Saison 4
1. ÉTATS D'ÂME Scénario : Glenn Gordon Caron La tension sexuelle, raison d’être de la série, s’étant évanouie, comment continuer ? Glenn Gordon Caron remplace la tension sexuelle par la tension sentimentale. La série rejoint donc un terrain plus conventionnel que celui qui avait fait sa spécificité : la comédie romantique douce-amère. Mais ce genre-ci n’en est pas moins audacieux et exigeant, et le scénario du créateur répond avec brio aux codes. L’interprétation sans failles de Cybill Shepherd et Bruce Willis est magistrale. Quelques scènes énormes rythment cet épisode. En plus d’un des plus gros délires poétiques d’Agnès, le couple David-Maddie se voit transposé dans un pastiche d’une célèbre sitcom américaine des années 50 : The honeymooners (rebaptisé The Bluemooners !!), où le quatuor (avec Richard Addison) reprend les rôles respectifs des personnages originaux. Le résultat fait mouche à chaque réplique. Cette sorte de palimpseste va au-delà de son objectif comique, notamment avec Richard, confident de son bourru frère. David assume son amour mais pas les conséquences (je ne peux plus vivre sans elle). Il y’a aussi l’étonnante séance de psychanalyse de Maddie avec le Dr.Joyce Richards dans son propre rôle qui déchaîne le rire. La peur de Maddie finit par contaminer David lors de la classique dispute de la voiture. Dans un dialogue dément de drôlerie sur la forme, mais angoissé au fond, David s’emporte contre elle. Son grand numéro de clown désespéré (5 minutes !) où il fait tout pour qu’elle lui donne une seconde chance est d’un pathétisme douloureux, expression bouleversante de sa peur panique à l’idée qu’elle lui échappe à tout jamais, une merveilleuse déclaration d’amour où il s’humilie totalement. Maddie a peur des extrêmes de la passion, et David n’est fait que pour mener ses émotions en montagnes russes. Son côté bad boy, sa sexualisation, sa fougue... donnent à son amante les sensations les plus extrêmes. Maddie n’a pas la force de supporter des sensations aussi vertigineuses malgré son amour. L'amour doit être calme pour elle. Pour David, c'est un torrent bouillonnant. C’est bien là un abîme qui s’ouvre entre eux deux. Le final est une métaphore de la « dramedy » à lui tout seul : d’abord la reprise de la sitcom avec un joyeux numéro de Richard, puis une séquence émotion de David où il trouve enfin les mots justes pour rendre confiance à Maddie. Mais le twist final fait voler en éclats cette joie trop fragile, et conclut l’épisode sur une note désespérée. Infos supplémentaires : 2. CENDRILLON Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Commençons par l’enquête. Étant donné qu’on ne peut plus compter sur la relation David-Maddie, elle est automatiquement au premier plan. Or le succès de Moonlighting vient que les enquêtes ne sont que des prétextes pour faire se déchaîner notre couple adoré. Avec ce type d’épisodes, elle ne devient plus qu’une série policière banale, de plus très mal écrite (un travers qu'on retrouvera dans la saison 5). David, totalement privé de son « modjo », traverse l’épisode en baillant, et Herbert délaisse son énergie désordonnée qui faisait son charme, pour devenir un second couteau transparent. Quelle pitié de brider ainsi Bruce Willis et Curtis Armstrong, réduits aux rôles de deux flics mous du genou à peine plus intéressants que les figurants de l’arrière-plan ! Entre David et Maddie, c’est le calme plat. Regarde-t-on bien la même série ? On en doute, tellement on ne les reconnaît plus. Delireman David est devenu un ado fleur bleue, et Maddie n’est plus qu’une pleureuse honteuse. Bruce Willis et Cybill Shepherd confirment qu’ils sont autant magnifiques dans le drame que dans la comédie, mais leurs performances sont hors sujet tant leurs personnages sont trahis dans les grandes largeurs. Leur absence de scène commune, remplacée simplement par un coup de téléphone convenu, montre à quel point la série s’est fourvoyée. A trip to the moon avait joliment décrit les sentiments contradictoires de nos héros, mais cet épisode ne fait que surligner ce qui a déjà été dit. La scène du garage est indigne de David, son état ne justifie pas un comportement aussi mesquin, pénible, et racoleur. Les auteurs ont peut-être voulu adoucir le portrait très noir de Maddie de l’épisode précédent en noircissant à leur tour David. Mais prendre autant de gros sabots, c’est lourd, c’est déplacé, ce n'est pas la série. Ses remords finaux ne font que confirmer cette idée exécrable. La qualité des dialogues ne dépasse pas le minimum syndical des Feux de l’amour. L’arrivée de Maddie chez ses parents n’offre que des stéréotypes de soap. Rien que du lénifiant devant cette famille qui accueille son enfant à bras ouverts. Robert Webber et Eva Marie Saint ne peuvent pas faire grand-chose. Cependant, il y’a bien une scène totalement dingue qui doit être signalée : c’est une scène de claymation : une animation de pâte à modeler (genre Wallace et Gromit). David imagine une discussion entre lui et Maddie, et du coup, le voilà face à une figurine de pâte à modeler représentant Maddie !! Au fur et à mesure que le fantasme va de plus en plus loin, « Maddie » arbore des tenues et des formes totalement hilarantes. Ce pur délire est certes le bienvenu dans un scénario aussi vide, mais ne peut justifier à lui tout seul l’épisode. Cependant, il a le mérite de nous rappeler les grandes heures de la série, désormais révolues. 3. TOURNEZ À GAUCHE AVANT L'AUTEL Scénario : Karen Hall Profitant de l’absence de Maddie, Bert cherche à s’imposer comme détective à part entière. Jeune loup ambitieux et excessif, il se fait à chaque fois couper l’herbe par un David qui rappelle que c'est-lui-le-boss. On l’a déjà dit, Bert qui roule des mécaniques avant de se faire rétamer, ça marche toujours ! Curtis Armstrong vole sans problème la vedette à Bruce Willis, car Hall a la bonne idée de desserrer la bride du personnage. Résultat : Viola ne cesse de nous faire rire par ses réflexions déphasées (dialogue sur les bips téléphoniques sous LSD). Agnès est peu présente, mais sa scène avec Bert où ils évoquent leurs nuits de passion vaut le coup d’œil ! Par contre, on aurait été reconnaissant à Caron et Hall d’oublier Maddie pour rester sur l'enquête. Malgré le trio Webber-Marie Saint-Shepherd, toujours au poil, c’est de nouveau l’ennui qui s'installe avec Maddie qui répète sans changement son numéro de honteuse malheureuse. Ses parents se montrent aussi lisses que transparents. Les dialogues gnangnan ne décollent pas, et les incohérences pleuvent : une semaine que Maddie se morfond, et elle ne se résout toujours pas à appeler David, alors qu’elle sait très bien ce qu’il doit ressentir. Virginia persiste à penser que sa fille a juste besoin d’un peu de vacances, et s’occupe à peine d’elle, alors qu’il est visible à 100 kilomètres que ça va pas fort. Alexander essaye de renouer un contact plus fusionnel avec sa fille, mais cela nous vaut que des clichés (causerie au coin du feu) et des lourdeurs. Toutefois, la lettre finale de David est un très bon moment d’humour et d’émotion. Bruce Willis excelle à dessiner le portrait de son personnage transi d’amour, et désespérément seul. Infos supplémentaires : 4. L'ANNONCE FAITE À MADDIE Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director Les épisodes précédents avaient eu le réflexe salutaire de se concentrer sur L.A. plutôt que sur le fadasse retour de Maddie chez pôpa-môman. Malheureusement, Charles H. Eglee et Roger Director décident de développer équitablement les deux histoires, donnant au front Maddie une importance inversement proportionnel à son intérêt. On commence à être saoulé de Maddie en mode zombie, du déni de Virginia, et de l’inquiétude d’Alexander. Leur petite dispute sur la fête est rigoureusement privée d’inspiration. La réception elle-même, malgré la toujours excellente réalisation d’Allan Arkush, ne dégage rien de bien excitant. Le voisin des Hayes, aussi lisse qu’une pierre ponce, parvient certes à amuser en racontant sa vie à une Maddie qui a la tête ailleurs, mais il n’est en fait là que pour amener le twist final. Il n’est donc qu’une ficelle scénaristique au service d’une non-histoire. Cybill Shepherd est irrésistible en tenue de soirée, mais son monolithisme tape sur les nerfs, et tue toute émotion lors du coup de téléphone final. Et puis soudain, une émotion commence à passer lors de la scène de la boîte de nuit où David et Herbert picolent lamentablement. Certes, ce genre de scènes n’est pas nouveau dans la série (depuis Radio assassin (saison 1) déjà), mais ici, elle acquiert une dimension sociale et dramatique indéniable. Nos deux compagnons continuent de descendre dans la déchéance, se réfugiant dans des plaisirs artificiels sans lendemain, s’abandonnant à la résignation, loin de leur énergie habituelle. Leur virilité est réduite à ses aspects les moins valorisants, entre vulgarité de leurs pensées, et poursuite du plaisir à tout prix. Les deux jolies pépées qui les invitent chez elles sont encore plus pathétiques qu’eux, les traitant que comme des objets sexuels. Le délire de l'une d'elles dans le jacuzzi devant un Bert horrifié est un des rares bons moments d'humour de l'épisode. Vingt ans avant Californication, ce Los Angeles de stupre, avec ces femmes nymphomanes et ces hommes à vomir, est une vision fulminante d'une société débauchée et sans repère, dont on ne peut que constater qu'elle a encore pris davantage d'ampleur aujourd'hui. Bert échappe in extremis à la tentation grâce à un éclair de lucidité. Par ce réveil tardif, Bert montre qu’il est digne d’Agnès, et ne s’abaisse pas à coucher avec une inconnue aussi putassière. David, désorienté, se laisse cependant aller. Mais au matin, sa maîtresse d’un soir préfère qu'ils en restent là, alors que David semblait désireux de la revoir. Cette inversion des genres où la femme se montre plus frivole que l’homme permet un très beau plan final où David, solitaire, s’éloigne au loin, commençant sans doute une longue errance dans la ville. C’est touchant, et toute cette dernière partie redonne des couleurs à un épisode qui en est peu prodigue.
5. DAVE LA MAIN FROIDE - 1RE PARTIE Scénario : Roger Director et Charles H. Eglee On commence très fort par un savoureux prologue où Agnès, totalement surprise, apprend la nouvelle, jure de garder le secret, le répète à Bert, qui jure de garder le secret, puis qui dit tout à la dernière personne à prévenir : David. Cette introduction pétille de drôlerie, surtout grâce à Allyce Beasley et Curtis Armstrong qui disputent un concours de cabotinage où chacun essaye de surjouer plus que l’autre. Malgré qu’Agnès en fait des tonnes à coup de grands yeux ouverts, de mains collées à la bouche, Bert va très loin en s’agenouillant devant elle et en désordonnant complètement ses expressions. C’est hilarant en diable. Bruce Willis prouve de nouveau qu’il est un grand comédien en faisant preuve d’une sobriété mesurée quand son personnage apprend la nouvelle. La reconstitution des prisons n’est pas innovante : on trouve les matons frappadingues, le caïd qui met ses pieds où il veut et c’est souvent dans la gueule, le détenu peureux, etc. Mais l’arrivée de David, élément étranger, permet de savoureux décalages. Ses insubordinations involontaires lui valent pas mal d’ennuis. David lui-même tente de se donner une contenance en jouant à fond son rôle : on le prend pour un des plus dangereux criminels de la planète ? Eh bien, il joue ce rôle, en se donnant des airs de « dur à cuire ». Mais au fond de lui-même, il a la pétoche, et ce double jeu est une nouvelle source comique. Le pastiche de la scène du réfectoire tirée sans doute des Temps Modernes de Chaplin est pas mal non plus. Mais on s’intéressera surtout au monologue final, où David imagine la dispute qui résultera de ses « retrouvailles » avec Maddie. Son désespoir est très poignant. Une intrigue principale moyenne qui vaut surtout pour son hommage correct aux films de prison, et une intrigue secondaire irrésistible. Mais que va-t-il donc arriver à David ? Comment va-t-il s’en sortir ? To be continued !
6. DAVE LA MAIN FROIDE - 2E PARTIE Scénario : Roger Director et Charles H. Eglee Clair de Lune ne tiendra pas sans Mr.Addison. Il n’y aurait plus de série. Pauvres téléspectateurs ! L’épisode continue sur sa lancée avec un splendide numéro musical parodiant ouvertement un classique de l’opérette anglaise : When I was a lad, extrait de HMS Pinafore, de Gilbert et Sullivan. Entendre le chœur des prisonniers chanter et danser autour de David pour le convaincre d’épouser Maddie vaut le détour. La caméra d’Allan Arkush saisit avec une joie entraînante ce numéro. Malheureusement, après cette double explosion d’imagination, Director et Eglee s’endorment et laissent l’épisode en pilotage automatique. Les 30 dernières minutes sont d’un vide écrasant, uniquement relevées par quelques saynètes. Un bavardage lourd sape sans exception tous les moments de l’épisode, que ce soit les scènes inutiles dans la prison, la conversation avec le directeur, ou la caricature pesante des détenus. Même le message final de Maddie au répondeur est démonstratif au possible. Le maton corrompu rancunier que David surprend pile au bon moment, le directeur qui se décharge de ses responsabilités, le méchant rétrogradant au rang de pantin cabotin arrêté miraculeusement par la cavalerie… la paresse scénaristique est complète. A L.A. on reste confondu de voir le sympathique personnage d’Herbert totalement trahi. Il se transforme en dictateur qui sème une ambiance désagréable dans l’agence. C’est d’un premier degré absolu, cette métamorphose est une indignité rageante. Et son rétropédalage sous l’impulsion d’Agnès dépasse toutes les limites du ridicule. Toutefois, leur excursion chez le véritable assassin est assez drôle par le conte complètement foutrarque que leur raconte Scott (sous la musique d’Indiana Jones de John Williams !), mais reste bien en-deça de ce que la série nous avait habitués. Parmi les bons points, on apprécie l’escapade nocturne de David qui se faufile dans un tunnel étroit, grimpe sur le toit, évite les chiens de garde, rôde dans un couloir... Bruce Willis, à ce moment-là, commençait sa reconversion dans le cinéma d’action (le tournage de Piège de Cristal avait débuté). Il est donc marrant de le voir jouer - de manière très convaincante - à l’homme d’action dans cette scène curieusement prophétique. On aime aussi le gag du couteau, tout droit sorti d’une scène culte de Crocodile Dundee. La bagarre générale est tonique à souhait, et finit par se résoudre dans la paix et l’amitié dans une décalée ice cream party !
Au final, ce double épisode, malgré quelques scènes brillantes, en particulier musicales, et son 4e mur bien brisé, est un échec global. Hésitant entre hommage aux films de prison et parodie, les auteurs louvoient sans se décider. Il n’est pas anodin que la série ne renouvellera plus l’expérience.
Les paroles de la scène musicale de l'épisode ont été retranscrites par Christine Graves sur son site consacré à la série. Elles sont disponibles ici : home.comcast.net/~christinemgraves/cool2.html Infos supplémentaires : 7. L'ART D'ÊTRE PAPA Scénario : Kerry Ehrin Le début s’éternise sur la découverte des parents de Maddie de la grossesse de leur fille. Eau de rose et niaiserie tombent en avalanches (Cybill Shepherd tire la même tête depuis six épisodes, ça commence à bien faire), qu’est-ce que c’est pesant, que c’est démonstratif, et quelle pitié de voir Eva Marie Saint et Robert Webber perdre leur temps dans des intrigues indignes de leur talent. Enfin, bref, Alexander décide de faire le point et s’invite à l’improviste dans l’agence Blue moon, mais au plus mauvais moment. Herbert tente de calmer ces revendications libertaires sortis d’un autre monde, avec force claquements de fouet (!!) et rhétorique fumeuse. Le ping-pong verbal entre lui et MacGilicudy fuse, détonne. Tout le monde en prend pour son grade : le tyranneau ridicule, les employés paresseux, les anars uniquement anars par intérêt… sans oublier les communistes, étant donné que nous sommes encore en pleine guerre froide. David applique la méthode Tout va très bien madame la marquise avec un succès que l'on va qualifier de contestable. Le déjeuner tourne à la catastrophe lorsque David doit s’expliquer sur ses sentiments envers Maddie et son bébé. En réalité, David subit la loi de l’emmerdement maximal : il collectionne les emmerdes depuis pas mal de temps, sans pouvoir se justifier. Et ici, c’est le couronnement : il ne peut se défendre sans s'en prendre à Maddie, qui a pris la fuite et lui impose un silence de plus en plus insupportable. Or David, lessivé, ne veut plus s’en prendre à elle, et donc ne peut rien dire de convaincant sur ses sentiments. Abandonné par la femme qu’il aime, Alexander l'accuse de l’abandonner, elle. Une situation absurde et cruelle comme la série en réussit parfois. David touche le fond lorsqu’il est largué par la dernière personne que l’on aurait crû capable d’une telle trahison : Agnès. Allyce Beasley est presque choquante en furie détruisant le dernier bastion du monde de David. Finalement, David craque, poursuit Alexander jusqu’à ce qui restera comme le climax émotionnel de cette saison : son plaidoyer pour lui-même. David en a marre de payer pour les autres, et revendique sa part de justice et de bonheur. Bruce Willis nous sort le grand jeu : avec le maximum d’expression, il donne vie à la prose impériale d’Ehrin, en démontrant que les torts sont partagés, et que Maddie aussi a sa part de responsabilité. Il décrit sa souffrance d’être éloigné d’elle, sa frustration de la loi du silence, sa colère d’être le souffre-douleur, avec un lyrisme et une émotion bouleversantes. Cette scène est l’antidote parfait à ceux qui croient que Bruce Willis ne sait pas jouer : ici, il accomplit une performance digne des plus grands comédiens. Les fans n’hésitent d’ailleurs pas à dire qu’il s’agit sans doute de sa meilleure performance dans la série (et peut-être de sa carrière !) C’est un pincement de voir cet acteur si doué s’être perdu ensuite dans des films où il n’exprimait plus (ou si peu) son talent. Après un tel moment, difficile de continuer ; et effectivement, le sermon pompeux d’Alexander, lourd et répétitif, fait mal après cet instant de grâce. Mais malgré des grosses longueurs, on retrouve le sourire avec l’optimiste final où l’agence, aux caisses renflouées, peut de nouveau repartir. David se reprend en main, et fait l’apologie de la paresse devant ses employés ravis : vive l’oisiveté rémunérée ! Cette revendication très Nietzschéenne, où le travail ne sert qu’à asservir l’homme (Aurore), veut montrer que l’on peut être heureux du moment qu’on a de quoi vivre et qu’on ne travaille pas, alors que le rêve américain est bâti sur le dépassement de soi, le travail acharné, etc. Culotté, improbable, politiquement incorrect, cette fin euphorique termine un épisode qui sort de la grisaille ambiante.
8. LES TOPISTOS Scénario : Douglas Steinberg L’épisode commence mezzo voce par une répétition du numéro que doit faire Agnès pour demander une augmentation à Mr. Addison, et Bert chéri l’assommant de « stratégies militaires » tout à fait débiles. Plus que le charme fou que dégage Allyce Beasley quand elle dénoue tous ses cheveux, c’est l’égocentrisme sans limite de Bert qui est le prix de cette introduction. Le débit de mitraillette d’Agnès lorsqu’elle présente sa revendication renoue quelque peu avec l’ancienne tradition de Clair de Lune à balancer le plus de mots possible dans un rythme frénétique. L’épisode tente de se rapprocher des disputes légendaires David-Maddie, en les transposant avec le couple secondaire pourtant bien moins fort de tempéramment. Si la comparaison est dure pour Bert-Agnès, le talent de dialoguiste de Steinberg et le cabotinage joyeux des comédiens rendent ces disputes énergiques, rapides, et stimulantes. Et puis bon, on avait plus eu de coup de gueule bien dévastateur depuis I’m curious… Maddie (saison 3), alors ne jouons pas la diva... Agnès a en fait un retard psychologique important : elle se voit d’abord comme fille avant d’être femme, et préfère passer sa vie avec sa mère plutôt qu’avec son compagnon. Elle mise sur le passé et non sur le futur. Le chagrin et la colère de Bert vont certainement au-delà de l’abstinence sexuelle imposée par la visite de la mère. Leurs disputes sont certes très drôles avec noms d’oiseaux, volume max, et ping-pong serré, mais affleure aussi quelques pointes d’émotion lorsqu’Herbert échoue à chaque fois à convaincre Agnès. L’épisode pointe très bien ce fait, et on est donc assez consterné de la scène finale où David et Agnès exaltent avec 400 violons la toute-puissance de la famille sur tout, un vrai gâchis ! Allyce Beasley joue son registre favori (jouant la femme-enfant plus lourdement qu’une congrégation de bûcherons) pour notre plus grand plaisir. On note quelques gags, comme Herbert ayant du mal à passer par la fenêtre, l’incendie de la cuisine, Agnès et Clara réagissant avec 20 secondes de retard au cambriolage, le numéro de charme faux-cul de Bert à une Clara toute émoustillée, la réponse versifiée de Clara au téléphone (on comprend d’où vient la facilité d’Agnès avec les vers), et surtout, surtout, la clownesque poursuite finale dans le couloir de l’immeuble, qui arrache le rire toutes les secondes.
9. DAVID, PÈRE DE FAMILLE Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director, d’après une histoire de Ron Osborn, Jeff Reno, et Kerry Ehrin L’épisode met du temps à démarrer, mais nous rassure par des piques de folie douce : David redevient Délireman, sollicitant à Agnès des conseils alors qu’elle n’a jamais connu les joies de la maternité (un dialogue désopilant), demande à Herbert Viola de jouer le rôle d’une femme enceinte, aborde une vraie femme enceinte dans des intentions pourtant platoniques ; bref, on retrouve un peu du surréalisme qui avait fait le charme de Moonlighting période dorée. Le retour des vers d’Agnès le confirme. Lorsque les querelles d’egos sont mises en sourdine, Bruce Willis, du moins à cette période-là, savait utiliser son charme pour établir une complicité pétillante avec ses partenaires féminines. C'est ce qui arrive entre lui et la charmante Brooke Adams. Les dialogues insipides, voire franchement lourds, ne parviennent pas à annuler ce lien. On comprend que les auteurs, piégés dans la situation absurde qu’ils se sont créés, ont voulu réinjecter un peu de tension en faisant rencontrer à David son idéal féminin au moment critique. Car Terri est l’anti-Maddie. L’épisode la fait voir sous un aspect très positif alors qu’elle revendique son droit à élever son futur enfant seule, sujet sensible qu’on attendait pas à voir dans une série aussi peu sérieuse. Terri n’a pas la sensualité de Maddie, mais a une séduction manifeste. Terri est une brune chaleureuse alors que Maddie est une blonde glaciale, Terri trouve à David beaucoup de qualités, aime passer du temps avec lui, est dénuée de jalousie, et refuse de se prendre la tête avec l’avenir, voit la vie sous un jour joyeux, et comme David, veut en profiter à fond : une femme enceinte de sept mois qui mange des cheeseburgers n’est quand même pas fréquent ! On est à l’opposé complet de Maddie. Comme l’on sait d’avance que cette relation est vouée à l’échec, une certaine mélancolie baigne cet épisode modeste mais si joli. Tout au long de l’épisode, une attirance de plus en plus brûlante se fait jour : les cours de Lamaze sont assez troublants, lorsque David doit toucher certaines parties du corps de sa partenaire. Leur dîner dans un fast-food finit par prendre des allures de rendez-vous galant. Sans parler de la dernière scène où en peignoir, elle s’allonge sur le lit d’un David torse nu qui fait de la musculation (un clin d’œil à sa préparation physique pour Piège de cristal ?), où la chemistry commence à frétiller dangereusement. Si finalement la barrière sexuelle n’est pas franchie, Terri avoue son attirance pour David, et ce dernier doit avouer qu’il n’est pas indifférent. Un bel épisode décidément. Infos supplémentaires : 10. LE NOUVEAU DAVID Scénario : Judith Kahan, d’après une histoire de Debra Frank et Kerry Ehrin L’épisode commence avec un remarquable trompe-l’œil où Maddie trouve un David changé tant physiquement que moralement : responsable, sage, courtois, professionnel, modéré... David « déDavidé » ? En réalité, elle s’interroge : a-t-elle vraiment envie de changer David ? Elle est déchirée, car elle ne peut supporter David dans l’état actuel des choses. Mais si elle l’aime, c’est uniquement parce qu’il est comme ça : tapageur, en roue libre, mufle, provoquant, immature. Elle aime ce qu’elle déteste en lui, parce qu’il est son opposé, parce qu’on ne peut aimer que quelqu’un différent de soi. Cela mène au climax de l’épisode : elle se voit mariée au David « idéal », et constate l’inanité de son choix. N’ayant pas retenu la leçon de My fair David (saison 2) et de Sam, elle persiste à vivre avec un mari parfait "logiquement". Il dégouline d’une gentillesse ennuyeuse : David ne veut plus l’aimer charnellement, est devenu aussi lisse qu’inintéressant. Et pourtant, comment peut-on résister à la spectaculaire apparition de Cybill Shepherd en robe très très échancrée ? On notera que cet épisode est certainement celui où Cybill Shepherd est le plus en beauté (les avantages de l'onirisme). Le bad guy est toujours plus séduisant que le nice guy, et dans une vision érotique rappelant Witness for the execution (saison 2), Maddie aperçoit le vrai David, qui transpire le sexe par tous les pores. Maddie veut résister, mais finit par succomber à la passion lors d’une scène torride, et rendue fantasmagorique par la caméra enchantée de Paul Krasny. Grandiose idée de Debra Frank et Kerry Ehrin d’avoir rendu hommage à La fièvre au corps de Lawrence Kasdan : leur version de la scène d’amour - avec trompette supra-érotique - est aussi puissante que l’original. C’est chaud, sensuel, on avait plus vu ça depuis I’m curious Maddie. L'épisode donne corps au fantasme féminin de voir un homme briser toutes les barrières rien que pour ses beaux yeux. Bruce Willis est porté à incandescence dans cette scène impressionnante. Loin de l’excitation piquante de leurs rapports, un David idéal selon la logique de Maddie serait d’un ennui mortel, alors que le vrai David fait de sa vie une véritable aventure, avec ses hauts et ses bas vertigineux. Les humains restent soumis à leurs émotions plutôt qu'à la logique, ce que Maddie refuse encore, et qui explique le twist final. La rencontre avec Walter Bishop suscite des sentiments mitigés. Il n'y a rien à reprocher à Dennis Dugan qui joue fort bien le benêt tout gentil et falot. On lui est reconnaissant d’introduire un comique slapstick, rythmé, lors de sa rencontre avec Maddie. Ce personnage lunaire un peu bébête, d’une courtoisie platonique et désintéressée, est touchant, mais manque cependant d’aspérités, là où celui de Mark Harmon distillait quand même une ambiguïté. Toutefois, Bishop ne dégage aucun charme évident, et on a du mal à comprendre l’attirance de Maddie qui semble confondre compassion et sentiment. Pour son unique scénario en tant que dialoguiste, Judith Kahan se montre à la hauteur par des répliques virevoltantes, speedées, et bien massives. On en a la preuve lors du grand final des retrouvailles : d’abord un peu gênés, Dave and Mad’ s’embarquent dans un dialogue à double sens, puis le ton monte, et ça y’est, la dispute tant attendue éclate ! Comme le fait remarquer David, ils n’ont pas perdu la main de ce côté ! Cette dispute tellurique montre à quel point Maddie au plus profond d’elle-même adore perdre le contrôle et gueuler contre son homme (et vice-versa). Paul Krasny y accomplit des prouesses visuelles (un pudique champ/contrechamp, un gros plan soudain sur deux yeux bleus embués…). Maddie veut encore attendre, ce qui provoque la fureur de David. L'égoïsme apparent de Maddie est compensée encore par sa souffrance morale, son déchirement entre son émotion et sa logique, sa peur d'une nouvelle relation "extrême" avec David. Dans Moonlighting, rire et larmes sont très proches. Remarquable double portrait psychologique que ces retrouvailles. Aussi, sera-t-on consterné par la révélation finale. Elle ne dépareillerait pas à côté du rêve de Pamela dans Dallas, ou de la réapparition inexpliquée de Fallon (avec un nouveau visage) dans Dynasty ; mais dans Clair de Lune, on coince un peu. Un moyen ridicule et lourd pour conserver la tension, malgré un Bruce Willis monumental de génie dramatique. Toutefois, reconnaissons qu’il est tout à fait explicable : la troisième scène onirique voyant Maddie incapable de conduire le train de sa vie (scène trop lourde niveau symbolisme) montrait à quel point elle refusait de prendre une décision. Incapable de faire un choix, d’avoir le courage de choisir, elle laissait le « train » s’écraser dans l’agence. Sens de la métaphore : Maddie refuse de trancher un nœud gordien et va vers une autre voie : celle que lui propose ce Walter sorti du diable vauvert. Malgré cette direction dramatique HS, c’est pour la série l’occasion de réenclencher la mécanique burlesco-sentimentale, et les épisodes suivants seront la récompense du spectateur après tout le passage à vide de cette saison.
11. CIEL, MA FEMME! Scénario : Ron Osborn et Charles H. Eglee, d’après une histoire de Roger Director, Kerry Ehrin, et Jeff Reno La scène avec Bridget (Katie Leyman, à faire damner un ange) est l’objet d’un beau portrait de femme qui renvoie à la Laura de Radio assassin (saison 1). Tout en acceptant d’être le mauvais rôle (elle met en péril un couple qui pourtant s’aime), elle présente sa défense : elle aime Anthony, ne souhaite que son bien. Elle sait très bien qu’elle est la femme qu’on cache, celle qui est dans l'ombre, mais elle accepte qu’il aime et reste avec sa femme. Aussi refuse-t-elle la proposition de Lauren, et donne une certaine grandeur d’âme à un personnage de statut peu sympathique. Lauren (Cristine Rose, de feu et de glace) condamne l’acte d’adultère, mais non son mari qu’elle désire garder. Ce subtil distinguo approfondit un personnage pourtant peu présent. Les scénaristes retrouvent la main ! Ce couple à la relation aussi déséquilibrée que celle de nos héros entraîne évidemment une tension entre eux. Mais la magie de notre couple est qu’il ne peut cesser de se disputer quelque soit la situation. Lorsque Maddie s’étonne qu’ils ne se disputent pas, ça entraîne… une dispute ; lorsque Maddie veut s’assurer que David va bien... dispute ! On retrouve avec plaisir ces disputes fracassantes d’autant plus aiguës que Maddie se sent coupable et que David se montre d’une euphorie trop frappadingue pour être sincère. Il souffre de l’avoir perdue, mais son ego lui impose d’encaisser. Agnès Topisto reprend son rôle de porte-parole des fans en se montrant d’une froideur acérée envers sa patronne. Comme nous, elle est déçue du choix absurde de Maddie. Ses doléances sont les nôtres. Le grand plaidoyer pour elle-même de Maddie, portée par la composition sur orbite de Cybill Shepherd, est un grand moment de l’épisode. Maddie (dans le rôle d’Anthony) explique qu’elle ne pourrait pas vivre avec David (Lauren) avec qui tout est trop intense. Elle a besoin de quelqu’un de plus calme, le contraste que lui offre Walter (Bridget). Elle donne ensuite la plus belle preuve d’amour possible : retenant la leçon de Tracks of my tears, elle explique que si David devenait son mari, il devrait changer, renoncer à ce qu’il est, à ce qui fait de lui cet être si fascinant, et il serait malheureux comme elle. C’est magnifique. David se montre plaisamment manipulateur, forçant Maddie à se trahir, à avouer implicitement qu’elle l’aime lui et non Walter. Le running gag de « Mme Bishop » qui à chaque fois fait exploser Maddie peut être pris comme revendication féministe de ne pas adopter le nom de son mari, mais aussi comme un aveu caché : elle n’aime pas Walter, ne parvient jamais à affirmer fermement qu’elle l'aime Walter. Le final abonde aussi dans ce sens. Nos héros ressuscités, une enquête drôle, un joli dilemme amoureux, des moments forts, un habile jeu de manipulation. Que demande le fan ?
12. MADDIE VA SE MARIER Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director
Avec une audace à peine croyable, David parie que Maddie sera incapable de confirmer son amour devant les hommes et organise une cérémonie de mariage où il y aura foule ! Il s’appuie sur son intuition lui disant que Maddie a honte de s’être mariée avec un individu aussi fade que Walter. S’il échoue, David l’aura définitivement perdue, le risque est donc immense, mais il le prend ! Cela nous vaut bien entendu une énorme engueulade comme on les aime. En passant, on se marre d’entendre David s’imaginer Walter comme un gars bien costaud à la tête vide, alors que Bruce Willis incarnera plus tard dans ses plus mauvais films de tels personnages ! Leur rencontre n’est toutefois réussie qu'à moitié, les auteurs demeurant sages. A force de le rendre trop bêta, les auteurs font de Bishop une pâle marionnette qui n’a pas vraiment sa place dans la série. Dennis Dugan est cependant tout à fait dans le personnage. La dispute Maddie-Walter témoigne de l’ingéniosité psychologique des scénaristes : officiellement, la cause de la fureur de Mad' est l’ingérence de David dans sa vie privée, ayant peur que Walter tombe sous la coupe du manipulateur, c’est ce qu'elle croit à ce stade. Officieusement, l’inconscient de Maddie voit clair dans le jeu de David, qui cherche à briser leur relation, mais elle n’a aucune défense contre son attaque : si elle accepte la cérémonie, son fragile amour pour Walter fabriqué de toutes pièces risque de voler en éclats ; si elle refuse, ce sera la preuve qu’elle n’aime pas Walter. La quadrature du cercle.
Nous retrouvons la charmante Terri avec David, et une constatation s'impose : on croit voir un heureux couple marié. Si Brooke Adams est moins lumineuse que dans Fetal Attraction, sa complicité avec Bruce Willis est toujours aussi évidente. Malgré leurs petites brouilles, on sent une attirance gênée entre ces deux-là. Surtout lorsque David avoue qu’« il ne tiendrait pas le coup » si Terri ne venait pas au mariage. C’est si beau… Bon, maintenant, passons aux choses sérieuses : le triomphe du burlesque de l'épisode. L’enterrement de vie de garçon de Walter est assez étourdissant. Le retour de Richard Addison est à saluer, mais on retient le numéro de strip-teaseuse de Herbert Viola avec tenue appropriée ! On hurle de rire. Mais que dire quand il fait son numéro sur The lady is a tramp devant un parterre de mâles ivrognes surexcités (Jack Blessing explose des records de cabotinage) ? Curtis Armstrong est démentiel, et même le coincé Bishop ne peut se retenir d’applaudir. L’épisode vole vers l’apothéose dans sa dernière partie, feu d’artifice royal de comédie et de dialogues allumés ultra-speed. Le mariage de Maddie tourne au désastre lorsque Terri perd les eaux au moment de la bénédiction maritale. David avait-il prévu que Terri aurait les contractions PILE au meilleur moment (pour lui) ? Improbable, mais possible, mais il avait de toute façon bien calculé son coup : Maddie pouvait-elle ne pas craquer quand elle voit David enlacer une femme enceinte ? Maddie acculée à l’évidence, doit admettre que son mariage ne vaut rien pour elle. Quoiqu’il en soit, c’est le bordel. Disputes phénoménales, gags au kilomètre, dinguerie absurde des situations, toute cette scène culmine dans un flamboyant charivari à l’hôpital où les deux couples poussent le volume à fond. Eglee et Director se régalent et nous aussi. L’énorme gag final décrit à lui tout seul la relation David-Maddie : ils s’embrassent fougueusement alors qu’ils se hurlaient dessus cinq secondes avant ! Le tag final sonne la réconciliation au sein de notre cher couple, avec Maddie faisant fondre les cœurs de tous les fans en avouant son amour. Que va-t-il se passer maintenant ? Dave and Mad’ l’ignorent eux-mêmes. L’épisode nous montre seulement David et Maddie s’éloigner pour passer un peu de temps ensemble. Une fin pleine de douceur qui termine parfaitement cet épisode échevelé.
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13. L'INACCESSIBLE AMOUR Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn, d’après une histoire de Roger Director, Charles H. Eglee, et Kerry Ehrin Réalisation : Artie Mandelberg- Quand on pense… - Quand on pense au nombre incalculable de boîtes dans le monde, elle se pointe dans la vôtre ! - Heh, c’est moi qui devait dire ça, c’était la meilleure réplique du script !! - T’as de beaux yeux tu sais. - Tu te crois sur le Quai des Brumes ? Tu t’es trompé de réplique ! Entre deux surveillances nocturnes de pamplemousses génétiquement modifiées, Herbert Viola songe à son avenir avec Agnès. Il lui propose de vivre avec lui, mais elle lui demande du temps pour réfléchir. Angoissé à l’idée qu’elle puisse refuser, Herbert s’imagine dans deux parodies de films où tout se passe mal avec Agnès… Avant de boucler la Mythologie Maddie-David-Walter-Terri, les scénaristes s’accordent une pause avec ce loner festif centré sur Herbert Viola. On voit ce qu’ils ont voulu faire : réitérer la performance de The dream sequence always rings twice (saison 2) - noir et blanc inclus - pour le second couple de la série. Soyons honnêtes, la copie n'égale pas l’original. Malgré tout, cet épisode moins ambitieux que son modèle (Artie Mandelberg ne peut rivaliser avec le flamboyant Peter Werner) est à marquer de la mention excellence. La parodie des films marche, la tension entre Agnès et Herbert est bien servie, les acteurs sont au top, et un festival de trouvailles hilarantes fait toute la valeur d’Here’s living with you, kid. Surtout, il dresse un touchant portrait de Viola. On sait depuis longtemps que les enquêtes de la série ne sont que des McGuffin servant uniquement à déchaîner loufoqueries et/ou instants dramatiques. Ici, nous avons un sommet : l’enquête du jour est seulement mentionnée, c'est tout. La surveillance que fait Bert ne sera jamais approfondie. Jeff Reno et Ron Osborn retrouvent leur finesse dans les dialogues. Pour preuve, les longs monologues de Viola réussissent sans problème à émouvoir le spectateur alors que leur fond sont tout ce qu’il y’a de romantico-cliché (Agnès tu me manques, Agnès je t’aime, Agnès, que penses-tu de moi ?…). La composition tourmentée de Curtis Armstrong est mémorable. Tout comme Bruce et Cybill dans The dream sequence, il signe dans cet épisode sa meilleure performance. Le fan fidèle sait que le meilleur ressort comique du personnage est quand il veut se donner des airs de bad guy, mais y échoue lamentablement. Cependant, Director, Eglee, et Ehrin vont malicieusement jouer sur ce point en le transformant un ressort dramatique. Il est en réalité symptôme du complexe d’infériorité de Viola, qui se croit indigne d’être aimé d’une femme aussi merveilleuse qu’Agnès. Dr.House traitera d’ailleurs un sujet similaire dans l’excellent Flou artistique - et dont la résolution sera tout aussi similaire. En réalité, sa tendance hilarante à jouer au macho est la conséquence d’un terrible manque de confiance en lui. Pour ne pas perdre la face devant le méprisant MacGillicudy, il doit jouer les gros bras sans conviction. La forme est comique, pas le fond. Agnès diffère sa réponse, et Bert est incapable de voir autre chose qu’un échec futur. La cruelle scène où il imagine Agnès lui balançant tous ses défauts, et en premier lieu son manque de virilité, est dramedy à souhait : on rit jaune. Le manque d'estime de soi d'Herbert fait que les deux songes cinématographiques finissent mal pour lui. Dans le premier, il joue le rôle d’un riche commerçant du Sahara recueillant une femme perdue (Agnès évidemment). Outre qu’Allyce Beasley est plus magnifique que jamais, cadrages, intertitres, et piano omniprésent nous immergent dans le monde toujours aussi fascinant du cinéma muet. Avec une vélocité typique, les scènes s’enchaînent : le personnage de Bert tente de maîtriser la passion que lui inspire l’inconnue. Mais il échoue à la séduire, et la belle s’enfuit dans le lointain, le laissant seul et inconsolable. Un mélodrame bref mais prenant, dont les atours comiques sont sans cesse battus en brèche par le pessimisme de l’ensemble. Mais le clou de l’épisode est bien entendu la parodie de Casablanca. Bert prenant le rôle d’Humphrey Bogart (Rick), Agnès celui d’Ingrid Bergman (Ilsa), et MacGillicudy celui de Paul Henreid (Victor). Cette version assez folle de ce chef-d’œuvre casse le 4e mur toutes les trente secondes, mais surtout permet aux acteurs de transformer les personnages : Laszlo est ainsi un alpha male tellement irrésistible que toute l’assemblée chante La marseillaise à son entrée, Ilsa devient une femme sûre d’elle et de ses sentiments, tandis que Rick se la pète grave et essuie revers sur revers, surtout quand on lui chipe ses répliques ! Ce qu'on perd en exercice de style par rapport à The dream sequence, on le gagne en humour. On admire en passant la superbe reconstitution de la boîte de Rick, ainsi que l’aéroport enveloppé dans le brouillard. Dans la séquence originale de l'aéroport, Ilsa était déchirée entre son devoir envers son mari qu’elle aime et son ancien amour qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. C’est Rick qui par un sacrifice déchirant, choisit lui-même de renoncer à elle par devoir envers la Résistance et Victor. Sauf qu'ici, ça ne se passe pas comme prévu : Bert n’ayant pas le sex appeal et la virilité de Rick, Agnès/Ilsa n’hésite pas et part avec son mari immédiatement ! On nage en plein délire lorsqu’elle lui balance tout son manque de séduction et que Bert lui supplie de rester, portant au paroxysme son ressort comique principal. Ce morceau de bravoure figure en bonne place dans les plus grands moments de la série. Cet épisode nous rappelle qu’un homme trop gentil (comme Walter Bishop) ou trop idéal (comme Sam Crawford) ne peut en fin de course rivaliser les vrais séducteurs, ceux qui osent casser leur image en la rendant plus troublante, plus virile, plus testostéronée, plus tchatcheuse comme David. Maddie vous le confirmera. Nous assistons ensuite au reflet inverse du ressort comique de Bert : il devient dramatique lors de la coda, où Bert se donne un air de macho une fois de trop, provoquant la fureur de sa dulcinée. On peut reprocher ensuite son pardon trop rapide, mais nos scénaristes étant prêts à se reconcentrer pleinement sur le couple principal, on comprend qu’ils voulaient clore le dossier. Et puis, le mea culpa final de Bert est si émouvant qu’Agnès ne peut qu’y être sensible. L'Agnès que nous avons vue dans la parodie de Casablanca n’était pas la vraie Agnès, c’était une projection négative de l’imagination de Bert qui doutait de son amour. Il est souvent très fin de présenter une réalité du point de vue subjectif d'un personnage, qui comme tout homme en a une vision personnelle. Le regard de Viola anticipe par exemple un fameux épisode de Buffy contre les vampires : The Zeppo, où le regard frustré de Xander caricature la réalité. La vraie Agnès, fantasque et imprévisible, est l’exception : elle n’a que faire d’un bad guy comme MacGillicudy ; elle n‘aime que Bert. Leur baiser final ne peut qu’attendrir le fan qui ressort conquis de cet intermezzo dosant à la perfection humour et drame.
14. DEUX FOIS PAPA Scénario : Kerry Ehrin Nous assistons au départ de Walter divorçant avec Maddie. Alors qu’il aurait toutes les raisons d'enrager devant cette trahison, il se montre adorable et compréhensif. Totalement positif, il préfère voir le bon côté des choses en ayant eu les deux plus belles semaines de sa vie. Sa relation avec elle apparaît comme plus fraternelle qu’amoureuse. Nos deux compères s’aimaient bel et bien, mais ce n’était pas le type d’amour auquel ils pensaient. Cette scène de divorce est paradoxalement lumineuse et légère (il faudra attendre la saison 5 de Californication pour assister de nouveau à un divorce joyeux). D’une gentillesse merveilleuse, il réconforte et soulage Maddie de sa culpabilité. Surtout, il part de la plus belle des façons : par un message hilarant au spectateur ! Si Walter confirme qu'il est décidément un bêta intégral (mais très chaleureux), Dennis Dugan est excellent. Il ne nous quitte toutefois qu’à moitié car il réalisera plusieurs épisodes de la saison 5, avant de devenir hélas un des plus pitoyables réalisateurs de comédies vulgaires à ce jour. Pareillement, le dossier Terri Knowles est clôturé par sa séparation avec David. Une dernière fois, Brooke Adams nous charme de sa douceur infinie, facilitant la décision de David. Plus encore que Walter envers Maddie, Terri comprend les sentiments de David et accepte de renoncer à ses rêves secrets d’une vie commune avec lui. Elle laisse toutefois entendre qu’elle et Walter s’entendent bien ! La scène se passe avec humour et sourires, chacun est heureux pour l’autre et ne regrette pas le passé.Kerry Ehrin est décidément en grande forme. Non contente de décrire des séparations amoureuses sous un angle positif, l’enquête du jour est aussi très originale. Elle se rapproche du Portrait de Maddie (saison 2) où un homme voue un culte à une inconnue d’une manière ressemblant à « l’amour courtois » du Moyen-Âge, avec sacralisation de la Dame. La prose lyrique remplaçant la peinture. C'est le reflet des propres sentiments de David, qui n'a pas cessé de souffrir de l'attente imposée par sa patronne. Il n’a cependant pas changé sur sa condescendance à propos de l’amour platonique exalté, ni Maddie sur l’émotion qu’elle lui inspire ! La scénariste a l’excellente idée de maintenir une nouvelle forme de tension sexuelle : pas celle qui explose à chaque instant, plutôt celle ombragée, avec silences lourds et dialogues faussement banals. Maddie s’est rendue compte de son erreur mais David fait maintenant un blocage sur ses avances, se demandant finalement s'il ne va pas encore s'en mordre les doigts. Ce suspense sentimental atteint un pic dans la classique scène de voiture… où ils NE se disputent PAS ! Chacun s’interroge de ce que l’autre pense en voix off. Les comédiens sont décidément hors pair : leurs visages sont expressifs alors qu’ils n’ouvrent pas la bouche, du grand art. Après la royale déclaration de Father knows last, Ehrin confirme son don pour les monologues émouvants avec David et le speech sur « l’ardoise à effacer », lâchant tout ce qu’il a sur le cœur. Cette déclaration que nous attendions depuis longtemps nous prend agréablement à contrepied : pas d’éclats de voix… seulement une vibrante tirade avec une sobriété inhabituelle de Bruce Willis, immense. C’est le clou de cet épisode original et plus sage que l'habitude. De l'ordalie, David est ressorti plus responsable et adulte. Leur réconciliation finale, calme et romantique, donne un curieux suspense quant à ce qui va se passer dans la dernière saison.La dernière partie de l’épisode part en live avec des cassages de 4e mur de plus en plus rapprochés, et une idée démente de course-poursuite : David et Maddie doivent rattraper non un assassin… mais un suicidaire ! David parvient à empêcher les différentes tentatives de suicide (révolver, électrocution, défenestration…) mais s’en prend plein la figure à chaque fois. Ce comique de répétition débouche sur un remarquable hymne à la vie et à l’avenir improvisé par David et un dernier gag à mourir de rire. Mars 1988. La télévision amércaine traverse une crise : les scénaristes se mettent en grève, paralysant la production de nombreuses séries. Clair de Lune n’y échappe pas, et le délai déjà bien grand entre deux épisodes inédits se creuse encore, jusqu’à épuiser la patience des fans. C’est sans doute une des raisons qui a entraîné l’annulation de la série dès l’année suivante. Dans la grande tradition de la série à se moquer de ses propres problèmes, cette crise est l’occasion d’une fin totalement allumée : Comme il reste encore cinq minutes à combler pour finir l’épisode, Cybill et Bruce s’excusent auprès des spectateurs pendant qu’ils marchent à côté des cinq écrivains (dont Kerry Ehrin elle-même, la seule femme du groupe) qui affichent des pancartes de grève !! Comment combler le trou ? Eh bien, c’est Curtis Armstrong qui s’y colle. On lui colle une tenue garantie 80’s absolument terrifiante, et il chante et danse sur une interprétation hystérique de Wooly Bully qui achève net le fan ! Herbert Viola ayant la charge de finir cette saison, c’est clairement une récompense de l’apport important qu’il a amené à la série, et particulièrement cette saison. On peut regretter qu’Agnès/Allyce ait été sacrifiée cette saison au profit de son partenaire, ou que la grève des scénaristes nous ait privé du projet de l’épisode 3D prévu pour terminer la saison. Mais on n’y pense pas à cet instant tant le fan est comblé par cet épilogue malicieux et euphorique ; conclusion fracassante d'une saison qui a très mal commencée mais parfaitement terminée !
- Les émissions préférées de David sont les courts métrages télévisuels de la troupe comique Les Trois Stooges. Il a offert à Maddie un presse-papier serti de diamant.
1. Maddie va se marier : Rythme pétaradant, disputes en perpetuum mobile, situations absurdes, humour ravageur, final déjanté. L'esprit de la série se trouve tout entier dans cet épisode déchaîné où les deux segments de la saison se télescopent pour un résultat massif. 2. Deux fois papa : Ce finale de saison relâche peu à peu la tension accumulée depuis le départ de Maddie. C'est l'occasion pour la série de montrer qu'elle est soluble dans la sobriété et la douceur. La justesse psychologique et les très beaux adieux des deux personnages secondaires : Terri et Walter, sont portés par une interprétation parfaite. La grosse tranche de délire final est sauvagement jouissive ! 3. L'inacessible amour : Le rêve était presque parfait version Agnès-Herbert. La copie fait bonne figure auprès de l'original. Herbert Viola montre qu'il est capable de tenir un épisode à lui tout seul. L'histoire est imaginative, utilise brillamment l'émotion. La parodie de Casablanca est un très grand moment de la série ! 4. Etats d'âme : Superbe dialogue désenchanté entre deux êtres incapables d'assumer pleinement les conséquences de leurs actes. L'humour est l'expression de leur incommunicabilité. Mais l'émotion et les larmes ne sont jamais loin. Glenn Gordon Caron connaît ses créatures sur le bout des doigts et leur offre des scènes magnifiques. Cybill Shepherd et Bruce Willis sont étincelants. 5. Ciel, ma femme ! : La screwball comedy reprend ses droits au sein de cet épisode enlevé. L'enquête est passionnante, les disputes bien énormes, la relation David-Maddie fait l'objet de variations virtuoses. La dernière partie de la saison s'envole vers les sommets ! Accessits d'honneur : David père de famille, Le nouveau David, Tournez à gauche avant l'autel.
Images capturées par Clément Diaz. |