Open menu

 saison 1 saison 3

Millennium (1996-1999)

Saison 1

 


PRÉSENTATION DE LA SAISON 1

Intéressante particularité ou défaut permanent, chacune des trois saisons de MillenniuM développera une vision différente de la série. Ce premier segment reste celui où la Mythologie, incarnée par le Groupe Milllennium et ses relations avec Frank Black, demeure le plus en retrait. Peter Watts reste encore essentiellement un collaborateur, certes à l’évident charisme. La saison semble se constituer essentiellement d’enquêtes indépendantes de Frank (au modèle relativement répétitif), mais installe déjà en arrière fond le thème transversal de MillenniuM, qui, lui, perdurera. A l’horizon du Millenium, allégorie et paroxysme des travers et abîmes de nos sociétés, le Mal connait une inexorable montée en puissance. Devant l'ascension des Ténèbres, seuls quelques individus d’exception ont le courage et la lucidité de faire front, en un combat à l’issue bien incertaine. A l’orée du nouveau millénaire c’est une Apocalypse au moins morale qui se dessine. La nature exacte de cet évènement (chute de la civilisation, périls écologiques, guerriers, bibliques, épidémiques…) sera par contre débattue au cours d’une série brassant avec succès les grandes angoisses de notre temps.

A Seattle, assisté des valeureux policiers locaux et des différents experts du Groupe, mais surtout de son expérience et de son Don, Frank Black se confronte à la manifestation la plus abominable et immédiate de ce virage périlleux dans lequel s’engouffre le monde : la multiplication des serial killers et autres illuminés homicides de toutes obédiences, que le millénarisme semble faire surgir du sol. Malgré son contact si intime avec l’horreur, Frank combat également pour conserver son intégrité morale et son humanité, sans lesquelles la lutte serait d’ores et déjà vaine. Frank n’a rien d’un optimiste croyant aux lendemains qui chantent, mais apparaît au contraire convaincu de la prégnance du mal au cœur des individus, ce qui ne l’incite pas à capituler, bien au contraire.  Il puise un réconfort vital auprès de sa famille, qu’il entend préserver autant que possible en l’installant dans cette radieuse Maison Jaune devenue l’un des emblèmes de MillenniuM.

Cette saison est celle de l’apogée de la série, à la fois concrétisation directe de la vision du seul Carter (sans interférences, contrairement à la saison 2) mais aussi moment où celui-ci dessine une voie originale, avant que le faible accueil d’un public réfrigéré par la noirceur de cet univers, alors inédite à la télévision, ne le conduise à un certain rapprochement avec le modèle conspirationniste des X-Files (saison 3). Après des épisodes très policiers, la seconde partie de la saison verra un développement plus mystique, se rapprochant du Livre de l’Apocalypse. Plus classiquement, les différentes figures de la série se voient mises en place. La mise en scène prend d’emblée l’option d’une suggestion crue et morbide des différents meurtres et tortures, rendant certains passages particulièrement éprouvants. L’éventail, étonnamment varié,  des pratiques développées par les différents tueurs relève du pur cauchemar. Les humains se révèlent bien plus abominables encore que les créatures des X-Files, ce qui paraît hélas au combien convaincant.

Au-delà des quelques excursions, encore relativement limitées, dans le Fantastique (la bataille d’Armageddon s’annonce) et des abominations montrées, c’est bien le réalisme de la relation qui frappe, tant les faits divers réels rejoignent régulièrement la fiction. Les auteurs auront toujours soin de n'utiliser la violence que comme révélation de l’horreur psychologique qui la sous-tend, bien plus effroyable encore. L’abîme réside encore davantage dans l’âme humaine que dans les actions en résultant. Les décorateurs réalisent également de sombres merveilles, concevant de nombreux lieux d’un sinistre rarement égalé. L’impact des citations, souvent bibliques, inaugurant rituellement les épisodes, de même que la musique inspirée de Snow ou l’étonnante qualité de l’interprétation parachèvent l’ensemble.

A l’issue de la saison, l’espoir en l’humanité et en son devenir vacille plus que jamais, mais perdure encore, grâce à Frank Black. Mais lui même menace à son tour de tomber dans l’ombre, quand sa famille est attaquée par le plus effroyable et machiavélique des déments criminels. Le fatidique compte à rebours vers le Millennium poursuit son cours.

Retour à l'index


1. LA SECONDE VENUE
(PILOT)



Ancien profiler du haut vol du FBI, spécialisé dans la lutte contre les serial killers, Frank Black démissionne, ne supportant plus l’accumulation des horreurs. En effet il dispose d’un don lui permettant de percevoir l’esprit des criminels. De plus, effrayé par des photographies anonymes de sa famille, son épouse Catherine et sa fille Jordan, il quitte Washington pour s’installer à Seattle. Cependant il se décide rapidement à mettre son expertise au service de la police locale, dont le lieutenant Bletcher est un vieil ami. Celui-ci a en effet bien du mal à lutter contre un tueur en série particulièrement insaisissable, surnommé le Frenchman, ou le Poète, du fait de messages énigmatiques tirés de Nostradamus. Frank s’est également associé au groupe Millennium, regroupant des retraités et experts du FBI et de divers services fédéraux. Ils vont mettre leurs importants moyens à sa disposition, via leur envoyé, Peter Watts. Frank élucide l’affaire après bien des rebondissements, établissant que le fou a entrepris de sauver l’humanité face à l’apocalypse, annoncé, par le prochain passage au nouveau millénaire, en la nettoyant de la souillure représentée par les personnes atteintes de maladies sexuellement transmissible. Il est en effet certain que le SIDA va détruire le monde et supplicie puis exécute de diverses atroces façons les contaminés. Le forcené tente de tuer Frank, quand il est abattu par Bletcher.

Avec une force ne connaissant que bien peu d’équivalents, le pilote de MillenniuM frappe d’emblée les esprits par la fulgurance funèbre de sa mise en scène et le caractère passablement absolu de la pathologie du Frenchman. Ceci éclate dès la formidable scène d’introduction, qui nous plongea d’emblée au cœur de la démence de ce dernier, nous faisant littéralement voir par ses yeux et ressentir son déséquilibre intérieur. Le talent de David Nutter, grand spécialiste des pilotes, fait merveille dans ces images entremêlant la mort, le sang, le sexe et une vision totalement dévoyée des valeurs morales. Un véritable coup de poing.

C’est d’ailleurs à juste titre que le Frenchman occupe une place similaire auprès des amateurs de MillenniuM à celle d’Eugène Tooms pour ceux des X-Files car, porté par la prestation troublante de conviction du formidable Paul Dillon, il annonce avec une même force les adversaires à venir de Frank Black. En effet, à l’instar de bien d’autres serial killers qu’affrontera Frank, le plus abominable ne réside pas dans les tortures insoutenables et les meurtres totalement sordides qu’inflige le Frenchman, soulignés avec un réalisme sans fard par la réalisation, mais bien dans son absolue conviction qu’il accomplit de la sorte le Bien. Cet abîme là apparaît proprement vertigineux.

Mais, aussi abyssal qu’il soit, ce n’est pas le Frenchman qui capte le plus intensément le regard du spectateur. En effet ce pilote demeure avant l’occasion d’une rencontre parfaitement aboutie avec Frank Black.  L’intrigue, rondement menée et encore essentiellement policière, restitue à merveille la puissance à double tranchant de son Don, mais aussi son talent et son expérience face à ces cas définitivement à part. Mais, dans une image inversée superbement construite du tueur, ce n’est pas tant par ces capacités, certes hors normes, que Frank s’impose d’emblée, mais par son opiniâtreté à maintenir son humanité face à l’abime, tout comme celle d’autrui. La nécessité de se détacher des événements pour se préserver n’éteint jamais cette flamme. Certaines scènes apparemment mineures émeuvent ainsi par l’infinie pudeur qu’il manifeste face aux dépouilles des victimes, ou durant son interrogatoire respectueux et sensible de la strip-teaseuse.

Lence Henriksen, comédien chevronné et charismatique (et plus profond qu’un Duchovny, disons-le) campe admirablement cet homme ayant vu en face l’enfer et décidant, malgré tout, d’y retourner pour le bien commun. La composition tout en présence et en intériorité de l’acteur lui vaut de représenter l’atout ultime de MillenniuM, une évidence s’imposant dès ce pilote. Des personnages dits secondaires viennent compléter le tableau, avec notamment la solide équipe des policiers de Seattle, chez qui, fort judicieusement, les méthodes et la personnalité de Black sont loin de s’imposer d’entrée. Catherine et Jordan, incarnées avec beaucoup de naturel par Megan Gallagher (resplendissante) et Brittany Tiplady, s’imposent comme crucial soutien pour Frank (mais aussi comme source d’inquiétude). Le toujours excellent Terry O’Quinn impressionne déjà par l’intensité d’un Peter Watts posant les jalons de la coopération puis de l’amitié future avec Frank.

Vancouver s’érige instannément en écrin parfait pour l’univers de MillenniuM. Son atmosphère froide et enténébrée, bien connue des amateurs des X-Files, se voit ici sublimée par la  musique de Snow (mais aussi une bande son externe choisie avec pertinence).  Il en va de même pour  une photographie maniée avec un art consommé. Celle-cibénéficie également à la célèbre Maison jaune, qui ne se détache qu’avec plus de force de décors savamment sordides et grisâtres (couloirs, parkings, peep show etc.). Les dialogues sonnent également justes, se distinguant par une absence totale d’humour, audacieuse mais cohérente. La découverte crue des atrocités perpétrées par le tueur s’inclue dans la description des méandres de l’esprit malade du Frenchman et non pas, malgré sa force inédite, comme un spectacle voyeuriste et malsain. La description psychologique des protagonistes manifeste d’ailleurs un impact encore supérieur à ces passages, même si Nutter s’y montre redoutable d’efficacité.

Un trépidant dénouement parachève la mémorable réussite de ce pilote particulièrement riche, fusionnant ses divers éléments sans la moindre artificialité. il parvient, succès rare, à concilier une intrigue forte et captivante à une efficace mise en place de l’univers de Frank Black. En tant que série dérivée, MillenniuM devait également justifier son existence en se détachant des X-Files. Mission accomplie également sur ce point crucial : accent mis sur l’horreur résidant dans l’esprit humain et non dans des créatures surnaturelles, noirceur que les X-Files n’égaleront que ponctuellement et stature de figure centrale et solitaire revêtue par un Frank Black prenant d’emblée toute sa dimension. Black se montre également d’un âge plus avancé que Mulder et déjà installé en famille, ce qui s’avère bien entendu tout à fait distinctif. L’on ne pouvait rêver lancement plus abouti et prometteur pour MillenniuM.

    • Le titre de la série, MillenniuM, comporte deux M majuscules, en référence au chiffre romain MM, soit 2000, l'année du changement de Millénaire (même si celui-ci se déroule techniquement le premier janvier 2001, comme l'expliquera bien plus tard Dana Scully). 2000 fut d'ailleurs le premier titre envisagé pour la série.
    • Le Groupe Millennium s'inspire d'une organisation existant réellement, le Groupe de l'Académie, réunissant similairement des retraités du FBI. Son but n'a cependant rien à voir avec le mysticisme, il s'agit de louer des compétences à des entreprises.
    • La FOX fit pression pour que le rôle de Black échoie à William Hurt, mais Chris Carter resta ferme sur son choix de Lance Henriksen.
    • Chris Carter relate que la première intuition de MillenniuM lui vint durant l'écriture de l'épisode des X-Files intitulé Le Fétichiste (2-13).
    • Le générique de la saison 1 contient plusieurs termes : Wait, Worry et Who Cares?. Ceux-ci évolueront au fil des saisons.
    • Le succès des X-Files permit à Chris Carter de disposer de tout un mois pour tourner ce pilote, une largesse bien supérieure à ce qu'autorisent les diffuseurs dans ce type de situation.
    • Black précise qu'il n'y a qu'un seul tueur en série noir répertorié, ce qui est faux. Par contre on en trouve bien qu'un seul parmi ceux ayant réellement défrayé la chronique : Wayne Williams, condamné à la perpétuité en 1982. Le « Tueur d'Atlanta » étrangla 28 enfants noirs de 1979 à 1981, quoique cette vision de l’affaire soit contestée soit contestée par certains analystes. .
    • La maison jaune aperçue dans le pilote ne sera pas celle du reste de la saison, le voisinage s'étant opposé au tournage.
    • L'adresse fictive en est 1910, Ezekiel Drive, Seattle, Washington 98924.
    • La plaque minéralogique de Frank indique 424580M. Il s'agit d'un clin d'œil, car en sommant les trois premiers puis les derniers chiffres on obtient 10-13, soit le nom de la société de production de Chris Carter. « M » indique bien entendu MillenniuM.
    • Annoncé par une intense compagne de communication et précédé par le succès des X-Files, le pilote recueillit un force audience (18 millions de foyers). Malheureusement le public, rebuté par la violence de la folie perverse du Frenchman et le ton funèbre de l'épisode, fut moins présent par la suite. Le caractère inédit de cette crudité à la télévision suscita par contre de nombreuses et vives protestations de la part d'associations religieuses ou familiales.
    • France 2, qui cantonna la  diffusion de MillenniuM au cœur de la nuit, refusa de programmer cet épisode, estimant qu'il n'était pas montrable. Il s'agit quasiment de l'unique cas de censure  d'un pilote de série.
    • Le Frenchman est joué par Paul Dillon, connu pour le rôle d'Angelo, dans Le Caméléon (1996-2000).
    • Le Frenchman cite des vers d'une célèbre œuvre du poète mystique irlandais William Butler Yeats (1865-1939),  La Seconde venue (1920), à l'origine du titre français du pilote. I want to see you dance on the blood-dimmed tide. Where the ceremony of innocence is drowned. 
    • Ses diverses déclarations d’inspiration biblique sont issues du Livre des Révélations.
    • Une novélisation parut en 1998, sous le titre The Frenchman, qui est d'ailleurs devenu la désignation officieuse du pilote.
    • Dès ce pilote, MillenniuM prit place dans la case horaire impartie aux X-Files depuis les origines, le vendredi à 21h. Ce déplacement irrita de nombreux fans de cette série, qui se sentirent dépossédés. Évoquant ce sentiment, David Duchovny devait déclarer « Vous vous sentez un peu comme un enfant unique depuis longtemps, qui tout d'un coup se découvre un petit frère. Et peut-être que vous avez envie d'aller à la crèche la nuit et de lui lancer une pierre au visage ».
    • Durant l'épisode on entend Head Like a Hole, de Nine Inch Nails, More Human Than Human de White Zombie, Roads de Portishead, et In the Hands of Death de Rob Zombie et Alice Cooper.
    • La réapparition des photographies anonymes de la famille de Black annonce le final de saison.

Retour à l'index


2. LE VISAGE DE LA BÊTE
(GEHENNA)


Peter Watts sollicite l'intervention de Black quand d'importantes quantités de cendres humaines sont découvertes dans un parc de San-Francisco. Arrivé sur les lieux, Frank perçoit que les victimes ont été jetées vivantes dans un gigantesque four crématoire. Les analyses scientifiques d'un autre membre du Groupe, Jim Penseyres, permet d'identifier une victime. Les parents de ce jeune tchétchène naturalisé expliquent à Frank et Peter que leur fils avait récemment trouvé un travail promettant de fortes rémunérations et qu'il était très lié à ses nouveaux collègues. Puis il a totalement rompu avec sa famille. Frank finit par découvrir que l'entreprise, sous une couverture de télémarketing, est en fait une secte apocalyptique (Gehenna). Son chef, Ricardo Clement, en fait brûler vifs les membres les moins performants. La secte préparait un attentat majeur, mais est désarticulée par Frank. Il également sauve in extremis un enquêteur du Groupe du four industriel utilisé par l'organisation, même si celui-ci est grièvement brûlé. Black estime que le leader était peut être sous l'influence d'une entité supérieure, Parallèlement, le Groupe échoue à identifier l'auteur des photographies anonymes de la famille de Frank.

Quoique déplaçant, partiellement, l’action de Seattle à San Francisco, Le Visage de la Bête s’insère fort harmonieusement après un pilote dont il développe agréablement les différents apports. Nous en apprenons ainsi davantage quant au passé de Frank, ses traumatismes, l’affaire des photographies ou encore sa rencontre avec le groupe Millennium et les méthodes de ce dernier. On découvre également l’un des endroits clés de la série, le bureau au sous-sol, connecté à l’Internet, où, bien à l’écart de sa famille, Frank élucide les plus sombres énigmes. Un élargissement fort bienvenu, se complétant par une mise en avant des piliers de la série que seront Catherine et Peter. A sa manière Catherine se montre toujours aussi forte et radieuse face à l’épreuve et sa relation avec Frank, pour établie qu’elle soit, s’avère particulièrement sensible et émouvante.

Dans cet épisode particulièrement riche en émotions diverses, une belle amitié s’instaure entre elle et Bletcher. Peter se définit déjà en irremplaçable auxiliaire et interlocuteur de Frank, mais le génie du grand Terry O’Quinn permet de lui conférer une stature et densité bien supérieure à la somme de ses actes, nous laissant déjà entrevoir le mystère que constitue sa véritable nature. Du grand art.

 L’épisode permet également de moduler de manière assez ludique le positionnement de MillenniuM vis-à-vis des X-Files, en affirmant sa différence globale tout en rejoignant le rituel du meurtre d’avant générique (ce n’était pas le cas lors du pilote), une fort percutante séquence, ainsi que celui de la citation suivant le générique. Mais au lieu d’une phrase (quasi) immuable comme l’emblématique La Vérité est ailleurs, MillenniuM va au contraire jouer la carte de la diversité, avec à chaque fois une nouvelle énigmatique citation. Et puis l’on en peut s’empêcher de penser qu’après les  fameuses théories, toujours erronées, de Scully autour des fameuses sectes sataniques, inaugurer MillenniuM par...  Et bien une secte satanique archétypale, c’est simplement royal.

Si l’atmosphère de l’affaire eu jour se révèle légèrement moins sombre (tout est relatif) et la psychologie  de l’adversaire du jour, du sadisme à l’état pur, moins torturée et complexe que celle du Frenchman, l’enquête de Frank captive néanmoins par l’absolue véracité qui s’en dégage. Les amateurs de séries policières classiques pourront trouver leur compte dans ce premier segment de MillenniuM, car les recherches s’y déroulent de manière réaliste et structurée, c’est ici particulièrement évident.

Le recours aux technologies enrichir le récit, sans en devenir l’alpha et l’oméga, comme on a pu depuis le constater sur nos écrans. Le parfait alliage réalisé entre ce versant de l’affaire et les élucidations mystiques développe une atmosphère originale mas tout à fait pertinente. L’épisode contribue également à affiner la définition du Don de Frank, ainsi que le tempo de son insertion au sein de recherches qu’il doit stimuler, mais non par trop faciliter. La série achève ici de trouver la parfaite formule sur ce point.

L’impact de la conviction du récit se remarque également dans sa critique du phénomène sectaire, aussi implacable qu’argumentée. Les différents ressorts, hélas souvent retrouvés dans les témoignages réels des rescapés, de la dépersonnalisation des individus fragiles s’y trouvent décrits avec finesse, mais aussi une force évitant le piège du déclamatoire. Les dialogues se montrent à cet égard tout à fait remarquables, notamment durant l’interrogatoire du membre de Géhenna.

Le Visage de la Bête manifeste d’autant plus de pertinence qu’il évoque directement l’actualité lors de sa diffusion initiale, l’effroyable attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo se déroulant l’année précédente. Le parallèle entre la secte japonaise et Géhenna s’élabore d’ailleurs avec une effrayante clarté. La réalisation de David Nutter, toujours efficace et étonnamment élaborée pour une série télévisée, bénéficie visiblement d’amples moyens. Elle nous vaut notamment une scène magistrale,  à la fois absurde et grinçante sur ces démarcheurs téléphoniques (pour shampoings !), eux même soumis à un lavage de cerveau permanent. On se croirait dans une allée particulièrement enténébrée du Village.

Ce thème des technologies modernes de communication permettant une plus grande présence du mal s’avère très présent chez Chris Carter. Ce dernier l’illustre notamment dans divers opus souvent particulièrement réussis des X-Files, comme Folie à deux ou Mauvais Sang. Toutefois, dans le présent épisode, l’auteur s’attache plus généralement à l’une de ces problématiques centrales, la nature de l’origine du Mal. A travers notamment des discussions entre Frank et Catherine, irriguées de citations des Saintes Ecritures (une spécificité américaine menée ici de main de maître), Carter oppose une source endogène à l’humanité à une autre exogène, provenant d’une source indicible. S’il laisse au spectateur le soin de se forger sa propre opinion, l’auteur martèle néanmoins que le Mal, quelque soit son origine, ne saurait être vaincu décisivement.  Bien au contraire il ne cesse de gagner de terrain en cette fin de millénaire où l’Humanité ne cesse de toujours davantage avilir le meilleur d’elle-même et de céder à ses plus sombres pulsions. Une conclusion glaçante, mais imposant définitivement MillenniuM comme une série résolument adulte.

      • Une novélisation de l'épisode parut fin 1997, sous le titre original de Gehenna.
      • La secte Géhenna inculque plusieurs messages à ses télé démarcheurs : Create Desire, Everybody Wants Beautiful Hair, Facilitate Envy, Work Will Set You Free. Cette dernière phrase est une reprise de celle affichée à l'entrée des camps de concentration nazis.
      • « Ricardo Clement » était en fait le nom de code utilisé par le dirigent nazi Adolph Eichmann, durant la guerre. Il joua un rôle clef dans l'organisation de l'holocauste en Europe de l'Est. Après une longue traque il fut pendu en 1962, après avoir été capturé en Argentine par le Mossad.
      • L'épisode inaugure le rituel de l'affichage de citations, volontiers mystérieuses, en ouverture de l'action. Il s'agit ici de I smell blood and an era of prominent madmen (je sens l'odeur du sang et l'ère des hommes mauvais arriver à grands pas), un extrait du poème Blessed event, de W. H. Auden (1939). Auden (1907-1973), considéré comme l'un des poètes anglais majeurs du XXe siècle, fait ici référence au Nazisme.
      • Historiquement le terme Géhenne désigne une vallée étroite situé près de l'antique Jérusalem (Guei Hinnom, en Hébreu), où étaient envoyés les lépreux et les pestiférés. L'endroit avait très mauvaise réputation et était associé à des sectes démoniaques se livrant à des infanticides par le feu. Dans le Nouveau Testament, au sens imagé, la Géhenne est devenue synonyme es pires tourments de l'Enfer.
    • Sept corps d'adulte correspondent à 19,7 kilos de cendres, après crémation.
    • Peter indique que Jim Penseyres a travaillé au VICAP après le départ de Frank. Le Violent Criminal Apprehension Program  est le service du FBI chargé de coordonner l'action des différentes forces de l'ordre, visant à identifier et capturer les criminels les plus violents. Contrairement aux Affaires Non Classées, le VICAP existe réellement.
    • Plusieurs prophéties apocalyptiques se sont pareillement basées au cours de l'histoire sur des calculs autour des dimensions de la Grande Pyramide de Guizeh. Les particularités architecturales de celle-ci  sont  supposées correspondre à des chiffres mystiques. The Great Pyramid, Its Divine Message (1925) situe ainsi la fin du monde en 1953, tandis que Our Inheritance in the Great Pyramid (1874) indique 1960. En même temps certains estiment que les Pyramides servent de lieux d'atterrissage pour des vaisseaux extra-terrestres.
    • Au cours de l'épisode on entend trois chansons de Cypress Hill : Hits from the Bong, Insane in the Brain et I wanna get High.
    • Bob Wilde, l'interprète de Ricardo Clement,  reviendra en saison 3 pour incarner le silencieux et mystérieux Mr Mabius.
    • Lors de sa première diffusion aux États-Unis, l'audience de l'épisode n'égala que la moitié de celle du pilote.

Retour à l'index


3. L'EMPREINTE DE LA MORT
(DEAD LETTERS)


Un corps féminin démembré est découvert à Portland. Malgré l'absence de preuves physiques, Frank pressent que le tueur a voulu laisser un message et qu'il va frapper à nouveau. Il fait équipe avec  Jim Horn, un détective prometteur que le Groupe envisage d'intégrer dans ses réseaux. La collaboration s'effectue difficilement, Jim s'avérant doué, mais perturbé par un douloureux divorce. Des nouveaux débris humains sont découverts, cette fois accompagné de messages énigmatiques. Frank détermine que le Tueur se sent rejeté par la société, jusqu'à ressentir une négation de son existence et que les assassinats représentent pour lui une tentative désespérée d'attirer l'attention. Alors que Jim commence à craquer sous la pression suscitée par de nouveaux meurtres, Frank remarque une arrogance nouvelle et euphorique chez le serial killer. Il décide de le pousser à la faute en le décrivant publiquement comme un dégénéré. Un piège est tendu mais échoue du fait de Jim, qui agresse un innocent et sombre dans la paranoïa, voyant partout le Tueur et le van où celui-ci débite ses victimes. Frank tend une nouvelle souricière, cette fois concluante. Mais Jim manque de battre à mort le fou et de détruire les preuves matérielles. Le Groupe le rejette, malgré la compréhension de Frank.

La scène d’introduction s’affranchit du sempiternel meurtre pour nous plonger au cœur d’un cauchemar de Jordan. Ces images se révèlent se révèlent d’autant plus terrifiantes qu’elles proviennent d’une charmante petite fille et que l’horreur se répand aussi progressivement qu’inexorablement, jusqu’à devenir insupportable pour la rêveuse. L’esthétique onirique (cauchemardesque) se montre des plus réussies, jusqu’à manifester un certain rapprochement avec les fulgurances de Lynch. Un sentiment que l’on retrouvera avec ses apparitions cliniques du Tueur sur son sinistre atelier, ponctuant soudainement l’action. La mise en scène de Thomas J. Wright s’impose d’ailleurs d’emblée comme parfaitement maîtrisée.

Mais l’atout majeur de Dead Letters réside néanmoins dans la finesse et l’ambition caractérisant le talent du duo Morgan/Wong lors de l’écriture psychologique de leurs personnages. Par une cruelle ironie, le Tueur, si désespérément désireux de laisser une trace de sone existence, se voit dénié le simple droit à un nom et demeure désigné par cette anonyme appellation. S’il demeure silencieux, l’intrigue permet à son subtil interprète de pouvoir exprimer sa dimension tragique, non dissimulée par le caractère absolument abominable de ses tueries. La continue coexistence de ces deux dimensions rend son portrait absolument troublant. L’effroyable atelier d’équarrissage que contient son véhicule apporte une nouvelle épreuve de l’art consommé de l’équipe artistique de MillenniuM, toujours si féconde en matière de réalisme sordide. Le duo d’auteurs ne se limite pas à ce portrait bien croqué mais l’érige en parabole du caractère aliénant que revêt notre société basée sur le paraître.

Ce mouvement trouve un écho fort bien trouvé chez Jim Horn. Lui aussi, mis à mal dans sa vie personnelle, nié dans son rôle de père, va toujours plus éperdument chercher une échappatoire dans son action et la reconnaissance d’autrui. Que ses tentatives d’élucidations de la psychologie du dément, pour aussi brillantes qu’elles paraissent au premier abord, soient toujours balayées du revers de la main par les fulgurances et l’intelligence supérieure de Black accentue encore son désarroi, dans une mécanique réellement  implacable. Les tensions en résultant finissent par le rapprocher de son adversaire, dans un parallélisme aussi effrayant que magistral. Leur confrontation finale résonne davantage par la violence sauvage du combat que par le choc des deux désespoirs qu’il véhicule. James Morrison se montre impressionnant d’expressivité et restitue parfaitement le progressif délabrement moral de Jim, son face à face avec Lance Henriksen demeure mémorable.

Sans tout à fait le reléguer à la périphérie, cette traque destructrice minore quelque peu la part prise habituellement par Frank Black dans le récit. On peut y déceler à bon droit une nouvelle expression de la tendance de Morgan/Wong à travailler en autonomie dans le développement de leurs conceptions (on en reparlera ultérieurement). De fait l’action se centre clairement davantage sur les personnages du jour, plutôt que sur le héros et moteur principal de la série, ce qui pourrait devenir frustrant. Cet aspect se voit néanmoins minoré par la qualité du discours général de l’épisode, d’autant que le fait que Frank s’intéresse en définitive davantage à la résolution de l’affaire qu’aux tourments de Jim sonne juste.

Même s’il a tenté de l’aider par son expérience personnelle, il ressort d ‘ailleurs clairement que Frank ne se fendra pas d’un appel à Peter Wattspour tenter de sauver la situation de Jim, d’ailleurs dans l’intérêt même de ce dernier. L’absence de Peter, résultant également du choix des auteurs, se note également, quel dommage que de se priver de Terry O’Quinn. Le seul vrai regret de cet opus reste la caractère caricatural de la manifestation d la névrose de Jim, voyant le Tueur et son van partout, cette outrance jure avec la subtilité du reste de l’intrigue.

    • L'épisode est le premier écrit pour la série par Glen Morgan et James Wong. Partenaire au long cours de Chris Carter sur les X-Files, le duo va écrire 17 épisodes de MillenniuM. La majeure partie s'insère dans la saison 2, dont Morgan et Wong vont devenir producteurs exécutifs alors que Chris Carter sera accaparé par les X-Files.
    • Dead Letters constitue également la première réalisation de Thomas J. Wright. Celui-ci va réaliser 26 épisodes de MillenniuM (sur un total de 67), le plus souvent en collaboration avec Morgan/Wong. Il réalisera également l'épisode MillenniuM des X-Files.
    • Peter Watts est absent de l'épisode.
    • La citation du jour est For the thing I greatly feared has come upon me And what I dreaded has happened to me, I am not at ease, nor am I quiet; I have no rest, for trouble comes. (Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive. Ce que je redoute, c’est ce qui m’atteint. Je n’ai ni tranquillité, ni paix, ni repos et le trouble s’est emparé de moi.). Elle est issue du Livre de Job (3, 25-26).
    • La scène où le Tueur demande à une femme de l'aider alors qu'il semble embarrassé par un imposant paquet est un clin d'œil à un passage similaire du Silence des Agneaux, le roman de Peter Ellis.
    • Penseyres déclare Others think we should wait... Applying the Holmes criteria defining serial killers involving three victims with a time period between murders of at least 30 days.  Il ne fait pas référence à Sherlock Holmes mais à Ronald M. Holmes, un profiler réel dont les travaux connurent un grand retentissement.
    • Le fils de Jim Horn est désigné par le pseudonyme TC, un clin d'oeil  à TC Mc Queen, le personnage également interprété par James Morrison dans Space 2063 (1995-1996), la série de Morgan/Yong.
    • James Morrison, connu notamment pour le rôle de Bill Buchanan dans 24h Chrono, est un acteur fétiche de Morgan/Wong, apparaissant dans nombre de leurs productions. Ils ont d'ailleurs écrit spécifiquement le rôle de Jim Horn pour lui.
    • Pour la première fois Frank est mis en alerte par le Groupe avec le simple message « 2000 ».
    • Le van du Tueur apportera un frisson supplémentaire aux amateurs des productions 10-13 car, hormis pour la couleur, il s’agit du même modèle (Volkswagen panel 1973) que celui du vaisseau amiral des Bandits Solitaires, vu dans Au cœur du Complot, mais aussi, brièvement, dans Triangle. Comme quoi tout est question d’ambiance dans la vie !
    • Aux USA, le terme Dead Letters recouvre les courriers ne pouvant être délivrés du fait de problèmes d'adresses et ne pouvant non plus être renvoyés à leurs expéditeurs. Ils sont alors collectés par des bureaux spéciaux (Dead Letters Office), comme celui vu dans l'épisode. A leur image, le Tueur se sent pareillement rejeté par la société. Les Dead Letters Offices ont été crées en 1825 par la poste américaine et reçoivent désormais des dizaines de millions de courriers par an. Les lettres sont détruites et les objets de valeur vendus aux enchères, une fois tous les recours épuisés. Le côté énigmatique de ces lettres a inspiré différents auteurs, dont la figure centrale du mouvement Splatterpunk, Clive Barker (The GreatandSecret Show, 1989).

Retour à l'index


4. LE JUGE
(THE JUDGE)


 

A Seattle, une femme reçoit un colis contenant une langue humaine. Ces envois de morceaux de corps humains se déroulent depuis quatre ans, sans la police puisse en élucider l’origine. Elle fait alors appel à Frank. Celui-ci, aidé par divers spécialistes du Groupe,  détermine qu’un individu manipule des esprits simples et violents récemment sortis de prison, afin de rendre une version particulièrement dévoyée de la justice. Le Juge identifie ce qu’il estime être des délits et envoie ses tueurs prélever sur les « coupables » les et membre  correspondant à une monstrueuse Loi du Talion, qu’il transmet ensuite aux « victimes ». Identifié par Frank et Bletcher, le Juge parvient à s’en sortir grâce à sa vive intelligence et à sa connaissance du système judiciaire. Cependant son dernier disciple lui applique sa propre loi et l’exécute, avant de jeter sa dépoile aux porcs.

Le scénario de Le Juge se révèle une redoutable mécanique de mort, à l’image de l’antagoniste du jour. Sans apparaître fulgurant d’originalité les étapes successives de l’enquête se succèdent avec pertinence : choc initial de la découverte macabre, réunion des pièces du puzzle par Black en parallèle avec la découverte progressive du modus operandi du Juge, confrontation finale… L’intrigue purement policière dose savamment ses effets car, si tout converge évidemment vers la confrontation entre le Juge et Franck, elle se montre suffisamment robuste pour parer à toute impression d’artificialité.

 Le face à face tant attendu tient toutes ses promesses la morgue suffisante et plastronnant du Juge s’opposant à merveille avec la retenue  de Frank. Lui succédant très rapidement, la conclusion  s’avère une merveille d’humour noir (morbide) quand le Juge se voit pris à son propre piège et exécuté par son disciple. La palabre survenant entre ce dernier et Frank, d’autant plus percutante qu’elle est ressort cette fois totalement inattendue, baigne dans une atmosphère de folie froide absolument étonnante. L’on rapprochera simplement à ce sublime scénario une opposition trop systématisée des policiers devant les théories de Frank et un certain flou quant à l’origine des informations dont dispose le Juge à propos du Groupe.

Le Juge demeure également une fort belle étude de caractère, en premier lieu au tour du rôle titre. Haleur, mégalomane, d’une épouvantable hypocrisie, amis aussi d’une intelligence supérieure, le Juge constitue un adversaire de choix pour Frank. Mais à son côté dominateur et monolithique on préférera encore les fêlures si profondes de son disciple, et sa désespérée quête de sens à donner à sa vie. Le personnage se montre véritablement abyssal et le contraste entre son apparence un peu minable et la violence qu’il recèle fonctionne pleinement, d’ailleurs c’est tout à fait logiquement que le Juge, habituellement si pénétrant, s’y laisse pendre !

Le récit permet également à Franck de briller de nouveau par son humanité et son professionnalisme, tandis que sa relation avec son épouse s’installe décidément au cœur de la série. Pour la première fois, Catherine apporte d’ailleurs sa contribution à l’enquête, une excellente initiative. Bletcher impose également  sa solidité, mais se voit voler la vedette par l’entrée en scène réussie de Cheryl Andrews, à qui CCH Pounder, qui lui confère immédiatement une indéniable présence. Ces autopsies très particulières ne sont pas sans évoquer celles de Dana Scully, mais le caractère entièrement humain de l’affaire en rehausse encore l’horreur.

La réalisation, totalement funèbre, emporte l’adhésion. La photographie se montre remarquable et la caméra accompagne à la perfection le jeu des comédiens. Certains lieux, comme le bar ou l’auge des porcs sont filmés avec un sens consommé de l’abominable. Mais ce sont les artistes de la série qui s’avèrent le plus performants. La reconstitution des divers membres découpés, à divers stades de putréfaction, achève de dessiner le cauchemar. Quelques excellentes idées de mise en scène parsèment agréablement l’ensemble, comme le masque du Juge soulignant l’aspect grotesque de l’individu, le thème transversal du porc (nourriture, citation biblique, animaux voraces…), ainsi que des visions de Frank particulièrement suggestives.

    • L'épisode représente la seule occasion où un démon est nommé : « Légion ». Il s'agit d'une référence faite par le Juge  aux Saintes Écritures (Marc 5:9 et Luc 8:30), où jésus se livre à un exorcisme. Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux., déclare alors le possédé. Les fans prendront l'habitude de toujours  rattacher les différents démons apparaissant dans la série à Légion, ce qui n'est pas tout à fait explicite.
    • Le Juge commet une grossière erreur car Jésus n'expulsa pas les démons d'un troupeau de porc mais contraire les y précipita après les avoir chassé hors d'un homme.
    • L'excellente CCH Pounder (Urgences, The Shield, Warehouse 13...) incarne une nouvelle figure du Groupe, la médecin légiste Cheryl Andrews. Quoique n'apparaissant que dans cinq épisodes, elle demeure très populaire chez les amateurs de la série.
    • Inversement, Jim Penseyres réalise ici sa dernière apparition.
    • Le Juge est interprété par Marshall Bell, qui fut notamment le Commandant Henderson dans l'épisode Fallen Angel des X-Files (1-09).
    • Durant l'épisode on entend Short End of the Stick et Ten Foot Pole, de Donnie Fritz, et Danger, de Steve Goodman.
    • La citation du jour est The visible world seems formed in love, the invisible spheres were formed in fright (le monde visible fut créé dans l’amour, les sphères invisibles, dans la terreur). La phrase est tirée du Moby Dick d'Herman Melville (1851).
    • Bardale déclare  You know what Gary Gilmore said right before they shot him? « Let's do it ». Gary Gilmore fut condamné  mort en 1977 dans l'Utah. Il opta pour le peloton d’exécution (une possibilité offerte par la législation de l'Etat) et prononça ces paroles avant l'exécution. Il reste remémoré car sa mort mit fin à une parenthèse de la peine de mort aux USA, longue de dix ans. Après une période d'affrontements juridiques, le Cour Suprême vient alors de déclarer à nouveau constitutionnelle la peine capitale,  en 1976.

Retour à l'index


5. LE COMPLEXE DE DIEU
(522666)


A Washington, Raymond Dees commet des attentats à l’explosif particulièrement meurtriers. Atteint par le Complexe de Dieu il voit les explosions qu’ils suscitent comme de véritables créations artistiques bouleversant le Destin. Avide de gloire médiatique ; il intervient ensuite en sauveteur sur le lieu du drame, tâchant de capter le regard des caméras. Il envisage ses futures explosions avec tant de précision que ses visions rejoignent celles, postérieures, de Black. Une traque acharnée débute entre ce surdoué, féru d’électronique, et Frank, assisté des puissants moyens du FBI et du Groupe. Les deux hommes s’affrontent également lors de conversations téléphoniques tournant vite au duel. Dees est finalement identifié par Frank, mais il force les policiers à l’abattre pour éviter une explosion supposée tuer celui-ci. Il part ainsi en pleine gloire, comme il l’avait planifié depuis le début, constate amèrement Frank.

522666 captive de bout en bout le spectateur par l’implacable duel de haut vol opposant Frank au particulièrement redoutable Dees. L’intensité du combat ressort avec force  à travers les nombreux rebondissements dont le flux ne diminue jamais, ainsi que par la partie mortelle voyant deux esprits supérieurs s’affronter sur l’échiquier de la capitale fédérale. L’intrique se montre suffisamment variée dans ses effets pour maintenir l’attention. De plus elle incorpore à merveille une forte dimension technologique, sans pour autant noyer la dimension psychologique de l’affrontement. Les seconds rôles soutiennent à merveille le combat de Frank et se montrent remarquablement intenses, la qualité de l’écriture de l’épisode se dénote aussi à l’absence de toute scène inutile. Megan Gallagher et Terry O’Quinn brillent comme à l’accoutumée mais c’est le toujours formidable Sam Anderson qui accapare l’attention par un charisme n’étant pas sans invoquer l’inoubliable Holland Manners d’Angel. L’immédiateté avec laquelle le haut gradé du FBI laisse le commandement effectif de l’opération à Frank assoit encore le prestige et l’aura de note héros.

La mise en scène de David Nutter se montre remarquablement alerte et mobile, accompagnant efficacement le récit si nerveux de Morgan & Wong. Elle tire également le meilleur parti de l’environnement nocturne et urbain. Les images dantesques des explosions s’imposent à l’esprit avec une force d’autant plus accrue sur ce décor de béton froid et de société si ordonnancée. On n’échappe pas au poncif de la communication téléphonique coupé trop tôt pour permettre une localisation, mais la stratégie développée par Frank pour river le déséquilibrer à l’appareil se montre réellement brillante L’atmosphère  si anxiogène de cette course effrénée pour éviter la prochaine catastrophe, les capacités d’improvisation et de lucidité de Frank, ce déferlement technologique et de puissance fédérale font irrésistiblement penser à un 24h Chrono avant l’heure, tout en respectant la tonalité MillenniuM et la primauté accordée à la psychologie du déséquilibré.

Dees fascine par sa folie à la fois structurée et chaotique. La progressive découverte du puzzle complexe que forme sa psychologie tourmentée s’effectue parallèlement aux péripéties de l’affrontement, accroissant ainsi l’impact de ce voyage au bout de la nuit, dépourvu de tiout paranormal. L’excellente idée de ces visions se substituant à celles de Frank, ici absentes pour la première fois, renforce également cette convergence si particulière et troublante entre le héros de MillenniuM et ses antagonistes. On pourra reprocher à l’acteur Joe Chrest d’apparaître quelque peu fade et effacé. En effet on se situe ici loin du flamboiement d’un Incendiaire ou d’un Pousseur, dans des circonstances similaires. Mais cet aspect s’inscrit fort judicieusement dans la nature même de MilleniuM. Le adversaires n’y sont fondamentalement pas de pittoresques Diabolical Masterminds, mais des esprits en souffrance, souvent introvertis.

Cet épisode captivant pointe également le rôle ambivalent des médias dans nos société, comme facteur prépondérant de l'accomplissement social. Sa responsabilité s’entremêle à celle de Dees, comme annoncé par la citation de Sartre. Sa qualité d’écriture et de mise en scène  situe 522666 parmi les grands succès de cette première saison.

    • Le numéro du téléphone portable de Frank est 202-555-1367.
    • Cet épisode situé dans la capitale fédérale comporte un nombre imposant d'acronymes : A.T.F. (Bureau of Alcohol, Tobacco, & Firearms),  N.S.T.L. (National Security Threat List), N.C.I.C. (National Crime Information Center), C.P.I.C. (Canadian Police Information Computer), INTERPOL (International Police Organization), RDX (Rapid Detonating Explosive)...
    • Un homme se faisant passer pour l'auteur des explosions se réclame de l'A.N.O. Il s'agit de l'Organisation Abou Nidal (ou Fatah - Conseil Révolutionnaire), une mouvance palestinienne radicale, fondée en 1974. Elle est classée comme terroriste par les états occidentaux, étant responsable de nombreux attentats très meurtriers.
    • Avec les lettres inscrites sur un téléphone  522666 correspond à Kaboom, l'onomatopée américaine représentant le bruit d'une explosion.
    • Durant l'épisode on entend la chanson I must not think bad thoughts., de X.
    • C'est Jean-Paul Sartre qui a l'honneur de la citation du jour : I am responsible for everything... Eexcept my very responsibility. (Je suis responsable de tout… Sauf de ma responsabilité même.) Elle est tirée de L’Etre et le Néant (1943), sa version complète étant : Je suis responsable de tout, sauf de ma responsabilité même, car je ne suis pas le fondement de mon être. Tout se passe donc comme si j’étais contraint d’être responsable. Dans cet ouvrage Sartre définit les concepts philosophiques fondamentaux de l’existentialisme, autour des thèmes du libre choix et de la responsabilité.
    • Pierson déclare Frank, after Centennial Park, there is no way that I could bring this guy in without more evidence. Il fait référence à l'attentat survenu en 1996, à Atlanta, durant les Jeux Olympiques. Une personne fut tuée et plus de cent blessées dans l'explosion survenant durant un concert donné dans le parc. Il était l'oeuvre d'un serial killer, Eric Robert Rudolph. Celui-ci fut un temps remarqué par la police, puis libéré faute d'éléments matériels. Par ila suite, il se livra à d'autres actions violentes, lancé dans une croisade anti avortement et homosexualité. Identifié par le FBI, il fut arrêté en 2003 puis condamné à vie.
    • Le critique de la frénésie médiatique à laquelle se livre l'épisode se base également sur l'attentat du Centennial Park. Richard Jewel, l'un des gardiens du parc, fut un temps soupçonné, avant d'être disculpé par la justice. Mais il faut l'objet d'un déchaînement médiatique hostile, à l'échelle nationale. Le Procureur et le Gouverneur de Géorgie durent intervenir publiquement pour y mettre fin, louant au contraire son attitude courageuse durant le drame. Par la suite Jewel remporta de retentissants procès contre de grands médias, dont NBC.
    • En début d'épisode, alors que Frank regarde la télévision on peut entendre l'annonce suivante : Critics call it the best new show of the season, Sundays after foot. Il s'agit d'un clin d'oeil ironique de Morgan & Wong à leur série Space : Above and Beyond, critiquant au passage le désastreux horaire dans lequel l'a relégué la FOX.

Retour à l'index


6. DÉSILLUSION
(KINGDOM COME)


Gallen Calloway, chrétien convaincu, a perdu sa femme et sa fille dans un terrible incendie. Rendu fou par la colère et la souffrance, il entreprend de détruire la foi en tuant un à un les différents hommes d’église qu’il a connu, en reproduisant les supplices de l’Inquisition médiévale.  Alors que Jordan est elle aussi confrontée à la mort via le décès brutal d’un oiseau, Frank parvient progressivement à identifier le tueur. Celui-ci tente de perpétrer un massacre durant un baptême mais Frank se confronte à lui et lui montre qu’il n’a jusqu’ici tenté que de détruire sa propre foi, en vain. Effondré, Calloway tente de se suicider pour s’offrir en sacrifice à Dieu, mais en est empêché par les forces d’intervention.

Cette saison très relevée marque ici une pause, à l’occasion d’un épisode quelque peu en deçà.  A l’occasion de son premier scénario écrit pour la série, le coproducteur Jorge Zamacona commet une erreur fort préjudiciable en dosant mal les effets de son intrigue. En effet, très rapidement, et plus grave encore, bien avant Frank Black lui–même, le spectateur comprend l’essentiel des motivations du serial killer du jour, ainsi que son modus operandi. Il ne reste plus alors qu’à suivre passivement une enquête tout à fait classique et dépourvue de tout rebondissement, jusqu’à une confrontation finale effectivement réussie. Frank n’est pas ici notre guide au cours d’une progressive découverte d’une abyssale folie, l’absence de ce moteur essentiel à MillenniuM prive Kingdom Come d’une réelle saveur.

Ce ressenti s’accentue encore du fait d’une mise en scène passablement édulcorée, du moins  selon les critères coutumiers de la série. Hormis le premier meurtre, tout à fait effrayant, les autres ne sont tout simplement pas montrés, l’action se limitant à leurs préambules. les visions de Frank ne viennent que partiellement suppléer à cette autocensure rendant l’immersion plus relative qu’à l’accoutumée. Par ailleurs, si les seconds rôles, notamment les figures traditionnelles du policier local et du membre du Groupe, sont interprétés par des comédiens chevronnés et talentueux, Lindsay Crouse et Tom McBeath, leur écriture demeure banale, manquant de saillant à l’image de l’ensemble de l’épisode.

En fait il ressort de façon trop marquée et mécanique que l’épopée sanglante de Calloway n’est que prétexte à des dissertations de Frank, d’ailleurs souvent non dénuées d’intérêt, autour de la foi comme irremplaçable appui face à l’horreur du monde et à la perspective de la mort. Les répliques sonnent souvent justes, notamment grâce à un Lance Henriksen de nouveau grandiose mais les autres personnages lui servent trop visiblement de simples confidents. L’épisode développe néanmoins un distinguo subtil entre la foi en Dieu et celle en l’Humanité, tandis que la mésaventure de Jordan s’intègre avec fluidité au discours général sur les diverses origines que peut revêtir le Mal, une thématique chère à Carter. MillenniuM prouve ici que même l'un de ses épisodes quelque peu mineur suscite l’intérêt par un discours absolument adulte.

    • Evoquant le rituel suivi par le tueur, Frank évoque le Sermo Generalis. Il s’agit de la cérémonie durant laquelle l’Inquisition, jadis, révélait les conclusions de son enquête et le châtiment des hérétiques. 
    • Ardis Cohen, membre du Groupe, est interprétée par Lindsay Crouse, connue notamment pour son rôle du Dr. Maggie Walsh, la dirigeante de l’Initiative durant la saison 4 de Buffy contre les Vampires.
    • Tom McBeath, interprète du collaborateur policier du jour, a également joué un antagoniste récurrent d’une célébrée série, Stargate SG-1, en la personne du Colonel Harry Maybourne.
    • La citation du jour est And there will be such intense darkness, That one can feel it. (Exode 10:21, Il y aura des ténèbres si épaisses qu’on pourra les toucher).
    • L’épisode ne fut pas diffusé à la date initialement prévue, le 15 novembre 1996, car la veille le cardinal Joseph Bernardin, archevêque de Chicago, décéda. En signe de respect envers cet important prélat, Kingdom Come, mettant largement en scène l’église catholique, l’episode fut déplacé de deux semaines. Divers commentateurs évoquent plutôt un coup médiatique de la Fox.

Retour à l'index


7. PARENTÉ SANGLANTE
(BLOOD RELATIVES)


Sur l’intervention de Catherine, Frank enquête sur le meurtre d’une mère de famille, survenu durant la veillée funèbre de son propre fils. Frank détermine qu’un jeune homme, orphelin déstructuré vivant en foyer, se rend d’enterrement en enterrement afin de retrouver une ambiance familiale de substitution. Il semble avoir basculé dans la violence, ce que confirment des éléments matériels découverts lors d’un autre meurtre. La police de Seattle arrête un dénommé James Dickerson, après qu’il ait été identifié par Frank. Mais ce dernier réalise alors que  le compagnon de chambrée de James est le véritable coupable. Habité par une délirante obsession de possession, il suit James dans ses expéditions et exécute les personnes avec lesquelles le jeune homme a sympathisé. Frank parvient in extremis à l’empêcher d’assassiner la propre mère de James.

Blood Relatives  prend l’exact contrepoint de l’opus précédent, en développant une intrigue parfaitement minutée. Nous découvrons pas à pas en compagnie de Frank un immense drame humain aussi abominable dans ses conséquences qu’émouvant dans la souffrance ressentie par James. La convergence de l’enquête traditionnelle et de l’étude psychologique menée par Frank s’effectue à merveille, non sans savoureux grincements de dents de la part des rudes policiers de Seattle, blanchis sous le harnais. Le récit s’offre quelques audaces réussies, comme l’efficace collaboration entre Frank et Catherine ou le refus du happy end facile de la réconciliation entre la mère repentie et le fils.

La mise en scène de Jim Charleston parvient également à dégager une véritable ambiance trouble et lors de scène étonnamment dérangeantes comme le meurtre initial détournant une image classique du film d’épouvante ou l’attaque des molosses, parfaitement effrayants. Le second meurtre se détache également par sa véracité sordide, mais aussi par le contraste induit par la mise en scène ente l’horreur survenant et la lumineuse beauté du décor naturel, l’un de  ces somptueux lacs dont Vancouver a le secret. Mais, fort opportunément, la scène la plus dure demeure dépourvue de toute agressivité physique, pour se situer au plan émotif. Voir Connor nourrir James comme on alimente un chien fidèle se révèle terrible de violence et tout à fait révélateur de l’aspect perversement possessif de cette prétendue amitié.

Sean Six (James) s’y avère impressionnant de conviction, apportant immensément à Blood Relatives, à l’image d’une excellente distribution. L’épisode comporte en particulier une magnifique composition de l’épatante Megan Gallagher, qui impose toute sa sensibilité à l’occasion de cette montée au premier plan de Catherine. La relation avec Frank sort encore renforcée de cette enquête menée en commun. Le twist final sur l’identité réelle du tueur est subtilement mené, même si pas tout à fait imprévisible. Mais il reste avant tout remarquable que Catherine, écoutant son cœur,  parvienne plus rapidement à un résultat similaire à celui obtenue par el brillant esprit analytique de Frank, assisté par son Don. Un fait soulignant éloquemment l’humanité des divers protagonistes de cette histoire évoquant avec sensibilité le drame de la solitude et la déstructuration de la cellule familiale dans nos sociétés.

Face à ces familles en charpie, celle, si harmonieuse, de Frank s’inscrit en contrepoint révélateur. Il en va pareillement pour la chaleur humaine et la solidarité se dégageant de ces veillées funèbres, admirablement filmées. Mais, comme toujours avec MillenniuM, les ténèbres envahissent la lumière : Blood Relatives centre ces passages autour de divers objets funéraires  mis en avant avec un art consommé. Il résulte logique que l’auteur et producteur  Chip Johannessen  ait été ultérieurement retenu par Chris Carter pour écrire la suite de l’histoire du Fétichiste (Orison, X-Files, 7-07), tant l’on retrouve ici comme un écho de Irresistible.

Blood Relatives apparaît comme un opus particulièrement riche en émotions diverses, structuré autour d’un scénario astucieux. On pourra certes regrette la brièveté de l’exposition des motivations du véritable assassin, mais il existe des lil=mites à ce que que peut narrer un épisode d’une cinquantaine de minutes.

    • Frank déclare : Thousand points of Darkness. Il s’agit d’un clin d’œil à une accroche restée fameuse de Bush, prononcée durant son Discours sur l’état de L’union de 1991, Thousand points of Light.
    • Peggy Dechant est jouée par Lynda Boyd, qui interprète par ailleurs Dana Whitcomb, la grande antagoniste de la première époque de Sanctuary. Dans les X-Files elle incarne notamment la femme du bar, effrayée par les flammes de l’Incendiaire. (Fire, 1-11).
    • La citation du jour est This generation is a wicked generation; it seeks for a sign, and yet no sign shall be given to it. (Luc 11:29, cette génération est une génération méchante ; elle demande un miracle et il ne lui en sera pas donné).
    • L’épisode est le premier écrit par Chip Johannessen. Il en composera 12 autres et deviendra producteur exécutif sur la troisième saison. Il a depuis travaillé comme producteur et auteur pour Dexter et 24h Chrono.

Retour à l'index


8. UN VERROU SUR LE CŒUR
(THE WELL-WORN LOCK)


Connie, 32 ans, vient se confier à Catherine Black, assistante sociale : durant des années elle a subi des agressions incestueuses permanent »  de la part de son père, avec le silence complice de sa mère. Elle affirme se décider à parler car elle découvre aujourd’hui que sa jeune sœur est sur le point de subir le même calvaire. Catherine émue, découvre une vérité épouvantable, notamment que la très jeune fille est en fait la fille de Connie, violée par son père. Elle parvient à entraîner la procureure dans un combat difficile, le père étant un notable très respectable. D’abord arrogant celui-ci prend peur et s’enfuit avec l’enfant. Rattrapé grâce à l’intervention de Frank, il est finalement condamné en justice, tandis que Connie finit par surmonter ses traumatismes.

En abordant le thème douloureux de l’inceste, The Well-Worn Lock constitue un agréable renouvellement de la série, succédant après de brillantes traques de serial killers au schéma inévitablement légèrement répétitif. Ce changement se prolonge dans la structure narrative elle-même, le coupable étant connu dès le départ et le récit se centrant sur la victime et non sur le monstre.  Ici la victime, que l’on ne se hasardera pas à qualifier de chanceuse compte tenu de l’horreur subie, peut ici s’exprimer, l’occasion d’une introspection aussi éloquente et éprouvante qu’à l’accoutumée, mais vue de l’autre côté du miroir obscur.

Par ailleurs The Well-Worn Lock accentue considérablement la montée en puissance de Catherine de l’intrigue, déjà observée dans Blood Relatives. On assiste ici purement et simplement à une inversion des rôles, Frank devant le confident et le soutien tandis que Son épouse impulse l’affaire du jour. Ses méthodes, plus classique, diffèrent, ce qui accroît encore l’impression de d’agréable variété. Encore que Catherine n’hésite pas à mobiliser ses amitiéss au sein de la police de Seattle ! Mrs Black manifeste la même opiniâtreté que son mari et s’impose en personnage indispensable à la série, d’autant que Megan Gallagher sait s’imposer parmi d’excellents comédiens.

Ce mouvement impulsé par Chris Carter en personne connaît cependant quelques limites. L’intervention de Frank pour capturer le fugitif ne s’imposait pas réellement et, pour ponctuelle qu’elle demeure, s’en vient minorer l’originalité du récit. On a l’impression que l’auteur tient à placer une manifestation du Don de Black, craignant une insatisfaction du public de manière quelque peu pessimiste. On peut aussi regretter qu’après une première partie absolument captivante, où l’on s’immerge dans les abominables secrets de cette famille, l’intrigue débouche sur un segment davantage classique, autour du procès. Quoique supérieurement écrit et interprété, ce passage s’insère néanmoins dans les poncifs si balisés de la série judiciaire. On attend davantage de Chris Carter.

Ce dernier réussit un magistral portrait psychologie en la personne de Connie (formidable Michelle Joyner). Après subtilité et clairvoyance il expose les diverse conséquences destructrice de l’inceste et des diverses pressions psychologiques subies par les victimes. Une violence en définitive aussi insoutenable que celle des tueurs, qu’un happy end joliment symbolique ne vient que partiellement dissiper. Les différents personnages  secondaires, en particulier la mère,  sonnent également tout à fait justes. Un récit aussi noir  que dérangeant, d’autant que les faits divers nous rappellent régulièrement l’existence de telles abominations.

Episode original au sein de la série, The Well-Worn Lock en trouve néanmoins toute l’intensité et la qualité, tout en achevant de bâtir le portrait de Catherine, l’autre pilier de MillenniuM.

    • La citation du jour est The cruelest lies are often told in silence., de Robert Louis Stevenson (1850-1894). Cette figure de la littérature anglaise a notamment écrit L'Île au Trésor (1883) et L'étrange cas du Docteur Jeckyll et de Mister Hyde (1886). Stevenson complète sa maxime par A man may have sat in a room for hours and not opened his mouth, and yet come out of that room a disloyal friend or a vile calumniator.
    • S'il supervise l'ensemble de l'écriture de la série, Chris Carter n'en n'écrira que sept pour MillenniuM. Celui-ci est le troisième, après le pilote et Gehenna.
    • The Well-Worn Lock est le premier épisode de la série se centrant davantage sur cathe rine que sur Frank.
    • Le titre original fait référence au verrou symbolisant l'aliénation des victimes.
    • Le film passant à la télévision en début d’épisode est Le miracle de la 34ème rue (1947).

Retour à l'index


9. MEURTRES SANS EFFRACTION
(WIDE OPEN)


Un tueur en série sévit en répétant toujours le même rituel : il s'introduit dans une maison en vente en se faisant passer pour un acheteur, se dissimule jusqu'au soir et, ayant ainsi contourné le système d'alarme, massacre alors les propriétaires. Il laisse vivre une petite fille, espérant que la police, par ses questions, la forcera à revivre douloureusement ce traumatisme. Catherine s'oppose vigoureusement à cet in interrogatoire, soutenue par Frank, malgré les arguments de Bletcher. Frank finit par deviner le pot aux roses ainsi que par identifier le coupable, celui-ci  s'amusant à laisser des indices pour défier les forces de l'ordre. Le tueur est appréhendé lors d'une ultime attaque, le chien défendant la maison se révélant un allié providentiel pour Frank.

Le meilleur de Wide Open réside dans son idée de départ. Cette vision d'un maniaque homicide jaillissant soudainement au sein de l'intimité et de la protection apportées par le foyer se révèle absolument terrifiante.  Comme le souligne Chris Carter au travers de Black, on rejoint ici une grande peur universelle, plus intense que jamais de nos jours : l'agression de la cellule familiale, vulnérable derrière les prétendues protection apportées par la technologie. L'épisode compte également à son actif quelques réussites connexes, comme l'humanité de Bletcher, le décor sinistre et empreint de folie de l'appartement du serial killer ou la musique si évocatrice de Mark Snow. Les amateurs des X-Files s'amuseront des ironiques messages numériques rappelant Blood, comme du « X » laissé par le tueur comme indice de son passage. Malheureusement, si l'enquête de Frank reste solidement construite, l'intrigue commet quelques erreurs passablement  pénalisantes.

Le dément criminel, interprété avec minimalisme, manque singulièrement de présence et d'intensité. On regrette également que la confrontation avec Frank se résume à un simple affrontement physique, jouant davantage la carte du sensationnalisme que celle de la psychologie. De plus le thème du la perpétuation d'un traumatisme subi durant l'enfance a déjà été abordé dans Blood Relatives. Par ailleurs le scénario commet une erreur en situant la ligne de démarcation entre Bletcher d'une part et Frank et Catherine d'autre part, à propos de l'éventuel interrogatoire de la petite fille. La partie apparaît bien trop déséquilibrée pour laisser place à un quelconque suspense et il aurait été dramatiquement bien plus intense d'affronter Frank et Catherine sur ce point. Par ailleurs l'épisode a trop souvent recours au poncif du dessin d'enfant contenant un indice sur l'assassin, d'où un pénible effet de répétition alors même que la jeune actrice s'avère inexpressive. Sans susciter l'ennui, l'épisode se positionne comme relativement mineur.

    • Le nom de la petite fille témoin du meurtre de ses parents est Patricia Highsmith, un hommage à la célèbre auteure du même nom. Spécialisée justement dans les thrillers psychologiques, elle vient de décéder en 1995. On lui dit notamment L'Inconnu du Nord Express et les série des M. Ripley.
    • La dernière maison visitée par le meurtrier, est gérée par agent immobilier nommé Lou Bollo. Celui-ci est en fait le responsable des cascades pour l'ensemble de la série.
    • La citation du jour est His children are far from safety. They shall be crushed at the gate, without a rescuer. Elle est extraite du Livre de Job, 05:04 (Ses enfants sont privés de tout appui, accablés à la porte, sans défenseur.).
    • L'expert graphologue identifie la signature du meurtrier dans 37 listes de bienvenues différentes. L'un des noms qu'il utilise alors est Travis Bickle, le héros de Taxi Driver (1976).
    • Le policier assistant Frank se nomme John Glen, un clin d'oeil au duo d'auteurs James Wong et Glen Morgan.

Retour à l'index


10. ANGEL
(THE WILD AND THE INNOCENT)


 

La mère de la jeune Maddie vit avec  un certain Jim Galroy, ancien serial killer vivant dissimulé pour échapper à la police. Sa violence pervertit néanmoins leur union. Après le suicide de sa compagne, il tente de violer Maddie, mais est assommé par Bobby, le petit ami de la jeune fille. Celle-ci a eu un bébé, Angel, que Galroy a vendu pour s’acheter une télévision. Débute alors un voyage durant lequel le couple torture Galroy, pour le forcer à révéler où se trouve Angel, avant de le laisser pour mort, tandis que Bobby s‘enfonce dans une violence homicide et accumule les meurtres. Initialement sur les traces de Galroy, Frank perçoit la réalité et intervient au moment où Bobby et Maddie découvrent Angel. Bobby veut se servir du bébé comme otage et est alors abattu par Maddie, qui préfère renoncer totalement  à son fils afin de lui laisser la chance de grandir dans la famille aisée et aimante l’ayant adopté.

Tout comme les X-Files avec l’excellent Drive de Vince Gilligan, MillenniuM s’essaie ici au genre si américain du Road Movie. Tandis que la réalisation inspirée de Wright tire le meilleur parti des paysages et du climat canadiens, La règle fondamentale de ce type de récit s’y voit admirablement respectée, puisque le voyage intérieur des protagonistes se découvre parallèlement au parcours accompli. C’est particulièrement net en ce qui concerne Bobby, le récit de Jorge Zamacona nous décrivant avec un terrifiant réalisme l’inexorable dérive vers la domination violente exercée sur sa compagne, ainsi que la chute morale au fil des meurtres. Initialement un sauveur, bobby devient progressivement semblable au serial killer dont il avait initialement préservé la jeune femme, un glissement aussi terrifiant que convaincant.

Si Maddie demeure davantage figée dans son chagrin et sa quête désespérée d’Angel, jusqu’au sursaut final, la lecture de ses lettres puis ce l’on découvre progressivement constituer un entretien postérieur avec Frank, scande éloquemment le récit, conférant une indéniable sensibilité à cette virée en enfer. Ce portrait d’une jeune femme confrontée à la violence pathologique de plusieurs hommes pourrait dangereusement avoisiner le misérabilisme, mais la finesse de l’écriture, ainsi que la conviction à fleur de peau de Jeffrey Donovan et de la formidable Heather McComb permettent d’éviter ce piège. Le mélange d’émotion et d’horreur se révèle intense et fécond. La scène de fin voyant elle et Frank sympathiser s’avère absolument bouleversante.

Que le serial killer basique que représente Galroy sorte rapidement de scène souligne bien la spécificité de l’épisode. Outre sa qualité intrinsèque, ce choix du Road Movie présente en effet l’intérêt de rompre la succession des serial killers coutumiers, menaçant à terme de devenir mécanique. Le revers de la médaille réside néanmoins dans  une fusion avec l’univers de la série ne s’effectuant qu’imparfaitement. En effet toute l’enquête, captivante en soie t menée de main de maître par Frank et Peter n’interagit absolument pas sur l’action principale, servant uniquement à l’exposition de celle-ci. En définitive Frank n’empêche strictement rien et le lien avec Maddie ne dispose que de quelques minutes pour s’exprimer, ce qui suscite une certaine frustration. La césure entre les deux segments du récit demeure trop prononcée, sans interaction véritable.

    • La citation du jour est O Lord, if there is a Lord. Save my soul, if I have a soul., d’Ernest Renan (O Seigneur, s'il y a un Seigneur ; sauvez mon âme, si j'ai une âme.). Renan (1823-1892) est un auteur français réputé pour avoir milité en faveur de l’analyse scientifique et sceptique, détachée des concepts religieux et moraux traditionnels. Il développa ainsi une relecture ethnologique de la Bible et défendit les thèses de Darwin en France. La citation est tirée de Prière d’un sceptique.
    • Deux membres de l’équipe technique sont cités sur l’album scolaire de Maddie, dont Erik Gerlund, responsable des  décors.
    • Heather McComb (Maddie) participe dans le même temps à Profiler, série partageant nombre de similitudes avec MillenniuM. Elle y tient le rôle régulier de Frances Malone, la fille de Bailey, dans 24 épisodes. Cette excellente actrice est également apparue dans de nombreuses autres séries, dont les X-Files (Shannon dans Die Hand die verletzt) et, récemment, The Event.
    • Jeffrey Donovan (Bobby) va également participer à une série se situant dans la mouvance initiée par MillenniuM et Profiler : Touching Evil (2004). Il est également vu dans Burn Notice.

Retour à l'index


11. MAUVAISES GRAINES
(WEEDS)


Un serial killer sème la terreur dans une banlieue aisée et sécurisé. Il enlève les jeunes garçons et, se croyant doté d’une mission divine, leur fait payer les péchés de leurs pères par divers supplices. Si le père n’avoue pas rapidement sa faute (adultère, accident de la route mortel…) il exécute alors l’adolescent, resituant le cadavre avec un indice lié au reproche initial. Tandis que l’angoisse et la paranoïa montent sans cesse en puissance, Frank entame une difficile enquête, d’autant que certains peinent à révéler leurs secrets. Le coupable se révèle être un membre éminent de la communauté, que l’hypocrisie de ses pairs a fait plonger dans une profonde dépression.

Porté par une composition une nouvelle fois étonnamment intense de Lance Henriksen, Weeds donne lieu à une enquête remarquablement articulée et captivante de bout en bout. Frank, assisté de la toujours percutante Cheryl Andrews, utilise le moindre bout d’indice mis à sa disposition et son édification progressive du profil psychologique du tueur s’avère magistrale. Le Don apporte sa pierre à l’édifice lors de quelques scènes chocs, mais l’intrigue met judicieusement l’accent sur  l’intelligence et l’expérience du profiler. Cette petite  communauté se croyant à l’abri derrière ses murs devient un échiquier sur lequel Frank et le serial killer joue une partie subtile, toutes en chausse-trapes, énigmes et défis.  On regrettera par contre que la résolution de l’ensemble repose sur un indice sonore trivial et tout de même miraculeusement identifié par Frank, mais  l’impact en demeure modéré.

Malgré les tortures oscillant entre abominable et sordide, la personnalité du justicier autoproclamé reste subtilement ambivalente. C’est d’autant plus vrai qu’il se montre parfois cruellement lucide et reste l’un des rares adversaires de Frank à, parfois, épargner ses victimes. L’interprétation de l’ensemble de la distribution paraît également admirable, évitant au maximum tout effet démonstratif possible. A l’unisson  la mise en scène se montre froidement clinique, soulignant avec précisons le délabrement du lien communautaire sous la panique et la suspicion, de même qu’elle accompagne efficacement le jeu bien mené de l’exposition de différents suspects potentiels. Comme si souvent dans cette série, les décors se révèlent parfaitement évocateurs d’un atmosphère, notamment cette piscine, d’abord ensoleillée et joyeuse, plus réceptacle confiné de l’horreur : une parfaite parabole  de cette petite cité où de nombreux sombres secrets se dissimulent derrière une apparence aimable.

Weeds, nouvelle preuve de la finesse d’écritures de Franck Spotnitz, revêtira une saveur particulière pour l’amateur des X-Files. En effet,  dans son sujet comme dans son environnement, un suburb cossu, il préfigure largement le classique de cette série que constitue Arcadia (6-15), diffusé deux ans plus tard. Examiner les différences entre ces deux opus revient plaisamment à comparer les séries elle mêmes. L’humour, si présent dans Arcadia,  n’a bien entendu absolument pas le droit de cité ici, comme  dans l’ensemble de cette première saison. D’ailleurs Mulder et Black se seront rarement montrés aussi frontalement différents, ce dernier ne prenant jamais une affaire à la rigolade, ce n’est pas dans son ADN. Le recours au surnaturel n’a pas encore lieu d’être, au contraire MillenniuM veille à s’insérer au plus près du réel (même si le fantastique se manifestera bientôt, mais d’une manière moins prégnante). Parallèlement Arcadia se livre à une satire au vitriol de l’Amérique vivant dans ces cités proprettes et retranchées, cette dimension existe mais en nettement moins prononcé dans Weeds, où chaque individu, bourreau, hypocrite ou victime conserve finalement sa fragile humanité. Dans les X-Files la vérité est ailleurs, dans MillenniuM elle se situe définitivement parmi nous,  sans apparaître plus rassurante pour autant, il s’en faut de beaucoup.

    • Une novélisation de l’épisode fut écrite par l’auteur de Science-fiction Victor Koman, intitulée The sins of the fathers. Sa commercialisation se limita à l’Allemagne et au Japon.
    • La citation du jour est But know ye for certain... Ye shall surely bring innocent blood upon yourselves and upon this city (Jérémie, 26:15, Seulement sachez que, si vous me faites mourir, vous vous chargez du sang innocent, vous, cette ville et ses habitants.)
    • Weeds est le premier épisode écrit par Frank Spotnitz pour MillenniuM, il en composera quatre autres en solo.
    • A ce propos il déclare : "My first episode of "Millennium" is also my least favorite. There was an interesting idea here, however - that in order to save their sons, fathers would have to shame themselves by revealing their own "sins.".
    • On trouve de nombreuses apparitions de séries télé oldies dans l’œuvre de Chris Carter. Ici Charlie est en train de regarder Land of the Giants (1968-1970). Des astronautes se posent en catastrophe sur une planète dont tous les habitants (hommes et animaux) sont douze fois plus grands que sur Terre.
    • Michael Tomlinson (Tom) interprètera le visqueux Franklin, dans The L Word.

Retour à l'index


12. AMOUR IMMACULÉ
(LOIN LIKE A HUNTING FLAME)


Un pharmacien nommé Nesbitt souffre de graves problèmes sexuels. Il n’a ainsi toujours pas pu consommer son mariage, après 18 ans. Il se rêve une sexualité idéale en appâtant de jeunes couples en leur proposant des drogues puis en leur demandant de faire l’amour devant lui. Puis  les empoisonne  et dispose leurs cadavres nus selon des positions artistiques, pour parachever son ouvre. Il pense ainsi mettre fin à leur vie au moment parfait. Frank mène l’enquête avec l’aide de Maureen Murphy, membre du Groupe. Malgré l’hostilité initiale du Lieutenant Thomas, ils parviennent à identifier Nesbitt et à intervenir avant qu’il ne tue sa femme après avoir enfin réussi son passage à l’acte, mais ne réussissent pas à empêcher son suicide.

La réussite de Loin Like a Hunting Flame apparaît moindre qu’à l’ordinaire au sein de cette enthousiasmante première saison. La mise en scène se montre atone, en dehors de l’utilisation réussi du jardin biologique de Vancouver, un lieu rappelant effectivement étonnamment le jardin d’Eden, également aperçu dans diverses séries (Supernatural, Stargate SG-1…). Les vues de la boite de nuit ou des parties fines organisées par Nesbitt n’apportent rien de significatif par la suite. De fait l’épisode ne suscite pas la tension dramatique coutumière, Nesbitt, quoique correctement interprété, paraissant plus misérable que réellement effrayant. L’auteur se sent obligé de citer explicitement la morale du jour par Frank (la montée d’une sexualité perverse et sans amour dans nos sociétés), échouant à la faire ressentir en cours de récit.

L’enquête abuse quelques peu de la faculté particulière de Frank, au lieu de bâtir solidement la quête et l’exploitation des indices. Le trio débusque singulièrement vite Nesbitt, tandis que le temps ainsi libéré se voit majoritairement aux discussions diverses entre Black et Thomas. Malgré l’indéniable abattage de William Lucking (Piney dans Sons of Anarchy), ces dialogues, aussi plaisants que prévisibles,  relèvent de la digression, n’apportant rien que périphérique à l’affaire en cours. On a l’impression que l’épisode s’attache presqu’autant à décrire Thomas que Nesbitt, ce qui s’avère contre-productif au possible. L’épisode bénéficie cependant d’une distribution impeccable, comportant de  nombreux comédiens admirés dans les X-Files, entre autres Hrothgar Mathews et Harriet Sansom Harris, impeccable mais au rôle trop effacé.

    • David Nutter réalise ici son dernier épisode pour MillenniuM.
    • La citation du jour est Two souls, alas, are housed within my breast. (Deux âmes, hélas, se partagent mon sein). Elle est tirée du Faust de Goethe (1808).
    • Le titre original est un vers tiré du poème The Ballad of the Long-Legged Bait, de Dylan Thomas, écrivain gallois (1914-1953) originaire de Swansea. Décédé à 39 ans, après une vie aux multiples excès, il demeure considéré comme un des poètes majeurs de la Grande Bretagne au XXème siècle, notamment pour  le romantisme lyrique de ses œuvres. The Ballad of the Long-Legged Bait est réputé pour ses nombreuses allégories fantastiques, amoureuses et sexuelles.
    • Nesbitt est incapable de consommer son mariage. Or Nesbitt est également le nom d’un chirurgien qui, au milieu des années 60, popularisa une intervention permettant de solutionner les problèmes graves de courbure du pénis (dont la maladie de La Peyronie, liée à une sclérose du corps caverneux).
    • Maureen Murphy est interprétée par Harriet Sansom Harris. Cette figure régulière des séries américaines est, entre autres, connue pour son rôle de Felicia Tilman dans Desperate Housewives. Dans les X-Files, elle tint le double rôle mémorable du Dr. Sally Kendrick et d’Eve 6 (Eve, 1-11).

Retour à l'index


13. FORCE MAJEURE
(FORCE MAJEURE)


Une brillante étudiante s’immole par le feu sans raison apparente. Frank s’intéresse à cette affaire, quand une autre jeune fille se suicide. L apparaît qu’elle la jumelle de la première, bien que plusieurs années les séparent. Elles sont toutes les deux adoptées et présentes plusieurs mêmes singularités physiques. Dennis Hoffman, un mystique anciennement refusé par le Groupe, indique à Frank que tout converge vers un alignement planétaire devant survenir le 5 mai 2000 et censément provoquer une Apocalypse gravitationnelle. Peter et Frank vont découvrir qu’un homme à cloné ces jeunes filles pour en faire de parfaites reproductrices, surdouées et aptes à repeupler le monde après la catastrophe. Les suicidées ont été poussées au désespoir par l’imminence de la catastrophe, refusant leur destin.

Plusieurs facteurs contribuent à situer Force majeur comme l’une des grandes réussites de cette première saison. L’énigme proposée paraît ainsi de qualité, agréablement troublante, horrifique et énigmatique. L’écheveau démêle efficacement, notamment grâce à une synergie finement tissée entre les talents divers de Frank, Peter et Dennis. L’intrigue présente également le mérite de replacer l’Apocalypse au cœur de la série, après une succession de serial killers. On note d’ailleurs l’absence totale de meurtres, une audacieuse originalité au sein de MillenniuM. La Fin des Temps se présente ici dans une version alliant prophéties mystiques et déterminisme physique, un ensemble résultant agréablement paranoïaque.

L’excellent scénario de Force Majeure consacre également la plus grande attention à ses personnages secondaires, évitant intelligemment de capitaliser sur le seul Frank, même si celui-ci se montre une nouvelle fois remarquable, par ses dons comme par son humanité. Peter fait étalage de sa vive intelligence et de sa capacité d’organisation, Dans le même temps, contrairement à Frank, il se crispe pour la première fois devant la présence insistante de Dennis. Il s’avère déjà patent que le Groupe n’apprécie guère ni les gêneurs, ni les électrons libres !

Par son érudition et ses intuitions fulgurantes Dennis introduit une bouffée de fantastique au sein de la série, même si la cause de l’Apocalypse demeure naturelle. Il bénéficie de la présence toujours marquante de Brad Dourif, même si sa prestation demeure plus classique que le paroxysme du formidable Beyond the Sea des X-Files. La Patriarche sollicite le spectateur par son ambivalence, entre démiurge peu soucieux de déontologie et Noé moderne soucieux de préserver l’Humanité du désastre. Il préfigure joliment le Groupe lui-même, car entre guider cette dernière à travers les écueils et s’arroger le pouvoir, la différence devient rapidement ténue.

Mais, favorisé par une mise en scène talentueusement sinistre et enténébrée, Force majeure se caractérise avant tout par son atmosphère des plus dérangeantes. L’horreur de certaines scènes (l’immolation le suicide sordide, le grotesque poumon artificiel du leader…) s’agrège efficacement à de grandes peurs contemporaines, comme le millénarisme mais aussi le clonage humain, un thème alors en vogue. L’image même de ces silencieuses et identiques jeunes femmes déstabilise le spectateur par sa bizarrerie. Difficile de ne pas songer à la Colonie des X-Files, mais la présence d’être humains, et non d’Aliens hybrides, en accroît une nouvelle fois l’impact.

Cet épisode de haut vol, impeccablement dialogué, constitue un jalon : pour la première fois l’ombre de l’Apocalypse envahit la scène, avec une palpable intensité. Un tournant parfaitement exprimé par l’ultime image du récit, montrant un Black lui même troublé, cette fois impuissant face à l’imminente montée des périls. Au-delà de la succession des terrifiants serials killers, MillenniuM aborde désormais de nouveaux rivages, ô combien prometteurs.

    • Le chiffre sept revient régulièrement au fil de l’épisode : alignement de sept planètes, quand Frank considère l’alignement du cinq mai il est 7h 07 de l’après midi, le numéro de la porte d’Hoffmann est 7, 7 années séparent les deux sœurs etc.
    • L’alignement des six planètes centrales du système solaire (soit sept astres en comptant le soleil), le cinq mai 2000, constitue un fait réel. Mais il n’a pas donné lieu aux catastrophes prophétisées ! Cette figure cosmique surviendra de nouveau en 2675. Ne prévoyez rien pour le week-end.
    • Le cinq mai est également la date anniversaire de Lance Henriksen (05/05/1940).
    • L’Arche est en fait le Shadbolt Centre for the Arts,  situé à Burnaby, près de Vancouver. Il propose de nombreuses activités artistiques ou scéniques aux familles de la région, tout en hébergeant plusieurs festivals tout au long de l’année.
    • La citation du jour est You remember a single deluge only, but there were many previous ones., de Platon (On ne se souvient que d’un seul Déluge, mais il y en eut plusieurs.). Dans deux de ses Dialogues, Platon évoque l’Atlantide : le Timée et le Critias.
    • Dennis Hoffman est interprété par l’excellent Brad Dourif (Color of Night, Dune, Lord of the Rings, Body Parts…), qui, entre autres rôles marquants, est inoubliable dans l’épisode Beyond the Sea, des X-Files. Il est également la voix de Chucky, la Poupée Sanglante.
    • La faculté où l’étudiante s’immole par le feu est en fait la Simon Fraser University, fondée en 1965 et située à Burnaby, dans le grand Vancouver. Son nom rend hommage au grand cartographe de la Colombie Britannique (1776-1862). L’université sert également de décor dans la série Stargate SG-1, où son architecture moderniste représente le monde des Tollans.

Retour à l'index


14. LES BLESSURES DU PASSÉ
(THE THIN WHITE LINE)


Une série d’assassinats sans liens apparents évoquent pour Frank à ceux commis il y a plusieurs années par Hance, le « Tueur à la Carte ». Cet esprit pervers aimait à commettre deux meurtres à intervalle rapproché, déposant auprès des victimes les moitiés d’une même carte. Il leur infligeait également une profonde entaille à la paume, les marquant ainsi comme du bétail.  Or Frank a contribué à l’arrêté voici plusieurs années, durant une action où lui même fut ainsi blessé, un choc l’ayant longtemps traumatisé. Il s'interroge douloureusement, se demandant si avoir abattu froidement Hance au lieu de l'arrêter n'aurait pas sauvé des vies innocentes, en empêchant le serial killer de contaminer un autre esprit. Il devine en effet qu’un copycat est à l’œuvre et se confronte à Hance pour en savoir plus. Frank ne peut éviter que l’imitateur soit tué durant l’assaut  de la police

Brillant exercice de style que The Thin White Line, dont la problématique peut se synthétiser en une interrogation : comme rendre captivante une intrigue aussi simple et rebattue (un serial killer de plus), dont le suspense tombe tout à fait rapidement, et par ailleurs tout à fait prévisible puisque fortement inspirée du Silence des Agneaux (1991)? La réponse réside dans l’art de la narration et de la mise en scène. Le duo Morgan/Wong compense en effet une certaine linéarité du scénario en surprenant le récit par un rythme asymétrique du récit, prenant systématiquement le spectateur à contrepied. Les scènes les plus diverses se télescopent (longueurs variées, atmosphères, accélérations brusques des évènements), dynamisant ainsi l’ensemble .

Morgan/Wong  ne tentent pas de dissimuler le fait que son histoire sert avant tout de justification au duel psychologique opposant Frank et Hance, en en composant les dialogues avec un soin particulier et n’hésitant pas à accélérer les cours ultérieur du récit, comme simple résultante. Un choix astucieux et finalement logique, d’autant que, si Hance n’est évidemment pas le Lecter d’Anthony Hopkins, Roberts lui apporte une indéniable présence, dépourvue d’outrance. Les auteurs s’entendent toujours à exprimer la psychologie de leurs personnages et le gaillard fait froid dans le dos. Cela devient d’autant plus perceptible que  d’autant que, sans jamais élever la voix, il rend palpable la menace physique pesant sur Frank. La mise en scène joue pleinement son rôle, avec un subtil usage du cham-contre champ et du montage. Les artistes de la série jouent pleinement leur rôle, entre l’enfer froid de béton et néons de la prison, ou les autres respectifs des sérials-killers, sordides et menaçants à souhait.

TheThin White Line joue également la carte de la personnalisation du ressenti du héros, de par le traumatisme d’une affaire marquante de son passé. Cette technique scénaristique ne représente certes pas une originalité (Cf. notamment le moins percutant Young at Heart des X-Files), mais  se voit ici portée par un toujours magistral Lance Henriksen, parvenant à exprimer simultanément le côté introverti de son personnage et la violence de ses émotions. Frank s’humanise encore davantage et utiliser son passé comme un arme lors d’une de ces péripéties si astucieuses et mémorables qu’affectionne le duo d’auteurs. Et puis, pour l’amateur des X-Files, cela constituera un intérêt supplémentaire de découvrir Black en G-Man du FBI. L’épisode se montre plus fort et intense qu  Young at Hart, qui ne constitue qu’une affaire de plus pour Mulder (pour qui l’important est ailleurs), tandis que l’évènement se définit comme structurant pour Franck, le poussant à une interrogation morale de son action

Le récit, par fois prévisible, se pimente agréablement de bulles de pure démence, où l’on assiste de l’intérieur comme le totalement délirant copycat recompose le réel et les réactions d’autrui. La résolution du décalage, le plus souvent sanguinaire, conduit à des scènes choquantes et déroutantes, notamment lors d’une introduction parfaitement déstabilisante. Pour un peu on croirait que MillenniuM s’essaie à l’humour, morbide, forcément morbide.  Morgan/Wrong apprécient décidément d’apposer leur marque sur leurs brillants scénarios. La séquence onirique ou Frank revit son affrontement précédent avec Hance se montre également mémorable.

    • Durant la scène d’introduction, le copycat écoute la chanson How deep is your love ?, des Bee Gees (1977).
    • Jeremy Roberts (Hance) apparaît très nombreuses séries télévisées. Il participa ainsi à l’épisode Agua Mala des X-Files et interpréta Kakistos dans Buffy contre les Vampires, l’imposant vampire tuant l’Observateur de Fiath et forçant celle-ci à se réfugier à Sunnydale (Faith, Hope & Trick). Il est le beau-fils d’haji, actrice fétiche de Russ Meyer.
    • La citation du jour est A man's past is not simply a dead history... It is a still quivering part of himself, bringing shudders and bitter flavours and the tinglings of a merited shame. de George Eliott (Le passé d’un homme n’est pas qu’une histoire morte. Il reste en lui et le fait frémir d’une honte méritée.). George Eliot (1819-1880) est une romancière majeure de l’époque victorienne, fameuse pour la finesse et la profondeur de  ses descriptions de la société provinciale anglaise.
    • L’heure indiquée dans la vidéo de surveillance est 10h13, un clin d’œil à la société de production de Chris Carter, 10-13, observé également à plusieurs reprises dans les X-Files. Carter est né le  13/10/1956.
    • Le titre original reprend une expression américaine (the thin blue line) interpellant le rôle joué par la police, l’élargissant aux interrogations morales de Franck.
    • Durant la confrontation entre Black et Hance, Morgan et Wong introduisent de nombreuses références à un célèbre entretien mené entre un profiler du Bureau et l’un des serial killers les plus abominables, Edmund Kemper. Ce dernier servira de modèle à l’effroyable  adversaire protagoniste de Paper Dove (1-22). Les délires du copycat voyant ses victimes s’offrir d’elles mêmes en sacrifice s’inspirent d’un autre dément criminel réel, Herbert Mulin.
    • Tout au long de la série, Black se montrera plus que réticent à employer une arme à feu, en partie  du faits de évènements ici relatés. Un tel évènement demeurera exceptionnel.
    • Les cartes à jouer utilisées par Hance portent la devise «Expect no Mercy, un clin d’œil à celle utilisée par Morgen/Wong dans leur propre série, Space : Above and Beyond.

Retour à l'index


15. LE SACREMENT
(SACRAMENT)


Frank assiste au baptême de son neveu, quand sa belle-sœur disparaît soudainement, un évènement annoncé par Jordan. Alors que la police de Seattle refuse son aide, craignant que so implication personnelle fausse son jugement et apporte des difficultés juridiques, Frank mène une difficile enquête, où l’aide apportée par Peter Watts s’avère cruciale. Son frère Tom, effondré et furieux devant le secret instauré par Frank pour le protéger des horreurs qu’il devine, lui complique également la tâche. Frank finit par établir que le coupable est un psychopathe sexuel   récemment libé d’un hôpital psychiatrique, particulièrement sadique et persuadé d’obéir à Satan. Les enquêteurs interviennent à temps pour sauver la jeune femme, emmurée vivante au domicile des parents du fou.

Pour sa deuxième participation directe à l’écriture de MillenniuM, après Weeds, Franck Spotnitz nous gratifie d’un épisode solide et consistant, toutefois dépourvu de l’attrait supplémentaire que l’on aurait pu espérer d’un tel évènement. Le déroulement de l’affaire se suit avec un réel intérêt, mais sans se démarquer suffisamment de la succession précédente de serial killers. La composante horrifique se montre néanmoins percutante, avec ces angoissantes visions nocturnes de la forêt canadienne où les reconstituions de cadavres suppliciés. Le meilleur demeure cependant la remarquable composition de Dylan Haggerty en dément sadique, préfigurant son effarante prestation des X-Files (4–D) face à l’épatante Monica Reyes (avec cette fois un pouvoir paranormal en sus, nous sommes dans les X-Files).

Il n’en reste pas moins que Sacrament pêche par son pendant policer, trop artificiel. On peine à croire que Bletcher et les amis de Frank dans la police de Seattle refusent ainsi son aide et mettent si nettement en cause son jugement. Surtout il s’avère étonnant de les voir craindre des démêlés avec le Procureur et le procès à venir, alors que la priorité semble tout de même être de retrouver la victime, alors que chaque heure compte (l’épisode présente  un petit côté à la FBI : Portés disparus). Même si on connaît l’intelligence et le professionnalisme de l’individu, les interventions de Peter apparaissent également bien providentielles, servant trop mécaniquement à articuler l’enquête. O n’échappe pas à certains poncifs éculés, comme cette plante trouvée si à propos dans la voiture volé et ne poussant bien entendu que dans un seul secteur de la région. C’était déjà caricatural avec Sherlock Holmes, on préfère les fines analyses psychologiques de Frank, évoquant parfois de loin Poirot.

Toutefois le statut de Spotnitz l’autorise à faire bouger les lignes de l’univers de MillenniuM, et l’auteur ne s’en prive heureusement pas. La révélation expresse du Don  chez Jordan constitue une idée potentiellement très riche. MillenniuM abandonne toujours plus son ambivalence entre policier et fantastique, pour relever davantage du second genre, contrairement à Profiler.  Par ailleurs  l’immersion de Frank apporte enfin une spécificité à l’efficace Sacrament, notamment au cours d’âpres confrontations entre lui et son frère, également impeccablement interprété, tandis que l’épisode accorde également une bel espace à Catherine. Spotnitz réalise de jolis coups, comme de nous montrer enfin le protagoniste de MillenniuM enfin sourire, lors de la cérémonie, ou un rappel bienvenu de la menace du Polaroïd Man. Il nous régale aussi d’un joli clin d’œil, quand Frank affirme à son frère que toute vérité n’est pas bonne à dire. Les oreilles de quelqu’un ont du siffler à l’autre bout du pays.

    • La famille de Frank est prise pour cible pour la première fois. On découvre à cette occasion qu’il a un frère. Tom ne réapparaîtra plus par la suite, mais sera mentionné dans divers épisodes.
    • La citation du jour est He said to me in a dreadful voice that I had indeed escaped his clutches, but he would capture me still. de Ste. Thérèse  d’Avila (Il me dit d’une voix effrayante que je venais d’échapper à ses griffes, mais qu’il me capturerait encore). Ste Thérèse (1515-1582), Saint Patron de l’Espagne, fut une figure majeure de la spiritualité chrétienne et une grande réformatrice monastique (notamment concernant le Carmel). Elle fut la première femme à devenir Docteur de l’Eglise
    • Les photographies de criminels que Frank regarde sur l’ordinateur contiennent plusieurs visages de membres de l’équipe technique.
    • A propos de ce second épisode écrit, Spotnitz déclara :  « From worst (Weed) to best. This, as it happens, was my favorite episode of "Millennium" bearing my name. We got greater insight into Frank through the introduction of his brother, and developed aspects of Jordan's "gift" that had only been hinted at previously. I also thought the villain was creepy - I particularly like the scene in the hardware store - and the solution to the mystery sufficiently unexpected.
    • I was proud to screen this at the Museum of Television & Radio. Because of his skill in directing this episode, Michael Watkins went on to become co-executive producer and a director of "The X-Files" after the show relocated to Los Angeles ».
    • Alors que cela avait été sous-entendu à plusieurs occasions jusqu’ici, il eest clairement indiqué que Jordan a hérité du Don de son père.
    • Le Dr. Moss est incarnée par Lorena Gale, figure régulière des séries américaines. Elle teint trois rôles dans les X-Files, avant de participer à I Want To Believe, où elle joue le médecin s’opposant à Scully lors de la vidéo conférence.
    • Brian Markinson interprète Teeple, de la police de Seattle, pour la troisième et dernière fois. Ce grand habitué des séries fantastiques et de Science-fiction (Folie à deux dans les X-Files) fut également l’inénarrable Aaron de The L Word.

Retour à l'index


16. LE PACTE
(COVENANT)


 

Un policier avoue le meurtre de sa famille, dans des conditions particulièrement abominables. Toutes les constatations effectuées confirment un massacre perpétré au couteau de menuisier. Sûr de son fait et désireux d’obtenir du jury la peine de mort, le procureur fait appel à Frank pour dresser le portrait psychologique du tueur. En effet le mobile demeure encore peu clair. Or Frank va rapidement constater plusieurs incohérences. Avec l’aide d’une jeune médecin légiste, il va progressivement reconstituer un puzzle complexe. Il s’heurte au courroux du procureur comme à la volonté de l’accusé, mais finit par démontrer que c’est la mère qui a assassiné ses enfants, avant de se suicider. Obsédée par les anges, elle a voulu que ces enfants en restent, pour l’éternité. Le mari s’accuse, se sentant coupable, et a utilisé son expérience pour accumuler les preuves le condamnant.

L’habile intrigue à suspense de Covenant permet d’agréablement renouveler la série. En effet l’on s’intéresse finalement assez peu à la folie mortifère de la dame, révélée uniquement en toute fin de parcours. De fait le récit prend bien davantage la forme d’une pure énigme, entremêlant à la perfection éléments matériels classiques et déductions psychologiques de Frank. Le profil bien particulier du policier, interprété avec une grande justesse par John Finn, ne constitue ainsi qu’une piste parmi d’autre, et non plus un thème central. De fait, plus que tout autre épisode de la saison, Covenant prend des allures à la X-Files, l’élément fantastique en moins.

L’amateur appréciera ainsi de retrouver Black reconstituer un crime en simplement visitant une pièce, multipliant les découvertes d’indices ayant échappé à la police, ainsi que  les théories. Une importance cruciale se voit également accordée à une autopsie aussi technique que peu ragoutante, ainsi qu’à l’apport global de la courageuse assistante médicolégale, obligeant sans cesse Frank à la rigueur. Elle préfigure déjà les futures associées féminines de Black, en particulier, l’Agent Emma Hollis, si proche parfois de Dana Scully. Cette originalité des composantes et de la structure narrative du récit en définissent l’intérêt mais aussi les limites, Covenant apparaissant comme une parenthèse au sein d’un tout. D’une manière caractéristique, les autres personnages  récurrents disparaissent quasiment, laissant Frank dans une posture originale.

Il présente cependant l’intérêt intrinsèque  de conserver l’intensité propre aux meilleures séries judicaires, sans s’alourdir de la mécanique rebattue des prétoires. D’une manière particulièrement affirmée, il pose également sans détour la question  de la peine de mort. Frank s’oppose à la vindicte exprimée par un procureur volontiers populiste. toutefois, dans une traiton très américaine, il accepte de fait le châtiment suprême, pourvu qu’il soit administré à coup sûr et dans le respect de la justice. Covenant échappe de la sorte au piège du manichéisme. L’impeccable mécanique de l’épisode, portée par de percutants dialogues, débouche sur une fin ouverte, Frank ne pouvant que laisser à un témoin, complice de la dissimulation, le choix de révéler la vérité avent l’exécution. Un choix audacieux, interpellant le spectateur car celui-ci devient en dernier ressort le juge ultime de la destinée du condamné.

    • La citation du jour est Thou dost frighten me with dreams and terrify me by visions, elle est tirée de Job 7:14 (C’est alors que tu m’effraies par des songes,
    • que tu m’épouvantes par des visions..).
    • Dernière apparition de jack Meredith le voisin sympathique mais bavard de Frank, dont la présence régulière avait suscité bien des interrogations en début de série.
    • William Garry  est interprété par John Finn, qui joua notamment Michael Kritschgau dans les X-Files et John Stillman dans Cold Case.
    • Kevin Reilly est joué par Steve Bacic, qui sera plus tard le Dr. Sexy de l’épisode de Surnatural, Changing Channels.

Retour à l'index


17. LES JUMEAUX DIABOLIQUES
(WALKABOUT)


Frank disparaît brusquement, alors qu’il s’occupait d’une affaire demeurée mystérieuse. Pater Watts mène l’enquête, quand Frank réapparaît, hagard et ayant perdu tout souvenir de la période. Bien que Peter soit vivement contrarié que Black ait pris des initiatives sans en référer au Groupe, les deux hommes vont ensemble remonter le fil des événements. Il s’avère que Frank, inquiet de la présence du Don chez Jordan, a voulu en savoir plus sur ce dernier. Miller, médecin douteux mais spécialiste des hallucinations lui a proposé d’expérimenter une drogue permettant de le contrebalancer, le Proloft. Mais le test a été manipulé par un autre biologiste, Ingram, désireux de mettre au point une drogue transformant les humains en bêtes féroces. Il souhaite la répandre, afin d’attirer l’attention sur la dépendance à ce type de médicaments. Malgré plusieurs meurtres destinés à dissimuler sa trace, Peter et Frank parviennent à l’arrêter.

A l’instar de Covenant, On saura gré à l’épisode d’avoir voulu renouveler son intrigue, au-delà  de la posture classique de traque de déments criminels. L’implication personnelle de Frank constituait une bonne idée mais a mise en œuvre suscite en définitive considérablement moins d’intérêt que lors de l’opus précédent. La faute en revient à un déroulement assez laborieux de l’enquête, entre dialogues sans relief et allées et venues répétitives au possible entre le domicile de Miller ou la clinique. D’embarrassantes zones de flou sur les relations liant les deux médecins et le déroulement du complot, rendant l’ensemble passablement artificiel.

Plus embarrassant encore, une fois la surprise initiale dissipée, l’astuce de l’amnésie de Frank ne débouche sur rien de bien intéressant, tant il remet vite sur pied, tandis que les indices sur la période concernée surgissent comme à point nommé. La péripétie ne se révèle pas aussi troublante qu’elle devrait le devenir pour assurer la spécificité de l’épisode. Sur ce point l’avantage revient sur ce point aux X-Files, dont l’épisode Demons, dans des circonstances passablement similaires, ne craignait pas de déstabiliser bien davantage Mulder (tout en demeurant pareillement médiocre par ailleurs). On peut également préférer le très réussi John Doe, avec cette fois John Doggett  en protagoniste.

Walkabout contient cependant quelques bonnes idées, comme la première crise opposant Peter et Frank, quoique vite résolue et renforçant en définitive leur amitié, ou l’immersion dans l’étrange société des cobayes professionnels. La dénonciation de l’abus d’antidépresseurs sonne juste, même si elle manque de souffle. On se félicitera également de l’excellent casting du jour, Zeljko Ivanek et Gregory Itzin se montrant admirablement convaincants, comme à l’accoutumée, avec la petite curiosité supplémentaire de découvrir ensemble deux acteurs marquants de 24h Chrono. La folie froide d’Ingram nous vaut aussi quelques scènes bien goûteuses.   l’épisode n’en demeure pas moins mineur, au sein d’une saison particulièrement relevée.
 

    • Le nom de la  drogue expérimentale Proloft est, à dessein, un composé de Prozac et Zoloft.
    • Le Dr Miller est interprété par Zeljko Ivanek, qui fut notamment Roland dans l’épisode du même titre des X-Files. Il participe également à 24h Chrono (Drazen) et Oz (le Gouverneur), de même qu’à de nombreuses autres séries.
    • Gregory Itzin (Ingram) est notamment connu pour avoir incarné le Président Charles Logan, l’un des adversaires les plus coriaces de Jack Bauer (24h Chrono). Il participe à denombreuses autres séries, dont récemment The Mentalist.
    • La citation du jour est I remember the very things I do not wish to; I cannot forget the things I wish to forget., de Cicéron (Je me resouviens de ce que je ne veux pas et je ne puis oublier ce que je voudrais.). Cicéron (106-43 av JC) fut l’un des plus grands orateurs de la république romaine. Ses textes sont considérés comme des chefs d’œuvre de la littérature latine.
    • Sur le bracelet de Frank ont voit que le médecin l’ayant traité se nomme J. Service. Joanne Service est en fait l’une des assistantes de Chris Carter.

Retour à l'index


18. LAMENTATION
(LAMENTATION)


Le docteur Ephraim Fabricant, serial killer particulièrement effroyable et d'une intelligence hors normes, a été capturé par le FBI, grâce à Frank Black.  Quelques années plus tard, hospitalisé, Fabricant s'évade avec la complicité d'une mystérieuse infirmière. Le Bureau, en pleine crise,  rappelle Black à Quantico. Son attention se porte sur Lucy Butler, la troublante et vénéneuse épouse du tueur, sans pouvoir prouver ses soupçons.  En fait il se révèle progressivement que celle-ci utilise son conjoint pour atteindre Frank, notamment via sa famille. Après avoir torturé à mort Fabricant (extraction d'un rein sans anesthésie), elle finit par pénétrer dans le domicile des Black, tout en revêtant diverses apparences, y compris démoniaque. Elle assassine Bletcher après que celui-ci soit intervenu à temps pour évacuer Catherine et Jordan, puis disparaît. Bouleversé et impuissant, Frank pressent qu'une indicible puissance vient de lui signifier un avertissement.

Chris Carter prend la plume pour ce qui va sans doute devenir l'opus le plus mémorable de MillenniuM.  Comme sans doute lui seul pouvait l'accomplir, le scénariste va secouer les codes de sa série et achever de précipiter celle-ci dans une nouvelle direction, à l'issue d'un récit de haut vol. Carter, auteur surdoué, va en effet magistralement agencer ce glissement. La situation initiale apparaît trompeusement similaire au quotidien de la série, quoique déjà sublimé par un serial killer particulièrement marquant, auquel Alex Diakun apporte tout son talent. Il parvient à susciter une aura perceptible tout en demeurant cloué sur un lit d'hôpital, une authentique performance. Les scènes à Quantico manifestent une indéniable intensité, tandis que Carter ne laisse pas passer l'occasion de faire se croiser Frank et le duo dynamique  des Affaires Non Classées

Mais l'intrusion de Lucy Butler va tout bouleverser. Le personnage, interprété avec une trouble présence par la subtile et superbe Sarah Jane Redmond, va se révéler absolument fascinant, alternant de multiples facettes. Elle se montre ainsi d'une cruauté folle, durant le supplice de Fabricant, mais sans que jamais Carter ne commette la maladresse de le positionner en victime. Le  face en face clinique de ces deux hautes figures du Mal s'avère aussi vertigineux qu'abominable. Par la suite, melliflue et finement ironique, elle se livre à un patelin et délectable jeu du chat et de la souris avec Frank au cours de confrontations admirablement dialoguées. Le spectateur se sent réellement déstabilisé en découvrant Frank impuissant à découvrir une faille chez son adversaire et demeurer inopérant, tandis que Peter Watts  est lui aussi battu en rase compagne. C'est aussi la toute première fois que Frank se voit ainsi confronté à une femme et l'ensemble se nimbe d'une sexualité aussi diffuse que prégnante. Durant ces scènes finement ciselées, la mise en scène, la photographie  et le décor de son appartement soulignent habilement à quel point Lucy et désaxée, à quel point quelque chose d’indiciblement étrange l’habite.

Ces affrontements, mais aussi les diverges exactions commises par Butler (y compris le recours aux polaroïds)  font sans cesse monter la pression jusqu’à déboucher sur la longue et éprouvante scène de son raid au foyer des Black, véritable épisode dans l’épisode. Jointes  à la toujours si évocatrice musique de Snow, plusieurs moments forts font basculer l’ensemble dans l’horreur et la folie, à l’instar des meilleurs moments du cinéma d’épouvante : découverte du rein de Fabricant dans les aliments du frigo (notre Lucy aura toujours son humour bien à elle), cadre supplicié de Bletcher,  lumière surnaturelle baignant les étranges métamorphoses de la visiteuse du soir, formidable composition de Megan Gallagher, impeccablement mise en valeur par la caméra... Ce sommet  de la série commotionne d’autant plus un spectateur déjà bien éprouvé que le démiurge Carter abat d’un coup d’un seul plusieurs fondements de l’univers de MillenniuM, par la disparition de ce pilier qu’était Bletcher ou de l’ambivalence entre fantastique et policier, définitivement emportée mais plus encore par le viol du sanctuaire familial jusqu’ici représentée par la maison jaune, si fondamental pour Black. L’effet est total, tandis que MillenniuM s’affirme commune série ambitieuse, où tout peut arriver et sollicitant en permanence son public. Comme l’énonce en conclusion Frank à Jordan, seules les montagnes sont immuables.

Par l’irruption du Démon, MillenniuM, qui se situe ici à son zénith, sans aucune leçon à prendre des X-Files, confère une enthousiasmante valeur de symbole au combat de Frank, au sein de la lutte plus vaste opposant le Bien et le Mal. A l’approche de l’heure fatidique, l’on ressent avec plus d’intensité que jamais qu’un affrontement crucial se joue sous nos yeux, au moment où l’Ombre vient indiscutablement de remporter une manche.

    • L’épisode voit l’apparition de la diabolique Lucy Butler (au sens propre), qui va devenir l’ennemie récurrente de Frank. Elle est interprétée par Sarah Jane Redmond, qui incarne également l’adversaire de Mulder et Scully dans Schizogeny, avant de réaliser une apparition dans I Want To Believe. Particulièrement populaire chez les fans de la série, Lucy Butler apparaît en tout dans six épisodes.
    • Alex Diakun (Ephraim Fabricant) a tenu trois rôles différents dans les X-Files, avant de participer au film I Want To Believe, où il joue l'un des deux abominables adversaires de Mulder et Scully.
    • Mort du Lieutenant Bletcher, l’ami  de Frank et son collaborateur au sein de la police de Seattle depuis le commencement de la série. Des rumeurs veulent que son interprète, Bill Smitrovich, et Lance Henriksen ne se soient pas entendus.
    • Mulder et Scully réalisent un caméo dans les escaliers de Quantico. Il s’agit en fait des doublures de David Duchovny et de Gillian Anderson. Scully semble d’ailleurs  un peu trop grande !
    • Lamentation constitue le dernier opus écrit seul par Chris Carter pour MillenniuM, dont il va s’éloigner au cours de la saison 2. Au cours de la saison 3, il composera des scénarios en collaboration avec Spotnitz.
    • La citation du jour est Every man before he dies shall see the Devil. (Avant de mourir, chaque homme verra le diable), un proverbe anglais de 1560.
    • Le décor de l'opération de Fabricant est  celui où le Syndicat mène ses expériences  concernant le Vaccin, notamment sur Marita Covarrubias (X-Files).
    • Lamentation constitue la moitié du premier double épisode de la série, complétée par l’opus suivant.  Powers, Principalities, Thrones and Dominions.
    • Quantico, petite ville de Virginie, abrite l'Académie du FBI, inaugurée en 1972 et référencée dans nombre de films et séries. Le complexe assure la formation des nouveaux Agents (Dana Scully y donnera notamment des cours) et contient les services scientifiques du Bureau, souvent considérés comme sans équivalent dans le monde (informatique, analyses video et photo, différents domaines de la médecine légale, chimie et physique etc.). Parmi ceux-ci, Frank collabore avec le Behaviorial Analysis Unit, consacré au profilage des criminels. Le BAU est par ailleurs le service des héros de la série Criminal Minds. Quantico est aussi le siège de l'Académie du DEA (lutte anti drogue), ainsi que de l'une des plus vastes base de Marines de États-Unis, cernant toute la ville.

Retour à l'index


19. LES PRINCIPES DE LA DOMINATION
(POWERS, PRINCIPALITIES, THRONES AND DOMINIONS)


Frank, dévasté par la mort de Bletcher, ne se sent pas prêt à reprendre le travail. Il se résout  cependant à aider Peter quand un crime est commis, relevant du satanisme. L’affaire apparaît déstabilisante, avec un accusé s’accusant du meurtre de Fletcher, des preuves disparaissent sans explication, d’étranges appels déstabilisant le Groupe etc. Un mystérieux jeune homme observe les évènements. L’avocat de l’accusé (qui finit par s’ouvrir la gorge) multiplie les approches, voire les menaces, pour profiter du trouble suscité chez Frank et lui proposer de travailler à ses côtés. Frank perçoit qu’il s’agit d’un être similaire à Lucy Butler, quand celui-ci est abattu par l’inconnu. Ce dernier, sans doute un Ange,  a fait appel à la puiissance céleste, mais signifie à Frank que son combat diverge du sien et qu’il ne peut s’attarder.

Powers, Principalities, Thrones and Dominions  constitue de fait un double épisode avec Lamentation, par la succession quasi immédiate des péripéties mais aussi par un habile diptyque, l’entrée en lice de la partie angélique répondant à celle de la démoniaque. Et pourtant ces deux parties d’un tout s’avèrent tout à différentes. Si la première constituait sans doute l’épisode la plus effrayante de la saison, la seconde en représente l’élément le plus insaisissable et étrange, voire mystique. Derrière une succession d’évènements chocs, la subtile intrigue sait parfaitement nous laisser percevoir (et percevoir seulement à qu’un complot est en cours, mettant en œuvre des puissances  dont nous ne pourrons jamais percevoir que bien partiellement la nature et les objectifs. L’effet se révèle bien plus sensible qu’avec histoire davantage démonstratrice et concrète.

Le spectateur s’identifie pleinement à Frank menaçant d’être submergée mais s’arcboutant sur ses certitudes morales, jusqu’à l’intervention angélique salvatrice. Mais nous nous situons dans le ténébreux univers de MillenniuM et cette survenue s’avère autant ambivalente que modérément optimiste. Audacieusement, il apparaît que le Démon accorde en définitive plus d’importance à Frank et à son combat que l’ange, un renversement assez magistral. Après ce passage fugace, il demeure clair que Frank se retrouve seul pour luter contre l’abîme, seulement aidé par son Don et, pour l’heure, par le Groupe. Plus que jamais, L’avenir s’annonce bien sombre.

Loin des grandes orgues classiques, mais aussi du non sens très britannique des Bons Présages de Neil Gaiman ou de l’épopée décalée et savoureusement country de Supernatural, MillenniuM peaufine ici sa relecture éminemment personnelle de l’Apocalypse judéo-chrétienne, froide et clinique. Quoique désormais franchement propulsée vers le fantastique, la série parvient toujours à profondément enchâsser ce dernier dans le réel, sa marque de fabrique. Le surprenant passage montrant alternativement l’ange foudroyer le Démon e parfaitement explicite à cet égard. assassiner son enveloppe d’un coup de révolver s’avère parfaitement explicite à cet égard. L’ensemble se voit servi par une distribution une nouvelle fois parfaite, tandis que cet avocat diabolique fera agréablement songer les fans d’Angel au Loup, au Bélier et au Cerf !

    • Le titre original fait référence à quatre paliers de la hiérarchie angélique traditionnelle, qui en comporte neuf. Elle a été étable par Denys l’Aréopagite, en 490.
    • La citation du jour est Paranoia is just a kind of awareness, and awareness is just a form of love. de Charles Manson (La paranoïa est une forme de conscience, et la conscience, une forme d’amour ;). Manson (1934) était le chef d’une communauté hippie ayant basculé dans la démence, commettant plusieurs assassinats dans la région de Los Angeles en 1969, dont celui de Sharon Tate. Il se basait sur une interprétation totalement folle des paroles de diverses chansons du White Album des Beatles. Condamné à la perpétuité en 1971, il est toujours incarcéré depuis.
    • Quand Watts discute au téléphone avec Frank, on voit une pendule indiquer 10h13, un clin d’œil à la société de production de Carter, 10-13.

Retour à l'index


20. UN MONDE BRISÉ
(BROKEN WORLD)


Un tueur en série particulier sévit au Dakota, puisqu’il ne tue que des juments. Cependant, Frank en déduit qu’il s’agit d’un pervers sexuel, qui finira immanquablement par s’en prendre aux femmes. Il se rend sur place et mène l’enquête avec l’aide du shérif local, initialement sceptique ? et d’une vétérinaire grande amie des chevaux. Le désaxé commence effectivement à tuer  et à mutiler des femmes, reconstituant le processus de démembrement des chevaux tel que pratiqué en boucherie. Frank accumule les déductions psychologiques et matérielles, établissant également un contact téléphonique avec le fou. Il  intercepte le serial killer dans l’abattoir où celui-ci travaille, au moment où il s’apprête à supplicier la vétérinaire. Mais on adversaire finit piétiné par les chevaux.

La sexualité qu’éveille chez les chevaux chez certains esprits est un phénomène avéré,  notamment  évoqué dans la pièce Equus, de Peter Schaffer (dont l’épisode pourrait constituer une adaptation version MillenniuM) ou le célèbre tableau de Füssli (Le Cauchemar) en passant par le tout premier client de Belle/Hannah (Secret Diary). Broken World présente l’intérêt d’habilement surfer ce thème particulier, avec des plans souvent subtilement inquiétants des bêtes, ou au contraire exprimant la beauté des paysages naturels ou l’atmosphère country dans laquelle se déroulent les évènements. Le fait que, cette fois, Frank tente désespérément de prévenir la catastrophe apporte une nouveauté supplémentaire. Il n’en demeure pas moins que le déroulement des diverses péripéties et des déductions de Black autours de la psychologie torturée de son antagoniste en reviennent aux épisodes classiques de serial killer, si fréquents cette saison.

L’essai n’apparaît donc pas comme totalement transformé, d’autant que le récit a recours à quelques poncifs, comme le shérif d’abord sceptique devant les théories passablement déstabilisantes (voire scandaleuses) de Black, une situation bien connue des amateurs des X-Files ! L’ensemble demeure néanmoins solide et de qualité, avec comme points forts les sensibles scènes de complicité entre notre héros et la vétérinaire. L’épisode bénéficie également d’un final absolument dantesque et terrifiant, au sein des carcasses de chevaux de l’abattoir, couronné par le déchainement animal châtiant le criminel.  Broken World aurait sans doute été davantage apprécié si situé plus en amont dans la saison, mais aussi avant les bouleversements apportés par le double opus précédent, avec  un Frank ici au meilleur de sa forme, tout traumatisme oublié. Aussi réussi soit-il, il  ne peut dès lors apparaîre que comme un retour en arrière.

    • La citation du jour est Man is the cruelest animal de Nietzsche (L’homme est l’animal le plus cruel).
    • L’épisode valut à la série une nomination aux Genesis Awards de 1997. Ces prix sont décernés aux œuvres sensibilisant le public  à la cause animale. L’épisode aborde en effet la production du Premarin, médicament hormonal conçu à partir des œstrogènes contenus dans l’urine de jument (PREgnant MARes' urINe). La collecte causerait un grand stress aux animaux. 
    • Durant son écriture, l’épisode s’intitulait Equus, soit cheval en latin.
    • Le shérif local est interprété par John Dennis Johnston, qui devait plus tard  interpréter Pa Benders, dans l’épisode The Benders, de Supernatural.

Retour à l'index


21. YAPONCHIK
(MARANATHA)


Un tueur sème la terreur parmi la communauté russe installée aux Etats-Unis Un officier moscovite, Yura Surova, assiste Frank durant cette enquête se déroulant notamment  dans le milieu du marché noir es icônes orthodoxes. Il apparaît que les victimes avaient survécu à Tchernobyl. L’assassin serait un criminel légendaire, Yaponchik, ayant provoqué la catastrophe. Yaponchik, qui dispose de réseaux à l’ambassade russe,   serait l’Antéchrist. Surova, tente de le tuer, mais, fasciné par ses pouvoir, se rallie à lui. Il permet à Yaponchik de s’enfuir, avant d’être convaincu par Frank de retrouver le droit chemin.

Il sera dit que même cette saison aussi hors normes que fut la première de MillenniuM allit comporter son navet. Apporter un codicille orthodoxe au double épisode précédent constituait une excellente idée, car cette approche apparaît finalement très rarement au sein des productions télévisées mais aussi en littérature, la Science-fiction et le Fantastique russes étant longtemps demeurés périphériques durant l’époque soviétique. Utiliser Tchernobyl comme facteur apocalyptique se justifie également, d’autant que le drame était alors encore récent. Malheureusement l’épisode ne tient absolument pas ses promesses, du fait d’un traitement extrêmement poseur et emphatique, au rythme des plus empesés. La subtilité costumière de la série disparait, au profit d’un récit démonstratif et souvent bien naïf. La posture de Yaponchik, tout comme ses dialogues, paraît curieusement antédiluviens, dignes du Fantômas de Souvestre et Allain. Le pire demeure l’accumulation des scènes de meurtres, dépourvues de toute imagination et définitivement coulés par le jeu figé de Levan Uchaneishvili (dans le rôle de Surova, Boris Krutonog sen sort mieux).

 Plusieurs scènes frisant le ridicule, comme la reconstitution fauchée de l’explosion du réacteur ou Black énonçant d’un ton pénétré les âneries pseudo mystiques au tour de tchernobyl. Lui même, tout comme Peter Watts, développe une action toute mécanique. Il en ressort bien vite que cette histoire a été plaquée artificiellement sur l’univers de la série, d’où une impression constante d’artificialité. Le scénario accumule trop d’éléments disparates pour ne pas apparaître boursoufflé. De nombreux éléments demeurent obscurs, sans pour autant parler à l’imagination, à l’inverse d’s Principes de la Domination. Yaponchik, s’avère d’ailleurs considérablement moins troublant que Lucy Butler. L’épisode nous permet cependant d’admirer quelques magnifiques icônes, ces « fenêtres ouvertes sur le royaume de Dieu », comme les désigne joliment le pope. On ne peut cependant s’empêcher d’estimer qu’un épisode des X-Files trait d’une figure du folklore slave (comme Baba Yaga) aurait été plus porteur.

    • Yaponchik (« Petit Japonais ») était en fait le  surnom d’un important dirigeant de la mafia moscovite, Vyacheslav Ivankov, prépondérant durant les années 80 et 90. Il provenait des traits asiatiques de son visage. Ivankov périt assassiné à Moscou, en 2009, criblé de balles à la sortie d’un restaurant.
    • Le nombre satanique 666 est inscrit sur l’hélicoptère de Yaponchik.
    • Maranatha est un terme biblique (Corinthiens) signifiant l’arrivée prochaine du Seigneur, s’opposant aux incrédules.
    • Le titre original de l’épisode était The Second Coming. Les références faites à la seconde venue du Christ correspondent en fait au Livre de l’Apocalypse.
    • Il existe un réel courant croyant que l’accident de Tchernobyl (1986) a été annoncé dans le Livre de l’Apocalypse. L’évènement correspondrait à la sonnerie de la trompette du troisième Ange et à la chute de l’étoile Absinthe, contaminant les eaux. L’absinthe, pante donnant son nom à la fameuse boisson alcoolisée et toxique,  appartient à la famille de l’armoise. Or Tchernobyl signifie armoise en russe, comme décrit dans l’épisode.
    • L’épisode est le seul de la série à s’achever sur un écran devenu blanc, et non noir comme pour les autres.
    • La citation du jour est Behold ye scoffers, For I will work wonders in your days, Which ye will not believe, tirée du Livre de Habacuc, un prophète mineur de l’Ancien Testament (Regardez, car je fais de vos jours une œuvre que vous ne croirez pas).
    • Levan Uchaneishvili (Yaponchik) interprète le serial killer John Mostow dans l’épode Grotesque des X-Files.

Retour à l'index


22. LA COLOMBE DE PAPIER
(THE PAPER DOVE)


Frank et sa famille se rendent chez les parents de Catherine, pour quelques jours de vacances. Le père de celle-ci demande à Frank d’intervenir auprès d’un de ses vieux amis. Celui-ci, mourant, refuse de revoir son fils, incarcéré pour avoir atrocement assassiné son épouse. Black rouvre le dossier et découvre que le véritable tueur est un serial killer connu sous le nom d’« Homme des bois ». Celui-ci (Henry Dion), un gigantesque infirmier, tue des femmes pour s’en faire des confidentes silencieuses (avant de les achever il les mutile pour les rendre muettes). Il est en effet écrasé par une mère possessive et volubile. Or, un temps passif, il vient de se réactiver, sous l’impulsion du Polaroïd Man, son mentor. Ce dernier le pousse à enlever Catherine mais Dion est intercepté par Frank avant de pouvoir agir. Le Polaroïd Man enlève alors Catherine lui même, à l’aéroport de Seattle.

Ce final de saison tient toutes ses promesses, en parvenant à remporter plusieurs paris. Le duo de Serial Killers, (toujours par deux ils vont, le Maître et l’Apprenti) apporte une agréable nouveauté, avec plusieurs face à faces  ponctuant toujours à point  nommé le récit. Outre cette vertigineuse rencontre de deux abyssales folies,  l’ensemble démontre une diabolique habileté, la mise en scène laissant planer le doute sur la nature réelle de l’évènement, avec une porte ouverte sur une possible hallucination de Dion. Le traitement diverge également totalement entre nos deux compères. Le Polaroïd Man, silhouette tapie dans l’ombre, conserve en définitive son mystère, sa révélation annoncée présageant un grand évènement pour le lancement de la saison suivante.

A l’inverse, Dion se voit l’objet d’une étude particulièrement approfondie, car l’intrigue, bien davantage que pour n’importe lequel des serial killers rencontrés depuis le début de la série (hormis sans doute le Frenchman) nous fait découvrir l’action vue par ses propres yeux. Il ne représente pas une énigme que Frank va élucider pas à pas devant nous mais l’objet principal du récit, à l’instar de l’épisode Hungry des X-Files. Un procédé terriblement efficace, alors que Dion, géant faussement débonnaire, s’aventure particulièrement loin dans les troubles domaines de la folie, même à l’aune de MillenniuM. Ses divers rituels et sa façon de converser avec les  dépouilles suppliciées de ses victimes, au cœur d’une nuit en forêt, glace véritablement le sang. Les auteurs ont d’ailleurs la grande idée de le rendre authentiquement bienveillant envers autrui quand il vient de soliloquer avec l’un de ses trophées. Le malaise s’avère particulièrement insidieux d’autant que Mike Starr nous délivre une formidable prestation en serial killer intellectuellement limité.

L’intrigue soigne particulièrement ses réflexes, gratifiant chaque second rôle d’une superbe scène d’exposition. C’est notamment le cas de la mère de Dion, totalement démente, ses discussions avec son monstre de fils prenant des allures de pastiche grinçant de soap opera. Audacieusement, le scénario ne se montre pas linéaire, mais fait converger les trajectoires de Frank et Dion, occasionnant ainsi interrogations et indéniable suspense. Frank n’est d’ailleurs pas oublié, subtilement décalé au  sein des retrouvailles familiales, (Henriksen est décidément un acteur extraordinaire). Un dialogue avec les deux Agents de Quantico permet également à Frank de tirer comme un bilan de cette saison et de sa collaboration avec le groupe Millennium, constatant l’avancée des périls. Le cliffhanger de rigueur se montre dévastateur par son immédiateté et sa simplicité, lançant la saison 2 sous les meilleurs auspices, tout en annonçant un mémorable affrontement.

    • Durant la scène d’introduction, Dion écoute la chanson Stranger in the House, de Wayne Kramer.
    • Nous découvrons ici la famille de Catherine, ses parents et sa soeur.
    • Les noms des Agents Emmerich et Devlin sont des clins d’œil à  Roland Emmerich et Dean Devlin, les producteurs de The Visitor. Cette série, rapidement annulée, occupait la case de début de soirée, précédant MillenniuM. Le duo Devlin/Emmerich est bien connu pour ses films de Science-fiction, dont Stargate et independance Day.
    • La citation du jour est And now there is merely silence, silence, silence, saying, All we did not kno., un vers de William Rose Benét (1896-1950), un célèbre poète américain ‘Et maintenant il n’y a plus que le silence, le silence, le silence, pour dire tout ce que l’on ignorait)..
    • Au début de l’épisode, le code pour désactiver l’alarme est 10 13, une nouvelle référence à la société de production de Carter.
    • Le tueur Henry Dion est interprété par Mike Starr, figure populaire des séries et du cinéma américains, dont l’imposante stature lui a valu nombre de rôles de gangsters ou de personnages violents (Les Affranchis, Miller’s Crossing…).
    • Les circonstances de l’assassinat de Marie France Dion s’inspirent d’un fait réel. Le serial killer Edmund Kemper finit par tuer sa mère violente  et autoritaire en 1973, exactement de la même manière. Après avoir décapité son cadavre, Kemper (2m10 de haut, 145 de QI) se servit de la tête de sa mère pour jouer aux fléchettes.  Il avait dès 15 ans exécuté ses grands parents maternels, après avoir torturé divers animaux et, notamment, enterré vivant son chat. Il tua en tout huit jeunes auto stoppeuses, les étranglant puis conservant leurs têtes en souvenir (un thème proche de celui des cadavres de l’épisode). Condamné à la perpétuité en 1978, son étude a permis de mieux comprendre le fonctionnement des serial killers.
    • Henry Dion est joué par l’imposant Mike Starr, spécialiste des rôles de tueurs aucinéma et à la télévision (Les Affranchis, Miller’s Crossing…)
    • On découvre enfin le preneur des photos de la famille de Frank (The Polaroïd Man), mentor de Dion. Après qu’il ait enlevé Catherine, son affrontement avec Frank, cette fois direct,  inaugurera la saison 2.
    • Ici incarné par Paul Raskin, le diabolique Polaroïd Man apparaîtra dans le pilote de la saison 2 sous les traits de Doug Hutchison (Eugène Tooms dans les X-Files).

Retour à l'index

Crédits photo: MGM.

Images capturées par Estuaire44.