Open menu
   

Maniac (1963)Confession à un cadavre (1965)

Saga Hammer

Les vierges de Satan (1968)


LES VIERGES DE SATAN
(THE DEVIL RIDES OUT)

Résumé :

Pour sauver son ami Simon tombé dans les griffes d’une secte sataniste, le Duc de Richleau va devoir se confronter à un être redoutable.

Critique :

Disons-le d’entrée, le titre français est inepte et bassement sensationnaliste. Comme toujours avec la Hammer, ses trucages en bout de ficelles sont un régal par leur désuétude. S’il est sans surprise, ce film a plusieurs particularités qui en font un Hammer de bonne cuvée. D’abord, chose rarissime, Christopher Lee incarne le gentil de l’histoire ! Du coup, il a des lignes de textes comme il en aura peu !! Ensuite, l’histoire, pour linéaire qu’elle soit, prévisible, est captivante par le travail d’atmosphère et une réalisation « habitée » de Terence Fisher. Le fantastique est quasiment réduit à rien et il aurait mieux fallu qu’il n’y en ait pas du tout car cela n’aurait donné que plus de force à ce drame.

Le film donne un aperçu intéressant pour les simples profanes sur l’univers de la magie et notamment sur la magie noire. Mise en abyme intéressante, le « spécialiste » dans le film, le Duc, est incarné par Christopher Lee qui, à la ville, était lui-même passionné d’ésotérisme. Cela donne un incontestable terreau sérieux au matériau et une conviction aux paroles du Duc. Symétriquement, il y a forcément un incrédule. C’est Léon Greene (Rex) qui s’y colle. Dommage que l’acteur, qui sert pour les scènes « d’action » et aussi « sentimentales », manque de force car il est le porte-parole du spectateur qui ne comprend pas forcément les tenants et les aboutissants de tout cela. En les lui expliquant, le Duc nous les explique à nous.

Moment fort, le sabbat, autrement dit une réunion des adorateurs de Satan. Rex y a été conduit par…une procession de Bentley ! On aurait presque pu s’attendre à voir John Steed se glisser parmi les adeptes façon Le Repaire de l’Aigle ! Le charisme de Mocata (Charles Gray) donne une force à cette cérémonie démoniaque et ce n’est pas sans dégoût qu’on le voit – on le devine – égorger un bouc dont le sang est recueilli dans une coupe. Un sang très rouge, comme toujours chez Terence Fisher. Lorsque le Duc survient, l’ambiance est particulièrement débridée (les cultistes sont complètement ivres) jusqu’à l’apparition…jusqu’à une apparition qui a du mal à ne pas nous faire rire tellement elle est grotesque. Là, le sérieux académique de Lee joue contre lui.

C’est un de ces aspects « fantastiques » qui a très, mais alors très mal vieilli. A lier avec cet épisode, cette scène où Mocata hypnotise Marie – une amie du Duc – magnifiquement filmée par un rapprochement progressif de la caméra sur le duo. Séducteur, Mocata capte l’attention. Terence Fisher a mis l’accent sur le fantastique regard bleu glacial de Charles Gray puis il le place hors champ et seule sa voix nous parvient alors que nous sommes focalisés sur une femme qui devient de plus en plus vulnérable alors qu’extérieurement elle semble n’avoir pas changé. Charles Gray est parfait dans ce rôle inquiétant avec ses manières très aristocratiques.

Le film s’articule autour de la traditionnelle lutte du Bien et du Mal ; la magie noire servant de décor de théâtre. D’un côté, il montre la séduction des Ténèbres au travers des personnages de Simon et de Tanish. Le premier est sur le point d’être initié au début du film ; le retrouver puis empêcher cette initiation est le premier moteur de l’action. La seconde est l’adepte déjà convaincue ; rompre le joug mental prend le relais comme dynamique du récit. Dommage là aussi que les deux acteurs soient si peu emballants l’un comme l’autre ! D’un autre côté, le film montre que, s’il y a des personnes qui se laissent séduire, il y en a d’autres qui combattront toujours cette séduction.

Aussi deux combats scandent le récit. Le premier, avec le traditionnel cercle à la craie qui protège les protagonistes, est le meilleur. Le jeu des acteurs, Lee en tête, captive et donne un sens et une réelle épaisseur dramatique à ce qui va suivre. La tension monte, la musique est effrayante et Terence Fisher parvient à créer une atmosphère d’effroi. La nécessité de combattre le scepticisme, les manœuvres incessantes d’un ennemi invisible pour rompre le cercle, une apparition filmée en contre-plongée pour en faire ressortir la puissance démoniaque. C’est saisissant. En revanche, le second, pourtant capital, est expédié : on tique devant le manque de nerf de la scène et entendre le Duc dire qu’il n’ose pas prononcer une incantation qui pourrait tout arrêter mais qui est très dangereuse ne convainc pas. Lee en premier d’ailleurs. Le coup de théâtre final est complètement téléphoné – disons peu « inspiré » pour rester dans l’esprit ! 

lalegende 5

Anecdotes :

  • Sortie anglaise : 20 juillet 1968. Sortie US : 18 décembre 1968. Sortie France : 5 octobre 2005 (DVD)

  • Scénario : Richard Matheson, d'après le roman de Dennis Wheatley, The Devil Rides Out.

  • Richard Matheson (1926-2013), écrivain et scénariste américain, spécialiste de l’épouvante et du fantastique. Diplômé en journalisme, il s’installe en 1949 en Californie et se lance dans l’écriture. Sa première nouvelle, Le Journal d’un monstre, est publiée en 1950. Il publie ensuite Je suis une légende (1954) et L’homme qui rétrécit (1956). Il se tourne également vers le cinéma et la télévision, collaborant aux séries La Quatrième Dimension (1959-1964) et Star Trek (1965-1969). Il a aussi écrit le scénario de Duel (1971) adapté de sa propre nouvelle, diffusé à la télévision et réalisé par Steven Spielberg. Au cinéma, il a écrit le scénario de La Chute de la maison Usher (1960) pour Roger Corman, Le Corbeau (1963, Corman). Il collabora aussi au film Les Dents de la mer 3 (1983).

  • Le Livre de Zohar : le titre exact de cet ouvrage est Sepher ha-Zohar soit « Livre de la Splendeur ». Œuvre maîtresse de la Kabbale (ésotérisme juif), il aurait été rédigé vers 1270/1280. Écrit en araméen, son objet essentiel est l’union mystique avec le divin.

  • Le Duc parle de la Nuit de Walpurgis. Fête païenne célébrée dans la nuit du 30 avril au 1er mai, elle marquait la fin de l’hiver. Dénoncée par l’Église qui considérait les divinités païennes comme des « démons », elle acquit une réputation sulfureuse. Les écrivains s’en sont abondamment inspirés (Gustave Meyrink, Bram Stocker, H.P. Lovecraft…)

  • Sabbat : Malgré la synonymie, il n’y a aucun rapport entre la réunion des sorcières et le jour de repos du judaïsme. L’origine du mot est discutée et pourrait venir du latin sabae « la chèvre ». Bien que le concept puise dans l’Antiquité classique, son contenu devient fixe à partir du XVème siècle : « il y a des sorciers et des sorcières, ils s'enduisent le corps d'un onguent fait de chair d’enfants sacrifiés rituellement, ils volent dans les airs vite et loin à cheval sur des animaux ou des balais, ils se rassemblent alors dans un lieu écarté, ils participent là à une cérémonie présidée par le Diable qui est représenté par un bouc, ils adorent le Démon et lui baisent l'anus (osculum infame), ils renient la foi chrétienne, ils piétinent les insignes du christianisme, la cérémonie se termine par une orgie générale où les sorciers s’accouplent avec des démons succubes et les sorcières avec des démons incubes. Suit un grand festin au cours duquel sont dévorés des enfants préalablement mis à mort rituellement. » (Cité par Jean-Pierre Sallman : Dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes) [Source : Wikipédia]. Le sabbat des sorcières est aussi un tableau de Goya.

  • Le domestique de Richard et Marie appelle le Duc « Votre Grâce » ; c’est en effet la manière officielle de nommer les détenteurs de ce titre. Les nobles de rang inférieur (de baron à marquis) sont appelés « Lord ».

  • Le duc de Richleau arbore la Légion d’honneur. Celle-ci est rouge ; symbole de la magie rouge (magie qui concerne l’affectif).

  • Ce fut le dernier film de Terence Fisher avec Christopher Lee en vedette. « Nous avons eu des fous rires formidables, se rappelle l’acteur. A chaque fois qu’il m’offrait un gros plan, je marchais ostensiblement vers lui et lui mettait un billet de cinq livres dans la main. Il était plutôt bon acteur et nous le faisions de telle façon que tout le monde croyait que je venais de le corrompre. »

  • Le film fut un échec public.

  • Charles Gray/Mocata : acteur britannique né Donald Marshall Gray (1928-2000), on a pu le voir dans La nuit des généraux (1966), On ne vit que deux fois (1967), The Rocky Horror Picture Show (1975), Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express (1976), Le miroir se brisa (1980). On l’a vu aussi dans les séries télévisées Bergerac (1985), Les Chroniques d’Arslan (1991), New York section criminelle (2002, dernier rôle référencé). Ses rôles les plus connus sont ceux de Blofeld dans Les diamants sont éternels (1971) et Mycroft Holmes dans la série Sherlock Holmes de la Granada (1985, 1994).

  • Nike Arrighi/Tanish Carlisle : actrice française, un de ses premiers rôles est une gitane dans Le Prisonnier (1967), elle rejouera pour la Hammer dans Comtesse Dracula (1971). On la retrouve dans Trois milliards sans ascenseur (1972), La nuit américaine (1973), Stavisky (1974). Au milieu des années 1970, Nike Arrighi épousa le prince Paolo di Borghese et se retire du cinéma. Depuis, elle a travaillé comme aquafortiste, spécialisée dans les gravures en cuivre de décors et d'architecture autour de Rome.

  • Leon Greene/Rex : acteur britannique, vu dans Le forum en folie (1966), Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express (1976), Flash Gordon (1980). A la télévision, il a joué dans Le Saint (1967), Chapeau melon et bottes de cuir (1967), Amicalement vôtre (1972), Matlock (1987), The Six wiwes of Henry VIII (mini-série documentaire, 2001).

  • Patrick Mower/Simon : acteur britannique, il a joué dans Swizzlewick (TV, 1964), Chapeau melon et bottes de cuir (TV, 1966), Haunted (TV, 1967-1968), Suceurs de sang (1970), Paul Temple (TV, 1971), Jason King (TV, 1972), Poigne de fer et séduction (TV, 1973), Cosmos 1999 (TV, 1976), Target (TV, 1977-1978), Bergerac (TV, 1981), Les nouveaux professionnels (TV, 1999), Emmerdale Farm (TV, 2001-2017).

lalegende 6

Retour à l'index