L'Opération Corned-Beef (1991) par Sébastien Raymond Résumé : Un officier du service de contre-espionnage français apprend que sa fiancée, elle-même espionne, doit jouer l’amante d’un bourgeois dans une opération visant à attraper un grand trafiquant. Sa jalousie est si maladive qu’il change les plans de l’opération en cours, au grand dam de tous les protagonistes. Critique : J’aime beaucoup la troupe du Splendid, son évolution, ses acteurs aux filmographies si diverses, si riches pour certains, si audacieuses pour d’autres. C’est un gang sympathique, dont la créativité et la joie naissante a laissé de bien grandes comédies françaises. Parmi eux, Christian Clavier est sans doute l’un des membres dont le parcours a été et reste le plus décrié. Pourtant, il est sans doute également un des plus doués en même temps que des plus variés. Et, me semble-t-il, le déchainement de critiques acerbes à son encontre, a commencé véritablement avec ce film, bien que ce soit sur La soif de l’or et Les anges gardiens qu’elles se sont faites les plus virulentes. Les questions qui m’intéressent aujourd’hui alors que je revois ce film est de savoir ce que valent le film, la prestation de Christian Clavier, sa collaboration avec Jean Réno et également la propre évolution de la mise en scène de Jean-Marie Poiré déjà assez évidente sur ce film, alors que le succès des Visiteurs est encore à venir. Est-ce qu’avec le recul on peut considérer un film et ses créateurs pour ce qu’ils offrent à l’écran, ce qu’ils produisent, indépendamment des guéguerres propres au cinéma français entre l’élitisme intellectuel et le divertissement populaire, puisque le reproche essentiel fait à Clavier reste celui d’avoir surfé sur le succès et d’avoir usé jusqu’à la corde de recettes qui ont marché ? Je comprends que l’on puisse tiquer devant les gesticulations hystériques trop souvent utilisées par l’acteur, mais aussi pour ce film en particulier devant le scénario un peu déséquilibré, de même que devant le montage d’ores et déjà trop serré qui fait la marque de fabrique du cinéma de Jean-Marie Poiré. Toutefois, il serait un peu trop hâtif de notre part, et même injuste, ne pas souligner la complicité naissante et déjà réjouissante qui se développe entre Christian Clavier et Jean Réno par exemple, un des points forts du film si l’on veut bien y porter un regard serein. Il convient aussi de ne pas oublier que le scénario, aussi inconstant soit-il, recèle quelques très bons moments de comédie pure, grâce à des dialogues bien sentis et des comédiens parfois excellents. Les reproches qui me paraissent justifiés sur Les anges gardiens ou La soif de l’or me semblent ici prématurés. Le montage est notamment, certes très rapide, mais encore tout à fait lisible. Tout le long du film, il sait aménager les temps un peu plus calmes, autant de temps de respiration pour mieux mettre en valeur les scènes d’action ou de comédie. La dynamique au coeur du film est pleine d’allant, de vivacité. Le début et la fin sont un peu plus ronronnants et offrent un contraste un peu trop saisissant ; c’est là qu’une certaine forme de déséquilibre altère la cohérence de l’ensemble et donc la fluidité générale de la narration. De fait, on a du mal à voir dans L’opération Corned Beef un film bien construit. La prestation de Christian Clavier n’est pas mauvaise, même si elle peut laisser certains sur leur faim. A peu de choses près, son personnage fait penser à celui qu’il tient dans Papy fait de la résistance, celui d’un bourgeois arriviste, dont le statut social ne tient qu’à un fil, celui de son épouse fortunée. Clavier n’a pas fait basculer son jeu dans l’hystérie la plus complète, celle qu’il manifestera plus tard. Par bribes pourtant, elle peut apparaitre ici ou là, en germe si l’on peut dire, mais si l’on y regarde de près, elle a toujours été plus ou moins constitutive de son jeu, chez tous ses personnages. Et quand il la gère parfaitement, avec mesure, il en est le roi incontesté. Il n’a pas le génie d’un Louis de Funès, loin s’en faut, mais il fait partie des comédiens français qui peuvent s’y risquer et parfois en créditer à bon escient ses personnages et le comique qui en résulte. Je dirais même qu’elle fait la quintessence de son jeu, construit sur le déni, et l’explosion comique de la vérité à un certain moment. Dans Papy fait de la résistance, dans Les bronzés, dans Le père noel est une ordure, il est déjà magistral sur ce point-là. Dans Les Visiteurs, il fait évoluer son jeu de façon diamétralement opposée (une sorte de parenthèse). Dans L’opération Corned Beef, il fait encore preuve de justesse et de précision. Le petit bémol vient plutôt à vrai dire du scénario car son personnage est assez imbécile, ou du moins d’une grande naïveté. Un peu lent à la détente pour comprendre ce qui se déroule pourtant sous ses yeux, il apparaît un peu nigaud et finalement peu sympathique. Face à lui, Jean Réno joue les gros bras jaloux, la masse de muscles pas plus futé que son compère, feignant de contrôler mais qui en réalité perd les pédales facilement. Pas non plus très sympathique, son personnage fonctionne pourtant à merveille en combinaison avec celui de Clavier. Si individuellement, les deux personnages offrent peu de prises sur lesquelles le public peut s’accrocher, leur association de losers, leur interaction est d’une belle richesse comique et fait en fin de compte tout le sel du film. Il y a déjà là un avant-goût du duo des Visiteurs qui me plait beaucoup. Je crois bien que c’est ce pour quoi je revois ce film avec un certain plaisir malgré ses défauts, cette évidente complicité entre les deux acteurs. Il y a tout de même quelques petits plus à mettre au crédit de ce film : des rôles secondaires superbement tenus ! Je pense ici d’abord à Valérie Lemercier et Jacques François, peut-être Jacques Sereys. Je serais moins disert sur Isabelle Renauld ou Mireille Rufel cependant. Valérie Lemercier n’a finalement qu’un tout petit rôle, trop réduit selon moi, mais cette aptitude incroyable à éclairer son personnage d’une lumière comique ultra puissante est ici, comme toujours avec cette grande comédienne, d’une efficacité autant que d’une inventivité scénique remarquables, qui me surprennent à chaque fois. Jacques François dont le jeu rigide est toujours succulent livre comme d’habitude une performance redoutable : très collé-monté, ses pics de colère font mouche. Même s’il souffre de quelques déséquilibres, L’opération Corned Beef reste une comédie que je peux voir avec plaisir, pour deux ou trois scènes, deux ou trois comédiens. Anecdotes :
Séquences cultes : J'ai juste compris beaucoup de précautions Avec cette nana, c'est vraiment la samba ! Course-poursuite dans les rues de Bogota |
Tatie Danielle (1990) par Sébastien Raymond Résumé Tatie Danielle est une vieille dame méchante, aigrie, pour tout dire insupportable. Elle tyrannise sans vergogne sa bonne Odile. Mais le jour où celle-ci décède, le quotidien de Tatie Danielle est bouleversé. Critique : J’ai toujours eu un problème avec ce film : je n’ai jamais pu aimer son protagoniste central. Je n’ai jamais pu trouver cette Tatie Danielle ni sympathique, ni drôle, ni même intéressante, alors que c’est en grande partie la personnalité de cette héroïne qui a fait sa popularité auprès du public. Au-delà de ce point, la mise en scène est plutôt bonne, très nette, sans fioriture. Le scénario est bien balancé. Le rythme ne dépare pas, toujours équilibré. Les acteurs sont pas mal du tout. Bref, j’aurais dû faire comme tout le monde et adorer. Malgré tout, aujourd’hui encore, avec cette revoyure, je me suis ennuyé à mourir. On comprend bien, à l’évidence, que le film sous couvert de comédie, d’humour noir, avec un personnage aussi bête et méchant, tente de mettre en lumière la difficulté de vieillir, la peur de la dépendance avant la mort, surtout les rapports compliqués avec l’entourage. Cette Tatie Danielle a décidé de pratiquer la politique de la terre brûlée autour d’elle ou bien l’hypocrisie la plus cynique. Double jeu qui lui revient en pleine poire à un moment donné. Mais même ce retour de boomerang me laisse complètement froid. Il n’en demeure pas moins que je peux comprendre ceux qui aiment le film. Il est bien foutu. Et dans le rôle de Tatie Danielle, Tsilla Chelton excelle, redoutable d’efficacité. Quant aux seconds rôles, à commencer par Isabelle Nanty, ils sont également très propres. Je regrette vraiment de ne pas avoir pu adhérer à cette histoire. Je passe à côté : dommage pour moi. Anecdotes :
Séquences cultes : Elle est gentille ma fille ! Fainéant ! Elle pue ! |
La Vengeance d'une blonde (1994) par Sébastien Raymond Résumé Le présentateur d’un petit journal télévisé régional débarque à Paris et par un concours de circonstances pour le moins favorables prend les rênes du JT national. Le bouleversement est tel qu’il perd pied rapidement. La montée en flèche de sa carrière n’est pas en effet sans créer des remous dans sa vie familiale. Critique : La première fois que j’ai vu ce film (je ne l’ai pas vu en salle mais lors de sa sortie en dvd), j’avais détesté, m’étant ennuyé force 10 sur l’échelle d’Antonioni. J’avais éprouvé le pire supplice devant le jeu hystérique de Christian Clavier et de Clémentine Célarié. Aujourd’hui, une vingtaine d’années plus tard, j’ai toujours du mal avec un scénario qui ne réserve aucune surprise. Pire, il se permet d’être prévisible : dès les dix premières minutes, on devine la trajectoire du couple Clavier / Chazel. C’est dire l’indigence et le classicisme des enjeux. Cependant, j’avoue avoir beaucoup plus d’indulgence vis à vis des comédiens. Certes, ils articulent leur interprétation sur des tonalités volontiers exubérantes, très vociférantes, théâtrales et des archétypes tellement évidents qu’on a très peu de surprise à en tirer, mais ce côté farce, grotesque provoque quelque chose de positif, de souriant parfois. Je songe ici surtout au personnage joué par Clémentine Célarié : son cynisme aussi bien que sa libido exacerbée pimentent bien la caricature de la self-made-woman qu’elle a voulu décrire. Elle la joue à merveille, avec son œil égrillard, vorace, qui m’a bien fait rire. De même le personnage satirique que joue Thierry Lhermitte, singeant de toute évidence Patrick Sabatier jusqu’au bout du râtelier blanchissime, est assez réjouissant, même si, oui, lui aussi est archi-caricatural. Il illustre bien l’aspect grossier, farceur de la comédie. J’écris cela sans penser à mal. La farce et le grotesque ne sont pas des partis-pris forcément péjoratifs : le théâtre médiéval s’est constitué aussi sur ces aspects. Molière s’en est nourri. Le réalisateur exploite trop sagement tout cela, de manière à livrer un spectacle juste correct. Il manque à la réalisation beaucoup de nerf, mais avant tout de la personnalité. Aucune invention, aucune idée pour venir égayer la conduite du récit. On marche à l’ordinaire. À la fin du compte, on a pu sourire grâce à deux ou trois scènes, mais dans l’ensemble, le film reste assez plat, voire ennuyeux. Quoiqu’il en soit, il n’invite pas spécialement à la revoyure. Anecdotes :
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Ripoux contre ripoux (1990) par Sébastien Raymond Résumé François et René sont deux inspecteurs qui travaillent ensemble depuis 5 ans. Ils arrondissent leurs fins de mois de petits arrangements illicites avec les commerçants de leur quartier. François décide de devenir honnête afin de pouvoir passer son concours de Commissaire. Mais victimes d’un traquenard, les deux hommes sont suspendus de leurs fonctions. De plus, les deux nouveaux inspecteurs qui les remplacent se révèlent encore pires ripoux qu’eux. Critique : Cette suite, si elle n’est pas à proprement parler désagréable à suivre, n’en est pas moins dispensable. Tout le premier film tenait dans l’alchimie, entre complicité et opposition, que produisait le couple Noiret / Lhermitte, avec en toile de fond le Paris des années 80. Le film tournait autour de cela et d’une certaine façon, il soutenait avec une vraie délicatesse le passage de pouvoir entre deux générations. C’est cet héritage qui avait ému le public et avait fait le succès du film, populaire et critique. Or, cette suite se contente de suivre l’exact même canevas, avec le doute sur l’amitié entre les deux héros comme petit twist émotionnel. L’aspect nostalgique est encore une fois souligné mais avec moins de poésie, de délicatesse. La recette est trop évidente. Ce manque de subtilité n’empêchera pas les amoureux du premier film d’en apprécier la suite. Ceux comme moi qui avaient juste bien aimé seront un peu moins enthousiastes. J’ai aimé retrouver deux comédiens en particulier, qui n’étaient pas dans le premier film : Jean Benguigui et Guy Marchand, deux figures très importantes selon moi dans le panorama du cinéma populaire français, parmi les seconds rôles les plus récurrents sans doute dans les années 80/90 et qui, par conséquent, constituent une petite gourmandise que je goûte toujours avec un vrai plaisir nostalgique et cinéphage. Mais il faut se rendre à l’évidence : cela ne sauve pas le film totalement. Il me semble moyen, parce qu’il lui manque des éléments fondamentaux dans le scénario, et sans doute aussi dans le rythme qu’impose la mise en scène pour rendre le récit véritablement palpitant. Et bien sûr, j’en reviens à ce manque d’originalité par rapport au premier film. Je sais bien que c’est très difficile après un premier succès de trouver l’équilibre entre les ingrédients du succès originel et l’innovation. Il arrive que cela fonctionne dans le buddy movie comme avec L’arme fatale ou la série Chèvre / Compères / Fugitifs de Francis Veber. Avec ce 2e Ripoux cela paraît un peu loupé. Anecdotes :
Séquences cultes : C'est pas grave si il y a des gens honnêtes... Cheval dopé Tu veux quitter la police ? |
Une époque formidable... (1991) par Sébastien Raymond Résumé Berthier perd son boulot. Très vite en même temps que l’estime de soi, il perd sa femme, sa famille, son foyer. Dans sa chute sensationnelle, il tombe sur un groupe de sans domicile fixe qui vont l’aider à se retrouver, tant bien que mal. Critique : Je me rappelle que ce film eut un joli succès à sa sortie, autant en termes de box-office que de saluts critiques. Déjà avec Pinot simple flic, Gérard Jugnot avait signé une comédie aux teintes assez sombres. Sans pour autant aller jusqu’à évoquer la comédie italienne, subversive et politique, Une époque formidable n’est pas sans mordant. Cette satire ose un pari risqué : faire rire avec le déclassement social, l’un des périls les plus angoissants dans nos sociétés post-modernes consuméristes. Déjà dans les années 90, fortement imprégnées les sociétés subissaient le phénomène : le terme de « sinistrose » faisait la une des pages politiques, économiques et sociales de la presse. Malgré quelques maladresses du scénario quand il en rajoute sur le pathétique ou le mélodrame que subissent certains personnages, le film parvient tout de même à maintenir un bon équilibre entre la gravité de la situation et une bonne dose d’humour pour tenter d’alléger le ton général. Servis par de très bons acteurs, les dialogues ont parfois une belle touche « Splendid », de la percussion dans la punchline. Gérard Jugnot arrive sur ce film là en particulier à tirer de cet humour un certain lyrisme qui n’est pas sans poésie. Outre la performance de Gérard Jugnot lui-même, très sobre, avec un personnage courageux mais très fragilisé par son échec professionnel, avec un orgueil et une pudeur intacts, je retiendrais des comédiens avant tout la prestation de Ticky Holgado, tout en gouaille généreuse, personnage fort sympathique et émouvant et ensuite celle de Richard Bohringer. Dans un premier temps mystérieux, voire ambigu, toujours dans une sorte de retenue, dans un deuxième laissant se développer un je ne sais quoi d’élégance et qui fait preuve d’une belle aisance. Attention de ne pas oublier celle plus attendrissante encore de Victoria Abril. La comédienne espagnole parvient dans un rôle secondaire à faire la démonstration d’une grande maîtrise, tout en simplicité mais efficace. En dépit d’une ou deux séquences un poil trop criardes sous des effets larmoyants ou trop faciles, Une époque formidable réussit tout de même à garder un agréable équilibre en proposant un film intelligent et touchant. Anecdotes :
Séquences cultes : Mets des guillemets quand tu parles aux dames ! J'y suis tous les jours dehors Dans la Gestapo on disait ça aussi |