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 saison 1 saison 3

Columbo

Saison 7


1. LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE FORTE
(TRY AND CATCH ME)



Critique :

Ah, un bon Columbo ! Je m'en languissais. Pour une fois le titre français est bien plus pertinent. Le "Try and catch me" anglais est un titre passe-partout qui convient à tout épisode de Columbo alors que le titre français rend sans doute hommage au Mystère de la chambre jaune de Leroux et fait également bien mieux référence au crime et à sa résolution par le lieutenant.

On découvre dans cet épisode une meurtrière très particulière interprétée par la Maude de "Harold et Maude" : Ruth Gordon, une petite vieille pleine d'énergie et de malice, mais capable ici de camoufler sous ses airs aimables une grande violence née d'une profonde tristesse ; un personnage complexe que l'actrice manie avec de bons arguments de jeu.

La relation qui se noue entre elle et Columbo est assez commune dans la série. D'ailleurs, le scénario prévoit que le policier en parle. Lors d'une conférence que donne cet écrivain de polars, elle l'invite au pupitre pour évoquer son métier de détective et il entame un discours sur le fait que les meurtriers sont parfois des gens charmants et drôles, qu'il lui arrive de les apprécier voire de les respecter (pas leur acte criminel bien entendu mais leur personnalité).

Effectivement, c'est un trait de la série qu'on a déjà souligné : l'alternance intéressante avec des confrontations acharnées et agressives entre Columbo et ses suspects et donc des relations tout aussi animées mais emplies parfois de sympathie voire d'empathie, c'est le cas sur cet épisode. La vieille dame tue le mari de sa nièce car elle le croit coupable de l'avoir tuée, et Columbo d'insister sur les raisons qui expliquent son acte, l'affreuse douleur de perdre un être cher et plus jeune que soi, intolérable injustice. Elle essaie même de l'amadouer, lui demande de faire une exception et de fermer les yeux sur son meurtre... impossible : le trait encore plus saillant de la personnalité du lieutenant demeure son extrême professionnalisme ; il est vrai que ce n'est pas à lui de juger de la gravité du crime et d'éventuelles circonstances atténuantes, etc.

La réalisation de James Frawley (qui débute ici une série de 6 Columbo) est bonne, un peu théâtrale, démonstrative, mais cela donne un certain cachet à la mise en scène. Une séquence du début est très ingénieuse et permet de nous faire comprendre que la vieille dame déteste son "beau-neveu" et que son discours enjôleur n'est que fariboles destinées à endormir toute espèce de méfiance chez le gaillard : ils sont tous les deux sur une plage du Pacifique, elle lui dit toute son affection, ils sont face à face, se regardent intensément alors qu'un couple de chevaux approche de plus en plus près d'eux, mais le galop étouffé dans le sable et le vacarme des vagues qui déferlent sonnent comme de sourdes menaces. Chouette petit passage qui montre que Frawley sait user de sa mise en scène pour s'exprimer ; la plupart des réalisateurs de la série ne prennent pas ce genre d'initiative risquée. Saluons-le.

Une autre scène entre Ruth Gordon et Mariette Hartley qui la fait chanter est à ce sens tout aussi bien composée, pleine de sous-entendus mais définitivement compréhensible et lisible : une petite merveille de double sens comme je les aime.

Enfin, voilà une saison 7 qui démarre sur les chapeaux de roues avec un crime bien ficelé, un dénouement cocasse et finaud, une relation criminel-Columbo des plus sympathiques, des acteurs qui jouent bien et une réalisation intelligente. J'en redemande.

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2. MEURTRE À LA CARTE
(MURDER UNDER GLASS)

Critique :

Ouch, attention les yeux ! Chaud devant ! Un Columbo exquis, succulent, un des tous meilleurs de la série à mon humble avis. Quatre étoiles au guide Alligator sans l'ombre d'une hésitation.

Certes, l'installation des éléments clés du récit comme la présentation du personnage interprété par Louis Jourdan, la préparation du meurtre, et la mort de la victime est un peu longue, presque fastidieuse ; cependant, elle donne un très bon aperçu du personnage ainsi que du monde dans lequel Columbo va se mouvoir comme un poisson dans l'eau, "comme un fugu dans l'eau" devrais-je dire puisque le meurtrier use de son talent de cuisinier pour en extraire le poison.

Louis Jourdan joue un critique gastronomique, excellent chef lui-même, et qui a extorqué une grosse somme d'argent à des cuisiniers pour leur faire une renommée internationale ; l'un d'eux se rebiffe, le cave, mal lui en prend...

Louis Jourdan incarne un personnage hautain, précieux, et cachant mal une colère prête à exploser dans la violence meurtrière. Très antipathique, il manipule son monde avec une certaine maestria. On hésite à parler d'élégance : dans les apparences oui, le terme est concevable, mais sur le plan humain, il n'en est plus question. D'ailleurs, les dernières répliques sont à ce propos claires, Columbo partage l'avis général. Jourdan est découvert, il est arrêté et conclut à l'adresse du lieutenant quelque chose comme : "je vous trouve très habile et je vous respecte énormément, mais je ne vous apprécie pas du tout", ce à quoi Columbo répond par la réciproque.

Les deux hommes nous ont offert un magnifique affrontement où l'on a bien senti l'irritation gagner Jourdan au fur et à mesure que Columbo accédait à la vérité ; ce dernier a difficilement caché le fait qu'il n'avait que peu d'estime pour son adversaire. Au contraire, il s'est totalement senti investi d'une mission que tous les amis cuisiniers du défunt n'ont eu de cesse de lui rappeler, celle d'attraper le coupable.

Louis Jourdan est un acteur très particulier qui n'est pas dénué de talent, mais quelque chose cloche chez lui qui m'empêche d'être totalement conquis par ses prestations. Je crains en fait le syndrome Cary Grant : Louis Jourdan aurait voulu être Cary Grant, c'est là son drame : il n'en a pas les facilités. Tous deux homo ou bisexuels honteux, Jourdan n'a jamais réussi à incarner sérieusement ses rôles d'homme à femmes alors que Cary Grant y excellait. Jourdan pouvait peut-être convaincre les anglo-saxons à force de jouer de son accent français, mais de ce côté de l'Atlantique, cela ne prend pas. Dans cet épisode encore, il embrasse la jolie Shera Danese du bout des lèvres.

On sent que l'effort est brutal, que les raisons qui font qu'il la repousse ne sont pas liées à l'enquête ni à l'absence d'entre-gens de la dame, mais bien à l'absence de quéquette au niveau de l'entrejambe de la dame. Mais reconnaissons-lui au moins, et c'est là l'essentiel, le talent d'user de tons bien cassants où condescendance et félonie composent très justement un personnage parfaitement détestable. Le duel avec Falk est de niveau "ligue des champions".

Toutefois l'épisode ne s'en tient pas à cette opposition. La mise en scène de Jonathan Demme est intelligente et très stylée, certainement la plus remarquable de la série jusqu'à maintenant. Le futur réalisateur du Silence des agneaux et de Philadelphia n'en était peut-être qu'au tout début de sa carrière, mais son talent éclate d'entrée. À ce propos, l'introduction de Columbo dans l'épisode est d'un comique très recommandable grâce à une entrée en matière parodique. Jourdan est emmené auprès du détective accompagné par une grande musique symphonique, et le sergent Burke se penche à l'oreille de Columbo attablé seul en train de manger dans un restaurant italien. Le "parrain" invite alors Jourdan à sa table d'un signe de la main.

Comme l'épisode tourne autour des arts de la table, Demme et Robert Van Scoyk au scénario imaginent un très beau cadre au dénouement. Falk et Jourdan bataillent entre deux verres de vins et leurs casseroles ; un dernier souper où Columbo fait preuve d'une grande audace (Jourdan tente de l'empoisonner) de même que d'un grand talent culinaire qui ne laisse pas d'étonner le critique gastronomique. Dernière phrase du téléfilm : "Columbo, vous auriez dû être chef", mais ne l'est-il pas ? Les amateurs se plairont à imaginer ce qu'aurait donné une confrontation avec Mr. Hannibal Lecter, assassin notoire et autre fin gourmet... à sa manière.

Un chef d'œuvre qui en coûte à la ligne du lieutenant qui passe tout l'épisode à gueuletonner aux frais de ces cuisiniers reconnaissants, un clin d'œil sympathique à la mythologie Columbo : en effet, souvent le policier arrive sur les lieux du crime avec l'estomac vide, appelé en urgence au milieu de la nuit ou d'un repas. De même, il ne fait jamais mystère d'une certaine gourmandise. Ici, il finit rassasié, repu, heureux.

Un Columbo heureux pour un épisode tout aussi formidablement écrit qu'interprété et mis en scène ; un de mes préférés. Il révèle des ambitions on ne peut plus réjouissantes, sans doute afin de faire oublier la triste saison 6.

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3. MEURTRE PARFAIT
(MAKE ME A PERFECT MURDER)

Critique :

Encore un très bon Columbo. Vers un sans faute sur la saison 7 ?

Le crime, son élaboration, comme sa résolution par le lieutenant dénotent un grand sens de l'écriture, une belle maitrise du suspense alpague le spectateur tout le long de l'épisode.

Je ne vois guère que la prestation de Trish Van Devere pour quelque peu altérer l'ensemble, et encore, je chipote et suis méchant. Certes, elle manque un chouïa de présence, son jeu est un brin monotone, mais à sa décharge on peut avancer que son personnage fait preuve d'une certaine inflexibilité qui explique en grande partie qu'elle devienne meurtrière ; il y a de la logique là-dedans.

Reste que je ne goûte pas trop sa performance. La comédienne n'a pas le charme qui emporte l'adhésion ni la prestance qui pimente la confrontation avec Peter Falk. Par contre, cette espèce de rigidité qui parait un peu paralyser le personnage sert admirablement le suspense, notamment pendant l'exécution de son machiavélique plan ou bien encore quand elle cherche à récupérer l'arme du crime dans l'ascenseur. A ce propos, le dénouement de cet épisode fait certainement partie des plus finauds, des plus imparables et inattendus. Bien joué, lieutenant !

Visuellement, James Frawley continue de mettre en image son téléfilm avec soin et une minutie que je veux saluer car j'ai l'impression que les épisodes de la saison 7 sont parmi les mieux réalisés dans l'invention et l'efficacité formelle de la narration - Bouah, quelle emphatique fin de phrase ! - Je veux dire par là qu'il y a, me semble-t-il, une très belle combinaison, un bon équilibre entre l'histoire que l'on veut mettre en images et l'ambition de présenter cela également de belle façon ; tout du moins que cela soit aussi agréable à l'oeil qu'à la cervelle donc. Ouf. On est donc captivés par cette enquête et jamais dérangé par un quelconque effet de caméra ou au contraire par une éventuelle platitude de la narration. Que nenni, que du bonheur !

Un des éléments-clés que l'on retrouve dans pratiquement tous les épisodes de la série est évidemment le duel que se livrent le policier et le criminel. Celui-ci est très particulier, j'avoue qu'il m'échappe un peu, qu'il me laisse perplexe ; j'ai eu grand mal à le déchiffrer. Tiens, en voilà une autre bonne raison qui explique que je reste de marbre devant la prestation de Trish Van Devere : par deux fois, elle complimente Columbo sur son charme physique ; seulement, je n'ai pas le sentiment pour autant qu'elle fasse là un numéro de séduction.

Quelles sont les intentions du personnage ? Je n'en sais rien. A quoi servirait un simple clin d'œil ? Le personnage sur le reste de l'épisode n'a pas du tout l'air de vouloir séduire Columbo, elle parait suivre son chemin, coûte que coûte, ce qui a le don de choquer son propre patron, joué par l'impeccable Patrick O'Neal. À la fin de l'enquête, alors qu'elle est acculée, près de basculer dans le désespoir, elle apparait beaucoup plus hostile et finalement toujours aussi froide. Voilà, je ne la suis pas, ne la comprends pas bien. Mauvaise lecture de ma part, je le confesse, mais ses sautes d'humeur restent pour moi trop mystérieuses.

M'enfin pour être honnête, tout cela n'altère en rien l'intensité du plaisir que j'ai ressenti à voir cet épisode bien construit.

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4. JEU DE MOTS
(HOW TO DIAL A MURDER)

Critique :

Un meurtrier aussi cinéphile soit-il n'en devient pas toujours sympathique. Celui-là a la belle tête de l'imbuvable, de l'arrogant, le nombril en avant, l'ego surdimensionné qui croit trop en sa bonne étoile. Voilà un candidat aux petits oignons que l'on va avoir plaisir à voir se faire humilier par la sagacité du lieutenant Columbo.

En effet, Nicol Williamson a l'allure altière, une rigidité dans le port du costume qui en dit long sur le personnage. Une antipathie naturelle émane de lui mais peut-être encore plus du mode opératoire du meurtre qu'il perpètre. Certes, le processus est génial, très ingénieux, mais d'une horrible cruauté : le meurtrier dresse ses chiens à se jeter sur un homme et le déchiqueter après avoir entendu le téléphone sonner et le mot "Rosebud" prononcé. Le "Yes !" réjoui qui accompagne son regard fanatique, ivre de vengeance, lorsqu'il entend l'amant de sa femme se faire dévorer par ses deux dobermans fait froid dans le dos. Tiens, j'y pense soudain, ces deux molosses ne seraient-ils pas ceux que garde Mr.Higgins dans Magnum ? Cela ne m'étonnerait qu'au quart.

Quoiqu'il en soit, ce meurtre avait de quoi être parfait. La maligne perversité qui sommeille en chacun d'entre nous n'a pas tôt fait de se réveiller à la découverte de ce crime, elle applaudit encore à l'ingéniosité du meurtrier qu'elle ne peut empêcher les valeurs morales beaucoup plus puissantes d'imposer leurs volontés. En effet, Williamson joue une belle crapule, le dégoût qu'il inspire est cependant affublé d'un autre compère : le mépris pour l'incroyable légèreté dont il fait preuve sur certains points. M'enfin faut bien qu'il reste quelques indices pour mettre le policier sur la piste, non ?

Cet excellent épisode se regarde avec passion, on cherche la petite bête avec Falk, on fouine. On a très envie qu'il trouve et rabatte son caquet à ce foutu menteur hypocrite. Le fieffé salopard est à deux doigts de récidiver sur le personne même du détective : les adversaires qui vont jusqu'à tenter d'assassiner Columbo sont assez rares pour le signaler ; on l'a même senti très proche de tuer la jeune Kim Cattrall, future miss Samantha Jones de Sex and the city, ici encore très juvénile : ce n'est pas son doudou et ses joues replètes qui diront le contraire.

Cet épisode a l'avantage pour le cinéphile que je suis de ne pas lésiner sur les clins d'oeil à l'ami "ciné" : WC Fields, le western, et bien entendu Citizen Kane ; le genre de petite attention qui touche. Bisous. Affectueusement vôtre, Alligator.

James Frawley est un réalisateur plutôt inventif sur la série jusqu'à maintenant. Certaines scènes sont très bien amenées, d'autres sont carrément bien filmées. C'est toujours un plaisir de suivre des enquêtes tournées aussi élégamment. Ici, il ajoute à cela un bon travail sur le son, notamment sur le meurtre, les battements de cœur du meurtrier, et les bruits lugubres de la ville fantôme.

Je suis en revanche un peu moins friand du gag proposant Columbo qui ordonne à son chien de ne pas bouger devant une dresseuse professionnelle afin de lui prouver qu'il est un bon maître. Le genre de comique aussi vieux que le monde et qui faisait déjà se plier en quatre les romains (remplacer le chien par un esclave).

En résumé, un des meilleurs Columbo. Cette saison 7, mon vieux, elle est terrible !

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5. DES SOURIRES ET DES ARMES
(THE CONSPIRATORS)

Critique :

On clôt la saison 7 sur un épisode pas mauvais mais peut-être le moins bon de la saison. C'est bête.

Le dénouement est si facile à prévoir que le scénariste Howard Berk a ajouté une autre énigme à résoudre en plus du meurtre : la cachette des armes. En effet, l'épisode nous projette dans le monde des terroristes irlandais. Ira, ira pas ? Si, ira. Le meurtrier Clive Revill (l'inoubliable Crawford de Méfiez-vous des morts ! des Avengers) tue un vendeur d'armes qui tente de l'extorquer.

Revill nous la joue biface. D'un côté tout en gaieté et jovialité irlandaises, poète, musicien, chanteur, comique, et trinqueur, le personnage apparait fort sympathique, essayant de charmer Columbo, celui-ci faisant semblant d'être aussi naïf et benêt qu'un policier puisse l'être. D'autre part, Revill sait manifester une grande froideur qui lui permet de contenir colère devant la trahison du marchand d'armes et irritation quand le lieutenant vient fourrer le nez dans ses affaires. Mi-lutin rieur, mi-tueur moraliste, le personnage est déroutant, ses simagrées destinées à amadouer son auditoire finissent par être un peu usantes. Heureusement, l'énervement prend le dessus, le vernis craque délicieusement, Columbo sait si bien titiller son meurtrier...

Un nouveau venu sur la série à la réalisation en la personne de Leo Penn amène de bonnes idées de mise en scène, dans le montage, comme ces chevauchements de scènes avec la nouvelle séquence qui commence mais avec le son de la précédente qui continue ; un enchaînement qui donne une note d'originalité intense, fort intrigante.

Le scénario peaufine gentiment l'aspect libidinal de Columbo, oh, point trop non plus ! Il s'agit seulement de faire sourire le public en confrontant dans une librairie le détective et un ouvrage d'art érotique : l'œil inquisiteur et réprobateur d'une femme qui, si elle avait un tantinet de sens moral se mêlerait de ses affaires, est assez rigolo. Quand la jeune libraire revient et jette également un œil intéressé, la pimbêche n'en devient plus que "vieille" et Columbo reste jeune et humain : la séquence est fugace mais marquante.

L'énigme de chaque épisode consistant à découvrir ce qui va mettre Columbo sur la voie afin d'arrêter le coupable est ici tellement visible qu'en conséquence on se demande bien pourquoi il met autant de temps à voir l'évidence ; sa prestance en prend un méchant coup. Vient donc se greffer cette cargaison d'armes que le criminel a caché sur un navire et qui permet à Columbo de redorer son blason ; il revient du diable vauvert pour coiffer l'irlandais sur le poteau. Italie 1 - Irlande 0.

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Crédits photo : Universal Pictures.

Images capturées par Sébastien Raymond.