Saison 3
1. LE RETOUR DU PÈRE PRODIGUE
Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Alors oui, Cybill Shepherd accomplit l’exploit d’être encore plus belle que dans les saisons précédentes, avec ses tenues super pailletées (bienvenue dans les 80’s), le choix de Paul Sorvino pour David Addison Sr. n’est pas mauvais, oui on apprécie la crise de nerfs de David Jr. à l’annonce de la nouvelle. Mais l’épisode prend alors des allures de drame familial digne d’un mauvais téléfilm : avalanche de dialogues vaseux, et pot-aux-roses deviné dès le début. Maddie est en mauvaise forme pour ne pas se rendre compte de ce qui se passe en ce moment. La mise en scène d’Allan Arkush a du mal à exister devant une telle indigence. Par contre, les chansons de l’épisode sont comme toujours un délice. La scène du mariage est un tantinet plus relevée, mais reste loin de ce que nous offre habituellement la série (le "mariage" de Maddie en saison 4 sera beaucoup plus azimuté). Certes, on goûte l’apparition de Richard - Charles Crocket est très élégant en smoking - qui reçoit une belle droite de la part du frangin, mais c’est l’entrée en scène de la mariée qui va sauver les meubles, car Stéphanie a les traits de la talentueuse Brynn Thayer. Son arrivée avec un clin d’œil effronté à son futur beau-fils tout honteux ouvre le dialogue final. Il faut reconnaître que le twist final est assez malin, surtout que David voit sa séduction et sa virilité broyées impitoyablement par une Stéphanie impitoyable ! Alors qu'elle vient de nous être fraîchement présenté, on se surprend à la voir sous un jour extrêmement sympathique quand elle raconte sa vie de fille paumée qui enchaînait garçons et cocktails en attendant le prince charmant. Grâce à elle, le happy end évite de peu la miévrerie. Il est dommage que ni David Sr. ni Stéphanie ne reviendront dans la série - même si Richard ne manquera pas, lui, de réapparaître.
Infos supplémentaires : 2. UN VEUF PAS ORDINAIRE
Scénario : Kerry Ehrin Le concept de la « spontanéité » revient comme un refrain décalé au cours de l’épisode : David est enclin à comprendre le geste meurtrier de James qui a agi sous une impulsion incontrôlable, tandis que Maddie ne veut accepter aucune excuse pour un homme qui a tué sa femme. La « spontanéité » est pour elle un comportement barbare contraire au froid intellect dont elle fait un évangile. Maddie la cérébrale pense que la spontanéité est une mauvaise excuse pour les gens ne voulant pas prendre leurs responsabilités. David l’impulsif dit qu’elle est au contraire un moyen de vivre sa vie pleinement. Il n’est pas vraiment neutre car son apologie de la spontanéité est à rapprocher des sentiments passionnés qu’il éprouve pour Maddie. Ce sont les meilleures scènes de l'épisode. L’enquête a un certain intérêt malgré des longueurs. Avec un beau mystère, et par la composition en homme perdu de Stephen Godwin. Il y’a aussi l’improbable équipement high-tech de David assez déphasé avec l’habitude de la série. La « deuxième mort » de la femme est d’un humour noir ravageur. On ne sait vraiment plus quoi penser dans cette affaire qui devient de plus en plus absurde, on retrouve l’esprit déjanté de la série. Le rebondissement final est très malin. Même si on peut trouver un peu limite cette romance de dernière minute, le fait est que l’instigateur de toute l’affaire a un fait un superbe acte d’amour qui innocente le criminel de son crime passionnel… voire même un peu trop, puisque nos détectives n’arrêteront pas cet homme. Malgré les circonstances atténuantes, le laisser libre est dérangeant. Une faute même dans le monde de Moonlighting. - David parle de « combustion (humaine) spontanée ». X-Files phone home ! - A la fin de l’épisode, nous sommes le 25 juillet 1986 si l’on en croit le chèque reçu par Maddie. - Le titre de l’épisode provient du film The man who cried wolf (Soixante-quinze minutes d’angoisse en français), film de 1937 de Lewis R. Foster. - Continuité : lors du toast au champagne, Maddie a dans la main deux tasses empliées. Au plan d’après, elle n’en a plus qu’une. Au début de la même scène, on voit que MacGillicudy n’a pas d’alliance à sa main gauche, mais qu’il en a soudain une quand il s’asseoit ! - Première apparition du personnage récurrent de MacGillicudy, que Jack Blessing interprétera durant 17 épisodes. David avait mentionné son existence dans Gunfight at the So-So Corral (saison 1). - Une curiosité : alors que le mari s’appelle James Bower, il existe un figurant dans l’épisode interprété par un acteur du nom de John Bower ! - Les chansons de l’épisode sont Dedicated to the one I love de Ralph Bass et Lowman Pauling, chantée par The Shirelles, Waiting for a girl like you de Mick Jones et Lou Gramm, chantée par Foreigner. David chante quelques mesures de It’s your thing des Isley Brothers. 3. SYMPHONIE POUR DEUX ESCROCS
Réalisation : Paul Lynch J’ai passé la majeure partie de la nuit à rêver que je vous sonnais les cloches, et je vais également sonner une ambulance si vous ne sortez pas de ce bureau immédiatement ! - Deux mêmes personnes… - … Du même bureau… - … Avec la même histoire… - … Cherchant la même chose. Le scénariste a dû photocopier par erreur l’autre scène ! Maddie et David font un pari : chacun devra organiser un rendez-vous dans le style attendu par l’autre. Le rigolo David devra faire une soirée raffinée pour la raffinée Maddie qui en retour devra faire une soirée rigolote. David invite Maddie à un concert symphonique, mais la soirée se passe très mal… Le lendemain, Maddie et David sont interrogés par le FBI : les billets qu’a achetés David à un vendeur à la sauvette étaient destinés à des agents fédéraux qui devaient recueillir un indice à propos d'un futur incident diplomatique international… nos héros sont donc pris une fois de plus dans un monumental nid de guèpes… Pour tous les fans de Chapeau melon et bottes de cuir, cet épisode est très renommé car il s’agit de l’épisode avec Linda Thorson elle-même !! Et malgré sa trop brève apparition, quel plaisir de retrouver l’interprète de Miss Tara King, même si l’actrice est presque méconnaissable 17 ans après. Mais cela est finalement de petite importance car Symphony in knocked flat est un des épisodes les plus délirantissimes de la série. Carburant au gag-minute, voire au gag-seconde, l’histoire de ce complot international n'est qu'un prétexte pour déchaîner un mouvement perpétuel de moments tout aussi burlesques les uns que les autres, avec le jeu de massacre féroce du couple central ! Allumé d’un bout à l’autre, cet épisode enchaîne dialogues et disputes explosives. C’est d’autant plus méritoire qu'il s'agit du seul scénario écrit par les deux auteurs de l’épisode pour la série. Dale Gelineau et Pauline Miller ont tout à fait saisi l’esprit de la série et s’en donnent à cœur joie dès la scène pré-générique. Qui ne se contente pas de fracasser le 4e mur, mais carrément de faire apparaître le groupe The Temptations qui exécute pour nous un swingant morceau. Voir Maddie danser sur la musique tout en faisant semblant de chanter la chanson avec la voix rocailleuse du chanteur en play-back est d’un effet hilarant. Encore une introduction complètement hallucinée à mettre au crédit de la série ! Maddie a eu un rencard la veille au soir ! Cette nouvelle rend l'agence sans dessus dessous : les regards éloquents des employés, Agnès décidément pas douée pour les mensonges, l’espionnage derrière la porte, le jeu absolument con de David… qui précèdent le grand déballage de Maddie. Elle est absolument furieuse contre la gent masculine qui ne sait jamais être « gentleman » et qui veut toujours coucher au premier rendez-vous. Les hommes s’amuseront de l’idéalisme hors d’âge qu’elle leur accole, les femmes la soutiendront devant ce manifeste qui impose le temps pour que respect et alchimie aient le temps de s’installer. Le récit de son rencard, démonstration de la loi de Murphy, fait mouche à chaque ligne. David étant beaucoup plus frivole (sa métaphore sur le « retour sur investissement » est aussi drôle que vraie), c’est reparti pour une bonne dispute et les classiques dialogues de sourds. Le lendemain, impitoyable carnage entre nos deux amis, où Maddie alterne subtilement colère et déception durant l'engueulade. David est suicidaire pour carrément penser qu’elle lui donnera une seconde chance, mais on a toujours aimé son culot en diamant. Excellente scène que les deux duos du FBI (pas de petite rousse ou de grand brun toutefois) qui racontent la même histoire au mot près. Il faut voir la consternation qui se lit sur nos détectives qui voit les grosses emmerdes arriver ! Les scénaristes ne laissent aucun temps mort : à peine un éclat de rire passé, on embraye sur le suivant sans reprendre son souffle. Ainsi, on se retrouve en terrain Hitchcockien avec nos deux innocents pris dans les rouages d’une grosse machination, puis on repasse dans le burlesque avec David qui à chaque ennui fait payer le prix (financier) à Maddie, sans oublier le gag de la cabine téléphonique, Ouaille ! L’épisode trouve son climax avec un finale de dix minutes à couper le souffle. Après la scène aux confins du nonsens le plus joyeux dans le vestiaire, on assiste à la baston finale : David, coaché par Maddie, doit affronter une redoutable montagne de muscles (Steve James, un habitué des films d’action) sur un ring de boxe. Cette parodie de Rocky 4 (l’adversaire est un soviet) exploite à fond toutes les possibilités comiques possibles dont le pastiche des discours patriotards faux-cul qui émaillent nombre de films américains (dont les Rocky). Le crescendo dément de cette folie comique se termine sur le gag le plus E-NO-RMI-SSI-ME de l‘épisode, concluant ce chef-d’œuvre de pure comédie qu’est Symphony in knocked flat !
- Unique scénario de la carrière de Pauline Miller. Dale Gelineau écrira en 2009 le script d'un film d'horreur : Brain Dead (en deux mots), mais n'a rien écrit d'autre.
4. MORTELLEMENT VÔTRE
Réalisation : Christian I. Nyby II - Défoncez la porte ! - Mais c’est interdit par la loi. - Allez-y, ou c’est moi qui vous défonce ! Personnellement, j’terminerais bien l’épisode ici. Gail Woodley, une femme mariée, a entretenu durant deux ans et demi une correspondance avec un inconnu qui semblait très bien la connaître. Cet inconnu se montrant dernièrement plus inquiétant et agressif, Gail demande à Maddie et David de trouver son correspondant et lui ordonner de la laisser tranquille, elle et son mari. Pendant ce temps, ils doivent protéger leur nouvel employé Herbert Viola du harcèlement sexuel d’Agnès Topisto, tombée passionnément amoureuse du jeune homme… Cet épisode est fondamental pour le fan car faisant entrer en scène le 4e personnage principal de la série : Herbert Quentin Viola, joué par le jeune et fringuant Curtis Armstrong. Se joignant au triangle Maddie-David-Agnès, ce nouveau personnage mignon et timide va apporter une touche comique de plus à la série. Il en sera l'irremplaçable pompier lorsque la série traversera ses passages à vides (première moitié de la saison 4, dernier tiers de la saison 5). Roger Director soigne l’entrée du nouvel arrivant, mais oublie de mettre du rythme dans sa trop molle intrigue principale. Heureusement les sommets d’incongruité du scénario sont irrésistibles. Le début assez morne est dynamisé de temps à autre par les bons mots entre David et Maddie, et la scène où Maddie est scandalisée que David défonce la porte de l’hôtel. Ce qui est drôle, c’est que lorsqu’ils reviendront plus tard, ce sera l’inverse : Maddie forcera David à casser la porte ! La confrontation entre l’expéditeur et nos agents est des plus imprévues : il ne correspond pas vraiment à ce qu'ils pouvaient (et nous non plus) imaginer. Dans la classique dispute de voiture, Maddie atteint des sommets d’idéalisme anachronique, exaltant amour platonique et romantisme démodé. David lui rappelle que le romantisme est devenu plus réaliste, plus charnel, c'est toujours valable à notre époque d’ailleurs ! L’épisode ne juge pas Maddie qui souhaite seulement rendre à l’amour toute sa force et son mystère, là où David n’y voit qu’intérêt masturbatoire et passion charnelle. David n’est pas non plus jugé : c'est un héritier de la révolution sexuelle qui libéra des millénaires de pulsions réprimées par les milieux conservateurs et religieux. Nos deux amis sont encore une fois dans l’extrême, et on les adore comme ça. Parlons maintenant de la meilleure réussite de l’épisode : Herbert Viola. Le début de l’épisode voit les employés surprendre Herbert et Agnès dans une position assez... compromettante. Ce n'est pas comme ça qu’on voyait Agnès saluer une nouvelle recrue... L’apparition de ce bon garçon transforme la timide et chaste Agnès en une bête de sexe insatiable qui à chaque fois tente de le violer ! Allyce Beasley, toute contente de sortir du cadre amusant mais limité de son personnage, va à 300% dans son délire. Elle cabotine à mort, grossit au maximum tous ses états d’âme, de la joie à la passion, en passant par la tristesse et le doute. Quel numéro ! Tout au long de l’épisode, le malheureux garçon tente d'échapper à ses assiduités débordantes jusqu'à se cacher sous le bureau de Maddie (cri de soprano offert par la maison). Curtis Armstrong donne à Bert sa simplicité, son empathie immédiate, sa délicatesse. La conversation avec Maddie est assez touchante. La non-réciprocité de sa passion éclate à Agnès d’une manière sublime avec une étreinte à sens unique. La caméra de Christian Nyby est admirable d’expressivité. La belle coda voyant David et Maddie sur le point de s'avouer de tendres aveux avant de se rétracter continue le jeu de Sisyphe avec le spectateur : Maddie s’interdit tout laisser-aller, et si David assume sa passion physique, ce n’est pas le cas pour un possible sentiment plus fort. Quant à L’ultime image, qui se fige soudain, elle laisse apercevoir une lueur d’espoir pour Agnès, superbe détail qui conclut joliment cet épisode. Infos supplémentaires : - 1re apparition d’Herbert Viola (dit Bert), joué par Curtis Armstrong. Le 4e personnage principal de la série sera crédité au générique à partir de la saison 4. Son introduction est dû à l'accident de ski que subit Bruce Willis au début du tournage de la saison, ce qui le contraignait à jouer moins de temps sur le plateau. Viola "combla" ainsi d'abord les trous, avant d'acquérir une importance autonome. Curtis Armstrong pensait qu'il n'avait aucune chance de passer l'audition car il devait être un "love interest" (celui d'Agnès), or Armstrong pensait qu'on ne ferait jamais appel à lui pour ce genre de rôles (source : Memories of Moonlighting). Dans cet épisode, son prénom est curieusement orthographié Burt (et non Bert). - Quand il était petit, David voulait être facteur, car il aimait les képis. - Maddie a une tante du nom de Grâce. Nous apprendrons qu’elle en a une deuxième dans L’ange gardien. - Dans la poursuite finale, quand Maddie tombe du chariot, l’homme à côté d’elle lit le journal The Globe avec un article intitulé : Moonlighting’s Cybill says Bruce is a Fox. Une autre manière de briser le 4e mur ! - Le titre de l’épisode détourne la formule de politesse standard que l’on écrit (en anglais) à la fin d’une lettre : Yours, very truly. - Fait étrange : ni le scénariste, ni le réalisateur de l'épisode ne sont crédités après le générique ! - On entend dans l’épisode Please Mr.Postman par The Marvellettes. On entend aussi durant l’attente dans le bureau de poste la chanson Syncopated clock de Leroy Anderson. David chante par ailleurs Shake, Rattle & Roll de Bill Haley and His Comets. 5. MORTELLE CONFESSION
Scénario : Charles H. Eglee, d’après une histoire d’Eric Blakeney, Charles H. Eglee, et Gene Miller Malheureusement, il ne se passe à peu près rien par la suite. Notre duo mène une enquête sans éclats, au suspense absent. En mari chagriné, Richard Beymer n’est pas du tout crédible. Le fameux (et médiocre) interprète de Tony dans l’adaptation cinéma de West Side Story prouve une nouvelle fois qu’il est loin d’être un atout. Heureusement, le prêtre tourmenté entre féodalité à son serment et instinct amoureux émeut grâce à ce brillant comédien qu’est Brad Dourif. Il éclipse totalement son partenaire, ainsi que le joli pot de fleurs qu'est Jessica Harper. Si la série réussit toujours à mener des petits débats idéologiques, via des dialogues foudroyants, elle est beaucoup moins à l’aise pour énoncer des thèses profondes. Cela marche pour des séries philosophiques comme Le Prisonnier ou Dr.House, pas pour une série qui se prend moins au sérieux. Ainsi, toutes les discussions autour de la religion sonnent creuses. Lorsque la psychanalyse et l’adultère s’invitent là-dedans, on sombre dans un éparpillement terrible. Les dialogues sont acérés comme on les aime, mais tournent à vide, perdant leur efficacité. Le salut vient encore de Dave and Mad’ qui renversent ici leurs positions morales. David le libertin se montre d’un étonnant puritanisme sur le thème de l’adultère, alors que l’austère Maddie est d'un pragmatisme cynique en acceptant tout à fait qu’un prêtre puisse casser un mariage, car c’est un « client » ! David fait par ailleurs une chose monstrueuse dans l’épisode : il refuse l’argent du prêtre, dégoûté de la tournure licencieuse de l’affaire. Une inversion de rôles crédible et réussie. L’affrontement final avec le méchant de l’histoire remonte le niveau de l'enquête, surtout avec le « miracle de Dieu », gag tellement énorme que seul Moonlighting pouvait l’inventer ! La coda est merveilleuse, bouclant le running gag de l'épisode : après le psychologue et le prêtre qui s'endorment devant les confessions de Maddie, c'est cette fois David qui ronfle, alors qu'elle lui disait quasiment une déclaration d'amour. Eh zut, pour une fois que Maddie lui ouvrait son coeur... une occasion manquée qui monte à la puissance 1000 la tension sexuelle. En parallèle, on suit une Agnès rancunière qui cherche à éjecter ce pauvre Bert de l’agence pour avoir repoussé ses avances. Le jeu d’Allyce Beasley est aussi léger qu'une division de chars Leclerc, pour un résultat comique vertigineux. On sent la gène de Bert, déjà le personnage le plus sympathique de la série (comme le montre le joli plan final), d’être à l’origine de tant de soucis. Dommage que cette relation n’occupe que trop peu de temps, mais les scénaristes ont déjà une relation hors-norme à gérer. Patience !
6. MARIAGE SECRET
Réalisation : Christian I. Nyby II et Stanley Donen Je me faisais une fête d’aller à cet enterrement ! Pendant ma seconde année d’université, j’ai eu ce petit accrochage avec ma prof de chimie, Mme Doberty. […] Ca s’est produit à la suite du rapprochement que j’ai fait entre une certaine partie de son anatomie et la partie renflée d’une cornue de labo… Au sortir d’une affaire ratée, David apprend que son ex-beau-frère vient de décéder dans un accident de voiture. Il va à son enterrement à New York laissant une Maddie bouleversée d’apprendre que son collègue a été marié dans le temps. Ne résistant pas à la curiosité, elle part à son tour à New York pour en savoir plus sur l’ancienne Mme Addison… Big man on Mulberry Street est un joyau quintessencial de la série. Il faut dire que Moonlighting y est allé fort en engageant une des meilleures scénaristes de série télé : Karen Hall. Cette dernière écrit une histoire simple mais sans cesse relevée par de merveilleux traits de génie, au point de jouer sur le même terrain que l’insurpassable The dream sequence always rings twice (saison 2). La relation David-Maddie est plus électrique que jamais et l'épisode trouve un climax avec un ballet fantastique de six minutes sur une chanson spécialement écrite pour la série par le grand Billy Joël, et chorégraphiée par l’immense Stanley Donen, un des plus grands maîtres de l’âge d’or de la comédie musicale !! Christian Nyby s’approprie totalement cet épisode, sa mise en scène est la pierre de touche de cet épisode génial. Nous commençons in medias res avec un David, sale, ayant un coup dans l’aile, qui sabote l'affaire en cours dans les règles de l'art. C’est la débâcle, et la dispute qui s’ensuit est un bijou de répliques à la nitroglycérine. Maddie nous régale d’une crise de fureur qui explose à chaque instant, rendant le détachement de David encore plus sidérant, toujours à la limite de recevoir une belle droite de la dame, dont l’on sait qu’elle a un punch d’enfer (L’homme qui parlait trop, Symphonie pour deux escrocs). L’épisode entame une bascule hardie avec l’annonce du décès du frère de Tess Addison, la première femme de David. La séquence est magnifiquement filmée avec un Bruce triste mais sobre et une Maddie compatissante et douce. Mais au travers d’un éclat dans son regard, d’un geste compulsif, pointent une soupçon de jalousie. Maddie ne peut s'empêcher de se sentir menacée par cette ex-femme tombée du ciel, qui démontre contrairement à ses préjugés (et aux nôtres ?) que David est capable de s’engager. Durant tout l'épisode, chaque scène sera shipper, chaque scène sera un chef-d’œuvre d’émerveillement ou d’émotion. L’épisode atteint un climax inouï avec un ballet époustouflant où Maddie rêve la rencontre puis la séparation entre David et sa femme. La chanson de Billy Joël est une merveille jazzy, la chorégraphie de Stanley Donen, digne de l’âge d’or. Le défi est de taille car Bruce Willis n’étant pas danseur, tout va reposer sur sa partenaire féminine. Mais de ce côté-là, la fougueuse, l’ardente Sandahl Bergman (la fameuse Valeria dans Conan le Barbare), danseuse professionnelle, est tout simplement parfaite. D’une sensualité explosive, elle accomplit un numéro de séduction au cordeau. Bruce ne fait cependant pas tapisserie, portant sa partenaire à bout de bras, synchronisant ses mouvements, et se montrant aussi hot qu’elle. Le chorus alentour est enthousiasmant, et le décor, coloré et classieux à souhait. A la fin, seul et abandonné, David rencontre Maddie : robe à bustier d’un bleu éclatant, cette dernière retrouve les réflexes de The dream sequence... avec un roulage de pelle absolument torride, sauvage, et bestial. Le rêve dérape ! C'est ainsi que l'inconscient de Maddie avoue qu'elle ne songe qu’à conquérir Dave, ce qui ne peut qu'exploser le shipperomètre des fans. Cette scène est une claire auto-citation de Stanley Donen : comment ne pas penser à Singin’in the rain (1951), et le célèbre numéro de Cyd Charisse vampant Gene Kelly, avant de partir avec un autre homme ? Dans les deux cas, la femme est dominatrice, mène la danse, pour un moment de pure magie. Notons qu'en 1982, Claude Pinoteau avait rendu hommage à cette séquence d'anthologie dans La Boum 2 où Sophie Marceau imitait brièvement Cyd Charisse. L’épisode contourne l’écueil de l’anticlimax avec David et ses compagnons dans un bar chantant en coeur la chanson Top Cat, pour un résultat délirant et plein de bonne humeur comme pour exorciser la présence de la Mort. Mais la diabolique Hall fèle l’harmonie avec la dispute du lendemain. Adroitement, cela débride en Maddie ses sentiments lorsqu’elle va voir Tess (Marilyn Jones, précisément sobre). Dans un magnifique plan où elles se jaugent, de profil, avec en arrière-plan l’immensité de NY, la vérité sort tout entière. David avait soigneusement caché le détail le plus « honteux ». L’attitude de David envers les femmes est plus troublante qu’on le pense. Tess fut un amour d’enfance, mais aussi une erreur de jeunesse. Le rapprochement avec Gillian Armstrong nous fait conclure que David, séducteur et amoureux des femmes, a également une rancune envers elles, car ses deux amours l’ont profondément meurtri. On ne cherche plus pourquoi il n’ose pas accepter un nouveau sentiment amoureux envers Maddie, malgré son désir. En dépit du gag hilarant du chauffeur de taxi, on ressent l'amertume à l’idée du pardon espéré par Tess que David ne lui accordera jamais. David a besoin de quelqu’un en qui il peut avoir confiance. Maddie est cette personne. Finalement, l’épisode ouvre une perspective effrayante : David ne veut peut-être plus séduire Maddie, de peur que cela détruise leur amitié dont il a viscéralement besoin, alors que Maddie est prête à passer le cap. Cette inversion des personnages, la plus osée de la série, est bien pessimiste, mais si belle… La scène de danse est disponible ici. Infos supplémentaires : 7. ROCK AROUND SHAKESPEARE
Scénario : Ron Osborn et Jeff Reno, d’après une idée de William « Budd » Shakespeare (sic !) La Mégère apprivoisée est un excellent choix, car permettant de transposer les engueulades David-Maddie (Petruchio-Katerina), et surtout d’entâsser jusqu’au vertige des gags de fous furieux. En furie déchaînée, Cybill Shepherd parvient encore à repousser les limites de son jeu. Disons-le tout net, elle éclipse haut-la-main toutes les précédentes interprètes de Katerina, y compris Elizabeth Taylor, bien aidée par un scénario qui lui exige d’en faire 150000 tonnes. Satisfecit au couple secondaire incarné bien entendu par le duo Beasley-Armstrong, tout en légèreté. Avec l’arrivée de Petruchio, on abandonne toute vraisemblance. Il chevauche un fier destrier (marque BMW !!) à Ray-Ban et fait le pitre, mordant dans le premier poulet venu, fracassant un tonneau de vin, se trompant de scénario… jusqu'à un pastiche de film de Kung-fu !! Petruchio se présente à Katerina, et là, ça devient atomique, tellement tout devient fou, avec anachronismes et accessoires délirants, disputes tonitruantes où Petruchio fait du machisme puissance 1000, et Katerina du féminisme hard puissance 10000. Poursuites dantesques, bagarres d’anthologie, objets qui volent (dont un pur remake de la scène de Shining « Here’s Petruchio ! »), et dialogues aussi ravageurs qu’une Grosse Bertha. Quel feu d’artifice ! La scène du simulacre de mariage à l’église est à peine plus calme, avec notamment une fiesta où on danse un rock endiablé - on est à quel siècle déjà ? Au passage Bruce Willis chante très bien. Puis, c’est la nuit de noces, et là, ça vole encore dans tous les sens. Les rituels de la série sont redistribués comme les avances grossières de Petruchio, le puritanisme de Kate, et surtout un immense dialogue de sourds. Pendant que Alf Clausen continue de nous régaler d’une musique archaïsante, jouant des variations allègres et baroques des thèmes musicaux de la série, on assiste aux tentatives du mari d’amadouer sa femme, et se recevant des râteaux de plus en plus massifs, jusqu’à carrément la dynamite !!! Perso, j’ai cessé de compter les anachronismes à ce moment-là… Dans la pièce, à force de privations, vexations, humiliations, le tyrannique mari soumet sa femme qui devient toute gentille et crétine, gobant tout ce qu'il lui dit son mari. A la fin, la morale est tirée : femme, sois soumise à ton mari, en toutes circonstances. Ce dénouement tout à fait normal à l’époque étant irregardable aujourd’hui, Reno et Osborn doivent s’assagir pour réactualiser le tout : Kate va s’adoucir, mais seulement quand Petruchio commence à la traiter plus aimablement. Bruce Willis joue tellement faux en macho prétentieux que ça en devient extatique. Feignant d'accepter l'égalité homme-femme, Petruchio brise la dernière résistance de sa femme. La scène les voyant le lendemain, allongés sur le lit après leur nuit commune, a fait soupirer nombre de fans. Réitérant la même torture que The dream sequence, avec cette fois la nuit commune remplaçant le baiser, les scénaristes continuent de nous asticoter ! Sauf que Kate surprend une conversation lui apprenant qu’elle n’était que l’objet d’un pari entre son mari et son père. Et là on transpire à l’idée de sa vengeance... Malheureusement, le Big finish annoncé est terriblement anticlimatique. Dans leur volonté de remplacer l’acrimonie machiste de l’auteur par le triomphe de l’égalité homme-femme, Reno et Osborn se perdent quelque peu dans le prêchi-prêcha, et oublient les gags. A l’appui de cette coda plus faible, les acteurs sont toujours aussi classe. On aime heureusement comment Petruchio, qui comme David est un bon gars au fond, reconnaît ses torts publiquement dans un vibrant discours. Il la conquiert ainsi totalement en la respectant. C’est sur un ultime gag que se conclut cet épisode qui assume à fond son côté décalé. On apprécie le retour dans le réel avec le jeune fan déçu d’avoir raté l'épisode tandis que sa mère, sans rire, lui assure qu’il n’a « rien manqué » ! Oui seulement un des épisodes les plus dingos de la télévision… On regrettera toutefois que le couple secondaire Bianca-Lucentio n’ait jamais l’occasion d’exister contrairement à la pièce. Moins grave, plusieurs péripéties de la pièce comme le travestissement en tuteur ou l’échange maître-valet sont absentes de l’épisode. Mais dans une durée de 42 minutes, il était difficile de tout caser. Qu’importe, Atomic Shakespeare est un suprême et rarissime éloge en faveur de l’humour sans limites. Un des épisodes les plus réputés de la série, y compris par ceux qui n’en sont pas fans. Il est à noter que profitant de la popularité du show auprès du jeune public, beaucoup de professeurs anglais diffusèrent à l’époque cet épisode dans leurs classes !! Devenir une référence en cours de littérature, voilà bien l’ultime exploit de ce chef-d’œuvre. - Jeff Reno et Ron Osborn avaient au départ simplement l'idée de transposer Shakespeare dans Clair de Lune. C'est Glenn Gordon Caron qui eut l'idée de La Mégère Apprivoisée, selon le producteur James Agazzi. (source : Memories of Moonlighting) - Un des épisodes préférés de Curtis Armstrong et Bruce Willis. Cybill Shepherd déclare que ses costumes ont été très lourds à porter (jusqu'à 18 kg !). La scène où elle est ligotée dans l'église notamment, fut un vrai supplice. (source : Memories of Moonlighting) 8. L'ANGE GARDIEN
Scénario : Debra Frank et Carl Sautter Je sais qui vous êtes, vous êtes un rêve, une indigestion, ou un excès de boisson. Tout ne tourne pas rond pour Maddie Hayes : sa tante vient de mourir et elle n’est même pas passée la voir à l’hôpital. De plus, elle subit la colère de ses employés qu’elle force à travailler durant les fêtes de Noël à cause d’une affaire en cours. Elle en vient à souhaiter n’avoir jamais sauvé l’agence. C’est alors qu’Albert, son ange gardien, lui apparaît. Il lui fait voir le monde tel qu’il serait si Maddie n’avait pas sauvé l’agence. C’est le début d’un long cauchemar… Après avoir rendu hommage aux films noirs des années 40 (The dream sequence always rings twice, saison 2), Frank et Sautter n’ont décidément peur de rien et pastichent cette fois ouvertement - jusque dans son titre original - le chef-d’œuvre de Frank Capra It’s a wonderful life (1946) ! Ce sublime film de Noël, d’un optimisme euphorique, est en lui-même si parfait que Moonlighting avait tout à y perdre à en produire un remake (d’autant que la version comique de La Quatrième Dimension : Cavender is coming, avait été un pur désastre). Finalement, en dehors de quelques facilités, le diabolique duo Frank-Sautter évite toute niaiserie, et bâtit un épisode émouvant et intense. Ils n’oublient pas non plus d’explorer les sentiments du duo central pour un résultat magnifique. On comprend tout de suite que l’épisode ne jouera pas sur l’humour, mais sur l’émotion. L’ironique scène où les employés décrochent les décorations de Noël… alors que ce n’est pas encore Noël ! prélude leur fronde contre Maddie. Même le délirant David ne peut rien y faire. Maddie subit ici son portrait le plus antipathique de la série. Prisonnière d’idées flirtant avec l’objectivisme d’Ayn Rand, elle exalte le professionnalisme, réduisant considérablement la vie privée de ses employés. Problème que cette solitaire ne connaît pas. Mais la vision de Glenn Gordon Caron est claire : elle n'est pas méchante, elle pallie le vide de sa vie privée par le travail, et il faut y voir comme un instinct de survie plutôt que de l’égoïsme. Se noyant dans le travail, plus important pour elle que les « futilités » des fêtes de Noël, elle s’interdit tout abandon à des valeurs plus importantes : famille, altruisme, amitié… Elle a aussi perdu toute foi dans le merveilleux, avec un rationalisme dévastateur, cause d’un athéisme en fin de compte désespéré. Cette charge contre Maddie est féroce, et David ne se prive pas de lui donner des leçons de morale (c’est le monde à l’envers !). Elle peut paraître un contresens vu son relatif adoucissement depuis quelque temps. Par ailleurs, ce portrait sévère ne manqua pas de faire grincer les dents non seulement des fans, mais encore des businesswomen qui se sont senties visées à l’époque. En réalité, elle était nécessaire pour donner toute sa valeur à l’histoire qui va suivre. On remarque que l'ange gardien révèle son identité alors que Maddie, au sommet de l’immeuble, fixe le vide, exactement comme George Bailey (James Stewart) au sommet du pont. Albert s’avère aussi sympathique que Clarence, son prédécesseur, et drôle sans céder à la malice. Il fallait trouver un acteur pouvant succéder à la générosité d’Henry Travers, et heureusement, Richard Libertini parvient à insuffler humanité et émotion à Albert. Le récit se voit articulé en quatre grandes étapes, qui établissent un crescendo cauchemardesque. Maddie découvre d’abord que l’agence Blue Moon n’existe plus (première conséquence du choix « alternatif » ) et a été rachetée par… Jonathan et Jennifer Hart ! La série rend ainsi hommage à Pour l’amour du risque, fameuse série où un riche couple marié s’improvise justiciers amateurs. Ce n'est pas anodin : Hart to Hart était la prédécesseure de Moonlighting sur ABC le mardi soir ! Si on regrette de ne pas voir cet inénarrable duo, Maddie a l’occasion de parler à Max, leur maître d’hôtel ; un joli clin d'oeil ! On peut peut-être voir aussi une pointe d’ironie de la part de Glenn Gordon Caron qui au moment de créer Clair de Lune, avait subi la pression de la production pour construire un couple semblable aux Hart ! On voit ce qui serait arrivé à l’entreprise rachetée par les « justiciers millionnaires » : une boîte sérieuse, des employés opiniâtres, une salle d’accueil en effervescence... L’horreur, quoi. Nouveau palier franchi avec le nouveau David. Maddie est sûre que ce bon à rien doit être un clochard au chômage… raté, il est devenu très riche et est même fiancé à une bombe atomique : la pulpeuse mannequin Cheryl Tiegs (dans son propre rôle). Or, Cheryl semble très heureuse et il est visible que ce n’est pas que l’argent de David qui l’a attirée, mais bien David lui-même. Maddie peut bien feindre l’indifférence et le mépris, elle n’en est pas moins dévastée par ce choc, d’autant que le couple habite désormais SA maison qu’elle a été forcé de vendre suite à une « mauvaise année ». On apprécie la petite visite de Richard Addison dans la scène. David est capable de rendre une femme heureuse, son côté gentleman responsable, que Maddie refusait de voir lui éclate à la figure (on en reparlera avec Annie). Quant à la fortune de David, elle s'explique par le fait qu'il est débrouillard et que la fin de l'agence lui aurait donné le coup de fouet nécessaire pour rebondir. Les saisons suivantes montreront d'ailleurs la capacité de résistance de David face aux coups du destin. Là, nous nous écartons du schéma du film originel car dans cet univers alternatif, David a bien plus que ce qu'il a dans notre "réalité". En fait, c'est pour faire évoluer le personnage, renforcer l'émotion de Maddie et bien crever son ego, et peut-être éviter le copier/coller mécanique avec le film en instillant une originalité que nous avons une telle scène. Cela se comprend. Maddie est de nouveau face à ses sentiments envers David - lâchant un « Oh David » impuissant - lorsqu’elle le voit définitivement perdu pour elle. La longue conversation entre les deux frères est le sommet émotionnel de l’histoire, où David a une pensée attendrie mais fugitive d’elle - dans cette réalité alternative, elle n'est qu'un lointain souvenir. Il reste encore une étape à franchir pour que Maddie sombre dans la déchéance la plus totale. Refusant obstinément de changer, elle accepte envers et contre tout cette nouvelle réalité - à la différence de George Bailey - Le revers est terrible : c’est elle qui est devenue pauvre, sans logis et sans amis ! Elle se voit dans sa voiture, fonçant droit vers la mort. Maddie comprend trop tard qu’elle va se suicider. Elle a laissé passer sa chance de revenir, et Albert ne peut plus rien pour elle. Seul le twist final sauvera le tout, à la clé une superbe scène finale. L'on comprend cette fois que Maddie, malgré son talent de businesswoman, aurait échoué à remonter la pente car il lui manquait ou l'empathie avec l'Autre (David) ou une absence de morale qui lui aurait permis de s'élever en écrasant tous ceux qu'elle aurait rencontrés (Agnès). Evidemment, ce sera la première solution que choisira Maddie dès son retour dans le réel.
9. LE TORCHON BRÛLE
Scénario : Glenn Gordon Caron Réalisation : Jay Daniel - Comment vous vous êtes rencontrés, David et vous ? Vous vous souvenez de votre première rencontre ? - Il est sûr que ce jour-là, j’aurais mieux fait de me casser une jambe. Il faut pas avoir peur, Johnny, on est simplement en train de tourner le feuilleton Clair de Lune ! Alerte rouge à l’agence Clair de Lune : Maddie et David ne se supportent plus et refusent de se voir, mettant la série est en péril ! Pour sauver la situation, la fameuse chroniqueuse people Rona Barrett interroge les quatre protagonistes du show, pour qu’ils puissent parler de leurs problèmes, et trouver une porte de sortie… S’il existe une mode qu’on aimerait que les séries cessent de suivre, c’est bien celle du « clip-show ». Ce procédé, inventé plus ou moins par accident par Chapeau melon et bottes de cuir (Homicide et vieilles dentelles, saison 6) consiste à faire défiler des images d’épisodes précédents sous n’importe quel prétexte. L’épisode remplit alors la simple fonction de « bouche-trou ». Il s’agit généralement d’une demande imposée par la chaîne pour faire des économies. Dans le cas de Clair de Lune, il faut rappeler que c’est une série extrêmement compliquée à écrire et à dialoguer (un script d’épisode de 45 minutes fait 50 pages en moyenne, contre 90 pour Clair de Lune !). Et que jamais la série réussit à imposer les 22 épisodes réglementaires par saison, coûtant du temps et de l’argent à la chaîne. Pour limiter la casse (accentuée par l'épisode Shakespeare qui avait dépassé le budget habituel), Glenn Gordon Caron saisit lui-même la plume. Il se démène comme un beau diable pour maintenir l’intérêt. La prestigieuse Rona Barrett (dans son propre rôle) en médiateur est un atout de choix. De plus, la relation off-screen entre Cybill Shepherd et Bruce Willis se dégradait furieusement à ce moment-là. Les deux stars de la série, par un ironique coup du sort, avaient copié leurs relations sur celles de leurs personnages : un amour-haine explosif dû en partie à leurs querelles d’egos. Le public et les critiques étaient au courant, et Caron, malicieusement, joue là-dessus, c’est quand même bien joué. On notera que tout le monde a l’air d’être fan des potins de Rona, rappelant la prédilection qu’ont les Américains des potins people, et qui malheureusement, se propage un peu partout dans le monde. Ainsi, l’épisode a un côté documentaire qui n’est pas déplaisant. Et chaque retour en arrière est finalement légitimé. Porte-parole du spectateur, Rona Barrett pose au quatuor les questions et les observations qu’il souhaite poser : pourquoi restent-ils ensemble ? D’où vient leur blocage ? Malheureusement, les réponses ne sont guère satisfaisantes, étant soit simplettes, soit éludées, et de plus noyés dans le clip.
Infos supplémentaires : - Le titre de l’épisode vient de l’expression Get the straight poop of something, désignant la manie de toujours vouloir examiner le moindre détail d’une situation, d’une nouvelle, etc. - A part la scène de T’as pas une blonde ? (saison 2), nous apprenons qu'Agnès ne s’est jamais disputée avec David. - Une curieuse erreur : originellement, dans T’as pas une blonde ? Maddie danse avec Richard sur If only you knew de Patti LaBelle. Or, dans cet épisode, on entend A natural woman d’Aretha Franklin ! Pourquoi cette différence ? Mystère… - Un autre épisode comportera un bêtisier final : La guerre des sexes (saison 5). 10. POLTERGEIST 3
Réalisation : Christopher Hibler Enregistrement 48, je crois que j’ai mouillé ma culotte. - Mon Dieu, mais c’est… - Carte de crédit de la société, employé à plein temps n°007, autorisé à dépenser ! Emily Renborn, adepte du spiritisme, a une émotion violente lors d’une « séance ». Quelques heures plus tard, un hurlement retentit et on la découvre terrorisée, immobile. Elle est envoyée à l’asile. Malgré les protestations de Jake, son mari, Margaret, sœur d’Emily, consulte Maddie et David. Mais ces derniers, peu emballés, refusent. Agnès, frustrée par cinq ans d’inactivité, s’improvise détective et décide de résoudre l’enquête ! Elle est bientôt rejointe par Herbert. Notre duo totalement inexpérimenté va donc se mesurer au terrible fantôme des lieux… Poltergeist 3, hilarant pastiche des films d’horreur, est certainement un des épisodes les plus sous-estimés de la série. Les fans ont dans l’ensemble mal digéré la quasi-absence du duo central, remplacé par les deux « sidekicks » Agnès et Herbert. Pourtant, le deuxième couple de la série, trop souvent mésestimé lui aussi, a un charme pétillant et irrésistible. D’une incompétence et d’une drôlerie largement massives, nos acteurs font un brillant numéro comique. Le scénario de la fantastique Karen Hall, bien aidée par Charles Eglee, multiplie les rebondissements jusqu’au deus ex machina final, génial d’ambiguité. La réalisation d’Hibler et la musique d’Alf Clausen couronnent cet épisode enlevé et festif. Ca commence comme dans un bon vieux film d’horreur des familles, avec appel des esprits, table qui bouge, sceptique de service, apparition terrifiante, tout cela est classieux à souhait. Nous voici maintenant à l’agence où on commence assez fort avec une dispute… Herbert-Agnès (eh oui, faut parfois varier les plaisirs). Les dialogues cinglants et les crises de fureur sont remplacés par des chamailleries enfantines décalées. Agnès est plus que jamais une femme-enfant qui pleure quand on ne lui donne pas son jouet (mémorable revendication syndicale devant Maddie et David totalement largués), Bert veut rouler des mécaniques comme un vrai mec, mais n’y réussit qu’imparfaitement (euphémisme). Agnès n’a toujours pas pardonné à Bert qu’il l’aie rejetée et fait tout pour le rendre mal à l’aise, via répliques cassantes et regards qui tuent. Le pauvre garçon, timide à l’excès, a les plus grandes difficultés à lui parler franchement. On sent qu’il partage malgré lui ses sentiments. On s’amuse de ce couple OVNI joyeusement rafraîchissant. Au fond, ces deux-là sont tellement pathétiques et mignons à la fois qu’ils ne peuvent qu’attendrir le spectateur.
Agnès se sent dans la maison hantée aussi bien qu’un poisson sur le sable chaud. Hibler, par un suggestif travelling arrière, nous fait découvrir ce manoir sorti tout droit d’un studio de la Hammer. Du coup, Agnès roule les yeux, a la bouche ouverte, tremble comme une feuille, bref, panique à mort. Ce décalage absolu entre la sinistre maison et le cabotinage sans limites de la peureuse de service fait mouche systématiquement à chaque gag, chaque réplique - mention au « fantôme impoli » ! L’apparition surprise de Bert en esprit des ténèbres bidon sous la pluie (sur la musique de l'Exorciste !) est un sacré moment, et on sourit de la première étreinte mutuelle entre les deux futurs tourtereaux, vite interrompue par un Herbert ayant du mal à soulever virilement sa partenaire et par une querelle d’egos joyeusement décrédibilisée par le jeu outrancier des deux comédiens. Hibler a beau diriger l’épisode avec brio vers l’horreur, l’histoire vers une machination diabolique… toute tension est anéantie par notre couple de bras cassés qui ne cesse de gaffer ou de crier à contretemps. Les personnages ultra caricaturaux participent pleinement à la réussite de ce pastiche. Même la mort brutale d’un des protagonistes ne parvient pas à nous faire peur. En incapables massifs, Bert et Agnès atteignent des sommets rarement atteints depuis Max la Menace. Même les Lone Gunmen ont l’air de professionnels à côté ! Les coups de théâtre se succèdent avec une précision métronomique. Comme David et Maddie, notre duo du jour a le don de se retrouver dans de sacrées mélasses, se débrouillent comme des novices face au diabolical mastermind. Evidemment, grâce à leur incompétence, ainsi que par un coup du destin qui fait virer l’épisode dans un Fantastique absurde de dernière minute, ils triompheront ! Pour terminer, même s’ils n’ont que quelques lignes à dire, David et Maddie marquent en étant au début de l’affaire tout à fait d’accord, ce qui ne manque pas de stupéfier David (et nous), certain qu’il s’agit de la preuve qu’ils sont faits l’un pour l’autre ! Maddie, bien entendu, est d’un avis légèrement différent.
11. AUPRÈS DE MA BLONDE
Scénario : Kerry Ehrin Maddie surprend les employés en train de faire un strip-poker dirigé par David (où les femmes sont curieusement malchanceuses), et là coup de théâtre : PAS de dispute ! Préfigurant étrangement le Never again des X-Files, Maddie traverse une crise existentielle. Cybill Shepherd est bien plus convaincante dans ce registre qui ne lui avait guère réussi dans In God, we strongly suspect (saison 2). La dispute est remplacée par un amusant exercice de style : conscient qu’il est un personnage de fiction dont la fonction est de se disputer avec sa partenaire, David est révolté de ce manque de professionnalisme et tente vainement de provoquer une dispute, soit un cassage malin du 4e mur. Elle finit par avouer à David sa frustration sexuelle. Sous nos yeux hallucinés, la collet monté Maddie rêve d’un one-night-stand avec un inconnu dans une chambre d’hôtel, rêve d’être prise, possédée par un homme, un vrai. On ne reconnaît absolument pas Maddie, comme Agnès naguère dans Mortellement vôtre. Les dialogues sont d'une crudité assez étonnante, y compris aujourd'hui.
Maddie ne pense pas à David comme partenaire potentiel. Pas mal de fans s’en plaignirent car après les baisers qui se sont multipliés ces temps-ci, les déclarations mutuelles, la tension sexuelle omniprésente… Maddie devrait voir l’évidence ! Pourtant, ce revirement s’inscrit tout à fait dans le Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis de notre couple, dans ses perpétuelles voltes-faces. Sans doute Maddie a-t-elle peur de s’engager ne serait-ce que dans une aventure avec quelqu’un de trop proche (l’unique homme de sa vie comme David lui faisait remarquer dans Radio assassin, saison 1). Et puis, David est tellement loin de l’idéal masculin anachronique de Maddie que, quand on y pense, voir cette dernière se jeter soudainement sur lui n’aurait pas été plus crédible. Un suspense très fort s’engage lors de l'hénaurme quiproquo des deux blondes (chez Moonlighting, plus c'est gros, plus ça passe) car l'on ne cesse de songer à l’imminence du clash futur. On est admiratif de la mise en scène sombre et pluvieuse de Jay Daniel. Le producteur exécutif de la série, bien qu’il ne soit pas réalisateur, trouve à chaque fois l’endroit juste, la bonne inspiration. Le suspense puissant de la filature s’intensifie et culmine lors de la scène de l’hôtel qu’on croirait sortie tout droit de Die Hard ! Bruce Willis fait bien plus John McClane (l’efficacité en moins) que David Addison avec son crescendo abyssal d’emmerdes successives, finissant par un plongeon spectaculaire dans une benne à ordures ! Un peu d’émotion quand on voit le visage ravagé de David contemplant le début de la scène d'amour. Si c’est pas de la jalousie ça… Toutefois, cette séquence souffre de quelques longueurs.
Si on fait abstraction de quelques facilités comme l’évacuation rapide et inexpliquée d’Herbert ou le symbolisme lourdaud de la pluie, cet épisode ouvre très bien une nouvelle ère dans la série. La substitution de la chanson de la série par une autre au générique de fin le confirme amplement. Affaire à suivre ! - Le double épisode 6.06/6.07 Hey baby, what's wrong ? de la série 30 Rock fait allusion à cet épisode. Dans la seconde partie de l'épisode, Lutz repère une jeune femme esseulée sur un banc qui lui tourne le dos. Il la drague avant de se rendre compte qu'il s'agit de sa patronne, comme David se trompant de blonde. Tracy Jordan fait alors allusion à la série en disant : About time ! The last six years has been like watching 'Moonlighting'. - Maddie aime la double vodka.
Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director, d’après une histoire de Karen Hall, Jeff Reno, et Ron Osborn
Malicieusement, les scénaristes continuent de nous surprendre. Alors que David et Maddie ont l’habitude de se disputer pour des motifs stupides, David qui a ici toutes les raisons de peter les plombs parvient à rester courtois et affable, alors qu’on le sent au point du rupture. La dispute avec Maddie a bien lieu mais ce n’est pas les éclats de voix traditionnels, plutôt un échange d’ironies, de sarcasmes où David, exaspéré mais maître de lui, tente d'arracher à Maddie son escapade nocturne. Le ton ironique de leur dispute est finalement plus glaçant que l’hystérie habituelle, et le tempo reste très enlevé. Certes on peut encore renâcler que Maddie ait encore une fois le mauvais rôle, préférant sortir avec Sam et exigeant de David qu'il résolve tout seul l'affaire du jour, soit un comportement peu professionnel. Mais on peut comprendre une telle attitude : Maddie demeure une déracinée après la fin de son existence pailletée et n'assumait plus son vide sentimental et existentiel, contrairement à un David plus hédoniste et optimiste.
Mark Harmon était connu à l’époque pour être un sex-symbol des années 80. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’il ait très souvent tenu comme ici des rôles de tombeur de ces dames. Sam n’est pas si loin de Jethro Gibbs - lui-même assez séducteur - Mais à la différence de l’agent monolithique de NCIS, Mark Harmon ne rigidifie pas son jeu, et donne ici une interprétation brillante et sans emphase. Malchance terrible pour David, Sam Crawford est tout simplement l’homme idéal. Terriblement beau (bien plus que Bruce Willis, c’est évident), d’une courtoisie inaltérable, d’une patience infinie, d’une humilité sincère, il est tellement parfait qu’on ne peut que comprendre l’attirance de Maddie. Le comédien évite toute fadeur que peut entraîner un tel rôle par quelques aspérités, quelques détails dans son jeu tout à fait judicieux. David, malgré toute sa gouaille - inhibée par la peur - n’est pas de taille à lutter contre lui et commence à s’enivrer. Le dîner tourne rapidement à son désavantage. Le beau Sam ne cesse de nous impressionner par sa « perfection », David devient de plus en plus lamentable via l’alcool et le défaitisme et reconnaît qu’on ne peut qu’aimer un tel bonhomme. A moins d’être de mauvaise foi, le fan sera du même avis et dira comme David : You are all right, rat bastard !
13. TU PLEURES, MADDIE
Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director, d’après une histoire de Karen Hall, Jeff Reno, et Ron Osborn Réalisation : Allan Arkush - Les affaires sont toujours un plaisir avec vous. - Vous avez déjà trop bu à cette heure-ci ? - Vous avez consommé pas mal d’alcool hier soir, comment vous sentez-vous ? - Une transplantation du foie me ferait du bien. Maddie est complètement chavirée : elle n’a pas le courage de renoncer à David, et se retrouve tiraillée entre lui et Sam. Au bord de la rupture, elle se remet quand même au travail et suit à son tour l’affaire Johnson - qu’Herbert Viola n’a que partiellement résolue - mais son douloureux dilemme ne la laisse pas en paix... Le troisième mouvement de cette symphonie dramatique, scherzo féroce et endiablé, maintient la qualité de l’arc Sam Crawford. Si l’histoire se retrouve dans n’importe quel soap opera bas de gamme (une femme qui hésite entre deux hommes totalement différents), la manière de la raconter - de plus insérée dans une enquête palpitante et mystérieuse - fait toute la différence. Portée par l’interprétation fabuleuse de Cybill Shepherd, déchirée dans un choix cornélien entre le nice guy et le bad boy, l’épisode mélange avec brio le drame sentimental, jamais dégoulinant, toujours émouvant, du trio ; avec l’humour délirant de la série, en soupape depuis le début de l’arc. On émerge de l’épisode dans un état euphorique et plein d’espoir. La série fait plus que jamais participer ses fans dès la fantastique introduction où les fans de la série sont interviewés dans la rue à propos des épisodes précédents ! Ce télescopage avec la réalité a d’autant plus d’effet que les fans ne cessent de confondre les noms des personnages et des comédiens, du genre : Maddie a un rendez-vous avec Mark Harmon, Willis s’est fait démolir par Sam, etc. Les scènes pré-générique demeurent toujours une carte de visite sûre pour Moonlighting ! Glenn Gordon Caron réutilisera d'ailleurs le même gag au début de la saison 5 de Médium. David n’a plus le courage d’avouer ses sentiments et se referme dans son déni amoureux qu’il avait mis tant de temps à briser. Après David, c’est au tour de Maddie de passer sur le chevalet de torture. On ne peut s’empêcher de pointer l’ironie de la situation : alors que Maddie désespérait de trouver un mec, en voilà deux à ses pieds, et c’est un de trop ! Cette sérénade à trois permet à Cybill d’exploser de talent dramatique et d'émotion. La première dispute (ah, on retrouve les disputes !) avec David est un grand déballage de linge sale et de détours fuyants où chacun nie ses sentiments - dialogues virevoltants au menu. En privé, chacun est peiné de leur platonisme (Maddie se plaint qu’il n’y ait « rien entre David et elle ») : David tente piteusement d’exciter la jalousie de Maddie avec une amante imaginaire - atteignant les tréfonds du pathétique dans lequel le personnage plonge parfois, et Maddie avoue son indécision devant Agnès, une nouvelle fois avatar du public. Le voyant ship, base de la série, clignote avec véhémence… Sans transition, on retient Herbert Viola qui nous fait un numéro à la Jerry Lewis en totale roue libre. Pour ne pas rester sur la touche, Allyce Beasley en rajoute 300 couches dans les regards plein de désir sexuel qu’elle lui lance ; du délire pur ! Maddie va voir David chez lui. Amère ironie : nous voyons que l’appartement de David est aussi grand qu’il est vide de tout ameublement. Une demeure froide et solitaire, à l’image du David intérieur. Se met en place une merveilleuse élégie où nos deux amis se rapprochent. Chacun exprime (mais toujours implicitement) leur attirance mutuelle. Tendre et chaleureuse, leur scène - contrastant avec le décor glacé - est d’une beauté à se pâmer. Et puis, comment ne pas frémir en entendant : Et maintenant, le BIG FINALE !!!! Infos supplémentaires : 14. CURIEUSEMENT... MADDIE
Scénario : Glenn Gordon Caron et Jeff Reno, d’après une histoire de Karen Hall, Roger Director, Charles H. Eglee, et Ron Osborn
Inutile de dire que cet épisode, point névralgique de toute la série, n’avait pas droit à l’erreur. Pas moins de six scénaristes - dont le créateur - se relaient pour l’écrire, car Moonlighting doit préserver sa réputation de show délirant et sans cesse inattendu. Soyons objectif : en lui-même, l’épisode souffre des prémices de la direction que va prendre le show dans les saisons suivantes, très soap opera, avec quelques scènes flirtant dangereusement avec le sentimentalisme. Cependant, les dix dernières minutes comptent à juste titre comme un des plus grands moments de l’histoire de la télévision. La scène finale, long crescendo érotique fulgurant, se résout dans un climax explosif, une des plus stupéfiantes scènes d'amour que le 7e art a pu nous donner ! Elle est au cœur d’une controverse qui encore aujourd’hui divise les fans de la série : la violence de la tension sexuelle au cours de la scène, et sa résolution furieusement passionnée, choqua nombre de fans qui s’attendaient à un final plus romantique et soft. Cela entraîne malheureusement l’histoire près des rives spongieuses du soap opera. Si l’épisode parvient à s’arrêter juste à temps, le ver est dans le fruit et va désormais ronger la série jusqu’à son annulation. Les auteurs réussissent à maintenir l’attention grâce à plusieurs moments forts, bien aidés par le trio d’acteurs. Les liens du triangle deviennent de plus en plus empoisonnants. Sam avoue son incompréhension face à l’atermoiement de sa belle. Il n’hésite pas à rabaisser David, qui en tous points (social, maturité, fortune, savoir-vivre…) lui est inférieur. David encaisse sans répondre. Son rival est dur et presque méprisant, mais il sait qu’il a raison. Et puis, David n’a toujours pas fait sa demande, lui. C’est pourtant ce qu’il essaye de faire lorsqu’ils se revoient. Maddie est consciente que David l’aime, mais elle est tellement au bord de la rupture émotionnelle qu’elle le nie. Dans un effort désespéré, elle lui supplie de lui avouer ses sentiments dans une scène flamboyante de beauté et de désespoir, où chacun est sur le point de fondre en larmes. Mais David, se sentant trop inférieur à Sam, n’a pas le courage de lui avouer. Pour la quatrième fois de l’arc, il se tait. Cette frustration couve trop longtemps dans le sein de David, on en voit les conséquences quand Agnès et Bert découvrent le bureau ravagé de leur patron. Agnès et Bert, avec un jeu plus pesant et décalé tu meurs, font une exégèse tonitruante de la relation de leurs chefs aussi juste que drôle. Dans le même temps, ils rattrapent leur retard, et pour la première fois s’embrassent tendrement. La jalousie de Bert envers Sam nous vaut une nouvelle aria di comica de Bert. Beasley et Armstrong sont comme toujours hilarants ! Le combat de coqs entre Sam et David est une touche exogène maladroite. Que David et Sam en viennent aux mains est une conclusion peu inspirée de leur lutte. Heureusement, l’intensité de la scène et les comédiens sont suffisamment forts pour nous intéresser. La scène de voiture où Sam tente de raisonner Maddie est joliment dialoguée mais la sortie précipitée du personnage par la petite porte est dure à avaler. La scène de beuverie d’Agnès et Maddie n’est pas non plus très enthousiasmante, malgré deux grandes actrices. On sent que les auteurs meublent tant bien que mal avant de déchaîner la coda. Arrive la grande bascule. Le final se divise en quatre mouvements. Premier mouvement : le long monologue de Maddie. S’adressant à Sam, couché sur le lit, elle confesse aimer Sam… et David également ! Négation et pudibonderie l'ont empêchée pendant trois ans d’avouer ses sentiments. Par cette émouvante déclaration, où sa tristesse insondable se mêle à la sérénité d’avoir enfin pu se décider, Maddie se transcende, plus émouvante et consolatrice que jamais. Elle refuse de faire un choix, et préfère se réfugier dans sa solitude, là où elle ne blessera plus personne, et surtout pas les deux êtres les plus chers à son cœur. Deus ex machina : ce n’est pas Sam qui est dans le lit, mais David !! Ce magistral twist final coupa le souffle à tous les spectateurs, et actionne un fantastique crescendo érotique. Entre un David débraillé, et Maddie entièrement nue sous le drap qu’elle a pris pour s’envelopper, le mercure grimpe vertigineusement, atteignant des sommets jamais atteints à la télévision. On sent alors la passion folle qui agite les deux corps qui se font face. On mesure l’absurdité des attentes de chacun : pourquoi exprimer verbalement leurs sentiments alors que c’était si évident ? Maddie aime David, David aime Maddie, chacun le savait, mais se retranchait derrière une peur irrationnelle, la peur de s’abandonner, de commettre une erreur. Maddie avoue accidentellement son amour en premier, mais c’est bien David qui met à nu leurs âmes, mettant fin à leur jeu du chat et de la souris. La lumière aveuglante de la vérité commence d’abord par les effrayer. Par réflexe, ils reviennent sur le bon vieux terrain de engueulade, le seul qui leur a permis de communiquer depuis leur rencontre. La troisième partie prend des allures d’une danse infernale d’injures et de mots assassins, où chacun hurle tout ce qu’il a sur le cœur. Mais la tension sexuelle ne fait que croître car durant toute cette homérique dispute, l’atmosphère devient de plus en plus instable et chaude, le body language des personnages va à l’encontre de leurs paroles : leurs corps brûlent déjà de se rejoindre, mais leurs « mentals » jettent leurs dernières forces dans la bataille pour retarder encore l’unique résultat possible. Implacablement, les "préliminaires" suivent leur cours avec un suspense violemment addictif ! Deux gifles de Maddie, David arrête la troisième en lui tenant la main. Ce simple contact charnel est l’embrasement : ils tombent dans les bras l’un de l’autre, mais leur étreinte crue et sauvage se déroule dans ce qui est certainement la lutte la plus vicieuse jamais engagée par un couple. Lèvres collées, Maddie et David, dévorés par le feu inextinguible de leur désir, renversent tout sur leur passage. Pour une série tous publics, la crudité ardente de la scène est une audace sans bornes qui tétanisa toute l’audience. Il y aura certes par la suite des scènes bien plus osées dans les séries (aucune partie taboue n’est montrée ici) mais ce seront alors des séries centrées sur le sexe (Sex and the city, Californication, Secret diary of a call-girl, etc. et la plus aboutie en la matière : Tell me you love me) ce qui rend la performance de ce final toujours inégalée. A rebours des scènes d’amour douillettes et romantiques, celle-ci déborde de passion enflammée. Bruce Willis et Cybill Shepherd, totalement fusionnels, nous sortent le grand jeu ! Après un tel climax, on entendra plus Be my baby des Ronettes de la même façon. Cette chanson aux paroles « exhibitionnistes » habillant à merveille cette étreinte, que la caméra d’Allan Arkush transfigure littéralement. Il n’est pas anodin que cette scène est désormais une des plus célèbres de l’histoire de la télévision. A la fois surprenante et d’une réussite parfaite, elle confirme la très haute qualité atteinte par la série. Mais elle ne se remettra jamais d’avoir scié sa branche « mythologique », celle qui tenait à elle toute seule le show. La série va désormais descendre la pente fatale du déclin sans jamais retrouver pareils sommets. En attendant, on se doute que le réveil va être difficile, et cela est le sujet de l’épisode suivant, à la fois indépendant (exit Sam) et relié car se situant le lendemain. A suivre ! Pour une analyse documentée et très détaillée de l’épisode, et en particulier de sa dernière scène, voici un excellent site (en anglais) où vous trouverez tout votre bonheur. Infos supplémentaires : 15. SANS HÉRITIER
Scénario : Kerry Ehrin Que les fans se rassurent, notre couple est plus que jamais en conflit ! Si même une nuit de folie ne peut les rassembler, là, on abandonne. Le ton de l’épisode est sérieux, rendant plus précieux les rares pointes d’humour, comme David chantant à tue-tête dans l’agence à la grande consternation de Maddie en mode parano. Aussi le délicieux sous-entendu sur le I love you que David lui a dit - sans que nous l’ayons entendu à cause de la musique - hier soir.
Ehrin crée une habile fausse inversion des caractères des personnages. David l’hédoniste est prêt à s’engager dans une relation à longue durée (et monogame !), tandis que Maddie fuit l’engagement. Mais ce n’est pas contradictoire : David ne pense qu’à vivre l’instant présent et ne songe guère aux conséquences. Maddie, conformément à son esprit de femme d’affaires, se projette dans l’avenir et n’est pas rassurée. Sa rigueur revient dès lors que ses hormones ont fini de sonner la charge. Ainsi, leur dispute inaugurale joue sur l’émotion avec le chagrin de David voyant Maddie lui échapper au moment même où il croyait la conquérir, et Maddie prenant cette décision d’en rester là à contrecœur. Ce rétropédalage instaure un des plus beaux « suspense sentimental » donné par la série, les fans attendant impatiemment que Maddie ordonne à son intellect de la fermer et de s’abandonner.
L’enquête est un contrepoint permettant à l’épisode de ne pas s’enfermer dans la répétition, qu’elle n’évite cependant pas tout à fait. Le tempo nonchalant est aussi un défaut, mais heureusement, ce remake de Louise de Gustave Charpentier avec une fille aisée raide dingue amoureuse d’un pauvre barman, est convaincant. Le fiancé mystérieux, le père jaloux et féroce, et l’intéressée découvrant l’amour pour la première fois, font certes très clichés, mais la mise en scène de Weisman instaure intelligemment le trouble. Le rebondissement central ainsi que le twist final en étonneront plus d’un. Cette affaire tombe à point pour notre couple, face à un couple qui ne perd pas de temps en vaines palabres et accepte de s’engager. Oui, l’avenir n’est pas sûr, oui, ils ne savent pas si leur relation durera, mais ils acceptent le risque, ce que David ne prive pas de dire à une Maddie super embarrassée ! - Maddie a 36 ans. - Le titre de l’épisode vient du passage le plus renommé d’un essai d’Alexander Pope An essay on man. La citation est : To err is human, to forgive divine (Le pêché est humain, le pardon divin). - David chante Double shot of my baby's love des Swingin' Medallions. On entend dans l’épisode Jericho par Simply Red. La première scène est au son de la troisième partie de l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini (musique pastorale). - David et Maddie ont fait l’amour deux fois la première nuit. La troisième, David ne s’est pas rendu compte qu’elle s’était assoupie. Pas d’autres détails désolé. 1. Rock around Shakespeare : L’épisode le plus délirant d’une des séries les plus délirantes jamais créées. Forcément incontournable, cette parodie allumée de La Mégère apprivoisée empile des gags sans nombre, jusqu’à donner le vertige. Satisfecit pour Cybill Shepherd qui joue une des prestations les plus explosives imaginables pour une actrice. 2. Mariage secret : Le mélange parfait entre humour et émotion. Cette plongée dans le passé de David est une succession de scènes plus émouvantes les unes que les autres. La beauté de la mise en scène est parfois écrasante. Le ballet central de six minutes de Stanley Donen et Billy Joël est un des plus beaux moments de grâce de la télévision. Images capturées par Clément Diaz.
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Pendant que Werner nous régale de travellings délicieux, Rita repousse un Zack très insistant, mais le charme a déjà opéré ; le mari clarinettiste (Jack Bannon, très bien), naïf, fait tout d’ailleurs pour leur faciliter la tâche ! On retrouve là les histoires classieuses des films noirs. A croire qu’un scénariste et un cinéaste de l’époque se sont alliés, tellement tout resplendit de génie.
La scène où Rita tombe dans les bras de Zack est très érotiquement filmée (ah, ces gros plans…) avec un baiser so hot ! C’est un coup classique : les acteurs s’embrassent mais ce ne sont pas les personnages, mais d'autres ! The Avengers avait déjà utilisé cette technique (Qui suis-je ???), et les X-Files la reprendront (Triangle), entre autres. On est en terrain connu ! Mais on ne se prive pas d’un tel plaisir !