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Le Cas Richard Jewell (2019)Pour une poignée de dollars

Saga Clint Eastwood

Cry Macho (2021)


 CRY MACHO
(CRY MACHO)

classe 4

Résumé :

Au début des années 80, Mike Milo, une vedette de rodéo à la retraite, est contacté par son ancien patron pour aller chercher au Mexique son fils qui vit avec sa mère aux mœurs dissolues. 

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Critique :

Indépendamment de ma volonté, je n’ai pas vu le dernier Eastwood à sa sortie, en novembre 2021. J’ai lu depuis des torrents de critiques négatives, et je m’attendais par conséquent au pire. Que nenni, Cry Macho n’est, certes, pas dans mon top 10 des 64 longs métrages du cinéaste, mais c’est un très bon film qui fait continuité dans l’œuvre eastwoodienne. Évidemment, ceux et celles qui en sont restés aux années 70 n’ont pas suivi et compris l’évolution que nous dépeint Clint depuis quelques décennies.

Pour les autres, les références à diverses œuvres plus ou moins récentes sont indéniables : La Mule, Sur la route de Madison, Gran Torino et Million Dollar Baby pour ne citer que les plus évidentes. Dès les premières images, le vieux camion Chevrolet, la musique country sur un coucher de soleil de carte postale nous renvoie immédiatement à La Mule par exemple. Après avoir été viré de son job  de dresseur de chevaux, Mike Milo s’apprête à finir ses jours au milieu de trophées et d’articles de journaux d’une autre époque. L’image d’Eastwood/ Milo dans son rocking-chair face au soleil couchant pourrait d’ailleurs être testamentaire. Un an plus tard, il accepte d’aider son ancien patron, car il estime qu’il a une dette envers lui…Un demi-siècle après ses débuts de réalisateur avec Un Frisson dans la nuit, Eastwood présente une balade mexicaine émouvante.

Certes, l’intrigue est réduite à une peau de chagrin, car le scénario ne s’appuie pas sur la recherche du gamin, adepte de combats de coqs et très vite retrouvé, mais sur la relation entre plusieurs générations, sur différents thèmes abordés antérieurement par l’auteur comme la vieillesse, la confiance, la transmission de valeurs ; le film va à contre-courant de la tendance actuelle, des blockbusters truffés d’effets spéciaux à l’action interrompue. Cry Macho représente le contraste absolu, par son côté road-movie qui prend son temps. Si Clint n'était pas dans ce film, personne ne parlerait de Cry Macho. Les scénarios simplissimes sont parfois les meilleurs, quand la pellicule s’attarde sur les acteurs, leurs défauts, leurs faiblesses... Eastwood ne s'apitoie pas sur la vieillesse, il accepte de tourner à pas lents, avec le dos vouté, et une démarche mal assurée. Je revois ainsi mon père il y a deux ans, avant son départ… 

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Eastwood enfile de nouveau son chapeau de cow-boy légendaire pour accomplir des exploits qui ne sont pas de l’âge du commun des mortels. À l’allure fragile, et au souffle plus court, le poids des années se fait néanmoins clairement sentir sur l’acteur. Dans la scène du chien, alors qu’il est considéré comme le vétérinaire du village (ou le Docteur Dolittle), la réplique de Milo s’apparente à Eastwood himself lorsqu’il avoue qu’il ne sait pas soigner la vieillesse suggérant que l’animal a besoin de se reposer et d’être installé au pied du lit. Comme dans La Mule, Eastwood joue à merveille un vieux monsieur qui a gardé son élégance et sa vigueur, lui permettant encore de faire du cheval ou de danser. Il interprète, avec son talent habituel, la vieillesse inévitable mais assumée, qui n’est pas obligatoirement un naufrage, et pose un regard rétrospectif sur sa vie, au grand dam de certains pisse-froids qui, vu son grand âge, préféraient voir Eastwood déambuler en fauteuil roulant dans un hospice…

Pour ces raisons de physique fragile, certaines scènes un peu irréalistes prêtent à sourire, mais après tout, voir Clint en vieux Gringo dormir à la belle étoile ne m’a pas dérangé plus que ça. Et puis, il file une bonne mandale à un Mexicain engagé pour récupérer le môme. Ce n’est pas un direct de Doux, dur et dingue, mais il fait mouche…Évidemment, il est doublé lorsqu’il domestique un cheval sauvage, et même si on ne le voit pas monter dessus, c’est bien l’acteur qui avance au pas sur le canasson. Il n’était pas monté à cheval depuis Impitoyable…Cette histoire agréable permet au cinéaste de revisiter tous les thèmes qui comptent pour lui, essentiellement dans la seconde partie du film plus lente. Évidemment, la séquence romantique, que certains jugent ridicule vu la différence d’âge, avec Marta, une mère de famille qui tient un bar-restaurant dans un petit village mexicain, fait penser immanquablement à Sur la route de Madison. Même si cette veuve pourrait être sa fille, là non plus, ce n’est pas si choquant car, après tout, contrairement à La Mule, Milo ne couche pas. Même pas avec Leta, la mère dissolue et provocante du petit Mexicain, en robe rouge tous atouts apparents, ou en nuisette suggestive, qui le défie : ‘Je suis partante pour tout !’. Fernanda Urrejola, une actrice chilienne, joue parfaitement la provocatrice agressive, portée sur la boisson et les hommes pour qui s’envoyer un petit vieux ne la dérangerait pas. Milo se contente d’une punch-line : « Habituellement, quand une femme rit comme ça, l’homme à la braguette ouverte ! ».

Le jeune Mexicain Rafo représente, comme Thao, l’adolescent Hmong de Gran Torino, la transmission du savoir et des valeurs morales et humaines. Le cow-boy apprend à connaitre le petit voyou (au café Galo (coq en portugais), avec la téquila et le chapeau) puis lui enseigne à monter à cheval. Milo retrouve une famille dans ce village mexicain après avoir perdu sa femme et son fils lors d’un accident de voiture, ce qui l’avait fait sombrer. La séquence de l’orage dans la chapelle de la Vierge Marie est, à ce titre, très émouvante et évocatrice, avec le chapeau cachant le visage et les sentiments du vieux cow-boy dans l’obscurité.  Il s’intègre à ce village perdu du désert mexicain à une famille composée de plusieurs générations, et il fonde un chez-soi déraciné comme Josey Wales avait su le faire…

L’interprétation des seconds rôles est très inégale ; celle du jeune Mexicain, joué par Eduardo Minett, ne m’a pas convaincu, en comparaison avec celles du frère et de la sœur de Gran Torino (Bee Vang et surtout Ahney Her). Mais n’allons pas jusqu’à écrire, comme l’ont osé certaines critiques, que le meilleur second rôle est tenu par le coq…Ce n’est d’ailleurs pas le jeu d’acteur qui fait le plus défaut au film, mais des longueurs, comme la traduction de propos sans réelle importance, et un certain manque de dialogues percutants auxquels nous a habitués Eastwood. Il y a aussi le retour inutile du truand et l’attaque du coq, à moins de prouver que Clint sait encore tenir un flingue. Pour finir, et dans le positif, n’oublions pas les quelques pointes d’humour ;  à la frontière mexicaine où Mike rêve d’être avec les trois jeunes femmes hippies, lorsqu’il découvre Rafo dans son camion et qu’il est prêt à dresser le jeune voyou (‘T’es super rapide pour un vieux’), Eastwood croquant un cactus pour calmer sa chiasse ou le cocorico du coq debout sur la table après la sieste d’après déjeuner de Milo : ’Macho, qu’est-ce que tu fous là ?, faut pas boire dans ma tasse, mon vieux’, sans oublier la tirade de jurons (en VO, dont le fameux ‘assholes’, un classique d’Eastwood) lorsque les deux policiers cherchent de la drogue dans la voiture et touchent un pot-de-vin…

Parmi les grandes satisfactions du film, il est impossible de ne pas remarquer les images somptueuses, la belle photographie de ces magnifiques décors désertiques dans une mise en scène sobre à laquelle l’acteur réalisateur nous a habitués depuis des décennies. Les images d’Eastwood conduisant et les chevaux galopant à ses côtés ou l’excellent plan après le vol de voiture d’une route en contre-jour où s’éloignent de dos le vieux, le coq et le gamin sont de parfaits exemples. Le sentimental et la réflexion ont la part belle dans ce néo-western rythmé par le blues latino de Mark Mancini.  Au fil de l’histoire, la vie pleine de regrets de Mike Milo est mise à jour, mais sont également abordées les questions des relations humaines, et bien évidemment du machisme comme le suggère le titre, jugé dépassé, en fait une référence au coq.

Combien de stars ont pu nous proposer à 91 ans un tel film ? Comme beaucoup, je pensais qu’Une Nouvelle Chance, il y a dix ans déjà, serait le dernier rôle d’Eastwood et qu’il se contenterait de passer encore quelques fois derrière la caméra ; il y a eu ensuite l’excellente Mule, et ce Cry Macho pourrait constituer effectivement la dernière œuvre du Maitre, une sorte de testament, surtout si Warner le laisse tomber comme il en est question.  Ne boudons donc pas notre plaisir, et j’applaudis à une critique lue récemment : «Un film de Clint Eastwood, c'est comme un bon vin, ça se déguste… ». Les spectateurs du cinéma nouvelle sauce (insipide) qui classent ce film au rang de navet devraient au contraire être reconnaissants de pouvoir encore voir en salles un film du dernier monument du cinéma. Cry Macho est un beau road-movie, simple et digne, un mélange d’humour, de dureté et de fragilité, nostalgique sur l’amour de la vie qui passe, un hommage au cinéma qui n’existe malheureusement pratiquement plus, au vieux cow-boy solitaire dans les grandes étendues désertiques : « I used to be a lot of things but I’m not now » [Autrefois, j’ai été plein de choses, plus maintenant].

Des deux côtés de l’Atlantique, les critiques furent mitigées. En France, nous eûmes droit à la diarrhée habituelle de Télérama, une courante qui dure depuis plus d’un demi-siècle envers le cinéaste, et d’ailleurs, c’est une page de ce canard que Rafo aurait dû tendre à Eastwood plutôt que du cactus ! Au contraire, la critique de CNews est au diapason de mon ressenti : « Cry Macho est une belle histoire de rédemption, de transmission, qui donne aussi à réfléchir sur la représentation de la virilité et le temps qui passe. Ce n’est pas son film le plus abouti, mais il n’en demeure pas moins tendre et précieux ». Et tant pis pour ceux qui n’ont rien compris ! Si Cry Macho devait être le dernier Eastwood, il clôturerait en beauté l’inégalable filmographie d’un cinéaste qui de toute manière n’a plus rien à prouver depuis très longtemps. 

Anecdotes :

  • Cry Macho

    est sorti aux Etats-Unis le 17 septembre 2021 en salles et sur HBO Max, puis en France le 10 novembre 2021. Le film a fait l’ouverture du festival du film international de Tokyo le 30 octobre 2021.
  • Le tournage eut lieu du 4 novembre au 15 décembre 2020 à Albuquerque au Nouveau-Mexique, dans le comté de Socorro, Belen (scènes du café-restaurant), et les comtés de Sandoval, Valencia et Sierra.

  • Dans les années 1970, le scénario de N. Richard Nash (1913-2000) est rejeté à deux reprises par la 20th Century Fox. En conséquence, l’auteur retravaille son texte et le publie en roman sous le titre Cry Macho en juin 1975. Après avoir reçu des critiques positives, Nash propose de nouveau le scénario sans changer un mot et il est vendu à un studio. Roy Scheider, Burt Lancaster, Pierce Brosnan et Arnold Schwarzenegger ont été envisagés pour tenir le rôle principal de ce film. En 1988, Clint Eastwood est intéressé pour adapter le roman, mais à l’époque, il doit reprendre une dernière fois son rôle fétiche d’Harry Callahan dans La Dernière Cible.

  • L’idée de ce film remonte à une quarantaine d’années », se souvient Clint Eastwood. « Je suis trop jeune pour le rôle, pourquoi je ne réaliserais pas le film et on prendrait Robert Mitchum ? », avait-il lancé à l’époque à un producteur.  

  • En 1991, le tournage d'une adaptation de Cry Macho débute au Mexique avec Roy Scheider en tête d'affiche mais le tournage sera interrompu. En avril 2011, Arnold Schwarzenegger annonce qu’il sera la tête d’affiche de ce projet, mais il est annulé après un scandale entourant l'acteur et provoquant son divorce. En octobre 2020, il est annoncé que Clint Eastwood a repris le projet comme producteur, réalisateur et interprète du rôle principal.  

  • Lorsqu'on demande à Eastwood pourquoi il joue un rôle à 90 ans qu’il a refusé en 1988, l’acteur répond : « J'ai toujours pensé que j’y reviendrais un jour. C'était un rôle pour lequel je devais mûrir. Un jour, j'ai juste senti que c'était bon. C'est amusant quand quelque chose a ton âge, quand tu n'as pas à travailler pour le vieillir ».

  • C’est le troisième scénario de Nick Schenk pour un film d’Eastwood, après Gran Torino et La Mule.

  • Eastwood a mentionné les difficultés de tourner avec le coq Macho, le volatile étant joué par 11 animaux différents !

  • Clint Eastwood s’est entouré de ses fidèles : Joel Cox, présent aux côtés du Maître depuis L’inspecteur ne renonce jamais, mais absent depuis American Sniper, est revenu au montage pour La Mule, Le Cas Richard Jewell, et de nouveau Cry Macho. Deborah Hopper travaille régulièrement sur les costumes des films d’Eastwood depuis La Corde raide et elle passa responsable de leur conception à partir de Space Cowboys. Geoffrey Miclat est directeur du casting des films avec Eastwood depuis Une nouvelle chance, mais travaille avec lui depuis Mystic River. Ben Davis travaille pour la première fois avec Eastwood comme directeur de la photographie, tout comme Mark Mancina pour la bande musicale.   

  • Eastwood a écrit et composé une des partitions de la bande originale du film intitulée Time Lapse. On l’entend, entre autres, lors de la scène du rocking-chair.

  • Au box-office, le film ne rapporte que 16 millions de dollars contre un budget de production de 33 millions de dollars, et le film a reçu des critiques mitigées aux Etats-Unis. Il a reçu des critiques négatives pour le scénario et des éloges pour le décor et la partition. Le PDG de Warner Bros. Discovery, David Zaslav, a critiqué la décision du studio de financer le film. Les dirigeants de Warner Bros auraient déclaré que même s'ils savaient que le film était peu susceptible de générer des bénéfices, ils se sentaient redevables à Eastwood en raison de sa relation de plusieurs décennies avec le studio et de sa capacité récurrente à fournir ses films dans les limites du budget et dans les délais.

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