Saison 1 Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Le soir du débat du second tour des présidentielles, qui oppose l’ex-Président de droite Jean-Marc Auzanet au candidat de gauche Francis Laugier, Philippe Rickwaert, conseiller de Laugier, apprend qu’une perquisition va avoir lieu dans les locaux de l’office HLM du Nord. En pleine nuit, Rickwaert part effacer toutes les preuves, afin d’éviter un scandale de financement illicite de la campagne de Francis Laugier. Il compte sur le soutien du jeune Joël Donfront, syndicaliste et trésorier de l’office HLM, pour justifier de la somme disparue. Critique : Pour ce premier épisode, les créateurs de Baron Noir semblent vouloir hameçonner les spectateurs, par une forte intensité dramatique. Sur ce point, c’est réussi. Le coup de théâtre effectué par Philippe Rickwaert envers son chef, le candidat à la Présidentielle Francis Laugier, en direct à la télévision en plein enterrement d’un jeune militant socialiste, rend cet épisode pilote prenant et donne envie de suivre le reste de la série. Néanmoins, la série manque pour l’instant de subtilité. Les événements de ce premier épisode sont peut-être trop « énormes », comme le suicide du militant. Et la musique, un peu lourde, accentue trop les effets dramatiques. Néanmoins, on sent que les fils de l’intrigue nous mènent quelque part. Les scénaristes de la série, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, font preuvent d’un beau professionnalisme « à l’américaine » dans la construction de leur récit. L’autre point fort, qui charme immédiatement, est le duo d’acteurs principal. Niels Arestrup campe une sorte de François Mitterand, froid, très intelligent, voire royal. En opposition à cette prestance, Kad Merad est l’homme du peuple, aux origines musulmanes (sur le ton de la blague, il demande aux syndicalistes si leurs merguez sont bien hallal avant de les goûter). Si Niels Arestrup est bien sûr convainquant, la surprise de la série est bien évidemment Kad Merad, qui se détache immédiatement comme le véritable personnage principal. Son jeu est totalement convainquant, simple, attachant, crédible. Les acteurs secondaires, eux, sont moins bien exploités dans ce premier épisode. La faute, peut-être, à trop de scènes explosives ou caricaturales. Anna Mouglalis, dans le rôle d’Amélie Dorendeu, est une arriviste bourgeoise un peu trop cliché, et Eric Caruso en Mirmon trop théâtral. Mais ces deux personnages sont encore périphériques à ce stade de la série. Dans les personnages secondaires, seul le jeune Joël (interprété par Oscar Copp) est véritablement touchant. Son rôle est marquant : il n’apparaît que dans ce pilote, mais viendra hanter les personnages de sa mort, véritable déclenchement de l’engrenage. En somme, si la mise en scène est un peu classique, tout comme l’usage de la musique, le pilote de Baron Noir parvient à ses fins : nous hameçonner pour voir la suite de la série. Et surtout, la série paraît d’ores et déjà d’un bien meilleur niveau que les autres séries françaises. Anecdotes :
Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Francis Laugier cherche à écarter Rickwaert de la direction du PS. Pour cela, il veut donner la 13ème circonscription aux Verts, et faire perdre l’élection à Rickwaert sur ses terres. Laugier fait appel à Amélie Dorendeu pour convaincre les communistes de s’écarter de l’élection, afin de donner leurs voix aux Verts. Commence une bataille à distance entre le Baron Noir et le Président. Critique : Après un premier épisode où son personnage paraissait légèrement caricatural, Anna Mouglalis commence à briller dans le rôle d’Amélie dans ce second épisode. Sa voix unique, son jeu intellectuel, sa diction parfaite, incarnent parfaitement cette jeune femme bourgeoise et ambitieuse. Le contraste est d’autant plus fort avec Kad Merad, et son jeu plus naturel et populaire. La mise en scène reste toujours un peu trop transparente. On a même droit à une ombre de perchiste, très, très voyante, dans une scène de nuit sur un parking. A se demander si ce perchiste tellement visible n’est pas une référence au personnage d’ex-perchiste (sportif) qui se présente face à Rickwaert ! Les manipulations de Rickwaert sont encore un peu brutales pour être tout à fait crédible, comme le casse des urnes. Néanmoins, on peut dire que l’épisode 2 est globalement plus convaincant que le pilote. La course contre la monte des élections législatives est très prenante, et offre quelques beaux moments, comme Rickwaert sur le pas de la porte, prêt à retrouver sa fille pour son anniversaire, avant de décider de remonter dans sa voiture pour retrouver son opposant communiste. Plus tard, Rickwaert interrompant l’acte sexuel, faire l’amour étant sa superstition pour gagner chaque élection, pour repartir au combat. 1932 montre comment, en politique, il faut faire des sacrifices et être toujours au bon endroit, au bon moment. Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Pour contrer Rickwaert suite à son succès aux élections législatives, Francis Laugier impose à Amélie Dorendeu de se présenter à la tête du Parti socialiste. Laugier prépare également un chantage, pour forcer Rickwaert à soutenir Amélie. Amélie Dorendeu et Philippe Rickwaert se retrouvent tous deux les jouets du Président dans cette bataille. Critique : Après les quelques maladresses qui entachaient les deux premiers épisodes, Solférino tient mieux la route. On retrouve à nouveau une partie d’échec, menée à bâton rompu, et où chaque instant compte. Le principal atout de cet épisode tient dans son réalisme. Le 1er épisode proposait des coups de théâtre un peu forts (suicide, affrontement brutal entre Rickwaert et Laugier), le second également (truquage des élections). Ces manœuvres politiques – qui peuvent se produire, malheureusement, dans notre monde réel – avaient un côté trop théâtral, trop « énormes », pour des épisodes d’exposition, où l’on découvrait encore les personnages. Dans l’épisode 3 Solférino, les personnages sont posés. Et d’autre part, les manœuvres politiques sont plus subtiles, et donc plus crédibles. Tout se joue autour du poste de 1er secrétaire du parti, à la suite de la démission du précédent en poste, percuté par une voiture. Entre Rickwaert et Laugier commence une lutte à distance : quel sera le prochain mouvement de l’adversaire ? Entre les deux ennemis, des femmes. Dans le rôle de Véronique, Astrid Whettnall est simplement parfaite, et touchante. Dévouée à son maire Rickwaert, elle se voit confrontée à des actes immoraux qu’elle supporte difficilement. On croit tout à fait à son personnage de femme juste, qui se bat initialement pour de vraies valeurs humanistes, et qui se retrouve prise dans des combines politiciennes honteuses. De l’autre côté, la Reine de Laugier, Amélie, est campée par Anna Mouglalis. Dans les épisodes précédents, son personnage restait antipathique et caricatural. Elle était une arriviste bourgeoise, campée par une actrice au phrasé théâtral. Dans Solférino, transparaissent enfin ses premières failles. Obsédée par sa carrière, prête à travailler jour et nuit, Amélie ne semble pas avoir de vie. Quand le Président la réveille au milieu de la nuit, elle est seule dans son lit. Misant sa carrière sur un total dévouement au Président, elle se retrouve à devoir prendre la tête du Parti – rôle dont elle ne rêvait absolument pas. Amélie se retrouve alors, progressivement, dans le même camp que Rickwaert : ceux qui déchantent, ceux qui sont manipulés, par le président Laugier. Parallèlement, Rickwaert doit gérer l’éducation de sa fille. En effet, celle-ci a presque laissé mourir l’un de ses camarades, mis dans le coffre d’une voiture pour s’amuser lors d’une virée entre amis. A travers cette péripétie, on pose le personnage de Rickwaert comme un vrai humaniste, porté par une haine de la classe supérieure et de la barbarie des puissants. Ayant ainsi éduqué sa fille, il est donc très déçu par son comportement. En somme, un épisode plus subtil, efficace et prenant. Après deux épisodes peut-être trop musclés, nous commençons à vraiment nous attacher aux personnages, et vivons avec eux leurs déconvenues. Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Le nouveau gouvernement Laugier prépare un plan historique pour l’éducation nationale. Rickwaert accompagne le mouvement des jeunes des lycées professionnels, qui se sentent lésés par cette réforme, au travers du jeune Mehdi fer de lance du mouvement. Rickwaert change la donne, et organise un bras de fer autour de la question des jeunes issus des quartiers populaires, sans espoirs à la sortie de leurs formations professionnelles. Le camp Rickwaert propose l’instauration de quotas pour aider ces classes populaires. Laugier et son équipe tentent d’étouffer ces manifestations par tous les moyens. Critique : Dans Bleu, nous assistons au surprenant rapprochement amoureux de Rickwaert et Amélie. Mais leur relation n’est-elle pas qu’un outil de plus pour Rickwaert d’atteindre le Président ? Comme l’épisode précédent, l’intrigue de Bleu est crédible et prenante à la fois. Cette fois, c’est un « bleu », un jeune des lycées pros, qui sera matière pour Rickwaert à créer le trouble dans la réforme scolaire du Président. Niels Arestrup, dans les chaussures du Président Laugier fraîchement élu, est toujours royal. Il semble dans sa tour d’ivoire. Le jeu, froid, très calme, d’Arestrup, correspond parfaitement au personnage – encore une fois, on pense à François Mitterand. A mi-chemin de la série, un thème devient central, celui de la duplicité. Rickwaert semble sincèrement de gauche, et sincèrement du côté des lycéens pro. Et pourtant, ne cherche-t-il pas seulement à épancher sa haine envers Laugier, en utilisant les manifestations des jeunes ? Sa relation amoureuse avec Amélie est du même acabit. Le choix de Kad Merad s’avère, depuis le premier épisode, très payant : il nous est immédiatement sympathique, et fait donc passer n’importe quel argument comme la vérité. Difficile de résister à son aplomb, et à son apparente franchise. La série dessine également un véritable propos politique : la lutte des classes existe toujours. Mais elle est étouffée par le pouvoir, car ceux qui sont au pouvoir tombent toujours du côté de la classe « d’en haut ». Qui reste-t-il pour défendre la « France d’en bas » ? Les électrons libres, les barons noirs. Toute l’ambivalence tient dans le fait que ces électrons libres, s’ils sont un jour à la tête du pouvoir, retomberont eux aussi du côté de l’élite. Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Pour en finir avec le mouvement des lycées professionnels, Laugier souhaite proposer une revalorisation de leurs stages, en négociant avec le patronat français. Rickwaert demande à Mehdi de convaincre l’ex-Président Jean-Marc Auzanet, de demander au patronnat de s’opposer à Laugier. Le jeune Mehdi refuse de s’associer à ce personnage qui représente tout ce contre il se bat. Au gouvernement, Laugier hésite fortement à accorder les quotas à ces jeunes, mais le 1er Ministre Mirmon s’oppose fermement à ces quotas, qui vont selon lui à l’encontre de la République. Critique : La série continue sur sa lancée. Les personnages continuent d’être approfondis, au travers des péripéties. Mirmon, austère personnage de l’entourage de Laugier, devenu 1er Ministre, est l’un de ceux qui se révèlent dans cet épisode Grenelle. Face à l’idée de quotas pour les jeunes des lycées pros, émise par Rickwaert pour contrer Laugier, Mirmon est profondément choqué. Issu d’une famille d’instituteurs et de paysans, Mirmon est fier d’être arrivé à son poste à la sueur de son front – en filigrane, il voit les immigrés comme les « profiteurs » de ces possibles quotas. A l’opposé, le personnage de Mehdi est également creusé. Ustensile de Rickwaert pour mettre des bâtons dans les roues du gouvernement, Mehdi se retrouve à faire de plus en plus de compromis pour le Baron Noir. Quand une photo de lui serrant la main de l’ex-président de droite, paraît sur tweeter, Mehdi se sent humilié. Rickwaert lui conseille alors d’utiliser cette haine, comme une force. Se dessine alors un monde politique, qui ne fonctionne que sur la haine. Subtile analyse de notre République, où les belles idées ne suffisent pas. Pour accéder au pouvoir, il faut « avoir la haine ». Cet épisode Grenelle montre donc brillamment que les politiciens n’avancent que par désir de vengeance. Et c’est probablement grâce à cette haine, bien utilisée, que Rickwaert est nommé Ministre du Travail, au terme de l’épisode. Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Rickwaert est nommé Ministre du Travail dans le nouveau gouvernement Laugier. Véronique Bosso, la fidèle collaboratrice de Rickwaert, doit lui succéder à la mairie de Dunkerque. Mais Véronique souhaite la transparence sur un dossier qui pourrait remonter à Rickwaert. Philippe se retourne contre son amie, et organise une élection municipale partielle pour la faire échouer. Au gouvernement, Francis Laugier refuse de payer l’amende due à l’Europe par la France, contre l’avis de tous ses ministres. Seul Rickwaert est de son côté, pour cette grande bataille pour un nouveau traité européen. Les deux ennemis se retrouvent. Critique : Il y a deux types d’hommes politiques : ceux qui placent leurs haines au-dessus de leurs ambitions, et ceux qui placent leurs ambitions au-dessus de leurs haines. C’est Laugier qui rappelle cet adage à Rickwaert. Dans cet épisode Shutdown, les deux hommes se retrouvent. En effet, aculé par une dette que la France doit à l’UE, Laugier se tourne vers le seul homme qui lui semble à son niveau d’intelligence : Rickwaert. Forcément, entre deux fauves de la politique, la haine les a séparé. Mais leurs ambitions sont hautes, tellement hautes, qu’ils peuvent mettre leur haine de côté. Ces retrouvailles de Rickwaert et Laugier, autour d’un nouveau jeu d’échec à mener face à l’Allemagne et l’U.E., donnent un sixième épisode passionnant. Parallèlement, si Rickwaert retrouve Laugier, il se fait une nouvelle ennemie : Véronique. Prenant sa place à la Mairie de Dunkerque, elle souhaite la transparence sur les affaires qui touchent Rickwaert. Après 12 ans de collaboration et d’amitié, Rickwaert n’hésite pas une seconde à se retourner contre Véronique, et à l’enferrer dans un piège habile. Encore une fois, on admire la structure et l’intelligence du scénario de Baron Noir. Mais on pourrait, aussi, regretter les tics de mise en scène qui deviennent visibles au bout de ce sixième épisode : musiques anxiogènes entre chaque séquence, avec comme transitions des plans vus depuis les voitures des personnages sur les villes qu’ils parcourent, ou des plans vus du ciel en drones. Bien sûr, on perçoit la symbolique de ces pastilles visuelles : ces hommes et ces femmes dirigent la France, ils la surplombent. Pourtant, à force de répétition, ce gadget visuel devient lassant. Sans cette B.O. omniprésente, et avec une mise en scène plus audacieuse, Baron Noir aurait pu lorgner du côté du réalisme et de l’âpreté de The Wire (saison 4 centrée autour des combines à la Mairie de Baltimore), ou de la subtilité d’autres grandes séries américaines modernes. On peut dire que la mise en scène de Baron Noir reste pour l’instant trop souvent conventionnelle, alors que le scénario est réellement de haut vol, tout comme le jeu des comédiens. Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Piégé dans l’affaire du détournement de fonds, qui a servi à régler le divorce de sa femme à l’amiable avant les élections présidentielles, Laugier compte encore sur le Baron Noir Rickwaert. Rickwaert propose d’inventer la vente fictive d’un pianoforte, instrument rare et d’une grande valeur, au cousin de Laugier. Rickwaert et Laugier sont plus que jamais liés, par un pacte secret. Mais l’affaire du suicide du syndicaliste Joël Donfront, trésorier de l’office HLM, ressurgit dans les médias. Critique : Le monde politique et le monde intime semblent dans cet épisode Pianoforte ne pouvoir co-exister. L’épisode commence par un échange entre Laugier et son ex-femme, et, au centre, celui que Laugier surnomme en secret « Sganarelle », Philippe Rickwaert. L’image d’un couple totalement détruit par la politique transparaît. De son côté, Rickwaert fait face au dégoût de sa fille, qui apprend les manipulations malhonnêtes de son père. Rickwaert, bénéficiant d’une relation forte avec sa fille, est tourmenté par l’image que se fait Salomé de son père. Quant à Cyril, le jeune assistant de Rickwaert, son rapport avec la belle Fanny s’effrite depuis l’entrée de toute l’équipe au Ministère. Cyril est en effet plongé dans les dossiers, et ne renvoie aux avances de Fanny que froideur et distance. Côté mise en scène, les musiques anxiogènes se font plus rares, laissant aux émotions le droit de s’installer naturellement. La mise en scène est plus aboutie, comme lors de cette scène introductive sous une véranda ensoleillée, symbole d’un monde paisible que Laugier a dû quitter pour embrasser le rôle de Président de la République. Avant-dernier épisode de la saison 1, Pianoforte mêle parfaitement l’exploration des personnages à celle du monde politique, tout en conservant un suspense grâce aux multiples coups de théâtre. Le transport secret du fameux « pianoforte », ses embûches, et le retournement ultime de Laugier contre Rickwaert en direct à la télévision, nous tiennent en haleine. Laugier, après avoir utilisé l’intelligence de la bête politique Rickwaert, n’hésite pas une seconde à se retourner contre lui dès qu’il en a l’occasion et la possibilité tactique, pour couvrir son implication dans le détournement d’argent. Par leur travail, ces grands hommes politiques sont des maîtres de la tactique, de la négociation. Ce sont des grands joueurs d’échec. Baron Noir montre leur déformation professionnelle : ils entretiennent ce même rapport de manipulation et de froids calculs, dans leurs vies privées. A ce niveau de la série, toutes les péripéties sont donc extrêmement crédibles, et les acteurs ont leurs personnages dans la peau. Une belle réussite. Scénario : Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon Réalisation : Ziad Doueiri Résumé : Philippe Rickwaert est pris au piège de l’affaire de l’OHL. Tous les ministres souhaitent voir Rickwaert démissionner, par peur de voir la Gauche toute entière embarquée dans son scandale. Laugier refuse cette démission, et se concentre sur les négociations européennes, potentiel succès. L’ex-Président Auzanay travaille d’arrache-pied pour prouver l’implication du président Laugier dans l’affaire du détournement de fonds. Critique : Pardon montre la réaction en chaîne d’un mécanisme. Après avoir été mis en place, tous les dominos chutent. Les 7 épisodes précédents ont placés des jalons, dont les conséquences explosent à la figure des personnages dans cette conclusion. De leurs manigances, Rickwaert et Laugier payent enfin le prix. Mais aussi leurs seconds. Les assistants de Rickwaert, Cyril et Fanny, voient leurs prometteuses carrières entachées du scandale de leur chef. Véronique Bosso, l’intègre Maire de Dunkerque, se voit à jamais mêlée à cette malversation. Balleroy, l’entrepreneur véreux, et Bruno Rickwaert, propre frère du Baron Noir, se retrouvent face à la police suite à leurs compromis avec Philippe. Une succession de coups de théâtres toujours crédibles, car pressentis au fil des épisodes de cette saison. Le scénario de Pardon montre habilement comment Rickwaert se sent dépassé, pour la première fois. Les coups-bas sortent de tous les côtés, et le Baron noir ne peut pas être partout à la fois. S’il avait le don d’ubiquité, peut-être aurait-il pu convaincre tout le monde d’étouffer l’affaire, de garder le silence… Mais il n’a pas su ferrer toutes ses proies, et dans son dos, les souris dansent, ou plutôt, reprennent leur liberté et retrouvent leur intégrité. Baron Noir s’avère, au terme de ces huit épisodes, une série intelligente, subtile, et utile. Elle montre les mécanismes des scandales politiques français. Elle montre que nos hommes politiques peuvent parler calmement de détournements de fonds. Mais elle montre surtout l’humanité de ces hommes politiques, qui sont finalement des « monsieur-tout-le-monde ». Certes, ces hommes se mouillent dans des arrangements criminels, mais ils le font souvent pour le bien de leur parti, et de leurs idées. Si un Président de la République semble intouchable, au-dessus des scandales qui le concernent, ce n’est pas parce qu’il est un monstre. Mais bien parce personne n’ose attaquer celui qui défend la Nation à l’étranger, et porte le pays tout entier sur ses épaules. Quant à Rickwaert, perçu par la France entière comme le monstre qui a poussé au suicide un jeune militant socialiste, il révèle plus que jamais ses vrais sentiments. C’est au cœur de la tourmente qu’il retrouve sa fille Salomé, au cours d’un échange tendre et sincère, et aussi la femme qu’il aime – finalement, sincèrement – Amélie. Avant de probablement plonger, et de se retrouver en prison, il trouve le salut auprès de ces deux personnages féminins. La saison se conclut d’ailleurs sur la candidature d’Amélie aux Présidentielles qui auront lieues suite à la destitution de Laugier. Comme toujours, on ne regrette qu’une chose, la musique. Elle tire les habiles scénarios de la série vers l’académisme. Ces mêmes morceaux anxiogènes, répétés tout au long de la saison, plombent les épisodes qui semblent alors coulés dans le même moule. Pour une saison 2 – que l’on espère arriver – Baron Noir devrait faire fi de cette bande originale cliché. Et aussi se permettre un peu plus d’audace dans sa mise en scène. |
Saison 2 Réalisation : Ziad Doueiri Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : Philippe Rickwaert a à peine achevé sa peine d'inéligibilité, qu'il annonce à Kahlenberg qu'il compte se présenter à l'élection présidentielle qui aura lieu deux ans plus tard. Or les différents chefs des partis politiques sont plus préoccupés par les prochaines élections régionales. De plus des enquêtes quali mettent en évidence que pour l'opinion publique, Rickwaert reste perçu comme l'éternel Baron noir du Parti socialiste, ce qui constitue une tache indélébile et donc un obstacle majeur à ses ambitions présidentielles. Critique : On retrouve avec plaisir l’univers de la série, qui se centre pour cette nouvelle saison sur un nouveau duo/duel : Rickwaert et Dorendeu, donc Kad Merad et Anna Mouglalis. L’un comme l’autre sont parfaitement castés pour incarner deux pôles différents d’un même camp politique : l’un roublard, offensif, d’origine populaire, l’autre plus intellectuelle, dans une forme de fermeté, bourgeoise. L’antagonisme incarné par Niels Arestrup dans la saison 1 fonctionne aussi bien avec sa version féminine aussi, et on est lancé dès le première épisode de cette nouvelle saison, prêts à voir Rickwaert et Dorendeu s’affronter ou se rejoindre. Au-delà de ce plaisir du duo/duel dont on attend arrivé à la conclusion de l’épisode de voir comment il va évoluer, ce premier épisode propose une belle réflexion autour du dilemme entre idées ou tactiques. Quelques jours avant l’élection présidentielle, Mouglalis/Dorendeu paraît sans cesse négocier avec ses idées. Tout le suspense est de savoir si ces tactiques vont se retourner contre elle, et faire gagner le FN, présent au second tour face à elle. Ce jeu permanent entre choix des idées et choix tactique semble souvent déconnecté du réel : tout dans cet épisode se passe entre politiciens, dans des bureaux, ou dans des « cachettes », loin des regards. Mais, au détour d’un plan, une rue apparaît, des figurants, des citoyens. A chaque fois, la France apparaît autour du personnage principal uniquement, Rickwaert : on sait l’importance de ses racines, de son attachement à Dunkerque. Dans ce premier épisode, on le voit dans une rue taguée, dans le métro, dans une foule… avant que la caméra ne révèle qu’il est dans le quartier de l’opéra. Sans cesse, sa réalité semble être plutôt confortable. Sa sortie de prison, montrée dès les premières minutes, s’avère assez réaliste : la série n’opte pas pour une démonstration trop outrancière (où l’on verrait un politicien sortir de prison et retrouver un confort doré aisément). Au contraire, elle nous fait croire presque à une forme de misère (Rickwaert vit dans une petite chambre d’hôtel, avec son bracelet électronique), rapidement contredite par plusieurs détails : à la banque, s’il se plaint et insulte le banquier, l’homme politique a de la ressource. Et, s’il manque d’argent pour payer la caution qui le libèrera de son bracelet électronique, il n’a qu’à voir des éditeurs et évoquer un prochain « livre confessions » pour avoir rapidement des avances et des liquidités. Ce rapport éloigné au monde réel pour nos personnages politiciens est aussi joliment montré à la fin de l’épisode, à l’annonce du résultat des élections : Bref, la série s’ouvre sur des questionnements intéressants, toujours dans le point de vue « professionnel » des politiques, dans leur bulle de négociation, de jeux d’échecs, toujours frénétique. On retrouve aussi le mélange de thriller et de « documentaire » politique, même si la part thriller est plus essentielle. Difficile de savoir si la série est juste sans être soi-même politicien, et elle ne fait pas toujours à 100% « vrai ». Mais les échos de souvenirs de faits réels (hommes politiques condamnés à quelques mois de prison ; second tour face au FN…) servent habilement aux rouages du suspense. Ici dans le premier épisode, l’attente du résultat, la peur de voir gagner le FN, fonctionne réellement bien.
Quelques maladresses cependant, certaines scènes plus lourdes que d’autres : Rickwaert face à son banquier où Merad en fait un peu trop, même si cela peut participer à rendre son personnage vulgaire, prétentieux… Ou encore les premières scènes avec Thorigny, le centriste, joué par Pascal Elbé, qui n’est pas encore très convainquant dans ce premier épisode, caricatural avec son cigare. A voir par la suite, sa relation avec Dorendeu pourra s’avérer intéressante et son personnage deviendra peut-être plus profond ! On sent aussi que Kad Merad n’a pas encore tout à fait retrouvé l’âme de son personnage, à moins que ce soit les créateurs eux-mêmes qui le cherchent. En même temps, le héros sort de prison, revient au monde : il est un peu témoin, perdu, observateur. Par où va-t-il renaître ? Autre petite faiblesse qui n’est pas absolument grave, la musique est un peu passe-partout, le tapissage « thriller » qu’on entendrait partout ailleurs. Ca manque d’un thème qui donnerait à la série son identité. Globalement, malgré quelques scènes en-dessous, ces quelques maladresses, on repart convaincu dans les nouvelles intrigues politiciennes, mesquines et en même temps d’importance nationale, de Baron noir. Réalisation : Ziad Doueiri Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : Amélie Dorendeu prend ses fonctions et imagine déjà un nouveau gouvernement porté par Aurore Dupraz de l'aile gauche du PS, pour équilibrer avec les positions de Thorigny et de nouveaux députés issus de la société civile, mais quand Vidal se montre très critique envers ce choix pro-libéral, Dupraz refuse. Dorendeu choisit donc Alain Chistera comme Premier ministre et charge Kahlenberg de faire en sorte que 50 circonscriptions soient offertes aux candidats de la société civile, soutenus par Thorigny. En parallèle, elle met en place une unité antiterroriste renforcée. À Dunkerque, Rickwaert s'ingénie à saper la campagne de Pascal Carthaud, qu'il méprise, et refuse d'abandonner sa circonscription. Il fait fuiter dans la presse ses relevés de compte afin de s'attirer la sympathie du public, prévoyant un retour en politique pour les élections européennes. Critique : On retrouve dans l’épisode 2 une volonté de jouer du surjeu, du théâtral, pour décrire le monde politique. Comédiens et politiciens se confondent : dans telle scène, est-ce Kad Merad qui surjoue ou son personnage, Rickwaert ? La question se posait dans le premier épisode (à la banque), on a confirmation dans le 2ème épisode que c’est une volonté dans cette seconde saison, avec l’une des toutes premières scènes qui le montre pleurer, dans une tirade caricature d’actor’s studio, dans la permanence du PS à Dunkerque. Le bras droit d’Amélie Dorendeu, Daniel (très bien campé par l’excellent Philippe Résimont), a ces paroles : « Là où est Philippe, il n’y a plus de politique », autrement dit il n’y a que du faux-semblant, du jeu. Jeu de comédien et jeu d’échec. Sur le modèle de beaucoup d’autres séries à succès des années 2000-2010’s, Baron Noir choisit un anti-héros dont on interrogera toujours la sincérité ou la perversité. Kad Merad, par son passé de comique, de stand-up, à cette capacité à paraître sur le point de rire dans les moments dramatiques, à saupoudrer d’un peu de parodie des instants de sérieux, comme une complicité permanente avec le public. A l’opposé, le personnage alter-ego de Jean-Luc Mélenchon, Vidal, joué par Morel (lui aussi au jeu très savoureux), semble désigner une intransigeance. On est pressé de voir ce que vont en faire les scénaristes, puisque le personnage de Mélenchon, dans la sphère réelle, intrigue (tribun sincère ou pur comédien en surjeu, sans entrer dans un débat politique ici, il est évident qu’on ne peut s’empêcher de se questionner). Ici, dans Baron noir, il est désigné comme une « boussole » qui rappelle ce qu’est la gauche, la droite, dans un monde de petits arrangements. Un personnage qui paraît plutôt positif à ce stade, mais là aussi on attend de voir s’il a des masques, comme les autres. L’essentiel de l’épisode montre donc un jeu partout présent de comptes d’apothicaires, à l’élection de la nouvelle présidente, Dorendeu. Chacun brandit ses idéaux, ses principes, avant de proposer de les fouler contre quelques récompenses (tel poste dans 2 ans, etc.). Rickwaert est finalement l’incarnation hors-norme de ce que les autres politiciens sont plus discrètement, plus honteusement, avec moins de panache. Il est peut-être, aussi, celui qui fait du tort au monde de la politique : avec des Rickwaert dans leur entourage, impossible pour les politiciens de garder une éthique, tant ce genre de personnalité peut retourner un argumentaire, convaincre de voter telle loi, de faire tel choix de composition gouvernementale, pour servir son strathagème, son arrière-pensée.
L’épisode est donc très bavard, dans une succession de petites scènes de confrontations entre la présidente et ses futurs potentiels ministres. En cela, il paraît un peu plus faible que l’épisode 1. Certains comédiens font vivre ces scènes avec brio, d’autres font un peu retomber la sauce et on retrouve un côté académique par moment dans ces « face à face » un peu déjà vus. Néanmoins, ce sentiment disparaît petit à petit, il y a un suspense qui s’installe, et notamment avec une belle idée : la tension de l’épisode pilote, qui consistait à jouer de la possibilité que le FN gagne vraiment cette fois, est relancé sur tout le quinquennat. La crainte d’Amélie, la nouvelle Présidente de la République, est de voir se réaliser dans 5 ans ce qui a failli advenir le soir de l’élection. Pour nous spectateur la question se pose : notre anti-héros Rickwaert, par son besoin d’exister en politique, va-t-il malgré lui pourrir le quinquennat d’Amélie ? Et donc laisser place au fascisme, valeur qui initialement est à l’opposée de ses convictions qu’il paraît souvent oublier au profit du jeu tactique ? Cette crainte là se redouble d’une crainte aussi concrète : l’épisode nous laisse découvrir la « war room » de l’Elysée, où Amélie Dorendeu fait face pour la première fois aux secrets de la DGSE, de la surveillance des terroristes Islamistes qui menacent le territoire. Dans cette pièce-là, on se dit que les valeurs d’un élu peuvent enfin s’incarner. Quoique : Dorendeu veut-elle juste s’assurer sincèrement que les citoyens sont protégés ? Ou craint-elle, avant tout, que des attentats n’aident le FN à grimper d’ici 5 ans ? Un peu des deux, probablement, et c’est visiblement le propos que cherche à développer la série : nos politiciens sont toujours « un peu des deux », ayant en permanence à mettre dans la balance leur conviction et la tactique politicienne, les arrangements. A ce stade, la série reste donc plutôt passionnante à suivre, avec un suspense basé sur une réflexion sur la sphère politique plutôt bien menée, mais peinant juste à offrir de vrais moments de brio, de surprise. Réalisation : Ziad Doueiri Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : La présidente Dorendeu n'obtient qu'une majorité relative à l'Assemblée, ce qui met en danger son projet de nouvelle loi santé. Philippe Rickwaert reste son conseiller de l'ombre et lui suggère de renoncer définitivement à l'article 49.3 afin de créer un « choc de démocratie », et de renforcer le côté « jupitérien » de sa présidence. Cyril Balsan est devenu député dans le Val-de-Marne, et se trouve confronté à un terrible acte de communautarisme dans une école maternelle de sa circonscription : un parent d'élève a violemment frappé une professeure des écoles parce qu'elle avait distribué à ses élèves des bonbons qui n'étaient pas Halal, mais Haram (interdits dans la religion musulmane). Dès lors, Balsan s'engage dans un combat contre le communautarisme et pour la mixité sociale dans les écoles. Critique : Arrivé au troisième épisode de cette saison, Baron noir offre un réel sentiment d’immersion. On navigue de pôle en pôle, assistant aux coulisses des premières semaines d’une présidence, sur fond de chantages qui s’enchaînent les uns aux autres. C’est vraiment là où la série offre ce qu’elle a de meilleur, nous tenir en haleine juste sur des dialogues, des échanges d’arguments, entre les différents « loups » de la politique. La série continue aussi de creuser sa thématique, forte en cette saison 2, celle de la sincérité en politique. Malandrin, homme fort de la fédération P.S. à Dunkerque, dit à Rickwaert que « les jeunes, maintenant, ils veulent de la transparence ». Cela paraît bien ironique quand on voit que presque aucun personnage politique fonctionne sans arrangements, sans manipulation. Rickwaert, lui, dit plus tard dans l’épisode que chacun d’entre eux doit bien, à un moment donné, « mettre les pieds dans la boue ». Pas de politique sans se salir. Un constat assez triste, qui nous fait parfois détester les personnages, mais qui nous permet de mieux comprendre les dérapages politiques, les scandales révélés au grand public : le monde du pouvoir fonctionne ainsi, et à voir Baron Noir on se dit qu’un politicien qui promettrait transparence, intransigeance, honnêteté… nous mentirait forcément ! Tous pourris oui, mais parce que c’est le métier qui veut ça : obliger de se salir pour faire tenir un parti, des candidats, des lois, des projets, car le camp d’en face est toujours prêt à nous manger. La question serait alors : se salir, jusqu’où ? Etre tactique, faire des petits mensonges, apparaît presque glorieux grâce à l’immersion de Baron noir. On y comprend, dans cet épisode, comment une polémique nationale (ici, une professeur battue par un élève radicalisé) peut naître juste parce qu’un jeune député qui veut se faire connaître décide d’être « touché », de s’insurger, à la fois parce que la radicalisation religieuse va contre ses valeurs laïques, et à la fois parce que ça l’arrange bien. Ou encore comment la Présidente elle-même, comme annoncé dans l’épisode précédent, craint de possibles attentats, à la fois pour protéger ses citoyens, mais aussi parce que cela fragiliserait son quinquennat, son image… Ces petits mensonges là sont dans un entre deux que la série parvient à capter avec finesse : les politiciens seraient, essentiellement, toujours un peu dans le choix tactique mélangé à leurs valeurs. Rickwaert, lui, incarne la tactique qui va trop loin, celle qui fait naître des scandales qui entachent la politique. Le personnage est une belle figure tragique : battant, confiant, il pense revenir en politique grandit d’un passage en prison. Il veut se blanchir. Pourtant, plus il agit, plus son talent de manipulateur créé le mal autour de lui. Là encore, la saison 2 offre un scénario assez subtil : pas de mallette, de gros coup comme en début de saison 1. Juste des conseils, à la Présidente, au jeune député, qui finissent par se contredire. Rickwaert veut s’infiltrer partout et ça finit, dans cet épisode, par lui exploser au visage. Là encore, les scénaristes, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, montrent avec brio comment l’influence d’un seul homme, trop habile beau-parleur, s’étend autour de lui jusqu’à changer la face du pays : sans qu’ils le sachent, les Français verront une loi sur l’euthanasie être actée ou refusée par le parlement juste sous l’influence des manigances de Rickwaert. Bref, ce troisième épisode joue très habilement à nous montrer une mécanique de ricochet, où comment l’égocentrisme d’un seul individu se répercute jusqu’à ternir des choix de société. Toutefois, quelques petites réserves toujours à ce stade : toujours pas fan de la musique trop grossière, trop thriller vis-à-vis de la subtilité du scénario proposé ; pas fan de quelques scènes où Rickwaert est trop grossier, encore une fois notamment face à son banquier, quelque chose du personnage se perd ; pas fan non plus des scènes de bar, où il drague la serveuse ; et je reste dans le doute vis-à-vis du personnage du centriste Thorigny, qu’Elbé peine à faire exister. Par contre, chaque épisode apporte son lot de personnage secondaires trucullents, vieux briscards de la politique. Le précédent épisode révélait le premier Ministre, un vieux de la vieille très bien campé par Patrick Rocca. Dans ce troisième épisode, on découvre Malandrin, un nouvel opposant à Rickwaert au sein de son parti, qui ne lui pardonnera jamais ses actes criminels, très bien incarné par Luc Florian. Réalisation : Ziad Doueiri Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : À la suite de ses déclarations, le PS sanctionne Cyril Balsan et le suspend du parti. Rickwaert continue d'être le conseiller officieux de la présidente mais avec le procès contre Francis Laugier qui se prépare, il se retrouve très endetté. Après la loi santé votée de justesse, une réforme des prisons se prépare et le poids de l'article 49.3 va manquer pour la faire passer. Kahlenberg, Chistera et d'autres pontes du parti proposent alors de faire appel à l'article au nom du Parlement et demandent à Le Cléach, secrétaire général, de soumettre l'idée à la présidente qui ne renoncerait pas officiellement à son engagement. Critique : La qualité de cette saison 2 de Baron Noir tient visiblement dans sa cohérence : on sent que les créateurs (le duo au scénario Benzekri/Delafond, le réalisateur de tous ces premiers épisodes Ziad Doueiri) travaillent en symbiose, et la série avance d’un seul tenant. Je mets d’ailleurs toujours la même note, car tout est homogène, avec moins d’écarts et de maladresses qu’en début de saison 1. Il y en a toujours un peu, bien sûr : dans cet épisode, le moment de l’exécution des terroristes est un peu lourd (le montage parallèle où Amélie sursaute comme si elle y assistait, trop souligné), un souci de chronologie dans ces scènes (on lui dit qu’il faut exécuter les terroristes avant la levée du jour, hors on voit en montage parallèle Rickwaert appeler sa fille de jour), et une pluie qui tombe trop à propos pour appuyer le côté mélo des retrouvailles entre Rickwaert et sa fille. Passé ces détails, plus on avance dans la saison 2, plus on est convaincu par la tenue de la série, sa capacité à nous captiver par le dialogue, la confrontation. L’épisode s’intitule « Conversion », ce qui fait aussi penser au mot conversation. Cette saison 2 semble en effet montrer un jeu permanent de conversions (rallier l’ennemi, faire changer d’avis, avancer masquer, bref jouer aux échecs) purement par des scènes de « conversations ». Conversations jamais ennuyeuses, toujours tendues, dynamiques. Ici, ce sont celles avec Vidal, l’alter ego de Mélenchon, joué par François Morel qui font le charme de l’épisode. Morel est parfait, et si l’on pourrait à un moment douter du bienfondé de cette référence très explicite à Mélenchon (est-ce qu’ils n’en font pas trop un personnage parfait, courageux dans ses choix politiques ?), la conclusion de l’épisode offre intelligemment un autre regard sur le personnage : selon Amélie, Vidal/Mélenchon ne veut pas « gouverner », il est trop amoureux de cette place de poil à gratter qui lui donne raison, qui flatte son ego. Il veut garder sa posture, d’insoumis, qui ne négociera jamais, dans sa tour d’ivoire. L’intelligence du personnage, son brio, autant que son mépris, son enfermement, est subtilement trouvé à la fois par les auteurs et par François Morel. Dans la foulée de l’épisode précédent, « Conversion » creuse le parallèle entre le chantage politique de ses pairs dont souffre la Présidente et le chantage de Daesh. L’épisode nous questionne, est-il possible d’exercer le pouvoir autrement qu’en cédant perpétuellement à des chantages de toute part ? Face à ces chantages, comme toujours, s’agite le dilemme valeurs/tactique. Dans la war room, Amélie Dorendeu fait face aux visages des terroristes : on lui propose de les éliminer, sur le territoire français. Dans notre Etat de droit, cette action lui vaudra, si un jour elle est découverte, d’être mise en examen pour assassinat. Dorendeu fait face à cette menace, elle fait face aussi à ses valeurs : le P.S. est le parti qui a aboli la peine de mort, elle a pourtant la possibilité de faire exécuter trois hommes qui menacent la stabilité du pays. Finalement, la sincérité parle : pour Dorendeu, à chaque attentat c’est plus sanglant, et à chaque attentat le pays se fissure toujours plus. Elle fait le choix de l’exécution. On sent que les créateurs aiment cette Présidente qu’ils ont créé, elle paraît presque parfaite : intelligente, courageuse… Le choix de la série est de montrer avec empathie ces personnages de la sphère politique, de l’intérieur, pour sortir d’une forme de « tous pourri » : oui, tous potentiellement pourris, car le monde du pouvoir attire les stratagèmes, les manigances… Dorendeu est pleine de bonnes intentions, mais saura-t-elle être toujours aussi impeccable qu’elle le voudra ? A voir Baron Noir, on se dit que le monde politique décevra toujours : ce n’est pas forcément qu’ils sont « tous pourris », mais qu’il sera toujours le territoire de jeux de pouvoir qui rendent difficile ou impossible à un homme ou une femme politique d’être toujours fidèle à sa ligne politique. Rickwaert, quant à lui, apparaît toujours plus solitaire, hébergé chez le candidat de Dunkerque qu’il manipule, renié par sa fille, attendant le moindre SMS de son poulain Cyril. On voit aussi le prix à payer d’être un expert en politique, un expert en manipulation : plus personne ne le côtoie comme un ami, un père. On le sait trop capable de mentir, ceux qui le fréquentent le font avec méfiance, avec de faux sourires. Bref, la série continue d’agiter ces questionnements avec subtilité, dans une narration faite de confrontations morales et de jeux de débats d’idées, plus que de rebondissements énormes pour le moment. S’il n’y a pas de « coup d’éclat » jusqu’à présent, de grand moment marquant, la saison 2 se suit toujours avec plaisir. Réalisation : Antoine Chevrollier Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : Amélie Dorendeu met en place sa stratégie de communication pour faire passer la nomination de Stéphane Thorigny à Matignon, en laissant filtrer dans la presse une rumeur de dissolution de l'Assemblée nationale. Comme elle le prévoyait, les ténors du parti paniquent, mais Rickwaert voit clair. Il se tourne donc vers Aurore Dupraz pour faire un coup lors du conseil national du parti et empêcher les soutiens de Dorendeu d'avoir leur majorité ; il a le soutien de Chistera, qui vient d'apprendre son prochain remplacement, et de Balsan mais dont les positions sur la laïcité sont trop clivantes. Critique : Pour la deuxième moitié de la saison 2, Ziad Doueiri laisse la place de la réalisation à Antoine Chevrollier, et un léger changement de style se fait sentir à l’occasion de quelques scènes : pour le meilleur, avec les plans sur les aquarelles de Philippe, la scène finale, ou la baignade de Véronique au coucher du soleil, comme libérée grâce à sa démission (très beau personnage, très bien jouée par Astrid Whettnall). Une tentative moins heureuse, cependant, la mise en scène du rêve/flash-back de Philippe, revoyant la chambre de sa fille, avec un effet de flou assez kitsch. Néanmoins, on sent que la saison 2 commence à aller vers plus d’émotion, Rickwaert sortant d’une phase où il manipulait à tout va, de manière désespérée, pour exister à nouveau en politique. Dans cette épisode, notre héros semble sombrer, craquer, prêt à imploser de ne pouvoir retrouver une vie, et surtout sa fille. Blindé, il peut faire du mal à son entourage (ses partenaires politiques), leur faire des coups tordus sans baisser les yeux, mais son talon d’Achille reste sa fille, note qui participe à notre empathie pour lui. L’épisode accentue aussi les parallèles sur le couple en politique : Véronique sort avec Kalenberg et paraît réellement amoureuse, ce nouveau couple semble passer avant les choix politiques, et plutôt que de se séparer pour un désaccord professionnel, ils s’embrassent à nouveau. Cette part romantique amène un nouveau souffle à la saison, très cynique dans ses premiers épisodes. A côté, un second couple, la Présidente Amélie Dorendeu et le centriste Thorigny. Sont-ce ses désirs amoureux qui teinte les choix d’Amélie et la pousse à trahir la gauche ? Ou, à l’inverse, joue-t-elle du flirt pour accomplir ses fins politiques, à savoir tuer la gauche pour moderniser son image et être réélue ? Vue la personnalité de Dorendeu, on peut imaginer qu’il s’agit bien plus de la seconde interprétation. L’autre aspect intéressant qui prend forme à ce stade de la série, c’est justement la mort de la gauche, Dorendeu se révélant peu à peu comme l’alter ego féminin d’Emmanuel Macron qui va reconfigurer l’espace politique, au prix de la mort d’un parti traditionnel, le PS. L’épisode s’appelle « Chouquette », car FN et Républicains partagent une chouquette dans une séquence autour de manifestations anti avortement. A gauche, il ne resterait plus aux vrais socialistes qu’à rallier Vidal/Mélenchon, pour ne pas disparaître dans cet éclatement provoqué par Dorendeu/Macron. Le duo de scénariste décrit habilement cet état de confusion politique, redoublé par les confusions sentimentales des personnages : histoires de couple et histoires père/fille viennent redoubler cet état de chute vertigineuse. A la mort de la gauche correspond aussi la mort, réelle, physique, du précédent président, Laugier, dont le fantôme apparaît avec une photo d’Arestrup. Pour tout cela, il s’agit sûrement du meilleur épisode jusqu’à présent au sein de cette saison. Espérons qu’elle continuera d’aller crescendo en qualité, ce qui est plutôt le mouvement global depuis le premier épisode. Réalisation : Antoine Chevrollier Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : Cyril s'impose dans les médias et Amélie triomphe avec Thorigny à Matignon. Philippe, lui, doit faire face à ses juges. Laugier est mort et il va devoir endosser seul la responsabilité d'un système de corruption dont il n'a lui-même pas profité. Il tente une ultime manœuvre, auprès du secrétaire général de l'Élysée. Amélie et Thorigny sont par ailleurs mobilisés sur les sujets terroristes. Critique : Malheureusement, peut-être avais-je trop d’attente, mais j’ai trouvé cet épisode assez lourd. La mise en scène est un peu plus insistante dans cette seconde partie de saison. La réalisation de la scène de l’agression de Cyril, par exemple, comme ses conséquences sur son état psychologique, est assez décevante – notamment quand la caméra tremble excessivement pour exprimer sa panique… De même, alors que l’épisode nous tient en haleine autour d’une nouvelle opération contre des terroristes, parallèlement à un débat TV entre Rickwaert et le patron du FN, il se conclut de manière grossière sur la révélation faite à la Présidente des propos tenus par Rickwaert en direct. Alors qu’elle vient d’assister à l’exécution de terroristes, on nous montre Amélie choquée par la news concernant Rickwaert à la télé, à renfort de grosse musique et de regards appuyés entre elle et Thorigny. Cela paraît une réaction tout à fait artificielle, comme si tout devait faire « thriller » à tout prix. D’autre part, si le scénario reste bien ficelé, il tourne un peu en rond, manque d’un vrai choc à ce stade – ou alors il eut fallu assumer un style de série plus sobre, documentaire, sans musiques sur-dramatiques. Mais comme Baron Noir tente toujours d’être trépident, je dois dire qu’arrivé à ce sixième épisode on sent un ronronnement s’installer. Du côté du couple Dorendeu/Thorigny, l’alliance gauche/centre entre la Présidente et son 1er ministre, on découvre comme on s’y attendait que leur flirt est parfaitement calculé de chaque côté. Une scène nous montre Thorigny analyser cyniquement avec son assistante le moindre geste de la Présidente, et prévoir le prochain coup à jouer. Malheureusement, on s’attendait à ce revirement, à ce masque qui tombe, puisque c’est le thème creusé depuis déjà 5 épisodes. Pour moi, ce personnage de Thorigny reste la faiblesse de la saison 2 à ce stade : sans nuance intrigante, dessiné à gros traits… Pascal Elbé peine donc à l’incarner, sans être forcément mauvais acteur, son personnage manquant surtout de définition, d’originalité. L’épisode révèle aussi le vrai visage de Vidal/Mélenchon : une fois que la jeune socialiste Aurore Dupraz quitte le PS pour le rejoindre, elle se rend compte que la parole n’est pas aussi libre qu’elle le pensait dans le parti de Vidal, que tout tourne autour de ses choix à lui, de sa parole, de son organisation… et aussi de sa tactique. Lui aussi a un plan derrière les convictions affichées avec panache, lui aussi manipule, fait des ajustements comme ceux qu’ils reprochent au « clan Solférino ». Si Morel est amusant et juste à la fois dans le rôle, là aussi on s’attendait à voir ce revirement. La part plus intéressante de l’épisode, c’est peut-être la suite du portrait de Cyril, dont nous découvrons progressivement qu’il est un alter ego fictif de Manuel Valls (sans coller à 100% à la réalité, un peu plus librement inspiré de Valls que Vidal ne l’est de Mélenchon). Mais l’épisode montre bien comment, alors que la gauche meurt par les choix de la Présidente, ce jeune qui cherche à se faire connaître choisit une voie qui interroge ce qu’est la gauche et la droite. Si ces notions méritent encore d’exister au 21ème siècle. Si son point de départ était calculé, avec comme seul but de se creuser une place aidé par Rickwaert qui mise désormais tout sur lui, progressivement sa conviction se fait sincère. De l’utilisation d’un fait-divers qu’il monte en épingle, il débouche sur une proposition, réformer l’école pour imposer une vraie mixité sociale entre élèves, perdue au fil des ans. Intéressant de voir un vrai argumentaire, une vraie réflexion politique, servir de rebondissement de série : Rickwaert remplace Cyril après son agression, pour aller porter sa parole sur un plateau TV alors qu’il vient d’être condamné pour l’affaire Laugier. Si les points avancés dans ce débat TV sont réellement intéressants, c’est aussi un moyen pour le personnage d’exister enfin, de se trouver une place, ce qu’il cherchait depuis sa sortie de prison. Il la trouve juste avant d’y retourner – à priori, puisque l’épisode montre aussi son procès. Ayant promis publiquement qu’il ne ferait pas appel de sa condamnation, arrivera-t-il à se tirer par le haut de l’impasse où il se trouve ? Alors que la série commence tout juste à s’épuiser un peu, cette promesse dramatique donne très envie de voir la suite malgré tout. Réalisation : Antoine Chevrollier Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : Philippe a terrassé le patron du FN à la télé, exploitant l'idée d'un référendum sur la mixité scolaire. Thorigny conspire avec des dirigeants de centre gauche et de centre droit pour construire un mouvement capable de l'imposer à la prochaine présidentielle. Dans ce contexte de recomposition politique, Philippe veut rallier Kahlenberg à sa cause. Il met Amélie face à ses responsabilités et à un choix stratégique majeur. Critique : Si l’épisode 6 lassait un peu, il a le mérite de propulser la série dans une urgence : Rickwaert vient d’être condamné, les actions s’accélèrent pour continuer d’exister dans le monde politique avant que sa condamnation ne prenne acte ou qu’il ne fasse appel. Le final, les épisodes 6 et 7, se jouera avec cette épée de Damoclès, donnant une tension sourde aux évènements : on ne sait pas ce que Rickwaert fera de cette condamnation, et on oublie presque cette condamnation, comme dans le vraie monde politique d’ailleurs, ceux condamnés judiciairement semblent toujours exister dans la sphère politique. Dans ce 7ème épisode, il y a donc urgence à rebondir, à faire un dernier coup d’éclat. L’urgence est intime, puisque Rickwaert est un personnage qui n’a cessé de chercher à se « poser », à trouver le bon plan, le bon poulain, dans toute la saison. Mais l’urgence est aussi plus large : il s’agit d’éviter l’explosion définitive du système politique français à temps. La menace, c’est celle de la disparition de la gauche et de la droite traditionnelle, au profit d’un « nouveau monde » avec deux extrêmes et un centre sans étiquette. Cette urgence s’incarne dans un scénario ciselé qui se déroule sur 48 heures, force de cet épisode. Dans une succession de dialogues saisis en mouvements, en travellings, on assiste à des coups de pokers successifs des trois camps : celui du 1er ministre Thorigny pour créé son putch centriste contre sa Président, celui de Rickwaert et Cyril pour faire exister une union de la gauche autour de projets sur la mixité à l’école, celui d’Amélie pour réaffirmer sa place de Présidente. C’est ainsi le meilleur épisode de la saison, car il incarne dans un suspense fort tout un débat d’idée sur la vie politique française, mêlant habilement description des coulisses de la sphère politique et pur divertissement. Très habile et très prenant. Réalisation : Antoine Chevrollier Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon Résumé : Les images de la sœur d'un des disparus de Courcouronnes violentée par la police créent une vague d'émeutes à travers le pays. Vidal accuse publiquement la présidente Dorendeu d'avoir fait exécuter les trois présumés terroristes, et Rickwaert, appuyé par les doutes de Véronique Bosso, fait le lien avec le jour où elle a choisi de nommer Thorigny Premier ministre. Il décide alors de se rendre à l'Élysée pour proposer une stratégie qui lui permettrait de sortir de cette situation tout en se lavant des soupçons. Critique : Pour Erik Benzekri, "le plus excitant, ce sont les passerelles que l'on peut tendre entre réalité et fiction. Alors, la série peut devenir un élément du débat politique." Ce dernier épisode de la saison 2 réussit parfaitement cette intention des créateurs de la série. Le spectateur est pris par la main par l’empathie vis-à-vis des personnages, en même temps que par une fascination pour le mesquinerie, leur intelligence, leur mauvaise foi. Emmené par les protagonistes et leurs confrontations, toute la saison aura su nous montrer des successions de débats d’idées ou de combats tactiques. Une phrase de Cyril Balsan à Amélie résume finalement assez bien la réflexion centrale de la saison : « Il s’agit de mettre en scène des idées ». Le monde politique français ne serait pas sans idées, sans valeur, mais chercherait en permanence à les mettre en scène pour les faire exister. La question est toujours : jusqu’où ? Quand la mise en scène finit-elle par détruire l’idée ? Quand le besoin d’exister en tant que personnalité politique dérègle-t-il le sens de la boussole politique ? Ce dernier épisode montre donc très bien comment ce jeu-là a pu donner lieu à l’implosion des partis traditionnels, grand enjeu de la fin de saison, qui montre la victoire d’Amélie, donc de Macron, comme dans la réalité. Celle de Vidal/Mélenchon aussi : ce personnage est l’une des propositions fortes de cette saison, tant l’alter-ego campé par Morel est proche du vrai « personnage ». Il permet de questionner une personnalité par la fiction, ce qui est assez audacieux. Comme dans la réalité, au spectateur de trancher, mais on le voit bien ici comme un petit dictateur frustré auprès de ses « disciples », et la jeune Aurore en paye les frais. Alors qu’elle cherche le débat avec son nouveau chef, cet ex membre du PS découvre un visage monstrueux. Vidal déchire son discours, lui envoie les pires insultes au visage. La scène est juste, car Vidal parle toujours brillamment, il a toujours la bonne référence, les bons mots, pour assoir sa position. Il paraît presque impossible de le contredire, ce qui fait justement tout le problème du personnage. Amoureux de ses idées, porté par ses convictions, il s’aveugle sur son propre autoritarisme destructeur. Très beau aussi comment Rickwaert paraît être alors le dernier rescapé de ceux qui croiraient à la gauche, en fin d’épisode. Désormais, tous ses proches sont partis vers le nouveau « centre » ou vers le mouvement « pour le peuple » de Vidal. Ce dernier tente de le capturer à son tour, mais pour Rickwaert, Vidal c’est Staline, le « nouveau Centre », c’est la droite. L’épisode se conclut sur une nouvelle promesse dramatique, amené par la fille de Rickwaert : se présenter aux présidentielles. Faire revivre la gauche traditionnelle et prendre sa revanche. Ce twist fort est un peu diminué par quelques défauts. Les scénaristes ont trop facilement laissé de côté la condamnation de Rickwaert. Pour apprécier ces derniers moments de la saison, j’aurais aimé que Rickwaert soit rattrapé par l’enjeu judiciaire. De plus, ce dernier épisode ellipse plusieurs semaines, puisque nous assistons de manière très accélérée à un remaniement, menant à la trahison de Cyril envers Rickwaert pour rejoindre le nouveau centre d’Amélie, et celle de Véronique pour rejoindre Vidal. Forcément, dans ce laps de temps, l’affaire aurait dû ressurgir, on aurait aimé le voir y faire face. On peut comprendre, entre les lignes, que le personnage a fait appel et que l’emprisonnement est donc repoussé, mais c’est trop ellipsé pour que cela marche réellement. L’épisode présente aussi quelques travers habituels, comme les effets sonores trop appuyés (battement de cœur d’Amélie…), ou la première scène de la sœur du terroriste un peu trop facile. Toutefois, si cette trame est amenée assez lourdement, elle permet de résoudre l’un des grands enjeux de la saison, le choix fait par Amélie d’exécuter trois terroristes. Cet acte a de subites conséquences par les révélations publiques de la sœur, puis des émeutes dans les banlieues. Comme toujours, le réel des citoyens est abstrait : ce ne sont que des images filmées au portable, passées aux JT. Bel effet de contraste entre ces images de révolte, et celles du palais de l’Elysée où nous retrouvons nos protagonistes en début d’épisode. La série assume qu’elle ne s’intéresse qu’à la sphère, la bulle, des politiciens. Mais par ce rappel du monde extérieur, elle montre combien le pouvoir coupe de la réalité. Même en se baladant dans la rue, même en ayant des racines populaires, même en restant connecté au monde actuel, dès lors qu’un homme ou une femme accède à la sphère politique, le réel devient un objet d’étude… La résolution de cette piste narrative des terroristes recoupe celle d’un autre grand enjeu, la mort du PS. Face à cette menace contre la Présidente, chacun tente son coup de poker à nouveau. Thorigny dit qu’ils ne se parlent plus assez, qu’elle peut se tirer par le haut de cette situation en formant un nouveau mouvement politique tous les deux. Rickwaert tente de revenir à elle, en lui proposant un discours où elle assume avoir tué les terroristes, pour être une nouvelle Dame de Fer, qui dictera seule sa politique, qu’il espère de gauche, et incluant un dialogue avec son poulain Cyril autour de la mixité à l’école (la solution, selon lui, vis-à-vis de la radicalisation djihadiste). Ce dernier échange entre eux est par ailleurs le grand moment de l’épisode, admirablement filmé et joué. Un long dialogue réellement prenant, filmé comme un ballet. Enfin, Vidal affirme être le représentant de la République et questionne la Présidente : si elle a fait exécuter les terroristes, elle doit le dire, elle ne peut laisser le pays dans le doute. Mais le dernier coup de poker est celui d’Amélie. C’est elle qui gagne, en prenant un peu des solutions de Thorigny, un peu de celles de Rickwaert : elle va créer un nouveau gouvernement sans étiquette politique, en volant Cyril à Rickwaert. Elle affirme qu’elle osera être une Dame de Fer s’il le faut, mais nie avoir fait exécuter les terroristes, rejetant Vidal comme un complotiste obscur. Ce dernier twist laisse au spectateur l’envie de voir Rickwaert prendre sa revanche, ou tout au moins essayer, dans la saison 3. Ce qui rend ce dernier épisode, sans être absolument parfait, très intéressant à suivre et assez palpitant – comme l’ensemble de la saison 2. Dans l’ensemble, on y sent une mise-en-scène plus équilibrée que dans la saison 1, avec un vrai goût pour les dialogues filmés comme des actions trépidantes, entre drame et divertissement pour mieux vulgariser les mécanismes du monde politique. |
Saison 3 Scénario : Eric Benzekri et Raphaël Chevènement Réalisation : Antoine Chevrollier Résumé : Philippe Rickwaert a à peine achevé sa peine d'inéligibilité, qu'il annonce à Kahlenberg qu'il compte se présenter à l'élection présidentielle qui aura lieu deux ans plus tard. Or les différents chefs des partis politiques sont plus préoccupés par les prochaines élections régionales. De plus des enquêtes quali mettent en évidence que pour l'opinion publique, Rickwaert reste perçu comme l'éternel Baron noir du Parti socialiste, ce qui constitue une tache indélébile et donc un obstacle majeur à ses ambitions présidentielles. Critique : Baron Noir semble être une série qui s’améliore intelligemment à chaque saison. La première posait dès le départ un goût des plans-séquences en steadycam assez virtuose, ainsi que le brio de son écriture, sa capacité à créer une grande tension et du vrai divertissement avec des personnages de politiciens français, calqués sur notre réalité contemporaine. Toutefois, quelques grosses ficelles étaient de temps en temps utilisées du côté des rebondissements, comme du côté de la mise en scène. La seconde saison fut plus fine que la première, parvenant à préserver le suspense sans suicide d’un protagoniste, ni trucage des urnes, ni démission d’un Président, mais simplement avec des confrontations d’idées, des coups de pokers, des ralliements et des trahisons. Il restait pour défauts des musiques pas assez recherchées, un peu en boucles, ainsi que certains effets de mise en scène trop appuyés ça et là (malgré une très bonne tenue générale). Dès l’ouverture de cette troisième saison, on constate que ces derniers défauts sont gommés. La mise en scène est superbe, les cadres hautement cinématographiques. La réalisation d’Antoine Chevrollier, qui signait déjà les épisodes 5-8 de la saison 2, se fait plus maîtrisée, plus finement stylisée. Les ombres sont plus profondes, les couleurs plus chaudes. Par ailleurs, on note justement l’arrivée d’un nouveau chef opérateur (Benjamin Roux) qui acte ce pas de plus vers un visuel cinématographique. L’introduction sous la neige est bluffante ; plus tard, de nombreux raccords nous surprennent, ou nous touchent, et certaines atmosphères suffisent à nous captiver. Il y a une séquence vraiment très belle où Rickwaert tente de convaincre successivement des membres du PS de l’utilité de sa candidature, et où il fait face à la même réponse (« et ta condamnation ? »), tout en plan-séquence virtuose dans un restaurant. La caméra se ballade de table en table, alors que le temps passe et que l’on retrouve Rickwaert à chaque fois devant un nouveau visage fermé… Notons aussi par exemple la très belle atmosphère de la scène dans le jardin de Vidal, à la tombée du jour, où il parle de ses roses à Véronique, là aussi majoritairement en plan-séquence, d’une grande élégance. Quant à la musique, toujours composée par Evgueni Galperine et Sacha Galperine, elle apporte de nouveaux thèmes, plus originaux. Le thème « thriller » un peu trop lourd de la seconde saison est relifté, collant mieux aux images, exprimant l’intériorité des émotions de Rickwaert. De manière générale elle se fait plus mélancolique et envoûtante. Côté scénario, les deux auteurs maîtrisent parfaitement les personnages. Les acteurs aussi. L’impossible réconciliation de Rickwaert et Cyril est particulièrement touchante, d’autant qu’elle est mise en parallèle avec la réconciliation de Rickwaert et sa fille. Quand Philippe avait perdu l’amour de sa fille, il avait déporté son affection vers Cyril. Désormais, aux jolies scènes père/fille se succède donc une scène très sombre où Rickwaert laisse Cyril au plus bas. La vie présidentielle d’Amélie est aussi une des qualités de l’épisode, et Thorigny apparaît plus nettement comme un personnage bourrin et antipathique, un méchant plus savoureux, là où ses traits paraissaient trop vagues dans la saison 2. L’affrontement entre Rickwaert et Kalhenberg, qui ouvre la saison, est aussi une promesse alléchante. Enfin, le pas de Rickwaert vers Vidal créé vraiment notre stupéfaction, autant que notre plaisir tant les scènes avec François Morel sont réussies. Notamment la toute dernière, marquante, où Rickwaert est hué par la foule de Debout le peuple, avant d’être applaudit quand leur leader l’accueille. Scénario : Eric Benzekri, Olivier Demangel, Thomas Finkielkraut Réalisation : Antoine Chevrollier Résumé : Trop handicapé par l'état moribond du Parti Socialiste, Philippe prend tout le monde de court et rallie "Debout le Peuple" de Michel Vidal. Il applique en réalité une vieille tactique politique baptisée l'entrisme. Critique : La série poursuit sur sa lancée dans ce deuxième épisode toujours aussi bien écrit et bien mis en scène. Dans un style toujours aussi cinématographique, aidé des nouvelles musiques plus émouvantes et audacieuses, la série brille par le ton qu’elle a su trouver. Au premier plan, l’humanité des personnages, leurs émotions, leurs réflexions. Arrivé à cette troisième saison, Baron Noir gère parfaitement l’aspect tragique de son récit, y intégrant plus subtilement l’exposé du monde politique français. Ainsi, la découverte de nouveaux couples est une bonne pierre apposée à l’édifice de la série. Amélie Dorendeu rencontre un expert de la Françallemagne, très bien joué par Alex Lutz, et l’on sent immédiatement une possible love story apparaître. D’un autre côté, on découvre l’épouse de Michel Vidal, qui connaît par cœur les travers de son mari et offre un regard supplémentaire sur l’alter-ego de Mélenchon, qui reste une personnalité puzzle, contradictoire et fascinante. L’épisode, qui fait traverser au spectateur l’étape des Régionales, lance aussi l’enjeu des prochaines Présidentielles. Dès cette élection régionale, les pions de l’élection nationale se posent. Là encore, le récit des régionales se mêle parfaitement au récit intime des différents personnages. Le ralliement du candidat PS du Nord au parti de Debout le Peuple, donc dans le camp de Véronique et Vidal, provoque la rupture amoureuse de Véronique et Kalhenberg. Une scène assez déchirante, portée par les deux excellents comédiens, Astrid Whettnal et Philippe Résimont. Parallèlement, les régionales sont aussi le moment des retrouvailles entre Rickwaert et Cyril. Philippe fait son méa-culpa, retrouve son fils spirituel. Ils se promettent de rester soudés, unis pour porter Philippe à la Présidentielle. En effet, si Philippe rejoint Vidal, c’est une tactique de plus. Il joue à l’infiltré. Et, comme dans un excellent film d’infiltré, Vidal finit par s’en douter. Effrayé de voir son stratagème s’effondrer si tôt, Philippe qui avait convaincu Cyril de rejoindre le camp Vidal lui aussi, lui demande à la dernière minute de tout simplement s’écarter des Régionales, de se retirer pour le second tour. Déboussolé, Cyril écoute son cœur : non seulement il se retire de ces élections, mais il se retire de la vie politique tout court. Ce coup de théâtre est doublement fort : non seulement, il joue avec nos émotions comme un yoyo, puisqu’à peine réunis, Philippe et Cyril se retrouvent à nouveau éloignés. Cyril pardonnera-t-il à Philippe d’avoir provoqué sa disparition politique ? Reviendra-t-il l’aider ou bien avec une envie de vengeance ? Le twist est aussi fort dans son rapport à notre réalité : alors que Cyril semblait calqué sur Manuel Valls dans la saison 2, les scénaristes prennent assez de liberté pour le faire suivre un autre chemin que leur modèle de départ (prêt à rallier le camp de l’extrême gauche ; puis se retirant de la vie politique). Jouant avec nos attentes concernant des modèles réels, la série nous surprend d’autant plus. Les scénaristes démontrent ainsi à quel point, en politique, rien ne se passe jamais comme prévu. Les aléas de la vie bousculent toujours les stratagèmes. Dans son coin, c’est ces aléas qu’aimeraient maîtriser Amélie : en chute dans les sondages pour la prochaine Présidentielle, elle aimerait faire « dérailler » l’élection, provoquer un choc qui perturbe tous ces adversaires. C’est dans cette optique qu’elle étudie une nouvelle Françallemagne, entièrement basée sur un grand renouveau écologique. Scénario : Eric Benzekri, Olivier Demangel, Thomas Finkielkraut Réalisation : Antoine Chevrollier Résumé : L'élection de Véronique Bosso en Hauts-de-France conforte la position de Vidal. L'irruption du GUD lors d'une réunion en non-mixité dans un lycée inspire Rickwaert qui va en profiter pour attirer de nouveaux électeurs au parti de Vidal et les lui prendre une fois le chef affaibli. Les plans d'Amélie Dorendeu pour la « Françallemagne » sont mis à mal par une affaire de harcèlement sexuel visant le chancelier allemand, qui doit démissionner. Critique : Encore un très bel épisode, peut-être encore meilleur que les deux premiers. Ici, le jeu d’« infiltré » ou d’entrisme de Rickwaert au sein du mouvement de Vidal prend la part belle. Le face à face est fascinant, voir angoissant par moments. Tout le portrait de Vidal prend de l’ampleur, porté par François Morel. Une vision à la fois touchante et inquiétante de cet alter-ego de Mélenchon. Ayant vu pendant deux saisons le jeu permanent de coups-bas, de tactique qui prévaut sur les convictions, et dont le Parti Socialiste et le Baron Noir sont devenus maîtres, on saisit mieux le besoin de Vidal de créer son propre parti, lavé de cette forme de corruption des idées. Seulement, Vidal s’enferme dans son autorité, persuadé par ses bonnes intentions qu’il peut se passer de toute forme de débat. Si on sait que ce portrait part du « vrai » Mélenchon, de ce que l’on sait de cette figure réelle par différents recoupements, le personnage de Vidal devient avant tout un grand personnage de fiction, tragi-comique, fascinant, brillant, effrayant aussi, drôle parfois, très humain. Evidemment, c’est aussi le cas du personnage de Philippe, qui ici plus que jamais avale des couleuvres – l’exemple le plus frappant étant de devoir écouter Vidal insulter hargneusement Cyril, que Rickwaert a dû écarter du chemin pour poursuivre son parasitage du mouvement Debout le peuple… La série, dans sa saison 3, touche aussi intelligemment à une forme de modernité qui pousse les mouvements politiques à se questionner : ici avec la fille de Philippe qui veut photographier un groupe racisé anti-raciste, avant que ne surgissent des casseurs du FN. D’un autre côté, Dorendeu apprend que le Chancelier allemand est visé par des accusations de harcèlement sexuel, ce qui fait tomber à l’eau le processus de dialogue autour de la Françallemagne écolo de la Présidente… Une modernité qui marche sur la tête aussi, avec les portraits dressés par des conseillers en communication selon lesquels Amélie devrait redevenir « féminine » pour conquérir l’opinion, donc assumer une histoire d’amour publiquement. Si elle ne les écoute pas instantanément, elle choisit un interview par Karine Lemarchand pour se « livrer » sur un plan plus intime… mais conclut l’émission par un twist, l’annonce d’un grand projet pour modifier l’élection Présidentielle : sa nouvelle manœuvre pour déstabiliser les concurrents à l’élection, alors que celle de la Françallemagne ne peut plus fonctionner. Ou comment le réel pousse toujours les politiciens à se réinventer, quitte à être roublards, mélangeant opportunisme, ambition, et conviction (puisqu’initialement de gauche, Dorendeu pourrait être réellement contre la part trop monarchique de la 5ème république). Cette annonce pousse aussitôt Rickwaert à conseiller à Vidal de demander au peuple de sortir dans la rue, manifester pour une constituante… ce qui était le plan secret de Dorendeu. Comme si Rickwaert et Dorendeu restaient liés de manière invisible, ayant finalement le même cerveau. Bref, ce troisième épisode continue de maintenir la série à un haut niveau depuis le début de la saison. Scénario : Eric Benzekri et Raphaël Chevènement Réalisation : Antoine Chevrollier Résumé : Devant la réaction des militants de Debout le peuple, Amélie Dorendeu précise l'essentiel de sa réforme : une modification de l'article 6 de la Constitution, supprimant l'élection du Président de la République au suffrage universel. Vidal s'exprime contre sur les réseaux sociaux sans consulter le bureau, et Rickwaert décide de soutenir la proposition. Un grand débat public est organisé entre Vidal et Rickwaert, surveillé par une équipe de trolls agissant pour Dorendeu. Critique : Par le coup de poker d’Amélie Dorendeu, Rickwaert se voit offrir un face à face avec Vidal bien plus tôt que prévu. Alors que Vidal tweet seul, sans consulter aucun membre de son parti, « contre » le référendum proposé par Amélie, Rickwaert tweet pour. Il cherche ainsi à emporter avec lui les membres de Debout le Peuple qui trouvent Vidal trop autoritaire. Par le « non » de Vidal à la proposition de Dorendeu, pourtant proche de son propre programme – une nouvelle République –, Rickwaert lève le masque de Vidal. En s’infiltrant dans son parti, comme un équilibriste, Rickwaert a essayé de réunir les gauches, et voyant que c’était impossible face à l’égocentrisme de Vidal, il saisit l’occasion de le détruire. L’épisode, toujours aussi inspiré en terme de mise en scène, offre aussi un sort plus positif au Baron Noir. Comme à la sortie d’une longue traversée du désert, du début de la saison 2 jusqu’à cet épisode, il gagne enfin une grande bataille publique. Non sans une dernière épreuve : le dentiste, juste avant son discours, l’obligeant à soigner sa mâchoire enflée mais sans anesthésie pour pouvoir parler en public dans l’heure qui vient. Une fois lancé dans la fosse aux lions, Rickwaert est écouté par sa fille dans la foule, qui avoue enfin auprès de sa nouvelle petite amie s’appeler Rickwaert : « c’est mon père ». Beau climax d’une grande scène de discours politique, symbolisant bien la force de la série : dépeindre les coulisses de la sphère politique française, mais au service d’un récit et de personnages de fictions. Philippe gagne aussi sur le plan affectiv, par la collaboration avec une conseillère en communication, Naïma, dont il tombe amoureux. Jolie manière de jouer autour conflit relation de travail/relation amoureuse dans ce milieu politique, où tous paraissent enfermés dans leur bulle. Ils ne rencontrent presque plus que des collaborateurs, tombent amoureux de collègues. Et quand le travail vient à les opposer, ces monstres de politiques risquent souvent de choisir le travail plutôt que l’amour, comme on l’a vu avec Kalhenberg et Véronique. Est-ce qui attend Naïma et Philippe ? Ce sera peut-être un nouvel enjeu, lancé par cet épisode assez positif, qui, s’il est plus tourné vers l’enchaînement des actions politiques, des affrontements, que vers l’ambiguïté des personnages comme dans les 3 premiers, reste de très bonne tenue scénaristique et visuelle. Scénario : Eric Benzekri et Raphaël Chevènement Réalisation : Thomas Bourguignon Résumé : À trois semaines du référendum, le Oui stagne. Persuadé que ce résultat est dû à l'impopularité de Dorendeu, Rickwaert tente de convaincre la présidente de renoncer à participer à la campagne, non sans avoir annoncé qu'elle ne démissionnerait pas en cas de défaite. Lors d'un déplacement, Amélie tente d'échanger avec des manifestants qui l'accueillent aux cris de « Dictature dorendiste ! ». Un manifestant finit par la gifler, et se révèle être un admirateur de Christophe Mercier, enseignant et vidéaste antisystème qui rejette la démocratie représentative. Critique : La série continue d’être passionnante en cette saison 3, adaptant plus que jamais ses rebondissements à ceux du réel. Haine des élites, monarchie présidentielle qui isolerait le poste de Président de la réalité, nouvelles forces politiques issues de blogueurs, vidéastes en ligne… De toute part on sent une révolution, la fin d’un système démocratique, mais d’où viendra-t-elle ? Sur un mode anarchiste, du « peuple », mais mené par une figure finalement assez obscure de youtubeur ? Sur le mode voulu par Vidal, une 6ème République qui ne pourrait être amené que par l’élection du leader à la 5ème ? Ou par l’extrême-droite de Chalon, un pouvoir livré aux mains du fascisme ? Si tous les personnages sont fictifs, on voit bien ici comment la fiction s’inscrit dans un conflit réel, vécu de l’intérieur par la sphère de ceux qui font de la politique depuis des années. Très intéressant de voir Rickwaert découvrir par la bouche de sa fille le youtubeur Mercier, sorte d’alter-ego d’Etienne Chouard, aussi à l’avant-garde de Raoult. Bien sûr, la série adopte comme arène fictionnelle le monde des politiciens français, et le youtubeur existe automatiquement comme antagoniste. C’est un point-de-vue, celui de la série, avant tout porté par le regard du vieux socialiste Rickwaert, que de dépeindre ces nouveaux visages « hors-systèmes » comme des dangers. Toutefois, si la série nous fait avant tout aimer Rickwaert et nous donne envie de le voir réussir, elle nous fait glisser par tous les points-de-vues. On comprend aussi le personnage de Mercier, il paraît sincèrement engagé. La série permet de nous interroger : vaut-il mieux un système basé sur une concurrence de loups de la politique, ou un renversement mené par le peuple, avec un leader issu du peuple et sincèrement mené par ses idées ? La sincérité de Mercier n’est-elle pas dangereuse ? Persuadé d’avoir une « mission », moins contrecarré que les hommes politiques professionnels qui eux sont en permanence obligés de renoncer à certaines de leurs envies, il paraît impossible de débattre avec Mercier. Comme il paraît parfois impossible de débattre avec Vidal. Toutefois, Vidal dit aimer « changer de personnage », ce qu’il fait de mieux : il veut tellement le pouvoir, lui aussi, qu’il peut s’adapter aux situations. Est-ce que cette part de cynisme, liée à l’envie de pouvoir, ne serait pas garante de la démocratie ? Ces hommes et ces femmes qui cherchent en permanence à exister dans la sphère du pouvoir sont bien obligés de s’adapter en permanence, de changer d’avis, de ligne, en fonction du flux permanent de ce qui populaire et impopulaire. A l’inverse, des forces nées en dehors de cette sphère pourraient s’enfoncer dans la violence par l’obsession d’une idée, d’un programme, persuadé qu’il n’existe qu’une vérité. Baron Noir, tout en révélant les failles d’un vieux système politique, en révélant ses coulisses, lui rend aussi une forme d’hommage : c’est au moins un système où l’on peut débattre, marchander. Il n’y a pas qu’une vérité, on a des valeurs mais on doit bien parfois céder au chantage du parti adverse, ou du sien. Cela passe par des coups de pokers, des retournements de veste, mais cela ressemble un peu à une démocratie. Pourtant, peut-être parce que cette démocratie n’est pas toujours belle à montrer, le grand public ressent une défiance et paraît vouloir se tourner vers des figures de solitaires, des figures « extrêmes » : dégagisme, extrême-droite, ou youtubeurs. Belle image de Vidal qui dit soudain à tout son staff « laissez-moi réfléchir » : en plongée, la table se vide, Vidal reste seul, penseur de Rodin, statufié. Par le biais des vidéos, d’internet, des nouvelles figures politiques comme celle fictive de Mercier paraissent pouvoir s’adresser à « tout le Peuple » d’un coup, à l’inverse de l’élite des élus qui ne se parle qu’entre eux. Pourtant, concrètement, il s’agit aussi de tribuns, qui parlent seuls devant leur écran. Si le Peuple like, envoie des smileys, ou sort dans la rue, il n’en reste pas moins que ces figures là ne veulent pas réellement « parlementer ». C’est donc le nouvel enjeu de cette fin de saison : un système menace de s’effondrer. Faut-il le rénover ? Peut-on le rénover ? Ou bien va-t-il être renversé, et si oui, par qui ? Quelle place pour le Baron Noir, dont les talents et l’expertises ne peuvent fonctionner qu’au sein de ce système-là ? Cette nouvelle urgence est très bien incarnée à l’écran par la scène de la gifle donnée à la Présidente, scène assez renversante. D’autant qu’on s’attache paradoxalement de plus en plus au personnage de Dorendeu, si bien campée par Mouglalis. Ce questionnement nouveau se pose dans cet épisode par le vote référendaire proposé par Amélie, Oui ou Non à la nouvelle forme d’élection Présidentielle qu’elle propose. C’est encore une fois l’occasion pour Rickwaert d’exister publiquement, en affrontant autant le youtubeur Mercier que Vidal. La conclusion de l’épisode, qui montre ces derniers se réunir, est une bonne trouvaille de cliffhanger. Si la série continue de s’inspirer de la réalité, on peut imaginer que le mouvement de Mercier et le parti de Vidal ne parviendront pas à créer une nouvelle force commune, mais le suspense reste entier. Cette nouvelle phase de la saison marque aussi le changement de réalisateur (comme dans la saison précédente, où Ziad Doueiri laissait la place à Antoine Chevrollier), cette fois Antoine Chevrollier laisse la place à Thomas Bourguignon, également producteur de la série. L’unité visuelle reste là, grâce au talent du chef opérateur Bruno Degrave qui fait des merveilles (à la suite de Benjamin Roux), et bien sûr aussi à celui du réalisateur. Les fioritures virtuoses de Chevrollier qui faisaient le charme des premiers épisodes sont rendues un peu plus discrètes désormais : il reste quelques plans stylisées ou raccords audacieux (le visage de Vidal qui se noie dans une trompette de fanfare), mais de manière plus sobre, la mise en scène se faisant plus à l’épaule, dynamique, qu’en prouesses de steadycams et de travellings. On reste toutefois dans ce qui se fait de mieux parmi les séries françaises, et arrivé à ce stade notre sentiment se confirme : chaque saison de Baron noir paraît encore meilleure que la précédente. Scénario : Eric Benzekri, Olivier Demangel, Thomas Finkielkraut Réalisation : Thomas Bourguignon Résumé : Trop handicapé par l'état moribond du Parti Socialiste, Philippe prend tout le monde de court et rallie "Debout le Peuple" de Michel Vidal. Il applique en réalité une vieille tactique politique baptisée l'entrisme. Critique : Très bel épisode, qui nous surprend dès sa scène d’ouverture dans un train, où Philippe demande Naïma en mariage, avant de se voir interrompu par des passagers qui veulent discuter politique. Le champ du réel et de l’intime se mêlent, à l’image du reste de la série, comme un résumé de la série dans un wagon. L’épisode poursuit sur cette lancée, où le mariage, idée qui ne tente pas trop Naïma au départ, devient l’occasion d’inviter les grands pontes de la gauche et d’essayer un nouveau coup médiatique. Quand Vidal finit par s’y inviter, on croit que Rickwaert a tout gagné. Mais, autour du champagne, Vidal constate que ses vues et celles de Kalhenberg, le plus centriste du PS, seront irréconciliables malgré tous les efforts de Rickwaert. Vidal veut que Mercier, le youtubeur, puisse se présenter. Tout explose à partir de cette opposition, la rixe est relayée sur le net… Alors que Vidal quitte le mariage, en ayant regagné la confiance d’Aurore Dupraz qui part avec lui, Amélie Dorendeu profite de ce nouveau rebondissement pour annoncer sa candidature à la réélection, en proposant elle-même que Mercier se présente, invitant les Maires de France à lui offrir 500 signatures. Parallèlement, Amélie a elle aussi jouée avec la communication 2.0. en se montrant aux bras de son nouveau petit ami (bon casting avec Alex Lutz). L’épisode joue donc très joliment de ce mélange d’intime et de politique, pour créer un double suspense : Qui gagnera l’élection ? Parmi ces couples, lesquels seront détruits par le jeu politique ? Dans le premier suspense, qui est celui que nous vivons tous les 5 ans et que la saison 3 met en scène, apparaît de plus en plus la stratégie du Front National. Eux aussi subissent des dissensions, entre radicalité anti-européenne ou tentative de manger la droite traditionnelle. Ces scènes sont moins nombreuses, mais incarnent le plus grand antagonisme du point-de-vue de Rickwaert et du spectateur, ceux dont nous craignons le plus l’accession au pouvoir. Pourtant, la série parvient très bien à incarner les arguments de chaque parti, par son art des dialogues. Du youtubeur au Front National, de l’extrême-gauche au Centrisme à la Dorendeu, en passant par le camp Rickwaert, le spectateur peut vivre bulle par bulle la logique de chaque parti. Le tout incarné plus que jamais par des trajectoires de personnages, à l’image de ce mariage qui occupe toute la deuxième moitié de l’épisode. Scénario : Eric Benzekri et Raphaël Chevènement Réalisation : Thomas Bourguignon Résumé : Ayant renoncé à une candidature à la présidentielle au nom de son discours sur l'unité de la gauche, Rickwaert est persuadé que la présidente le nommera Premier ministre après sa victoire. Au premier tour, Dorendeu devance Mercier, qui double Chalon. Vidal, arrivé quatrième, voit Debout le peuple lui échapper et préparer son ralliement au YouTubeur, bien que le candidat du RN ait appelé à voter en faveur de ce dernier. Philippe est effectivement appelé par Amélie, qui veut le désigner à Matignon sur un programme social et écologiste. C'est alors que la presse révèle l'accord secret entre la présidente et l'ancien chancelier allemand sur le partage du siège français à l'ONU. Critique : Le rythme s’accélère pour entrer dans ce qui va constituer un double chapitre final, les épisodes 7 et 8. Le scénario semble faire un bond dans le temps en commençant directement au débat du 1er tour, où Rickwaert est étonnamment absent. On comprend alors qu’il s’est retiré, pour louer l’union de la gauche, misant sur une réélection d’Amélie et une accession au poste de 1er ministre. La première partie de l’épisode joue sur un suspense nouveau et bien trouvé : et si Philippe délirait ? S’il avait trop confiance dans son instinct, qu’Amélie n’allait jamais l’appeler pour être 1er ministre ? C’est la question que se pose Naïma et le spectateur avec elle. Notre héros est-il un si génial tacticien, après tout ? Le suspense est levé dans une première partie, à coups de fausses pistes lancées par la Présidente : oui, elle veut effectivement Rickwaert en 1er ministre. Mais comme d’habitude dans la série, les protagonistes doivent faire face à l’imprévu : alors qu’Amélie prévoit sa tactique et réfléchit déjà à son second mandat avec Philippe, un leak révèle les SMS échangés entre Amélie et le Chancelier Allemand au sujet du siège commun à l’ONU. Un scandale éclate en France, confortant les propos du youtubeur Mercier : une caste prendrait des décisions dans le dos du peuple. Amélie chute dans les sondages, au profit de son opposant Mercier. Ici, la série touche parfaitement du doigt le sentiment de sidération qui nous traverse régulièrement à la découverte d’un scandale, qui vient bousculer entièrement les prédictions politiques. La mise en scène de Thomas Bourguignon offre ici une excellente synthèse de la série, entre style virtuose quant aux raccords ou aux mouvements de caméras, et moments plus invisibles au service des dialogues. Certaines scènes de 5 ou 6 minutes d’échanges nous prennent aux tripes, comme la descente en flèche de Vidal par ses propres militants, ou l’échange qui s’en suit entre Rickwaert et un Vidal au plus bas. Partant du personnage de Mélenchon, la série rend à la fois un bel hommage à ce protagoniste, bourré de contradictions, qu’on a aimé détester dans les épisodes précédents, et pour lequel on éprouve ici une grande empathie. Le spectateur ne sort pas de la série plus ou moins convaincu par un parti ou une personnalité, mais il a pu lever le voile sur les mécanismes de ce monde, et se rappeler que ceux qui le constituent sont finalement rien que des humains, imparfaits, comme nous. Même empathie pour Amélie, pourtant arrogante bien souvent, ici détruite par le récent scandale. Alors que Mercier est amené à gagner, à renverser la République donc, Philippe trouve la seule solution : qu’Amélie soit destituée avant le second tour. Amélie, qui renoue enfin avec Philippe, doit assumer la justesse de cette analyse et se faire hara-kiri. Elle accepte à une seule condition : qu’il se présente et gagne la Présidence. Notre héros gagne et perd tout à la fois… grande trouvaille des scénaristes de la série. Bref, l’épisode nous fait vivre un véritable trajet de montagne-russe, pris en étau dans la temporalité de l’entre-deux-tours, créant un suspense intense et se concluant sur un dernier choc qui hausse énormément nos attentes pour le dernier épisode. Scénario : Eric Benzekri et Raphaël Chevènement Réalisation : Thomas Bourguignon Résumé : Après que le Conseil constitutionnel a prononcé l'empêchement de Dorendeu, Rickwaert se présente en candidat unique de la gauche à la nouvelle élection présidentielle, face à Mercier, Boudard et Chalon. Amélie, qui rencontre Philippe en secret pour lui imposer de la dénigrer dans ses meetings afin de fédérer les électeurs, se retire dans sa maison d'enfance avec Olivier. Critique : Un dernier épisode tout simplement ébouriffant, et complètement juste vis-à-vis de tout ce que la série a construit jusqu’ici. La première moitié de l’épisode montre l’exécution du plan de Rickwaert : le Monsieur Terrorisme d’Amélie révèle que la Présidente a bien demandé l’exécution de trois Djihadistes sur le territoire français, hors de l’Etat de droit. D’un temps de tension à un autre, l’épisode décrit ce qui arriverait en cas d’un tel scandale (le Conseil Constitutionnel qui se penche sur l’annulation de l’élection ou son maintien). Puis, l’annulation de l’élection annoncée, le milieu de l’épisode raconte la nouvelle campagne Présidentielle accélérée, sur 30 jours, où Rickwaert parvient à convaincre toute la gauche de se réunir autour de lui. A ce stade, on est suspendu, tant l’usage des mécanismes de l’élection Présidentielle servent magistralement au suspense de la fiction. Et encore plus quand vient le débat final, entre Rickwaert et Mercier. 8 minutes de tension, où notre héros, pour une fois, ne nous déçoit pas. Il défend le système de la République, et en cela il défend la série. Très beau moment où le personnage, arrivé au terme de l’aventure, explicite presque le propos de Baron Noir : oui, le système pousse à s’adapter, à parfois trahir ou se trahir soi-même, à revenir sur des mesures… Mais ce même système permet aussi, parfois, de grandes victoires, de grandes avancées pour le pays et les citoyens. Ce grand moment mène à un dernier temps de suspense, les résultats de l’élection : moment génial où la série joue avec notre habitude de ce moment rituel, utilisant nos souvenirs de ces instants où la France se fige devant son poste de télévision, pour voir apparaître le visage de notre protagoniste principal après 3 saisons passées avec lui. Si la fin pourrait être heureuse, elle finit sur une note sombre qui résume toute la série : pour éviter la catastrophe, Rickwaert a demandé à Amélie de disparaître. La dernière image, très belle, de la silhouette en ombre chinoise de Rickwaert, rappelle une dernière fois combien toucher au pouvoir détruit autour de soi. Philippe, au final, est un personnage touchant et sincère, d’abord mené par ses convictions dans ses jeunes années, qui a vite compris que pour porter ces mêmes convictions au pouvoir il devait être un grand stratège, devenir le « Baron Noir ». S’engager en politique, dit la série, à des contreparties : quand on touche au pouvoir, on perd ses proches, on trahit, on ment, on triche… Impossible de faire sans, ou alors le camp d’en face gagnera. Si cela peut donner l’image d’un pouvoir corrompu, Baron Noir nous dit que les politiciens qui le constituent sont tout de même, au départ, portés par des valeurs, et, in fine, rien que des hommes et des femmes, imparfaits. Il est dit qu’il n’y aura pas de saison 4. Si tel est le cas, Baron Noir arrive en fin de saison 3 à une parfaite conclusion sur le plan narratif (nous quittons notre héros enfin aux portes du rôle qui l’inspire tant), sur le plan des émotions (un dernier grand moment de joie, puis un retour au tragique), et sur le plan des questionnements posés par la série. Le tout est allé crescendo, chaque saison plus parfaite que la précédente, ce qui fait de Baron Noir l’une des meilleures séries françaises de ces dernières années. |