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 saison 1 saison 3

Saga James Bond (1962-...)

Ère George Lazenby

1. Au service secret de Sa Majesté (On Her Majesty's Secret Service) – 1969 


1. AU SERVICE SECRET DE SA MAJESTÉ
(ON HER MAJESTY'S SECRET SERVICE)

Scénario : Richard Maibaum et Simon Raven
Réalisation : Peter R. Hunt

– I've taught you to love chickens, to love their flesh, their voice.

Le 18 décembre 1969, alors que les Avengers entrent dans un long sommeil de sept années et que les mythiques années 60 en arrivent à leur terme, les Britanniques découvrent un nouveau James Bond après le départ de Sean Connery le fondateur. Dans ce contexte de fin d'époque, le film marquerait-il un crépuscule, ou au contraire parviendrait-il à rebondir vers des lendemains qui chantent ?

Le film débute correctement, avec la traditionnelle scène d'action se révélant agréable à suivre, mais néanmoins principalement pour les superbes vues de la Méditerranée et la mystérieuse apparition de Diana Rigg, plus que pour un combat certes animé mais sans rien d'exceptionnel. Cette première impression, plutôt positive, se voit déjà contrebalancée par la plaisanterie ratée de 007 s'adressant directement au public. Ce genre de pratique amuse chez les Monty Python, mais semble bien hors sujet ici (007 n'a plus jamais cassé le 4e mur depuis).

Le générique, porté par la vibrante musique de John Barry, convainc lui sans réserve ; les producteurs, tenant à rassurer le public quant à la continuité  de la série, ayant eu la bonne idée d'insérer des images des précédents films. Ce voyage dans le temps s'avère plaisant (même si trompeur…) et l'on remarque d'autres éléments ludiques comme l'apparition d'Albion, ou les jeunes femmes formant un blason introduisant la notion d'héraldique. On n'oubliera pas également la sublime chanson de John Barry, interprétée par Louis Amstrong, We have all the time in the world. Avec celle de Bons baisers de Russie, elle fut la seule à connaître une version française, interprétée par Isabelle Aubret.

Cette volonté d'inscrire le film dans la continuité de la saga, malgré le changement d'interprète principal, se dénote dès les première images du film tant 007 est vivement précipité dans ses décors ultra familiers de palace et de casino… Malheureusement, la suite du film va se révéler un constant désenchantement, tant ces différents éléments (à une notable exception près) se caractérisent par un décrochage brutal de la fabuleuse qualité à laquelle nous nous étions habitués.

OHMSS, comme on le désigne coutumièrement, dure fort longtemps, 2h20, rare domaine où il représente un des sommets de la série (il est seulement battu par les films de l'ère Craig, Quantum of Solace excepté). Et tout concourt à nous faire ressentir cette interminable traversée, à commencer par la très plate réalisation de Peter Hunt. Celui-ci, monteur compétent pour Bons baisers de Russie (il réalise le montage du duel Grant/007) et On ne vit que deux fois, n'a clairement pas les épaules pour donner vie et énergie à la grande machine "James Bond". Comme écrasé par son sujet, il se contente de passer les plats et de filmer platement les multiples passages, déjà sans relief, d'une intrigue accumulant les scènes verbeuses et sans piquant, même si très proche de l'œuvre de Fleming.

Les dialogues et réparties se montrent souvent des plus consternants. De plus, on ne retrouve pas le souffle du voyage de On ne vit que deux fois car, hormis un rapide passage par un Portugal de pacotille, le récit vient s'enkyster dans les superbes mais monotones montagnes du Piz Gloria (le premier restaurant tournant au monde, inauguré cette année-là), dont l'encaissement vient encore se rajouter à l'enfermement du long huis clos du QG de Blofeld. On s'ennuie très rapidement d'autant que les quelques bagarres, quasi toujours à coups de poing, se ressemblent toutes, de façon presque similaire à celles de Terence Hill et Bud Spencer (accélérations, gros plans, effets sonores...).

Il faut patienter l'incroyable délai d'une heure et demie pour découvrir une scène d'action digne d'un James Bond, avec la longue course-poursuite du Héros par Blofeld et ses tueurs. Hunt se retrouve ici à son affaire et son montage permet de parfaitement suivre les diverses péripéties, même au prix de quelques trucages évidents. Ces longues scènes de ski deviennent cependant répétitives, mais l'entrée en scène de Tracy apporte un second souffle bienvenu, jusqu'à cette scène d'avalanche qui demeure la plus aboutie de OHMSS et l'unique vraiment saisissante (en plus de former une jolie parabole sur la direction prise par la saga). L'attaque de la forteresse de Blofeld se verra terriblement expédiée, avec des scènes parfaitement convenues et désarmantes de facilité pour les assaillants. On se situe plus près de Wounded Knee que de Fort Alamo, même si la poursuite en bobsleigh vaut le coup d'œil.

À la décharge de Hunt, la mise en scène doit se passer des sublimes décors de Ken Adam, remplacé par un Syd Cain (très actif sur les New Avengers) habile mais dépourvu de son génie élégant et racé. Un handicap particulièrement difficile à combler !

Alors que les opus précédents bénéficiaient d'une formidable opposition à Bond, celle-ci se voit réduite au seul Blofeld, hormis les tueurs inefficaces et interchangeables habituels et une Irma Blunt qui, contrairement aux apparences, ne pèse pas bien lourd. C'est tout de même un comble que, dans un film aussi long et encombré de scènes à la triste vacuité, le scénariste vétéran Richard Maibaum n'ait su dégager l'espace nécessaire à l'installation du personnage, toujours si croustillant, de l'"épée", dans la main du Grand Adversaire (à l'image d'un Red Grant ou d'un Oddjob). Ici Blofeld doit se charger lui-même de la basse besogne, alors que l'on ne peut que ressentir une certaine déchéance. Le Numéro 1 du SPECTRE, même éprouvé par l'opération Bedlam, est un cerveau, pas un porte flingues (la fusion en un seul personnage de l'épée et du cerveau fonctionnera chez d'autres adversaires, mais nous ne serons pas dans la même cour mégalomane de Blofeld).

Telly Savalas, un des rares éléments positifs du film – alors même qu'il doit, bien entendu, lutter contre l'identification à Kojak chez les spectateurs contemporains (Ernst Stavros Blofeld ?) – se montre un interprète savoureux de la Némésis de Bond, débordant de vitalité, de malice et de confiance en soi. S'il efface sans aucune difficulté ce pauvre Lazenby, il ne peut toutefois rien contre l'évolution négative subie par son personnage.

Alors qu'avec Donald Pleasence nous avions un effroyable esprit diabolique, oscillant entre génie et folie, menant le monde au bord du gouffre nucléaire, nous nous trouvons ici simplement face à un gangster, certes de haute volée, mais dont les machinations ne visent qu'à obtenir une bien banale amnistie, avec de plus cette histoire nobiliaire ridicule achevant de déparer le personnage. On reste confondu de le voir, lui qui fut si observateur et intuitif par le passé, tomber dans le piège grossier des hélicoptères sanitaires ou enfermer Bond là d'où il pourra précisément s'échapper. Déclin de l'ambition comme des facultés du méchant rencontrant celui du héros, c'est bien à un glissement global que nous assistons ici.

De plus, si son complot amusera l'amateur des Avengers comme un panachage des Masterminds (pour le centre hypnotisant de nuit ses membres – on n'osera pas parler de cerveaux ici) et de Silent Dust (pour le virus stérilisant), le spectateur demeurera perplexe devant son inutile sophistication. Il existe des moyens conventionnels de propagation de virus bien plus convaincants et sûrs que cette improbable histoire de jeunes femmes hypnotisées. De fait, celle-ci apparaît essentiellement comme un prétexte à l'introduction d'un érotisme facile, de plus emprunt d'une certaine vulgarité et d'un kitsch folklorique idiot, sans même parler du machisme ambiant. Et, bien entendu, on ne comprend pas comment Blofeld ne reconnaît pas 007… Mauvais temps pour le SPECTRE !

Les seconds rôles ne viendront pas davantage à la rescousse d'un film en perdition, car si l'idée de donner plus d'espace au petit monde de « Universal Exports » reste en soi excellente, le résultat ne convainc guère entre l'humour appuyé de M et Q au mariage et le sentimentalisme lacrymal de Miss Moneypenny.

Était-il vraiment utile de découvrir M en lépidoptériste distingué ou de nous priver une nouvelle fois de la séance de Q délivrant ses gadgets ? On aurait préféré un approfondissement du fonctionnement du Service, tout comme dans Docteur No. Au moins y découvre-t-on deux bonnes idées : Bond démissionnaire manipulant les gadgets des films passés avec la musique correspondante (toujours cette volonté de convaincre que le film se situe dans la tradition) et 007 s'adressant au portrait de Sa gracieuse Majesté, un peu comme Don Camillo à Jésus. Rigolo, même si on ne sait pas vraiment à quel degré.

Draco, joué avec classe par Gabriele Ferzetti, retrouve quelques traits de caractère de Kerim Bey, et sa relation avec Bond se montre plaisante. On a cependant du mal à imaginer un homme aussi onctueux et sympathique en chef d'un syndicat du crime : il lui manque un rien de férocité, y compris durant l'assaut final.

Les fans des Avengers auront la joie de reconnaître Steve Plytas dans le voisin de 007 au casino (le dignitaire russe victime d'une mauvaise farce dans Le club de l'enfer) mais également James Bree dans le rôle de Grumbold, qui joue l'inventeur de REMAK dans Killer. À noter que les deux se font face dans L'argile immortelle, un épisode de la saison 2. Dans le fameux aréopage féminin de Blofeld, on retrouve également une toute jeune Joanna Lumley, mannequin à l'orée de sa carrière de comédienne. Même si elle est créditée au générique, elle reste malheureusement une des jeunes femmes que l'on voit le moins, et une des rares dont on ignore l'allergie !

Mais on découvre une autre actrice de la série en la personne d'Angela Scoular (l'également délurée Myra de l'épisode Le document disparu). Elle est sans conteste la plus exaspérante et vulgaire de l'équipe, donc c'est finalement assez logiquement que Lazenby se dirige vers elle. Mais le groupe, hormis la magnifique top modèle scandinave Julie Ege, prématurément disparue en 2008, se voit clairement dominé par Catherine Schell (Cosmos 1999, L'Aventurier, Amicalement vôtre, etc.), à qui il suffit de quelques phrases et de sa classe indéniable pour se distinguer d'une assemblée piaillante finalement plus irritante que glamour. Une grande actrice et une femme merveilleuse.

Bond avachi et en chute vertigineuse de qualité, OHMSS trouve en ce sens son interprète idéal en la personne du lénifiant George Lazenby. Certes, cet ancien mannequin porte bien le smoking et n'est pas ridicule dans les scènes de bagarre, mais il apparaît bien vite qu'il a été choisi uniquement pour sa (vague) ressemblance avec Sean Connery. Quand on songe que Timothy Dalton ne fut écarté que pour sa jeunesse (24 ans)… Son manque total de flamme et de charisme, son opiniâtreté à ânonner des dialogues déjà peu relevés et sa manière de passer à travers le film sans vraiment paraître concerné par ce qui s'y passe (en même temps on le comprend) achèvent d'annihiler tout ce qui pourrait tenir lieu d'intérêt pour le spectateur. Son peu d'intérêt pour le rôle se confirmera d'ailleurs par son retrait volontaire, avant d'entamer une brillante carrière qui culminera avec de vagues apparitions dans les Emmanuelle, ainsi que, étonnamment, dans Le Caméléon où il sera le père de Jarod !

Sous la couverture d'héraldiste de 007, Lazenby se montre convaincant en cuistre satisfait de lui-même, sans que l'on aille revendiquer qu'il s'agisse d'un rôle de composition. Lazenby restera comme le cas d'école d'une ineptie : recourir à un clone pour remédier au départ d'un interprète marquant, alors qu'il demeure bien plus judicieux d'explorer une nouvelle direction pour éviter une écrasante comparaison, à laquelle les divers palliatifs utilisés n'apporteront aucun remède.

Ces mêmes producteurs auront néanmoins une idée salvatrice : pallier au manque de célébrité de Lazenby par le recrutement d'une bien plus prestigieuse vedette féminine, en l'occurrence Diana Rigg, encore nimbée de la gloire d'Emma Peel (Brigitte Bardot puis Catherine Deneuve ont d'abord été approchées). Le choix est excellent car avec Tracy, une Bond Girl nettement plus complexe et tourmentée que de coutume, Diana Rigg va trouver à employer son immense talent. L'humanité mêlée de désarroi qu'elle confère à son personnage rehausse considérablement un film qui lui doit d'échapper à une catastrophe absolue. Malheureusement, ses brillants efforts se voient en partie sapés par la faiblesse insigne de son partenaire ainsi que par certaines scènes d'un sentimentalisme sucré (notamment au cours du désastreux passage portugais). Les scènes avec Telly Savalas, acteur autrement doué, se révèlent de fait bien plus pétillantes et on ne peut qu'en regretter la rareté !

Comme une trouée de lumière dans un ciel gris et lourd, entendre Diana Rigg déclamer un texte sublime (le grand hymne à Aton, entonné à l'aurore par les prêtres d'Héliopolis, dans l'Ancienne Égypte) constitue un pur émerveillement, à écouter absolument en VO. L'impact s'assimile à celui ressenti pas les spectateurs chanceux l'écoutant bien plus tard dans la tirade finale d'All about my mother, au West End. Un pur instant de grâce, aux frontières du surnaturel dans un film pareil. Hélas, Diana Rigg subit un destin similaire à celui d'Honor Blackman dans Goldfinger : après avoir brillé de tous ses feux et tranché sur le commun des Bond girls, elle se voit ramenée à cette condition avant le combat où il est inimaginable qu'elle puisse participer. Et de quelle manière, proprement assommée par son père ! Navrant. La tristesse de la voir manquer un formidable rendez-vous avec Connery est contrebalancée par la fierté ressentie devant son avènement comme unique épouse de Bond, avec de plus un émouvant final où le film palpite enfin. À toute Dame, tout honneur !

Film développant un ennui massif par son déroulement très lent, sa version décevante de Blofeld, et ses dialogues ineptes, OHMSS se voit achevé, malgré Diana Rigg, par la fadeur de son interprète principal. Après cet échec de la guerre du clone, le plus étonnant reste qu'il faudra aux – habituellement perspicaces – producteurs de la série emprunter une seconde voie sans issue pour se résoudre à enfin changer de cap, celle du champion remontant sur le ring comme malgré lui, pour le combat de trop.

Le public va infliger une sanction sans appel à ce film marquant une rupture très nette dans la jusque-là éblouissante trajectoire de la saga : avec un budget certes réduit (6 millions de dollars contre 9,5), OHMSS ne rapportera que 64,6 millions de dollars contre 111,6 pour On ne vit que deux fois. Si le chiffre reste conséquent, on atteint tout de même une diminution particulièrement sensible ! Alors que le film y avait initialement connu un initial succès de curiosité (il détient toujours le nombre d'entrée record sur la première semaine, avec 55 242 personnes), la France suit finalement la même tendance, avec 1 958 172 entrées contre 4 489 249 pour l'opus précédent. La reconduction de Lazenby n'était rien moins qu'assurée…

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Posted by Le Monde des Avengers on Tuesday, September 29, 2015

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Crédits photo : Sony Pictures.

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