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 saison 1 saison 3

Madigan

Série (1972-1973)


PRÉSENTATION DE LA SÉRIE

Madigan est une série américaine basée sur le film Police sur la ville (Madigan), tourné en 1968 par Don Siegel. La série est une création de Dean Hargrove et Roland Kibbee. Le producteur, Dean Hargrove, avait déjà travaillé sur Les règles du jeu ainsi que la version télévisée (ratée) d’Un shérif à New-York (Mc Cloud avec Dennis Weaver). En même temps que Madigan, il produisit également la seconde saison de Columbo. Il introduisit un tournage à l’étranger intéressant mais trop coûteux et la série ne put durer plus de six épisodes. 

Le détective Dan Madigan est pourtant abattu lors de la fusillade finale du film mais il ‘ressuscite’ quatre ans plus tard et il est devenu sergent. Il enquête à New-York et sur des ressortissants américains à travers toute l’Europe.

A 57 ans, Widmark accepta de tourner dans cette série, qui sera la seule dans sa longue carrière d’acteur, après avoir terminé Vanished, une production de quatre heures, qui fut son premier rôle pour la télévision. Il était néanmoins prévu à l’origine que Richard Widmark devait être le héros d’une série basée sur son second téléfilm, La dernière enquête / Brock’s Last Case, qui conte l’histoire d’un policier new-yorkais se retirant dans une ferme californienne. Il doit reprendre du service lorsqu’un indien est accusé du meurtre d’un shérif local. Ce téléfilm, qui devait servir de pilote, fut un cuisant échec pour NBC et la chaine demanda à l’acteur de reprendre le rôle de Madigan, dont le film rencontra un gros succès lors de son passage à la télévision. Widmark et Universal acceptèrent les propositions de la chaine NBC, mais l’acteur insista pour que la moitié des épisodes soit tournée en Europe.

La série fut diffusée pour la première fois du 20 septembre 1972 au 28  février 1973 sur NBC dans l’émission The NBC Wednesday Mystery Movie, en alternance avec deux autres séries, Banacek et Cool Million (série inconnue en France); elle est composée de six épisodes de 70 minutes. En France, elle fut diffusée sur la première chaine de l’ORTF en novembre/décembre 1973.

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1. ENQUÊTE À MANHATTAN
(THE MANHATTAN BEAT)



Tandis que Madigan est affublé d’un jeune policier sans expérience mais diplômé en psychologie, deux frères font régner la terreur dans le quartier. Deux styles s’opposent ; l’expérience et les méthodes rugueuses de Madigan et les théories psychologiques et sociologiques de son jeune coéquipier.

Quatre ans après le film, Madigan, heureusement toujours sous les traits de Richard Widmark, revient ; cette fois-ci sur le petit écran. Aucun lien n’est établi avec des faits ou des personnages de Police sur la ville. Cette sorte de résurrection est accompagnée d’un nouveau statut pour Madigan : il est sergent et célibataire divorcé. De toute façon, Julia Madigan n’aurait pu être interprétée par Inger Stevens, décédée en 1970. Madigan travaille dorénavant au 10ème precinct sous les ordres du capitaine Charlie Kane (homonyme du film qu’on ne verra que dans cet épisode) et la première enquête est, avant tout, une présentation du personnage et on découvre le policier dans son univers quotidien, où il est confronté avec la misère humaine et des trivialités, comme la recherche du truand amateur de hotdogs sucrés, ce qui permet néanmoins d’avoir une pointe d’humour dans cet épisode assez sombre. L’intérêt de l’‘enquête’ n’est pas l’intrigue mais la confrontation entre deux mondes opposés. Madigan est de la ‘vieille’ école et il a une vision réaliste de la société qui l’entoure et, lorsqu’il a pour partenaire Norman Fields, un jeune policier social et idéaliste, deux points de vue vont s’opposer sur fond de délinquance de deux voyous qui effraient tout un quartier.

Les frères Lakka piquent les sacs des vieilles dames dans Central Park ou les agressent dans les ascenseurs. Condamnés à une courte peine de prison, ils reviennent dans la supérette pour menacer le couple de propriétaire qui a porté plainte. Tout le quartier est sous l’emprise des deux frangins ‘siffleurs’ (avant les agressions) et personne n’accepte de témoigner après le tabassage de Mario (Maurice dans la VF !) Zelman, le gérant. Madigan a alors recours à des subterfuges pour mettre Joe, le plus dangereux des frères (comme chez les Dalton), hors service même l’espace d’une nuit. Les interpellations musclées dans une salle de billards ou un night-club ne sont pas du goût de Norman Fields, qui va jusqu’à dresser à ses parents un portait fantaisiste de Madigan correspondant plus à ses idéaux. Une séquence particulièrement cocasse car pendant que Fields déjeune avec ses parents, Madigan passe sa soirée à la cafétéria, draguant ouvertement Angèle, la serveuse, puis au cinéma (La conquête de la planète des singes est à l’affiche) et rentre chez lui boire une bière et regarder la télévision !  Finalement, tandis que Fields tente d’amadouer Tommy, l’autre frère, pour qu’il suive des cours de thérapie de groupe, Madigan épie, harcèle et attend le moindre faux-pas de Joe. Les deux policiers obtiennent de mener leur enquête séparément mais les évènements vont se précipiter et le final mouvementé sur les quais donnera raison à l’expérience du sergent Madigan. ‘Vous êtes un flic à présent, un vrai !’.

La confrontation des façons de procéder des deux policiers est la base de cet épisode, qui n’est pas palpitant d’un bout à l’autre. Il alterne les passages intéressants et les séquences statiques. Les répliques de Madigan font partie des points positifs car elles sont ‘politiquement incorrect’ et impensables dans des films ou séries contemporains où tout est dorénavant formaté. Comme Harry Callahan, Dan Madigan est un policier blasé sur le monde qui l’entoure et il n’a que le souci du bien-être des petites gens honnêtes, comme le couple de commerçants, et le plus profond mépris pour la racaille nuisible et parasitaire. Dans l’excellente séquence de l’hôpital, Janet justifie le comportement de ses frères par la pauvreté, le ghetto et les bandes de jeunes. Un discours démagogique très contemporain alors que Madigan déclare : ‘Je suis un éboueur que l’on charge de nettoyer les petites ordures de la société’. Il ajoute à Fields qu’il n’est pas payé pour chercher pourquoi les crapules font ce qu’elles font mais seulement pour les empêcher de le faire. Je mets au défi de retrouver ce genre de propos dans des œuvres contemporaines car le criminel et le voyou ont autant de droits, parfois même plus, que la victime dans la société actuelle. Les dires de Madigan cités plus haut sont exactement ce que critiquait une certaine Pauline Kael du New-Yorker, qui s’était faite un nom en 1972 en écrivant sur L’inspecteur Harry : ‘ Ce genre de film d’action a toujours recélé un potentiel fasciste, qui a fini par faire surface.’ Il est intéressant de constater que Dirty Harry fut produit entre Police sur la ville et la série car le personnage de Madigan a évolué et s’est inspiré d’une certaine façon d’Harry Callahan. Il est devenu solitaire, rebelle, marginal (scène du restau à quitte ou double), indifférent à la hiérarchie - mais Kane est son ancien coéquipier - et individualiste. Par conséquent, il est désabusé et n’a plus ses états d’âme qu’il avait dans le film quatre ans auparavant. D’ailleurs, lorsque Fields lui demande s’il aime son métier, Madigan répond par la négative précisant qu’il n’en connaît pas d’autres, et plus tard à la serveuse, il confesse qu’il fait un métier de plus en plus écœurant.

Pour autant, il ne faut pas s’y méprendre, Madigan n’est pas un policier insensible, ce qui est souligné dans le passage où il donne une bouteille de jus d’orange à la petite fille noire dont la mère vient de tuer son mari qui les battait. Madigan peut parfois aussi être borné à tort mais il est un flic fataliste et réaliste. Le personnage de Norman Fields symbolise l’opposé : il fait partie d’un programme pilote après des études de sociologie à l’université de New-York et il considère qu’il est inutile qu’un policier se serve d’une arme…Néanmoins, dans Dirty Harry et The Manhattan Beat, le policier expérimenté a eu, à chaque fois, un coéquipier novice et tendre et les idées basées sur le réalisme et la lucidité, jugées réactionnaires par certaines critiques, sont mises en évidence et prennent le dessus ; Chico Gonzales quitte la police et reprend ses études, tandis que Norman Fields, forcé d’abattre Joe Lakka pour sauver Madigan, se fait muter à la brigade des mineurs. Les idées neuves, comme la psychologie sociale, ne font pas le poids face aux vieux principes, même si ceux-ci n’apportent pas beaucoup de résultats, comme le précise Madigan, mais New-York connaissait dans les années 70 une criminalité exponentielle qu’il fallait juguler autrement que par des mots.

L’épisode se situe entre deux références du cinéma policier américain. The Marcus-Nelson Murders, pilote de la série Kojak, est centré sur une affaire qui défraya la chronique aux Etats-Unis et entraîna le vote de la loi Miranda en 1966, qui stipule que tout agent de police procédant à une arrestation doit lire ses droits au suspect appréhendé, sous peine de voir toute la procédure annulée et le suspect relaxé pour « vice de forme ». A l’opposé, L’inspecteur Harry dénonce ces lois qui ne servent qu’à protéger les criminels. The Manhattan Beat montre Madigan lire à plusieurs reprises leurs droits aux voyous qu’il arrête, mais lorsque Fields se plaint que son voleur courrait trop vite, Madigan, bien plus âgé, qui a rattrapé le sien dans les couloirs du métro, ne se prive pas de dire à son jeune coéquipier qu’il a une arme mais il le couvrira dans son rapport. 

Cet épisode vaut quatre étoiles pour le message passé mais seulement deux pour l’intrigue maintes fois vue. La première image de Widmark/Madigan, le générique, le montre marchant dans les rues de Manhattan sur une musique jazzy, introduction qu’on reverra souvent dans les différents lieux d’enquête du policier. Daniel Madigan ne pouvait pas revenir sans Richard Widmark et espérons qu’aucun scénariste en mal d’idées n’ait dans ses cartons l’ébauche d’un Madigan noir aux idées mollassonnes conformes aux idéaux actuels comme c’est le cas pour Robert McCall alias Equalizer. Tony Lo Bianco, en voyou paumé et irrécupérable, donne parfaitement la réplique à Widmark et éclipse totalement le reste de la distribution. Ronny Cox est présent mais peu crédible dans son costume clair et sa cravate trop courte, tandis que Murray Hamilton et James Sloyan font une prestation satisfaisante. Jennifer Harmon, dans un premier rôle resté sans véritable lendemain, assure une présence féminine pas désagréable mais à l’utilité limitée.

Alex March commença sa carrière de réalisateur au début des années 60 et il mit en scène, entre autres, trois épisodes de l’ultime saison des Incorruptibles. Au cours des années 60 et 70, il travailla sur de nombreuses séries renommées comme Le fugitif, Des agents très spéciaux, Kojak, Police Story, Serpico. Il réalisa également le dernier épisode de Madigan, The Park Avenue Beat. Ronny Cox (Norman Fields) n’avait joué que dans Délivrance avant ce rôle de flic ‘tendre’, mais les amateurs de séries policières reconnaitront surtout Murray Hamilton (le capitaine Charlie Kane), excellent dans quatre épisodes des Incorruptibles et  Permis de tuer des Rues de San Francisco, où il est un ancien flic, ami de Stone, qui devient détective et justicier. Tony Lo Bianco (Joe Lakka) joue aussi bien les flics que les truands (comme ici) et au cinéma, on a pu le voir dans French Connection, Serpico, Police puissance 7 et à la télévision, il est apparu dans Les rues de San Francisco et, surtout, Police Story, où il est passé de l’autre côté de la caméra tout en jouant également le rôle du détective Tony Calabrese dans cinq épisodes. Plus récemment, il participa à New York police judiciaire. Quant à James Sloyan, il faisait pratiquement ses débuts et il fut souvent cantonner dans des rôles de salopards comme le premier épisode de Kojak, Soir de terreur, l’année suivante.

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2. ENQUÊTE À HARLEM
(THE MIDTOWN BEAT)

Un jeune noir rackette mille dollars aux invités d’une réception d’un truand et ce dernier engage un tueur pour le liquider. Madigan doit retrouver le délinquant rapidement et s’octroie l’aide de la fiancée du frère du suspect pour pénétrer dans Harlem.

Sidney Balinger, un truand qui aspire à monter, donne une grande réception afin de s’attirer l’intérêt du caïd local, mais Billy Fix, un jeune garçon noir, qui travaille comme serveur, met en joue les invités pour obtenir mille dollars, ni plus ni moins, argent qui doit, en fait, servir à payer les frais d’avocat de son frère. Balinger engage un tueur, Roscoe Blue, également noir, pour éliminer ce jeune garçon qui a bafoué son honneur. Le sergent Madigan récupère l’argent et le restitue à son propriétaire mais le contrat n’est pas résilié, bien au contraire, car les tueurs ont un compte à régler avec Smokey, le frère de Billy.

La musique rythmée et le générique montrent Dan Madigan arpenter les rues de Harlem et sont en décalé avec la première séquence. Les dix premières minutes sont, en effet, consacrées à une réception mondaine et au braquage des invités, puis le sergent Madigan fait son apparition pour enquêter sur les lieux. C’est le début d’une investigation qui n’a rien d’extraordinaire. Madigan commence par une place délabrée qui sert de terrain de basket et apprend l’identité du jeune noir responsable du hold-up. Il rencontre Smokey, le frère, puis Clara, la petite amie de ce dernier. Avec l’aide de Clara, Madigan peut enquêter à Harlem, quartier particulièrement hostile aux Blancs, et localiser Billy.

Le passage que j’affectionne est justement cette ‘fouille’ de Harlem par Madigan et son guide Clara sur une musique très jazzy. Le quartier est filmé avec maestro et les personnages sont typiques ; ‘papier collant’, l’indic, et Boots, la pute : ‘Il (Billy) est chez moi. Il sort quand j’amène un client. Le p’tit sait vivre’. Pendant ce temps, les deux tueurs filent Madigan : ‘Le grand chasseur blanc va y trainer ses guêtres et tu le suivras.’ La recherche de Billy occupe tout l’épisode et verra même Madigan sortir son revolver de son étui (sans s’en servir) dans une scène où il monte les escaliers, qui rappelle un peu la séquence d’ouverture du film Police sur la ville (Madigan en VO).

Richard Widmark/Madigan est loin de monopoliser l’écran car l’enquête, après tout, n’est pas trop complexe. On peut d’ailleurs regretter cette réalisation qui fait apparaître le policier en filigranes dans la première partie de l’épisode. La part belle est donnée aux truands et à l’engagement de Roscoe et Kraft, son acolyte. Dans la seconde partie, c’est Billy Fix, le jeune garçon en cavale, qui est aux honneurs. La scène dans le dispensaire, par exemple, est assez longue et peu crédible car il aurait été dénoncé. Le final est bâclé et ne donne lieu à aucune scène mémorable ; Madigan met hors d’état de nuire Roscoe et Billy sauve un enfant d’un incendie qui tombe à pic  pour redorer le blason du jeune garçon.

Le politiquement correct n’existait pas dans les années 70 et les dialogues, en tout cas en VF, seraient adaptés de nos jours ; ainsi Balinger demande à Madigan :’Alors, vous allez l’arrêter ce nègre’ et le policier répond :’C’est pour cela que je suis payé, Monsieur Balinger’.

On ne peut pas dire que la production ait rechigné sur les extérieurs, véritable atout de cette série. Ainsi, même la réception n’est, a priori, pas tournée en studio car l’entretien entre Balinger et Cravat a lieu sur une terrasse venteuse avec un beau panorama. Le tournage dans le quartier de Harlem donne un cachet d’authenticité, jusque dans les bruits de la circulation, qu’on retrouvera dans The Marcus-Nelson Murders, téléfilm tourné un an plus tard, qui servira de pilote à la série Kojak, mais ce quartier fut également excellemment dépeint dans Les nuits rouges de Harlem en 1971, film qui donna, lui aussi, naissance à une trop courte série (Shaft, 7 épisodes). Les années 70 est la décennie de la blaxploitation dans le cinéma américain. C’est un courant culturel et social qui a revalorisé l'image des afro-américains en donnant à des acteurs de couleur des rôles dignes et de premier plan. Shaft est l’exemple dans le cinéma policier mais les séries Madigan et Kojak dépeignent aussi des rôles de noirs qui ne sont plus des faire-valoir. La scène où Smokey crache sur Madigan de sa cellule montre le ressentiment blanc/noir comme la réplique de Clara au precinct : ‘Si vous croyez que c’est si facile que ça de faire confiance à un blanc’.  

Jack Smight, le metteur en scène, décédé en 2003, a réalisé également l’épisode suivant, mais on lui doit aussi quatre épisodes de La quatrième dimension, un Columbo (Dead Weight) et au cinéma Détective privé (avec Paul Newman dans le rôle de Lew Harper), 747 en péril, La bataille de Midway. Charles Durning est le second rôle le plus en vue car son interprétation de Balinger, truand cynique, salopard et raciste, est sans reproche (il se demande même si Madigan ne va pas lui demander de faire don de l’argent aux Black Panthers !), mais celle de Monsieur Blue, tueur noir aux mœurs incertaines, est également convaincante ; c’est Nathan George, un des trois méchants de l’excellent épisode de la série Equalizer, Embuscade. Il est affublé d’un comparse au chapeau particulièrement détestable, qui est joué par Tim Pelt, disparu prématurément, à 31 ans, dans un accident de voiture.

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3. ENQUÊTE À LONDRES
(THE LONDON BEAT)

Le sergent Dan Madigan débarque à Londres pour coincer un gangster américain qui s’est réfugié dans la capitale britannique. Malgré l’élimination de son indic, le policier new-yorkais se retrouve rapidement sur la piste d’un trafic de fausse monnaie.

Dan Madigan est appelé en Angleterre pour démanteler la bande de Borden qui a échappé de justesse à la police new-yorkaise. Il compte retrouver un indicateur, Joey Chapman, mais celui-ci est liquidé par les hommes de main de Borden après que le gangster ait remarqué la disparition d’une liasse de faux billets de mille livres sterling dans son coffre. Néanmoins, il manque un billet de vingt livres, celui qu’a remis l’indic à la charmante photographe du club, qui devient un objet de convoitise pour Madigan et les truands.

C’est sûrement la série que j’ai redécouvert avec le plus d’impatience, presque quarante ans après l’avoir aperçue à sa première diffusion sur les chaines françaises, à l’époque la première chaine de l’ORTF.

Autant dire tout de suite, mon enthousiasme ne fut pas à la hauteur de mon attente et je suis resté sur ma faim. L’intrigue est somme toute banale et il y a très peu, sinon pas, de surprises tout au long de l’épisode, qui dure soixante-dix minutes. La décennie regorgeait de flics prestigieux et Madigan avait forte concurrence avec, entre autres, Mike Stone et Théo Kojak. Madigan n’a pas la personnalité du premier ni la gouaille du second, bien que rien ne peut être reproché à Richard Widmark, en fait l’attraction de l’épisode, car sans sa présence, on pourrait passer à autre-chose. La série n’a pas de générique, la musique est agréable, mais pas inoubliable, et les vues de Londres intéressantes sans échapper aux clichés avec la Tamise (premières images), Piccadilly Circus, Big Ben, Hyde Park Corner et le superbe plan de Tower Bridge filmé devant la Rolls dans le final. 

L’arrivée de Madigan devant Scotland Yard fait penser à celle de Coogan à New York (Clint Eastwood dans Un shérif à New-York)  et, à cette occasion, l’échange avec le chauffeur de taxi souligne les différences de culture entre Londres et New-York car Madigan est surpris de la politesse du conducteur ! L’épisode met en évidence les différences culturelles, ce que fera néanmoins beaucoup mieux la série Dempsey and Makepeace une décennie plus tard. C’est parfois caricatural car on ne sert que du thé à ce malheureux Madigan tout au long de l’épisode et le bobby déclare que tout le monde a le teint pâle à Londres…

D’abord relégué à un rôle de consultant (le policier américain doit laisser son arme et insigne), Madigan fait équipe avec un bobby et la scène de l’interrogatoire de Cathy, la photographe, dans la salle de jeux du Gotham Club est plutôt épique et bien faite (‘Vous êtes un véritable Sherlock Holmes anglais’). C’est la première rencontre de Madigan avec Cathy, interprétée par la ravissante Fiona Lewis, connue pour des films d’horreur. Rapidement, Madigan dévergonde son bobby et mène l’enquête qui tourne autour de la fausse monnaie. Borden veut le billet manquant et Madigan doit retrouver la fille, qui s’est évaporée, avant les tueurs. Beaucoup de bavardages et une histoire pas très originale font de cet épisode un divertissement sans prétention. La V.F. ne rehausse pas les échanges parfois fastidieux (la voix du bobby est celle de Robert Conrad) et la chasse à la bonne pharmacie est longuette mais on passe un bon moment car Richard Widmark, acteur impeccable, est excellent en Dan Madigan.

Il y a un peu d’humour (cinq heures de décalage New York/Londres pour une mise à la retraite avancée), l’admiration du policier pour le décolleté de Cathy (‘Je n’ai rien à cacher’ ‘C’est ce que je vois’) et, bien entendu, le final où Madigan règle la circulation.

Comme l’épisode précédent, Jack Smight est le metteur en scène. Pour les fans Avengers, on reconnaît Tom Adams (3 épisodes dont Noël en février), Bernard Archard (ici le commissaire, vu dans Les aigles et Double personnalité), Michael Balfour (ici l’indic, vu dans Bizarre), Arnold Diamond (Qui suis-je ??? et Brouillard), Garfield Morgan (Les marchants de peur, Jeux et Noël en février) et le truand Ralph Borden est David Bauer, le Russe de Maille à partir avec les taties

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4. ENQUÊTE À LISBONNE
(THE LISBON BEAT)

Lors d’une escale imprévue à l’aéroport de Lisbonne, Madigan tombe dans un piège et l’agression profite au prisonnier qu’il escorte. En faisant équipe avec la police portugaise pour retrouver le malfrat, Madigan est impliqué dans l’enquête de vols de camions commandités par un redoutable truand.

Assurément, cet épisode est un des meilleurs de la série, peut-être même le meilleur. Contrairement aux aventures à Harlem et Londres, l’intrigue est solide et réserve des surprises et de l’action. Si la chanson du générique peut rebuter, le téléspectateur est vite pris dans l’action par le vol du camion puis le guet-apens dans l’aéroport. Madigan ramène aux Etats-Unis un prisonnier avec lequel il est menotté, mais une jolie femme blonde réussit à persuader le policier de la suivre et l’entraine à l’écart. C’est exactement le même procédé qui est utilisé dans Un shérif à New-York (Coogan’s Bluff de Don Siegel, 1968). Lorsque Walt Coogan (Clint Eastwood), shérif de l’Arizona, est sur le point de ramener un dangereux détenu, Ringerman, il est mystifié à l’aéroport avec la complicité de la jolie Linny, l’appât. Madigan est également subjugué par la blonde Luciana, comme il l’avait été avec son coéquipier Bonaro (Harry Guardino) à la vue de la prostituée nue trouvée en compagnie du tueur Benesch dans la séquence d’ouverture du film Police sur la ville, qui donna naissance à cette série.

Coogan reste à New-York pour rattraper sa proie, Madigan en fait de même à Lisbonne, mais une histoire de trafic d’armes automatiques complique la tâche du sergent de police new-yorkais dans la capitale portugaise. La collaboration avec les forces de l’ordre locales est intéressante et les soupçons de traitrise se portent presque immédiatement sur Eduardo, le fils du colonel, au train de vie démesuré, même si l’accident, lors de la poursuite avec le camion, tend à le disculper. Contrairement aux films Coogan’s Bluff et Madigan, l’épisode n’est pas seulement une chasse à l’homme car cette histoire de vols répétés de camions d’une même société se greffe et finit par avoir plus d’importance que la capture de Jake Preesley. On découvre ainsi rapidement les agissements d’une petite organisation de voyous que tient le rusé Lyman Bleak (excellent Peter Vaughan) par un subtil chantage.

L’humour fait partie indéniablement de la réussite de l’épisode ; Dan Madigan, par exemple, concède à l’aéroport au type qu’il trimbale menotté comme un siamois qu’il l’échangerait volontiers contre la blonde, puis déclare à Eduardo qu’il n’a pas à s’inquiéter pour ses excès de vitesse car la police ne le rattrapera jamais et définit le mariage comme étant ‘une solitude à deux’. A noter que Madigan dit avoir divorcé deux fois alors qu’il est marié dans le film. L’interrogatoire de Preesley dans un commissariat portugais à la dure réputation est également un grand moment de malice. Par contre, je voudrais bien savoir à quoi correspond en VO le jeu de mots sur ‘poulet’ que fait Bleak au restaurant cossu. Le passage à ce restaurant peut sembler longuet mais il a toute son importance car il permet la première confrontation directe entre Bleak et Madigan. Peu de longueurs en définitive -peut-être lors de l’arrivée de Madigan dans la demeure aux seize chambres d’invités- ralentissent l’histoire dont le tournant se situe à l’arrestation de Preesley.

C’est justement ce passage que je préfère. La tournée des bars de la ville de Madigan coïncide avec la sortie de Vern, truand subalterne, qui quémande à Bleak un peu de fric pour que Preesley, reclus à l’intérieur de la planque, puisse, dans ses propres termes, consommer une fille sur place. Bleak a même concédé qu’il serait dangereux de le laisser en compagnie de Luciana après six mois de prison. La vie nocturne de Lisbonne n’est pas concentrée sur une grande étendue et il n’est donc pas surprenant que Madigan se retrouve au Rossio (on y reconnaît la célèbre fontaine) puis à la Praça da Figueira, où se trouvent Bleak et Luciana en terrasse d’un café (on aperçoit la statue équestre de Dom Joao I). Hésitant, le policier suit finalement le truand rabatteur puis la prostituée qui le mène directement à Preesley. Madigan cogne au passage Vern, le complice bon samaritain, y perd son chapeau mou et arrête Preesley manu militari en le redressant à coups de pieds (‘Debout salopard’), façon Harry Callahan ! Exit Preesley mais Madigan suppute que les truands sont plus intéressés par les camions que par leurs contenus et se retrouve menacé d’une arme par Eduardo qui s’est découvert. La scène finale et la fusillade à quatre est le seul souvenir qu’il me restait de la série dont cet épisode fut diffusé le 16 novembre 1973. Le sergent Madigan donne une version modifiée qui permettra au colonel de croire que son fils est mort en héros.

La ville de Lisbonne est un atout indéniable et, malgré des changements notables, j’ai reconnu dans la capitale portugaise de 1973 des charmes que j’ai constatés en 2007 et certains plans incitent véritablement au tourisme. On aperçoit le pont du 25 avril qui enjambe le Tage au début de l’épisode (lorsque le faux taxi suit le camion). La vieille ville, Alfama, est très bien filmée à l’apparition de Bleak qui emprunte les vieux escaliers et les ruelles sinueuses, si caractéristiques de ce quartier. Dans l’histoire, Bleak a l’emprise sur Alfama et ses habitants. Lisbonne est décrite dans l’épisode comme une ville sure, tout le contraire de New-York aux dires de Madigan, une des rares villes au monde où on peut sortir en laissant la porte ouverte et se promener dans les parcs et les rues en toute sécurité à toute heure de la nuit, et tout se fige de 13 à 15 heures pour déjeuner, comme le souligne Eduardo, même les truands.

Le réalisateur Boris Sagal fait un excellent travail jusque dans les détails (Bleak et Luciana dans les escaliers d’Alfama, la course de la voiture d’Eduardo dans les rues de Lisbonne…). Plus expérimenté que Jack Smight, on lui doit au cinéma Le Survivant, un de ses rares long métrages, avec Charlton Heston, adapté du roman de Richard Matheson, mais il est surtout reconnu pour son travail sur de nombreuses séries, certaines inconnues en France, de la fin des années 50 jusqu’à son décès tragique en 1981. On le voit au générique des séries La quatrième dimension, Alfred Hitchcock présente, Des agents très spéciaux, Cimarron, Le riche et le pauvre, Columbo (deux épisodes), L’homme de fer (deux épisodes aussi), comme Madigan car il réalisa également l’épisode suivant. Pour la télévision, il mit en scène Sherlock Holmes à New-York avec Roger Moore et Patrick Macnee. Il décéda de la même façon que Vic Morrow, en descendant d’un hélicoptère sur le tournage de La troisième guerre mondiale pour la télévision.

Peter Vaughan est excellent en truand cynique, arrogant, cupide mais non violent, qui évolue de capitale en capitale. Un acteur toujours sensationnel dans les rôles de méchants de séries, quelles qu’elles soient, dont, entre autres, Chapeau melon et bottes de cuir (Jaeger/Mon rêve le plus fou), Amicalement vôtre (Schubert/Un enchainement de circonstances), Thriller (Anderson/Les aveugles ont des yeux) et Sherlock Holmes (Turner/Le mystère de la vallée). Marcia Fox, la jolie Luciana, a joué dans le meilleur épisode, à mon avis, de la série Thriller (Un tombeau pour la mariée), Tom Adams (le détective Jaqueta), habitué des Avengers avec trois épisodes, était déjà présent dans Enquête à Londres, Bruce Boa (Vern) est Coltrane dans l’épisode en deux partie, L’étincelle de Mission casse-cou et Zienia Merton (la femme d’Eduardo) est Sandra dans trente-cinq épisodes de Cosmos 1999.

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5. ENQUÊTE À NAPLES
(THE NAPLES BEAT)

Madigan doit ramener de Naples un parrain américain immigré en Italie depuis longtemps. Le mafieux a de nombreuses révélations à faire sur le syndicat du crime aux Etats-Unis, mais la route du policier new-yorkais est jonchée de cadavres !

Cette enquête à Naples est une très bonne histoire, bien dans l’esprit de la mafia qui fut déjà mis en exergue dans des films sortis juste un an avant le tournage de cette aventure ; Cosa Nostra de Terence Young et surtout Le Parrain de Coppola. Si Madigan devait débarquer en Italie, autant, en effet, qu’il côtoie l’organisation du crime. On est d’ailleurs vite plongé dans l’atmosphère pesante et soupçonneuse que les nombreux films sur la mafia italienne ont propagée.

La première partie de l’épisode n’a pas de temps mort ; à l’aéroport, lors de la restitution des bagages, un passager veut se servir du téléphone et se fait assassiner devant Madigan, qui profite de la confusion pour s‘éclipser et rejoindre son contact, un chauffeur de taxi. Il ne fait pas de doute que le détective américain a bénéficié d’un concours de circonstances car il était la véritable cible de l’assassin dès son arrivée sur le sol napolitain. Décidément, les passages du sergent Dan Madigan dans les aéroports européens sont toujours très mouvementés. Sur des vues de cartes postales, Carlos, le chauffeur de taxi, conduit Madigan au port où il est pris en charge par Guido, un truand, et embarqué sur une vedette. L’accent est mis dès le début sur la réputation des mafiosi locaux lorsque Madigan déclare à Guido : ‘A quoi me servirait-t-elle ici ? (cf, son arme). Vos congénères ont l’habitude d’attaquer par derrière !’. Toutes ces précautions sont prises pour que Madigan puisse rencontrer secrètement Don Giacomo Liuzza, un mafieux notoire, qui désire rentrer au bercail, aux USA, en échange d’informations sur le réseau de drogues de New-York et du syndicat du crime américain. La destinée de sa petite-fille, Concetta, fait sortir le lion de sa tanière parce qu’il a un compte à régler avec le milieu. Peu après, Madigan récupère sa valise et essuie les sarcasmes de l’inspecteur Fontana (très bon Arnoldo Foa), malin et pas dupe car il ne croit pas aux bobards de l’Américain qui suggère qu’il est à Naples pour le tourisme.

Néanmoins, rien n’est secret dans cette partie de l’Europe car tout est basé sur la suspicion et la trahison. Carlos est vite soupçonné d’avoir vendu la mèche à Delittro (excellent Raf Vallone), le parrain local. Guido se charge de la punition et compte sur la jolie Lisa Evana, tiraillée entre les deux clans, pour pénétrer à la réception que donne Delittro dans sa demeure cossue. Exit Carlos qui est le second macchabé, et pas le dernier, depuis la venue de Madigan à Naples.

Evidement, dans un format de 70 minutes, il y a quelques longueurs et cet opus ne fait pas exception. Les explications de Liuzza pour contraindre Madigan à l’exfiltrer sur un bateau de la marine américaine sont bavardes et trop longues. Quant à la fête d’anniversaire de Delittro, elle fait inévitablement penser au mariage du Parrain, aussi bien dans sa conception que dans la durée de la séquence. Ces longs passages font incontestablement baisser le rythme prometteur du début. A défaut d’action, il y a de l’humour, dans quelques scènes avec Madigan. Ainsi, au consulat (passage en alternance avec la réception de Delittro), le policier laisse sa valise malgré l’étonnement du consul :’Je vais revenir, je viens passer la nuit ici, le canapé fera l’affaire’. Et puis, surtout, entre Madigan et Fontana. Ainsi, au café, Madigan s’étonne :’Je ne comprends rien ; je sais pourtant m’y prendre à New-York avec les serveuses.’(cf, The Manhattan Beat) et Fontana répond :’Oui, mais elle, c’est la patronne !’. L’épisode alterne les passages légers, également lorsque Madigan sème Cucci, l’adjoint débutant, et ceux beaucoup plus durs. Delittro piège Guido dans une ruelle et le convainc violemment,  en se servant de sa cravate retrouvée autour du cou de Carlos, de trahir Liuzza. ‘J’ai voulu te faire à toi aussi, un présent’. On ne reverra plus le personnage dans la seconde partie de l’épisode…

Le scénario prend un second souffle après la tentative d’assassinat sur Don Liuzza qui laisse Madigan perplexe. Les passages du petit-déjeuner de Delittro, qui finit seul à table, et de l’interrogatoire de Liuzza à l’hôpital par battements de paupières, qui relance l’intrigue, sont d’excellentes scènes intermédiaires avant un final mouvementé. Particulièrement, le cynisme de Delittro est à noter lorsqu’il apprend que Liuzza est vivant mais paralysé et incapable de bouger et parler :’Benissimo’. L’intrigue s’accélère ; non seulement l’inspecteur Fontana est révoqué et remplacé par Cucci, personnage exaspérant qui soupçonne Madigan, mais tous les fidèles du parrain repenti sont liquidés ou retournés ; Lisa est écrasée par une voiture, Guido, le fils que Liuzza aurait souhaité avoir, est transformé en passoire. Alors que Liuzza révèle à Madigan avant d’expirer que sa petite-fille a les informations convoitées, Tosca, le restaurateur et ami de longues dates, est mis sous pression par l’enlèvement de sa femme et balance à Delittro la localisation de Concetta, ancienne toxicomane cachée dans un couvent. Une course contre la montre s’engage pour Madigan, qui échappe à la police en se dissimulant derrière l’armoire de la chambre d‘hôpital, mais les complices de Delittro sont plus rapides et enlèvent la jeune femme après avoir vandalisé sa cellule. Le policier américain sollicite l’aide de Fontana, le seul appui sur lequel le sergent peut compter, pour retrouver Concetta, retenue prisonnière dans la propriété de Dilettro. Sans le secours de Madigan et Fontana qui s’introduisent dans la demeure du mafieux, la jeune femme aurait eu droit à une dose fatale après avoir donné les renseignements rassemblés sur un microfilm, qui était escamoté dans son crucifix de bonne-sœur. La fusillade dans l’obscurité laisse entrevoir un bon dénouement mais l’arrivée de Cucci gâche sérieusement le final !

Le début des années 70 est une période faste pour les films de ce genre et Liuzza évoque d’ailleurs à Madigan les tristement célèbres laboratoires de drogues marseillais, sujet des deux French Connection. Cette aventure de Madigan est dans la lignée de toutes les histoires de mafieux, qui ont souvent pour thème la trahison, et elle ne déçoit pas, malgré un milieu d’épisode un peu étiré. On retrouve toutes les caractéristiques qui font la réussite de cette trop courte série. Quelque soit l’aventure, les extérieurs embellissent et donnent un cachet authentique ; ici, Naples est bien rendu comme l’était Lisbonne à l’enquête précédente (Londres a été moins exploité à mon goût). Les acteurs sont tous convaincants même si beaucoup n’ont pas une grosse renommée internationale. L’intrigue est également intéressante et le suspense est maintenu jusqu’au bout, ce qui ne fut pas le cas dans quelques enquêtes, comme celle d’Harlem, la moins bonne à mon avis. La musique de Dick de Benedictis est agréable et souvent de circonstance, avec l’ajout de quelques airs de clavecin ou de trompette, particulièrement lorsque Tosca conseille à Madigan d’abandonner ses recherches : ‘Go home’ (dans la VF).

Comme l’épisode filmé à Lisbonne, Boris Sagal réalise le tournage de celui de Naples, avec la même qualité. Dans la distribution, principalement italienne, il faut noter, bien entendu, Raf Vallone, une star dans la péninsule dans les années 50 et il devint connu aux USA durant la décennie suivante avec des films comme Le cardinal et Nevada Smith (avec Steve McQueen). Il est déjà un mafieux dans L’or se barre (avec Michael Caine) et il est cardinal et pape dans Le parrain 3 (avec Al Pacino). Il y a aussi deux jolies femmes ; Agostina Belli (Concetta), qu’on vit aux coté de Vittorio Grassman dans Parfum de femme, et Beba Loncar (Lisa), actrice serbe, qui a surtout tourné en Italie dans des films de série B et fait la Une des journaux ‘chauds’ dont Ciné Revue et Lui, mais elle eut aussi un petit rôle dans Le corniaud (Ursula, la naturiste). Quant à Rossano Brazzi (Don Liuzza), il tourna des films et des séries en France, Allemagne, Brésil, Argentine, Espagne, Etats-Unis et Grande –Bretagne !

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6. ENQUÊTE À PARK AVENUE
(THE PARK AVENUE BEAT)

L’ancien coéquipier de Madigan, révoqué de la police après avoir abattu un voyou, est dans une situation désespérée et accepte un contrat pour éliminer le rival d’un homme d’affaires. Madigan se lance sur les traces de son collègue devenu tueur professionnel.

Le sergent Dan Madigan revient à New-York pour sa dernière enquête. Après Manhattan et Harlem, l’intrigue se passe à Park Avenue, autrefois appelée Quatrième avenue, qui est un axe s’étendant du Nord au Sud…de Manhattan. Park Avenue est une des principales artères résidentielles des classes aisées de New York et l’hôtel Barclay, dans lequel séjourne le fortuné Tyler, existe réellement, encore de nos jours. La ville de rattachement du policier est le lieu de tournage de la moitié des aventures, mais l’histoire se démarque par des aspects étranges voire incohérents avec le reste des épisodes de la série.

Pour commencer, le générique est franchement raté et pénible à regarder avec les images saccadées d’un vieux film de gangster diffusé à la télévision et un tictac de réveil horripilant. Il y avait peut-être une envie d’innover mais je préfère le schéma répétitif de Madigan marchant dans des artères noires de monde. Néanmoins, la séquence post-générique est originale et la meilleure, avec le final, de l’épisode. Max Bennerman se remémore l’action qui a conduit à son licenciement de la police. Sur le point d’appréhender un suspect, Madigan reçoit une balle et s’écroule. Son collègue se rue à la poursuite du voyou et l’abat bien qu’il ait lâché son révolver pour se rendre. La justification de Bennerman est sensée et humaine ; il a tué le fuyard pensant que Madigan était mort alors qu’il n’était en fait que blessé et qu’il fut témoin de l’acte répréhensible de son partenaire. A l’époque de Serpico, il était pourtant monnaie courante dans des situations analogues à New York de glisser une arme dans la main du malfrat pour donner le change. A part cette première scène, Richard Widmark est absent du début de l’épisode, ce qui est aussi inhabituel.

Trois années ont passé et Bennerman, au chômage, est désespéré car il ne trouve pas de travail après une dizaine d’essais. Il est aux abois mais il essaie de donner le change à Verna, sa femme, qui fait vivre le couple  grâce à son emploi de serveuse.  Le moral de Max Bennerman, au plus bas, est palpable dans cette longue scène où il attend le retour de son épouse, mais un évènement va modifier le cours de son existence. Une enveloppe contenant dix mille dollars est glissée sous sa porte et il est contacté par Albert Chaney, un homme d’affaires cupide, le méchant de l’épisode, qui veut se débarrasser de William Tyler, un ami de vingt-sept ans mais un partenaire honnête et gênant. Bennerman s’engage à abattre l’homme mais enregistre discrètement ses appels téléphoniques comme s’il voulait se fabriquer une assurance. Il ment à Verna prétextant un voyage d’affaires à Chicago mais celle-ci n’est pas dupe et joint son ancien coéquipier, Madigan, qui connaît son époux mieux que quiconque. Nous avons droit pour l’occasion à une colère de Verna qui traite Madigan de ‘sale égoïste’ qui profitait de bons petits restaurants de New-York alors que les Bennerman se serraient la ceinture. Tandis que Madigan s’appuie sur les habitudes du policier qu’était Bennerman, celui-ci entre en contact avec Chaney et part en repérages dans l’hôtel Barclay où Tyler occupe tout le quinzième étage.  

Madigan s’octroie deux jours pour récupérer Max, mais les relations d’antan ne sont plus les mêmes, car l’homme recherché n’a rien à voir avec celui côtoyé dans les forces de l’ordre. A noter que le supérieur du sergent, un lieutenant, a changé depuis la première enquête à Manhattan. Madigan retrouve facilement la trace de Bennerman; grâce à son numéro fétiche (le 6 du casier de l’aéroport) puis il rend visite à un receleur d’armes, qui le mène à Eloïse, une marchande de confiseries, que connaissaient les deux policiers. Elle ne peut s’empêcher de blâmer l’ex flic, ‘le monsieur qui prétendait donner des leçons à tout le monde’, mais procure néanmoins un Smith & Wesson à Bennerman. Sur le point de stopper son ancien collègue, les retrouvailles entre les deux hommes tournent court car Madigan s’aperçoit trop tard qu’il a sous-estimé la détermination de Max et il est assommé dans sa propre voiture. Madigan fait alors le tour des quartiers chauds de New-York et il obtient une piste décisive en tombant sur Maureen, propriétaire d’un bar et ancienne prostituée, qui a toujours eu un faible pour Max Bennerman. La fin est surprenante parce qu’on n’imagine pas que Bennerman puisse accomplir son contrat mais, qu’au contraire, Madigan pourra l’arrêter à temps. Le policier découvre effectivement la planque et la cible mais Tyler est têtu et se fait abattre. Le final est palpitant avec la longue poursuite dans les escaliers de l’hôtel puis en taxi sur une excellente musique. Lors de la fusillade, Bennerman, mortellement touché, abat Lido qui allait tirer sur Madigan : ‘Pourtant, j’étais un type bien, n’est-ce pas, Dan ?’. Grâce aux enregistrements de Max, Chaney est cueilli dans son bureau sans résistance.

Les points noirs de cet épisode sont les longs entretiens, entre Chaney et son subalterne, Joe Lido, qui coupent le rythme des recherches de Madigan et des préparations de Bennerman, qui épie sa proie d’une planque en face de l’hôtel. Lido devient gourmand et exerce un chantage sur son patron. Il se propose d’abattre ce tueur engagé mais potentiellement dangereux contre un partage de l’entreprise. Chaney est pris au piège et accepte les propositions de l’opportuniste. Madigan cerne rapidement les points de chute de son ex-collègue et les passages Chaney/Lido et certaines autres scènes meublent considérablement la platitude du scénario. Par exemple, les adieux de Max à sa femme, qui se justifie en refusant d’être un de ces policiers qui portent leur insigne comme des nabots, qui veulent se grandir, portent des talons hauts, ainsi que les élucubrations de la vendeuse de journaux de l’hôtel.

Cet opus n’est pas le meilleur, loin de là, et cela est dû également à deux autres facteurs, dont un strictement personnel. Madigan doit, cette fois, retrouver son ancien collègue devenu tueur professionnel mais la cohérence du scénario ne tient pas. On imagine, en effet, assez mal un sergent de police décréter auprès de sa hiérarchie qu’il s’accorde deux jours de congé maladie pour une affaire personnelle. L’arrêt de la série est peut-être dû à cela : un officier de police a des obligations et des devoirs et la teneur des scénarii aurait tendance à s’éloigner beaucoup trop du concept initial. Certes, Madigan est passé d’inspecteur dans le film à sergent dans la série mais il existe des impondérables difficilement transgressables pour un policier. On peut l’envoyer à Londres ou Naples pour retrouver un concitoyen américain ou transférer un prisonnier par Lisbonne mais le transformer en détective privé est beaucoup plus délicat et aléatoire. Si on ajoute le coût élevé du tournage, on peut penser que Madigan ne fut pas rentable pour NBC le mercredi, car pour la saison suivante, des trois séries proposées à ce créneau, il ne restait plus que Banacek, en rotation avec des nouvelles productions, qui ne seront jamais diffusées en France.

Le second facteur, peut-être anecdotique, est l’aspect de Madigan/Richard Widmark. Je trouve que l’acteur a vieilli par rapport aux autres épisodes et,  surtout, qu’il est beaucoup moins bien habillé. Il a une espèce de trench-coat avec une ceinture qui le boudine, un pantalon à la longueur incertaine et une paire de godillots crottés ; rien à voir avec la tenue élégante de l’épisode de Naples par exemple. Dès la scène d’ouverture, dans le flash-back, Madigan est en planque avec Bennerman et il est fringué comme Baretta avec un pull-over orange, que je ne me servirais même pas pour jardiner ! C’est peut-être un détail mais ça choque car cela ne colle pas au personnage du film et du reste de la série qui est toujours tiré à quatre épingles. De plus, Madigan agit seul dans la série et les scénaristes ont attendu le dernier épisode pour l’affubler d’un partenaire comme dans le film. C’est assez incohérent même si l’action est censée se passer trois années auparavant.

L’idée de départ est intéressante et montre comment un flic, aux multiples distinctions, peut rapidement dégringoler et se retrouver obligé à passer de l’autre coté, surtout dans le très bon début d’épisode qui dépeint une déchéance plausible. Madigan a une dette envers cet ami et collègue, qui a tué pour le venger, mais il ne pourra l’honorer, car c’est au contraire Bennerman qui lui sauvera la vie dans le final palpitant. Bennerman a mis sa carrière en l’air par admiration pour Madigan et les conséquences de ce geste furent une spirale incontrôlable. Entre l’entame et le dénouement, l’enquête est somme toute banale et aisée et pas très captivante, ce qui engendre de nombreuses scènes bouche-trous et une présence de Madigan/Widmark limitée.

Les répliques de Madigan font encore parti des ‘bonbons’ de l’épisode. Après avoir mis Augie hors d’état de nuire, il donne quelques billets du receleur à la blonde aux formes généreuses (Lee Meredith, une bombe sexuelle de l’époque) et lui dit : ‘Tenez, fourrez ça dans votre soutien-gorge s’il y a encore de la place’ puis à Maureen : ‘Vous rajeunissez, vous dissimulez rudement bien votre kilométrage’.

Alex March avait mis en scène le premier épisode de la série, The Manhattan Beat, et il réalise celui-ci, le dernier tourné également à New-York. Les visages des acteurs de cet épisode nous sont plus familiers, car américains et déjà vus dans d’autres séries ou au cinéma. Charles Cioffi (Albert Chaney) est un habitué des films et séries policiers. Il a commencé sa carrière au cinéma en 1971 (Klute, Shaft ) mais il fut très présent à la télévision : Cannon, Matt Helm, Kojak, Hawaii Police d’État (quatre épisodes), Columbo, Les rues de San Francisco. Il est le major Caldwell, supérieur de Webster/Robert Conrad, dans L’homme de Vienne et le lieutenant Kramer dans la série Equalizer. John Larch (Max Bennerman), aux faux airs de Leslie Nielsen, a joué dans deux épisodes des Incorruptibles et il est le chef de la police dans L’inspecteur Harry entre autres. Val Avery (Augie, le receleur dans une courte scène) a eu son nom à de nombreux génériques depuis le début des années 50, dont deux épisodes, lui aussi, des Incorruptibles, et beaucoup de rôles, parfois très courts dans de nombreux films et séries. Citons, à la télévision (dans le domaine policier) L’homme de fer, Shaft, Kojak, Cannon, Mannix, Police Story, Columbo et au cinéma ; Les sept mercenaires, Nevada Smith, Le dossier Anderson, Papillon, Le flic ricanant, Meurtre d’un bookmaker chinois, L’antigang, Donnie Brascoe. Lois Markle fait une courte, mais remarquée, apparition en Maureen, ancienne prostituée éprise de Bennerman.  Absente pendant de longues décennies au petit comme au grand écran, elle fut consacrée au théâtre. Quant à Lee Meredith, c’est dans un autre domaine qu’elle doit son peu de notoriété. Elle a fait quelques courtes apparitions dans diverses productions mettant sa plastique en évidence (Les producteurs est la plus connue). Il était intéressant de tourner avec elle car Lee se vantait de coucher avec tous ses partenaires à l’écran et d’avoir épuisé le Kamasoutra en quelques semaines…Pour terminer, je suis persuadé que le chauffeur de taxi est un des deux tueurs de la fameuse poursuite de Bullitt mais impossible d’y mettre un nom car il ne figure pas au générique !

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Images capturées par Denis Chauvet.