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PrésentationPrésentation

La Brigade des Maléfices

Guide des épisodes 


1. LES DISPARUS DE RAMBOUILLET




Résumé :

Plusieurs hommes mariés disparaissent inexplicablement non loin de Rambouillet, autour du lieu-dit de la Mare aux Fées. Malgré le recours à la police scientifique et à l’informatique, l’enquête de Muselier piétine. Le témoignage du braconnier Garou, évoquant des Fées, incite le Commissaire Principal à demander l’intervention de Paumier, ce que ce dernier avait depuis longtemps prévu. Ses investigations l’amènent  à s’intéresser au pho-tographe Henri Lancelot, qui à découvert que les Fées sont visibles sur les photographies et les films. Paumier intervient trop tard pour empêcher Lancelot de basculer dans la Féérie, en suivant la surnaturellement belle Rosalinde. Mais il est en mesure de rassurer le Com-missaire Principal : dans quelques semaines les maris seront de retour auprès de leurs épouses, quelque peu penauds…

Critique :

D’entrée on s’amuse de constater à quel point la convergence entre les X-Files et La Brigade des Maléfices se confirme. La série de l’ORTF renoue avec le procédé de la scène pré générique, également bien connu des amateurs des Avengers. Evidemment aucune mort n’est ici à déplorer, mais une simple disparition, que l’on devine d’emblée temporaire : la série installe déjà un ton léger. Tout comme Fox Mulder, Paumier se crée un bureau à son image. Mais l’on pénètre ici dans la fantaisie, avec les combles du Quai des Orfèvres transformées en une véritable caverne d’Ali Baba, capharnaüm de colifichets ésotériques et laboratoire d’alchimiste. Outre la surprise, le décor vaut aussi pour ce qu’il révèle du vétéran maître des lieux (qui y trône en peignoir) : on sent bien que chaque objet témoigne d’une aventure passée.

Ce pilote, qui présente le mérite d’entrer directement dans l’action, vaut d’ailleurs pour sa savoureuse présentation des personnages, tous impeccablement interprétés. L’esprit enthousiaste et perçant, de Paumier séduit d’emblée, d’autant qu’il s’accompagne d’un humour feutré mais goguenard envers ses supérieurs (là aussi Mulder apprécierait). Le duo formé avec le fidèle Albert, nettement plus prosaïque mais débrouillard en diable, n’est pas sans évoquer celui formé par Arsène Lupin et Grognard. Les auteurs se font plaisir avec Muselier, parfait cuistre n’ayant que l’informatique  comme solution aux problèmes posés, et dont l’acidité envers Paumier dissimule mal la petitesse d’esprit. La causticité du trait fait souvent rire. Plus ambivalent est le Commissaire Principal, lui aussi sceptique par nature, désireux de préserver les formes, mais aussi  de trouver la vérité, aussi étonnante soit-elle.

Certes, apprécier le récit demande d’accepter le tempo des séries d’alors, considérablement plus lent que celles d’aujourd’hui et n’hésitant pas à commettre régulièrement des  digressions. Mais celles du jour se justifient pleinement, que cela soit pour laisser les comédiens exprimer pleinement leur personnage (notamment le pittoresque Roger Riffard en braconnier, un régal) ou tirer le meilleur parti des localisations, dont le superbe site de la Mare aux Fées, réellement féérique. Certains à-côtés séduisent également, comme cette scène de camping au sein de la France des années 70, qui fait immédiatement rejaillir de nombreux souvenirs aux spectateurs ayant  eu le plaisir d’y passer leur enfance (ha, cette glacière).

Le manque de moyens résulte également criant, mais la réalisation se montre astucieuse,  optimisant le potentiel de la Mare aux Fées et parvenant à rendre étrange l’apparition de la Fée Rosalinde sur la photographie. Le clou de spectacle demeure sans doute le film de Lancelot, caméra subjective (quasiment à la Blair Witch Project), couleur sépia et apparitions évanescente de Sylvie Fennec font soudain pleinement émerger le Fantastique. L’effet est saisissant. L’opus accorde un grand soin à sa musique, souvent évocatrice. Le récit soigne également son volet policier autour des figures imposées du genre (Muselier se montre ici utile), tout en ménageant un beau suspense quant au pot aux roses.

La véritable raison de la « capture » des hommes par les Fées ne se verra jamais explicitement énoncée, mais la lueur polissonne  dans l’œil  d’un Paumier évoquant leur prochain retour sur la pointe des pieds ne trompe guère. La souriante ultime scène, toute en non-dits  (les messieurs trouvant prétexte à retourner auprès de la Mare et leurs compagnes ne les quittant pas d’une semelle), conclue idéalement ce malicieux vaudeville entre deux mondes. La Brigade des Maléfices prouve ici que le Fantastique n’a pas besoin de l’épouvante pour s’affirmer et qu’un  happy-end peut conclure efficacement un récit, pour peu qu’il ne soit pas niais. Un épisode euphorique.

Infos supplémentaires: 

  • Léo Campion (Paumier), à la fois proche de l’anarchie et de la franc-maçonnerie, connut une carrière aux multiples facettes. Il fut ainsi acteur, chansonnier, caricaturiste, essayiste (Le Drapeau noir, l'Équerre et le Compas), humoriste… Héritier d’Alfred Jarry, il fut également Régent de l'Institut de Pataphysique et Grand Maître de la Confrérie des Chevaliers du Taste Fesses ! Ami de Pierre Dac, Campion  fut l’une des grandes figures du Caveau de la République et de Signé Furax. Grand résistant, il reçut la Croix de Guerre à la Libération. Son activité itinérante de chansonnier lui permit de transporter de nombreux messages pour la Résistance.

  • Jacques François (le Commissaire Principal), décédé en 2003, fut l’un des grands seconds rôles du cinéma français, jouant de nombreux personnages issus de la grande société. Il connut également une très belle carrière au théâtre et fut la voix française de Grégory Peck. Enthousiasmé par le rôle, il joua gratuitement le pharmacien du Père Noël est une ordure (1982), film au budget très modeste. La Croix de Guerre lui fut également décernée : officier apprécié de Weygand, il participa à la libération du territoire.

  • Roger Riffard (Garou) fut acteur, chansonnier et romancier. Il fut un ami proche de George Brassens, dont il assura souvent la première partie des spectacles. Tous les deux moururent le même jour, le 28 octobre 1981.

  • Virginie Vignon (Musidora) fut une vedette du cinéma érotique au début des années 70, avant de réussir une belle carrière à la télévision, notamment dans La Dame de Monsoreau, Les Faucheurs de marguerites, Les Brigades du Tigre ou Les Cordier, juge et flic, etc.

  • Sylvie Fennec (la Fée Rosalinde) fut un mannequin (représentant notamment la marque Monsavon durant des années) et une actrice surtout présente à l’écran durant les années 70 et 80 (Mon ami Gaylord, Châteauvallon). Elle devint ensuite productrice et conceptrice de décors de cinéma.

  • Le grade de Muselier paraît incertain : il est cité comme commissaire au générique, mais les dialogues l’établissent comme inspecteur.

  • La une de France Soir lue par Paumier porte le titre : Chaban-Delmas accuse Servan-Schreiber d’être un faussaire. Cela fait référence à une législative partielle de 1970, ou le patron de presse radical, fondateur de l’Express, s’en vint défier le Premier Ministre gaulliste dans sa bonne ville de Bordeaux. JJSS usa de toute sa puissance médiatique pour tenter d’abattre Chaban, selon des méthodes qu’il avait étudiées aux Etats Unis, mais fut très largement battu. L’évènement est encore proche pour le spectateur d’alors, l’épisode étant diffusé en 1971.

  • Le récit comporte plusieurs clins d’œil au mythe arthurien et à la tradition celtique, notamment autour du Royaume de Féérie, auquel donne accès certains lieux, pierres ou lacs. Certains mortels imprudents s’y égaraient parfois. Le photographe se nomme Jacques Lancelot, une référence au Chevalier de la Table ronde, qui fut enlevé puis éduqué par la Dame du Lac, la Fée Viviane, afin de le mettre à l’abri de ses ennemis.

  • L’apparition de fées sur des photographies fait référence à la fameuse Affaire des Fées de Cottingley. Cinq photographies représentant prétendument des fées furent prises près de Bradford, dans la région du Yorkshire, en 1917 et 1920. L’avènement passionna le public mais aussi Conan Doyle, passionné de spiritisme. Il écrivit un livre à ce sujet, The Coming of the Fairies. Les deux auteures des photographies n’admirent qu’en 1983 qu’il s’agissait d’un canular, opéré avec des figurines en carton. Les Fées de Cottingley sont entrées dans la culture populaire anglaise, la série de la BBC Torchwood y fait allusion dans l’épisode Petits Mondes (2006).

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2. LA SEPTIÈME CHAÎNE


Résumé :

Un homme tue brusquement son épouse, ce que Muselier estime du à un coup de folie. Le quidam prétend en effet que sa femme le trompait avec le héros d’une série télévisée diffusée sur l’imaginaire »Septième chaîne »! Mais Paumier a observé d’autres cas semblables. Lui et Albert découvrent que le mystérieux Diablevert, loueur de téléviseurs, est le metteur en scène de la série télévisée. Celle-ci est conçue de façon à exciter graduellement  la jalousie du mari, Diablevert observant le couple à travers le téléviseur ! Le jeune couple Tourmalon est désormais visé, la Brigade intervenant  juste à temps pour éviter un nouveau meurtre. Mais Diablevert disparait inexplicablement, ce qui ne surprend pas outre mesure Paumier…

Critique :

On pourra reprocher à l’épisode plusieurs digressions moins fécondes que lors des Disparus de Rambouillet, notamment lors des vas-et-viens inutilement détaillés du Commissaire Principal, entre Paumier et Muselier. Si le personnage du vaillant et loyal Albert demeure attachant, les diverses identités d’emprunt qu’il revêt se veulent humoristiques, mais tombent régulièrement à plat. Marc Lamole est un acteur éminemment sympathique, mais il n’a pas la faconde d’un Georges Descrières. On demeure également frustré par la totale absence de confrontation entre Diablevert et Paumier, aussi bien qu’entre leurs interprètes.

Le scénario apparaît néanmoins comme une vraie réussite. Le  volet policier demeure conséquent, les grandes étapes de l’enquête de Paumier (infiltrations, confrontations, interrogatoires, recherches documentaires…) fleurant bon le classicisme de bon aloi. Toute violence se voit rejetée, y compris lors de la fameuse scène pré générique où le meurtre se voit seulement évoqué, de plus contrebalancé par l’humour des concierges. L’intrigue joue habilement du suspense, on se prend réellement d’inquiétude pour les Tourmelon. De fait la répétitivité du processus de conditionnement, loin de se révéler fastidieuse, aura apporté une vraie valeur émotionnelle à ce couple de Français moyens, pour lequel le réel se mue progressivement en cauchemar. Annie Sinigalia nous touche  en cible émouvante.

Par ailleurs, la satire du pouvoir d’influence de la télévision se montre ici digne d’un mordant pamphlet. Les auteurs saisissent pleinement l’ampleur du péril, en cette époque où l’ORTF est sous la tutelle complète du pouvoir politique et du Ministère de l’information (Chaban va bientôt timidement libéraliser un dispositif devenu suffoquant). Sous cette optique, le recours au Fantastique devient, comme souvent, un habile moyen de contourner la censure. Les auteurs savent minorer le pouvoir de Diablevert, rendant responsables de la manipulation les facultés de l’Etrange Lucarne, et non les siennes propres. Avec Diablevert assistant en direct, via le téléviseur, à ce qu’il advient chez les Tourmelon, le récit devient même prophétique en notre époque où publicités et mesures d’audiences apparaissent toujours plus invasives.

Un budget toujours dérisoire n’empêche pas le scénario de se montrer fort  ludique lors des rencontres entre les deux réalités (celle des Tourmelon et celle de la série télé). A la jonction des deux univers, Diablevert pétille de malice en devenant un metteur en scène n’étant pas évoquer le Z Z. von Schnerk des Avengers. Pierre Brasseur flamboie en cabotinant en diable, brise le quatrième mur dès il le désire  et émerveille véritablement par l’infinie richesse de sa voix. Quel talent, et quel métier ! Au-delà de son aura méphistophélique, le Fantastique se mâtine de Science-fiction, avec un léger volet technique autour du téléviseur. Dès lors, il n’y a plus qu’un pas pour transposer l’intrigue au sein de Chapeau Melon, série ayant admirablement abordé le cinéma, mais guère la télévision.

Si l’opus se montre d’une grande modernité sur le fond, sur la forme il revêt une agréable saveur de madeleine, en nous replongeant dans ce paradis perdu que fut la France des années 70. On avouera se régaler sans retenue aucune de ce plaisir que, bien entendu, les séries historiques populaires de l’époque, comme Arsène Lupin ou Les Brigades du Tigre, ne peuvent pas offrir. On adore retrouver les téléviseurs (encore souvent loués), les vêtements, les meubles, les ustensiles de cuisine de notre enfance, avec un réalisme que les recréations ne peuvent qu’approcher. Les dialogues évoquent judicieusement l’irruption de l’électroménager au sein des ménages. Le sommet du genre réside sans doute dans les papiers peints des 70’s, assez ultimes dans leur genre !

Mais cette approche devient également sociologique, car si la diabolique astuce de Diablevert fonctionne aussi pleinement, c’est aussi parce que mari et femme sont bien davantage corsetés dans leurs rôles respectifs qu’aujourd’hui. Là aussi le récit nous commente en non-dit que la femme au foyer est enfermée dans un schéma, mais également  le mari pourvoyeur. Il sollicite une nouvelle fois la réaction du spectateur.

Le valeureux Albert interrompt juste à temps la subjugation cathodique des Tourmelon, en s’adressant à eux via la télévision. Une heureuse conclusion pour cet épisode une nouvelle fois de grande qualité. Après le thème sous-jacent assez vert pour l’époque des Disparus de Rambouillet, le message libertaire de La septième chaîne laisse toutefois déjà envisager que La Brigade des Maléfices ne va pas prendre racine au sein de l’ORTF pompidolienne ! 

Infos supplémentaires: 

  • Jean-Claude Balard (Muselier) travailla avant tout pour le théâtre et le doublage. Parmi de nombreuses voix de dessin animé, il fut notamment celle de Mendoza dans Les mystérieuses Cités d’or.

  • Marc Lamole (Albert) fut un acteur très présent à l’écran durant les années 60 et 70. Il participe notamment aux séries Les Brigades du Tigre, Les Saintes Chéries, Médecins de nuit, les cinq dernières minutes

  • Pierre Brasseur (Diablevert), membre d’une grande famille de comédiens et père de Claude, fut l’une des gloires du cinéma français d’après guerre (Les enfants du paradis, Les grandes familles, Les Portes de la Nuit, La pocharde…). Pierre Brasseur connut également une grande carrière au théâtre et fut une figure du groupe des Surréalistes. Il devait décéder quelques mois après la diffusion de l’épisode, en 1972. Il participe également à l’épisode La Créature.

  • Annie Sinigalia (Marie Tourmelon) est avant tout une comédienne de théâtre, mais elle tint plusieurs rôles à la télévision durant les années 60 et 70 (Les Dames de la Côte, Les enquêtes du Commissaire Maigret, Corsaires et Flibustiers…).Elle fut également une pensionnaire régulière d’Au théâtre ce soir. Importante doubleuse, elle est notamment la voix française de Meryl Streep et de Cybill Shepherd.

  • Du fait de l’enquête, Muselier rate un épisode de sa série préférée, on en entend que la musique de fin. Il s’agit évidemment de celle de La Brigade des Maléfices ! Toutefois les dialogues apprennent que Muselier regarde la première chaîne de l’ORTF, alors que la Brigade fut finalement diffusée sur la deuxième.

  • Le téléviseur de Diablevert est encore en noir  et blanc. Les années 70 vont voir  progressivement s’installer la prédominance du téléviseur couleurs.

  • La Septième chaîne relève évidemment de l’insolite pour le téléspectateur de 1971, car seules sont alors présentes les deux premières chaînes de l’ORTF. La troisième sera lancée l’année suivante. Il faudra attendre 1986 pour que survienne La Sept, qui devait devenir Arte en 1993.

  • Le nom de Septième Chaîne interpelle Paumier, du fait de la tradition ésotérique du chiffre 7. Celle-ci existe bien, désignée sous l’appellation générique de septenaire, au sein de la symbolique des nombres. Présente dans se nombreuses cultures antiques, elle se retrouve encore de nos jours : les sept jours de la Genèse et de la semaine, les sept merveilles du monde, les sept notes de musique…

  • Quand les livreurs apportent sa télévision à Paumier, on voit que l’immeuble porte le numéro 36. Il s’agit évidemment du célèbre 36, Quai des Orfèvres, où se situent les services de la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris (depuis 1913 et jusqu’en 2017). Toutefois le bâtiment est de fantaisie. 

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3. VOIR VÉNUS ET MOURIR


Résumé :

Le départ d’une fusée vers Vénus frappe les esprits, ce qui donne une idée à Adonis, ingénieux escroc. Il fonde une agence de voyages, Vacances sidérales, promettant des séjours dans  des centres de loisirs bientôt construits  sur Vénus ! Irrités par ce tapage, les Vénusiens envoient une ambassadrice, Vénusine, se plaindre à la police. Cette sublime ondine apparaît dans un lac du Bois de Boulogne mais Muselier la prend pour une folle et Paumier lui conseille de s’infiltrer incognito dans l’agence. Adonis l’engage en la faisant passer pour une très attractive Vénusienne auprès de gogos très pressés de découvrir ses concitoyennes ! Elle se lie au jeune Jérôme, astronome sincère dupé par Alexis et repart avec lui sur Vénus,  après avoir fait tomber l’escroc avec l’aide de Paumier.

Critique :

Cette charmante fable, constamment irriguée par des dialogues pétillants d’humour, relève judicieusement bien davantage du Merveilleux que d’un récit de Science-fiction classique. Cela correspond nettement mieux à l’esprit de la série et permet de développer une agréable fantaisie poétique, purement française, à la Prévert. Bénéficiant du joli décor, tellement années 70, de l’agence Vacances sidérales, l’épisode va par ailleurs compter sur l’apport providentiel de deux magnifiques comédiens, Anny Duperey et Philipe Clay, idéalement dans leur emploi.

Ici d’une étonnante blondeur, la très jeune  Anny Duperey apporte un charme diaphane, mais aussi une indéniable présence à Vénusine. La qualité de sa prestation porte le sceau d’une grande comédienne en devenir, car elle s’avère parfaite dans l’expression  de l’exotisme éthéré mais aussi de l’aplomb caractérisant cette aussi singulière qu’irrésistible visiteuse. On est séduit par son caractère malicieux et bien trempé. Ses suggestives évocations de Vénus, à la fois si proche et si différente, où règnent l’amour courtois et les doux serments, pimentent agréablement les dialogues. Cela ne l’empêche pas d’être très directe et volontaire, un alliage réussi. A l’instar du malheureux mais vaillant Albert, Il s’avère positivement impossible de ne pas tomber amoureux de Vénusine, car l’on ne niera pas qu’Anny Duperey lui apporte aussi toute sa beauté, sa sveltesse, son élégance naturelle, son timbre avenant, ses yeux immenses ou se mire l’océan de la Vénus des rêves.

 A cette apparition angélique se confronte un diable gouailleur et tonique, au boniment et à la vitalité irrésistibles. Philippe Clay apporte toute sa gouaille parigote et son pittoresque à l’immoral mais industrieux Alexis. Certes  ce dernier reste un escroc fini, mais l’on ne peut s’empêcher d’admirer son brio et son imagination, d’autant que ses pigeons ne prêtent guère, à la pitié, bourgeois libidineux et hypocrites (excellent André Badin). L’abattage de Clay constitue l’autre pilier de l’opus, d’autant que la quarantaine n’enlève rien à son charme et à son énergie.

Dès lors, le récit revêt la forme d’un prenant duel relevant du meilleur vaudeville, où la biche triomphe du loup en le prenant à son propre piège. Tout ceci demeure une comédie, on se doute bien qu’Alexis ne tardera guère à pouvoir de nouveau contempler Vénus à la nuit tombée. Comme souvent, La Brigade des Maléfices développe également un sous-texte pas piqué des vers, car la petite entreprise d’Alexis se voit aussi comme une satire d’un Club Med dont le succès des villages doit davantage aux diverses libertés qu’ils procurent qu’aux découvertes culturelles.

Face à un tel duo, les auteurs ont l’intelligence de mettre leur protagoniste relativement en retrait. De fait, Paumier et le dévoué Albert interviennent moins qu’à l’ordinaire, Vénusine n’ayant guère besoin d’assistance, en parfait contrepoint du cliché de la damoiselle en détresse. Mais Léo Campion  a néanmoins l’occasion d’exprimer sa fantaisie par le charmant tableau qu’il dresse des Ondines de la lointaine Vénus et de l’eau comme fluide reliant les mondes. On lui doit d’éviter l’écueil d’une Science-fiction ici hors sujet. Alors que l’on s’amuse à constater les similitudes de la série avec les X-Files, Paumier diverge ici de Fox Mulder, car n’ayant rien d’un croisé tourmenté de la révélation de la vie extra-terrestre. Serein et affable, son objectif est de faire simplement le bien, accueillant  avec une philosophie apaisée le scepticisme environnant, tout en prenant plaisir à asticoter Muselier, qui le lui rend bien !

A son tour prise au piège des sentiments, en nous quittant la belle Vénusine emmène avec elle le jeune Jérôme, parfait épilogue romantique d’un épisode joyeux et aérien, évoquant l’amour comme universelle attraction passant outre les différences entre les mondes. Les amateurs des Avengers se plairont également à constater quelques similitudes avec Bons Baisers de Vénus.

Infos supplémentaires: 

  • Philipe Clay (Adonis), décédé en 2007, fut un acteur et un chanteur très populaire, notamment pour sa gouaille très parisienne. Il se fit connaître durant les années 50, dans les caves de St-Germain des Près, où il se lia d’amitié avec Boris Vian et Serge Gainsbourg, avec lequel il chantera plusieurs fois en duo. Il devient par la suite l’un des piliers de l’Olympia. Son talent humoristique lui valut plusieurs succès au cinéma (French Cancan) et à la télévision, où il est également l’interprète de la Complainte des Apaches, la chanson des Brigades du Tigre.

  • Anny Duperey (Vénusine), ici seulement âgée de 24 ans, est à l’orée d’une très belle carrière d’actrice, au cinéma et à télévision (Une famille formidable), comme au théâtre. En 1971, elle n’a encore accédé à la célébrité que vont bientôt lui apporter des films comme Stavisky (1974) ou Un éléphant ça trompe énormément (1977). Celle qui fut la compagne du regretté Bernard Giraudeau est également une romancière à succès. Elle est ici créditée comme « Annie Duperey ».

  • Le journaliste commentant le lancement de la fusée à la télévision est Jean-Pierre Chapel, qui joue son propre rôle. Entré à la RTF au début des années 60, il va devenir le journaliste de l’ORTF spécialiste de l’Espace. Le 20 juillet 1969, il assure le commentaire français des premiers pas sur la Lune. Passionné de moto, il participe active au lancement du magazine Auto-moto (1975) et de la course Paris-Dakar.

  • Atteignant 71 minutes, l’épisode est le plus long de la série, les autres évoluant entre 55 et 60 minutes

  • Le pseudonyme le plus récent d’Adonis est Etienne de Faisandais. En argot de Pantruche, « faisan » signifie escroc, arnaqueur.

  • Le prénom Adonis s’avère ici malicieux, car dans la mythologie grecque il est celui de l’amant mortel d’Aphrodite (ou Vénus), la déesse de l’amour.

  • Un tableau apparaît tout au long du récit, il s’agit du célèbre La naissance de Vénus, par Botticelli (1485). Œuvre clé de la Renaissance, le tableau s’inspire de la mythologie antique, voyant Vénus jaillissant de l’onde, portée par son coquillage. Cela inspire le thème de l’eau très présent dans le récit, de même que la  vision traditionnellement aquatique de la planète Vénus au sein des littératures de l’Imaginaire.

  • L’expédition Aphrodite, imaginée par l’épisode, se situe dans l’actualité. En août 1970, l’année précédant sa diffusion, les Soviétiques viennent en effet de réussir un premier atterrissage, avec la sonde Vénéra 7, qui n’émet depuis le sol que durant seulement 22 minutes. . L’évènement sera réitéré dès 1972, avec Vénéra 8, qui parviendra à transmettre de précieuses informations sur Vénus.

  • Toutefois les sondes précédentes ont dès les années 60 pris des photos de la planète et l’on sait donc qu’elle est inhabitable. L’escroquerie menée par Adonis paraît dès lors inenvisageable. Le récit fait d‘ailleurs mine de croire que le doute existe encore, ce qui est erroné. De même, Jérôme affirme que l’on ignore combien dure un jour vénusien, alors que cela a été établi par observation dès 1962.

  • Adonis se montre prophétique car un tourisme spatial se met effectivement en place durant les années 2000. Pour aider au financement de son programme spatial, la Russie organise des séjours dans son secteur de la station spatiale  internationale. Sept personnes s’y sont rendues, devenant les premiers touristes spatiaux, pour des billets coutant une trentaine de millions de dollars. Les Américains mettent au point un avion suborbital privé,  SpaceShipOne, ouvert à un public fortuné. Richard Branson suit le mouvement avec Virgin Galactic, dont l’activité en est encore à ses balbutiements. Tout comme Adonis, il affirme que des hôtels dans l’espace sont envisageables. Toutefois SpaceShipTwo s’écrase en octobre 2014, ce qui compromet ces mirifiques perspectives. Les Européens ont aussi des projets,  autour d’Airbus Aerospace et de son avion-fusée Spaceplane.

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4. LA CRÉATURE


Résumé :

Une vague de suicides inquiète le Commissaire Principal, plusieurs hommes se jetant du haut de la Maison de la Radio. En effet Diablegris profite de la vogue de l’électroménager pour vendre le fin du fin à ses clients crédules : une femme robot multifonctions assurant à la perfection les tâches ménagères. Marguerite, la Créature, est en fait une enveloppe vide, animée par le souffle du Malin. Les hommes tombent amoureux d’elle, mais son insensibilité les désespère, jusqu’à l’issue fatale. Paumier trouve la parade en simulant avec un mannequin le suicide d’Eugène, cible de Diablegris. Il empêche également ce dernier de désactiver sa Créature. Émue par le geste d’Eugène, celle-ci en tombe amoureuse ! 

Critique :

Avec le retour du Diable (qu’il se nomme Diablegris ou Diablevert), La Brigade des Maléfices a l’excellente idée d’instituer un ennemi récurent, une figure de style bien connue et nous valant souvent des épisodes pimentés. Paumier a désormais son Homme à la Cigarette, spécialiste es complots machiavéliques. Malheureusement l’effet apparaît mal dosé, car l’histoire présente ressemble trop à celle de La septième chaîne, jusqu’au détail près : dévoiement de l’amour, identités d’emprunts pas drôle d’Albert ou intitulé démoniaque de la petite entreprise du Diable, (MFSTO : Mouvement Français pour la Suppression des Tâches Obligatoires !). Un antagoniste récurrent n’est pas synonyme d’histoires similaires. Par ailleurs la tension dramatique s’élève moins graduellement que lors de La septième chaîne, Eugène passe la majeure partie du récit à simplement s’interroger sur qui est Marguerite, avant d’un coup d’un seul de basculer dans une passion suicidaire, de manière assez artificielle. Paumier demeure également trop en marge d’une action qu’il se contente de passivement commenter.

Le sujet du jour reste néanmoins passionnant, avec une cinglante satire, du triomphe de l’électroménager, comme de la place impartie à la femme-objet dans la société de consommation triomphante. La deshumanisation du mode de vie que ce double mouvement implique se voit pointée du doigt avec acuité, que cela soit par un humour libertaire (gadgets ridicules) ou par l’évocation soudain plus d ‘une vie réduite à la consommation, touchant en premier lieu les femmes dans des années 1970 toujours éminemment patriarcales, mais aussi les hommes séduits par une technicité aliénante. Un happy end, cette fois quelque peu forcé, ne change rien à une tonalité sensiblement plus sombre qu’à l’ordinaire (premier cadre de la série, malaise de du transport de Marguerite telle un objet).

Jamais expliqués (la hauteur est suffisante, commente placidement Marguerite) les chutes mortelles à la Maison de la Radio (alors direction de l’ORTF) génèrent un effet insolite et un humour noir du plus bel effet. Cette série doit probablement être la seule dans toute l’histoire de la télévision à présenter la bâtiment de son commanditaire comme naturellement propice à la pratique du suicide ! C’est à se demander si quelqu’un à la direction de l’ORTF s’est jamais réellement intéressé à ce que racontaient  les zazous de La Brigade des Maléfices. On s’amuse aussi de constater que Diablegris décrit Marguerite comme un robot, afin de rouler sa victime passant ainsi du Fantastique à Science-fiction. Série influencée par les chansonniers fantaisistes et autres malicieux fabulistes, il se confirme que la Brigade ne sera jamais soulevée d’enthousiasme par les prodiges de la science!

L’interprétation demeure un autre atout de cet opus. Alors qu’il n’était que très suggéré dans La septième chaine que Diablevert était le Diable en personne, cela devient tout à fait avéré pour Diablegris, ce qui convient idéalement à Pierre Brasseur. L’acteur se montre particulièrement à l’aise dans un environnement  encore davantage ancré dans ce Fantastique décalé qu’il pratiqua jadis avec Carné. Il se régale des dialogues sulfureux et pittoresques  de son personnage, notamment lors des irrésistibles scènes où il convainc Eugène de signer le fatidiques contrat, avec le plaisir supplémentaire de le voir donner la répartie à son fils Claude, un événement rarissime. Claude Brasseur se montre parfait, car introduisant chez Eugène cette humanité à la fois sympathique et tendre dont il imbibe nombre de ses rôles. Il a plus de mal a exprimer le versant suicidaire, sans doute parce qu’il manifeste cette vitalité juvénile que l’on retrouve chez son François Vidocq. Catherine Jacobsen est convaincante en femme robot et le troublant spleen du Commissaire Principal permet à Jacques de montrer une autre facette de son grand talent.

Infos supplémentaires: 

  • Pierre Brasseur (Diablegris) est de retour, il incarnait déjà le Malin dans l’épisode La septième chaine, cette fois sous le nom de Diable vert.

  • Claude Brasseut, fils de Pierre Brasseur et d’Odette Joyeaux, a déjà commencé à se faire un prénom lors de la diffusion de l’épisode, Les nouvelles aventures de Vidocq ayant débuté en janvier 1971. Il va toutefois pleinement accéder à la célébrité grâce au cinéma, avec Les seins

  •  de glace (1974) et Un éléphant ça trompe énormément (1977), qui lui vaut son premier César. Il y retrouvera Anny Duperey, autre invitée notable de La Brigade des Maléfices.
  • Catherine Jacobsen (Marguerite) ne fera pas carrière au-delà d’une poignée d’apparitions durant les années 70.

  • Une partie de l’action est filmée au sein de la Maison de la Radio. Inaugurée en 1963 par le Général de Gaulle, elle est célèbre pour son architecture particulière, une couronne ceignant une haute tour. En 1971, elle est le siège de l’ORTF, en plus d’abriter ses studios de radio. Lors de l’éclatement de l’Office, en 1975, elle deviendra celui de Radio France, alors nouvellement créée.

  • Assez fortuné, Eugène joue de temps à autres d’un synthétiseur aujourd’hui antédiluvien. Ces instruments électroniques se répandent effectivement durant les années 70, notamment avec le Mellotron ou l’orgue DUREUX. Le grand public n’y aura toutefois véritablement accès qu’avec les Bontempi des années 80, dont le son devient une référence culturelle de cette décennie.

  • La série se montre une nouvelle fois en avance : en 1972, l’année suivant sa diffusion, paraît aux Etats Unis The Stepford Wives, roman satirique d’Ira Levin. Arrivant dans une petite ville isolée, l’héroïne suspecte rapidement que  les épouses y sont remplacées par des robots à leur image, construits par les maris. Adapté deux fois au cinéma (1975 et 2004) et trois fois à la télévision, le livre est passé dans la culture populaire, le terme de Stepford Wives désignant la sujétion sociale de la femme à son mari.

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5. LES DENTS D'ALEXIS


Résumé :

Le hold-up d’une banque du sang par le gang de Pierrot la Valise interpelle Muselier, qui sait par ailleurs que le tueur Joe Attila, proche de Pierrot, désire subir une opération de chirurgie esthétique. Mais, comme le découvre Paumier, la vérité est ailleurs : le Vampire Alexis de Sambleux, ultime représentant de son espèce, a recours aux services de Pierrot, car il est las de s’en prendre aux Mortels. Pour lever sa malédiction, il doit rencontrer une femme qui l’aime et un homme qui ne le craigne pas. Or, suite à une rage de canines, une idylle naît entre lui et sa dentiste, la belle Thérèse. Paumier, avec la complicité d’un Pierrot terrorisé par son Maître, s’arrange pour lui faire rencontrer Joe Attila, homme sans peur. Alexis a le plaisir de redevenir humain et Paumier de permettre à Muselier d’arrêter les deux bandits.

Critique :

L’épisode renonce malheureusement à la dénonciation des travers de ses contemporains que propose souvent la série en embuscade derrière l’humour et l’insolite. S’y substitue un récit quasi divisé en deux, car ne se réunissant, pour l’essentiel que lors de la conclusion. Celle-ci survient quand Paumier se décide enfin à sortir de son rôle d’observateur des évènements, une posture devenue toujours plus marquée au fil des épisodes. Tel un deus ex machina il influence alors brillamment les trajectoires des divers protagonistes, pour aboutir à un final réellement astucieux où tous les éléments retombent pile en place. Un joli dénouement, succédant à deux segments au développent parfois inégal.

Le segment des gangsters renoue joliment avec le cinéma de Lautner, avec ses personnages  aussi pittoresques que savoureux et ses gouleyants dialogues. Ces derniers ne se situent certes pas mais demeurent plaisamment archétypaux. On a aussi le plaisir de retrouver des visages bien connus des amateurs de ce type de cinéma, à commencer par l’irrésistible Jean-Marie Rivière, apportant classe et crédibilité à Pierrot la Valise, avec un confondant naturel. De seconds rôles  se reconnaissent à ses côtés, tels Jean Luisi ou Michel Thomass, toute une ambiance, en provenance directe des Sixties.

Le récit apporte un joli contrepoint au thème général d’une série entremêlant Fantastique et la police, en substituant la pègre à cette dernière. Voir Messieurs les Hommes frissonner devant le Prince des Ténèbres se révèle assez jouissif. Par ailleurs l’enquête policière reste solide, avec un Muselier bien à son affaire cette fois-ci et qui ne passe pas si loin du but. Les auteurs insèrent un grain de fantaisie et clin d’œil bien vu au développement de l’informatique via son en quête par ordinateur (1971 voit l’arrivée des microprocesseurs et des ordinateurs de quatrième génération). Ils seraient bien surpris par la quantité d’informations, éventuellement privées, contenues dans les bases de données d’aujourd’hui.

Le volet Fantastique de l’’opus convainc moins. Ls petits tracas  endurés par Alexis (mal de dents, ennui) résultent assez désarmants par leur faible intérêt. Le récit devient vite Les Malheurs d’Alexis le Gentil Vampire, sur un ton pour le moins mollasson. Le peu d’énergie de la mise en scène contribue à rendre l’ensemble réellement soporifique par moments. L’humour se montre certes présent, mais résulte parfois répétitif, comme la redite inutile de la scène de la télépathie. Le gag des poches de sang dans le frigo parlera toutefois aux amateurs d’Angel et l’on goute fort la référence  au Viol du Vampire.

Ce sont néanmoins les comédiens qui achèvent de sauver la situation. Avec sagesse, l’excellent Pierre Vernier tourne le dos à (quasiment) tout effet de Vampire de théâtre et au Gothique des productions de la Hammer. Jouer avant tout un aristocrate français intemporel lui permet d’instiller à merveille sa son élégance et sa présence, tout en permettant au récit de conserver son ton badin. On est également heureusement surpris par la performance de Karyn Balm, dont les yeux si sombres et la sérénité équanime conviennent idéalement au mystère de l’amour féminin. Thérèse demeure l’un des atouts de cet opus. Les scènes où elle traite les crocs du Vampire, les yeux dans les yeux d’Alexis relèvent d’un érotisme aussi diffus que troublant. 

Infos supplémentaires: 

  • Pierre Vernier (Alexis de Sambleux) se fit connaître en tenant le premier rôle du feuilleton  Rocambole (1964-1965). Par la suite il devint un visage familier du théâtre et du cinéma  français. Il travailla souvent avec ses amis Jean-Paul Belmondo (Le Professionnel, Le Guignolo...) et Jean-Pierre Marielle. Il interprète le Colonel Martin dans K is for Kill, double épisode français des New Avengers (1977).

  • Karyn Balm (Thérèse) fut un avenant visage du cinéma français, durant les années 60 et le début des années 70 (La grande lessive, Tout le monde il est beau, toute le monde il est gentil). Elle devait décéder d’un cancer en 1981, à 42 ans.

  • Jean-Marie Rivière (Pierrot la Valise), décédé en 1996, fut l’un des plus grands animateurs de la nuit parisienne et du St-Tropez des Sixties. Surnommé l’Entrepreneur des travelos publics, il créa plusieurs cabarets : le Café des Arts, l'Alcazar, l'Ange Bleu et le Paradis latin. Il interpréta également au cinéma nombre de savoureux voyous parisiens, durant les années 60 et 70.

  • L’amitié du gangster Pierrot la Valise et du tueur professionnel Joe Attila est une référence amusée à  deux figures de la pègre parisienne, Pierre Loutrel (dit Pierrot le Fou) et son bras droit Joe Attia, tous deux à la tête du célèbre Gang des Tractions avant. Le groupe effectue de nombreuses attaques de banques en 1946, avant que Loutrel ne se blesse mortellement durant le hold-up d’une bijouterie. Attia, devenu entre-temps une barbouze, décède d’un cancer en 1972.

  • Le nom d’Alexis de Sambleux représente un clin d’œil à l’expression avoir sang bleu, synonyme d’appartenance à la noblesse. Elle remonte à 711, quand les Maures envahirent l’actuelle Espagne. Ils affrontèrent les Wisigoths nobles, qui les étonnèrent par le teinte pâle de leur peau, laissant transparaître les veines bleues. La noblesse espagnole de la Reconquête revendiqua ensuite fièrement cette désignation de Sangre Azul.

  • Alexis se rend dans un cinéma pour voir un film de vampires. Particulièrement mise en avant, on reconnaît l’affiche de Le Viol du Vampire, réalisé en 1968 avec un budget dérisoire et de nombreux comédiens non professionnels. Cette première œuvre de Jean Rollin est le premier film français à aborder crûment la thématique du vampire et est entouré d’une aura aussi culte que sulfureuse. Sa sortie en salles provoqua un grand scandale, du fait d’un, scénario haché jusqu’à l’incompréhensible, de l’insertion de scènes érotiques ou lesbiennes et d’un mise en scène brute, exacte opposée du maniérisme de la Hammer. L’affiche, d’inspiration psychédélique, est l’œuvre du dessinateur Philippe Druillet (Métal hurlant). Sa présence confirme la vocation libertaire de La Brigade des maléfices au sein de la digne ORTF. 

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6. LE FANTÔME DES HLM


Résumé :

Le Marquis de Palaiseau, un vieil ami de Paumier, décède paisiblement. Sa maison est aussitôt rasée pour permettre de construire un grand ensemble moderne. Anatole, ancêtre du Marquis décédé au XVIIIème siècle, hantait le domicile familial. Il est ravi d’avoir un nouveau terrain de jeu, mais il s’ennuie rapidement au sein du nouvel immeuble. Il s’amuse alors à faire des petites farces aux habitants, alors que ceux-ci étaient déjà stressés par la promiscuité ambiante. Afin que la situation ne dégénère pas, Paumier trouve une nouvelle résidence à Anatole, auprès d’une charmante vieille dame et dans un pavillon !

Critique :

L’épisode se voit pénalisé du fait d’un scénario véritablement trop inconsistant. Contempler Anatole passer d’appartement en appartement durant la majeure partie du récit compose un intrigue réellement élémentaire, même si le fantôme est incarné avec allant et humour par Gérard Séty. L’opus porte à son paroxysme une tendance progressivement affirmée au fil de la série, voyant Paumier et le loyal Albert se contenter de commenter passivement l’action, d’ailleurs toujours plus épisodiquement, jusqu’à une intervention finale résolvant le problème avec le sourire. Reléguer durablement son protagoniste en marge des récits successifs prive partiellement la série de ‘l’une de ses dimensions. Pour tenter d’étoffer leur propos, les auteurs placent bien une ultime joute entre Paumier et Muselier en fin d’épisode, mais cela demeure anecdotique. La réalisation réussit quelques plans suggestifs du grand ensemble, mais demeure freinée par son manque de moyens.

Le fantôme des HLM regagne toutefois en intérêt en se positionnant une nouvelle fois en critique acidulée des travers des 70’s à la française, sous l’apparence d’une aimable fable fantaisiste. Les pérégrinations d’Anatole illustrent par l’exemple la promiscuité et l’entassement générateurs de tensions que signifient ces grands ensembles compacts, mal insonorisés et prédateurs de l’infrastructure urbaine traditionnelle.de l’Île-de-France. L’auteur évite le piège de la caricature, qui aurait affaibli leur discours, le bâtiment décrit reste d’une qualité très correcte. Parfois taquin, le récit manifeste une vraie tendresse envers ses habitants, dépeints à travers diverses tranches de vie. Ils apparaissent comme des résidents de la France de Goscinny et de Daninos, le grand vent de la modernité ne parvenant pas à les dépouiller de leur humanité. On reconnaît plusieurs seconds rôles sympathiques dont la très jolie Nicole Gueden.

Ainsi s’achève La Brigade des Maléfices, charmante succession de fables poétiques, insolites et malicieuses. La bonhomie des récits et les happy-ends lumineux auront s’accompagner de critiques acidulées des travers de la France pompidolienne, évitant ainsi le lénifiant. Évidemment, le rythme des péripéties n’est pas celui auquel nous sommes habitués aujourd’hui, mais qu’importe. Cet agréable voyage au sein de nos années 70, teinté de nostalgie et de réminiscences, s’appuie également sur une distribution talentueuse et plaisamment hétérodoxe, où vedettes (parfois en devenir) du cinéma et du théâtre rencontrent de pittoresques figures des cabarets parisiens (mention spéciale à la merveilleuse Anny Duperey). L’aventure s’arrête malheureusement ici, la diffusion estivale de la série ne lui ayant pas été propice et une suite, un temps envisagé, ne s’étant pas concrétisée du fait de l’éclatement de l’ORTF.

Infos supplémentaires: 

  • Gérard Séty (Anatole), décédé en 1998, fut un chansonnier et un imitateur qui se fit connaître après guerre, dans les cabarets parisiens. Il inventa un nouveau type de spectacle, le transformisme de déguisement, qui lui valut une réputation internationale. Il assura régulièrement des représentations sur le France, étant également populaire aux USA, et fut un pensionnaire régulier de Bobino et de l’Olympia. Il mena aussi une belle carrière au théâtre et au cinéma.

  • La charmante speakerine de l’ORTF annonce l’épisode n° 49 de La Brigade des Maléfices (La sorcière du drugstore), un clin d’œil des auteurs au moment où s’achève la série.

  • Albert lit dans la presse que l’équipe de France a battu 2 à 0 celle du Liechtenstein, mais la sélection nationale du Grand Duché ne jouera son premier match qu’en 1981. Elle est admise  dans la FIFA et l’UEFA en 1974.

  • En ce début des années 70, la construction des grands ensembles connaît un véritable boom en France. Il s’agit du point culminant d’un mouvement impulsé par les reconstructions de l’après guerre, la création des HLM en 1950 et l’exode rural. Le développement économique favorise également l’édification des villes dites nouvelles, inspirées de Le Corbusier. Les grands ensembles se multiplient, signifiant souvent une amélioration de qualité de la vie pour les classes populaires. Mais les critiques les accusant de défigurer les périphéries urbaines se développent, tandis que une surchauffe se fait jour, l’augmentation de la population dans ces quartiers surpassant celle de l’offre en transports et en commerces. La cadence élevée des chantiers fait également baisser la qualité des constructions. Dès 1973, deux après la diffusion de l’épisode, le ministre du logement Olivier Guichard décide l’arrêt de la construction des grands ensembles, priorité est donnée au pavillonnaire.

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Images capturées par Estuaire44.