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 saison 11 saison 13

Hercule Poirot

Saison 12

 

  
 
 

1. DRAME EN TROIS ACTES
 (THREE ACT TRAGEDY)

Cinq petits cochons


  

Le meurtre d’un pasteur par poison survient au cours d’un dîner organisé chez le célèbre acteur Sir Charles Cartwright, auquel participe Hercule Poirot. Un médecin, ami  de longue date du comédien, est par la suite pareillement empoisonné. Hercule Poirot et Sir Charles vont mener l’enquête de concert, avec l’aide de la charmante Egg, fiancée de ce dernier. Les soupçons s’orientent vers un majordome ayant soudainement disparu.

La saison débute somptueusement avec l’un des tous meilleurs opus proposés par la série. Three Act Tragedy demeure fidèle au roman originel, hormis quelques inévitables simplifications (disparition de M. Satterthwaite). Surtout, il pousse plus que jamais l’immersion du récit dans le monde merveilleux du théâtre, convenant si idéalement à Agatha Christie. On sait que de nombreux écrits de la Duchesse de la Mort furent portés sur scène, la scénographie convenant idéalement aux œuvres de l’écrivaine. La mise en scène joue pleinement sur ce croisement fertile, empruntant d’excellentes idées au théâtre filmé (final sur les planches, générique, excellente gestion des maquillages évitant toute révélation malencontreuse, etc.). Elle conserve par ailleurs ses qualités intrinsèques, avec une magnifique reconstitution d’époque et des décors particulièrement soignés, que cela concerne l’Art Déco (St Anne’s Court, dans le Surrey) ou les grandes demeures anglaises traditionnelles (Knebworth House, dans le Hertfordshire).

 

Il en va pareillement pour le scénario, prenant le temps d’un dramatis personæ dans les règles de l’art, avant d’enchainer déplacements et rebondissements. Surtout les auteurs ont la clairvoyance d’accorder tout l’espace requis au grand atout du récit : la personnalité hors normes de Sir Charles, acteur extraordinaire et plus grand que la vie, incarnant toute cette lisière atténuée entre réel et imaginaire qu’autorise le théâtre. La démesure et la sensibilité  de cette fascinante figure se voient parfaitement exprimées par Martin Shaw, un parfait casting bien connu des amateurs des New Avengers (Obsession) et des Professionnels. Ici au sommet de son art. il va jusqu’à parfois voler la vedette à David Suchet, un cas unique dans la série. Poirot brille néanmoins comme à l’accoutumée, au cours de cette excellente intrigue ne renâclant pas à l’humour et s’avérant d’une difficulté idéalement dosée. Le reste de la distribution s’avère également de qualité, à commencer par une rayonnante et expressive Kimberley Nixon, parfaite dans le rôle d’Egg. Elle apporte de la crédibilité à un couple très disparate. 

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2. LE CRIME D'HALLOWEEN
(HALLOWE'EN PARTY)

Je ne suis pas coupable


Dans le petit village de Woodleigh Common, Miss Ariadne Oliver assiste à une traditionnelle fête d’Halloween. Une jeune fille, Joyce Reynolds, y fait sensation en déclarant avoir assisté à un meurtre, des années auparavant. Ces propos sont entendus par tous les membres de la vaste assistance et, peu de temps après, Joyce est retrouvée morte. A la demande de son amie Ariadne, Hercule Poirot intervient pour découvrir la vérité que l’on a tenté de dissimuler.

Agatha Christie’s Poirot s’offre un épisode spécial d’Halloween, un passage obligé chéri par les séries anglo-saxonnes et ne cédant qu’à celui dédié à Noël. L’épisode saisit pleinement cette opportunité, nous proposant dans un premier temps de découvrir le déroulement très anglais d’une fête traditionnelle d’Halloween, tout comme l’avait effectué le savoureux The Theft of the Royal Ruby, à propos de Noël. On bascule ensuite dans un récit relevant judicieusement de l’horrifique, du fait de la véritable hécatombe suscitée par le dérèglement pervers d’un esprit criminel. Le point d’orgue de cet épisode particulièrement sombre demeure bien entendu le meurtre d’un enfant, une rareté chez la Duchesse de la Mort. Ce basculement s’effectue de manière tonique, grâce à un scénario porté par la plume d’un Mark Gatiss toujours en verve. Tout en demeurant fidèle au roman (notamment dans le maintien du caractère diffus d’une relation lesbienne effectivement évoquée en pointillés dans le texte), l’audacieux auteur n’hésite à dynamiser un ensemble passablement statique, en faisant se déplacer bien davantage Poirot que lors de longs entretiens. Sans tout à fait briller par son originalité, l’intrigue se montre agréablement ludique.

 

La réalisation se montre au diapason, la richesse des décors et costumes, relayés par une belle photographie, restituant à merveille la fête d’Halloween, puis un environnement devenu réellement inquiétant. iI en va de même pour une musique particulièrement évocatrice et très présente. Comme souvent la localisation du tournage apporte immensément à l’opus. En particulier, le grandiose jardin, élément clé du roman et décor des péripéties insérées par Gatiss, se voit magnifiquement illustré par celui de Beckley Park, dans l’Oxfordshire. Ce spectaculaire assemblage de sculptures végétales (1920), classé monument historique, a aussi servi de décor à Harry Potter et la Coupe de Feu (2005). David Suchet mûrit avec son personnage et continue à lui conférer une impressionnante présence. Il se situe naturellement au cœur d’une distribution une nouvelle fois de haute volée. Pour son seul rôle répertorié, la jeune Mary Higgins s’impose dans le rôle délicat de la « nymphe » Miranda. Après Lord Edgware Dies, on retrouve avec plaisir Fenella Woolgar (Miss Whittaker), après qu’elle ait incarné Agatha Christie dans Doctor Who (2008). Placée en marge de l’histoire du fait de son alitement, l’épatante Ariadne Oliver n’en parvient pas moins à délivrer un humour bienvenu, Zoë Wanamaker se montrant toujours aussi énergique et pittoresque.

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3. LE CRIME DE L'ORIENT-EXPRESS
(MURDER ON THE ORIENT EXPRESS)

Mort sur le nil


Parti d’Istanbul, Poirot regagne l’Angleterre à bord du célèbre Orient Express. Le très riche et désagréable Ratchett l’enjoint de travailler pour lui, ce que Poirot refuse. Alors que le train est bloqué par la neige, Ratchett est trouvé assassiné par de multiples coups de couteau. A la demande de la direction du train, Poirot prend en charge l’enquête. Il va découvrir que plusieurs passagers avaient eu maille à partir avec la victime.

L’adaptation de ce qui demeure sans conteste le roman le plus fameux d’Agatha Christie constituait bien entendu un rendez-vous aussi incontournable que périlleux pour la série, réclamé des années durant par ses nombreux amateurs. L’épisode séduit par une approche risquée et originale, loin du succès grand public du film de 1974, à la facture éminent classique. Bien davantage que les rouages de l’enquête ou du Whodunit coutumier (au résultat évidemment connu de tous les spectateurs), les auteurs tentent le pari gagnant de se centrer sur les motivations des personnages, autant chez les protagonistes que chez Poirot. Alors que les déductions du Belge s’effectuent à marche forcée, près d’une moitié de l’épisode se voit dédiée  à un trouble existentiel s’installant chez lui avant même le crime. Poirot à à défendre, sinon à remettre en cause, ses vues à propos de la justice, tant celle des hommes que celle de Dieu, un débat rendu poignant grâce au talent d’un David Suchet absolument sublime. De fait, on lui pardonne volontiers d’avoir sans doute introduit une dimension religieuse plus marquée que chez Christie, tant son Poirot nous bouleverse.

 

Les motivations et les souffrances morales des uns et des autres sont également dépeintes avec finesse et éloquence par le reste de la distribution, on touche là au cœur du récit, et non plus à un simple prétexte scénaristique, comme lors du film d’Albert Finney, insuffisamment cruel comparativement au roman de Christie. Contrairement à ce standard,  l’épisode ne comporte par de stars internationales, mais des acteurs convenant idéalement aux personnages. Dans le rôle toujours difficile d’une dépouille, Toby Jones se montre également remarquablement expressif. Avec ambition et maîtrise, le récit, volontairement lugubre, s’élargit à une controverse sur la conduite à tenir face à l’insoutenable. Il interpelle directement le spectateur et le laisse formuler son propre jugement, y compris sur la décision finale de Poirot lui-même. Avec une théâtralisation intelligente, la mise en scène tire le meilleur parti de l’huis-clos, afin de révéler les âmes. La production demeure irréprochable, notamment grâce aux décors intérieurs tournés aux studios de Pinewood et  aux images de synthèse convaincantes. Aux antipodes des premiers épisodes légers et humoristiques de la série, Le Crime de l'Orient-Express compose bien le chef-d’œuvre ténébreux que l’on espérait.

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4. LES PENDULES 
(THE CLOCKS)

Le vallon


 A Douvres, un cadavre est découvert par la jeune Sheila Webb au domicile d’une dame aveugle. Le défunt est mystérieusement entouré par plusieurs horloges. Épouvantée, Sheila s’enfuit, pour tomber dans les bras de Colin Race, officier du contre-espionnage menant une enquête sur un réseau allemand. Race fait appel à Poirot, qui va découvrir que les deux affaires prennent racine chez les habitants du joli lotissement de Wilbraham Crescent.

L’intrigue sait conserver l’atmosphère particulière du roman d’Agatha Christie, avec son Whodunit s’élargissant aux récits d’espionnage et aux romans populaires. On y retrouve ainsi les rebondissements spectaculaires, les improbables coïncidences et les divers effets sensationnalistes constituant le sel d’un genre auquel la Duchesse de la Mort rend hommage en rendant Poirot amateur de John Dickson Carr et, bien évidemment, de Gaston Leroux (mais aussi de Conan Doyle…). Porté par une mise en scène animée, l’épisode bénéficie pleinement des atouts rocambolesques et ludiques de ce type de littérature, tout en conservant les caractéristiques principales d’une histoire à la Poirot. La production accompagne idéalement le mouvement, à l’aide d’une reconstitution d’époque toujours aussi impeccable et somptueuse, mais aussi en démultipliant les lieux de tournage, du Château de Douvres à St Margaret-at-Cliffe, en passant par diverses localisations délicieusement britanniques.

 

Evidemment tout ceci demeure léger et récréatif, loin des questionnements moraux du Crime de l’Orient-Express, mais, au sortir d’une saison aussi relevée qu’éprouvante, on prend plaisir à se laisser porter par ce récit distrayant, dont Agatha Christie s’entend à entremêler les divers fils de manière astucieuse. Les divers habitants de Wilbraham Crescent forment d’amusants portraits, dissimulant toutefois leurs lots de secrets. David Suchet s’adapte décidément à merveille aux différents états d’esprit d’un Poirot ayant ici retrouvé tout son allant et son humour. Le duo formé avec le pittoresque inspecteur Hardcastle s’avère souvent hilarant. Suchet s’entoure d’une excellente distribution, où brille particulièrement Jaime Winstone (Sheila Webb), l’une de ces jeunes et talentueuses actrices figurant dans nombre d’épisodes, conformément à une écrivaine mettent davantage en valeur ses personnages féminins que nombre de ses confrères. Tom Burke (Colin Race) se montre également convaincant. L’idylle vécue par les deux personnages se montre charmante, même si légèrement fleur bleue.

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Images capturées par Estuaire44.

 

L'Entraide