Open menu

Je suis timide mais je me soigne (1978)La Cage aux folles (1978)

Comédies françaises Années 70

La Carapate (1978)  par Sébastien Raymond


LA CARAPATE (1978)

Résumé :

Alors que les événements de mai 68 battent leur plein, un avocat vient rendre visite à son client en prison. Mais une mutinerie éclate, le détenu assomme son avocat pour prendre la fuite dans ses vêtements. L’avocat parvient à sortir durant les échauffourées, mais à partir de maintenant, il passe pour être un complice et même le cerveau de cette évasion. Les deux hommes entament une cavale très mouvementée.

Critique :

Pendant longtemps, je n’ai plus aimé ce film. Je l’avais aimé étant gamin : c’était un film de Gérard Oury, c’est à dire dynamique, spectaculaire, plein de vie et de mouvements, qui danse et fait sourire, avec une certaine bonne humeur dessinée sur les fracas de la grande Histoire. Et puis avec l’âge, je me suis mis à trouver que Pierre Richard en faisait peut-être un peu trop, plus qu’à l’habitude en tout cas. Il me semblait de même que Victor Lanoux n’était pas mal non plus dans l’outrance du gros dur, cynique, violent et simpliste. J’ai essayé deux ou trois revoyures qui m’ont laissé un goût amer de déception confirmée.

Pour cette dernière, le sentiment de frustration s’est bizarrement estompé. Pas complètement disparu, je vois bien en quoi les reproches que je faisais sur l’hystérie de Pierre Richard et la lourdeur de Victor Lanoux sont encore bien d’actualité. Cependant, j’y suis beaucoup moins sensible et j’ai pu apprécier tous les à-côtés que ce périple à travers la France de 1968 met en scène avec une liesse vraiment communicative.

Le mouvement, la course folle dans laquelle tout le film semble s’engouffrer dès le début est très rafraîchissant. A la longue, la relation un brin compliquée de Victor Lanoux et Pierre Richard, que les préjugés sociaux alourdissent assez tristement d’abord, cette relation parvient à se libérer progressivement, à produire quelque chose d’enfin réjouissant, plus joyeux et aimable.

De nombreuses idées, notamment de cascades souriantes et très inventives parsèment le récit et maintiennent une certaine cadence heureuse. On a aussi droit à un sacré numéro d’acteurs avec un couple plutôt inattendu.

Jean-Pierre Darras est une figure connue du cinéma français de l’époque, un acteur qu’on peut admirer par ailleurs, et depuis longtemps notamment à ses débuts en duo avec Philippe Noiret dans les cabarets. Sa participation la plus fameuse reste sans doute celle du Viager. Ici, il fait cause commune -conjugale en l’occurrence- avec une comédienne beaucoup moins connue, Yvonne Gaudeau. Leur association de vieux bourgeois qui fuient les désordres de mai 68 à bord de leur Rolls blindée de lingots, de diamants et de billets est en tout point un bonbon à siroter d’aise. Je les adore, ils sont croquignolesques à souhait ! La tête d’ahuri coincée de Jean-Pierre Darras et la non moins pincée d’Yvonne Gaudeau sont irrésistibles.

On appréciera la présence de Raymond Bussières. Encore une fois, Gérard Oury n’oublie pas les bons vieux copains. Dans un tout autre ordre d’idée, on appréciera également celle de Katia Tchenko ou le numéro de vaudeville rural que nous servent l’irascible Claude Brosset et l’émoustillante Blanche Ravalec.

Au final, je ne sais au juste si c’est une question d’humeur (sans doute, comme souvent), mais j’ai passé un chouette moment, malgré les scories ici ou là qui gênent un peu aux entournures.

Anecdotes :

  • Le film a été tourné dix ans à peine après les vrais événements de mai 68.

  • Au départ, le scénario co-écrit par Gérard Oury et sa fille Danièle Thompson donnait pour titre au film Y’a pas de mai!

  • Au grand désespoir de Gérard Oury, la production veut rappeler le succès de La grande vadrouille et lui impose contre son gré un nouveau titre à quelques jours de la sortie : La carapate. Gérard Oury épuisé par le tournage et la finalisation du film en post-production échoue à convaincre les producteurs. Il le regrettera amèrement.

  • Pendant longtemps en pré-tournage, le partenaire de jeu de Pierre Richard a été Patrick Dewaere, qui avait même signé un contrat, avant de lire le scénario. A ce moment-là seulement, il réalise qu’il ne sent pas le rôle, que ce n’est pas son genre de film ;  "Il n’a pas été écrit pour moi, il a été écrit, un point c’est tout. Admettons que je respecte la signature du contrat, qu’est-ce que ça donnera à la sortie ? Un bide, un navet. Le public sent bien si les acteurs croient à ce qu’ils jouent." Même si Gérard Oury et la production n’apprécie guère cette défection, ils en prennent acte (après que Patrick Dewaere ait payé une sorte de dédommagement) et choisissent de le remplacer par Victor Lanoux.

  • Victor Lanoux et Pierre Richard se connaissent très bien avant même de tourner ce film. En effet, ils ont joué ensemble en duo dans les cabarets parisiens durant les années 60. Pierre Richard avait même concocté une petite panouille pour son copain dans Je sais rien mais je dirai tout.

  • Les cascades sont particulièrement dangereuses. Rémy Julienne, maître es-cascades est en charge de ces entreprises fort complexes. Il raconte son souvenir sur la plus compliquée, celle où les voitures s’empilent pendant le strip-tease de Katia Tchenko: "La principale difficulté pour moi consiste à escalader en pleine vitesse une Aronde conduite par Jean Ragnotti qui vient de s’encastrer dans une caravane, et à me retrouver en équilibre sur le toit de cette dernière. La caravane laisse voir une bobonne assez surprise de se retrouver dans cette situation. Cette actrice a un cœur peu commun : quand Jean défonce au centimètre près la caravane, elle continue de jouer comme si de rien n’était."

Séquences cultes :

Dis-donc toi, t'as des belles loulounes

Y a plus de civisme dans ce pays

Faut jamais revenir à la maison sans prévenir bobonne !

Retour à l'index