Saison 1 3-b. Certain Shadows on the Wall 4-b. Clean Kills and Other Trophies Date de diffusion : 8 novembre 1969 La présentation des divers tableaux par Rod Serling bénéficie d’un texte suggestif en diable, concocté avec soin par l’auteur, ainsi que, bien entendu, de toute l’expérience narrative acquise durant son long séjour au sein de La Quatrième Dimension. Le décor apparaît bien plus sommaire qu’il ne le deviendra lors de la série, mais les cadres voilés s’avèrent parfaitement mis en valeur par l’obscurité environnante et suscitent déjà une étrangeté bienvenue. On peut toutefois regretter que la révélation des peintures survienne immédiatement après la conclusion choc de leur histoire, du coup elles passent relativement inaperçues (elles sont aussi déjà aperçues en cours de récit). La série procédera plus efficacement en les montrant en prologue du récit, telles des portes ouvrant sur l’Ailleurs. Scénario : Rod Serling Mise en scène : Boris Sagal Résumé : Un peintre richissime est mourant, une agonie d’ailleurs accélérée par son neveu, le cynique cupide et Jeremy. Le défunt est enterré dans le cimetière familial, à proximité de la somptueuse demeure désormais habitée par un Jeremy entendant bien profiter de son forfait. Mais une peinture située dans le hall d’entrée et représentant le cimetière semble évoluer sans aucune explication. Sous les yeux d’un Jeremy sombrant dans la folie, son oncle défunt est peint comme se rapprochant progressivement de la maison ! Soudain, on frappe à la porte. Critique : La remarquablement sinistre histoire de Rod Serling impressionne par sa noirceur absolue. Avant même tout phénomène paranormal, ou supposé tel, elle nous entraine dans un drame psychologique cruel et oppressant, avec ce huis clos où s’épanouit l’âme veule de Jeremy. Celui-ci se révèle un être absolument répugnant, remarquablement interprété par un Roddy McDowall parfaitement dans son emploi. La cruauté des dialogues et des individus s’insère judicieusement au sein d’une parfaite reconstitution d’un environnement gothique, entre cimetière archétypal et sinistre grande demeure. La mise en scène du vétéran Boris Sagal prolonge cet effet, avec d’oppressantes contreplongées et une photographie finement travaillée. La brièveté de cette première partie empêche la montée de l’angoisse de devenir suffisamment progressive, mais apporte un indéniable impact à la chute finale. Elle évite aussi de rendre trop visible la faiblesse scénaristique d’un Jeremy continuant à résider inexplicablement dans cette maison maudite, alors que rien ne l’y contraint. Anecdotes :
Scénario : Rod Serling Mise en scène : Steven Spielberg Résumé : La richissime Claudia Menlo est aveugle de naissance, ce qu’elle vit comme une profonde injustice. Elle apprend qu’un médecin parvient à opérer des greffes de nerf optique chez des animaux, mais, si le donneur perd définitivement la vue, le bénéficiaire ne regagne la sienne que pour quelques heures. Décidée à tirer partie de ce délai, elle s’entoure de merveilleux objets d’arts, tout en faisant chanter le scientifique pour qu’il prélève le nerf optique d’un malheureux ayant des dettes de jeu auprès d’un truand menaçant de l’assassiner. L’opération est menée à bien, mais le destin va réserver une cruelle déconvenue à l’impérieuse et égoïste Claudia Menlo. Critique : Là où The Cemetery développait une épouvante gothique particulièrement affutée et imaginative, annonçant ainsi l’anthologie à venir, The Eyes évoque davantage La Quatrième Dimension, pour son récit à chute, au tempo rapide menant à une renversante conclusion. Le discours moral se montre également au rendez-vous : à l’ironie cinglante venant châtier l’égoïsme de l’héroïne, vient s’ajouter une critique acerbe de la commercialisation à outrance de la société, jusqu’à réduire le corps humain à l’état de marchandise. La thématique du récit évoque d’ailleurs celle de l’épisode The Trade-Ins de La Quatrième Dimension, Claudia Menlo prenant le parti pris exactement opposé à celui du sympathique couple de personnes âgées, avant d’en payer le prix. De point de vue du trafic de greffons, l’opus se montre de plus tristement prémonitoire quant à ce que le progrès technologique autorise aujourd’hui. Les dialogues ne sont pas parfois avoisiner une certaine emphase, mais la personnalité et la l’aura naturelle de Joan Crawford font accepter la théâtralité de son personnage. Tom Bosley se montre de plus très émouvant dans on incarnation du malheureux contraint au sacrifice. La mise en scène dynamique et inventive du déjà supérieurement doué Steven Spielberg aère également le récit, tout en quelques étonnantes prouesses, comme l’opération évoquée de manière quasi onirique ou le panorama de Claudia se débattant dans sa nuit, suscitant presque la pitié. Anecdotes :
Scénario : Rod Serling Mise en scène : Barry Shear Résumé : Josef Strobe, ancien officier nazi ayant sévi à Auschwitz, est désormais réfugié en Amérique latine sous une fausse identité. Il est hanté par les fantômes de son passé et trouve comme unique réconfort la contemplation d’une des peintures du musée local. Celle-ci représente un paisible scène de pêche en forêt, dans laquelle il lui semble pouvoir pénétrer. Reconnu par un ancien déporté venu contempler un autre tableau, représentant l’horreur des camps de concentration, Stobe est désormais traqué par les chasseurs de Nazis. Il essaie de se réfugier dans son tableau, mais une cruelle déconvenue l’attend. Critique : On retrouve ici les qualités et les défauts de La Quatrième Dimension quand elle traite du Nazisme et de la solution finale, comme lors de Deaths-Head Revisited. Le récit se voit porté par la sincérité et la conviction communicative d’un Rod Serling condamnant avec véhémence cette horreur. Mais le scénario sacrifie la narration d’une histoire à cette recherche de démonstrabilité. Ce troisième volet résulte comme le plus étendu du téléfilm et toute une longue première partie se résume aux allées et venues répétitives de Strobe devant son tableau d’addiction et à des rencontres avec le rescapé des camps. On comprend que Serling ait voulu exprimer que Stobe était autant, sinon davantage, poursuivi par le souvenir de ses actes que par les personnes le traquant, mais cette itération devient fatalement fastidieuse. Par ailleurs les dialogues avec la prostituée semblent trop théâtralisés pour demeurer crédibles. De plus, si l’opus peut compter sur le talent de Richard Kiley, la mise en scène apparait longtemps moins imaginative que lors des deux premiers volets, avant de recourir à quelques clichés faciles, comme les images figées. En définitive le scenario mise trop sur l’effet final, certes absolument terrifiant. Mais camper l’action au sein d’une galerie de tableaux permet de boucler astucieusement la boucle en fin de téléfilm. Anecdotes :
Date de diffusion : 16 décembre 1970 Scénario : Douglas Heyes, d’après une nouvelle de Fritz Leiber Mise en scène : Douglas Heyes Durée : 29’55’’ Résumé : Le docteur Talmadge répond à l’invitation de son collègue et ami Max Redford, qui le reçoit dans sa clinique. Redford lui révèle l’existence de Michael Fearing, un homme ayant la faculté de somatiser aussi bien les maladies les plus diverses que la bonne santé. Redford étudie cette faculté dans le but de découvrir une panacée, mais aussi d’explorer ce qui s’étend après la mort, le pouvoir de Fearing pouvant culminer jusqu’à la résurrection. Afin de convaincre ce dernier de se prêter à ses expériences Redford, n’hésite pas à laisser se développer une idylle entre Feraing et sa propre épouse. Une expérience tourne mal et Fearing décède. Talmadge va mettre à jour une atroce vérité. Critique : Night Gallery réalise une fracassante entrée en matière, avec ce grand classique de l’épouvante télévisuelle. De fait l’anthologie débute en mobilisant la grande signature de Fritz Leiber, écrivain de Science–fiction et de Fantasy comptant parmi les plus talentueux et imaginatifs. L’opus ne fait pas appel à la verve picaresque de son célèbre Cycle des Epées, mais bien davantage à la veine horrifique de celui qui fut également l’un des proches de Lovecraft, avec lequel il entretint toute une correspondance passionnée durant les années 30. Le grand mérite de l’épisode est laisser transparaître toute l’influence du Maître de Providence sur son disciple le plus doué, grâce à plusieurs thèmes et figures de style caractéristiques : grande demeure recélant de ténébreux secrets, condamnation de l’orgueil scientifique de l’homme face aux insondables mystères de l’Inconscient et de la Mort, rôle clef du narrateur rescapé comme lien entre nous et l’Indicible (rôle ici clairement imparti à Talmadge), chute brutale et horrible (l’amateur de Lovecraft imaginera l’écriture en italiques lors de la révélation finale de l’abomination). La conclusion demeure l’une des plus effrayantes et macabres de toute l’anthologie. Douglas Heyes s’avère un adaptateur intelligent de Leiber, sachant exposer de manière ludique un présupposé relativement complexe, puis faisant savamment monter la pression jusqu’au choc dernier. Il a la grande habileté de laisser le spectateur libre d’anticiper toutes les options possibles. En outre l’opus indique d’ailleurs que Rod Serling ne sera pas l’unique scénariste talentueux à œuvrer dans la Galerie de Nuit. Douglas Heyes, qui fut l’un des grands réalisateurs de La Quatrième Dimension (avec neuf épisodes à son actif, dont The After Hours et Eye of the Beholder) excelle pareillement derrière la caméra. Il accompagne idéalement le crescendo du récit, filmant ainsi de prime abord la clinique de manière froide, avant de progressivement insérer toute une tonalité gothique à la Hammer. La distribution, Jeff Corey en tête, sait surjouer intelligemment les différents rôles. C’est notamment le cas de la jeune Louise Sorel, future figure régulière des soap-operas, qui étonne ici par une composition en roue libre, évoquant là aussi les personnages féminins si emblématiques de la Hammer. La musique de Robert prince participe puissamment à l’ambiance, en recourant notamment à l’orgue. Anecdotes :
Date de diffusion : 16 décembre 1970 Scénario : Matthew Howard (pseudonyme de Douglas Heyes) Mise en scène : John Meredyth Lucas Durée : 19’18’’ Résumé : Cédric Acton embauche Miss Wattle comme gouvernante, une vielle dame privée de toutes ressources, mais ayant un cœur d’or. Il envisage d’utiliser la magie pour échanger la personnalité de Miss Wattle avec celle de son épouse Carlotta, richissime mais acariâtre et désirant le quitter. Le sortilège fonctionne et Cédric élimine alors son épouse. Mais ses difficultés ne sont pas terminées. Critique : Cette brève histoire aura le mérite d’évoquer une situation similaire à celle de Whos Who ? aux amateurs des Avengers, d’autant que l’humour apparaît également au rendez-vous. The Housekeeper apparaît en effet comme le tout premier épisode de l’anthologie à s’aventurer dans le domaine comique, là-même où The Twilight Zone connut quelques déconvenues (comme le calamiteux Cavender is coming). L’essai est transformé, grâce à une durée autorisant malgré tout l’installation d’un vrai scénario, contrairement aux pastilles qui suivront, mais aussi par le choix de l’humour noir (y compris lors de la chute très astucieuse), en phase avec la tonalité de Night Gallery. La distribution présente aussi un vif intérêt, avec un Larry Hagman barbu et méphistophélique en diable, s’extirpant de son rôle gentillet de Jeannie de mes rêves pour roder celui de J. R., cynique, vénal et amateur de coups tordus, il y excelle déjà. Suzy Parker lui procure une opposition de charme et d’énergie, tout en faisant retrouver un visage connu de La Quatrième Dimension (Number Twelve Looks Just Like You). La mise en scène demeure simplement fonctionnelle, mais peut s’appuyer sur de forts jolis décors. Avec sa féroce drôlerie aux antipodes du macabre The Dead Man, The Housekeeper valide l’original pari de l’anthologie de proposer des épisodes composés d’histoires très diverses. Anecdotes :
Date de diffusion : 23 décembre 1970 Scénario : Hal Dresner, d’après l’une de ses nouvelles Mise en scène : Jerrold Freedman Durée : 11’03’’ Résumé : Le très riche Jacob Bauman est cloué au lit par la maladie. Son seul passe-temps est d’épier ses proches par la fenêtre, grâce à des jumelles. Il découvre ainsi que son épouse le trompe avec le chauffeur. En discutant avec sa jeune infirmière, Frances, il apprend que celle-ci est fiancée à son rival, mais aussi qu’elle est d’une jalousie maladive. Dès lors un plan diabolique lui vient à l’idée. Critique : L’astucieuse idée du scénario consiste clairement à retourner celle de Fenêtre sur cour (1954), célèbre film d’Alfred Hitchcock, en transformant l’observateur immobile en esprit diabolique. Le court espace imparti au développement de l’intrigue ne permet toutefois pas à celle-ci de réellement s’épanouir. Le plan élaboré par Bauman demeure sommaire et doit reposer sur un profil psychologique de l’infirmière bien trop pratique, idem pour le concours de circonstances. De même la mise en scène ne parvient que partiellement à animer ce huis-clos, consistant pour l’essentiel en une unique discussion entre Frances et son patient alité. Toutefois l’auteur Hal Dresner se montre habile en distillant des dialogues affutés et pétillants d’humour cynique, illustrant à la fois la malice de Bauman, mais aussi rendant très sympathique Frances, ce qui apporte encore plus d’impact au monstrueux dénouement. Le casting s’avère également parfait, avec un Joseph Wiseman très classieux et vieille école, en opposition avec une juvénile Diane Keaton, chez qui on trouve déjà la fraicheur et la vivacité d’Annie Hall. De fait l’entrain du dialogue et le contraste entre les personnages forment l’un de ces duos composant souvent le socle de plaisantes comédies hollywoodiennes… Hormis dans la Galerie de Nuit. Anecdotes :
Date de diffusion : 23 décembre 1970 Scénario : Rod Serling, d’après une nouvelle de C.M. Kornbluth Mise en scène : Jeannot Szwarc Durée : 29’35’’ Résumé : En 2098, lors d’une expérience sur les voyages dans le temps, une mallette médicale contenant de prodigieux remèdes est malencontreusement envoyée en 1971. Elle y est découverte par l’ancien médecin William Fall, que l’alcoolisme a réduit à l’état de clochard. Celui-ci entreprend de réaliser des miracles, tout en espérant retrouver son rang social passé. Mais son associé cupide ne l’entend pas de cette oreille. Critique : Grande signature des Pulps, Kornbluth fut un auteur hautement excentrique et imaginatif, ébouriffant la Science-fiction américaine des années 40 et 50, avant d’hélas décéder prématurément à l’âge de 34 ans. Rod Serling adapte intelligemment la nouvelle de Kornbluth, conservant sa fantaisie autour du thème inépuisable du déplacement temporel, ainsi que son humour grinçant, mais aussi en l’élargissant à des thématiques plus personnelles. Dans la droite lignée de La Quatrième Dimension, il élargit ainsi le texte à une considération en définitives très pessimiste sur la faculté humaine a gâcher toute don du Destin du fait de son avidité ou de son appétit de gloire. Sans même parler de son associé vénal, Fall lui même apparaît ainsi avant guide par une soif de revanche sociale que par une sincère volonté de sauver son prochain. Avec la sécheresse d’un couperet, la chute indique qu’il ne restera que cendres des œuvres humaines si nous ne parvenons pas à nous sublimer. Le segment reste aussi l’occasion d’un nouveau récital de ce caméléon surdoué de Burgess Meredith, impayable de bout en bout en clochard érudit et malicieux. Serling veille d’ailleurs judicieusement à accorder le plus d’espace possible à son complice régulier de La Quatrième Dimension, de belles retrouvailles. Anecdotes :
Date de diffusion : 23 décembre 1970 Scénario : Rod Serling Mise en scène : Allen Reisner Durée : 8’28’’ Résumé : A Houston, la NASA suit le déroulement d’une mission portant secours à des colons ne donnant plus signe de vie après leur alunissage. L’équipe constate qu’avant de périr, leurs prédécesseurs ont eu le temps construire une arme contre un ennemi inconnu. Le dispositif a la forme d’un immense piège à souris. Critique : The Nature of the Enemy constitue la première de ces très brèves vignettes humoristiques auxquelles le producteur Jack Laird accordera un grande prix. Censées être expérimentales elles devaient apporter une vraie singularité à l’anthologie par leu absurdité, mais elles révéleront le plus souvent représenter autant de pétards mouillés au sujet très mince, de plus brouillant l’image du programme auprès du public. Ici même Rod Serling apparaît singulièrement peu inspiré, contraint de délayer son argument minimaliste par des dialogues creux. Accumuler autant de trous béants dans le scénario sur une durée aussi brève relève de l’exploit. De plus l’ultime image vient concrétiser ce qui aurait dû demeurer suggéré, avec en sus l’emploi d’un effet spécial de mauvaise qualité. Le segment veut faire du neuf mais rejoint en fait l’un des poncifs des séries de Science-fiction des années 50, les animaux devenus d’une taille monstrueuse. Anecdotes :
Date de diffusion : 30 décembre 1970 Scénario : Rod Serling, d’après une nouvelle d’André Maurois Mise en scène : John Astin Durée : 25’30’’ Résumé : Elaine Latimer séjourne ans une maison de repos, car elle est préoccupée par un rêve récurrent. Elle s’y voit rouler sur une route ensoleillée, atteindre une super maison y frapper à la porte et repartir sans que personne n’ait répondu. A sa sortie, elle a la surprise de découvrir la route, puis la maison de son rêve. Un agent immobilier lui apprend qu’elle est en vente, mais aussi qu’elle a la réputation d’être hantée. Elaine l’achète immédiatement et s’y installe. Elle entrevoit qu’elle pourrait être le fantôme et entend alors quelqu’un frapper à la porte. Critique : On oublie parfois que le très respect et prolifique écrivain André Maurois, de l’Académie française, s’acoquina parfois avec le Fantastique et le Science-fiction au cours des Années trente, écrivant notamment toute une histoire du Futur où il fustigeait le culte voué à la Science. Sa nouvelle donne lieu à l’un des épisodes les plus troublants et esthétiquement aboutis de Night Gallery. Rod Serling y exploite avec maestria l’étrange et l’ambigu, afin de déstabiliser totalement le spectateur quant à ce qu’il est en train de regarder. Serling renouvelle totalement le thème archi rebattu de la maison hantée en le détournant vers un questionnement de la notion même de réalité. On ressent avec acuité qu’un piège se referme sur Elaine, sans pour autant pouvoir jamais le définir tout à fait, qu’il soit onirique, surréaliste ou psychologique. On peut songer à un enfermement dans les cycles successifs d’un rêve sans fin. Mais, là où La Quatrième Dimension avait dépeint d’inquiétants ou macabres univers oniriques (La poursuite du rêve, Peine capitale), la Galerie de Nuit pousse l’habileté, ou la perversité, jusqu’à montrer celui-ci sous des atours souriants et ensoleillés, avec une maison des plus accueillantes. Notre effroi résulte d’autant plus profond qu’il demeure diffus, sans menace immédiate sur laquelle se focaliser. Mais une lecture classiquement fantastique reste tout à fait possible, de même qu’une approche psychanalytique, selon laquelle l’être humain se hanterait lui-même, par ses obsessions et ses névroses. Au contraire d’un André Maurois concluant sa nouvelle par une explication rationnelle claire (et quelque peu emberlificotée), Rod Serling porte au paroxysme l’énigme du récit par une issue soudaine et totalement ouverte. De la sorte, à une banale histoire de maison hantée, il en privilégie une hantant longuement le spectateur lui-même. L’étonnante mise en scène de John Astin accompagne à merveille cette narration éthérée, recourant à d’habiles ralentis, un somptueuse photographie et une caméra des plus fluides. On comprend que Fellini se soit intéressé à son travail, tant on songe ici, toute proportion gradée, à Huit et demi, au protagoniste dérivant pareillement entre réel, illusion et réminiscences. L’ultime atout de l’opus réside dans l’inoubliable Joanna Pettet, évanescente et sublime, radieuse et émouvante, comme déjà hors monde. Anecdotes :
Date de diffusion : 30 décembre 1970 Scénario : Rod Serling, d’après une nouvelle de Mary E. Wilkins-Freeman (The Shadows on the Wall Mise en scène : Jeff Corey Durée : 23’34’’ Résumé : Depuis des années le Dr. Mitchell dédie sa vie à soigner sa sœur Emma, victime d’une longue maladie. Emma a été la seule héritière de la demeure et de la fortune familiales, ce qui rend Mitchell captif, ainsi que deux autres sœurs. Alors que Mitchell ne supporte plus la situation, Emma décède brusquement. Mais, après les obsèques, l’ombre d’Emma s’incruste inexplicablement sur le mur du salon. Un doute s’éveille chez les deux sœurs survivantes quant à la véritable cause du décès d’Emma. Critique : Après The House, Certain Shadows on the Wall propose une nouvelle histoire de maison hantée, ce qui vaut à leur épisode commun de bénéficier d’une véritable thématique. Toutefois, là où The House brillait par son étrangeté et son originalité, le présent segment rejoint des chemins plus balisés. L’ombre de la défunte n’apporte en définitive qu’ne variation simplement graphique au marronnier du fantôme accusateur. Si elle surprend lors de sa découverte, l’image totalement figée, ne réussit pas réellement à inquiéter et finit même par lasser tant la caméra y revient encore et toujours en guise de moteur de la mise en scène. C’est d’autant plus dommageable que le rythme du récit demeure lent. Toutefois, si le volet fantastique du segment ne convainc que modérément, il en va tout autrement du portait psychologique des personnages et de leur confrontation froide et empoisonnée. Porté par un huis clos évoquant, toutes proportions gardées, celui de Jean-Paul Sartre et par un excellente interprétation, ce déchirement d’une famille du fait de l’argent mais aussi d’une haine recuite se montre particulièrement intense. La caractérisation des personnages s’effectue avec tranchant et véracité, exprimant une théâtralité dépourvue d’emphase. Si son apparition reste brève, la prestation d’Agnès Moorehead en agonisante se montre remarquable, aux antipodes de la tonique Endora. La conclusion vaut par son ironie glaçante, apportant in fine une véritable justification à une ombre devenue suggestive. Anecdotes :
Date de diffusion : 06 janvier 1971 Scénario : Rod Serling Mise en scène : Steven Spielberg Durée : 25’57’’ Résumé : Depuis 16 ans la carrière de comique de Jackie Slatter est au point mort, se composant d’apparitions dans des cabarets de troisième zone, devant des publics qu’il laisse de marbre. Dans un bar il croise un étrange individu enturbanné, prétendant être un thaumaturge capable de réaliser des miracles. Jackie lui demande le don de faire rire et devient bientôt une vedette. Mais il va bientôt souhaiter davantage. Critique : Outre qu’il ne constitue qu’une une version supplémentaire du thème bien connu selon lequel il faut se méfier des souhaits qui pourraient se réaliser, l’épisode souffre d’être une réécriture évidente d’un épisode de La Quatrième Dimension, Je sais ce qu’il vous faut. Qui plus est la copie s’avère moins grinçant et originale que l’original (avec un énième génie remplaçant les le jeu original des artefacts, en supprimant tout mystère) et des personnages bien moins marquants. L’interprétation s’avère également moins relevée : même si Godfrey Cambridge insuffle beaucoup de sincérité à son personnage, son talent naturel réside davantage dans le stand-up. La tonalité de Série noire se voit remplacée par une tragi-comédie trop démonstrative. Demeurent quelques dialogues amusants (notamment durant la scène du bar) et l’intéressante comparaison de l’évolution du mode de vie entre la fin des années 50 et les années 70, d’autant que l’opus se montre beaucoup plus contemporain que nombre d’épisodes gothiques de l’anthologie De fait Make Me laugh résulte comme quasiment hors sujet au sein de Night Gallery. Surtout Spielberg, certes moins inspiré que lors de l’Envers du tableau, réalise des plans imaginatifs mettant en valeur le protagoniste et son rapport au public, auquel se substitue le spectateur. Le metteur en scène sait également préserver tout l’impact de la cinglante conclusion, malheureusement là aussi très similaire à celle de la première version de l’histoire. Anecdotes :
Date de diffusion : 06 janvier 1971 Scénario : Rod Serling Mise en scène : Walter Doniger Durée : 23’15’’ Résumé : Le Colonel Dittman a dédié sa vie à la chasse en Afrique. Ecœuré par la non violence, il fait venir chez lui un avoué afin de placer le jeune homme devant un choix : ou il parvient à tuer un animal, ou alors il sera déshérité. Dittman, raciste et méprisent, traite également en domestique Tom, fils d’un chef de tribu. Ce dernier va rendre conduire les évènements jusqu’à une conclusion inattendue. Critique : Le scénario de Clean Kills and Other Trophies s’avère malheureusement de ceux où Rod Serling laisse la part trop belle aux bons sentiments, sa sincérité laissant un ton prêcheur l’emporter sur son sens habituel de la narration. L’essentiel du récit se voit ainsi consacré au portrait sans nuances du Colonel, où l’auteur à la main lourde, le personnage se révélant tour à tour sanguinaire, raciste, machiste, réactionnaire, égocentrique, etc. La barque se remplit trop pour demeurer à flot, d’autant que les dialogues virent à l’emphatique. On comprend qu’a travers la chasse, Serling condamne l’addiction américaine à l’arme à feu, encore tristement d’actualité aujourd’hui, mais le réquisitoire demeure indigeste. La situation se résout ensuite quasi immédiatement, donnant au moins lieu à une image finale choc, mais largement anticipée par le spectateur. De plus la conclusion semble justifier paradoxalement la violence, voire la peine de mort. L’interprétation reste toutefois de grande qualité et les décors du salon des trophées démontrent une nouvelle fois le savoir faire des artistes de l’anthologie. Anecdotes :
Date de diffusion : 13 janvier 1971 Scénario : Rod Serling Mise en scène : Richard Benedict Durée : 9’13’’ Résumé : Pamela l’épouse acariâtre de Jonathan l’a sans cesse persécuté de ses critiques, assénées d’une voix criarde. Il finit par l’assassiner, mais, alors qu’il médite devant son cercueil, le fantôme de Pamela lui apparaît. Sa femme est plus vindicative que jamais, mais d’autres mauvaises surprises attendent Jonathan. Critique : Cette nouvelle pastille de l’anthologie se construit inévitablement sur un sujet bien mince, mais se montre nettement plus aboutie que la plupart. Rod Serling sait dévoiler progressivement la situation de Jonathan, ménagement un crescendo et un rebondissement inattendu. Les dialogues se montrent joliment féroces tout au long de cette scène de ménage très particulière. Avec peu de moyens, Richard Benedict parvient à filmer l’ensemble comme un véritable cauchemar éveillé, grâce à une photographie finement travaillée et des couleurs saturées. Ce bref segment sert également de parfait véhicule à ses interprètes. Phyllis Diller brille de son entrain et de sa voix haut perchée, justifiant avec humour le choix du titre, tandis que John Astin trouve le ton juste, loin de ses personnages excentriques coutumiers. On pourra également s’amuser d’un rôle aux antipodes de son Gomez Addams : proie du surnaturel et malheureux en ménage. Anecdotes :
Date de diffusion : 13 janvier 1971 Scénario : Rod Serling Mise en scène : Gene Levitt Durée : 20’07’’ Résumé : En 1915, l’équipage du Lusitania recueille un naufragé se trouvant à bord d’un esquif. Une énigme l’accompagne, car ce canot de sauvetage est l’un de ceux du Titanic, coulé trois ans plus tôt. Tout indique que l’homme aurait inexplicablement dérivé durant ces trois années. L’homme révèle que le Lusitania va bientôt sombrer lui aussi, touché par une torpille allemande. Mais une vérité encore plus sinistre se fait jour. Critique : Tout comme précédemment Make Me Laugh,Lone Survivor ne constitue qu’une réécriture d’un épisode de La Quatrième Dimension, en l’occurrence La Nuit du Jugement. Toutefois, au lieu d’apporter des nouveautés peu convaincantes, il demeure cette fois extrêmement fidèle à l’original, autour d’une approche similaire du mythe du Hollandais volant. La seule variation réelle apportée à la damnation du protagoniste consiste à modifier sa nature répétitive. Au lieu d’aborder sans cesse le même navire fantôme, il passe d’un bateau à l’autre, à chaque fois historiquement victime d’un naufrage. Au total cela ne change rien, ni à son devenir, ni à la conclusion du récit. Sobrement efficace, la mise en scène de Gene Levitt doit composer avec des moyens à l’évidence très faibles : décors sommaires, fumée d’ambiance réduite au strict minimum. On n’échappe pas à une impression de théâtre filmé Impossible à filmer, l’opération de récupération du canot est ainsi entièrement reconstituée par les ordres donnés par le capitaine, ce qui, pour les amateurs de marine, se transforme cependant en un intéressant documentaire sur le fonctionnement d’une passerelle de l’époque. Une nouvelle fois la musique d’ambiance de Robert Prince se montre précieuse. Tout comme La Nuit du Jugement avec le formidable Nehemiah Persoff, Lone Survivor bénéficie avec John Colcios d’un comédien suffisamment talentueux pour restituer les tourments du malheureux et insuffler une dimension réellement horrifique à l’histoire. Les quelques minutes de moins de la nouvelle version sont habilement mises à profit pour accélérer la mise en place de la situation, initialement trop longue. Mais l’impression perdure d’un doublon globalement inutile, quoique correctement réalisé. Anecdotes :
Date de diffusion : 13 janvier 1971 Scénario : Rod Serling, d’après une nouvelle d’Algernon Blackwood Mise en scène : Rudi Dorn Durée : 19’48’’ Résumé : A l’époque victorienne, le Colonel Hymber Masters retourne à Londres après un .long service accompli aux Indes. Il a la surprise de constater qu’une hideuse poupée a été expédiée à son domicile depuis Hyderabad. La gouvernante à cru qu’il s’agissait d’un cadeau envoyé par le Colonel a sa jeune nièce et pupille. Mais Marsters comprend qu’il s’agit d’un objet maudit, destiné à accomplir une vengeance, après l’exécution d’un rebelle. Sa nièce étant dangereusement subjuguée par la poupée maléfique, le Colonel se sacrifie pour la sauver, mais il réserve une surprise à l’expéditeur. Critique : Après plusieurs réécritures d’épisodes de La Quatrième Dimension, on pouvait craindre qu’il n’en aille de la sorte pour cet opus, avec le grand souvenir de Living Doll. Mais il n’en est fort heureusement rien, car ici, si Rod Serling conserve le thème de la poupée vivante et maléfique, il tourne résolument le dos au Fantastique contemporain. Il nous fait au contraire replonger dans l’époque édouardienne, où les lointaines contrées de l’Empire étaient perçues comme abritant d’obscures magies, sous la plume des auteurs du temps. Cet effroi né de l’opposition entre le rationalisme occidental et les mystères d’antiques civilisations est fidèlement reconstitué par Serling, à travers une adaptation fidèle et intelligente d’Algernon Blackwood. Cet auteur anglais, passionné par les sciences occultes, écrivit au début du XXème siècle plusieurs nouvelles dont la puissance d’évocation du Surnaturel impressionna jusqu’à Lovecraft lui-même. L’épisode renoue avec ce souffle et ce sens exacerbé de l’atmosphère, lors d’une longue et passionnante première partie. Le mystère de la poupée et de son origine se montre palpitant, et l’effroi nait par l’ombre s’étendant sur l’enfant et par une narration à travers l’œil du digne Colonel anglais, impeccablement interprété par un John Williams parfaitement dans on emploi. Le soufflé retombe légèrement quand les ressorts de l’intrigue sont dévoilés, mais l’histoire est alors presqu’achevée et sait rebondir par une chute aussi ironique qu’horrifique, l’une des images les plus effrayantes de l’anthologie. Si le manque de moyens limite la reconstitution historique, décors d’un gothique très Edouardien) et costumes s’avèrent de qualité, agrémentés par quelques inserts, il est vrai minimalistes. La poupée illustre le savoir-faire des studios, car littéralement épouvantable et suscitant immédiatement le malaise, à rebours là aussi de celle de La Quatrième Dimension. Anecdotes :
Date de diffusion : 20 janvier 1971 Scénario : Rod Serling Mise en scène : Don Taylor Durée : 40’10’’ Résumé : Alors qu’il a désormais atteint l’âge mûr, Randy Lane part à la dérive. Miné par son veuvage, il sombre dans l’alcoolisme et néglige son travail de cadre commercial, tout en s’enfermant toujours plus dans la nostalgie ses vertes années. Alors qu’il passe devant le bar où il vécu ses meilleures années, en cours de construction, il se retrouve soudainement dans les années 40, à l’époque de sa jeunesse. Dès lors il ne cesse d’osciller entre son triste présent et son heureux passé. Sa dévouée secrétaire, secrètement amoureuse de lui, parviendra-t-elle à lui faire reprendre pied dans la réalité ? Critique : L’épisode apparaît de nouveau cette saison comme une réécriture partielle d’un épisode de La Quatrième Dimension, Arrêt à Willoughby. On y trouve en effet cette fuite du protagoniste dans un univers de nostalgie, face au sinistre monde contemporain. Mais Rod Serling sait ici en partie renouveler sa thématique. A la dénonciation de l’hyper compétitivité et du matérialisme de notre société vient s’ajouter une peinture plus intimiste, celle d’un homme à l’heure des bilans, s’apercevant que les promesses de sa jeunesse n’ont pas été tenues par s a destinée (Il est vrai que l’on se rapproche alors de Souvenir d’enfance). Cette conscience cruelle du temps qui passe sans retour, bien plus présente ici, rejoint sans doute celle du propre Rod Serling, en cette nouvelle décennie, plus aspre que la précédente. Si le récit frôle parfois un certain pathos, il parvient à éviter ce piège grâce à la bouleversante composition de William Windom, qui réalise sans doute ici la performance d’acteur la plus marquante de la saison. Il suscite une véritable empathie entre le héros malheureux et le spectateur (qui sera évidemment ressentie plus fortement encore par les personnes du même âge que Randy). La relation entre ce dernier et sa touchante secrétaire, magnifique de courage et de refus d’abandonner son combat pour le sauver, apporte une émotion supplémentaire. Diana Baker lui apporte une précieuse crédibilité, sans excès préjudiciable. Cet attachement porté aux personnages permet de faire accepter le choix d’un happy ending, même si quelque peu forcé et moins audacieux que la conclusion sonore retenue dans La Quatrième Dimension. On apprécie également que l’opus évite d’employer un ton prêcheur envers l’alcoolisme, comme trop souvent dans les séries américaines, celui-ci se voyant décrit comme le symptôme d’un mal être profond et non comme un vice. Le basculement opéré entre les années 60 et 70 en passant d’un épisode à l’autre permet de comparer de manière amusante l’évolution du style de vie, tout en soulignant certaines permanences. Ainsi tous les cadres de la société sont exclusivement masculins et les secrétaires, féminines : rien n’a changé ! Vivement les années 80. Anecdotes :
Date de diffusion : 20 janvier 1971 Scénario : Rod Serling, d’après une nouvelle de Davis Grubb Mise en scène : Daryl Duke Durée : 8’56’’ Résumé : Marius Davis, ancien athlète de haut niveau, est devenu paraplégique à la suite d’un accident de voiture. Cloué sur son lit, il est obnubilé par l’idée (erronée) que sa femme Susan le trompe avec son médecin. Il développe la faculté de libérer son esprit de son corps, Il décide alors d’assassiner celui qu’il estime être son rival, tout en faisant porter le chapeau à son épouse. Mais rien ne va se passer comme prévu. Critique : Cette première saison s’achève malheureusement par une pastille minimaliste, à l’indigent argument. La chute se veut effrayante et cruellement ironique, elle s’avère surtout ridicule tant les ficelles sont grosses. La mise en scène s’appuie principalement sur des effets spéciaux déjà de second ordre à l’époque, accusant terriblement leur âge aujourd’hui. Si Jack Cassidy cabotine sans génie particulier, les seconds rôles se montrent davantage intéressants, avec la présence toujours sensuelle de Martine Beswick et une apparition fugace du regretté Martin E. Brooks en médecin. Le futur Rudy Wells des séries bioniques ne porte pas encore moustache mais se montre déjà talentueux. Le segment demeure néanmoins très dispensable, sur un thème similaire on lui préférera largement l’épisode Corps Astral des X-Files. Anecdotes :
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