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Foire Aux Questions

Studio Canal

POLÉMIQUE

La communauté des fans est aujourd'hui très divisée ! Que penser du film ? Une minorité l'apprécie, une majorité le rejette. Nous avons choisi de prendre deux points de vue complètement différents afin d'exposer les arguments de chacun. À vous de faire le tri !

1.POUR : par Steed3003

2. CONTRE : par Estuaire44


1. POUR par Steed3003 le 11/07/2007

Dieu sait que le film a été critiqué ! Par qui ? Soit par des journalistes qui ne cessaient de le comparer à une série qu'ils connaissaient bien évidemment sur le bout des doigts alors qu'ils n'en avaient plus parler depuis plusieurs décennies et ne l'avaient certainement pas revue avant le visionnage, soit par des fans aux tendances holmésiennes qui considéraient la série comme aussi pure que la Vierge et méritant de figurer parmi les sept merveilles du monde, à cet égard monument historique et donc intouchable. Que d'excès dans tous les cas !

Heureusement quelques pontes français ont, contre vents et marées, défendu le film. Je pense notamment à Didier Liardet, dont on peut difficilement dire qu’il connaît mal la série, et Laure Sermini, présidente de Steed&Co, qui ont reconnu les différents points positifs du film. Je me range bien évidemment de leur côté.

Comme toutes les adaptations de séries TV au cinéma, Jeremiah Chechick a dû faire un grand écart digne de Jean Claude Van Damme dans Time Cop (vrai nanar pour le coup !) : contenter les fans originels de la série tout en faisant un film qui plairait à ceux qui la connaissaient peu, mal ou voire pas du tout. Problème : il a d’abord choisi de contenter les fans, qui, paradoxalement, ne lui ont pas montré beaucoup de gratitude. De son côté, le grand public s’est montré plutôt réfractaire à cet univers hermétique. Chechick a donc perdu sur tous les tableaux !

Chapeau Melon et Bottes de Cuir est une adaptation trop fidèle de la série. Le cahier des charges a été intégralement respecté : pas de figurants, pas de personnes de couleur, pas de notion temporelle, quasiment pas de sang, aucune vulgarité… Ce qui paraissait impensable pour un blockbuster de cette envergure a été fait ! Ce lourd cahier des charges, s’il était parfaitement adapté aux conditions de tournage de la série et à son époque, paraît bien désuet de nos jours. Et pourtant, Chechick a choisi de le conserver entièrement ; on ne peut que le féliciter pour cette décision.

Ensuite, l’esprit de la série n’est jamais trahi, à quelques détails près, il est vrai. Certains regrettent que Rhonda parle ou que Mère-Grand fume ! Comme je l’ai dit plus haut, la série a toujours été évolutive. Ce n’est pas étonnant que, adepte de spiritueux et de cigares, Mère-Grand soit devenu fumeur. Son obsession des macarons est plus surprenante ! Quant à Rhonda, pas le personnage le plus essentiel du Monde des Avengers nous en conviendrons, lui avoir rendu la parole relève de l’anecdotique, comme son rôle dans la série. Beaucoup ont parlé de la duplicité de Grand-Père comme digne du coup de Jim Phelps dans l’adaptation cinéma de Mission : Impossible. J’aimerais rappeler à ces détracteurs que ce personnage n’est apparu qu’une seule fois dans la série (Visage) et y apparaît extrêmement mystérieuse. Ce n’est pas le cas de Jim Phelps qui apparaît dans quasiment tous les épisodes de Mission : Impossible et qui est le patron charismatique de la bande. Les contours de Grand-Père n’ont jamais été bien définis dans la série et c’est une excellente idée de l’avoir intégrée au film pour l’approfondir.

Jeremiah Chechick a péché par excès de générosité. Il a voulu reprendre tous les éléments des épisodes les plus marquants de la série et les intégrer dans un film d’1h30. On retrouve dans le film énormément d’épisodes de la série : le village meurtrier à l’allure paisible (Le village de la mort), les robots (Les cybernautes, Le retour des cybernautes, Le dernier des cybernautes), les doubles (Un Steed de trop, Interférences, Mais qui est Steed ???, Visages), la maison piège (L’héritage diabolique), la fausse granny (Maille à partir avec les taties), les ours en peluche (Mr Teddy Bear), l’homme invisible (L’homme transparent, Les évadés du monastère), la mise en question de l’intégrité de Mrs Peel (Les aigles), les bulles de protection (Voyage sans retour)... Et, bien entendu, tout cela se clôt autour d’une bouteille de champagne ! Bref, pour affirmer que l’on ne retrouve pas la série dans le film, il faut soit être d’une mauvaise foi toute chiraquienne, soit ne pas connaître la série.

Tous les éléments de la série sont ainsi repris un à un, aucun n’est omis. Un respect de l’œuvre originale qui frise l’intégrisme. Bizarrement, les puristes ne s’en sont pas rendus compte et ont participé à la cabbale menée contre le film, ce qui l’a définitivement achevé dans l’opinion publique.

Tous ces éléments sont intégrés dans une intrigue très proche de Dans sept jours le déluge. L’intrigue en question suit de très près le schéma narratif le plus fréquent de la série : infiltration, découverte d’un magasin excentrique (un vendeur de temps ici), kidnapping, découverte du complot puis résolution finale et scène de clôture. Étiré sur 80 minutes, le scénario se voit forcé d’ajouter des éléments nouveaux, à défaut d’épaissir une intrigue plutôt mince, comme la trahison de Grand-Père ou l’attirance de Sir August de Wynter pour Emma Peel. Le personnage d’Alice, ponte du ministère et alliée de Mère-Grand, est aussi un type de personnage nouveau, jamais vu dans la série. Quelques incohérences subsistent dans l’intrigue : on ne comprend pas grand-chose à toute la partie centrée sur l’enlèvement de Mrs Peel par Sir August de Wynter, puis Grand-Père. Le rôle d’Alice n’est pas très clair non plus. Néanmoins, l’intrigue peu complexe se suit facilement.

La relation si particulière entre John Steed et Mrs Peel est, elle aussi, plutôt bien retranscrite à l’écran. On retrouve la rencontre à la pointe de l’épée (Voyage sans retour), le fameux gimmick We’re needed, les sous-entendus coquins, certes moins tordus que ceux de la série, les scènes de dialogue dans l’appartement (autour d’un jeu d’échecs notamment). Le film ne fait aucunement preuve de sentimentalisme inutile, conformément, une fois encore, à l’œuvre originale. Grave erreur néanmoins : il semble que Mrs Peel soit plus attirée par Steed que l’inverse, du moins celle-ci le montre-t-elle plus. Or, c’était à la base exactement l’inverse. Pour sa part, le fameux baiser échangé entre les deux agents est à prendre plus comme, encore une fois, un clin d’œil amical aux fans qu’une énième trahison de la série. L’interprétation, elle, laisse plus à désirer, nous y reviendrons.

Les dialogues du film sont plutôt réussis. Très proches de l’esprit de la série, dans cet humour pince-sans-rire et ce flegme so british ; certaines punch lines tombent toutefois à l’eau. Les références au thé deviennent aussi vite redondantes.

La mise en scène de Jeremiah Chechick est simple et élégante. Sans esbrouffe, à part trois scènes d’action parfaitement réglées, elle s’inspire énormément de la série. On saluera enfin le duel final à l’épée impeccablement réalisé et qui n’est pas sans rappeler celui du Fantôme du Château De’ath.

On a beaucoup accusé le film d’être une grosse machine US. Faux, la majorité de l’équipe technique est anglaise ! Le réalisateur est, pour sa part, canadien et le film a été tourné uniquement en Angleterre. Oui, c’est le grand studio Warner Bros qui a financé en majeure partie le film, comme pour des films bien de chez nous tels Un long dimanche de fiancailles, que l’on n'a jamais pourtant taxé de grosses productions US. Être financé par les États Unis, la série elle-même l’avait déjà été dans son temps pour ses deux saisons les plus populaires, cette critique n’a donc pas lieu d’être.

Autre critique récurrente : le film aurait été formaté pour plaire au grand public. Large hypocrisie encore une fois. De fait, l'adaptation d’une série populaire est formatée pour plaire à un large public. Si Mère-Grand est souvent revenu, c’est qu’il avait du succès auprès du public américain. Les courtes scènes humoristiques de conclusion étaient, elles, tournées pour que les spectateurs restent durant la coupure pub. Si des thèmes comme le fantastique ou la SF ont été intégrés à la série à l’époque, c’est bien parce qu’ils connaissaient alors un fort succès. La série n’a jamais été catégorisée d’auteur, même si des auteurs il y en avait et de quel talent, et à ma connaissance, Jean Luc Godard n’a jamais participé à la réalisation de la série. Une série populaire ne peut que devenir un film populaire. La série est toujours restée dans le pur divertissement, le film aussi. Tout simplement.

Beaucoup ont aussi reproché au film sa multitude d’effets spéciaux. Ce serait aussi oublier que la série en avait souvent un bon paquet, certes à la hauteur de ses moyens mais souvent réussis (Le vengeur volant, Mission très improbable…). Si les effets spéciaux étaient souvent plus limités dans la série, c’est tout simplement par contrainte financière et non par choix artistique. Le film ne fait que suivre la série avec les moyens actuels qu’offre le cinéma sans sombrer dans le "m’as-tu vu" excessif. À l’image de la série, les effets spéciaux sont au service de l’intrigue et non l’inverse. Ils sont réussis et, à l’heure du constant progrès technologique, ont résisté au temps. Enfin, au niveau de l’omniprésence de ces effets spéciaux, on reste tout de même loin de Star Wars !

Au-delà de ces effets spéciaux, les qualités techniques du film sont nombreuses. En effet, toute la crème du cinéma britannique a participé au film. Tout d’abord, la photographie de Roger Pratt au ton acier est splendide. On retrouve tout à fait la série dans les costumes d’Anthony Powell, avec une touche de modernité suffisante. Toutes les tenues de Mrs Peel sont fortement inspirées de celles portées par Diana Rigg auparavant. Les décors d’Anthony Powell capturent tout à fait l’esprit parfois surréaliste de la série. Fastueux et paradoxalement proches de l’esprit fauché de la série, ils sont une incontestable réussite. Le Londres mystifié et les superbes manoirs anglais répondent, eux aussi, présents dans le film.

Arrêtons-nous un instant sur la musique de Joel Mc Neely, injustement passée inaperçue lors de la sortie du film. Dire que le compositeur dépasse allègrement Laurie Johnson est un euphémisme. En effet, hormis bien évidemment le thème principal, ce dernier n’a rien composé de vraiment marquant pour la série. Le thème du générique du film, qui n’est pas un remix de la série, est un des meilleurs jamais entendus au cinéma. Avec ses accents de James Bond et de X Files, il est véritablement surprenant et nettement moins frivole que celui de la série, mais tout aussi réussi. Jonglant habilement avec des éléments électroniques et orchestraux, il apporte une saveur unique au film. La variété et la qualité des thèmes composés, qui pour une fois ne donnent pas l’impression d’avoir été entendus mille fois ailleurs, laissent pantois. Hormis le générique, la musique lors de l’attaque des abeilles mécaniques et celle de l’attaque finale des Avengers sont vite entêtantes. Ceux qui n’aiment pas le film devraient au moins en acheter la BO, c’est d’ailleurs l’avis de nombreux sites spécialisés. Enfin, le remix du thème de la série, plus spécifiquement celui de la saison 6, s’impose facilement comme le meilleur qui a été réalisé jusque-là.

Le plus gros défaut du film réside finalement dans son interprétation. Si les seconds rôles sont tous irréprochables, on ne peut en dire autant des rôles principaux. Ralph Fiennes fait une bien pâle imitation de Patrick Macnee. Mais qui d’autre que Macnee aurait pu jouer Steed ? Si, comme l’acteur aime souvent le répéter, "Steed est Macnee", Macnee est aussi Steed. L’acteur n’a cessé de faire évoluer le personnage en l’adaptant à sa propre personnalité, il l’avait Macneeisé. Impossible ensuite pour un acteur, et même le plus brillant, de se glisser dans la peau de Steed. Et c’est bien ce qu’il se produit ici. Ralph Fiennes est loin d’avoir la bonhomie et le charisme unique de Macnee. Il compose un Steed sec, sans âme. La différence d’âge du Steed/Fiennes par rapport au Steed/Macnee n’arrange pas les choses. Uma Thurman passe totalement à côté du personnage. À l’image de son travail pour Batman et Robin, elle est en roue libre. Elle est nettement moins excusable que Ralph Fiennes, car même si Diana Rigg avait marqué les esprits, son personnage était nettement moins vampirisé par l’interprète d’origine que celui de Steed. Enceinte à l’époque du tournage, elle affirme avoir fait le film dans un état second. À la vue de sa piètre composition, on n’en doute pas. De fait, l’alchimie entre les deux acteurs, élément phare du succès de la série, est quasi nulle durant tout le film. Tout apparaît forcé et superficiel.

Il aurait, à mon avis, fallu transmettre le flambeau à deux nouveaux personnages (ou reprendre des personnages à la popularité moindre) afin d’éviter de supporter l’aura écrasante de ces deux héros mythiques et de leur interprète respectif, forcément inégalables. Sean Connery se débrouille plutôt bien dans sa part. Son cabotinage habituel s’accorde à l’esprit Avengers. Il compose un méchant "cartoonesque" dans la droite lignée de ceux de la série. Et puis, délectable vengance pour les fans : après que les Avengers aient tant donné à James Bond, c’est finalement James Bond, et son interprète le plus légendaire, qui revient aux Avengers ! D’un point de vue professionnel, on pourra pour finir reprocher aux acteurs de n’avoir rien fait pour défendre le film en ne participant à aucune promotion.

EN BREF : Durant tout le film suintent un respect et un amour débordants et inévitablement paralysants de la série. Malgré une interprétation problématique et autres défauts notoires, "Chapeau Melon et Bottes de Cuir" est, sinon un film réussi, une adaptation ultra fidèle réservée aux fans. À voir comme un sympathique hommage friqué à la série !

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2. CONTRE par Estuaire44 le 12/07/2007

La mystérieuse affaire du Style

Steed goes hunting the bear. Emma ends up finding her equal.

Comme la grande majorité des épisodes de la série, l’intérêt repose pour une bonne part sur la prestation de John Steed. Or on déchante très vite devant la version que nous en offre le pourtant habituellement talentueux Ralph Fiennes (La Liste de Schindler, Le Patient anglais). En effet celui-ci n’est absolument pas la personne qui convient pour ce rôle. Il apparaît beaucoup plus jeune que le Steed des années Emma Peel et n’a ni la carrure, ni la présence physique de Macnee, ce qui fausse tout le personnage. Ceci se trouve parfaitement symbolisé par la façon passablement ridicule dont il porte le chapeau melon : on a tout le temps l’impression qu’il va lui glisser sur le visage ! De nombreux fans l’ont surnommé Stan Laurel, comment leur donner tort ? La disparition du brio insurpassable de Macnee se retrouve également dans la manière d’utiliser le parapluie, les savantes figures s’étant volatilisées.

Mais, au-delà de l’apparence, c’est surtout sa manière d’interpréter l’épée du Ministère qui détonne singulièrement. Au lieu du Steed alerte, resplendissant d’énergie, de fantaisie et d’humour que nous aimons tant, nous avons droit à un individu sentencieux, débitant ses phrases d’un ton monocorde au possible, gentillet et presque benêt face à Mrs Peel. Cela apparaît avec éclat lors de la séance imposée de la fausse identité de Steed, quand celui-ci se fait passer pour un cultivateur de roses. Là où Macnee nous aurait offert un festival, ici on aboutit à une conversation morne et ennuyeuse, sans éclat. Quelle déception !

Le dévoiement des personnages s’avère aussi évident en ce qui concerne l’Emma Peel incarnée d’une manière très improbable par Uma Thurman, que l’on a connue plus inspirée (Pulp fiction, Bienvenue à Gattaca). On lui a beaucoup reproché d’être Américaine, je pense que ce n’est pas un problème. Son accent, qu’elle a travaillé très professionnellement, ne heurte pas. Linda Thorson était bien canadienne... Surtout il y a beaucoup plus grave. Le film se permet ainsi de transformer certains des aspects fondamentaux du personnage, qui n’est plus une chevalière d’industrie mais une scientifique, comme son mari se trouve désormais être… un agent du Ministère ! Un tel travestissement marque non seulement un bel irrespect de l’œuvre, mais de plus s’avère totalement inutile ! Quel intérêt d’ailleurs de perdre du temps en se faisant rencontrer pour la première fois Steed et Mrs Peel?

Surtout, Thurman interprète Emma Peel d'une manière totalement fantasque, très éloignée de la parfaite maîtrise de soi en toutes circonstances de Diana Rigg. La retrouver en camisole de force est finalement plus une confirmation qu'autre chose. Uma surjoue en permanence, le personnage en devient particulièrement méconnaissable ! À l'élégance raffinée de la série succède un catalogue de tenues criardes du dernier mauvais goût. La perruque rousse vulgaire, tranchant avec la magnifique chevelure délicatement auburn de Diana, achève de conférer une dimension clownesque à celle qui fut jadis une si talentueuse amatrice. On atteint un summum quand on s'aperçoit que Mrs Peel ne conduit pas une Lotus Elan mais une Jaguar. Le visionnaire réalisateur explique qu'il a trouvé que la Lotus avait pris un coup de vieux tandis que la Jaguar l'avait toujours fait rêver... Quelle désinvolture et quel mépris ! Le fameux clone est exécuté avec la rapidité qu'il mérite, après avoir beaucoup promis pour rien.

Avec un Steed ayant perdu son âme et une Mrs Peel n'ayant plus rien à voir avec son illustre devancière, il ne faut pas s'étonner de voir leur relation dérailler dans le grand n'importe quoi.

Cela débute très fort avec un Steed recevant Mrs Peel intégralement nu dans son sauna… Un sommet du grotesque ! Il s’ensuit une succession de dialogues ineptes, assortis de « mots d’esprits » navrants puis d’une romance à l’eau de rose tout à fait déplacée que ne désavoueraient pas les éditions Casanova Ink ! Le processus se trouve parachevé par la fameuse scène du baiser qui termine de détruire le duo unique aux subtils non-dits qui caractérisait si formidablement la série. On suggérait finement, ici on exhibe.

Cette relation réduite à un marivaudage bas de gamme se trouve encore davantage minée par le manque évident d’empathie entre les comédiens, à des années-lumière du lien très fort unissant Macnee et Rigg et illuminant chacune de leurs apparitions communes à l’écran. Cela paraît particulièrement évident dans la scène du duel, où ne transparaît absolument pas l’atmosphère électrique et enthousiasmante de celle de Voyage sans retour. À titre personnel c’est d’ailleurs à cet instant que j’ai définitivement cessé d’espérer quoique ce soit de ce fiasco !

On n’a sincèrement aucune envie de s’en prendre à un aussi formidable acteur que Mr Sean Connery, qui nous a apporté tant de grands moments par le passé, mais il faut bien se résoudre à constater qu’il met son beau talent au service d’un personnage terriblement grandiloquent. Sir August de Wynter caricature à l’excès toutes les facettes des fameux Diabolical Masterminds. Ici tout est outré et l’équilibre délicat qui séparait ces merveilleux personnages du ridicule s’en trouve rompu. Ses dialogues avec Mrs Peel sont particulièrement consternants. D’autre part, que penser de ce génie du mal qui dispose de tout un gang et qui se retrouve sans protection (à part un mauvais clown) lors du grand soir ? La scène où Steed se fait cerner par le dit gang fait penser à un passage équivalent dans l’Économe et le sens de l’histoire où Steed se voit entouré par des étudiants agressifs. Tout en demeurant parfaitement maître de soi, Macnee parvient à y insuffler une tension désespérément manquante ici. Enfin ce n’est pas faire injure à Connery d’estimer qu’il n’a plus vraiment l’âge pour effectuer un adversaire crédible durant les combats contre Steed… Devant le peu de crédibilité de ces scènes, avec un peu de mauvais esprit, on en vient à regretter un clin d’œil, avec des cascadeurs particulièrement apparents. Au moins cela nous aurait fait rire un peu, ce qui n’eut pas été du luxe.

Ici, plus que la colère éprouvée ailleurs, c’est davantage de la tristesse que l’on ressent à constater que ce grand comédien ne parvient pas à trouver les rôles qu’il mériterait au soir de sa carrière, à l’instar d’un Christopher Lee. Il viendrait d’ailleurs de renoncer au prochain Indiana Jones, mais c’est une autre histoire…

Autre grand comédien d’expérience « apparaissant » dans ce film : Patrick Macnee lui même ! Enfin, apparaître est un grand mot, car le très brillant Chechik a eu l’idée géniale d’en faire un homme invisible ! Disposer d’un comédien aussi formidable que Macnee (et de son incomparable expérience concernant les Avengers) pour ne même pas le montrer à l’écran laisse rêveur… Notons d’ailleurs qu’avec sa seule voix Patrick parvient à insuffler plus de vie et d’énergie à son personnage que l’emprunté Fiennes. Une belle démonstration, qui nous réchauffe un peu le cœur dans le vide sidéral qu’est ce film. Félicitations, Mr Macnee ! Ce dernier parlera ensuite avec lucidité du film, lançant avec sa verve coutumière : It was a terrible flop, thank God ! On lui a reproché ces critiques après avoir accepté le rôle, mais comment aurait-il pu refuser à ses fans cette participation, d’autant que sur le papier le projet pouvait sembler séduisant !

Les auteurs du film ont l'esprit large et c'est avec générosité qu'ils déversent également leur dissolvant sur les personnages secondaires.

Le premier ciblé reste bien entendu Mère-Grand, apparaissant sous le soleil de Chechik comme un personnage singulièrement effacé, fumeur compulsif de cigarettes miteuses, tel le Pinaud de San-Antonio. Il ne bénéficie absolument pas du charisme ni de la flamboyante fantaisie du personnage campé avec brio par Patrick Newell. Ses savoureuses colères se voient remplacées par les grimaces particulièrement crispantes de Jim Broadbent. De plus son QG se trouve réduit à un lugubre bunker mal éclairé, loin des sublimes décors que nous connaissons. Il est vrai que nous avons droit au fameux bus londonien mais, alors qu’il s’agissait jadis d’un bus authentique, nous nous trouvons ici devant un engin bardé d’écrans informatiques faisant bip-bip. On passe décidemment d’une élégante excentricité toute britannique à une grosse machine américaine.

Ce triste Mother se voit également affublé d'une Rhonda qui parle ! Le film détruit ainsi, par facilité scénaristique, la grande originalité de ce personnage sympathique, et du même coup l'accumulation de handicaps à la tête du Ministère, qui contribuait activement à sa délicieuse excentricité. Vraiment, ces gens n'ont rien compris à l'esprit de la série !

Le sommet est tout de même atteint avec Father, dont l’on conserve la cécité (cala se serait vu sinon…) pour sacrifier en totalité la dignité et l’assurance tranquille dont Iris Russell dote avec talent le personnage dans Le visage. Bien évidemment Father est un traître, dans la grande lignée de Jim Phelps… Elle devient l’instrument servile de Sir August par l’amour de midinette qu’elle lui porte, il y a ainsi comme une caricature de Vénus Smith chez Father, ce qui est tout de même un comble.

Le personnage d'Alice semble par contre assez amusant. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il aurait pu être joué avec profit par Linda Thorson !

Si tant de comédiens habituellement talentueux commettent des prestations ainsi calamiteuses, c'est qu'évidemment la direction d'acteurs se révèle particulièrement défaillante, s'insérant parfaitement dans une réalisation multipliant les inepties.

Certes le codex de la série paraît à peu près respecté, mais il ne s'agit que d'un travail de production plus que de réalisation, finalement relativement aisé. Cela ne consiste qu'en un habillage purement cosmétique, servant principalement à justifier le titre et la bande-annonce attirant les gogos, toute cette affaire conservant un relent d'affairisme au moment où les reprises au cinéma des séries cultes sont à la mode. L'Art véritable réside dans la mise en scène de tous ces éléments, bien plus subtile et malaisée à développer. Il ne s'agit plus alors de copier mais de créer…

La toute première erreur, fondamentale, consiste à avoir situé l’intrigue dans les années 90, alors que les Avengers ne sont pas intemporels, ils s’insèrent dans l’écrin des sixties et en aucun cas ailleurs. Remarquons que la série a le génie de reconstituer l’ambiance unique de cette époque en évitant les références directes, alors que le film multiplie celles à la série sans parvenir en reconstituer l’esprit. La différence porte un nom : le talent. L’intrigue en elle-même n’est pas vraiment critiquable en soi, s’agissant de la reprise d’un classique, Dans sept jours le déluge. On aurait pu souhaiter une intrigue originale, mais après coup, la simple adaptation réussie d’un épisode nous aurait amplement contentés !

Le déferlement d’effets spéciaux, particulièrement pompiers et sans subtilité aucune, choque vraiment car totalement hors sujet. Les Avengers n’ont jamais eu besoin de tels procédés pour nous enthousiasmer, et quand ils y recourent c’est avec poésie et un grand sens du merveilleux (le plafond inversé du Vengeur masqué ou le décor géant d’Une mission très improbable). Le film illustre encore ici son obsession de montrer l’argent, avec une rare vulgarité. Rappelons que dans Dans sept jours le déluge, la tempête était illustrée par une simple pluie violente et surtout la forme d’un corps dans la boue (comme un petit bonhomme de pain d’épices !), dans un esprit exactement à l’opposé… Cette accumulation conduit cependant à un vibrant hommage aux capacités de reconstruction du peuple anglais, cas alors que Big Ben est détruite dans un effet à la Godzilla, on la voit reconstruite dès le lendemain dans la scène finale !

Les fameuses sphères nautiques sont un moyen d’aller encore plus loin dans la surenchère. Notons que l’eau demeure d’un calme serein au beau milieu d’une énorme tempête, permettant à la fine équipe d’effectuer tranquillement sa petite promenade. Avec un bien meilleur sens de l’étrange et une élégante économie de moyens, la scène d’ouverture d' Un voyage sans retour produisait un effet bien supérieur. On remarque aussi que Prospéro se trouve dans une île perdue au sein d’une tempête... Si c’est un clin d’œil à Shakespeare, il est bien vu, mais j’éprouve comme un doute…

Comme il faut bien choisir, retenons deux scènes se détachant au Panthéon du ridicule comme symbolisant le reste du film.

L’attaque des insectes robots paraît totalement hors de propos. Que deviennent les Avengers dans ce déferlement sans âme de technologie, sans humour ni esprit ? On voit ainsi Steed arracher une partie d’un robot pour s’en servir comme mitraillette, lui qui ne se sert jamais d’une arme à feu (sauf quand il s’en sert, il est vrai).

Le conseil des Bisounours, totalement grotesque, marque l’apogée du film. Là on ne comprend tout simplement plus comment fonctionne l’intellect visiblement torturé du réalisateur. Sans doute a-t-il voulu rajouter de l’excentricité à son film, il n’y apporte qu’un ridicule létal. Encore une fois il montre une totale incapacité à saisir l’esprit des Avengers… L’ours mécanique de Monsieur Nounours se parait d’une toute autre poésie et se justifiait par la personnalité de son auteur, ici rien de tout cela.

Précisons enfin que je ne ferais pas état des fameuses scènes coupées au montage. Je ne m'intéresse qu'à ce que les malheureux spectateurs ont effectivement payé pour voir, sans tirer de plans sur la comète à propos de séquences dont on ignore la valeur et la réelle portée.

Si l’on veut être juste il faut reconnaître que la scène labyrinthique faisant penser à L’héritage diabolique est assez réussie et qu’elle produit son petit effet. Mais, outre que par contraste elle fait ressortir l’intense nullité du reste, elle permet de bien saisir la différence existant entre une actrice douée comme Uma Thurman et le talent unique de Diana Rigg, tant les deux prestations ne se situent pas au même niveau. La scène où Steed tente de raconter un bobard à sa partenaire à propos d’une promenade est bien venue, on la retrouve régulièrement avec plaisir dans la série, tant elle illustre bien l’aspect florentin du personnage (par exemple au début d’Un petit déjeuner trop lourd). Celle de l’échiquier paraît également un peu moins plombée que les autres. Le film nous montre également quelques superbes vues de la campagne anglaise, comme les Avengers savaient si bien l’accomplir. Et… c’est à peu près tout ! Rideau !

EN BREF : "What past is prologue" déclamait Shakespeare dans "La Tempête". Il est ici bien oublié, tant le film assassine méthodiquement la série dont il est issu. Ce chef-d’œuvre retrouve toutefois la prééminence que Les Avengers occupaient en leur temps, s’imposant aisément comme le plus beau fleuron des trahisons de séries cultes au cinéma.

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