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 saison 8 saison 10

Hercule Poirot

Saison 9

 

  
 
 

1. CINQ PETITS COCHONS
(FIVE LITTLE PIGS)

Cinq petits cochons


 

La jeune Lucy Crale demande à Poirot de faire la lumière sur une tragédie survenue il y a quatorze ans. Carolyn, la mère de Lucy, a été pendue pour le meurtre de son mari, Amyas. Elle n’aurait pas supporté qu’il la quitte au profit de son modèle d’alors, la belle et très décidée Elsa. Poirot va demander aux cinq témoins principaux de raconter leur version du drame, afin de découvrir la vérité en étudiant la psychologie de chacun.

L’épisode ouvre une nouvelle période pour la série, se caractérisant par un Poirot davantage solitaire et murissant, ainsi que par une tonalité assombrie vis-à-vis des premières saisons. Même l’emblématique thème de Poirot disparaît, à quelques fugitives notes près. Mais la nouvelle acception de la série n’induit pas une baisse de qualité, comme le démontre le chef d’œuvre que constitue Five Little Pigs, certainement l’un de ses sommets. Le récit représente ce que l’on nommerait aujourd’hui un Cold Case, mais se démarque totalement de l’ordinaire des séries policières. Certes  Poirot mène une enquête également factuelle, mais la grande idée du récit est de baser sa démarche sur l’approche psychologique. De fait Poirot passe l’essentiel de l’épisode à écouter les témoignages, afin de comprendre les rouages de chacun des suspects et de mettre le doigt là où une discordance se fait jour. Le récit prend la forme de cinq passionnantes, parfois bouleversantes, immersions dans les traumas suscités par le drame.

Le procédé fonctionne grâce à plusieurs atouts. Les personnalités rencontrées s’avèrent aussi riches que torturées, magnifiquement interprétées par quelques uns des meilleurs comédiens britanniques (mention spéciale à Toby Stephens  et à Marc Warren). La mise en scène, tout en élégance, onirique photographie sépia et savant usage du quatrième mur, sait nous faire ressentir que nous voyons les évènements à travers les yeux de l’âme. La caméra passe avec talent en mode subjectif, pour accentuer l’assimilation aux narrateurs. L’histoire gagne encore en dimension avec une plongée accentuée dans le passé et, surtout, le portrait se dessinant en filigrane d’une femme absolument remarquable, Carolyn, au cœur de l’existence de chacun. Rachael Stirling (fille de Diana Rigg) nous offre une restitution  virtuose des différentes facettes de cette énigme vivante, dont la progressive compréhension par Poirot révélera en définitive davantage la vérité que l’étude de l’ordonnancement des évènements. Un opus aussi ambitieux que captivant, rendant justice aux méthodes spécifiques de Poirot. On ne regrettera que l’emploi parfois sensationnaliste d’une scène de pendaison absente du roman.

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2. JE NE SUIS PAS COUPABLE
(SAD CYPRESS)

Je ne suis pas coupable


Elinor Carlisle est condamnée à la pendaison pour le meurtre par empoisonnement de Mary Gerrard. Cette rivale lui avait pris son fiancé et menaçait de capter l'héritage de sa richissime tante, agonisante. Tout accuse Mary, qui avait sérieusement envisagé de passer à l'acte. Mais le médecin de famille, qui lui est très attaché, demeure persuadé de son innocence. Il fait alors appel à un ami, le célèbre détective Hercule Poirot.

Après l’épisode hors normes que constituait Five Little Pigs, Syd Cypress signifie un retour à un certain classicisme de la série, avec un whodunit parfaitement maîtrisé autour des jeux testamentaires  bien connus, établissant à qui profite le crime. Le récit se distingue néanmoins par une longue première partie consacrée à une brillante étude psychologique d’Elinor Carlisle, évoquant avec une précision d’orfèvre le cheminement pouvant conduire un esprit honnête aux confins du crime passionnel. Un cheminement d’une grande force et fort inquiétant, se renforçant d’un vrai suspense quant à sa conclusion. S’y ajoute un impitoyable duel féminin, aussi féroce qu’il demeure feutré et policé. Cet aspect résulte davantage décevant, du fait du focus porté sur la seule Elinor. Mary demeure essentiellement une énigme, avec une histoire restant au milieu du gué, développant le personnage suffisamment pour susciter des frustrations, au lieu de la cantonner à un simple prétexte. Elégante, la mise en scène se détourne de l’Art déco pour nous replonger dans l’Angleterre traditionnelle et sa société strictement compartimentée, comme un crochet chez Miss Marple. La musique comme si souvent dans cette série, installe toute une ambiance.

 L’enquête de Poirot, pour limitée qu’elle soit dans le temps, apparaît rondement menée, nous révélant un modus operandi astucieux et un esprit diabolique grand train, au cynisme rare. Le découpage en trois de la traditionnelle scène de révélation induit une certaine théâtralité mais suscite de jolies confrontations, jusqu’à une ultime partie de poker. Le happy ending si cher à Agatha émeut réellement, grâce à une distribution de qualité, ponctuée de visage reonnaissables. Bien connu des amateurs de Doctor Who pour avoir campé le Huitième Docteur, Paul McGann reste un comédien sensible et raffiné, d’une vraie stature. Que son personnage soit le Docteur Lord reste amusant. Elisabeth Dermot Walsh imprime sa marque à l’opus avec une Elinor toute en faiblesse humaine, mais franchissant l’épreuve avec succès. Kelly Reilly (la Madame Watson des Sherlock Holmes de Guy Ritchie) apporte  une vraie présence à Mary, de même que Phyllis Logan (la Mrs Hughes de Downton Abbey) à l’infirmière Hopkins. David Suchet brille comme toujours en Poirot, ce dernier se voyant ici confronté avec humour à sa pire Némésis : le cuisine anglaise. Sa scène de détestation des sandwichs au poisson reste un classique (I had failed to take into account the madness of the English palette !). 

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3. MORT SUR LE NIL
(DEATH ON THE NILE)

Mort sur le nil


Hercule Poirot participe à une croisière sur le Nil. Il fait la connaissance de Simon Doyle et de sa richissime épouse, Linet, un jeune couple en lune de miel. Mais l'ex fiancée de Simon, Jacqueline de Beaufort, s'invite sur le navire et se montre particulièrement hostile. Quand Linett est découverte assassinée, Jacqueline est rapidement suspectée. Mais Hercule Poirot va établir que plusieurs autres suspects se trouvent à bord.

Comme à l’occasion d’Evil Under The Sun, la question se pose obligatoirement de la comparaison avec le film comportant Peter Ustinov en tête d’affiche (1978). Toutefois l’écart entre les deux versions paraît ici à relativiser, du fait d’une localisation cette fois identique. De plus le navire servant de décor aux évènements est le même, tandis que le budget de l’opus dépasse très largement la moyenne de la série (avec près de deux millions de Livres), permettant d’approcher quelque peu la qualité de production du cinéma. Comme toujours la production fait l’objet d’un grand soin. De fait l’épisode apparait davantage comme un remake du film que comme une version différente du roman. On continue cependant à préférer l’incarnation de Poirot donnée par Suchet, sensible et savoureuse, si fidèle à la vision d’Agatha Christie, à la brillante performance très personnelle d’Ustinov, créant un Poirot trop aisément sarcastique.


Tout résulte comme si Death On The Nile avait parfaitement retenu la leçon des errements de Murder in Mesopotamia, précédente aventure exotique de Poirot. Le parcours le long du Nil (on songe parfois à L’espion qui m’aimait) autorise un dépaysement bien davantage marqué et renouvelé que l’enfermement de l’action dans un site archéologique. La mise en scène, aidée par une musique évocatrice, réussit de forts jolis panoramas. L’intrigue atteint des sommets bien supérieurs de complexité et de roublardise diabolique, tout en développant des fausses pistes davantage convaincantes. Les personnages acquièrent une densité supplémentaire, tout en divertissant pleinement le spectateur, le scénario peuplant la croisière d’excentriques hauts en couleurs. On remarque d’ailleurs qu’Agatha se montre à l’occasion volontiers rosse envers les femmes, on rit souvent. Outre quelques jeunes actrices talentueuses, la distribution brille par la présence d’une Judy Parfitt très tonique et d’un étonnant David Soul, méconnaissable et remarquablement convaincant. Parfaitement dans son emploi, le vétéran James Fox compose un Colonel Race plaisamment britannique, un agréable substitut à Hastings. 

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4. LE VALLON
(THE HOLLOW)

Le vallon


Hercule Poirot séjourne à la campagne, quand il est invité au Vallon, la grande résidence de son voisin, Sir Henry Angkatell. Celui-ci y reçoit  les membres de sa famille.. Un autre convive, John Christow, est assassiné. Les suspects apparaissent nombreux, Christow ayant multiplié les ressentiments au sein de la famille. Poirot éprouve de grandes difficultés à progresser dans son enquête, aucun coupable potentiel ne se détachant particulièrement.

Même s’il s’agit d’une pratique inévitable concernant la transposition d’un texte à l’écran, on pourra reprocher au scénario d’avoir opéré des coupes marquées vis-à-vis de l’imposant et foisonnant roman qu’est Le Vallon (notamment autour de Midge et Edward). Autre preuve d’un cadrage dans le moule de la série, Hercule Poirot figure ici dès la première image, alors que son entrée en scène demeurait particulièrement tardive dans l’œuvre d’Agatha Christie. On remarque au passage que les irrésistibles mimiques et autres fantaisies du Belge ont désormais quasiment disparu, confirmant l’évolution de la sa série vers davantage de gravité, au risque d’une certaine solennité. Outre une scène inutilement explicite, on peut aussi regretter l’absence de notre cher inspecteur Japp (certes absent du roman), son remplaçant cynique et goguenard représentant un substitut moins pertinent que le Colonel Race pour Hastings, lors de l’opus précédent.

Toutefois on reconnaîtra au scénario d’avoir su conserver intacts les atouts du texte originel. Un dénouement original vient ainsi habilement renouveler ce qui aurait pu constituer un Mystery Manor supplémentaire. Surtout la mise en scène rend un superbe hommage à cet authentique personnage central du roman qu’est le Vallon, résidence admirée par Agatha Christie et propriété d’amis à qui elle dédia le livre. Les différents plans, parfois un brin théâtraux, nous font agréablement visiter cette élégante demeure, auxquels s’ajoutent de superbes jardins. La musique, comme toujours, accompagne idéalement l’ensemble. Une photographie raffinée nous vaut également d’admirables vues de la campagne anglaise environnante.

Au total on trouve ici l’écrin parfait pour une évocation réussie, parfois gentiment sarcastique, d’un art de vivre britannique très à la Downton Abbey, entre excentricités des maîtres et fidélité des serviteurs. Au sein d’une remarquable distribution accompagnant un David Suchet toujours souverain, on distinguera particulièrement un parfait Edward Fox, idéal en un maître d’hôtel proche cousin de Carson, tandis que les amateurs de Sherlock Holmes auront le plaisir de retrouver le regretté Edward Hardwicke en noble provincial savoureusement archétypal. Comme souvent au cours de la série, l’opus s’adorne de plusieurs jeunes actrices aussi belles que talentueuses. En particulier, Megan Dodds accomplit une prestation d’une grande justesse dans le rôle particulièrement riche qu’est Henrietta Savernake. Ses confrontations avec Poirot constituent le clou du spectacle.

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Images capturées par Estuaire44.

 

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