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Hitchcock 40

Collection Alfred Hitchcock

Années 30 - Partie 2

   


 7. LES TRENTE-NEUF MARCHES
(THE THIRTY-NINE STEPS)
 

 

En 1934, sur le tournage de "L'homme qui en savait trop", Sir Alfred décide d'adapter un roman de John Buchan (1875-1940) intitulé "Greenmantle", la suite des "Trente-neuf marches", dans lequel le héros, Richard Hannay, accomplit une mission pendant la première guerre mondiale. Mais finalement, il commence par le premier volet,en se disant qu'il tournera la suite après.

Malheureusement, cela ne sera jamais le cas. Toute sa vie, Hitch voulut adapter "Greenmantle" mais une fois aux Etats-Unis, les producteurs ne voulurent pas entendre parler du comédien britannique Robert Donat. D'autre part, les héritiers de Buchan mort en 1940 firent monter les prix de façon prohibitive.

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Pour des raisons pratiques (Un tournage en Grande Bretagne), Hitch choisit "Les 39 marches", "Greenmantle" se déroulant en Allemagne et en Turquie.

Il commença à travailler avec Charles Bennett sur une adaptation de ce roman paru en 1915 et un peu dépassé. Lorsque l'on voit les deux autres adaptations du film plus sages et respectueuses du livre (1959 de Ralph Thomas, 1978 de Don Sharp), on constate à quel point Sir Alfred s'est éloigné du texte original.

Hitch développa une intrigue sentimentale avec le personnage de Pamela. De plus, dans le livre, il s'agit de véritables marches d'un escalier menant à la mer dans un repaire d'espions, dans le film, c'est le nom d'une organisation criminelle, comme le SPECTRE par exemple.

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Sir Alfred ajouta la séquence de la ferme isolée où Hannay est hebergé par un homme dur et méchant et sa jeune épouse, ce segment fut écrit par le scénariste John Russell Taylor. Monsieur Memory est aussi une invention du film, Charles Bennett s'inspirant d'un personnage de music-hall, Datas. 

Ian Hay Beth se joignit à l'équipe de scénaristes qui comprenait aussi Alma Reville

Lorsque l'on voit la version Hitchcock, on la trouve étonnamment moderne, on pense au "Fugitif" Richard Kimble, et la scène du viaduc rappelle "Dangereusement vôtre" sur le Golden Gate avec Roger Moore, tandis que la version fidèle de 1978 est ennuyeuse et académique. Lorsque Hannay monte dans le train, on a une pensée pour "Voyage sans retour" de la saison 4 des Avengers. Le film lui-même est une ébauche de ce que sera "La mort aux trousses".

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Pour l'équipe technique, Hitch prit comme chef opérateur Bernard Knowles (Curt Courant n'ayant pas suivi des indications sur "L'homme qui en savait trop"). Derek N Twist fut son nouveau monteur, Hugh Stewart l'ayant quitté.

Pour le casting, il choisit de donner un rôle à contre-emploi à l'idole du public féminin Godfrey Tearle. De Roméo (film muet), il devient l'homme au doigt coupé, le sinistre professeur Jordan. L'allemande Lucie Mannheim qui avait fui le nazisme, fut Annabelle Smith, l'espionne tuée au début qui est la cause de la fuite de Hannay. Mr Memory fut Willie Watson, le fermier écossais John Laurie, et son épouse Peggy Ashcroft.

Admirateur de Richard Donat, "Le comte de Monte Cristo" dans la version Hollywood 1933, Sir Alfred lui confia le rôle. Jane Baxter, qu'il voulait pour jouer Pamela, n'était pas libre, et il engagea Madeleine Carroll

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Le premier jour de tournage, il enchaîna avec des menottes (selon une scène du script) ses deux vedettes, prétendit avoir oublié la clé, et revient au bout de quelques heures. Ainsi Donat et Carroll firent connaissance et eurent même, dans la vie privée, une romance.

Madeleine Carroll est la première "blonde" de Sir Alfred. Il l'appelait "la pute de Birmingham" mais en ne s'offensant pas, l'actrice obtient l'estime du maître et son personnage fut davantage développé qu'au départ.

Hitchcock eut une colère mémorable lorsque Robert Donat et la femme du fermier Peggy Ashcroft eurent une crise de fou rire. Il écrasa de son poing l'ampoule d'une lampe de studio, faisant peur à toute l'équipe. Et coupant le fou rire.

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Enfin, Hitchock tourna deux fins : dans la première, Hannay et Pamela se mariaient, mais il garda la seconde, celle que nous connaissons.

Le film est haletant d'un bout à l'autre, et bénéficie de décors insolites : si la scène du meurtre d'Annabelle n'est pas crédible, on se rappelera la scène du train sur le viaduc de Forth rail bridge , le torrent, les landes désertes de l'Ecosse. En fait, tout était tourné à Londres au Lime Grove studios où furent...amenés 62 moutons qui broutèrent le décor !

On passera sur l'invraisemblance du script qui pousse Hannay à se rendre en Ecosse chez le professeur Jordan.

Poursuivi par la police qui ne l'a pas cru après la tentative de meurtre de Jordan qui loge une balle dans un missel providentiel - celui du fermier que son épouse a donné au héros au prix d'une bonne raclée, Hannay se réfugie dans une fanfaire (rappelant la fuite de 007/Connery dans la parade musicale du carnaval de "Opération Tonnerre"), puis se fait passer pour un politicien. Robert Donat fait alors un formidable numéro d'acteur. Il démontre ici qu'un politicien qui sort du principe de la langue de bois pour jouer les populistes se gagne à coup sûr les faveurs du public. Cette prestation rappelle la vente aux enchères de "La mort aux trousses" où Cary Grant surenchérit de façon idiote pour se faire embarquer par la police. Ici, Hannay est arrêté bien contre son gré.

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Des moutons empêchant les policiers d'avancer sur la route, on menotte Hannay à Pamela. Hannay s'enfuit avec elle. S'ensuivent les scènes de Donat et Carroll à l'hôtel où ils se sont réfugiés. Principe du "buddy movie": deux personnes les plus éloignées possible socialement vont finir par fraterniser.

Robert Donat déborde d'humour et ne donne pas à son personnage un aspect trop sérieux, faisant en cela une synthèse de ce que seront Cary Grant et Roger Moore.

La suite du film, à partir de la scène de l'hôtel, perd un peu en intensité. Pamela découvre que Hannay n'a pas menti, et elle lui dit que les espions ont rendez-vous à Londres au Palladium. Les aveux de Mr Memory sur lequel Jordan a tiré disculpent Hannay. Mais Sir Alfred bâcle la fin en nous montrant seulement les deux mains des héros qui se rapprochent.

Malgré ce déséquilibre dans le film où l'on court beaucoup jusqu'à la scène de l'hôtel, le film reste un prodigieux suspense hitchcockien méritant largement quatre melons.

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Au fond, Sir Alfred avait tout compris avant tout le monde : rien ne sert d'être fidèle à un roman (la version 1978 des "39 marches" est là pour nous le prouver), il faut un Mac Guffin dont tout le monde se fiche mais qui sert de base à la course des héros (Ici des renseignements appris par coeur au ministère de la guerre par Mr Memory pour les espions nazis), un héros charismatique, mais qui ne se prenne pas trop au sérieux (Ce n'est pas pour rien que Hitch déplorera de ne plus pouvoir utiliser Richard Donat pendant sa période Selznick), une jolie fille (Madeleine Carroll est la première blonde d'une longue lignée qui s'achèvera avec Tippi Hedren), faire fi de trop de vraisemblance (Le départ pour l'Ecosse de Hannay, se substituant à l'espionne poignardée, est hautement improbable - qui, dans sa situation, aurait agi ainsi ?). Il fallait aussi une bonne musique mais cela ne sera jamais le cas pour Hitch pendant sa période anglaise, "les 39 marches" a une musique ringarde à souhait rappelant le cinéma d'autrefois.

Les exemples que je cite montrent que l'on a pompé de façon éhontée sur Hitchcock, il se plaignait de la poursuite en hélicoptère dans "Bons baisers de Russie" mais n'était plus là en 1985 pour voir "Dangereusement vôtre" où son travelling sur le Forth rail bridge est repris avec le Golden Gate. L'innocent accusé permet au spectateur lambda de s'identifier immédiatement au héros (David Janssen, puis Harrison Ford dans le rôle de Kimble sont des Hannay post Hitchcockiens), enfin l'humour permet de dédramatiser nombre de situations, après tout ce n'est que du cinéma.

Ce film vaut, et de loin, un ratage américain comme "Le procès Paradine". D'ailleurs, c'est "L'homme qui en savait trop" et "Les 39 marches" qui feront tilt chez les américains qui discerneront que ce cinéaste anglais est bien au-dessus de la masse.

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8. QUATRE DE L'ESPIONNAGE
(THE SECRET AGENT)


 

 

 

Après le succès des « 39 marches », Hitchcock et son scénariste Charles Bennett décident de faire un autre film d’espionnage en se basant sur un recueil de nouvelles de Somerset Maugham : « Ashenden or The British Agent ». Gaumont détenait les droits du livre ainsi que de la pièce de Campbell Dickson qui en avait été tirée. 

Mais à l’écran ne subsistent que très peu de chose de l’écrit. Hitch et Bennett gardent le nom de Ashenden, le héros espion, le personnage du général mexicain et le lieu de l’action (La Suisse). Tout le reste est inventé pour le cinéma.

Bennett et Hitch emmenèrent le producteur Ivor Montagu dans la vallée de Lauterbrunnen pour y faire des repérages d’extérieurs (Montagu était en vacances alors à Bâle). Lorsque Bennett eut finit de rédiger le scénario, celui-ci fut remanié par Ian Hay et Jesse Lanky Jr. Lanky sera plus tard le scénariste de Cecil B DeMille.

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Le tournage doit commencer en octobre 1936. Le casting débute. Pour le couple de touristes, Hitch choisit Percy Marmont qui avait joué dans le 14e film du maître, « A l’est de Shanghaï », et Florence Kahn, épouse d’un caricaturiste célèbre, Max Beerbohm.

Pour l’espion allemand, Marvin, l’acteur américain Robert Young est retenu. Peter Lorre sera le général mexicain. La toxicomanie de l’acteur s’était aggravée et il posera de nombreux problèmes sur le plateau.
Lili Palmer est engagée pour son premier vrai rôle après quatre apparitions au cinéma, et s’appellera dans le film « Lili ».

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Puis, Hitch décide de réunir le couple des « 39 marches », Madeleine Carroll et Robert Donat. Il crée de toutes pièces une espionne qui se fait passer pour la femme d’Ashenden, Elsa Carrington.

Robert Donat n’étant pas libre, c’est John Gieguld qui décroche le rôle principal. Acteur shakespearien, il n’a pas une haute opinion du cinéma, et l’attitude de Lorre (qui fait des farces sur le tournage quand il ne s’absente pas pour se droguer) le décontenance.

Gieguld est nerveux et hostile envers Hitch qui lui demande d’oublier son expérience du théâtre. Retenu par la pièce « Roméo et Juliette » où Laurence Olivier le remplacera, Gieguld provoque un retard de tournage qui commencera en novembre.

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Le public, sous le charme des « 39 marches » sera cependant déçu par ce film à petit budget, malgré quelques séquences mémorables comme le déraillement final du train.

Durant le tournage, Bennett et Hitch préparaient le film suivant, une adaptation de « Sabotage » de Joseph Conrad, autre film d’espionnage.

Nous sommes en plein premier conflit mondial, en 1916. « R » (Charles Carson) qui rappelle le M de 007 a annoncé la fausse mort de son meilleur agent, Brodie, et lui confie une mission sous le nom d’Ashenden (un agent tué). Pour cela, il doit gagner la Suisse via Douvres et rejoindre son auxiliaire, le général chauve, nom de code du personnage tenu par Peter Lorre.

L’humour n’est pas absent du métrage : ainsi, la première rencontre de Brodie avec le général, ce dernier est en train de poursuivre de ses assiduités une femme, nous découvrons un Peter Lorre frisé qui n’a plus rien du personnage inquiétant de « L’homme qui en savait trop ».

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A l’arrivée à l’hôtel Excelsior à Bâle, Brodi/Ashenden apprend que « Madame Ashenden » l’attend dans sa suite. Il y surprend « sa femme » avec Robert Marvin, l’espion, en situation délicate et ambigue. Elle est en serviette de bain après sa douche et dit à Brodie qu’elle est un agent de R.

Si Richard Donat avait le look de l’emploi pour un héros, ce n’est pas le cas de John Gieguld, au visage angulaire et osseux, qui n’a rien du bel homme ni de l’agent secret séducteur. Il évoque plutôt Peter Cushing.
On se demande si Ian Fleming n’avait pas vu « Quatre de l’espionnage » avant de s’atteler à créer son James Bond. Le général rappelle Kerim Bey, en plus loufoque. La fausse mort du capitaine Edgar Brodie évoque « On ne vit que deux fois » (Mais il est vrai plus le film qui ne doit rien à Fleming que le livre). La scène du train pour Constantinople « Bons baisers de Russie », tout comme la tricoteuse de ce roman, Rosa Klebb, ici Mme Capvor, espionne allemande.

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Lorre est excellent dans les scènes comiques, là où un autre acteur aurait pu être pathétique. Madeleine Carroll est également excellente. Tous deux compensent l’absence totale d’humour de Gieguld décidément bien coincé.

Le tournage en Suisse en décors naturels apporte beaucoup d’esthétique et de crédibilité à ce film.
La scène de l’église où Brodie et le général trouvent leur contact tué nous transporte définitivement dans le monde de l’espionnage irréel et fantasque. Pas de temps morts, une succession de scènes sans ennui, nous sommes plus près de « La mort aux trousses » que de « Le rideau déchiré » ou « L’étau ».

Curieusement, c’est Marvin/Robert Young qui capte notre attention, entre humour et séduction. Lors de l’escapade en traîneau avec Elsa, il se moque du cochet suisse en disant qu’en lui pressant le nez, il sortirait un verre de Schnaps. A l’arrivée au casino, il est distingué et rusé, alors que Brodie/Gieguld semble avoir un balai dans un endroit que la décence interdit de préciser. Elsa est la maîtresse de Marvin alors qu’elle est censée être la femme de Brodie, mais bon, elle a du goût. C’est une femme libérée avant l’heure.

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Au casino, l’assassin de l’église est repéré par son bouton de veste perdu et que Brodie mise sur la table comme un jeton. Il s’agit de Capvor (Percy Marmont). Lorre, à des lieues du Abbott de « L’homme qui en savait trop » poursuit ses numéros comiques au casino avec subtilité. Il détend l’atmosphère et révèle le grand acteur qu’il est.

Les scènes de comédie se poursuivent en haut de la montagne. Parmi les scènes culte du film, le meurtre de Capvor par le général que Brodie voit depuis un téléscope, et le groupe folklorique qui fait tourner dans un saladier des pièces de monnaie. Ou encore le général qui envoie le bonbon au chocolat dans le décolleté de sa compagne de table.

Lorsqu’il séduit Elsa, Brodie ou plutôt John Gieguld est peu convaincant et l’on regrette beaucoup l’absence de Robert Donat.

Le film compense en humour ce que « Les 39 marches » offrait en suspense.

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La séquence suivante est celle de la chocolaterie qui dissimule un centre d’espions allemands. Passons sur quelques invraisemblances comme la facilité avec laquelle le général se faufile dans les moindres recoins de l’usine, sans que personne ne lui demande quoi que ce soit.

Malheureusement, après la chocolaterie, le film marque le pas. En cause surtout le scénario qui ne tient pas sur la longueur et l’empêche d’égaler « Les 39 marches ». La scène dans le train pour Constantinople s’étire à l’infini.

L’aviation anglaise attaque le train qui conduit des soldats allemands en Turquie et le fait dérailler. Le pacifisme d’Elsa qui refuse que l’on tue froidement l’espion allemand dévoilé, à savoir Robert Marvin qui tuera à cause de cela le général (qui meurt sur une dernière note comique) est une idée fixe d'Hitchcock qui la réutilisera dans "Une femme disparaît" où le pacifiste est le premier à être tué.

La grosse erreur de casting est John Gieguld, piètre séducteur, que l’on aurait échangé volontiers contre Robert Donat ou « Marvin »/Robert Young. Le film en tout cas montre comment Hitchcock transpose à partir de quelques éléments d’un roman une intrigue d’espionnage non réaliste au cinéma, avec de l’humour. En ce sens, Hitchcock fait œuvre de précurseur.

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9. AGENT SECRET
(SABOTAGE)

Le faux coupable

 

Après « Quatre de l’espionnage », le scénariste Charles Bennett et Alfred Hitchcock s’attaquèrent au roman de Joseph Conrad « The secret agent ».

Pour ce film, Hitch travaillait avec les producteurs de la Gaumont Ivor Montagu et Richard Bacon. La pré-production se déroula à l'initiative du maître à Saint Moritz, en Suisse, entre deux verres du cidre préféré de ce dernier. Avec l'équipe de la Gaumont, il présenta l'ébauche du film à venir.

Le roman se passait en 1907 et narrait les aventures d’un groupe terroriste, mais Hitch savait qu’il y avait le potentiel pour faire une bonne histoire se déroulant en 1936.

L’adaptation conserve certains personnages (M et Mme Verloc, Stevie, le jeune frère de Mme Verloc) mais élimine la mère. L’explosion qui tue Stevie et précipite la chute du traître n’est que relatée par un inspecteur dans le livre, alors qu’elle devient un élément majeur dramatique dans le film.

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Sir Alfred avant même de commencer le tournage fit filmer la procession annuelle du Lord Maire qu’il intégrera ensuite dans l’histoire. Le film égrène les jours comme un compte à rebours en les annonçant à l'image, procédé qui sera souvent repris par la suite (On pense à "Sans mobile apparent" de Philippe Labro).

Comme dans « Les oiseaux », il est question de mauvais présage lié aux volatiles. Ici, c'’est le repaire des terroristes qui est abrité dans un magasin d'oiseaux dirigé par "Le professeur".

Hitch créa plusieurs scènes qui ne sont pas dans le livre, comme la rencontre dans le zoo de Londres entre Verloc et son commanditaire. Après le départ de ce dernier, Verloc regarde l'aquarium et voit soudain, dans un fantasme, la destruction de Londres qui se superpose à la faune sous-marine.

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Ted (John Loder), le policier amoureux de Sylvia Verloc (Sylvia Sydney), est aussi une idée d’Hitchcock. Ted fut écrit pour Robert Donat. Cet amour devient évident lorsque, simple maraîcher, il invite Sylvia et son frère Stevie dans un grand restaurant.

Dans le livre, le saboteur Verloc est un simple commerçant, ici, il est propriétaire d’une salle de cinéma, « Bijou cinéma ».

Walt Disney étant le cinéaste préféré du maître, il imagina que dans la salle se jouait « Silly symphony ».

Du roman, il décida de changer la fin : Sylvia Verloc ne se suicide pas mais est sauvée par l’amour de Ted. Toutefois, la fin est un peu tirée par les cheveux. Sylvia veut avouer le meurtre, elle le dira même au chef de Ted qui ne se souviendra pas si elle l'a dit avant ou après que le professeur fasse sauter le cinéma.

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Trois scénaristes travaillèrent sur la copie du script de Bennett : Helen Simpson, Ian Hay, Ted Emmett. Ted Emmett est en fait le pseudonyme de … Alma Reville.

Hitch admirait l’américaine Sylvia Sydney et voulait absolument tourner avec elle. Sa distribution idéale était Robert Donat et l’américaine. Donat accepta le film, mais dut y renoncer en raison d’une crise importante d’asthme. La mort dans l’âme, le maître dut se rabattre sur un acteur médiocre, John Loder. Il confiera plus tard à Truffaut que c’était une grosse faute de casting.

Peter Lorre fut envisagé pour Verloc, mais il était brouillé avec Hitchcock. L’allemand Oscar Homolka le remplaça sans problèmes.

Pourtant, le beau mécanisme s’enraya lorsque Hitch fut en contact avec Sylvia Sydney. Elle se comporta comme John Gieguld dans « Quatre de l’espionnage », refusa de l’écouter, et très vite leur relation tourna au désastre.

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En voyant le talent éclatant de l'actrice à l'image, on ne peut que donner tort au maître. Il s'est privé ainsi d'une fabuleuse comédienne pour la suite de sa carrière.

Elle est prodigieuse, mais en un seul film, on ne peut la juger l'égale d'Ingrid Bergman ou de Grace Kelly. Fascinante héroïne hitchcockienne en un film, elle aurait sans doute été incontournable par la suite si les choses s'étaient mieux passées.

Ce ne sera pas le cas. A tel point qu’en plein tournage, elle fondit en larmes et menaça d’abandonner le rôle. Elle se rebella contre lui, fit valoir qu’elle était plus payée que lui, et par presse interposée, ils ne cessèrent de se quereller.

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Son visage si beau mais si désespéré hantera longtemps le spectateur. Il devient absolument impossible d'imaginer le film sans elle, alors que l'on fait "sans" Robert Donat.

Pour couronner le tout, Hitch s’opposa aux producteurs de la Gaumont pour des raisons budgétaires. Il ne travaillera d'ailleurs plus avec Bacon après le film.

A sa sortie, le film fut controversé en Angleterre à cause de la mort du jeune frère de l’héroïne. Mais aux Etats-Unis, sorti sous le titre de « The Woman alone », le film plut aux critiques.

 

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« Agent secret » est considéré comme un chef d’œuvre par les cinéphiles. Mais les anglais ont toujours détesté ce film.

Oscar Homolka est prodigieux en saboteur. C’est un méchant de légende dans l’univers du maître. On considère après coup que la défection de Peter Lorre est une chance pour ce comédien si doué.

Sylvia Sydney est également admirable, et le film ne se ressent pas des dissensions avec le réalisateur. Son visage incarne avec beaucoup de finesse la souffrance. Elle est, et de loin, le meilleur atout de "Agent secret".

Le film est construit comme un compte à rebours. Il est question d’une bombe. La panne d’électricité du début nous met tout de suite dans l’ambiance paranoïaque du métrage.

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Sylvia Sydney attire un capital sympathie énorme et charme le spectateur. Le petit Desmond Tester, que le maître appelait « Testicule » (ce qui mettait hors d’elle Sylvia Sydney, peu réceptive à l’humour britannique du bonhomme), est parfait en Stevie.

Quel dommage que nous n’ayons pas eu Robert Donat, même si la belle comédienne américaine compense son absence. John Loder est un jeune premier assez ordinaire. Ce manque d'éclat de son partenaire masculin fait que le talent de Sylvia Sydney est encore plus évident.

Ted, en fait, est un inspecteur de Scotland Yard, Ted Spencer. Lors de la réunion des espions, il manque se faire prendre et doit son salut au jeune garçon.

 

Dans le roman de Joseph Conrad, les méchants sont des anarchistes. En 1936, Hitch les transforme en vagues espions allemands. Mais le réalisateur ne donne pas d’autres précisions sur la nature des terroristes.

Lorsque Sylvia apprend la mort de son frère, elle s’évanouit. Elle voit le visage de son frère à son réveil au milieu d’autres enfants. Elle se met à rire comme une folle dans la salle de cinéma en voyant un Disney.
Sylvia tue son mari avec un couteau. L’affrontement entre le réalisateur et l’actrice surviendra lors du tournage de cette scène. Elle ne la concevait pas de la façon dont Hitch voulait la tourner.

Amoureux de Sylvia, Ted Spencer la protège et veut fuir avec elle. L’oiseleur complice de Verloc trouve le cadavre et meurt en faisant sauter la salle de projection .On maudit Hitchcock de s’être brouillé avec la magnifique Sylvia Sydney que l’on aurait tant aimé revoir dans l’univers du maître.

« Agent secret » précède une trilogie de très bons films qui vont conclure la carrière anglaise d’Hitchcock : « Jeune et innocent », « Une femme disparaît » et « La Taverne de la Jamaïque ».

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Malgré Sylvia Sydney, il manque ce "petit quelque chose" qui fait d'un film un chef d'oeuvre. L'atmosphère de paranoïa des premières images n'est pas maintenue tout au long du film. La médiocrité de Loder affadit quelque peu le film. Matthew Boulton en superintendant Talbot est excellent, mais "le professeur" aurait mérité d'être interprété par un comédien moins falot. On passe très près quand même des quatre melons.

Malgré tout le respect et le talent éclatant de Bergman, Sylvia Sydney, par son visage expressif à la fois grave et beau, aurait été une Alicia Huberman tout à fait admirable dans "Les Enchaînés". Mais on ne refait pas l'histoire et l'on regrette de toute façon déjà que Bergman n'ait pas davantage joué dans les films du maître.

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10. JEUNE ET INNOCENT 
(YOUNG AND INNOCENT)

Sueurs froides

  

Après le mauvais accueil (fort injuste) réservé à « Agent secret », Hitchcock préparait l’adaptation de « A shilling for candles », roman paru en 1936 et signé Josephine Tey (alias Elizabeth Mackintosh).

Ted Black, de la firme Gainsborough, était aux manettes de producteur.

Pour d’obscures raisons, la France attendra…juin 1978 pour sortir le film en salles. Les américains amputeront le film, pourtant déjà pas long, de la scène de colin-maillard. Alors que nous avons ici l’un des meilleurs Hitchcock, une version « décontractée » des « 39 marches ». Voilà un film sous-estimé et qu’il faut réhabiliter.

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Hitch eut l’idée de ne garder que certains éléments du roman, pour en faire une comédie sentimentale.
Et il faut dire que l’on ne s’ennuie pas une seconde dans cette mécanique bien huilée. De serveur au chômage, le héros injustement accusé du meurtre de Christine Clay, une actrice, devient scénariste.

Dans le livre, il n’y a pas de love story entre la fille du policier et l’accusé. Sir Alfred a tellement modifié la trame que le studio décida de changer le titre en « Young and innocent » (‘Jeune et innocent »).

Quiconque a vu ce film ne peut l’oublier. Il y a le fameux mari assassin de Christine musicien dans un orchestre et affecté d’un tic (il cligne de l’œil), les quiproquos (tout le monde prend le héros pour le petit ami de la fille du policier). Tout cela d’ailleurs ne figure pas dans le roman dont s’inspire le film.

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Pour le rôle du faux coupable, Robert Tinsdale, Hitch fait un choix assez discutable : le trop décontracté Derrick de Marney. Ce comédien ne se prend pas au sérieux, et nous communique sa bonne humeur et son dynamisme au détriment de ce qu’il reste de sérieux dans l’intrigue. Il avait surtout une expérience de théâtre. Il semble ne pas croire à son personnage d’homme en fuite accusé à tort.

Nova Pilbeam (Betty dans « L’homme qui en savait trop ») qui avait 18 ans et était devenue une ravissante jeune femme est choisie pour jouer Erica, la fille du policier..Elle sera pressentie pour « Une femme disparaît » mais Margaret Lockwood lui sera préférée. Elle a aujourd’hui 93 ans (premier mari , Pen Tennysonn assistant réalisateur dans « Jeune et innocent », mort à la guerre en 1941, second mari est mort en 1972, elle a eu une fille en 1952). Nova a abandonné le cinéma en 1948).

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Il est vrai que le couple fonctionne à l’écran dès les premières scènes. Dommage que le maître se soit comporté de façon caustique avec De Marney qui se plaignit à la presse. Il n’arrêtait pas de le mettre en boîte. Hitch était surtout furieux que le tournage soit interrompu (on passe du studio Lime Grove pour aller à Pinewood). Charles Bennett qui a commencé le script, part en Amérique, engagé par David O’Selznick. Plusieurs scénaristes seront crédités au générique, mais c’est en fait le maître qui modifiera l’histoire à son gré durant le tournage.

Nova tomba amoureuse de Pen Tennyson, l’assistant réalisateur, et ils se marièrent en 1939. Avec la suite tragique évoquée plus haut.

Deux jours furent nécessaires pour tourner la scène finale, lors du bal, où le mari de Christine se cache dans un orchestre. Grimé en noir, il est le batteur. Hitch fait un travelling de 45 mètres avec sa caméra, emploie une grue, et fait que cette séquence entre dans l’histoire du cinéma.
Il mit la caméra sur la grue, lui fit traverser la grande salle de bal et fait un gros plan sur les yeux qui clignent de l’assassin.

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C’est le comédien George Curzon (1898-1976) qui interprète l’assassin sans nom (à moins qu’il ne porte le nom de son épouse, Clay ?), qui a tué Christine par jalousie. George Curzon est aussi le nom d’un chef d’état britannique (1859-1925) et tandis que l’acteur a sombré dans l’oubli, son homonyme célèbre l’a occulté dans les mémoires.

Le père d’Erica/Nova Pilbeam est le colonel Burgoyne joué par le débonnaire Percy Marmont vu dans « A l’est de Shanghai » et « Quatre de l’espionnage ».

A la 25e minute, Erica est déjà amoureuse, elle tremble lorsque son père reçoit un coup de fil « On ne l’a pas encore arrêté ».

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Dans le film, lors des séquences en voiture, on voit un chien. Tant Hitchcock que Nova Pilbeam s’en entichèrent, et le maître (qui au fond n’était un gros ours pas méchant) rajoutera des séquences pour que l’animal reste davantage sur le tournage.

Les biographes estiment que le maître se montra gentil avec Nova car il savait qu’il n’en tirerait rien de plus et qu’elle ne serait jamais une héroïne de ses films. Voilà un jugement bien sévère. L’actrice est parfaite.
Si le maître a vu juste concernant Ingrid Bergman et Grace Kelly, il a surestimé le mannequin Tippi Hedren « la blonde de trop » et la fade Joan Fontaine, et sous estimé à la fois Nova Pilbeam et Sylvia Sydney (« Agent secret »). On ne peut pas dire que son jugement était infaillible. Sauf lorsqu'il remis à sa (juste) place le mauvais ersatz de Marilyn qu'était Kim Novak (Vertigo).

Par contre, le jeu de Derrick de Marney est vite limité. Sans atteindre la médiocrité de John Loder dans « Agent secret », De Marney est trop sûr de lui, et cela gâche en partie le suspense. Son regard ironique, ses airs roublards, qui contrastent avec la pureté de Nova Pilbeam, nous font nous interroger sur le choix du maître.
Les décors sont pittoresques (le moulin, le jardin de l’oncle Basile – sic- joué par Basil Ratford à ne pas confondre avec Basil Rathbone).

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Pour s’innocenter, Robert doit trouver un pardessus que lui a volé un clochard qui contient la ceinture qui aurait étranglé Christine Clay. Dans le roman, Robert est accusé à cause d’un bouton de l’imperméable retrouvé sur le corps et non une ceinture.

Le vagabond, Will (Edward Rigby) est l’un des personnages indispensables du film, surtout de la scène finale, mais il ne faudrait pas oublier l’oncle Basile, ni la tante Margaret (Mary Clare) lors de la scène de l’anniversaire de Félicité. Ces personnages qui semblent, au premier abord, inutiles à l’intrigue, font en fait tout le charme de « Jeune et innocent ». Par exemple, le nain de pierre que le fuyard offre à la tante d’Erica pour Félicité (il l’a volé en entrant), ou le nom de famille saugrenu que donne Robert : Bitchton Wallanclum.

Par contre, on se demande bien pourquoi les américains, en sortant le film sous le titre « The girl was young », censurèrent la partie de colin maillard !

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A la 48e minute, le film bascule dans la noirceur et la réalité lorsque la tante Margaret dénonce Erica.
Après la découverte du vagabond, le film nous présente une séquence, dans l’ancienne carrière, que le maître reprendra dans « La Mort aux trousses », celle où Robert sauve in-extrémis Erica dont la Morris est engloutie dans un éboulement.

On s’aperçoit alors que le nom de famille Burgoyne se transforme en… Durwen, nom qu’avait mentionné la tante Margaret.

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Les amoureux séparés, Erika affronte son père. Il va démissionner. Mais tel Roméo, Robert a escaladé le mur jusqu’à la chambre où la jeune femme est consignée. Elle se jette dans ses bras.

Le film, qui nous a surtout amusés, aborde un registre plus sombre, et Derrick de Marnay, décevant au début, trouve enfin le ton juste. Dommage que nous en soyons à 1h09 sur les 1h12 que compte le métrage.
Nous abordons la scène finale du Grand Hotel, dont des allumettes ont été découvertes dans le pardessus de Robert. Le vagabond raconte que l’homme qui lui a donné le vêtement cligne des yeux.

Avec le dénouement heureux et la fin inespérée, Sir Alfred se désintéresse totalement de l’intrigue policière. Ce qui compte, au-delà des improbables aveux du tueur, c’est la réconciliation père fille. Burgoyne (ou Durwen) serre la main à son futur gendre de façon un peu crispée.

Sueurs froides 9

 

 

Mention très bien à Nova Pilbeam, passable à de Marnay qui aurait pu adopter un jeu plus subtil plus tôt (on ressent ici le manque de direction de l’acteur dû sans doute aux mauvaises relations avec le metteur en scène).
Cette-fois, on applaudit au spectacle et le film gagne quatre melons amplement mérités.

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11. UNE FEMME DISPARAÎT
(THE LADY VANISHES)

La Mort aux Trousses

 

 

Après « Jeune et innocent », Hitchcock décide d’aller en Amérique tenter sa chance.

Il avait dans ses bagages un projet de film : l’histoire d’un père escroc et de ses alibis. Ce film aurait eu pour vedette Nova Pilbeam.

Hitchcock fit le voyage pour rien. L’agence Selznick voulait lui faire signer un contrat, mais rien de concret ne devait aboutir.

Revenu dans la patrie natale, Hitch prit en route un film que devait réaliser Roy William Neill (qui sera le metteur en scène des « Sherlock Holmes avec Basil Rathbone), et dont des scènes avaient été tournées en Yougoslavie. 

R W Neill avait abandonné le projet.

La Mort aux Trousses 1

 

 

Tiré du roman « The wheel spins », d’Ethel Lina White, l’adaptation était déjà finalisée par deux scénaristes, Sidney Gilliat et Frank Launder. Habituellement, le maître engageait de nombreux scénaristes, mais il n’eut pas cette opportunité ici.

De plus, pour le rôle principal, Iris Henderson, il envisageait de retrouver Nova Pilbeam. Ted Black, le producteur, lui conseilla plutôt Margaret Lockwood et ce fut la fin de la collaboration entre Nova et Hitch.

On ne peut que regretter qu’il en fût ainsi. Nova avait beaucoup plus de charme que Margaret.

La Mort aux Trousses 2

Pour éviter de désigner l’Allemagne nazie comme adversaire, les scénaristes avaient inventé un pays imaginaire, le Bandrieka. Mais aucun ne spectateur ne sera dupe. Les uniformes, les armes, les voitures, notamment lors de l'attaque du train, ou encore le patronyme du méchant (Hartz) ne laissent aucun doute.

Pour montrer la sauvagerie d’Hitler, on montre un britannique, l’avocat Eric Todhunter (Cecil Parker) qui ne se sent pas concerné par l’histoire et agite un drapeau blanc : il est froidement abattu. Cela renforce l’aspect politique du script. Les pacifistes, mais Eric est plus un lâche qu’autre chose, y passeront comme ceux qui luttent. Alors autant essayer de sauver sa vie et de se battre.

May Whitty est l’autre héroïne du film, une femme agent secret qui préfigure la Miss Marple de Margaret Rutherford. Elle interprète la femme qui disparaît dans le train, Miss Froy.

La Mort aux Trousses 3

C’est Ted Black qui choisit Michael Redgrave, acteur de théâtre venu sur le tournage sans cacher son mépris pour le cinéma. Il tient le rôle de Gilbert, un anglais excentrique, qui se passionne pour la musique folklorique – tout en fuyant les créanciers de son défunt père – et va tomber amoureux d’Iris.

On peut considérer que son jeu, pas très convaincant au début en railleur, s'améliore nettement vers le milieu et la fin du film.

Hitch commence le film par un travelling sur le train sous la neige. Le tournage avait lieu au studio Lime Grove, pour des raisons d’économie, et l’on y favorisait les films se déroulant dans des trains et autres véhicules.
A la différence des « 39 marches » ou de « Jeune et innocent », le film met du temps à démarrer.

La Mort aux Trousses 4

Mais ce défaut est imputable à Hitch et non aux deux scénaristes, car il a un peu inutilement surchargé les 20 premières minutes de comédie.

Le prologue dans l’auberge sert à une longue scène d’exposition des personnages : les deux joueurs de cricket, le couple adultère (un avocat et sa maîtresse), le psychiatre, le prestidigitateur.

Le premier meurtre, celui d’un musicien, auquel Miss Froy jette une pièce du haut de sa chambre, nous prépare au climat de mystère et de terreur qui va régner dans l’intrigue.

La Mort aux Trousses 5

 

Le tournage se déroula dans la tension et les difficultés. Redgrave ne comprenait pas les tactiques d’Hitchcock, et surtout le timing : « Au théâtre, disait-il, on a trois semaines pour répéter ». « Ici, répondit Sir Alfred, vous avez trois minutes ».

Redgrave ne se fit jamais à l’humour du maître, mais finit par se détendre et accepter la situation.

En revanche, les deux scénaristes (Gilliat et Launder) en voulaient à Sir Alfred, ils se rendaient compte qu’après avoir feint d’accepter le script en l’état, il le détournait en un mélange de comédie et de suspense à sa sauce.

On ne pleurera pas sur le sort de la médiocre Margaret Lockwood : elle se plaignait d’avoir affaire à un « bouddha somnolent » en guise de réalisateur. Elle n’avait qu'à pas prendre la place Nova Pilbeam ! (avec qui le film aurait été bien meilleur).

La Mort aux Trousses 6

A la 31e minute, Iris (Margaret Lockwood) s’endort. A la 32e, Miss Froy a disparu et le cauchemar commence.

« Une femme disparaît », malgré quelques erreurs de casting, est un chef d’œuvre de paranoïa. Voulant savoir si le déjeuner est réservé, Iris demande aux autres passagers où Miss Froy est passée.

A partir de là, nous savourons un scénario béton et une mise en scène impeccable. Le magicien, Doppo (Philip Leaver) a un air abruti qui cache un personnage redoutable et dangereux. La baronne Athena (Mary Clare, la tante Margaret dans « Jeune et innocent ») est ici grimée en vieille bique façon Rosa Klebb/Lotte Lenya dans « Bons baisers de Russie ». Le psychiatre, le docteur Ivon Hartz (Paul Lukas) a tout du méchant hitchcockien de la plus pure tradition.

 

Comme Iris a reçu un gros pot de terre sur la tête à la gare (une tentative d’assassinat ratée contre Miss Froy), on la fait vite passer pour folle.

Par égoïsme, afin que le train ne soit pas arrêté et qu’ils ne ratent par leur match de cricket à Bâle, les deux joueurs Caldicott (Nauton Wayne) et Charters (Basil Radford – oncle Basile dans « Jeune et innocent ») ne témoigneront pas.

Le docteur fait monter une patiente bandée dans le train. On pense tout de suite que c’est une manigance pour dissimuler le corps de Miss Froy.

Passée la déception de Margaret Lockwood, on peut constater qu’une très belle et talentueuse comédienne figure dans le film : la maîtresse de l’avocat (Linden Travers, sublime et très aguichante), flanqué d’un amant improbable et lâche, Eric Todhunter, joué par Cecil Parker, Glover dans « Un petit déjeuner trop lourd » de la série « Chapeau melon et bottes de cuir », à qui elle reproche d’avoir refusé de témoigner.

Malheureusement, Linden est sous employée. Son temps d’image est limité. Dommage. Margaret/Linden Travers accepte de témoigner. Puis, pour sauver sa vie, se rétracte.

Madame Kummer (Josephine Wilson) se fait passer pour celle qu’Iris croit avoir vue comme une lady anglaise.

S’il doit composer avec une partenaire sans charisme, Michael Redgrave arrive petit à petit à nous captiver, en perdant un peu son air snob.

La paranoïa atteint son paroxysme à la cinquantième minute quand Iris Henderson, attablée au wagon restaurant avec Gilbert, voit la trace des doigts de la vieille dame qui avait écrit son nom sur la fenêtre alors que le train faisait du vacarme. Le nom écrit sur la vitre disparaît. Iris devient hystérique.

Hartz veut alors hospitaliser Iris dans sa clinique. Mais en voyant le paquet de thé de Miss Froy, Gilbert comprend que la jeune femme n’a rien inventé. L’humour n’est jamais absent, notamment lorsque le couple pense retrouver Miss Froy dans un panier et tombe sur…un mouton !

Hitch filme les visages des protagonistes menaçants en gros plan, Hartz, la baronne Athena, ce sont des nazis, mais ils auraient pu quelques années plus tard être des soviétiques.

La Mort aux Trousses 7

Le film perd quelque intensité lors de la bagarre avec Doppo le magicien. Puis la religieuse aux talons hauts.
C’est lors de la discussion avec Hartz que l’intrigue commence à perdre de sa prestance. La paranoïa retombe et « Une femme disparaît », par rapport aux « 39 marches » et à « Jeune et innocent », connaît un temps mort. Lorsque Hartz tombe le masque, le voile du mystère se déchire.

Si le film fut le plus grand succès britannique de tous les temps au box office en 1938, il a indubitablement vieilli. La perte de rythme sur la durée est peut être explicable par la longueur du film (1h32 contre 80 minutes pour « Jeune et innocent » et 81 pour « Les 39 marches ».

Une femme disparaît

L’attaque du train à 1h30 est un moment d’anthologie. Le train a été détourné de sa voie. C’est le moment que choisit Miss Froy pour dévoiler le MacGuffin du film, un air codé. Le moment d’émotion est le départ de la gouvernante agent du Foreign Office.

Le film, après une trop longue scène verbeuse, repart comme le train sur les rails (sans mécaniciens, les « méchants » les ont tué – même situation que « Number Seventeen »)

Notons que la maquette du train, lorsqu’il passe la frontière, est un peu trop évidente.

Le final grandiose, la performance de Michael Redgrave (qui de passable au début devient convaincant à la coda) et celle non moins éclatante de May Whitty permettent au film, in extremis (suspense que n’avait pas prévu le maître) d’atteindre les quatre melons, avec beaucoup moins d’aisance, il faut le dire, que « Les 39 marches » et « Jeune et innocent » qui eux ne connaissent pas de temps morts.

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12. LA TAVERNE DE LA JAMAÏQUE
(JAMAICA INN)

LES AMANTS DU CAPRICORNE

 

 

 

Tout d’abord, il existe plusieurs adaptations de la nouvelle de Daphné du Maurier en dehors de celle d’Hitchcock. Citons surtout la version télévisée de 1983 avec Patrick Mc Goohan et Jane Seymour, réalisée par Lawrence Gordon Clark, excellente, qu’Antenne 2 diffusa dans les années 80.

En 1939, Hitchcock voulait faire une carrière américaine, et le producteur David O’Selznick lui avait promis de tourner « Titanic ». Réponse de l’anglais : « J’ai déjà une grande expérience des icebergs, j’ai dirigé Madeleine Carroll ».

Le film ne se fera pas, mais le départ du gros homme était décidé. Pourtant, il accepta, à la demande de Charles Laughton de réaliser « La taverne de la Jamaïque », d’après un roman qui évoque beaucoup « L’île au trésor » de Robert Louis Stevenson, même s’il est de l’auteur de « Rebecca ».

LES AMANTS DU CAPRICORNE 1

Pour ce film, le spectacle eut lieu autant dans les coulisses qu’à l’écran. C’est sans doute le film d’Hitchcock sur lequel on peut citer le plus d’anecdotes « qui ne sont pas du cinéma ».

Pour la seule et unique fois de sa carrière, Hitch eut un mort à déplorer sur ce dangereux tournage, celui du comédien Edwin Greenwood. Sidney Gilliat, l’un des scénaristes, mit carrément en cause le maître. Il fallait renvoyer ce pauvre homme chez lui. Greenwood mourut d’une pneumonie, et selon Gilliat, si le maître ne s’était pas entêté à poursuivre le tournage avec l’acteur, le drame aurait été évité.

Ensuite, il y a des choses assez croustillantes au sujet de Laughton. Il cabotinait, était impossible à diriger, et un jour, il finit par se mettre à pleurer après s’être assis dans un coin. Il n’arrivait pas à trouver le ton juste pour une scène. Hitch s’approcha de lui et le comédien lui dit : « Quels bébés nous faisons tous les deux, n’est-ce pas ? ». Certains assurent avoir entendu le maître murmurer « Parlez pour vous ».

LES AMANTS DU CAPRICORNE 2

 

 

Charles Laughton engagea une inconnue venue d’Irlande, Maureen O’Hara sur ses capacités euh… Il parait qu’il ne faut pas coucher pour réussir dans le métier et que c’est une légende, mais pas avec Charles Laughton. La jeune rousse de 18 ans ensorcela l’ogre qui devint son « pygmalion ». Sitôt le tournage terminé, O’Hara et Laughton embarquèrent sur le Queen Mary direction l’Amérique.

Lorsque Hitch se hasarda à demander à Laughton ce qu’il trouvait à Maureen O’Hara pour l’avoir engagée dans le premier rôle, alors qu’elle n’avait aucune expérience et que c’était sa première apparition à l’écran, le bougre répondit : « Sa chevelure rousse et ses yeux ». Très curieusement, Hitch lui proposa le rôle de la seconde Mrs de Winter, qui sera finalement tenu par Joan Fontaine.

Ce n’est pas tout. Laughton devint insupportable sur le plateau. Il fit changer le script par JB. Priestley pour qu’il ait davantage de scènes, au détriment de toute l’histoire. En effet, son personnage, le chef de la bande, doit rester bien caché et éloigné de l’auberge de la Jamaïque, repaire de pirates qui attirent les bateaux sur les côtes de Cornouailles, massacrent les équipages et dérobent les marchandises. Il en est ainsi dans le roman. Mais Laughton veut que Sir Pengallan apparaisse à l’auberge ! (Pour qu’on le voit davantage à l’écran).

LES AMANTS DU CAPRICORNE 3

Un autre jour, le pauvre Sir Alfred qui s’est engagé, si l’on ose dire, dans une belle galère, a du mal à obtenir la prise qu’il veut avec le comédien. Lorsqu’ils y parviennent, Laughton demande à parler à Hitch et lui déclare : « Je suis arrivé à faire cette scène, mon inspiration étant de penser à moi quand j’avais dix ans et que j’avais fait pipi dans ma culotte ».

S’il n’avait pas eu son contrat américain avec Selznick, Hitch jure qu’il se serait sauvé. Laughton se fera massacrer par la critique à la sortie du film. Le plus étonnant est que le maître ait à nouveau fait appel à lui après cette expérience pour « Le Procès Paradine ».

Le film commence par l’arrivée de Mary Yelland dont les parents sont morts, et qui n’a que sa tante au monde. Elle tient l’auberge de la Jamaïque. Les gens du pays en ont aussi peur que le château de Dracula chez Bram Stoker. Au point que le cocher qui amène Mary ne veut pas s’arrêter et conduit la voyageuse chez le magistrat du comté, Sir Humphrey Pengallan.

LES AMANTS DU CAPRICORNE 4

 

 

Mais quand elle rencontre le mari de sa tante, l’oncle Joss (Leslie Banks), Mary est épouvantée. Comme Daphné du Maurier en voyant le film qui demanda à ne pas être créditée au générique.

Le film est truculent, violent, bouillonnant. La culpabilité de Sir Humphrey comme chef des pirates est révélée dès la 26e minute. Il vient demander des comptes à Joss. Et lui dire qu’il apprécie beaucoup sa nièce…
Laquelle nièce comprend qu’elle est tombée chez des truands. L’un des voleurs a voulu revendre de la marchandise pour son compte et les autres le pendent. Mary assiste à l’exécution.

Elle intervient à temps pour couper la corde et faire se sauver l’homme. Patience (Mary Ney) la tante, lui dit de se sauver.

LES AMANTS DU CAPRICORNE 5

 

 

Maureen O’Hara n’est absolument pas dans le personnage, qui aurait mieux convenue à une Joan Fontaine, voire à Nova Pilbeam. En 1983, Jane Seymour composait une Mary Yelland impeccable même si elle n’avait plus l’âge du rôle (Elle est née en 1951). En revanche, Robert Newton compose un excellent Trehearne(le pendu), faux pirate et vrai policier. C’est un héros au physique ingrat (rare chez Hitch) et que l’on croit pendant tout le début meurtrier et voleur. Pour avoir infiltré la bande, il a bien dû participer au premier massacre que nous voyons, où les marins naufragés sont achevés à coups de poignard. Maureen fait tellement « fille de joie » qu’elle ne dépareille pas auprès de cette « gueule », censée l’épouvanter.

Hitchcock a reconstitué les Cornouailles aux studios Elstree. Le film propose des images de la mer déchaînée fondues sur les paysages en transparence.

Les scènes de fuite dans la mer de Mary et Trehearne comportent le lot de frissons que le maître impulse à chacun de ses films. Trehearne s’avère être un policier. Sir Humphrey est obligé de feindre l’arrestation de Joss, puisque après la fuite à la nage, ils se sont réfugiés chez le magistrat.

LES AMANTS DU CAPRICORNE 6

 

 

 

 

 


Une nouvelle attaque de bateau est prévue, et Trehearne et Humphrey laissés prisonniers à la merci de la tante Patience (qui en a beaucoup pour supporter son mari). Après plusieurs retournements de situation, dont l’assassinat de Patience par le juge, ce dernier décide de prendre la fuite en France en enlevant la plantureuse Mary.

Trehearne a prévenu les autorités (la cavalerie du roi) qui arrivent. Cerné, Sir Humphrey se suicide en se jetant du haut d’un mât.

Le film est plus un film de Charles Laughton que d’Hitchcock. Les pirates traitent lors de la fuite de Joss et de Mary cette dernière de « catin », et il est vrai que c’est ce que l’actrice évoque, plus qu’une sainte nitouche, ce qu’est le personnage du roman.

Laughton, admirable en capitaine Bligh dans « Les mutins du Bounty » ruine ici le film. Restent de belles images de la mer, des truands, de la lande et de la côte des Cornouailles.

Bien que le noir et blanc ajoute une saveur particulière à « Jamaica Inn », on préfèrera la version avec Patrick Mc Goohan. Sir Alfred n’aimait pas les films en costume (« Le Chant du Danube ») disant qu’il voulait coller au présent, pourtant il en refera un avec le sublime « Les Amants du Capricorne ».

 

 

 

 

 

LES AMANTS DU CAPRICORNE 7

Dans les rôles secondaires, Horace Hodges est prodigieux en Chadwick, domestique de Sir Humphrey, perpétuellement humilié car il n’est pas de souche noble. Dans la scène où tel un tyran du moyen âge, Humphrey rançonne les paysans qui viennent un à un lui donner leur argent, Chadwick sera remis à sa place parce qu’il ne voulait pas donner son quitus à un paysan dont le fils a la jambe blessée et ne peut plus travailler. Bien qu’il les rançonne par l’impôt, Humphrey se sent des leurs.

L’autre rôle très joliment joué est celui de la tante Patience Merlyn, incarné avec sobriété par Marie Ney.
En revanche, Leslie Banks suit la pente de Laughton en surjouant son personnage d’oncle Joss Merlyn. Il est méconnaissable alors qu’il jouait le père de l’enfant enlevé dans la version 1934 de « L’homme qui en savait trop ». Ici, on a l’impression qu’il joue Mister Hyde. Regard halluciné, bacantes, il a tout pour épouvanter le spectateur. Mais pas Maureen qui n’a pas froid aux yeux, le prend pour un domestique de son oncle et jure qu’elle le fera chasser.

Sur ce film, et ce doit être un cas unique, Alfred Hitchcock n’a pas fait le bras de fer avec ses interprètes. Il a laissé Laughton s’emparer du navire. Ce film conclut la période anglaise du maître.
Hitchcock, et cela n’étonnera personne, se régalera à mettre en valeur la plastique de Maureen O’Hara, notamment dans la scène où coincée avec Robert Newton/Trehearne, elle est contrainte de se déshabiller et de nager. Puis vient la scène quasi sado-masochiste où le juge de paix ligote les mains de Mary et l’oblige à s’agenouiller devant lui, formant un couple maître-esclave. La connotation fortement sexuelle de cette scène a échappé aux censeurs de l’époque. Elle est évidente en revoyant le film aujourd’hui.

LES AMANTS DU CAPRICORNE 8

 

Si l’on admet que le film est une adaptation très libre du livre de Daphné du Maurier, on trouvera du charme à ce film, mais si l’on veut une adaptation fidèle, il faut se référer à la version télévisée de 1983. Jane Seymour y est terrifiée quand Maureen tient tête.

Laughton suscite vite l’irritation du spectateur, même si l’on ne connaît pas les problèmes sur le tournage. Il est de chaque plan du film, narcissique et jouant comme un cochon. Maureen elle qui n’est absolument pas le personnage (on ne peut le reprocher à Hitch, il ne l’a pas choisi, c’est la maîtresse de Laughton) est l’une des héroïnes les plus explicitement sensuelles de toute la galerie des interprètes féminines d’Hitch. Malgré tout, le film avait tout pour être un bon Hitchcock si Laughton n’avait pas laissé si peu de liberté de direction au metteur en scène. Laughton était producteur-acteur et faisait ce qu’il voulait.

LES AMANTS DU CAPRICORNE 9

Dès son arrivée sur le plateau, Sir Alfred détesta le coproducteur, Erich Pommer, qui avait fui le nazisme. Il tenait à superviser toutes les scènes, refusa le scénario de Joan Harrison (la future productrice de « Alfred Hitchcock présente »), pour mettre en évidence les retouches de J B Priestley. Pour s’ouvrir le marché américain, qui n’aurait jamais accepté Sir Humphrey comme un ecclésiastique, il en fit un juge. Par contre, il ne trouva rien à redire sur les scènes équivoques avec Maureen O’Hara.

Sir Alfred, et cela se voit à l’écran, a pris du plaisir à filmer le début, l’arrivée de la diligence qui amène Mary à l’auberge. Hitch pour le reste, se sentit pris au piège, il déclarera plus tard : « J’étais découragé par l’absurdité de l’entreprise, mais le contrat avait été signé ».

On peut trouver des qualités au film, mais il faut oublier le roman. Laughton aurait tendance à tirer la note à la baisse, et Maureen O’Hara (qui fera carrière chez John Ford) à la hausse. Le film atteint de justesse les trois melons pour le côté « Ile au trésor » trash, pour la sensualité et les formes de Maureen, et surtout pour ces ombres de pirates qui évoquent les coupe- jarrets d’un autre âge.

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Les trente-neuf marches (The thirty-nine steps) - 1935