L’invasion des morts-vivants (1966) Résumé : Sir James Forbes, professeur de médecine, est appelé en Cornouailles par son ancien élève Peter Tompson qui y vit dans un petit village avec sa femme Alice. Des morts étranges frappent le village depuis des mois. D’abord confrontés à la superstition locale, les deux hommes comprennent qu’un secret effroyable se cache derrière cette épidémie. Critique : Il n’est pas courant de trouver de tant d’audace dans les films de la Hammer mais celui-ci trace un portrait acide de la société anglaise. Malgré une visible économie de moyens, ce film combine une bonne histoire, une réalisation sérieuse, de bons acteurs et même un bon final ! Il faut reconnaître aux réalisateurs de la Hammer de savoir trousser une atmosphère et John Gilling se révèle doué dans ce domaine. L’ouverture du film qui nous présente Sir James et sa fille Sylvia (à qui Diane Clare apporte une innocence, une sophistication et qui saura lui donner plus de densité que la simple « demoiselle en détresse ») est pleine de chaleur, de tendresse et d’une légèreté souriante. Dès qu’ils arrivent au village, l’atmosphère se fait plus lourde ; dès l’apparition des cavaliers suivi d’un enterrement. L’accueil d’Alice, la meilleure amie de Sylvia, manque de joie mais surtout le mauvais état de santé de la jeune femme amène de l’inquiétude. Désormais, l’oppression ne quittera plus le spectateur. La longue séquence onirique où Peter voit les morts se lever est proprement cauchemardesque. Il n’y a que peu de violence qui permettrait de soulager cette tension hormis une décapitation à la pelle dans un cimetière ! La construction du film est classique de la méthode Hammer. Une longue séquence de présentation suivie d’une brusque rupture narrative (c’est là qu’apparaît Dracula par exemple ou, comme ici, que la vérité nous est révélée) que prolonge la séquence de combat entre le héros et le « monstre ». Dans beaucoup de ces films fantastiques qui ont fait sa gloire, la Hammer fait intervenir un « sachant » ; quelqu’un qui a les connaissances nécessaires pour établir un diagnostic correct et décalé puisque « extraordinaire » et capable de mettre fin aux agissements du « monstre ». André Morell tient ce rôle ici. Celui qui fut un excellent Watson dans Le Chien des Baskerville campe ici un honorable professeur de médecine, anobli qui plus est. Classiquement, le « sachant » a un disciple, un assistant ; le rôle échoit à Brook Williams qui se débrouille plutôt bien. Les seconds rôles masculins sont souvent fades chez la Hammer mais celui-ci est très crédible dans l’émotion et comme second dans l’action. André Morell a dû savourer d’être dans la position de celui qui sait ! Il est intéressant de voir la construction du raisonnement scientifique basés sur des faits, des expériences et le recoupement de témoignages qui va permettre à ce docte professeur d’énoncer cette hypothèse inouïe : il y a des zombies dans le village ! Le spectateur a une longueur d’avance car il a été préparé à cette vérité. D’abord par la somptueuse séquence d’ouverture où, sur fond de tam-tam, se déroule une cérémonie païenne. Les premières paroles, psalmodiées, n’interviennent qu’au bout de deux minutes alors que nous avons vu l’officiant masqué arroser une poupée de sang. Symétriquement, nous retrouverons cette séquence à la fin. La tension sera alors maximale puisque nous connaîtrons les tenants et les aboutissants, partageant l’angoisse des héros et espérant leur sauvetage. Pour nous faire partager l’angoisse des personnages, le scénariste a commencé par nous présenter Alice incarnée par Jacqueline Pearce qui lui confère une grande fragilité. Sa maladie, sa mort (une image assez forte) nous ont permis de nous familiariser avec les autres personnages. Si, en femme malade, l’actrice était crédible, elle est fabuleuse en zombie ! Cette séquence est à mettre à la gloire de John Gilling et de James Bernard (pour la musique). Durant un long plan fixe, nous voyons le visage d’Alice se transformer avec seulement la musique pour nous faire comprendre l’horreur qui est en train de se passer. Lorsqu’elle ouvre les yeux, c’est saisissant ! Ensuite, le sourire pervers de la morte-vivante manifeste la rupture nette avec sa personnalité d’avant. L’originalité de ce film réside dans sa satire sociale. Avant George Romero, John Gilling a compris qu’il pouvait se servir des zombies pour asséner une critique sociale virulente. A travers les cavaliers qui chassent à courre (et qui font penser par leur brutalité aux convives de sir Hugo Baskerville), à travers le hiératique (mais peu charismatique) hobereau local Clive Hamilton esq. ; c’est la société anglaise traditionnelle, pour ne pas dire traditionnaliste avec la dénonciation de la superstition de villageois frustres, qui est attaquée. L’usage pour le moins original que fait Hamilton de ses zombies achève de donner une cohérence virulente au film. Anecdotes :
|