Miss Marple (2004-2013) - Geraldine McEwan Saison 1 1. Un cadavre dans la bibliothèque (The Body in the Library) 2. Meurtre au presbytère (The Murder at the Vicarage)
1. UN CADAVRE DANS LA BIBLIOTHÈQUE Résumé : Arthue et Dolly Bantry, amis de Miss Marple, ont la surprise de découvrir le cadavre d’une jeune femme inconnue, dans la bibliothèque de leur résidence de Gossington Hall. Dolly et Jane vont faire équipe et remonter une piste conduisant jusqu’à un hôtel cossu de Danemouth, où la victime travaillait comme danseuse. Les différentes figures de l’établissement constituent autant de suspects, mais Miss Marple va parvenir à résoudre l’énigme. Critique : Ce pilote remplit parfaitement sa fonction, dans le sens où il indique avec clarté la spécificité de la nouvelle série, vis-à-vis de la présente version, réalisée par la BBC avec Joan Hickson, soit la quintessence de l’adaptation classique et fidèle des ouvrages d’Agatha Christie. En effet, hormis un bouleversement aussi soudain que massif dans la clef de l’énigme, le roulé des avènements ne connaît guère ici de distorsion majeure par rapport au roman, d’autres épisodes iront plus loin là-dessus. Et pourtant tout change dans le traitement de l’histoire. Comme l’illustre le coup d’accordéon donné à la durée de l’ensemble (on passe de 255 à 94 minutes), le récit abrégé se déroule à un rythme particulièrement accéléré, sans doute de manière plus en phase avec les attentes du grand public contemporain. La narration intègre également une dose supplémentaire d’humour, avec des personnages se caricaturant souvent eux-mêmes en accentuant leurs traits de caractère. Geraldine McEwan se montre parfaite dans une nouvelle version de Miss Marple, en phase avec l’ensemble et rendue bien plus dynamique, enjouée et dépourvue des interdits victoriens caractérisant aussi bien celle de Joan Hickson que la littéraire. Elle se montre ainsi sans doute plus immédiatement distrayante que sa devancière (et dotée d’une désormais inévitable histoire d’amour), tout en s’insérant pareillement dans une reconstitution historique des années 50 tout à fait soignée, soutenue par la photographie et la musique. L’ensemble n’hésite pas à accentuer la joliesse des décors d’époque et du village. Ceci parachève l’impression de tonique bande dessinée que dégage l’opus, voire, par moments d’adaptation en pantomime du roman, pour rester sur un mode anglais. Evidemment cette version quasi alternative du roman ne satisfera pas les puristes du Canon ou les passionnés d’Agatha Christie dans le texte, mais force est de constater que l’objectif de divertissement se voit atteint. Par contre des imperfections transparaissent. Ainsi si, tout comme chez la BBC, l’action est transposée des années 30 aux 50, la liberté de parole de Miss Marple résulte souvent moderne, elle nous est contemporaine. On n’imagine pas cela dans la campagne anglaise d’il y a 50 ou 60 ans, d’où un décalage gênant. Comme on apprécie que des auteurs aillent jusqu’au bout de leur concept, il aurait été préférable de situer cette version du personnage à notre époque à l’instar du Sherlock de Gatiss et Moffat. Par ailleurs, du fait de s’options retenues la direction d’acteurs expose ces derniers au risque de surjouer. Certains s’y prennent les pieds, comme Sion Callow. Joanna Lumley interprète une Dolly Bantry tellement plus glamour que l’originale qu’elle évoque comme une Patsy aux champs. Mais l’actrice sait ne pas aller trop loin et constitue l’un des grands atouts de opus. Enfin, si l’on admet qu’une adaptation s’accommode d’une relecture créative au service d’un projet, on ne perçoit pas ce qu’apportent la modification, de la motivation, de l’identité et du sexe d’un des assassins, ou encore l’insertion d’une romance lesbienne. Anecdotes :
2. MEURTRE AU PRESBYTÈRE Résumé : A St Mary Mead l’assassinat du Colonel Protheroe ne surprend guère, tant ce détestable personnage s’était attiré d’inimitiés. Il en va tout autrement quand son épouse s’accuse du meurtre, de même que l’amant de celle-ci, un artiste peintre. Par ailleurs le cadavre de Protheroe a été retrouvé chez le vicaire local, or lui, ou son assistant, ont peut-être commis des malversations avec les fonds paroissiaux contrôles par le Colonel en tant que marguillier. D’autres suspects viennent encore rallonger la liste, décidément l’Inspecteur Slack aura bien besoin de l’aide de Miss Marple ! Critique : L’épisode frappe par sa magnificence, chaque image rayonne de beauté, de lumière et de couleurs, avec un St Mary Mead invariablement ensoleillé, jour après jour. Cette joliesse pourrait finir par se caricaturer et devenir comme une adaptation d’Agatha Christie revue et corrigée par Walt Disney, mais l’ensemble demeure élégant et très anglais. Evidemment nous ne sommes plus dans le petit village austère des romans (la demeure de Jane excède aussi son train de vie tel que décrit) mais l’on ne niera pas le ravissement ressenti devant ces superbes images. Le traitement des personnages est à l’avenant avec des traits de caractères bien davntge soulignés que dans le livre, souvent transformés pour créer un peu de sensationnalisme facile mais l’impressionnante et talentueuse distribution avive l’intérêt de l’exercice. Le prolongement de la période d’exposition précédent le meurtre permet ainsi à Derek Jacobi de réaliser tout un récital, avec un Protheroe imbu de soi et atrabilaire. Les comédiens rendent les personnages infailliblement attachants, même du côté obscur, ce qui constitue un exercice intéressant en soi. L’amateur de Doctor Who sera également à la fête car, si les deux séries, lancées à peu près simultanément, partageront nombre de comédiens, ici ce point se voit poussé à l’extrême. Il concerne en effet une grande partie de la distribution : Mark Gatiss, Derek Jacobi, Rachael Stirling, Christina Cole, Tim McInnerny… Même l’officier jadis amant de Jane est joué par Marc Warren, le protagoniste du très particulier Love & Monsters. Un amusement supplémentaire provient de la présence de l’excellent Herbert Lom dans un rôle de Français (avec l’accent qui va bien), lui qui incarna jadis le malheureux supérieur de l’Inspecteur Clouseau. Si les changements apportés aux protagonistes l’altèrent quelque peu, l’intrigue criminelle demeure largement similaire à celle du roman. Elle se voit résolue par une Miss marple que Geraldine McEwan continue à rendre bien plus débordante de vitalité et extravertie que chez Agatha Christie (ou chez Joan Hickson). Par contre toute la romance ajoutée n’apporte rien, hormis un mélodrame facile. Mais la comédienne sait rendre assez irrésistible cette Miss Marple très alternative, encore pleine de santé, cancanière en diable, n’hésitant pas à boire de la bière ou à parler sexualité. Elle forme une parfaite locomotive pour cette série dynamique à défaut d’être fidèle Anecdotes :
3. LE TRAIN DE 16 H 50 Résumé : Alors qu’elle voyage pour rendre visite à son amie Jane /Marple, aperçoit une femme en train d’être étranglée par un homme dans un train croisant le sien. Miss Marple remonte la piste jusqu’à la grande demeure de Rutherford Hall. Elle y fait pénétrer Lucy, une hardie connaissance de son neveu, en tant que gouvernante, pour infiltrer la suspecte famille Crakenthorpe. De son côté elle s’associe à l’Inspecteur Campell, qui tombe rapidement sous le charme de Lucy. Critique : Grâce à ce nouvel opus, la série frappe un vrai coup de maître, tout en réaffirmant sa spécificité. Effectivement l’on diverge grandement du roman, par la motivation de l’esprit criminel, tout comme par la peinture de plusieurs personnages (à commencer par Miss Marple !). Mais, grâce à la BBC et à Joan Hickson, l’on dispose déjà de la parfaite adaptation en termes de fidélité au modèle littéraire et, par conséquent, persévérer serait se condamner à un doublon, de plus très probablement de qualité inférieure. Par ailleurs le téléfilm sait malgré tout restituer plusieurs des grands thèmes du livre. Il en va ainsi de la dimension ferroviaire, parfaitement reconstituée pour la production et les localisations de tournage, mais aussi par la mini enquête menée de manière tonique par Jane et son amie (formidable Pam Ferris), en préambule à la véritable. La particularité initiale de l’énigme, un meurtre sans cadavre (The Strange Case of the Missing Corpse, diraient les amateurs des Avengers) se retrouve également dans la quête initiale menée avec brio par Lucy, ainsi que sa résolution lors d’une impressionnante scène à l’épouvante tout gothique. Emplacement central de l’action et cœur du roman, Rutherford Hall se judicieusement voit traité avec magnificence, grâce à plusieurs localisations harmonieusement choisies et somptueusement filmées. Tout ceci s’intègre à une narration très dynamique, supérieurement menée à celle de The Murder at the Vicarage, où l’on passait parfois un tantinet mécaniquement de la résolution d’une fausse piste à la suivante. Le développement du thème de Noël coïncide évidemment avec la diffusion de l’épisode le 6 décembre (Boxing Day, comme on dit en Angleterre) et n’appesantit en rien le récit. Evidemment les changements apportés aux personnages pourront désarçonner les lecteurs assidus d’Agatha Christie, mais là l’impressionnante qualité de l’ensemble de la distribution aide à surmonter l’obstacle. Si Griff Rhys Jones semble un peu sous-dimensionné pour le rôle du docteur, on admirera ainsi David Warner en patriarche blessé d’un clan dysfonctionnel mais qui demeure néanmoins une famille face à l’épreuve. Le seul léger regret vient de la part décidément accrue accordée par cette série aux romances diverses, jusqu’à parfois friser le sucré. Toutefois la compétition amoureuse opposant le fils Crackenthorpe et l’Inspecteur Campbell autour de l’irrésistible Lucy demeure plaisante grâce au charme des comédiens. La resplendissante Amanda Holden et le toujours parfait John Hannah remportent un beau succès mais Geraldine McEwan, toujours aussi pétillante et affirmée sait s’imposer dans cette histoire où Miss Marple apparaît davantage en retrait qu’à l’ordinaire. Un téléfilm brillant, musicalement et visuellement splendide et sachant le plus souvent demeure pertinent dans les altérations au texte qu’il véhicule Anecdotes :
4. UN MEURTRE SERA COMMIS LE... Résumé : La population de Chipping Cleghorn est choquée quand une petite annonce parue dans la presse locale, annonce qu’un meurtre sera commis le vendredi suivant à 19h30. Le drame se déroulera à Little Paddocks, demeure de Letitia Blacklock. Le moment fatidique venu, malgré la présence de nombreux curieux, les lumières s’éteignent, des coups de feu retentissent, et le jeune Rudi Schertz est retrouvé abattu. La police pense qu’il était à l’origine de l’affaire afin de cambrioler la maison, mais que cela a mal tourné. En visite chez une amie, Miss Marple reste très dubitative. Critique : Sans doute aurait-il fallu conclure cette très relevée première saison par le précédent 4.50 from Paddington. En effet, ce dernier portait à leur pinacle deux atouts de la série, le travail de production et le style narratif alerte. Ici, si la reconstitution historique demeure irréprochable, l’œil y trouve désormais moins sa part. Le village retenu pour représenter Chipping Cleghorn demeure bien entendu éminemment anglais, mais n’a pas la resplendissante joliesse du son équivalent pour St Mary Maid. L’ensemble résulte assez terne, d’autant que la mise en scène se montre relativement flatte, fournissant moins d’efforts et créativité pour mettre en valeur les décors, intérieurs ou extérieurs. Par ailleurs, entre la fameuse séquence insolite du meurtre annoncé permettant d’introduire efficacement les personnages lors de leur lecture de la petite annonce et un final tonitruant (troisième meurtre particulièrement abominable, reconstitution de l’affaire par Miss Marple fort bien amenée), la narration demeure assez monotone. Si les changements apportés ne modifient guère l’intrigue, on se passionne peu pour les personnages, peut-être parce qu’ils se dissimulent souvent, au rebours des forts caractères précédents. L’Inspecteur du jour résulte également moins attachant et davantage standard que ses prédécesseurs. On reconnaîtra au récit de veiller à planter suffisamment d’indices pour permettre au spectateur impliqué de se frayer un ardu chemin jusqu’à la vérité. Par ailleurs l’atmosphère particulière de l’Angleterre de l’immédiat après-guerre, subissant encore avec force les terribles conséquences du conflit, imprègne réellement l’épisode et lui confère une vraie identité. La distribution demeure toujours parfaite et correspondant idéalement aux divers protagonistes. L’épisode apportera derechef un nouveau bonheur aux Whovians, puisque presque la moitié des interprètes participera par la suite au Doctor Who contemporain, parfois dans des rôles marquants. Avec la servante polonaise à demie folle, Catherine Tate rode les rôles paroxystiques qui vont très bientôt assurer le succès de son programme sur la BBC. Zoe Wanamaker montre toute la variété de son talent avec une Letitia Blacklock très différente de la pittoresque et tonique Ariadne Oliver. Avec Sadie Swettenham, femme blessée renaissant à la vie et à l’amour, Chérie Lunghi effectue une grande prestation. Pour le coup on est là aussi à des années lumières de l’acérée Stéphanie de Secret Diary ! Geraldine McEwan domine néanmoins l’ensemble, apportant toujours un éclat supplémentaire à ses scènes. L’épisode démontre une nouvelle fois à quel point elle est indispensable à la série. Anecdotes :
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