L'Inspecteur Harry (1971) Résumé : Un psychopathe, qui se fait appeler Scorpio, sème la terreur dans la ville de San Francisco. L’inspecteur Harry Callahan est chargé de le neutraliser. Critique : Durant l’année 1971, la ville de San Francisco est terrorisée par les agissements de Scorpio (Andy Robinson), un tueur psychopathe qui assassine ses victimes en se référant aux notes qu’il laisse sur les lieux de ses crimes. L’inspecteur Harry Callahan – surnommé Dirty Harry (Harry le charognard) car on lui assigne toujours les sales boulots – est chargé de l’enquête par son supérieur, Bressler (Harry Guardino), malgré sa réputation sulfureuse. Il doit faire équipe avec l’inspecteur Chico Gonzalez (Reni Santoni) fraichement sorti de l’école de police. Scorpio joue au chat et à la souris avec Callahan mais ce flic peut s’avérer plus salopard qu’un truand…. Harry Callahan est un policier intègre de San Francisco déterminé à arrêter ce meurtrier psychotique à tout prix, même s’il doit enfreindre certaines lois, dont les droits du criminel. La fin justifie les moyens. Harry est un solitaire qui a perdu sa femme, renversée par un chauffard, et ses coéquipiers finissent très souvent blessés ou tués et il préconise de le laisser travailler avec des collègues d’expérience tel Frank De Georgio (John Mitchum). Alors qu’une jolie jeune femme nage dans une piscine située sur un toit de San Francisco, un homme l'abat avec un fusil muni d’un silencieux. L'inspecteur Harry Callahan trouve une douille sur le toit surplombant le lieu du crime, et un message portant la signature « Scorpio ». La missive réclame une rançon, faute de quoi une personne sera tuée par jour, en commençant par « un prêtre catholique ou un nègre ». La ville de San Francisco est quadrillée par les forces de l’ordre qui réussissent à déjouer une tentative de meurtre sur un homosexuel noir mais un jeune noir est tué peu après, d’un tir en provenance d’un toit. Callahan et Chico montent alors une planque sur les hauteurs, en face d’une église propice à l’exécution d’un prêtre catholique. Démasqué, Scorpio s’enfuit en tuant un policier. Le psychopathe monte d’un cran dans l’horreur et enlève une adolescente avant de l’enterrer vivante dans un trou avec un minimum d’air pour la maintenir en vie quelques heures. Il envoie une demande de rançon plus importante et une dent de sa victime. Callahan est chargé de livrer l’argent et, muni d’un cran d’arrêt et d’un micro dissimulés, il est baladé d’un point à un autre de Frisco au gré des directives téléphoniques de Scorpio. A la rencontre avec le tueur, l’inspecteur est rossé et il doit la vie à Chico, qui est blessé lors de la fusillade, et au cran d’arrêt qu’il plante dans la jambe du psychopathe. Callahan, aidé maintenant de De Georgio, traque Scorpio jusqu’à sa planque, sous les installations du Kezar Stadium, et l’appréhende non sans l’avoir malmené pour lui faire avouer où se trouve la jeune fille captive. Celle-ci est retrouvée décédée et Scorpio est libéré peu après pour violation de ses droits par la police. L’inspecteur en fait une affaire personnelle et suit l’individu, qui paye un cogneur pour lui massacrer le visage et faire porter le chapeau au policier. Obéissant au chef de la police, sous la pression du maire, Callahan a relâché l’étreinte, lorsque Scorpio détourne un bus scolaire. L’inspecteur refuse de servir de nouveau d’intermédiaire et entend pourchasser le tueur à sa manière… Film violent, surtout pour l’époque, Dirty Harry est cultissime car tout y est parfait ! L’interprétation juste, l’intrigue palpitante, la musique jazzy, le message implacable….on atteint la perfection et Eastwood fut propulsé au rang de super star. Le film et le personnage ont fait l’objet de plus de cinq cent références (site imdb) et les répliques sont devenues cultes dont la plus célèbre qui, pourtant, n’apparaît pas telle quelle dans le film (voir les informations supplémentaires) : « Do you feel lucky, punk ? ». La réalisation de Don Siegel est prodigieuse – la séquence d’ouverture, la fusillade devant la banque avec cette fameuse réplique, ainsi que la magnifique séquence de poursuite dans le stade embrumé par exemples – et le sens de l’économie du cinéaste prodigue une efficacité de chaque instant. Avec Dirty Harry, le quatuor Eastwood/Siegel/ Riesner/Schifrin concrétise ce qu’ils avaient commencé avec Un shérif à New-York. La musique de Lalo Schifrin est devenue aussi culte que le film ; le musicien a décidé d’utiliser des voix de femmes lors des scènes avec Scorpio, car ‘c’est ce qu’il devait entendre dans sa tête de psychopathe’. Quant à la superbe photographie – nocturne pour une grande partie du film -, elle est l’œuvre de Bruce Surtees, qui avait déjà travaillé sur Les Proies et Un frisson dans la nuit et sa collaboration avec Eastwood continuera jusqu’à Pale Rider. L'inspecteur Harry est clairement opposé à l'avertissement Miranda qui vise à informer un suspect de ses droits constitutionnels avant un interrogatoire. Les raisons de la mise en vigueur de Miranda seront parfaitement détaillées deux ans plus tard dans l’excellent téléfilm The Marcus-Nelson Murders (lire la fiche sur le site) qui servit de pilote à la série Kojak. Dirty Harry montre les limites des lois Escobedo et Miranda d’une façon tout aussi convaincante et constitue le pendant du téléfilm de 1973. Harry Callahan est désabusé par le système qui remet en liberté un coupable à cause d’un vice de forme ridicule. Dirty Harry est toujours décrié par une frange bien-pensante du cinéma, car ce film policier a marqué les esprits, pas seulement pour son personnage, mais également par le message politique qu’il transmet. D’ailleurs, la ‘suite’, aussi bonne, Magnum Force, fut un pied de nez à ces critiques ridicules et la plupart gauchisantes. Scorpio est le prototype du tueur en série que seule une balle peut arrêter et les agissements de cette ordure justifient les méthodes expéditives de Callahan. Les crimes les plus abjects sont endossés par Scorpio pour faire passer le message et réveiller les consciences. Le District Attorney Rothko personnifie pleinement les limites de la loi en remettant en liberté un criminel de la pire espèce sous prétexte que Callahan et De Georgio ont pénétré dans son taudis sans mandat. Derrière un film policier classique se cache une critique acerbe de la justice américaine, où les droits des criminels priment sur ceux des victimes (en France, c'est pareil de nos jours). L’aberration du système pousse en effet un DA à remettre en liberté un assassin récidiviste plutôt que d’oser questionner les limites de la loi et des droits de l’homme. L’absurdité des lois américaines est soulignée dans ce passage – le plus important idéologiquement du film – car il démontre que le travail des enquêteurs est réduit à néant sur un simple vice de procédure. Ici, Callahan et De Georgio auraient bafoué les droits du criminel en faisant irruption chez lui sans mandat, alors que le fusil saisi a bel et bien servi aux meurtres. La preuve devient de ce fait irrecevable et le criminel relâché…Les répliques de Callahan sont par conséquent lucides: “I'm all broken up about that man's rights. Well, then the law is crazy”. Lawyers practise law, Harry practises justice [les juges appliquent la loi, Harry applique la justice] est une excellente définition qui froissa les partisans des lois Escobedo et Miranda qui venaient de faire leurs apparitions aux USA car ce film démontre subtilement les limites de leur efficacité. Quarante-cinq ans après le tournage, L’inspecteur Harry reste d’actualité dans un monde où la justice attache toujours plus d’importance aux droits des criminels qu’à ceux des victimes. A ce titre, Dirty Harry est pratiquement un documentaire de la vie quotidienne, car il conserve son ton politiquement incorrect et il est sûrement considéré pour cette raison « The Bible of Cop Movies ». Clint Eastwood interprète superbement le rôle de ce flic désabusé aux méthodes expéditives. Il ne tolère pas que les criminels aient plus de droits que les victimes et il n'hésite pas à contourner la loi pour faire triompher le bien. A l'époque, les milieux pseudo-intellectuels de gauche, surtout en France, avaient taxé Clint Eastwood de facho et on se demande encore quel est le rapport avec Callahan. Les cahiers du cinéma étaient l'écho de cette pensée absurde et grotesque. Quant aux accusations de racisme, elles ne tiennent guère la route car deux scènes témoignent du contraire : la conversation avec le médecin noir qui s’occupe de la jambe de Callahan démontre qu’ils ont une solide amitié puis la scène où l’inspecteur est décrit comme détestant tout le monde ‘spécialement les Chicanos’ [Especially Spics], tout en adressant un clin d’œil complice à son interlocuteur. Ceux qui se sont insurgés ou s’insurgent du message du film ont tout simplement une haine contre la police ou une prédisposition pour le laxisme et la chienlit. De toute façon, la plupart des gens qui voyaient dans ce personnage un flic facho ont, depuis, changé d'avis. Il faut dire que Clint Eastwood, critiqué et vilipendé dans les années 70, est devenu depuis un mythe vivant. Lorsqu'on connaît la carrière extraordinaire de cet acteur, même l'intelligentsia n'oserait plus émettre les propos relayés par Les cahiers du cinéma. L'humour, souvent cynique, d’Harry Callahan a façonné le succès du personnage. Le film et le personnage ne sont pas des provocations comme on peut le lire ça et là mais une simple démonstration de l'inefficacité de la justice américaine. Le long métrage s'inspirait d'un fait divers connu et c’est, par conséquent, un bien mauvais procès qui a été adressé à Callahan et à son créateur, Fink, et indirectement à l'acteur. En 1971, il ne faisait pas bon d'apprécier l'inspecteur Harry dans un monde ayant succombé aux hippies et à leurs vapeurs illicites et les méthodes expéditives de l’inspecteur furent rapidement qualifiées de fascistes. Près d’un demi-siècle plus tard, le film de Don Siegel est devenu, à juste titre, l'emblème du polar urbain, symbole du cinéma américain des seventies. Pour beaucoup de critiques, Police sur la ville (lire la fiche sur le site) en 1968, avec Richard Widmark dans le rôle du détective Madigan, fut une sorte de galop d’essai de la trilogie de Don Siegel dans un genre, le policier urbain, où il atteindra la perfection avec L’inspecteur Harry. Une même sorte d’assassins qui sera de plus en plus étoffée. Après Benesch (Steve Ihnat, Police sur la ville), on a Ringerman (Don Stroud, Un shérif à New-York) puis l’inoubliable Scorpio. Les trois films de Don Siegel ont le même thème et Police sur la ville marque les prémices des deux suivants. Madigan, Coogan et Callahan sont aux trousses de tueurs psychopathes aux réactions imprévisibles qui ont l’avantage de connaitre parfaitement le terrain sur lequel ils évoluent car, que cela soit New York ou San Francisco, l’assassin sait se servir du décor urbain pour disparaître et compliquer les investigations policières. Harry Callahan, Mike Stone, Theo Kojak mais aussi Dan Madigan et d’autres dépeignent le quotidien de flics urbains à travers d’histoires très souvent bien écrites car d’anciens policiers ont participé à l’écriture. L’évolution de la criminalité aux Etats-Unis n’est pas non plus étrangère au succès de Dirty Harry car elle augmenta de près de 150% entre 1960 et 1970, et San Francisco était la deuxième ville la plus dangereuse du pays à l’époque. Il est inutile de faire l’inventaire des bons passages du film car il n’y a rien à jeter. Je peux simplement formuler certaines préférences. Toute l’ouverture dont le premier plan qui est un hommage rendu aux policiers morts en service. Le cadrage de Siegel sur le fusil, la musique de Schifrin, l’apparition de Callahan qui enquête sur le toit surplombant la piscine et découvre le mot du tueur (« Jesus »). La séquence mythique où l’inspecteur met fin à un cambriolage tout en finissant un hot-dog. On ne s’en lasse pas. L’attente sur le toit face à l’église est également un grand moment avec toutes les vignettes de vies des appartements que visite Callahan de ses jumelles. Evidemment, la longue séquence de la remise de la rançon qui se termine par la fameuse scène – très violente - à la Croix de Mount Davidson est superbe, ainsi que l’habitude de l’inspecteur de contredire les ordres (en mettant un couteau à cran d’arrêt dans la chaussette). Une petite pause au bureau de Bressler et ça repart avec la scène du stade qui fait partie de celles qui ont épouvanté les bien-pensants (c’est toujours le cas). Pourtant, l’acte de torture est amplement justifié pour retrouver une victime agonisante avec un dernier plan grandiose vu d’hélicoptère. Contrairement au maire (John Vernon) et au capitaine de la police (John Larch, le policier de Misty), Callahan ne sert pas son pays, mais en priorité ses concitoyens comme il le précise lors d’une longue tirade de L’inspecteur ne renonce jamais (troisième volet de la saga). Le final avec l’apparition de Callahan sur le pont fait également partie de l’histoire du cinéma. De toute façon, le film est à considérer dans son ensemble car toutes les scénettes constituent autant de petites touches qui ont créé la légende du personnage (la fausse filature qui s’achève par un supposé voyeurisme et un passage à tabac, la tentative de suicide, la rencontre au parc avec le gay….). Si toute la distribution est impeccable, à commencer par Eastwood, impérial car Callahan semble être sa second peau, il est utile néanmoins de s’attarder sur Andy Robinson, qui façonna son personnage en ancien du Vietnam traumatisé par les horreurs de la guerre qu’il a vues et qui l’ont rendu complètement déjanté. Engagé sur les conseils d’Eastwood, sa performance est superbe et tellement convaincante que l’acteur reçut des menaces de mort à la sortie du film, alors que Robinson est un pacifiste dans la vie de tous les jours. Scorpio reste le rôle de l’acteur. D'ailleurs, dans les bonus de l'édition collector, il révèle que de nombreuses personnes le reconnaissent et lui récitent les paroles mythiques de la scène finale prononcées par l'inspecteur Harry à son égard. Dans une des séquences clés du film, à Mount Davidson Park, Robinson improvisa lorsque Scorpio ordonne à Callahan de sortir son arme de la main gauche : «My, that's a big one! ». L’équipe de tournage se gaussa de la double entente et la scène fut rejouée mais la réplique fut finalement conservée. A noter que le véritable nom du tueur n’est jamais révélé et il apparaît comme ‘killer’ au générique de fin. Malgré quelques critiques gauchisantes, Dirty Harry bénéficia d’un tel succès dès sa sortie en décembre 71 qu’Eastwood et Siegel furent conviés à des conventions de la police. Doté d’un budget de quatre millions de dollars, ce polar urbain fut un véritable triomphe récoltant plus de 26 millions rien qu’aux Etats-Unis, tandis qu’en France, l’interdiction aux moins de treize ans freina les entrées, surtout que la presse gauchiste n’hésita pas à insulter les auteurs d’affreux fascistes. The New Yorker publia, par l’intermédiaire d’une journaliste en mal de renommée, une critique virulente en janvier 1972 : « Ce genre de film d'action a toujours recélé un potentiel fasciste, qui a fini par faire surface. […]L'Inspecteur Harry est un film profondément immoral». Pourtant, Harry Callahan incarne un héros et symbolise une remise en ordre, alors que la police est contestée et que les manifestations fleurissent un peu partout. Time Magazine loue la performance de Clint Eastwood – la meilleure jusqu’alors - qui voit l’acteur s’impliquer totalement avec son personnage. Le film se hisse très rapidement en tête du box-office et Eastwood devient la célébrité d'Hollywood la plus lucrative. Dirty Harry a souvent été décrit comme étant le personnage le plus mémorable de l’acteur et certains voient même les premiers véritables archétypes du film d’action. Quoi qu’il en soit, L’inspecteur Harry est l’un des tous meilleurs films policiers de l’histoire du cinéma et de nos jours, le personnage est devenu totalement indissociable de Clint Eastwood; il n’a pas pris une ride et il continue à marquer de son influence le cinéma d’action car il est avant tout un film violent, nerveux et brillamment mis en scène. Anecdotes :
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