Sweeney Todd (2008) Résumé : Obsédé par la vengeance, le barbier Sweeney Todd obtiendra cette dernière à coups de rasoir. Il reçoit l’aide d’une vendeuse de tourtes. A eux deux, ils vont ensanglanter Londres. Critique : Conte d’une noirceur épouvantable telle qu’on n’en avait encore jamais vu chez Burton, ce film, à la base adaptation de l’opéra gothique de Stephen Sondheim, devient une comédie musicale d’horreur et un thriller. C’est quelque part la rencontre du comte de Monte-Cristo avec la Hammer. Impossible de ne pas penser à la firme britannique quand on voit le traitement réservé au sang. A la façon de Terence Fisher, Tim Burton le veut rougeoyant et goûteux. D’emblée, le ton a été donné : de l’orgue en ouverture, du sang dès le générique, mais un rythme très enlevé. La rencontre de Todd et de Mrs Lovett, la vendeuse de tourtes, donne le ton du film. C’est atroce, c’est sinistre mais c’est aussi très drôle parce que décalé. Une ironie féroce va ainsi parcourir tout le film ; le spectateur va s’amuser avec des scènes qui feraient « normalement » vomir ! Leur idée criminelle commune donne lieu à une des scènes les plus comiques du film. C’est de l’humour vraiment très noir. Burton voulait de « l’interdit aux moins de 13 ans » ; c’est gagné ! Même les scènes de meurtres sont traitées à la chaîne (parce qu’elles ne sont qu’un détail) sur un mode mêlant gore et amusement. Leur enchaînement finit par créer un comique de répétition. C’est épouvantable et on en redemande ! Pourtant, cette même scène initiale entre les deux protagonistes porte en germe leur drame commun. Leurs chants sont conjoints mais non communs. Ils sont côte à côte et non ensembles. Elle ne cesse de l’inciter à la patience et s’échine à faire partie de sa vie. Lorsque madame rêve, monsieur est visiblement ailleurs. Cette saynète, très colorée, détonne dans une photographie faite de nuances de gris et de noir et blanc. Clairement, le réalisateur nous dit que ce rêve n’est ni commun ni même réaliste. La danse finale des assassins renvoie à leur danse initiale dans une symétrie très noire. Pour réussir ce prodige d’équilibre, il fallait des acteurs de haut vol tout comme des acteurs capables de faire confiance à Tim Burton pour réussir. D’autant qu’à la base, c’est Sam Mendès qui devait adapter l’œuvre de Sondheim mais il passa l’éponge après quatre ans de travail. Burton avait découvert l’opéra en 1979 à Drury Lane, à Londres, et avait été fasciné. Il voulait ses acteurs fétiches Johnny Depp et Helena Bonham Carter, parce que, n’étant pas des acteurs d’opéra, ils ne seraient pas comparés à Broadway. Stephen Sondheim avait le dernier mot ; il approuva et on ne peut que le remercier tellement ce couple, qui se connaît maintenant très bien (c’est leur 4ème film ensemble), est en symbiose tout en sachant marquer les limites de l’alliance de Todd et Lovett. Pour Depp, Todd est déjà mort ; c’est un être triste que seule son obsession maintient en vie. Il sait donner corps à la profonde amertume de Todd ou à sa frustration lorsque son plan échoue. Helena Bonham Carter ne cache pas le profond déséquilibre de Mrs Lovett que son amour pour Todd achève de faire dérailler psychologiquement. A leurs côtés, c’est tout aussi une réussite. Sacha Baron Cohen n’a qu’un petit rôle mais, alors qu’on le prendrait pour un bouffon charger d’apporter un contrepoint comique, il se révèle violent et abject. Timothy Spall, dans le rôle du bailli, rappelle un peu sa prestation dans Harry Potter ; celle de l’être grossier, immonde, vil et veule. Le genre dont on souhaite la disparition pour que le monde soit un peu plus vivable. Et que dire d’Alan Rickman ? Chacune de ses scènes porte la marque du Mal ; de l’être déchu moralement mais que la société porte haut de part ses fonctions. L’entendre chanter, de concert avec Depp, les joies de l’amour et des jolies femmes, est proprement surréaliste ! Deux aphorismes contradictoires résonnent dans le film : tous les hommes méritent de mourir (!) et « La vie est faite pour les vivants ». Affirmation contestable vu que l’on est chez Burton ! Anecdotes :
|