Gravity (2013) Résumé : Lors d’une banale sortie dans l’espace, la spécialiste en ingénierie médicale Ryan Stone se retrouve prise dans une catastrophe et, très vite, seule. Critique : Un chef-d’œuvre. Une histoire solide, une réalisation magistrale, une orchestration au cordeau et Sandra Bullock magnifique. Déjà, le film commence par quelques brefs messages écrits angoissants puis on passe à un plan-séquence qui se déroule lentement quasi-silencieusement et permet d’admirer la Terre depuis l’espace. C’est absolument magnifique. C’est d’abord par la parole que l’on prend contact avec les personnages. Avec brio, ce film va passer du dialogue au silence, du monologue au bruitage créant un rythme propre et une tension aux moments opportuns. Il n’y a jamais de chute de rythme. C’est une mission on ne peut plus banale consistant à réparer un élément du télescope Hubble. A 6’56, « Houston » annonce que les Russes ont détruit un de leur satellite et que cela a créé des débris. L’annonce survient alors que tout est calme, posé, presque lent. A 10’16, « Houston » annule la mission : les débris en ont créé d’autres. Une réaction en chaîne incontrôlable menace les astronautes. La musique change (superbe travail de Stephen Price tout du long) et la tension monte. Chaque seconde aggrave la situation. A 12’56, plus de contact avec « Houston » qu’on ne retrouvera plus. Le spectateur a sa première crise d’angoisse lorsque le docteur Ryan Stone est entraînée par un bras mécanique et propulsée dans l’espace ! Elle est désorientée et nous avec. Dans le vide, si quelqu’un peut vous entendre crier, vous ne vous repérez pas facilement. Alfonso Cuaron filme le mouvement de Sandra Bullock comme une chute dans le vide. C’est saisissant et effrayant. Il y a près de cinq minutes de solitude avant qu’elle ne soit récupérée par le commandant de mission Matthew Kowalski auquel George Clooney prête son talent et son humour. Il en sera d’ailleurs l’unique promoteur ! Le casting a bien fait les choses. Stone est médecin et novice à la Nasa. Sandra restitue avec conviction cet amateurisme au bon sens du terme. On notera aussi que l’actrice interprète une femme célibataire et travailleuse. Par contre, lorsqu’elle raconte la perte de son enfant par Ryan c’est très émouvant. A ses côtés, George Clooney est mesuré, presque sobre et il est convainquant dans son rôle de professionnel de l’espace. En quelque sorte, il est le mentor de Ryan. Il la guide et la rassure. A 20’, Kowalski enclenche un minuteur. Dans 90 minutes, les débris repasseront. La première pluie a détruit le module Explorer et tué ses occupants. Il n’en reste plus que deux. Les consignes que donnent Kowalski seront aussi le guide de l’action à venir. En fixant des objectifs, le scénario crée sa propre tension. Savoir où l’on va ne garantit pas que l’on y arrivera. Avec un sens de l’humour savoureux, Cuaron filme la traversée vers l’International Space Station (station spatiale internationale, ISS) avec lenteur, aurore au coin de la Terre…sur fond de musique country ! Cette brève légèreté, malgré la tristesse du récit de la mort de la fille de Ryan, fait du bien et permet de récupérer avant la nouvelle angoisse : plus d’oxygène pour elle ! Du coup, la lenteur de l’avancée devient anxiogène ! Un second événement grave survient alors : Kowalski ne peut s’arrimer à l’ISS et choisit de se sacrifier pour que Ryan ait une chance. A 33’, Sandra est seule. A 36’, on n’entend plus la voix de George Clooney. C’est lourd mais l’urgence ne permet pas de s’apitoyer sur son sort et c’est lui-même qui guide Ryan. Désormais, Sandra va assumer seule le poids du film et, expérience aidant, elle ne faillira pas. L’entrée de Ryan dans l’ISS est filmée un instant en caméra objective, ce qui renforce l’identification et nous skotche davantage. C’est le silence à l’exception de la respiration haletante de Ryan. L’angoisse est montée d’un cran mais elle n’est même pas à son maximum. Pour Ryan, ce n’est qu’une halte car l’ISS est en ruine. Dans un moment symbolique, elle s’accorde une pause en position fœtale. A 42’ brusque poussée de tension : il y a le feu à l’ISS ! Rien de surprenant en fait. Si l’on a été attentif, un détail l’a fait subodorer cinq minutes avant. Cela se voit toutefois mieux au deuxième ou troisième visionnage. Un feu qui devient incontrôlable mais Ryan parvient à entrer dans le module Soyouz. Son objectif – ainsi que l’avait défini Kowalski – est la station chinoise dont le vaisseau lui permettra le retour. La Chine, dernier espoir de l’Amérique ! Après un désarrimage en silence filmé « de l’extérieur », le module reste coincé par son parachute empêtré dans les ruines de la satation ! Un détail que nous avions entendu auparavant. Ryan doit effectuer une sortie alors qu’il ne lui reste plus que sept minutes avant le retour du jet de débris. Cette sortie se fait dans le silence avec juste le bruit de respiration et peu de texte. C’est d’abord dans son regard que l’on voit le désastre arriver avant que la caméra ne nous le montre sans se presser. La destruction de l’ISS est d’autant plus spectaculaire qu’elle se fait sans bruit, juste avec un fond musical puis le cri de Ryan. Le module ne fonctionne pas ; il n’a plus de carburant. Le désespoir envahit Ryan puis c’est le froid. Ryan capte une voix terrestre mais étrangère. Elle a un sourire triste, un bref instant de joie effrayante avant de s’abandonner. Avec une force qui nous inflige une claque, nous submerge de tristesse et noue la gorge, Sandra donne vie à la peur de la mort qui terrorise Ryan : peur de mourir, peur de mourir seule, peur de mourir sans que personne ne la pleure ni maintenant ni jamais. A 1H01’20’’ coup de théâtre avec le retour de Kowalski ! Lorsque venant de l’espace, il ouvre le hublot pour entrer, le silence le plus absolu se fait et dure 34’’ ; c’est infini ! Il donne un conseil pour s’en aller, quelque chose que Ryan est censée savoir. C’est son subconscient qui a parlé car elle est bel et bien seule mais le bref retour de George Clooney (environ trois minutes) a allégé l’atmosphère et redonné un but à Ryan. Avec un petit sourire, Ryan demande à l’absent d’embrasser sa fille pour elle et qu’elle ne renonce pas. On reprend espoir et on a les yeux légèrement embués. Arriver à la station chinoise ne se fait pas sans mal surtout que tout tremble et secoue et que la tension n’est pas le moins du monde retombée. Mais, désormais, Ryan a retrouvé sa force mentale et nous l’accompagnons avec la certitude qu’elle va réussir. La descente du module vers la Terre dans une pluie d’étoiles filantes est magnifique et spectaculaire. La musique s’estompe avec l’entrée dans l’atmosphère puis cesse lorsque le module tombe à l’eau et que l’eau entre. Lorsque Ryan est entraînée au fond par sa combinaison dont elle doit se débarrasser, le réalisateur, avec un sens de l’angoisse et un humour noir certain, choisit de montrer une grenouille qui, elle, remonte vers la surface, laissant Ryan hors champ ! Juste une seconde. Juste une seconde où on l’a maudit avant de le bénir. Ryan fait surface et reprend contact avec la terre. Symboliquement là encore (et c’est très cohérent), elle sort de l’eau, se redresse et se met en marche ; métaphore de l’Humanité. Anecdotes :
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