Miss Marple (1984-1992) - Joan Hickson Guide des épisodes 1. Un cadavre dans la bibliothèque (The Body in the Library) 2. La Plume empoisonnée (The Moving Finger) 3. Un meurtre sera commis le... (A Murder Is Announced) 4. Une poignée de seigle (A Pocketful of Rye) 5. L'Affaire Protheroe (The Murder at the Vicarage) 6. La Dernière Énigme (Sleeping Murder)
7. À l'hôtel Bertram (At Bertram Hotel) 9. Le Train de 16 h 50 (4.50 from Paddington) 10. Le Major parlait trop (A Caribbean Mystery) 11. Jeux de glaces (They Do It With Mirrors) 12. Le miroir se brisa (The Mirror Crack'd from Side to Side) 1. UN CADAVRE DANS LA BIBLIOTHÈQUE Résumé : Digne colonel à la retraite, le Colonel Bantry possède la belle résidence de Gossington Hall, au sein de la charmante localité de St Mary Mead. Lui et son épouse Dolly ont un jour la vive surprise de découvrir dans leur bibliothèque le cadavre d’une jeune femme inconnue. L’enquête de la police marque le pas et bientôt le brave Colonel se met à dépérir, car pointé du doigt par la rumeur publique. Mais sa vaillante épouse conserve une ressource : faire appel à la proverbiale sagacité de sa voisine et amie, Miss Jane Marple. Les deux femmes vont découvrir une étonnante vérité, malgré l’incrédule hostilité de l’Inspecteur Slack. Critique : La diffusion, de The Body in the Library s’étala initialement sur trois soirées. Or regarder ces trois segments en continuité conduit à une durée dépassant légèrement les deux heures et demie (154 minutes). Disons-le : nonobstant la grande qualité de l’ouvrage, c’est long, sans doute trop pour la partie du public contemporain prisant les scènes d’action ou les effets spéciaux spectaculaires, d’autant que la narration suit un rythme paisible. Davantage encore que les épisodes longs de Poirot, celui-ci s’adresse sans doute aux amateurs avertis d’Agatha Christie, particulièrement à ceux ayant lu le roman originel. En effet, ils seront alors à même d’apprécier le premier grand atout de ce pilote que représente la qualité de l’adaptation du texte. En effet les auteurs profitent pleinement de la durée leur étant impartie afin de parfaitement restituer les différentes dimensions du livre. Contrairement aux exercices de style équivalents, aucun personnage ou développement narratif ne se voit sacrifié, l’effet d’immersion dans le texte demeure total de bout en bout. On avouera ne pas se souvenir d’une adaptation aussi fine et complète, même la trilogie du Seigneur des Anneaux s’en va galopant entre le départ de la Comté et l’arrivée à Bree, tandis qu’ici la mise en place de l’histoire fait au contraire l’objet d’un luxe de détails particulier. Certes certains éléments évoluent légèrement, l’action se voit ainsi déplacée des années 40 aux 50 (ce qui ne change pas grand-chose à la campagne anglaise), l’importance financière de l’héritage se voit quelque peu accrue, Dolly quitte peut-être un peu rapidement l’enquête… Rien de perturbant. Les scénaristes ne se contentent pas pour autant d’effectuer un simple décalque pour autant, car ils s’entendent à profiter de ces latitudes offertes afin de mettre en avant les spécificités du roman. L’intrigue diabolique captive aisément l’amateur d’énigmes ludiques et létales, mais cela n’altère pas l’aspect auto-ironique d’Agatha Christie que véhicule The Body in the Library. L’impact volontairement sensationnaliste de la découverte du corps (issue d’un pari entre l’Auteure et un ami) se voit ainsi soulignée, ainsi que la brusque rupture du huis-clos de Gossington Hall, surprenant agréablement les amateurs. Le récit prend également le temps de soigner les situations et personnages secondaires, irrigant ainsi la narration de cet humour malicieux imprégnant souvent le regard d’Agatha sur ses protagonistes et concitoyens. Si la caméra ne brille sans doute pas par sa mobilité, dans la grande tradition des productions en costumes d’ITV ou de la BBC d’alors. Mais la mise en scène utilise également au mieux le temps disponible pour tirer le meilleur parti de splendides décors, intérieurs ou extérieurs ; Nether Wallop figure admirablement St Mary Mead tel que l’ont imaginé d’innombrables lecteurs, il s’avère particulièrement agréable d’un découvrir les rues et demeures, l’amateur s’y sentira délicieusement en terrain connu. L’ensemble de la reconstitution historique et du travail de production se montre irréprochable, tout en sachant renouveler ses effets quand on passe au littoral anglais, quand l’action se déplace à Danemouth. Surtout, la série sait trouver l’interprète idéale de Miss Marple en Joan Hickson. Même du fait des obligations liées au passage à un langage visuel, Miss Marple apparaît ici un tantinet plus tonique que dans le roman, on se situe très loin de la dame excentrique et tonique en diable des films des années 60. Parfaitement idoine physiquement, Joan Hickson sait à merveille tirer parti de son propre âge afin de faire ressortir l’aspect à la fois frêle et déterminé du personnage, ainsi que son côté charmant et désuet laissant vite place au regard acéré et passablement cynique que porte la digne demoiselle sur ses contemporains. Cette détective captivante et hors normes anime l’ensemble du récit jusqu’à son terme, où sa révélation de l’intrigue se voit expédiée en une poignée de minutes, à peine imagées. On se situe à l’opposé des scénographies majestueuses de Poirot, mais c’est effectivement conforme à la simplicité et à la modestie de l’héroïne. Le reste de la distribution excelle également, en particulier Gwen Watford dans le rôle de la solide Dolly, autre figure à nous rappeler que chez Agatha Christie les femmes constituent des personnages à part entière, non des clichés ou des fantasmes. Anecdotes :
2. LA PLUME EMPOISONNÉE Résumé : Un corbeau trouble l’existence du paisible petit village de Lympston, par ses lettres anonymes aux révélations et au style particulièrement empoisonnés. Quand ces missives finissent par provoquer le suicide d’une habitante, Maude Calthrop, l’épouse du vicaire, fait appel à l’une de ses amies, réputée pour savoir démasquer les esprits diaboliques, Miss Marple. L’arrivée de Jane n’empêche toutefois pas un meurtre de survenir, suivi d’un deuxième. Miss Marple va toutefois parvenir à révéler le véritable dessein se dissimulant derrière ces lettres anonymes. Critique : Au sein d’une série réputée pour sa fidélité à l’œuvre d’Agatha Christie, La Plume empoisonnée fait figure d’œuvre dissonante. En effet, outre l’abandon de la narration par Jerry Burton, l’épisode fait apparaître Miss Marple dès la dixième minute, alors qu’elle n’intervient que très tardivement dans le roman initial, et seulement à l’occasion d’une poignée de pages, certes décisives quant à l’intrigue. Certes Jane sait rester suffisamment au second plan pour ne pas défigurer l’histoire, mais l’attachant duo protagoniste n’en voit pas moins son importance réduite. Par ailleurs, même si dans une moindre mesure que dans le pilote, ce double opus sait prendre son temps, s’étendant sur deux fois cinquante minutes. Cela permet de pleinement profiter d’un travail de production une nouvelle fois impeccable et de superbes localisations typiquement anglaises (les amateurs des Avengers seront comme chez eux). Cela autorise aussi de laisser la part belle à un composante importante du roman, l’analyse psychologique des personnages, le texte poussant à l’extrême le double visage, lumineux ou obscur, des petits villages anglais, typique des Miss Marple. On ne peut cependant que regretter que la dimension humoristique du texte, notamment basée sur les différences psychologie entre hommes et femmes, se voit ici minorée, à l’instar de quelques développements romantiques secondaires. Sans être réellement sacrifiée, l’intrigue criminelle du roman résulte moins développée que dans d’autres romans et le scénario n’opte pas ici pour quelques évolutions pouvant pimenter l’enjeu en le rendant davantage ludique. La narration de la clef de l’énigme (assez banale en soi) par Miss Marple reste ainsi rapide et toute en simplicité, loin des représentations en majesté du Poirot de Suchet. La distribution manque de visages connus, du moins de ce côté-ci de la manche mais, cela contribue à lui apporter une indéniable authenticité. Anecdotes :
3. UN MEURTRE SERA COMMIS LE... Résumé : Une petite annonce parue dans la gazette locale défraie soudainement la chronique. Un meurtre y est annoncé comme devant survenir le cinq octobre, à sept heures du soir, à la grande surprise des résidents. Le moment venu, plusieurs villageois surviennent sur les lieux, attirés par la curiosité. Soudain, à l’heure annoncée, un homme s’introduit dans la maison, les lumières s’éteignent et des coups de feu sont entendus. Quand les lumières sont rallumées, on découvre le cadavre de l’intrus, un inconnu. D’autres meurtres surviennent, mais Miss Marple va parvenir à découvrir la clef de l’énigme. Critique : Une nouvelle fois la série opte pour une adaptation du roman se développant sur une longue durée, avec une diffusion étalée sur trois soirées et repentant plus de 2 h30 de programme. On pourrait craindre que la précision apportée à la retranscription de l’intrigue conduise à une dilution de l’action et à un rythme lent du récit. Mais le spectateur ne ressent en fait absolument pas cela, car l’opus bénéficie de la parfaite adéquation entre sa longue durée et la dimension de son intrigue, l’une des plus ludiques et ambitieuses d’Agatha Christie. Il peut dès lors donner toute sa dimension à une ouverture en fanfare, aussi spectaculaire qu’original et intrigante, pour ensuite maintenir l’intérêt tout du long, voire s’offrir un final plus à suspense qu’à l’accoutumée. Le roman bénéficie d’une structure narrative davantage élaborée que lors du précédent et la série sait jouer pleinement cette carte. Peut-être du fait du succès alors déjà rencontré, la production semble ici bénéficier de moyens supplémentaires, ce qui permet d’apprécier encore davantage l’excellence du travail de reconstitution d’époque et les beaux paysages. La musique se montre également agréablement évocatrice. Conduite par une Joan Hickson particulièrement inspirée et très divertissante, la distribution achève d’assurer la réussite de l’ensemble. Chaque acteur (et en particulier chaque actrice) correspond ainsi idéalement à la caractérisation de son personnage. Par ailleurs les amateurs du célèbre Simon Templar apprécieront ainsi de retrouver Sylvia Sym, invitée régulière du Saint et ici excellente dans le rôle de l’acérée Mrs Easterbrook. Un meurtre sera commis le... compose l’un des opus les plus aboutis de la série et une impressionnante démonstration de savoir-faire. Anecdotes :
4. UNE POIGNÉE DE SEIGLE Résumé : Alors qu’il sirotait un thé dans sa maison de campagne, le richissime homme d’affaires Rex Forstecue meurt subitement. Des graines sont retrouvées dans sa poche, sans aucune explication discernable. Toutefois, quand d’autres meurtres surviennent, Miss Marple va suspecter qu’ils sont en fait liés aux paroles d’une fameuse comptine, Sing a Song of Sixpence. Critique : L’épisode présente le mérite de parfaitement restituer plusieurs caractéristiques fortes des ouvrages d’Agatha Christie On connaît le goût de l’auteure pour les comptines, attesté par leur présence au cœur de son roman sans doute le plus connu, Dix petits nègres, mais aussi de la fameuse Sing a Song of Sixpence dans deux nouvelles en sus d’Une poignée de seigle (Four and Twenty Blackbirds et Sing a Song of Sixpence). Le passage à l’écran autorise ainsi l’écoute de la comptine à diverses reprises, scandant l’action. Le procédé n’est certes pas fondamentalement original, mais rouble agréablement le spectateur tout en apportant un cachet supplémentaire au récit. Heureuse circonstance, l’effet se voit souligné par une musique particulièrement réussie, tandis que le reste du travail de production se montre de grande qualité. Par ailleurs, si l’intrigue n’est pas la plus savoureusement complexe forgée par la Duchesse de la Mort, elle sait s’appuyer sur un grand nombre de suspects, ici tous impeccablement dessinés, ainsi que sur l’univers particulier des familles bourgeoises anglaises, autre thème cher à l’auteure (les Fortescue ne sont pas sans quelque peu évoquer les Lee du Noël d’Hercule Poirot). L’épisode sait accompagner cette écriture par une excellente distribution, sachant aussi bien exprimer une saveur toute britannique que donner lieu à un joli festival de tempéraments bien trempés. A côté de la grande figure du théâtre britannique qu’est Timothy West (impeccable en Rex Fortescue), les Whovians apprécieront ainsi de retrouver le charme d’un Peter Davison alors fraîchement débarqué du TARDIS, où il jouait le Cinquième, et interprétant avec aisance le séduisant Lance. Les amateurs de Chapeau Melon retrouveront également avec plaisir la toujours tonique Fabia Drake (la sympathique Colonel Adams de The Danger Makers) qui apporte une belle énergie à la très amusante Miss Henderson, sans doute dotée des meilleurs dialogues de l’opus. On regrettera par contre vivement que l’émotion véhiculée par la mort particulièrement tragique de la frêle Gladys, un événement fort, car rompant avec les aspects cérébraux et ludiques de la plupart des meurtres d’Agatha Christie. Le personnage se voit ici réduit essentiellement au prétexte de l’intervention de Jane, sans nécessité apparente. Du moins Joan Hickson sait-elle incarner avec pertinence la flamme vengeresse saisissant, à sa manière, Miss Marple, face à ce qui est devenu un cas plus personnel qu’à l’accoutumée. On apprécie également le duo formé avec l’Inspecteur Neele, avec une connivence renouvelant agréablement l’agacement exprimé par l’Inspecteur Slack, le policer plus habituellement représenté au fil des épisodes. C’est d’autant plus vrai qu’il existe une manifeste complicité entre Joan Hickson et Tom Wilkinson, que quelques années séparent encore d’une belle carrière au cinéma. Anecdotes :
5. L'AFFAIRE PROTHEROE Résumé : Le désagréable colonel Protheroe, notable et magistrat local, est découvert assassiné dans la bibliothèque du pasteur de St Mary Mead. Le village est secoué par un deuxième évènement lorsque l’épouse de Protheroe et l’amant de celle-ci avouent chacun de leur côté être l’auteur du crime. Toutefois bien d’autres suspects se font jour, y compris parmi la famille Protheroe. Devant cette affluence, l’irascible Inspecteur Slack n’a plus d’autre choix que de faire appel à la proverbiale sagacité de Miss Marple. Critique : Contrairement au Poirot de David Suchet, la série a visiblement décidé de ne faire cas de l’opportunité que pouvait représenter le tout premier roman avec Miss Marple écrit par Agatha Christie. Le beau succès constitué par La mystérieuse affaire de Styles et la rencontre de Poirot et du valeureux Hastings peut dès lors susciter des regrets, mais ceux-ci sont à relativiser. Ainsi la grande importance et la saveur, apportées au véritable match opposant l’Inspecteur Slack à une Jane délicieusement pincée, revêt comme des allures de première confrontation explicitant leur relation longtemps acrimonieuse. Surtout, l’épisode sait percevoir que l’important fait nouveau du roman demeure bien l’irruption de St Mary Mead, présent seulement en filigrane dans les conversations du Club du Mardi. Si la reconstitution d’époque maintient un haut niveau de qualité (la transposition des années 30 aux 50 s’effectuant sans heurts) et si l’intrigue s’avère derechef parfaitement restituée, on apprécie ainsi avant tout la part belle laissée à la description du village, incluant de nombreux personnages, leurs interaction set leurs secrets. L’ensemble se goute d’autant plus que Miss Marple figure au cœur de l’action et que sa prédilection pour l’observation (davantage que pour une enquête classique), s’apparente parfois malicieusement à un certain penchant pour le commérage. La dimension religieuse, entre Anglicans et « Papistes », ne se voit pas non plus négligée. Ce point fort de l’opus souffre toutefois d’une écriture parfois relâchée à ses débuts, la découverte se prolongeant un peu trop avant que la dramatisation se mette en place. Observer des personnages inconnus pour diminuer l’intérêt du spectateur ne les reconnaissant pas, confirmant ainsi que cette série s’adresse avant tout aux amateurs d’Agatha Christie, davantage qu’aux nouveaux venus (contrairement à la postérieure série d’ITV). De plus, si Joan Hickson continue à camper une parfaite Miss Marple, si l’on excepte les excellents interprètes du pasteur et de son épouse, la distribution résulte moins marquante qu’à l’accoutumée. Anecdotes :
6. LA DERNIÈRE ÉNIGME Résumé : Accompagnée de Giles, son mari épousé de fraiche date, la jeune Gwenda Reed revient en Angleterre après avoir passé la majeure partie de sa vie en Nouvelle-Zélande. Le couple achète une belle résidence mais Gwenda y ressent d’étranges et troublantes réminiscences, comme si elle y avait vécu jadis. Aidée par Miss Marple, tante d’un ami, Gwenda comprend qu’elle se souvient progressivement d’un meurtre s’étant déroulé durant sa petite enfance et qu’elle a effectivement résidé en ce lieu ! Malgré les conseils de prudence de Miss Marple lui suggérant de laisser le meurtre en sommeil, le jeune couple va entreprendre de découvrir la vérité. La vie de Gwenda sera dès lors en péril. Critique : A côté de ses formidables romans à énigmes, Agatha Christie a également écrit plusieurs nouvelles relevant du Fantastique. Certes souvent moins connus que les déductions de Poirot ou de Miss Marple, parfois inspirés du terroir anglais, parfois gothiques, parfois très personnels, ces textes se découvrent le plus souvent avec un vif intérêt. Le lecteur curieux pourra en trouver un bel échantillonnage dans le recueil Le Flambeau, paru au Masque (excellent sujet potentiel pour une éventuelle anthologie télévisée !). Malheureusement, dans Sleeping Murder, l’écrivaine reste au milieu du gué, en s’efforçant de conjuguer une atmosphère très gothique, autour de l’inévitable manoir, avec les rouages intellectuels d’un roman à tiroirs. Cette conjonction s’avère malaisée et l’épisode, qui brille par sa fidélité au texte, importe de fait les faiblesses du roman. La mise en place de l’ambiance semi fantastique se traduit ainsi pareillement par toute une première partie très lente et verbeuse conduisant inévitablement à la déception quand s’achève le préambule. Les amateurs de Fantastique seront déçus d’une justification assez laborieuse - trop lestée de coïncidences - pour les réminiscences de Gwenda, tandis que l’intrigue autour du meurtre manque d’espace pour se développer aussi efficacement qu’à l’accoutumée. Jane se voit pareillement reléguée au second plan au profit du jeune couple, or celui-ci ne compte pas parmi les plus intéressants d’Agatha Christie. A côté d’un mari asse terne, Gwenda s’en tient essentiellement au rôle aujourd’hui ultra balisé de la Damoiselle en péril. Pour le coup on se situe vraiment aux antipodes de l’espiègle pétillement des Beresford, d’autant que le final n’est pas exempt de mélodrame. Le passage à l’écran apporte toutefois quelques couleurs au récit, grâce à une demeure fort bien choisie et filmée (magnifiques plans des jardins), ainsi qu’à une parfaite musique d’ambiance s’associant idéalement à la photographie. Géraldine Alexander (actrice australienne et non nouvelle-zélandaise) se révèle aussi belle qu’expressive et son accent apporte le charmant exotisme qui convient à Gwenda. On conserve néanmoins l’impression d’un épisode moins prenant que les précédents. Anecdotes :
7. À L'HÔTEL BERTRAM Résumé : Grâce à la générosité de son cher neveu, Jane séjourne à Londres, au distingué et très anglais Hôtel Beltram, où elle a résidé étant enfant. Mais le portier est soudain assassiné et l’aventurière Lady Bess Sedwick est soupçonnée quand on découvre que la victime est liée à son trouble passé. Par ailleurs indigne colonel disparait sans explication. L’Inspecteur Chef Davy est sur les dents, d’autant que de nombreux vols sont perpétrés aux alentours. Heureusement il va pouvoir compter sur l’aide de Miss Marple pour découvrir une stupéfiante vérité. Critique : L’épisode séduira une nouvelle fois les amateurs d’Agatha Christie par la fidélité et la qualité de l’adaptation du roman originel. Le standard de production reste tout à fait digne des productions de prestige de la BBC, avec, de superbes costumes et un palace idéalement choisi (on se croirait réellement au Beltram !), filmé avec talent par une sensible réalisatrice, Mary McMurray, aidée par une musique une nouvelle fois très évocatrice. L’épisode ne se contente d’ailleurs pas d’en effectuer une simple réplique. Après des premiers épisodes exceptionnellement longs la série revêt désormais un format plus classique, avec des téléfilms de près de deux heures. Dès il importe de savoir capturer l’essence d’un texte, un enjeu d‘autant plus fort que ce brillant roman relève davantage de l’étude de caractères que du récit à énigmes, avec le petit monde de l’hôtel et ses savoureux ou intrigants clients. Au lieu de disséquer une intrigue ne comptant pas parmi les plus remarquables d’Agatha Christie et soufflant d’un dénouement peu vraisemblable (il faut attendre plus d’une heure pour que survienne le premier meurtre), l’épisode s’appuie avec perspicacité sur la peinture de personnages hauts en couleurs, en s’appuyant sur des acteurs idéalement choisi pour leur rôle, et disposant souvent de beaucoup de métier. On appréciera ainsi l’impeccable prestation de Caroline Blakiston, avec une Lady Beswick formant un amusant contrepoint de Miss Marple et de ses valeurs. Mais tous les comédiens s’avèrent formidables, Joan Hickson bien entendu en tête. Quasiment aucune dimension du livre ne se voit négligée, comme la complicité entre l’amusant Inspecteur Chef et Miss Marple, où l’émotion de celle-ci à renouer avec des souvenirs de sa lointaine jeunesse. Le seul regret suscité par cet absolument délectable téléfilm est que le format de la série impose de déplacer l’action au milieu des années 50, or le roman se déroulait une bonne décennie plus tard. Dès lors, à l’unisson de l’héroïne, l’Hôtel Beltram apparaissait comme l’un des ultimes bastions d’un Angleterre traditionnelle en train de disparaitre, au sein du Swinging London où, depuis sa fenêtre, Miss Marple pourrait voir passer la Lotus Elan de Mrs Peel. Cet aspect-là du livre résulte inexistant quelques années avant l’irruption des Sixties. Anecdotes :
Résumé : Miss Marple reçoit un étrange courrier posthume du millionnaire récemment décédé, Jason Rafiel, avec laquelle elle avait résolu une affaire quelques années plus tôt. En échange d’une forte rémunération, celui-ci fait appel à elle pour découvrir l’identité d’un assassin, mais sans lui fournir la moindre indication, hormis le nom de Némésis. Jane reçoit également une participation à un circuit de découverte de belles demeures et jardins. Elle part en voyage avec son neveu Lionel et it la connaissance de ses compagnons d’excursion. L’énigme commence à prendre corps au village d’Abbey Ducis et apparaît concerner le fils de Jason Rafiel. Les avènements prennent un tour dramatique quand l’une des voyageuses, Elizabeth Temple, est assassinée. Critique : Dernier roman de Miss Marple, écrit par une Agatha Christie au soir de sa vie, Nemesis constitue un roman particulièrement sombre au sein de la bibliographie de l’auteure. Cette dimension se voit soigneusement reconstituée dans le téléfilm, la série s’avérant toujours aussi fidèle à l’essence des ouvrages, même si des modifications davantage prononcées qu’à l’ordinaire sont ici apportées à l’intrigue. Le récit prend ainsi le temps de précisément dérouler le dégradé conduisant d’un lancement très ludique (énigme de la lettre, débuts du voyage) à la résolution d’un crime ancien et abominable, où s’entremêlent les éléments aussi bien vénaux que passionnels. La narration demeure toujours très claire et permet de parfaitement saisir les rouages de la quête de vérité entreprise par Miss Marple. L’épisode consacre également un grand soin à l’écriture des personnages, aussi bien les compagnons de voyage de Jane que les résidents, soit l’épine dorsale du récit. L’intrigue permet à nombre d’entre eux de disposer d’au moins une scène forte. La réalisation sait mettre en exergue le jeu de comédiens talentueux (on s’amuse de reconnaître Bruce Payne, futur grand spécialiste es vilains, en Michael Rafiel). Joan Hickson campe parfaitement une Miss Marple n’étant plus une observatrice avisée mais incarnant Némésis bien davantage qu’à l’accoutumée, en justicière déterminée et inflexible. Un élément clef du roman encore une fois parfaitement restitué. Le voyage organisé permet également de découvrir de superbes sites des Cotswolds. Nemesis souffre toutefois de quelques imperfections. L’introduction d’un deuxième neveu de Miss Marple, absent du roman, ne pose pas en soi de gravissime problème mais le personnage n’apporte guère au récit, voire le parasite. Par ailleurs on s’étonne de l’inexplicable inversion d’ordre entre Nemesis et A Caribbean Mystery. Cela ôte beaucoup de force au lien existant entre Jane et Rafiel, impeccablement interprété par Frank Gatliff, figure régulière de la télévision anglaise (et ayant participé à deux épisodes de Chapeau Melon, The Sell-Out et A Chorus of Frogs). La part importante dévolue à la psychologie des personnages insuffle un rythme assez lent au récit, du moins selon les critères contemporains. L’épisode confirme particulièrement que la série s’adresse aux amateurs d’Agatha, ITV vise plutôt les nouveaux venus et les lecteurs occasionnels, une approche finalement davantage complémentaire qu’antagoniste. Anecdotes :
9. LE TRAIN DE 16 H 50 Résumé : Mrs McGillicuddy se rend chez son amie Miss Marple, lorsqu’elle aperçoit un homme étranglant une femme dans un train croisant le sien. La police reste sceptique devant cette déclaration, mais Jane décide d’élucider l’affaire. Malgré les ricanements de l’Inspecteur Slack, elle s’installe dans les environs du drame et de premières investigations la conduisent à s’intéresser au manoir de la famille Crakenthorpe. Trop agée pour y mener l’enquête, Miss Marple fait appel à sa nouvelle dame de compagnie, la vive et intelligente Lucy Eyelesbarrow, afin d’infiltrer la demeure en se faisant passer pour une domestique. Critique : Le téléfilm bénéfice de l’entrée en matière délicieusement intrigante proposée par le roman, 4.50 from Paddington constituant un Miss Marple agréablement atypique. Néanmoins le rythme comme toujours très paisible propre à la série souffre de la concurrence directe représentée par le film de 1961. Quitte à prendre de grandes libertés avec le texte d’origine, Miss Marple fusionnant notamment avec Lucy. Margareth Rutherford lui apportait en effet beaucoup d’humour et d’énergie. On ne peut que regretter que cela soit à cette occasion que la série nous l’un de ses épisodes les plus lents, avec une longue mise en place assez fastidieuse des personnages. Point clef de l’intrigue, la découverte du cadavre par Lucy ne parvient pas non plus à relancer l’action. L’épisode laisse particulièrement Jane en retrait, elle n’apparait réellement que par intermittences et essentiellement comme observatrice, ce qui empêche de créer une vraie dynamique dans le duo original formé avec Lucy. Heureusement la jeune héroïne du récit se voit incarnée avec talent par Jill Meager, même si la responsabilité de porter presque tout l’opus à elle seule s’avère bien lourde. Correctement interprétée, la famille Crakenthorpe résulte agréablement mystérieuse et les dialogues sont bien affutés. Le standard de production demeure remarquablement élevé, on remarque d’ailleurs que la localisation choisie pour le manoir se montre idéale. Anecdotes :
10. LE MAJOR PARLAIT TROP Résumé : Grace à une nouvelle preuve de générosité de son cher neveu, Miss Marple part en vacances aux Barbades. Toutefois Jane s’ennuie quelque peu loin de son cher St Mary Mead quand la mort soudaine d’un autre convive, le Major Palgrave, vient rompre la monotonie du séjour. Malgré des causes à première vue naturelle, ce décès demeure troublant, car le major affirmait volontiers connaître un assassin. Une deuxième victime prouve l’existence d’un complot, que Miss Marple va entreprendre d’éclaircir, en s’associant avec le millionnaire Jason Rafiel. Critique : On avouera ici une préférence pour les romans d’Agatha Christie se déroulant en Angleterre, pays dont elle constitue toujours une observatrice aussi avisée qu’acérée. Ses personnages y paraissent aussi dans leur environnement naturel, sans avoir à justifier de prétextes plus ou moins convaincants pour se déplacer à des milliers de kilomètres. De plus les rouages du meurtre restent indépendants de la localisation géographique, le déplacement n’apporte guère de valeur ajoutée là-dessus en définitive. Dans sa série, David Suchet parvient le plus souvent à dépasser cette difficulté grâce à l’humour qu’il insuffle à un Poirot ulcéré d’avoir à renoncer à son cher confort, justifiant par là le dépaysement au-delà des beaux panoramas. Le talent de Joan Hickson ne peut s‘exercer de la sorte, car Miss Marple ne se départ jamais de sa dignité très victorienne. Le fait qu’elle soit viscéralement liée à St Mary Mead ajoute encore à ce sentiment d’artificialité qui accompagne tout du long cette aventure aux Antilles. Toutefois l’épisode ne manque certes pas d’intérêt. Les quelques changements apportés à la trame littéraire se limitent à peu de choses et n’empêche pas la narration claire et perspicace d’une intrigue certes pas foncièrement originale, mais certainement habile. Aidée par une musique judicieusement choisie et une photographie maitrisée, la mise en scène sait mettre en valeur la spécificité de l’environnement, sans toutefois tomber dans le piège de la carte postale. Mais le véritable atout de l’opus réside dans sa distribution. Contrairement à la série ultérieur d’ITV, la présente privilégie le plus souvent des acteurs solides à des vedettes d’une notoriété supérieure, mais ici c’est l’inverse qui se produit (se peut du fait du budget que dédie traditionnellement la BBC à ses épisodes spéciaux de Noël). Les amateurs des séries Sixties de retrouver T P McKenna et Sue Lloyd, vu, entre autres dans Chapeau Melon et dans Le Saint. La superbe Sophie Ward campe également parfaitement Molly Kendal, mais la grande attraction demeure la présence du grand acteur, particulièrement caméléon, que fut Donald Pleasence. Il apporte toute une dimension nouvelle à Rafiel, même si l’on peut regretter la confusion éventuelle que peut susciter un interprète différent de celui de Némésis. Anecdotes :
11. JEUX DE GLACES Résumé : Miss Marple rend visite à une amie d’enfance, Carrie Louise à l’appel de la sœur de celle-ci, Ruth, inquiète pour sa santé. Le mari de Carrie a transformé la vaste résidence familiale en centre d’éducation surveillée, cherchant à venir en aide à la jeunesse difficile, voire délinquante. Quand un proche de Ruth est retrouvé assassiné, Jane se lance naturellement dans l’enquête, bientôt rejoint par l’Inspecteur Slack. Mais elle se heurte à une difficulté : non seulement les autres membres de la famille sont suspects, mais aussi les dizaines de pensionnaires de l’institution ! Découvrir comment le meurtre a été commis s’avère également délicat. Critique : Si, selon l’habitude de la série, les changements apportés à l’intrigue littéraire demeurent modérés, l’adaptation de la narration des évènements résulte malheureusement moins claire que l’accoutumée. Au fil des nombreuses discussions, il est à craindre que le spectateur n’ayant pas lu le roman trouve l’histoire quelque peu confuse. Le récit se refuse également à être ludique, ne révélant que chichement les indices disponibles, alors que la participation du lecteur ou du spectateur reste l’un des grands ressorts du succès d’Agatha Christie. Tout ceci s’assortit d’un rythme particulièrement lent, alors que l’épisode apparaît déjà très long, atteignant les cent minutes de durée. L’interprétation demeure toutefois fort relevée, avec un magnifique duo incarnant les deux sœurs. La grande Jean Simmons (Carrie) et Faith Brook (Ruth) restituent les personnages à la perfection, et, conjointement avec Joan Hickson, nous offrent une émouvante scène finale soulignant l’amitié unissant le trio formé avec Miss Marple. De son côté, Joss Ackland réalise une performance toute en puissance, apportant beaucoup de présence à Lewis Serrocold. Comme toujours aidée d’une magnifique photographie, la mise en scène sait également instiller une vraie atmosphère de mystère, tout en tirant le meilleur parti de la superbe demeure familiale. Anecdotes :
12. LE MIROIR SE BRISA Résumé : L’arrivée de Marina Gregg, grande star –quoiqu’en déclin – d’Hollywood provoque l’émoi à St Mary Mead. L’actrice vient tourner un film à proximité et une grande réception est donnée pour l’occasion. Durant les festivités un cocktail empoisonné destiné à Marina Gregg est bu par une convive, qui en meurt aussitôt. La star semble être visée par un mystérieux assassin, mais Miss Marple est bien décidée à tirer l’affaire au clair. Critique : Le miroir se brisa constituait d’emblée un excellent choix pour conclure une série débutée par Un cadavre dans la bibliothèque, tant l’on retrouve dans ses deux récits les mêmes figures marquantes de St Mary Mead. La boucle se voit ainsi plaisamment bouclée et le célèbre village agréablement placé au cœur de l’action, même si le volet du roman décrivant les bouleversements apportés par les années 60 au cœur de l’Angleterre profonde se voient quelque peu minoré. La mise en avant de ce petit monde apporte de l’entrain à la narration ainsi qu’un humour appréciable, alors que se déroule parallèlement l’un des drames les plus implacables imaginés par Agatha Christie. De fait la durée du programme se rapproche des deux heures, mais l’on ne sent pas le temps passer. Les localisations et la musique s’avèrent une nouvelle fois magnifiques, la série ayant le bon goût de s’achever sur un opus à la dimension artistique particulièrement soignée. Les quelques inévitables coupures apportées au roman se voient opérées judicieusement, car se limitant à des tronçons secondaires non reliés à l’intrigue principale. De ce fait celle-ci se perçoit avec davantage de clarté. De plus, les personnages disparus étant essentiellement masculins (le premier mari de la star, le majordome), ceci renforce une dimension majeure du roman, la tonalité féminine du drame en cours. Le téléfilm compose ainsi un bel exemple de la propension de l’auteure à écrire les femmes en tant que personnages à part entière, là où ses confrères les réduisent le plus souvent à des clichés ou des fantasmes. La distribution va également dans ce sens, grâce à plusieurs excellentes actrices, dont la Glynis Barber de Mission Casse-cou. Joan Hickson brille également une dernière fois en parfaite incarnation de Miss Marple. On regrettera toutefois l’absence de la citation finale par son personnage, et surtout que la personnalité particulière d’Heather Badcock ne soit pas réellement développée, alors qu’il s’agit d’un élément primordial du roman. Mais, tel quel, l’opus permet à la série de se conclure sur une indéniable réussite. Anecdotes :
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Toucher le fond… (Broken - Part 1)