard Devon) et de ses trois hommes de main, qui viennent de quitter le palais de justice sous les huées, par un motard de la police, qui arrête la limousine au prétexte anodin d’un chevauchement de ligne blanche. Sur le lieu des meurtres, la première confrontation Briggs/Callahan ne laisse pas non plus de doute sur les rapports tendus entre les deux policiers. Une variante de la petite phrase récurrente de l’opus est prononcée par Callahan, lorsque Briggs annonce fièrement qu’il n’a jamais sorti son arme de l’étui de sa carrière : « A good man always knows his limitations... » [Un sage connaît toujours ses limites...] Les passages au pas de tir de la police constituent de riches enseignements. On a la fausse piste en la personne de Charlie McCoy (Mitchell Ryan), un motard désabusé et aigri, récemment séparé de sa femme, qui refuse de partir à la retraite désirant continuer le combat "go out fighting". Il personnifie le fonctionnaire au bout du rouleau, prêt à craquer psychologiquement, soupçonné initialement d’ailleurs par Callahan, mais il n’a rien à voir avec le quatuor de rookies, très habiles de leur arme, que rencontre l’inspecteur inopinément lors d’une séance tardive d’entrainement au tir. Sweet (Tim Matheson), Davis, Astrachan (Kip Niven) et Grimes (Robert Urich) sont immédiatement perçus par le spectateur comme les suspects, alors que l’inspecteur Harry est à ce stade seulement impressionné et intrigué par leur dextérité. La violence est omniprésente tout au long du film, comme le massacre au bord d’une piscine des convives d’un gangster et, surtout, la scène du cab où un maquereau fait ingérer de la soude, une sorte de destop, à une prostituée. Malheureusement, ce passage inspira des meurtres particulièrement horribles (voir les infos complémentaires). Rien que pour cette scène, le film mérite son interdiction aux moins de douze ans en France. L’exécution d’un baron de la drogue en pleine orgie à la coke dans son loft fait également partie des passages les plus crus – mais aussi très bien filmés - de Magnum Force. Néanmoins, la violence est nécessaire afin que l’audience prenne plus ou moins partie pour le groupe de vigilantes qui liquide les pires ordures de Frisco (le mafieux, le proxénète…), et ce sont les débordements – inévitables – des motards qui rallient le spectateur aux méthodes somme toute libérales et démocratiques de Harry Callahan. Alors qu’on a confirmation de ce qu’on savait déjà, l’exécution de McCoy dans le garage souterrain est centrale, car elle met en évidence que les justiciers abattent les criminels mais également tous les innocents pouvant leur faire barrage, ce qui les discrédite totalement aux yeux de ceux qui pouvaient jusqu’alors comprendre leur action. La bombe dans la boite aux lettres d’Early confirmera cette analyse. La vie privée de l’inspecteur est plus consistante que lors du premier opus avec la visite chez Carol McCoy (Christine White) et un début de séduction interrompu par ses gosses et un coup de téléphone, puis l’apparition de la nouvelle voisine, Sunny (Adele Yoshioka), admirative de son héroïsme, qui veut se taper un flic, tout simplement. Là encore, un appel téléphonique impromptu interrompt momentanément le repos du guerrier. Les esprits tortueux y trouveront du machisme car ces femmes sont des coucheuses, qui n’ont pas froid aux yeux ! « What does a girl have to do to go to bed with you?” [Que doit faire une fille pour coucher avec vous?] et Harry laconique : « Try knocking at the door.»[Essayez de frapper à la porte]. Néanmoins, la femme du policier, renversée par un chauffard, est toujours présente dans un cadre proche du lit de Callahan. Le film peut être revu en séquences séparées tellement il est constitué de nombreux passages palpitants, qui ont fait la renommée d’Harry Callahan, même si certains aspects peuvent s’apparenter à du bouche-trou. C’est flagrant lors de l’assaut traquenard au repaire du gangster Palancio, qui se termine en bain de sang, mais le côté superflu est éclipsé par l’action spectaculaire du policier sur le capot de la voiture (Eastwood ne fut pas doublé). La compétition du meilleur tireur de la police est une séquence clé qui s’avère déterminante pour l’enquête, car l’inspecteur récupère une balle de l’arme de Davis qui lui permet de le confondre tout en dissimulant la vérité à Briggs. Parmi les autres passages, il y a la fameuse confrontation du trio de motards (le quatrième a été tué devant le repaire des truands) avec Callahan dans le garage pour tenter de convaincre l’inspecteur de se rallier à leur cause. La réponse d’Harry est une des plus significatives du film car c’est une double entente qui s’adresse aux détracteurs du premier opus : « I'm afraid you've misjudged me » [J’ai peur que vous m’ayez mal jugé]. Evidemment, tout le final est classique avec d’abord l’échange Briggs/Harry sur le système que Callahan déteste mais auquel il se plie faute de mieux puis l’affrontement sur le vieux porte-avions. Magnum Force n’est pas une suite directe à Dirty Harry et, malgré une intrigue plus basique, le film fit un carton au box-office, plus conséquent que le premier opus. Inévitablement, lors de sa sortie en salles, il fut dénigré par les critiques. La palme revient au New-Yorker et les écrits de la même irascible, dont je tairais le nom pour éviter de lui faire une renommée qu’elle ne mérite pas : « comme Clint Eastwood n'est pas acteur, on peut difficilement le traiter de mauvais acteur. Il faudrait qu'il fasse quelque chose pour que l'on puisse évaluer ses qualités de comédien ». Avant de décéder, la pauvre dame aux écrits souvent controversés, aura vu qu’elle s’était mise le doigt (dans l’œil) bien profond avec Eastwood oscarisé pour Impitoyable (elle n’était plus là à la sortie de Million Dollar Baby). Toujours cynique à souhait dans ses réparties, Eastwood a forgé la réputation de son personnage sur ses répliques acerbes, qui ont fait grincer les dents des pisse-froids moralisateurs. Dans cet opus, relevons en deux parmi les plus caustiques. Callahan répond à Early qui évoque les rumeurs à l’académie sur les quatre recrues : « Tell you something. If the rest of you could shoot like them, I wouldn't care if the whole damn department was queer”. [Je vais te dire quelque chose. Si vous pouviez tous tirer comme eux, je me soucierais guère que tout le putain de service soit pédé] Callahan réplique plus tard à Briggs sur l’éventualité d’avoir à user de son arme : “Nothing wrong with shooting as long as the right people get shot!.” [Rien de mal à tirer du moment que les bonnes personnes soient touchées.] Avec un scénario dans l’ensemble plus mouvementé que l’épisode précédent, Magnum Force est un grand spectacle, un classique du film policier, violent et politiquement incorrect, toujours superbement rythmé par la partition de Lalo Schifrin. L’interprétation des premiers rôles est impeccable, les seconds sont également excellents et l’image est somptueuse avec de superbes séquences en extérieur. Le film permit à Eastwood de remettre les pendules à l’heure suite au déchainement à la sortie de Dirty Harry (un partenaire noir, une petite amie asiatique, un inspecteur doublé sur la droite par un escadron de justiciers…), et on pouvait considérer à l’époque que les deux films formaient un parfait diptyque. Cependant, la saga ne s’arrêtera pas là et si les deux opus suivants sont très bons, ils sont néanmoins légèrement en deçà de ceux du début de la décennie. La volonté d’Eastwood de montrer que son personnage n’est ni un fasciste, ni un vigilante fut un succès et il est vrai que les aboiements se sont estompés par la suite… Anecdotes :
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