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Saison 1Saison 3

El Ministerio del Tiempo

Saison 2



1. TIEMPO DE LEYENDA



Date de diffusion : 15 février 2016

Époque visitée : 1099, le Cid Campeador

Résumé :

Suite aux troubles récents, l’émissaire du Président du Gouvernement, l’ambitieuse Susana Torres,  conteste l’autorité du Sous-secrétaire. Afin de renforcer son équipe, ce dernier réintègre Irene. Il doit cependant faire face à la défection de Julián, qui, ébranlé, décide de prendre du champ en quittant le Ministère par l’une des Portes. Or, suite à la découverte d’une nouvelle tombe, il semble soudain que deux différents Cid aient inexplicablement existé. Escortée d’Alonso et de Spinola, Amelia est envoyée près de Valence en 1099, peu de temps avant la mort du héros, afin de résoudre cette énigme. Elle découvre que l’authentique Cid a péri en 1079, durant un combat, du fait de l’intervention malencontreuse de deux agents du Ministère des années 1960 venus filmer ses exploits. Avec la complicité de Jimena (Chimène), l’un d’entre eux se fait depuis secrètement passer pour lui, afin de sauvegarder au mieux la continuité historique. Hélas, il périt un mois trop tôt, mais Alonso le remplace à son tour lors d’une bataille décisive contre les Sarrazins, achevant de résoudre la crise.

Critique :

El Ministerio del Tiempo apparaît au meilleur de sa forme à l’occasion du lancement de sa deuxième saison. Olivares manifeste derechef la même étonnante habilité pour insérer les interventions, fortunées ou non, du Ministère au sein du déroulement historique. La mise en place de deux Cid distincts accompagne ainsi à merveille la dualité de la vie ardente de Rodrigo Díaz de Vivar, d’abord mercenaire impitoyable (allant jusqu’à parfois combattre les Chrétiens pour le compte des seigneurs musulmans), ensuite devenu l’âme de la résistance de la belle Valence face à l’envahisseur. L’intervention d’Alonso, revêtant à son tour l’identité du héros afin de galvaniser ses hommes face aux hordes ennemies, rejoint également le mythe selon lequel le cadavre du Cid fut porté à cheval avant le combat, faisant croire à sa survie. De manière toujours fluide, l’auteur enrichit le récit de multiples informations, composant un portrait très humain du Cid et de Chimène, en dialoguant avec subtilité sur la distinction entre Histoire et Légende.

L’épisode séduit également par son refus d’un manichéisme facile, L’imposteur ne compose en rien un profiteur opportuniste, c’est-à-dire l’adversaire habituel de ce type d’histoires. . Bien au contraire il abandonne sa vie et sa famille afin de remplir son devoir, un piège se refermant sur toute son existence. Il va de même pour Alonso, prêts à tous les sacrifices pour que survive la légende du Cid et que s’accomplisse son destin. L’écho rencontré par la figue du héros auprès des Espagnols de toutes les époques en constitue un vibrant hommage. Ce mélange de fatalisme et de résilience digne face au destin répond à un sentiment très espagnol (ou castillan, selon ce que l’on voudra). Il se retrouve lors de l’interpellation de Spinola par Amelia, autour des conséquences de ses choix. À côté de l’émouvante Chimène, elle aussi au rendez-vous du devoir, Amelia devient le témoin bouleversé des vies de ces hommes pour qui tout cède à l’honneur. Aura Garrido s’avère impériale dans cette version plus tragique et tourmentée qu’à l’ordinaire d’Amelia. Olivares parachève son travail en agrégeant à cette thématique les parcours du Sous-secrétaire et d’Irene, mais aussi d’un Julián débutant une requête de rédemptions. Un magistral exemple de rebond après le départ d’un comédien clef, Rodolfo Sancho se mettant en quasi congé du Ministère.

Cette ambition moraliste n’empêche par l’opus de demeurer vivant et spectaculaire, grâce à une reconstruction médiévale soignée et évocatrice, ainsi qu’à une mise en scène alerte, n’hésitant à dépeindre sans fards les combats de l’époque. On regrettera simplement un abus de palette graphique visant à rendre par trop spectaculaire l’armée ennemie approchant de la citadelle du Cid toutes proportions gardées, on se croirait face à la horde de Sauron convergeant vers Minas Tirith à travers les Champs du Pelennor. Élément indispensable de la série, l’humour perdure malgré la tonalité tragique des événements. Il en va ainsi des petits anachronismes coutumiers, de l’inépuisable Velázquez, de la complicité virile d’Alonso et Spinola (ce dernier apprenant à connaître les colères froides d’Amelia) et, surtout de cet antiaméricanisme gaillard, en rien atténué en deuxième saison. Le portrait de Charlton Heston, en interprète du Cid totalement inculte et si hollywoodien, se révèle hilarant.

Anecdotes :

  • Rodrigo Díaz de Vivar (1043-1099), dit le Cid Campeador (le seigneur guerrier), fut une grande figure de la Reconquête. D’abord chevalier bien en cour auprès du Roi de Castille, il tomba en disgrâce et devint un mercenaire successivement au service des multiples souverains chrétiens ou musulmans participant à ce conflit complexe et aux alliances perpétuellement changeantes. Ses victoires lui valant un grand renom, il se réconcilie avec son Roi, Alfonso VI, et s’empare de la prestigieuse cité de Valence, capitale du Levant, en 1088. Il y règne toutefois en prince quasi indépendant, jusqu’à provoquer une nouvelle brouille avec le souverain. Le Cid parvient à sauver Valence de l’invasion almoravide en provenance du Maroc et s’installe comme Roi de Valence, de 1094 à sa mort. Au-delà de son parcours triasique, la légende du Cid l’a propulsé comme héros national espagnol et comme une figure de la littérature européenne. En France, il est ainsi évoqué par la célèbre tragi-comédie Le Cid de Corneille (1636) ou encore par La Légende des Siècles de Victor Hugo (1859).

  • Le Ministère a identifié l’épée principale du Cid, la célèbre Tizona (la Braise), dans la tombe de son légitime propriétaire. La légende veut que le Cid l’ait prise au Roi Baucar du Maroc après une prouesse d’armes à Valence. Elle fut effectivement enterrée à ses côtés. Aujourd’hui plusieurs musées espagnols revendiquent sa possession, aucune de ces épées n’étant définitivement reconnue comme étant la légendaire Tizona.

  • L’imposteur reconstitue le parcours du Cid à partir de sa connaissance du Cantar de mio Cid. Cette chanson de geste, la plus ancienne connue en Espagne, se diffusa dès la mort du héros. Elle contribua puissamment à installer la figure mythique du Cid, dont elle donne une vision romancée de sa vie itinérante déjà haute en couleurs. Grâce à son érudition, Amelia sait distinguer ce qui relève de l’Histoire ou de la légende et perce à jour la supercherie.

  • L’agent soigné par Julián est pressé de revenir en moins 142, où il est chargé de veiller sur Viriate. Ce berger lusitanien mena une révolte armée contre Rome, qui s’étendit à la plus grande partie de la péninsule ibérique. Il accumula les succès militaires, mais périt en moins 139, assassiné par des traîtres. Par ailleurs libérée de la menace carthaginoise, Rome put dès lors facilement écraser la rébellion.

  • Désespéré d’avoir la vie de ses compagnons en danger par ses tentatives de rejoindre son épouse, et par l’impossibilité de désormais la rejoindre. Julián quitte le Ministère en franchissant l’une des Portes, afin de retrouver un sens à sa vie. Du fait d’autres engagements, l’acteur Rodolfo Sancho doit en effet alléger sa présence durant le tournage de la série, où il n’effectuera plus que des apparitions ponctuelles. Il est néanmoins prévu qu’il participe à un feuilleton audio diffusé sur Radio Nacional et narrant les aventures solos de Julián.

  • Mar Saura (Susana Torres), ancienne Miss Barcelone 1992, se fit connaître comme mannequin puis comme actrice et animatrice vedette de la télévision espagnole. Parmi les récentes séries espagnoles à succès, elle participe notamment à Ángel o demonio, Cuentame un cuento et à Los Misterios de Laura. Cette chroniqueuse de mode très influente est également l’épouse du président de la fédération équestre espagnole.

  • Ambrosio Spinola, grand général du Siècle d’or, est ici de retour après avoir participé à l’épisode Cómo se reescribe el Tiempo (1.03). Durant l’intersaison, la production fut à l’écoute des fans de la série, les très actifs Ministericos, qui firent savoir quels personnages historiques déjà croisés ils désiraient revoir. Lope de Vega sera également du nombre.

  • Le Ministère du Temps envoie initialement ses agents filmer le Cid afin de permettre à Charlton Heston de l’incarner, afin que soit tourné l’épique film italo-américain Le Cid (1961). Il narre le conflit entre Rodrigo Díaz de Vivar et les Almoravides pour le Royaume de Valence, avec Sophia Loren dans le rôle de Chimène. Le film, précieux pour l’économie et le prestige espagnols, fut largement tourné en Castille et autour de Peníscola, au nord du Levant, dont les fortifications figurèrent les murailles de Valence. La production bénéficia effectivement des conseils érudits de Ramón Menéndez Pidal (1869-1968), grand universitaire et médiéviste espagnol, ici présenté comme l’un des dirigeants du Ministère.

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2. EL TIEMPO EN SUS MANOS

Date de diffusion : 22 février 2016

Époque visitée : diverses, la rue Antonio Grilo

Résumé :

En 1981, à Madrid, le policier Jesús Méndez est surnommé "Pacino" par ses collègues, du fait de sa ressemblance avec l’acteur dans le film Serpico. Il traque un serial killer s’en prenant depuis des années à des mères célibataires résidant dans une même rue. Le père de Pacino enquêtait déjà là-dessus en 1946 et a été ébranlé jusqu’au suicide quand il a vu l’homme inexplicablement disparaitre dans une armoire. Poursuivant l’individu, Pacino pénètre dans l’armoire et parvient dans notre époque. Repéré, il parvient à convaincre le Sous-secrétaire de sa bonne foi et il fait dès lors équipe avec la Patrouille du Temps, afin de résoudre l’affaire. Mais le but de Pacino n’est pas seulement d’arrêter l’assassin, mais bien d’annuler ses crimes. En découle une enquête éclatée sur deux époques, 1946 et 1886, au terme de laquelle, malgré sa désobéissance, ses qualités lui valent d’être intégré à la Patrouille. Parallèlement, on apprend qu’Irène est l’informatrice de Susana Torres.

Critique :

L’épisode prend astucieusement le parti pris opposé de la britannique Life on Mars, à laquelle on songe beaucoup durant tout le récit : cette fois c’est un policier des années 70/80 qui s’en vient dans notre époque, suscitant un choc culturel souvent savoureux. Interprété avec toute une flamme intérieure par Hugo Silva, Pacino se révèle un homme entièrement dédié à son drame familial, mais à la personnalité suffisamment riche pour échapper aux clichés inhérents à la vengeance (Bonjour, je m'appelle Inigo Montoya, tu as tué mon père, prépare-toi a mourir). Il s’avère idéalement taillé pour remplacer Julián, élément également rebelle au sein de l’équipe, mais aussi suffisamment différent pour apporter un renouvellement (savoir-faire policier, aptitude aux coups tordus, alternance d’époque).

Même si cela induit un certain ralentissement de l’action en milieu de récit, Olivares n’hésite d’ailleurs pas à consacrer du temps à développer le relationnel entre le nouveau venu et les autres membres du Ministère, tout en dépeignant l’évolution de l’organisation, entre la quête de Julián et la nouvelle trahison avérée d’Irène. Le serial killer n’est en rien édulcoré, certaines scènes de meurtre s’avèrent montrées avec crudité et impact, tandis que l’amateur des X-Files s’amusera des convergences avec 4D, l’assassin ne se dissimulant pas ici en passant d’un univers miroir à l’autre, mais d’un temps à l’autre. Évidemment le spectateur pourrait se sentir frustré d’une approche somme toute rapide des années 80 madrilènes, mais le sujet a déjà été traité en première saison (Qualquier Tiempo pasado).

Plus gênant, la multiplicité d’époques abordées, brièvement et d’un point de vue uniquement fonctionnel au sein de l’intrigue, fait que l’on y pénètre de manière beaucoup moins immersive que lors des opus précédents. De même, l’absence de personnages ou évènements historiques marquants, en dehors d’un abominable fait divers, réduit le pouvoir évocateur du scénario, même si l’ensemble demeure habilement mené. On préfère l’option d’un compagnon d’aventures permanent, tissant un vrai relationnel, à l’option qu’aurait pu constituer des invités historiques éphémères, comme Spinola précédemment. Olivares ni ne maîtrise, ni ne se soucie, du jeu subtil des paradoxes temporels s’enchevêtrant, mais il a raison d’avancer que ce n’est pas le sujet de la série et d’accorder la primauté à l’aventure.

Anecdotes :

  • Quand le Sous-secrétaire décrit le Ministère à Pacino, celui-ci estime qu’il s’agit d’une histoire à la Mortadelo y Filemón. Il s’agit de deux héros d’une bande dessinée lancée en 1958 (184 albums à ce jour) et très populaire en Espagne. Pastichant le style des films et séries d’espionnage des années 60, elle décrit les aventures et mésaventures de deux agents secrets à qui il advient des catastrophes absurdes du fait de leur totale incompétence. On peut ici témoigner que lire Mortadelo y Filemón représente un excellent moyen d’apprendre la langue espagnole !

  • Depuis le XIXème siècle, le tueur en série a assassiné une vingtaine de femmes à différentes époques, mais toutes ses victimes résidaient dans la rue Antonio Grilo, à Madrid. L’épisode joue ainsi sur la noire légende de cette rue bien réelle. Pourtant relativement courte, celle-ci a effectivement accumulé au fil des siècles un nombre anormalement élevé de meurtres ou de morts violentes, sans qu’aucune corrélation ne puisse être découverte, et sans qu’une explication ne puisse être donnée à cette aberration statistique observée depuis 1776. Le phénomène est particulièrement marqué au numéro 3 de la rue, l’édifice ayant totalisé 8 meurtres abominables en à peu près 70 ans : homme saigné à mort, épouse et enfants tués à coups de marteau, fille mère étranglant son bébé... Un grand nombre de fœtus humains y a également été découvert, le bâtiment abritant apparemment des avortements durant les années 40 et 50.

  • Quand le serial killer tue la mère de famille après avoir assommé Pacino, le discours de démission du Président du Gouvernement Adolfo Suárez vient de débuter à la télévision. Cela situe le drame au 29 janvier 1981, à 19h40. Depuis juillet 1976, cet ancien dirigeant franquiste modéré, issu de l’opus Dei, dirigeait le gouvernement ayant mené à bien la Transition démocratique, sous l’égide de S. M. Don Juan Carlos. En 1977, Suárez remporta les premières élections générales libres de l’après Franquisme et mit en place un gouvernement centriste. Usé politiquement, épuisé par l’ampleur de la tâche et pessimiste quant à une prévisible prochaine réaction militaire (la tentative de coup d’État de Tejero surviendra le 23 février), il finit par démissionner. Le Roi l’anoblira en l’élevant au rang de Duc, en remerciement de ses services envers la Couronne et la démocratie.

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3. . TIEMPO DE HIDALGOS

Date de diffusion : 29 février 2016

Époque visitée : 1604, Miguel de Cervantes et L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche

Résumé :

Gil Pérez, l’agent supervisant le Siècle d’Or, avertit le Ministère que Cervantes n’a pas déposé le manuscrit de Don Quichotte à l’imprimerie. En fait l’écrivain a vendu le document aux agents américains de Darrow, pour une fortune. Cervantes crée ainsi sa propre compagnie théâtrale, domaine où il n’a jamais percé et sur lequel son rival Lope de Vega règne en maître. Alonso et Amelia s’infiltrent dans les répétitions et entreprennent de saboter la pièce, n’y parvenant que grâce à un coup de pouce du Destin. Gil et Pacino mènent l’enquête et découvrent que Darrow s’intéresse désormais à Lope de Vega. Ils tendent une souricière lors du rendez-vous mais Amelia refuse que l’on fasse courir des risques au plus grand dramaturge espagnol. Finalement, après avoir empêché son suicide, la Patrouille emmène Cervantes en 2016, lui faisant croire qu’un rêve lui révèle la gloire de son œuvre. Il décide alors de réécrire Don Quichotte. Pendant ce temps, Irène fait évader Lola, qui rejoint la conspiration de Susana Torres, celle-ci apparaissant liée à Darrow.

Critique :

Après que l’opus précédent eut installé le nouveau membre émérite de la Patrouille du Temps, Tiempo de hidalgos a le mérite de développer efficacement l’univers de la série. La toujours sublime et vénéneuse Susana continue de tisser sa toile, tandis que l’organisation Darrow effectue un retour réussi en concurrent récurrent du Ministère, toujours désireuse de piller les trésors culturels de l’Espagne, après l’affaire du Guernica. L’amateur des séries d’espionnage des Sixties appréciera le développement de ce style d’histoires opposant deux organisations antagonistes mais parfois si semblables, comme les deux faces d’une même pièce. Etabli dès la première saison, l’amusant parallèle avec Au-cœur du Temps se poursuit, les agents de Darrow se dématérialisant en passant d’une époque à l’autre, tout comme les aventureux voyageurs du Chronogyre.

La série continue par ailleurs à totalement assumer un anti-américanisme toujours aussi caustique. Olivares pratique également un judicieux rappel des personnages précédemment rencontrés, avec le toujours savoureux et passablement blasé Gil Pérez, mais aussi l’extraordinaire Lope de Vega. Cet auteur passionnément amoureux de l’amour (mais aussi infatué de lui-même), nous offre de merveilleuses retrouvailles avec Amelia, devisant au sein d’un jardin ensoleillé de Madrid, autour d’un verre de l’un des vins espagnols si capiteux, de cet enchantement puissant et mystérieux existant entre hommes et femmes. Lors de cette radieuse parenthèse, on remarque d’ailleurs que le charme féminin se montre irrésistible, Lope ne se formalisant pas outre mesure de découvrir Amelia telle que lors de leur rencontre si intime à l’ombre de l’Invincible Armada, près de vingt ans plus tôt.

Mais c’est bien autour de la figure de Cervantes que se focalise l’attention. Comme à son accoutumée, Olivares enrichit son récit, sans l’appesantir, de nombreuses informations sur la vie et l’œuvre du grand écrivain, tout en insistant avec humour sur la rivalité avec Lope de Vega. Comme avec ce dernier, le scénariste se montre par ailleurs toujours plaisamment irrévérencieux, ne décrivant pas Cervantes en majesté, mais bien vivant, avec les petits ridicules de tout un chacun, coexistant avec  la puissance de son verbe. Olivares sait aussi nous surprendre en ne dépeignant pas tant El Quijote que le théâtre du temps, à travers des répétions que les tentatives de sabotage menées par Alonso et Amelia rendent souvent hilarantes.

En définitive, l’épisode rend un bel hommage à cet art sublimantles ambitions de ses acteurs et que rien ne parvient à arrêter, hormis le Destin lui-même. La langue espagnole, le Castillan, s’invite elle-même à la fête, les dialogues finement ciselés rendant compte des richesses de ses différentes facettes, de l’argot madrilène de Pacino jusqu’à la poésie lyrique de Cervantes. A travers des péripéties astucieuses, un humour très présent et une jolie reconstitution d’époque, Olivares continue à développer le relationnel de ses personnages. Il oppose notamment la personnalité et les méthodes de l’érudite et non violente Amelia au rusé et plus enclin à l’action directe Pacino, un antagonisme accru par rapport à Julián, où la sagesse d’Alonso intervient parfois en arbitre.

Au total l’épisode constitue un parfait manifeste des atouts du Ministère du Temps, même si Olivares pourra par la suite difficilement continuer à relativiser l’influence de Doctor Who. Les répétions aux côtés de Cervantes et l’évocation de la magie du théâtre rappellent ainsi furieusement The Shakespeare Code (3.02), où Ten et Martha rendaient pareillement visite à Shakespeare au Globe. En outre la très belle séquence voyant l’auteur découvrir à notre époque l’écho rencontré par son œuvre rejoint Eleven et Amy procédant de la sorte avec Van Gogh, pareillement pour éviter un suicide, même si le Destin l’emporte toujours (Vincent and the Doctor, 5.10).

Anecdotes :

  • Afin de mener son enquête, Pacino se fait passer pour un membre de la Santa Hermandad. Il s’agit de l’ancêtre de la police actuelle, originellement des hommes armés et financés par les villes de l’Espagne médiévale afin de pourchasser les criminels. En 1476Isabelle la Catholique les unifia en une unique administration royale. La Santa Hermandad devint alors le premier véritable corps de police existant en Europe. En 1834, après l’épisode napoléonien, elle est dissoute au profit d’une administration modernisée, sur le modèle de la Sûreté parisienne.

  • Amelia est surnommée « Enciclopedia Espasa » par Pacino. Editée initialement entre 1908 et 1930 par la maison Espasa, régulièrement modernisée depuis, l’Enciclopedia universal ilustrada europeo-americana est devenue la plus grande encyclopédie de langue espagnole existant au XXème siècle et l’une des plus développées au monde. Elle comporte aujourd’hui 116 volumes, 175 000 pages, 200 millions de mots, 200 000 illustrations et 100 000 biographies.

  • Une partie de l’action se déroule à La Granjilla, parc créé de 1563 à 1566 par Philippe II non loin de l’Escorial, près de Madrid. Le site est aujourd’hui classé, ses jardins et bâtiments constituent l’un des plus beaux exemples du style architectural du Siècle d’Or. 

  • Tout comme son rival Lope de Vega, Miguel de Cervantes Saavedra connut une jeunesse aventureuse et itinérante, typique du Siècle d’Or espagnol. Il se rendit ainsi en Italie, puis perdit l’usage de sa main gauche à la bataille navale de Lépante (1571) et fut l’otage des Barbaresques, à Alger, de 1575 à 1580. Il s’inspira notamment de ses mésaventures pour publier en 1605 L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Cette irrésistible parodie des romans de chevalerie, et satire au vitriol de la société de son temps, apparaît comme un livre inépuisable, toujours considéré aujourd’hui comme le plus grand roman national. La langue espagnole est d’ailleurs communément désignée comme celle de Cervantes, à l’instar du français et de Molière. Même si redécouvertes postérieurement, ses pièces ne connurent par contre aucun succès au théâtre, à son grand désespoir, la scène madrilène était en effet alors dominée par les comédies de Lope. Il ne parvint jamais à monter Los Baños de Argel, la pièce ici en répétitions.

  • La chanson écoutée par le Sous-secrétaire est Vivo cantando, de Salomé, qui représenta l’Espagne lors de l’Eurovision 1969, à Madrid. La chanson, qu’il considère comme excellente, avait alors dû partager la première place du tournoi avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la France (représentée par Un jour, un enfant, de Frida Boccara). Le Sous-secrétaire étant furieux de qu’il désigne comme une mission ayant échoué, on peut supposer que, dans une première version de l’Histoire, l’Espagne avait triomphé seule ! Il s’agit de la seconde et dernière victoire à ce jour de l’Espagne à l’Eurovision, l’année précédente elle avait gagné avec La, la, la, de la chanteuse Massiel. Suite à un tirage au sort, la compétition 1970 se déroula aux Pays-Bas.

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4. EL MONASTERIO DEL TIEMPO

Date de diffusion : 7 mars 2016

Époque visitée : 1808, Napoléon à Tordesillas

Résumé :

A la veille du Noël 1808, Napoléon gracia trois prisonniers accusés d’espionnage, à la demande de la mère supérieure du couvent de Santa Clara, où il séjournait alors. Or celle-ci meurt subitement, avant d’avoir pu prononcer sa supplique. L’un des trois condamnés à mort étant l’un des ancêtres d’Adolfo Suárez, le Sous-secrétaire Salvador envoie la Patrouille du Temps régler la situation, flanquée de sa secrétaire Angustias, au parfait profil pour remplacer la mère supérieure. Après moult péripéties parfois surprenantes, la mission est un succès mais une mauvaise surprise attend les héros à leur retour : grâce à la complicité d’Irène et mettant à profit la fuite non résolue de Julián, Susana Torres a contraint Salvador à la démission. Elle le remplace désormais à son poste.

Critique :

Davantage qu’un épisode de Noël, comme il en donne initialement l’impression, El Monasterio del Tiempo revêt rapidement l’allure d’une comédie totalement débridée. Chaque situation se voit exclusivement traitée sous l’angle de l’humour, ce qui produit des effets certes le plus souvent hilarants au cas par cas. Il en va ainsi des angoisses et maladresses de la novice Angustias lors de sa première mission, des différentes erreurs tournant infailliblement à la catastrophe commise par une pour une fois peu inspirée Amelia ou du contraste entre la personnalité de Pacino et le rôle de prêtre qu’il a endossé (avec notamment une succession de confessions tout à fait surréalistes). La palme revient sans doute aux inquiétudes d’Alonso, homme du Siècle d’Or confronté aux mystères du XXIème siècle, dont l’insondable énigme du fonctionnement d’un frigidaire. Encore faut-il rajouter à cela les émois de deux fiancés chauds bouillants et des personnages français joyeusement caricaturaux, à l’image des séries des années 60 : accents outrés et perpétuels airs d’accordéon jaillis de nulle part.

 Ay que vodevil ! finit par s’exclamer Angustias devant le rythme d’enfer des péripéties humoristiques, mais l’on frôle malheureusement plutôt la farce, tant cette accumulation de gags finit par ôter tout enjeu et intensité dramatique à l’intrigue. C’est d’autant plus dommage que cela survient à l’occasion d’un rendez-vous particulièrement relevé en la personne de l’Empereur (mais peut-être est-ce un point de vue français). De plus certaines plaisanteries s’avèrent passablement lourdes, comme la supposée homosexualité d’un Maréchal Ney poursuivant sans cesse Pacino de ses assiduités. Amusant, l’épisode se regarde néanmoins sans réel déplaisir, d’autant que l’action s’insère au sein du magnifique décor d’un authentique couvent espagnol, ce qui apporte de l’authenticité à l’ensemble. Surtout, le scénario effectue un joli contrepied en peignant Napoléon, le grand envahisseur, sous des traits finalement humains et chaleureux, porté par un savoureux sabir franco-hispano-italien. L’interprétation de Fernando Cayo s’avère irrésistible, comme souvent dans cette série. Le triomphe de la toujours stylée et perfide Susana Torres dramatise également efficacement les enjeux du prochain épisode.

Anecdotes :

  • Après l’importante défaite de Bailén survenue en juillet 1808 et chassant l’armée française d’Andalousie, l’Empereur se rendit personnellement en Espagne en novembre. Son but de guerre était de rétablir la situation de son frère ainé Joseph, récemment chassé de Madrid par la rébellion. A la tête de 90 000 hommes, Napoléon va remporter toute une série de succès sur les Anglo-espagnols, lui ouvrant in fine la route de la capitale en décembre : l’une des rares victoires majeures de cette Guerre d’Espagne qui allait s’avérer un gouffre pour l’Empire. Une tempête de neige le força à passer la nuit de Noël au couvent de Santa Clara, près de Tordesillas, où survint effectivement l’anecdote servant de sujet à l’épisode. L’Empereur gracia trois prisonniers suspectés d’espionnage, sur l’intercession de la mère supérieure.

  • Quand le Sous-secrétaire évoque Tordesillas, Amelia demande si la mission va concerner Jeanne la Folle (1479-1555). Cette fille des Rois Catholiques Isabelle et Ferdinand, premier souveraine en titre de toute l’Espagne, sombra définitivement dans la folie, suite à la mort de son mari bien aimé, Philippe de Habsbourg, dit le Beau. Ferdinand la fit interner à Tordesillas et elle ne régna jamais effectivement, le pouvoir passant à son fils, le futur Charles Quint. Juana la Loca est devenue une figure tragique de l’histoire d’Espagne, inspirant de nombreux écrivains et cinéastes.

  • Outre Adolfo Suarez, le Ministère conserve des arbres généalogiques précis de tous les personnages notables de l’histoire d’Espagne, veillant à ce qu’ils demeurent inaltérés quelques soient les soubresauts du Temps. Suarez fut le Président du Gouvernement menant à bien la Transition démocratique de l’après Franco, il a été évoqué précédemment lors de l’épisode El Tiempo en sus manos.

  • Voyant Amelia déguisée en bonne sœur, Pacino la surnomme Sœur Citroën. Sor Citroën fut une comédie espagnole à succès de 1967, narrant les aventures d’une nonne impulsive et tonique, conduisant périlleusement une 2CV. Elle est en fait très proche de Sœur Clotilde, le personnage récurrent de la saga du  Gendarme de Saint-Tropez, interprétée par France Rumilly.

  • Julián apparaît très brièvement durant l’épisode. Les podcasts réalisés parallèlement à la série par Radio Nacional nous apprennent qu’il aide désormais de son savoir médical les soldats participant à la Guerre hispano-américaine de Cuba (1898). Le désastreux conflit débouche sur l’indépendance de l’île, devenue en fait un dominion américain, tout comme les dernières colonies espagnoles des Caraïbes et du Pacifique. 

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5. UN VIRUS DE OTRO TIEMPO

Date de diffusion : 14 mars 2016

Époque visitée : 1918, la Grippe espagnole

Résumé :

Irène se rend en 1918, afin d’aider à l’accouchement de Carmen Amaya, future gloire du Flamenco, elle y contracte le virus de la grippe espagnole. Contrairement au protocole et à l’avis du Dr. Vargas, Susana fait revenir Irène, secrètement son amante. Le virus s’échappe et se communique à tout le Ministère. Susana doit ordonner une quarantaine, coupant le bâtiment du reste du monde mais aussi des équipes en mission dans le passé, incapables de s’en retourner. Plusieurs morts sont à déplorer est des figures du Ministère sont contaminées, comme Alonso ou Velázquez, mais les traitements modernes viennent à bout de la maladie. Entretemps Pacino et Amelia découvrent que le Dr. Vargas s’appétait à vendre un échantillon du virus à un groupe pharmaceutique allemand.

Critique :

L’épisode permet de varier la routine des missions de la Patrouille du Temps à travers l’Histoire d’Espagne, tout comme certains épisodes de Stargate SG-1 s’insérait au sein du SGC. Olivares a la grande habilité de mener à bien ce renouvellement bienvenu sans que la spécificité historique de la série n’en soit altérée. Cette fois c’est l’évènement qui vient au-devant des héros, en l’occurrence l’un des pires cauchemars du siècle passé, dont l’horreur se voit éloquemment relatée au fil des évènements. Un regard cynique pourrait également évoquer un retour de boomerang, les Espagnols se voyant confrontés à une épidémie morelle, tout comme les Précolombiens de naguère. Le furent à leur contact. Cette dimension documentaire s’adjoint comme toujours efficacement à l’action principale, celle-ci revêtant la forme d’un récit de catastrophe médicale classique, mais éprouvé et solide. Le récit s’enrichit de prolongements propres au Ministère du Temps, comme les équipes en mission abandonnées à leur sort, ou la présence de personnalités du passé parmi les malades, menaçant la continuité historique d’un séisme majeur.

A cet égard, on apprécie particulièrement la présence de la sympathique et très nature María Pita, autorisant quelques amicales plaisanteries sur la Galice (accent, vocabulaire, passion culinaire de cette magnifique contrée pour le poulpe !). Dans cette série l’humour ne perd décidément jamais ses droits ! On apprécie qu’au-delà du suspense clinique, Olivares privilégie une nouvelle fois l’humain, se centrant sur l’étude de caractère de ses protagonistes soudainement confrontés à un mort probable. Il échappe au piège du mélodrame hospitalier en plomb, pour plutôt les dépeindre évoquant les grands moments de leur vie, autant de scènes souvent réellement émouvantes, et interprétées sans outrance. Tandis que Pacino et Amelia débutent une relation déjà contrariée, les antagonistes séduisent également par leur complexité dépourvue de tout manichéisme, que cela soit Vargas ou la propre Susana Torres, prête à prendre des risques insensés pour Irène. L’étoile de la nouvelle Sous-secrétaire commence déjà à pâlir, tandis que son prédécesseur attend benoitement son heure. Si quelqu'un t'a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre.

Anecdotes :

  • De nombreux figurants participant à la scène voyant Susana réunir l’ensemble des fonctionnaires dans le patio du Ministère sont en fait des Ministericos. La production a ainsi permis à tout un groupe de ces fans de la série d’y figurer, après des échanges sur Internet.

  • Présentée ici comme l’une des agents du ministère, María Pita (1560-1643) est une héroïne galicienne similaire à Jeanne Hachette en France. En 1589, la flotte du redoutable corsaire anglais Francis Drake s’en vint donner l’assaut au grand port de La Corogne. Durant la bataille, elle se porta sur les remparts et abattit un porte-drapeau adverse d’un coup de pique, galvanisant ainsi l’énergie des défenseurs. L’Anglais fut définitivement repoussé et la ville sauvée. Outre l’histoire galicienne, María Pita est également devenue une figure de référence pour les mouvements féministes espagnols.

  • Grâce à Salvador, Amelia peut s’entretenir avec Gregorio Marañón (1887-1960), lui aussi présenté comme un Agent du Ministère. Ce grand humaniste et intellectuel, engagé politiquement comme républicain, fut une figure de proue de médecine espagnole de l’entre deux guerres, menant d’importantes recherches dans le domaine de l’endocrinologie. En 1918 il fut l’un des reposnables sanitaires luttant contre l’épidémie de la grande grippe et représenta l’Espagne au tire de la coopération internationale. .

  • Due à une souche H1N1 particulièrement virulente et propagé par les retours des soldats, la grande grippe de 1918-1919 occasionna un désastre mondial. Elle connut un nombre victimes oscillant entre 50 et 100 millions selon les études, davantage que le conflit s’achevant alors. Elle demeure aujourd’hui encore la pandémie la plus mortelle de l’histoire, dépassant la Peste noire de 1347-1352 et sa trentaine de millions de victime. Cette grippe reste désignée comme « espagnole », non pas parce qu’elle toucha particulièrement l’Espagne, mais parce qu’il s’agissait d’un des rares pays où elle fut évoquée publiquement. L’Espagne était en effet demeurée neutre durant la Grande Guerre, tandis que les journaux de tous les autres pays occidentaux étaient encore soumis à la censure militaire. Le sujet y fut dissimulé pour ne pas créer de panique et les journaux français en parlèrent comme d’une maladie strictement espagnole, s’arrêtant miraculeusement à la frontière des Pyrénées.

  • Irène veille à ce que l’accouchement difficile de Carmen Amaya se déroule bien. Carmen Amaya (1918-1963) fut un chanteuse et danseuse Flamenco connaissant une grande popularité, issue d’une famille gitane catalane très pauvre. Elle transposa avec succès cette danse dans le cinéma espagnol des années 30 (Maria de la O, 1936), avant de développer sa carrière en Amérique latine et aux USA durant la Guerre Civile. Décédée prématurément d’une maladie rénale, Carmen Amaya exerça une influence majeure sur le Flamenco, développant notamment avec élégance le mouvement des jambes, alors que les danseuses se préoccupaient jusque-là surtout des mouvements des bras. 

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6. TIEMPO DE MAGIA

Date de diffusion : 21 mars 2016

Époque visitée : 1924, Houdini et Argamasilla

Résumé :

En 1924, à Madrid, Joaquín María Argamasilla a réuni autour de lui un cercle d’intellectuels fascinés par sa faculté de voir à travers la matière solide, comme aux rayons X. Secrètement Agent du Ministère, il annonce se rendre aux USA pou se confronter à Houdini. La Patrouille du Temps se joint incognito au voyage, suspectant à juste tire qu’il va en fait révéler les secrets du Ministère à John Edgar Hoover. Mais Argamasilla agit par idéalisme démocratique et se laisse convaincre par la Patrouille, tandis qu’Harrow, refusant que l’état fédéral connaisse le voyage dans le temps, tente de l’assassiner. Les investigations de la Patrouille et d’Irène dévoilent la traitrise de Susana, dès lors remplacée par Salvador.

Critique :

Une nouvelle fois l’épisode du jour brille par la qualité de la reconstitution historique. C’est particulièrement vrai lors de la séquence madrilène, mais le regard porté sur l’Amérique de la Prohibition vaut également le coup d’œil Même si la contrainte budgétaire s’y fait davantage ressentir, faire voyager la Patrouille en dehors de l’Espagne permet de renouveler le décorum. On avouera également que les tenues et les chapeaux des années 1920 siéent particulièrement à la grande beauté d’Aura Garrido. On apprécie également certains retournements de situations savoureux et une rivalité toujours plus accrue et féroce entre le Ministère et Darrow, d’autant que la série connaît ici un pic dans son antiaméricanisme proverbial, mis elle n’épargne pas l’Espagne non plus, loin s’en faut.

Malheureusement ces points forts se voient largement minorés par de préjudiciables coups de canifs apportés à l’épatante formule de la série : des aventures historiques sans quasiment aucun aspect de Science-fiction, hormis les Portes elles-mêmes. Le scénario accorde une trop grande importance  aux pouvoirs présentés comme avérés d’Houdini (supposé capable de se déplacer dans le Temps !) ou d’Argamasilla, mais aussi aux imaginaires d’un Pacino et aux dons médiumniques soudainement découverts chez Amelia. Le récit se rapproche trop d’un récit fantastique, où l’Histoire intervient davantage comme simple décor que comme actrice à part entière de l’action.

Le Ministère du Temps perd en spécificité d’autant que ce type d’histoires est déjà narré par le Docteur contemporain, un horizon indépassable même en une période où le programme de la BBC n’est plus à son meilleur niveau. Le grand espace consacré à cet aspect réduit d’autant celui consacré à la chute de Susana, ridiculement accéléré alors qu’il agissait de l’aboutissement d’un important fil rouge de la première moitié de saison. Pour y parvenir l’intrigue rend soudainement la belle ténébreuse tout à fait crédule et inopérante. Ce n’est jamais bon signe quand un personnage change de personnalité ou de dimension pour se plier aux exigences scénaristiques.

Anecdotes :

  • Dans le cercle des admirateurs d’Argamasilla, on remarque la présence de Ramón María del Valle-Inclán (1866-1936), auteur galicien comptant parmi les écrivains espagnols les plus marquants du XXème siècle. Ce grand dramaturge et figure de proue de toute une génération d’écrivains à travers revues et romans fut également un observateur féroce de la cour d’Isabelle II et du déclin espagnol de son époque.

  • Authentique aristocrate, Joaquín María Argamasilla de la Cerda y Elio, Marquis de Santacara (1905-1985), fit sensation dans la haute société madrilène des années 1920, en affirmant disposer d’une vue supranormale, très similaire à celle qui caractérisera ultérieurement Superman, lui permettant notamment de voir à travers le métal. Le 6 mai 1924, par défi, il réalisa à New York une démonstration publique de ses pouvoirs devant le célèbre mage et contorsionniste Houdini. Celui-ci, sur le tard, s’était spécialisé dans la dénonciation des escrocs, à une époque de vogue de la voyance et du spiritisme. L’épisode évoque d’ailleurs comment cette profession de foi provoqua une rupture de l’amitié entre Houdini et Sir Arthur Conan-Doyle, crédule passionné du genre. La démonstration tourna à la déroute d’Armagasilla, Houdini découvrant les diverses supercheries utilisées. Cela mit un terme à la carrière surnaturelle du Marquis, qui consacra par la suite son imagination au cinéma et au théâtre. 

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7-8. TIEMPO DE VALIENTES

Date de diffusion : 28 mars et 04 avril 2016

Époque visitée : 1898, la Guerre hispano-américaine aux Philippines, les Derniers de Baler

Résumé :

Julián, qui avait quitté Cuba pour échapper à la vigilance de Susana Torres, exerce désormais comme dans le service médical de l’armée espagnole, également en confit avec les Etats-Unis aux Philippines. Salvador récupère la direction du Ministère, mais doit faire face à une inspection décrétée par le Gouvernement suite aux troubles précédents, l’occasion pour les protagonistes de se confronter à leur passé. Ayant par hasard repéré Julián, Salvador envoie Alonso le récupérer, une mission remplie malgré le piège du siège de Baler. La Patrouille du Temps se reconstitue, tandis que Pacino, comprenant les sentiments d’Amelia et devant s’occuper de sa famille, intègre le Ministère de 1981.

Critique :

Tiempo de valientes constitue le premier double épisode du Ministère du Temps, et force est de constater que la série, d’habitude si tonique et habile, ne gère qu’imparfaitement le franchissement de cap. La faute en revient majoritairement à la première partie, bien trop éclatée en divers récits à l’intérêt inégal. Au lieu de se développer à la Courteline, l’inspection du Ministère, pourtant un sujet en or, se voit uniquement utilisé afin de plonger les différents protagonistes dans des histoires passablement mélodramatiques et quelques révélations passablement gratuites (le sosie de l’épouse d’Alonso, Ernesto se découvrant un fils caché, Amelia pestant de devoir s’occuper de la paperasse et regrettant Julián, etc. Tout ceci s’étire sans intensité dramatique ni réelle dynamique.

Hormis le plaisir de retrouver Rodolfo Sancho, à la présence toujours étonnante, l’histoire principale de Julián se résume ici à une interminable mise en place, entre scènes hospitalières lacrymales et marche de Manille jusqu’à Baler accompagnée de dialogues assez fades et d’une mise peu imaginative. Le plus triste demeure sans doute que l’intégration fluide des données historiques au sein de l’action principale, d’ordinaire l’un des grands atouts du programme, résulte quasiment absente à l’issue de la première partie. Olivares n’a dès lors d’autre ressource que de recourir au procédé ultra banal du panneau explicatif, afin de présenter le siège de Baler. Découvrir l’auteur réduit à une telle extrémité alors même qu’il dispose ici de bien davantage qu’à l’ordinaire reste confondant ! Mais Olivares rebondit en proposant ensuite une seconde partie de récit ayant totalement gommé les défauts de la première.

Exit (purement et simplement) les diverses histoires issues de l’inspection et exit celle-aussi, dont on entend plus du tout parler. Une manœuvre vigoureuse mais nécessaire, permettant de centrer les débats autour du siège et du suspense psychologique qu’impulse son huis-clos, tout en installant une dénonciation convaincante des horreurs de la guerre. Les différents personnages rencontrés se montrent le plus souvent bouleversants et dénués de manichéisme, tandis que la réalisation récupère quelques couleurs. Le retour du fils prodigue au sein de son foyer apporte toute l’émotion que l’on pouvait en espérer, tandis que la série sait ménager une porte de sortie élégante et un bel hommage à Pacino. Tout comme le Jonas de Stargate SG-1, il aura su prendre une dimension bien supérieure à celle de simple remplaçant. Demeure malgré tout l’impression que tout ceci aurait pu être efficacement condensé en un épisode classique.

Anecdotes :

  • D’avril à août 1898 se déroula la Guerre hispano-américaine voyant les USA soutenir militairement les rebellions en cours dans les ultimes composantes de l’empire colonial espagnol, essentiellement Cuba, Guam, Porto Rico et les Philippes. Malgré le courage de la troupe, l’armée espagnole obsolète céda face à une puissance américaine en pleine affirmation après la parenthèse de la Guerre de Sécession et céda rapidement. Le conflit est d’ailleurs désigné en Espagne comme le « Désastre de 98 », au terme duquel ces différentes territoires passèrent dans la zone d’influence de Washington (traité de Paris, 10 décembre 1898).

  • L’épopée héroïque des Derniers de Baler (los Ultimos de Baler) a été célébrée en Espagne comme l’un des rares évènements sauvant l’honneur national au cours du Désastre de 98. Dans l’île de Luçon, un détachement isolé de l’armée espagnole soutint un siège de 337 jours (du 30 juin 1898 au 02 juin 1899), enfermé dans l’église du petit village isolé de Baler et cerné par les rebelles. Coupés du monde, les soldats prirent pour un piège l’annonce du Traité de Paris et continuèrent leur combat alors même que l’armée espagnole avait évacué l’archipel, d’où leur surnom de Derniers. La capitulation ne survient que quand ils crurent ce qu’affirmaient les journaux leur étant communiqués et ils furent autorisés à évacuer les lieux avec les honneurs de la guerre. Le siège fut narré dans un livre paru en 1904 (El sitio de Baler) et dans un film de 1945 (Los Ultimos de Filipinas), tous deux évoqués à la fin de l’épisode. Depuis 2003, le jour de l’amitié entre les Philippines et l’Espagne est célébré le 30 juin, en honneur des Derniers.

  • Après la diffusion de la seconde partie du double opus, TVE surprit les amateurs de la série en annonçant que la diffusion des cinq derniers épisodes de la saison était repoussée d’un nombre indéterminé de semaines, suite à des difficultés de production. 

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9. ÓLEO SOBRE TIEMPO

Date de diffusion : 25 avril 2016

Époque visitée : 1734, l’incendie de l’Alcázar de Madrid,

Résumé :

Le Ministère du Temps découvre qu’un tableau de Velázquez, détruit en 1734 lors de l’incendie de l’Alcázar Royal de Madrid, vient pourtant d’être vendu aux enchères. Irène et le propre Velázquez sont envoyés au palais, peu de temps avant la catastrophe. Ils découvrent qu’une équipe de Darrow, dirigée par Lola, a entrepris de remplacer toutes les peintures par des copies, afin de pouvoir revendre peu à peu les originaux. Les agents de Darrow sont vaincus grâce à la Patrouille du Temps venue à la rescousse et les tableaux disparus de l’Histoire embelliront désormais les corridors du Ministère. Lola découvre que le Tunnel du Temps de Darrow émet une radioactivité mortelle et qu’elle est contaminée. Elle s’allie avec le Sous-secrétaire, ce qui permet d’abattre l’organisation rivale.

Critique :

L’épisode brille de nombre des qualités inhérentes à la série. Il s’avère ainsi formellement magnifique, jusqu’à parfois devenir un pur régal pour le regard. Peintures (magnifiques gros plans), décors, costumes et jardins s’allient harmonieusement afin d’évoquer le raffinement et la douceur de vivre propres à la haute société du XVIIIème siècle. La sublime musique de chambre de l’époque accompagne idéalement l’ensemble, tandis que les images de synthèse reconstituent avec succès l’Alcázar Royal de Madrid. Olivares a effectivement eu raison d’accepter une pause pour soigner celles-ci.

Par ailleurs on suit toujours avec autant d’attachement le parcours des protagonistes, chacun s’acharnant trouver le bonheur au sein du grand tumulte remplissant désormais leurs vies passées à sauter d’époques en époques. La présence toujours plus menaçante de l’ancienne bonne d’Amelia promet beaucoup pour la suite par ailleurs, après les errements du double épisode, la série renoue pleinement avec sa captivante de l’Histoire, associant intégration fluide de renseignements et aventures rondement menées. On apprécie que le regard porté sur le règne de Philippe et Elizabeth se montre équilibré, de même que l’humanité du portrait de ce couple éminemment singulier.

L’intrigue du jour souffre néanmoins de quelques dommageables à peu près. L’opposition entre Darrow et le Ministère se voit ainsi conclue avec une vitesse excessive, d’autant que cette histoire de radioactivité soudainement sortie du chapeau ne convainc guère.  Si Darrow tentait de dissimuler la vérité, on n voit vraiment pas pourquoi Lola aurait aussi facilement accès au malade. La confrontation finale ne s’avère pas exempte d’un certain mélodrame.

On reste quelque peu catastrophé de découvrir Salvador près à brûler les tableaux sans trop d’états d’âme et que la solution provienne en définitive de Lola, le Sous-secrétaire nous avait habitué à davantage de brio. Le plus frustrant reste que l’occasion de mettre enfin en avant ne se traduise pas par un réel développement de ce formidable personnage, l’une des plus belles réussites de la série. Il se contente de ressasser son rôle alliant gags liés à son ego et sincère émotion devant le mystère de la peinture.

Anecdotes :

  • Le terme d’Alcázar désigne les imposants palais-forteresses construits en Espagne par les souverains arabes d’Al Andalus, avant la Reconquête. Ils alliaient de puissantes fortifications militaires à un grand raffinement des bâtiments intérieurs, celles-ci étant bien plus raffinées que leurs équivalents occidentaux du Moyen-âge. Les Alcázars se situaient au sein des cités d’importance (Séville, Tolède, Cordoue, Ségovie, Madrid…) et devinrent résidences royales après la Reconquête.

  • L’Alcázar Royal de Madrid devient la résidence principale des Rois Catholiques, quand Philippe II établit définitivement Madrid comme capitale du royaume, en remplacement de Tolède (1561). L’édifice, situé sur l’emplacement de l’actuel Palais Royal, fut considérablement embelli au fil des ans. En tant que peintre officiel de la famille royale, Diego Velázquez participa à la décoration des salons et réunit une somptueuse collection de tableaux venus de toute l’Europe. L’Alcázar Royal de Madrid devint ainsi l’affirmation de la puissance espagnole au sommet du Siècle d’Or. Mais le palais et ses merveilleuses collections d’œuvres d’art (dont plusieurs chefs d’œuvre de Velázquez) furent anéantis lors d’un terrible incendie survenu en 1734, sous Philippe V. L’actuel Palais Royal fut édifié en remplacement.

  • Philippe V connut le plus long règne de l’histoire d’Espagne, dépassant les 45 années (1700-1746). La montée sur le trône de ce petit-fils de Louis XIV suscita la Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), opposant le Roi Soleil à une Europe refusant que l’Espagne ne devienne un protectorat français. Une fois le confit surmonté, au prix d’importantes concessions territoriales, Philippe V mena une politique modernisatrice, centralisatrice et autoritaire, désireux de calquer l’Espagne sur le modèle de la monarchie absolue de Versailles. Ses crises profondes de dépression et de neurasthénie, toujours plus accentuées, firent que la réalité du pouvoir passa aux mains de son épouse, l’énergique et ambitieuse Elizabeth Farnèse, princesse de Parme.

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10. SEPARADAS POR EL TIEMPO

Date de diffusion : 11 avril 2016

Époque visitée : 1912, la Vampire du Raval et 1927, les Sinsombreros

Résumé :

Alors qu’elle visite une exposition dédiée aux Sinsombreros, féministes de l’entre-deux-guerres, Irène voit une femme s’évanouir, car venant de se reconnaître dans une photographie datant des années 20. Simultanément, la jeune Enriqueta suit Amélia et pénètre fortuitement dans le Ministère. Horrifiée, elle découvre qu’elle est appelée à devenir la Vampire de Raval, effroyable proxénète d’enfants et tueuse en série.  Du fait de son intervention, la criminelle parvient à s’enfuir par l’une des Portes du Temps. Irène tente de résoudre l’énigme de la photographie, tandis que la Patrouille se lance à la poursuite d’Enriqueta âgée. Ils vont découvrir que les deux affaires sont inextricablement liées, à travers les méandres du Temps.

Critique :

Idéalement introduit par l’une des séquences les plus intrigantes et inquiétantes de la série (qui ne sera pas sans évoquer Blink aux amateurs du Docteur), l’épisode se montre profondément singulier au sein de la série, tout en préservant les qualités de celle-ci. Au lieu d’une figure et d’une époque centrales comme à l’accoutumée, il multiplie les arrêts (années 10 et 20 mais aussi 80 et 2010, tout au long d’un captivante enquête où les jeux temporels jouent pour une fois un vrai rôle. L’ensemble fonctionne de manière convaincante, même s’il ne faut pas regarder de trop près les détails de la conclusion.

L’action se poursuit à un rythme suffisamment soutenu pour captiver le spectateur, d’autant qu’Enriqueta Martí se révèle une adversaire entreprenante et madrée, prête à tout pour parvenir à ses abominables fins. Les amateurs et férus d’Histoire pourront regretter que l’espace ici occupé par les péripéties et les effets de bascule limite fatalement cela consacré à l’insertion d’informations, mais cela vaut surtout pour les Sinsombreros, qui auraient sans doute mérité un épisode en propre. Enriqueta Martí se voit suffisamment décrite, sans nécessité d’aller plus loin dans l’horreur. La distribution se montre derechef enthousiasmante.

Comme à l’accoutumée, le programme sait admirablement entremêler action principale et trajectoires intimes de ses héros, Histoire et histoires intimes. Si l’on continue à demeurer peu convaincu par Ernesto et de son fils, thème demeurant heureusement très secondaire, le devenir d’Amelia, s’imposant progressivement comme sujet central, se montre toujours délicieusement intrigant. Irène se montre aussi piquante qu’elle sait l’être, tandis que le Sous-secrétaire Salvador nous séduit toujours par son association très sensible de réalise d’Etat et de profonde humanité.  On observera avec intérêt que cet épisode très féminin, tant par ses thèmes que par ses protagonistes, s’impose comme le plus sinistre et le plus cruel de la série jusqu’ici.

Anecdotes :

  • Les Sinsombreros (littéralement les Sans chapeaux) sont moins remémorées que leurs pendants masculins de la Gnération de 1927, car moins considérées et entendues par la société de leur temps. Mais elles rendirent pareillement compte des aspirations à la modernité d’une large faction des intellectuels de l’époque, mais autour de thématiques féminines, politiques et sociales. Comme d’autres, le groupe se dispersa lors de la Guerre Civile, aboutissement de l’opposition toujours plus exacerbée entre les deux Espagnes. Elles aimaient à se rendre sans chapeau à la Puerta del Sol (agora madrilène par excellence), en rupture avec les conventions très corsetées de leur époque.

  • Evoquée plus précisément que les autres membres du groupe, Clara Campoamor (1888-1972) fut l’une des rares Espagnoles à exercer une vraie influence politique durent l’entre-deux-guerres. Figure de proue du mouvement féministe, elle devint l’une des deux femmes à être élues à l’Assemblée constituante de 1931. Elle obtint l’inscription du droit de vote des femmes et le principe d’égalité entre les sexes dans la Constitution de la République alors rédigée. Elle dut s’exiler durant la Guerre civile et mourut en Suisse.

  • Enriqueta Martí (1868-1913) défraya la chronique barcelonaise lors de la découverte de ses sinistres activités : enlèvement, prostitution et meurtres d’enfants de familles misérables. Elle pratiquait également la sorcellerie, utilisant les restes de ses victimes pour préparer les concoctions qu’elle vendait jusque dans la haute société (notamment de prétendus remèdes contre la tuberculose, l’une des terreurs de l’époque). Le nombre de ses victimes demeure incertain, ses crimes s’étant étendu sur plus de 20 ans, mais elle reste considérée comme la tueuse en série la plus meurtrière de l’histoire espagnole. Arrêtée en 1912, elle meurt l’année suivante, possiblement lynchée par ses codétenues. La presse la surnomma la Vampire du Raval, du nom du quartier de Barcelone où se trouvait son sinistre atelier. 

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11. TIEMPO DE LO OCULTO

Date de diffusion : 9 mai 2016

Époque visitée : 1485, Christophe Colomb

Résumé :

Lombardi, ex présentateur d’une émission dédiée au surnaturel, découvre l’existence du Ministère du Temps, qu’il révèle sur Internet. Comme contre-mesure, le Sous-secrétaire l’invite à venir visiter le Ministère, qu’il a auparavant transformé en ce qu’il considère être une administration classique, dédiée aux ouvrages publics. Venu avec sa fille Sonia, chargée de filmer les lieux, Lombardi parvient néanmoins à découvrir le pot aux roses et à franchir l’une des Portes. Il parvient en 1485 et rencontre un Christophe Colomb en route pour la cour des Rois Catholiques. La Patrouille du Temps va devoir intervenir en urgence pour que la découverte des Amériques ne soit pas bouleversée.

Critique :

Traité d’un point de vue avant tout humoristique, l’épisode apporte une détente bienvenue après plusieurs récits très sombres (la guerre des Philippines, la chute de Darrow, la Vampire de Rabal). L’ensemble amuse beaucoup, notamment l’accumulation des clichés liés aux fonctionnaires, lors de la mascarade ourdie par le sous-secrétaire ; Le spectateur français se divertira en découvrant El Ministerio el Tiempo brusquement transformé en Caméra Café, tandis que l’ensemble s’avère tellement caricatural que l’on perçoit bien que le malicieux Olivares se moque avant tout de ces préventions (pauses syndicales, vêtements petits bras, démineur et dame de pique en boucle sur tous les ordinateurs…).

Tandis que le scénario a l’habileté de ne jamais le positionner en antagoniste, Le personnage de Lombardi s’avère lui aussi particulièrement réussi, entre émotion face à l’immensité de la révélation et fantaisie de ses nombreuses théories formant comme une édition espagnole du Lone Gunman (mention spéciale aux apparitions mariales au Santiago Bernabeu). D’ailleurs il s’avère très intéressant de découvrir comment un conspirationnisme positif comme l’est le Ministère régit face à la menace qu’il représenté.

Le Sous-secrétaire nie tout en bloc mais organise toute cette mascarade précisément pour ne pas avoir à recourir au moyen définitif cher à l’Homme à la Cigarette. Le vrai coup de cœur de l’épisode demeure toutefois sa fille Sonia, irrésistible par sa fraicheur, son parler madrilène si contemporain Mais aussi par son caractère bien trempé et son scepticisme bien trempé, elle instaure avec son père comme un l’écho de controverse entre Scully et Mulder. La jeune actrice Anna Castillo est formidable de naturel.

La contrepartie de toute la large part accordée à ces péripéties reste que celle accordée à l’Histoire apparaît cette fois réduite à la portion congrue. La rencontre avec Christophe Colomb n’intervient que tardivement, même si l’on apprécie que l’épisode nous fasse découvrir, sur un ton toujours aussi décapant, la partie la moins connue de son parcours, avant la rencontre avec Isabelle la Catholique. Le ton résolument léger réduit également l’intensité de certaines scènes, comme la confrontation entre Lombardi et Salvador, arme à la main. Le final opposant la Patrouille aux agents portugais chargés de tuer Colomb se montre électrique, avec la tonalité propre à la série, privilégiant l’astuce à la force brute.

Anecdotes :

  • Lombardi découvre la Porte conduisant au Ministère au Palais royal d’Olite, L’une des principales places fortes de la couronne de Navarre, cet immense château gothique fut édifié au XVème siècle et constitue un témoignage marquant de la transition des forteresses médiévales vers les résidences princières de la Renaissance. Considéré comme l’un des plus beaux palais d’Europe, il fut brûlé durant l’invasion napoléonienne, pour éviter qu’il ne tombe aux mains de l’ennemi. Il fait actuellement l’objet d’importantes restaurations et est devenu un Parador (édifice historique devenu hôtel de luxe).

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12. HASTA QUE EL TIEMPO NOS SEPARE

Date de diffusion : 16 mai 2016

Époque visitée : 1212, la bataille de las Navas de Tolosa

Résumé :

La Patrouille du Temps, Irène et le Sous-secrétaire assistent au mariage de deux agents du Ministère. La cérémonie se déroule dans un ancien château médiéval où, jadis, la jeune Constanza se serait jetée dans le vide pour échapper à des épousailles forcées avec Don Fadrique, seigneur du lieu et futur héros de la bataille de las Navas de Tolosa. Or l’édifice contient une Porte non répertoriée, que découvre Constanza tentant de s’enfuir. Elle parvient à notre époque, suivie de près par Fadrique et ses hommes. Ce dernier est repoussé grâce à l’astuce de Julián et à l’adresse au combat d’Alonso. Amelia révèle son secret à Julián, tandis qu’Alonso révèle sa double vie à Elena.

Critique :

L’épisode s’avère relativement mineur, d’autant qu’il prend à contrepied plusieurs éléments du succès de la série. Certes le relationnel entre les protagonistes, souvent captivant, drôle ou émouvant, se voit privilégié. Cette mise en avant s’effectue durant les diverses discussions émaillant la longue cérémonie du mariage, occupant à peu près les deux premiers tiers du récit. Malgré le talent des comédiens et une caméra s’efforçant de demeurer mobile autant que possible, le précédé s’avère terriblement statique et finit par s’éterniser. On apprécie le nouveau numéro de Velázquez s’imbibant consciencieusement au cours de la soirée, ou l’amusante drague menée avec succès par Irène (le Gaydar évoqué par Alice dans The L Word fonctionne visiblement aussi en Espagne), mais le reste manque d’un peu de saveur, notamment la rencontre très cliché entre Ernesto et son ex. Mais la conséquence la plus dramatique de cette hyperinflation demeure la part bien trop réduite impartie à l’Histoire.

Olivares, pressentant la difficulté, nous fait un clin d’œil en début d’épisode via un flashback pour nous assurer, que, oui, on va finir par y venir. Mais l’équilibre du scénario reste compromis, d’autant que le sujet du jour se centre sur une historiette imaginaire. La bataille cruciale de las Navas de Tolosa, qui aurait dû représenter le véritable sujet du jour, n’est que citée au détour d’une phrase pour justifier qu’Alonso épargne Fadrique, elle ne se voit jamais explicitée. Pour la première fois aucun membre de la Patrouille ne franchit la Porte afin de nous révéler le passé, ce sont uniquement les personnes de jadis qui s’en viennent dans notre époque. Dès lors on se retrouve avec une situation bien moins enrichissante et se développant presqu’uniquement via des gags anachroniques évoquant nos Visiteurs. Demeure une excellente interprétation, avec notamment un impressionnant Nancho Novo, impeccable en seigneur féodal.

Anecdotes :

  • La grande bataille de las Navas de Tolosa (16 juillet 2012) se déroula à proximité de Jaén. Elle opposa l’armée musulmane d’Al-Andalous, appuyée par des contingents venus de tout le Maghreb sous l’égide du Califat almohade, à la coalition des états chrétiens de la Péninsule (Castille, Aragon, Léon, Portugal, Navarre…), elle-même aidée par des croisés venus de toute l’Europe, appelés par le pape Innocent III. La victoire chrétienne marque un basculement définitif dans le déroulement de la Reconquête, qui va désormais s’accélérer, tandis que le Califat almohade se fragmente. Cordoue (capitale d’Al Andalous, la future Andalousie) tombe en 1236, Séville en 1248, Cadiz en 1261

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13. CAMBIO DE TIEMPO

Date de diffusion : 23 mai 2016

Époque visitée : 1588, Philippe II

Résumé :

1588 : ulcéré par l’annonce de la défaite de son Invincible Armada, Philippe II décide de violer l’interdit jadis décrété par Isabelle la Catholique, en utilisant les Portes du Temps afin d’inverser la situation. Enivré de puissance, il abat Salvador et utilise le Ministère pour transformer l’Histoire, faisant de l’Empire espagnol la première puissance mondiale, tandis que lui et l’Inquisition règnent éternellement sur le Temps. Protégée car alors en transition depuis une autre mission (sauver Agustín Argüelles de l’armée napoléonienne, en 1812), la Patrouille va devoir prendre des mesures désespérées afin de mettre fin à cette Uchronie cauchemardesque.

Critique :

Après avoir conclus les grandes lignes de ses intrigues, après le hiatus dû à des retards de production Olivares aura manifestement mis à profit les derniers épisodes de la saison afin d’éviter que sa série ne devienne un Formula Show. Il renouvelle ici de manière majeure son style de narration en ayant massivement recours à l’Uchronie, une figure de style quasi absente jusque-là au sein de ce programme destiné à nous faire revisiter l’Histoire avec entrain (hormis un très bref passage semi humoristique autour de Christophe Colomb). De fait l’épisode reste le premier à évoquer clairement Sliders, avec Un monde selon Philippe II. Ici le cauchemar d’une Espagne encore très médiévale et théocratique, élargissant les guerres du Siècle d’or et les valeurs morales de son temps à l’ensemble du monde contemporain, donne lieu à un fascinant panorama entre émissions télévisées en folie et conséquences dramatiques pour les personnages.

Une nouvelle fois c’est ici l’Histoire qui vient au rendez-vous des héros plutôt que l’inverse, mais, contrairement au manque de substance de l’opus précédent, cela permet au récit de se centrer sur la personne même de Philippe II, alors que le Siècle d’or a déjà été maintes fois visité par le Patrouille.  Si Olivares choisit clairement son camp, avec une claire condamnation des fondements idéologiques du régime, l’épisode devient l’occasion d‘un véritable procès du souverain, évoqquant le corset moral et religieux dans lequel il acheva de river l’Espagne.  Ainsi que sa passion pour la guerre, mais aussi ses succès et les élans de la jeunesse. Olivares, auteur d’un remarquable roman sur le Louis XIX espagnol (Felipe. Heredarás el Mundo), nous fait pleinement partager sa passion pour ce règne immense, épique et tumultueux comme nul autre, aidé par la composition hallucinante de vérité de Carlos Hipólito. Cette grande figure du théâtre espagnol n’hésite d’ailleurs pas à s’adresser directement au spectateur, à travers le Quatrième mur.

La présence en contrepoint d’Agustín Argüelles permet d’évoquer cette querelle des deux Espagne, qui va rendre tragiques le XIXème et le XXème siècles, avant que le récit ne s’achève par l’apaisement et la réconciliation, grâce à la formidable Amelia. C’est bien sur son chef d’œuvre que Le Ministère du Temps prend congé, alors que son renouvellement demeure incertain.

Anecdotes :

  • Philippe II (1527-1598), fils de Charles Quint, est généralement considéré comme le grand roi du Siècle d’Or et l’un des souverains les plus fameux de l’histoire du pays, son prestige n’étant sans doute égalé que par celui d’Isabelle la Catholique. Il hissa à son apogée la puissance militaire et diplomatique de l’Espagne, guerroyant en Europe entre les protestants et en Méditerranée contre les Musulmans, afin d’assurer la primauté du Catholicisme. Alternant triomphes (Lépante, annexion du Portugal construction d’El Escorial) et désastres (Invincible Armada, insurrection des Pays-Bas, banqueroutes), il consuma l’or venu de l’Empire.

  • Agustín Argüelles (1776-1844) fut un homme politique réputé pour son éloquence. Il joua un grand rôle dans la rédaction de la très libérale Constitution de 1812, écrite à Séville et destinée à servir de fondement à la période post invasion napoléonienne. Un temps condamné aux galères lors de la réaction autoritaire de Ferdinand VII, il devint un conseiller influent d’Isabelle II, œuvrant à la modernisation de l’Espagne et à son ouverture aux Lumières.

  • L’épisode contient un nouveau clin d’œil amical à Jordi Hurtado, populaire et inamovible animateur des jeux télévisés de TVE depuis 1985. Lors du final de la saison 1, on expliquait sa durée et son immuabilité à la télévision et son non vieillissement par le fait qu’il soit un agent du Ministère sautant d’époque en époque. Ici on le découvre présenter sa version locale de Questions pour un champion (Saber y ganar) sans pratiquement aucun changement et Julián s’exclame que certaines choses ne changeront jamais. 

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Saison 1Saison 3

El Ministerio del Tiempo

Saison 3



1.  CON EL TIEMPO EN LOS TALONES



Date de diffusion : 01 juin 2017

Epoque visitée : 1958, Alfred Hitchcock au Festival de Saint-Sébastien

Résumé :

Julián est tué lors de la Bataille de Teruel. Amelia et Alonso refont équipe avec Pacino, à l’occasion d’une affaire d’espionnage les opposant à des agents du KGB, en 1958. Ceux-ci ont décidé de tirer parti de la venue d’Alfred Hitchcock au Festival de San Sébastien, pour le capturer afin qu’il se mette au service de la propagande soviétique. Un mystérieux groupe temporel les aide, car ils veulent que l’évènement perturbe la visite d’Eisenhower en 1959, vitale pour le maintien du Franquisme. Après un succès difficilement obtenu, Pacino réintègre la Patrouille du Temps.

Critique :

Annoncé durant une longue et mouvementée intersaison, le départ de Rodolfo Sancho, et par conséquent celui de Julián, restait une étape difficile à gérer pour le pilote de saison. En effet, souvent aimé, parfois détesté, le personnage demeurait le cœur émotionnel d’une série que nous avions découvert à travers ses yeux. L’exercice se voit réussi haut la main, les auteurs trouvant la parfaite conclusion pour le parcours tragique de Julián, son don de soi porté au paroxysme pour combler son vide existentiel face à l’absence de l’âtre aimé. Le drame trouve un écho amplifié par sa résonnance avec le désastre de Teruel, début de la fin des espoirs de l’Espagne républicaine. L’instant est terrible et les acteurs savent lui apporter une vraie émotion (à commencer par Aura Garrido) mais le récit évite pour autant de s’ensevelir sous le pathos, en rebondissant par l’action.

Telle est la vie des agents secrets, temporels ou non. Le retour de Pacino nous y projette efficacement mais surtout constitue l’heureuse confirmation de l’épisode. Hugo Silva retrouve son rôle avec un naturel confondant, et renoue l’excellente complicité installée en saison 2 avec ses deux partenaires. Le trio fonctionne à merveille, tandis que comme, souvent, l’humour est de la partie dans le petit monde du Ministère. Salvador rongeant son frein en fauteuil roulant permet ainsi à Jaime Blanch de nous régaler d’excellents sketchs comiques. Mais le côté obscur, de Pacino répond également à l’appel, sa violence, son intelligence retorse et cynique, son goût pour les femmes fatales et les périlleuses amours. Le contrepoint avec Julián se ressent plus fortement que jamais et correspond idéalement à cette intrigue d’espionnage dans laquelle il entraîne ses compagnons. Celle-ci sait d’ailleurs s’élargir d’un cas privé à une authentique mission dont dépend le destin de l’Espagne.

Certes les divers rebondissements relèvent du classique et ne surprennent pas tout à fait. Mais l’histoire sait recréer l’atmosphère paranoïaque de la Guerre froide, le plan soviétique autour d’Hitchcock ayant un côté délirant fort bienvenu de ce point de vue. Surtout, avec Marta (excellente Belén Fabra) et son séide, l’intrigue installe d’emblée une Opposition structurée, de manière plus structurée que précédemment. Les adversaires récurrents des saisons précédentes enjolivaient le récit mais demeuraient souvent secondaires, rien de tel ici. Cela peut permettre de doter la saison 3 d’une identité propre, davantage feuilletonnante. Cette évolution semble d’autant plus porteuse que la faction rivale au sein de Ministère semble a priori bien intentionnée (du moins s’opposant à Franco), ce qui place le spectateur devant un dilemme moral.

Toutefois le clou du spectacle reste bien entendu le Maître du suspense comme invité du jour. Le vétéran José Ángel Egido soigne la ressemblance et le pittoresque d’un portrait très divertissant (même si son accent anglais sollicite la bienveillance du public !). Tout célébrant le génie d’Hitchcock, l’épisode sait gentiment ironiser sur les travers de l’homme, comme sa fascination pour ses actrices, que sait employer l’astucieuse Amelia. A cet égard on pourrait pointer qu’Alfred aimait surtout les blondes, mais ne chipotons pas. Le scénario emprunte astucieusement à Sueurs froides autour de la relation entre Pacino et Marta et manifeste une belle astuce en transformant Hitchcock en authentique MacGuffin du récit ! Tout le gag autour de Banderas est hilarant.

Le meilleur reste sans doute la particulièrement ludique recréation de scènes des plus célébrées films d’Alfred Hitchcock, insérées comme ces caméos qu’il appréciait tant. L’amateur appréciera d’autant plus de les repérer qu’elles se caractérisent par un vrai sens de l’image et une véritable élégance de mise en scène. L’épisode peut d’ailleurs s’appuyer sur une reconstitution d’époque toujours aussi stylé, à l’image du sublime deux pièces vert arboré par Amelia, similaire à la tenue de Tippi Hedren dans Les Oiseaux. La reconstitution de la bataille de Teruel se montre également spectaculaire, la réalisation, tandis que la réalisation y insère habilement Julián, sans jamais le montrer directement. Décidément l’opus forme une parfaite entame pour cette saison 3 !

Anecdotes :

  • Irène indique s’être coupée en préparant un gazpacho. Il s’agit d’un clin d’œil aux nombreux sympathiques désastres connus par l’actrice Cayetana Guillén Cuervo durant sa participation à l’émission MasterChef, peu de temps avant la diffusion de la saison 3 du Ministère.

  • Les vues de la projection de Vertigo durant le festival ont été tournées au Théâtre espagnol, à Madrid. Il s’agit du plus ancien théâtre de la capitale espagnole, car on y donne des pièces depuis 1582. Inauguré en 1895, le bâtiment actuel est caractéristique de l’architecture néo-classique alors en vogue.

  • La Bataille de Teruel voyant la mort de Julián fut l’un des affrontements déterminants de la Guerre civile. Elle fut terrible par ses combats (près de 40 000 morts), mais aussi par le fait qu’elle se déroula durant l’hiver 1937-1938, particulièrement froid. Teruel, ville clef de l’Aragon, fut disputée avec acharnement entre Républicains et Nationalistes. Ces deniers l’emportèrent grâce à leur supériorité matérielle (artillerie et aviation). L’exploitation de ce succès majeur va ensuite permettre à Franco de couper la route entre Barcelone et Madrid. Dès lors le conflit s’achemine vers son tragique dénouement.

  • Durant la Bataille de Teruel, la Patrouille avait pour mission de sauver le poète et dramaturge Miguel Hernández (1910-1942). Associé au mouvement littéraire de la Génération de 27, il fut le seul de ces auteurs a être issu du peuple et a ne pas avoir fait d’études littéraires. Il s’engagea dans l’armée républicaine dès le début du conflit et participa à un grand nombre de batailles. Capturé à la fin de la guerre, il mourut de tuberculose dans les prisons franquistes.

  • La visite en Espagne du Président Dwight Eisenhower en 1959 fut le point d’orgue du rapprochement entre les USA et l’Espagne franquiste, initié durant les années 50 dans le contexte de la Guerre froide (pacte militaire de Madrid en 1953, entrée de l’Espagne à l’ONU en 1955). L’Espagne achève désormais d’intégrer le concert occidental et va bénéficier d’investissements américains massifs. Conjointement à l’essor du tourisme de masse, ils vont aider à la modernisation du pays entreprise durant les années 60. Menée en grande partie par des cadres issus de l’Opus Dei, elle va apporter un second souffle au régime toujours dictatorial du Caudillo.

  • Inauguré en 1953 et se déroulant en septembre, le Festival international du film de Saint-Sébastien est aujourd’hui devenu la plus importante manifestation de ce type au sein du monde hispanique. Tout comme à Cannes, différents prix sont remis, le principal étant la Coquille d’Or (la Concha de Oro), en référence à la Plage de la Coquille, un site fameux de la cité basque.

  • Alfred Hitchcock s’y est effectivement rendu lors de l’édition 1958, pour la première internationale de Sueurs froides. Une polémique éclata quand la comédie polonaise Eva veut dormir lui fut préférée pour la Coquille d’Or. Le Maître du suspense tint néanmoins sa promesse de revenir l’année suivante, pour cette fois présenter La mort aux trousses, mais la récompense alla cette fois à Au risque de se perdre. Hitchcock reçut néanmoins à chaque fois la Coquille d’Argent de la mise en scène.

  • Le titre espagnol de La mort aux trousses est Con la muerte en los talones, d’où le clin d’oeil du titre original. L’épisode comporte plusieurs autres références aux films d’Hitchcock, différents passages reprenant des scènes de films, comme de Les Oiseaux (l’arrivée à Saint-Sébastien avec les mouettes), l’ouverture tournée à la manière de son équivalent de Fenêtre sur cour, la douche de Psychose, Les images psychédéliques de Sueurs froides, etc. L’histoire de Pacino et Marta évoque aussi clairement celle de Sueurs froides

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2.  TIEMPO DE ESPÍAS

Date de diffusion : 08 juin 2017

Epoque visitée : 1943, l’Opération Mincemeat

Résumé :

En 1943 la jeune Lola n’a encore jamais entendu parler du Ministère. Membre de la résistance, elle doit faire passer en Espagne un officier anglais, le Major Martin, qui doit intervenir dans une mission clef devant se dérouler à Huelva, l’Opération Mincemeat. En lui prêtant assistance, elle est arrêtée par la Gestapo à Bagnères-de-Luchon, près de la frontière. La Patrouille et Ernesto vont intervenir pour sauver celle qui a été une amie et une agente d’élite, avant de trahir, mais aussi pour s’assurer que l’Opération Mincemeat soit bien couronnée de succès.

Critique :

Après l’épisode éminemment spécial, voire événementiel, que constitua un pilote de saison ayant à gérer la mort d’un personnage principal mais aussi l’hommage graphique à Hitchcock, Tiempo de espias signifie un certain retour à l’ordinaire des missions de la Patrouille du Temps. Cette inévitable impression d’atterrissage se voit malheureusement accentuée par quelques errances du scénario, Ainsi pour la première fois de la série, l’évènement historique du jour n’impacte pas directement l’Histoire de l’Espagne.

L’Opération Mincemeat concerne avant tout les belligérants allemands et anglais, l’Espagne n’est qu’une simple courroie de transmission de la machination. Par ailleurs un échec de la manipulation aurait certainement alourdi le coût humain et matériel de la conquête de la Sicile. Et pourtant le Ministère du Temps intervient, quitte à prendre le risque de sacrifier Ernesto et Lola. Un flou s’installe quant à sa mission : s’agit-il de préserver l’Histoire espagnole, ou l’universelle, ce à quoi ne se prête ni son organisation simplement nationale, ni ce qui nous a révélé jusqu’ici ?

En fait on ressent l’impression que l’impression a absolument voulu insérer une aventure contre les Nazis, se peut sous l’influence de l’investisseur Netflix, la période étant populaire auprès du public. Quitte à se débrouiller avec le fait que l’Espagne n’ait jamais été un Etat belligérant. Le sujet aura été bien mieux abordé lors de Cómo se reescribe el Tiempo, en saison 1. On regrettera également certaines maladresses, comme cette Opération Mincemeat, successivement abandonnée, puis relancée, puis finalement avortée, un vrai chantier simplement pour installer tout un émotionnel autour du sacrifice du Major Martin (personnage fictif dans la réalité, mais réel dans la fiction).

On peut aussi estimer que le décès de la Lola contemporaine tombe vraiment à pic pour éviter une confrontation compliquée avec son moi passé. Les amateurs du Ministère évoquent souvent les indéniables convergences avec Doctor Who, mais ici on peut penser qu’un auteur comme Steven Moffat aurait au contraire privilégié la situation la plus prise de tête possible, en général il vient avec. Il est vrai que l’Histoire aura toujours davantage motivé Javier Olivares que les jeux temporels.

Malgré toutes ses réserves, l’opus demeure un spectacle prenant. Si son volet historique convainc moins qu’à l’ordinaire, le relationnel prend néanmoins efficacement la relève, notamment lors des scènes dures mais émouvante au sein des geôles nazies, installant de manière convaincante l’amitié entre Ernesto et Lola. Si artificielle qu’aura été la mise en place du sacrifice du Major, l’instant émeut toutefois, grâce à la qualité d’interprétation lors de sa confrontation sur la plage fatidique avec Alonso.

Sur ce point-là très belle Macarena García demeure le grand coup de cœur de Tiempo de espías. Les séries en costumes réussissent décidément parfaitement à cette jeune étoile montante de la télévision espagnole (Amor en tiempos revueltos, La otra mirada), elle sait ici incarner une Lola encore juvénile, mais déjà marquée par la dureté d’un conflit souterrain et impitoyable, disposant de toute une marge de progression pour les épisodes ultérieurs, mais manifestant déjà toutes ses potentialités à venir. Si la vraisemblance n’est pas toujours au rendez-vous (reconstituer un immense ouvrage de falsification en quelques heures), le rythme des péripéties résulte plus élevé encore que lors du pilote de saison,

La mise en scène reste superbe, notamment pour les plages somptueusement filmées sous tous les angles possibles. On sourira une nouvelle fois avec des personnages anglais s’exprimant dans la langue de Shakespeare avec un accent espagnol (voire andalou) pour le moins prononcé. Cela fonctionne nettement mieux pour les Français, ce qui souligne judicieusement la sororité des langues latines. Les amateurs de Chapeau melon s’amuseront de voir le peloton d’exécution de Lola et Ernesto occis exactement de la même manière que celui de l’épisode le Mort vivant, Salvador se substituant à Emma Peel !

Anecdotes :

  • L’Opération Mincemeat fut une manipulation menée avec succès par les services secrets britanniques en 1943, à l’issue de la Campagne d’Afrique. Elle eut pour but de convaincre les Allemands que les Alliés allaient ensuite débarquer dans les Balkans, alors que le véritable objectif était la Sicile. La Wehrmacht négligea la défense de l’île au profit de la Grèce, ce qui favorisa grandement l’Opération Husky, lancée le 10 juillet 1943.

  • L’épisode s’attache davantage au modus operandi de l’Opération Mincemeat. Dérivant en mer au large des côtes espagnoles, La dépouille d'un homme vêtu d'un uniforme d'officier des services spéciaux britanniques est découverte, porteuse de documents indiquant que le débarquement allié aurait lieu Grèce. Les préparatifs d’invasion de la Sicile ne seraient qu’un leurre. Le cadavre d’un vagabond fut traité pour donner l’illusion de la noyade et les documents, ainsi que sa fausse identité de militaire furent, élaborés avec grand soin.

  • Le corps fut lâché au large de Huelva (Andalousie), les scientifiques anglais ayant déterminé que la marée l’entrainerait à coup sûr sur les plages. Après leur découverte par un pêcheur, les documents furent transmis comme prévu aux services allemands par les autorités franquistes et convainquirent Hitler.

  • Ewen Montagu, cerveau de l’opération, la relata dans le livre The Man Who Never Was (1953), L’ouvrage (dont le titre a peut-être inspiré de celui de l’épisode The Hour That Never Was de Chapeau Melon) fut adapté au cinéma en 1956. La dépouille utilisée repose au cimetière de Huelva, en 1996 il a été déterminé qu’il s’agissait d’un sans-abri du nom de Glyndwr Michael.

  • Une version alternative du scénario sert de bases à l’une des aventures parues dans le recueil de nouvelles El Tiempo es lo que es, publié en 2016. On y trouve notamment Julián à la place de Pacino.

  • Une Lola Mendieta jeune est introduite ici en vue du départ prochain d’Aura Garrido, annoncé pour la mi-saison. N’ayant jamais trahi le Ministère, cette Lola va devenir un personnage régulier, avant de remplacer Amelia.

  • Miko Jarry interprète de nouveau Hitler, comme lors de l’épisode Cómo se reescribe el Tiempo (1-03).

  • Les scènes de plage ne sont pas tournées à Huelva, mais à Peñíscola, dans la Communauté valencienne. La beauté du site en fait une destination appréciée par de nombreux touristes. Les superbes plages de Peñíscola, ont servi de décor pour plusieurs films, dont Le Cid (1961), mais aussi pour la série Game of Thrones. Pour l’anecdote, elles accueillent également l’un des rares sites naturistes de la région.

  • Pacino évoque plusieurs agents secrets, dont Ian Fleming. Il cite également el Superagente 86, la fidèle associée de Max le Menace, et Anacleto, agente secreto, bande dessinée parodique du genre, très populaire en Espagne.

  • Ernesto et Lola sont incarcérés dans le sinistre camp de concentration de Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques. Edifié en 1939 pour recevoir les réfugiés espagnols de la Guerre civile, il fut ensuite destiné aux Juifs, avant d’être fermé en 1946.

  • Pacino entonne une ritournelle publicitaire devant la Porte du Temps numéro 222. Elle concernait les galettes Solsona, dont le produit phare était la galette 222, « celle qui se demande par son numéro ». L’entreprise ayant fermé à la fin des années 70, il s’agit pour Pacino d’un souvenir d’enfance.

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3. .  TIEMPO DE HECHIZOS

Date de diffusion : 15 juin 2017

Epoque visitée : 1864, les Sorcières de Trasmoz

Résumé :

Retiré au Monastère de Veruela durant l’été 1864, l’écrivain Gustavo Adolfo Bécquer envoie à Madrid neuf lettres, destinées à être publiées dans la presse. Mais l’un des Observateurs du Ministère signale que l’auteur en a également écrit une dixième, qui ne devrait pas exister. Interceptée, celle-ci évoque la présence d’une Sorcière dans la région, pourtant supposée morte depuis trois siècles. Suspectant qu’une renégate soit passée par l’une des Portes, Salvador envoie la Patrouille du Temps tirer les choses au clair. Amelia, Alonso et Pacino vont se retrouver immergés dans la ténébreuse affaire des Sorcières de Trasmoz.

Critique :

Après le retour à la formule classique lors du précédent opus, nous découvrons ici une nouvelle mission relativement classique pour la Patrouille du Temps, mais Tiempo de hechizos va illustrer avec brio toutes les qualités de la série, avec une grande richesse des thèmes abordés

Le récit permet ainsi d’aborder la figure de Gustavo Adolfo Bécquer, auteur sans doute assez peu connu dans nos contrées, mais qui appartient aux grands classiques infailliblement enseignés dans les lycées espagnols. Comme toujours avec Le Ministère du Temps, l’installation du personnage s’effectue d’une manière en rien didactique. Bien au contraire, l’épisode s’attache à nous révéler l’homme derrière l’écrivain, tout en le connectant de manière astucieuse et instructive à une énigme temporelle.

On apprécie par ailleurs de retrouver l’étincelle habituelle entre Amelia et chacun des grands écrivains rencontrés par la Patrouille du Temps. Le talentueux Tamar Novas délivre un portrait très sensible de l’écrivain d’autant que sa ressemblance physique avec le fameux tableau de Bécquer peint par son propre frère (sa représentation coutumière en Espagne) se montre réellement frappante.

Surtout la judicieuse connexion étable avec les Sorcières de Trasmoz permet à l’épisode de se doter d’une tonalité à la Bécquer, entre romantisme et épouvante gothique. Le récit sait longtemps donner l’illusion d’un Fantastique effrayant, sans pour autant y sombrer, ce qui aurait été contraire à l’esprit de la série. La révélation du dessous des cartes se montre d’ailleurs suffisamment en soi avec une population entièrement fanatisée dans un phénomène sectaire globalisé, dans la tradition du film Le Dieu d’Osier, ou des Enfants du maïs, de Stephen King.

L’emploi de la Mandragore comme stupéfiant permet de demeurer aux lisières de la sorcellerie traditionnelle. La mise en scène joue pleinement son rôle, avec une impressionnante maîtrise de la photographie et technique du tournage en pleine nuit (soit une grande partie de l’opus) et quelques bonnes idées (le corbeau de Poe, les apparitions en ombre-lumière de la maîtresse des lieux, très à la Nosferatu).

Le romantisme se voit développé par la trajectoire tragique et émouvante de Mencía. D’abord très habilement présentée comme une menace, elle se révèle de fuir l’Inquisition et consorts d’époque en époque, avant, épuisée, de se suicider face à l’hostilité des locaux. A ce sujet, comme à propos de la jeune fille mère, l’épisode développe un féminisme assumé, avec toute une parabole du rejet social dont souffrent les femmes dès lors qu’elles sortent de la norme. Il traite en écho de la méfiance envers l’inconnu que représentent de nouveaux venus, comme la Patrouille pour les locaux, ou comme la Lola alternative face à Irène et Angustias.

On regrettera simplement la mélancolie générée par les trop visibles travaux de préparation du départ prochain d’Amelia. Quitte à employer un moyen peu ragoutant, Pacino est une nouvelle fois institué en sauveur. Il est clairement le protagoniste le plus mis en avant depuis le but de la saison, revêtant déjà le rôle de leader. On adore le personnage, mais tout ceci va à marche forcée.

Lola se profile de manière quasi miraculeuse comme une nouvelle Amelia, voire la surpassant dans l’action comme dans la recherche historique. Son étoile s’élève tandis que celle d’Amelia pâlit. Les amateurs de Chapeau Melon seront en terrain connu, puisque, de manière plus forcée encore car concentrée en un unique épisode, Emma était mise sur la touche pour laisser la scène libre à Tara. Amelia est toujours là, mais elle nous manque déjà.

Anecdotes :

  • Gustavo Adolfo Bécquer (1836-1870) fut un poète et écrivain espagnol dont une partie de l’œuvre fut publiée dans la presse, sous forme de textes courts, contes ou poésies. Avec lyrisme, il faisait notamment découvrir aux Madrilènes les mystères du folklore des provinces, sur un support assez voisin des Lettres de mon Moulin, de Daudet. Il meurt prématurément, de tuberculose. Dans son texte Los Ojos verdes (Les Yeux verts, 1861), il évoque effectivement les esprits féminins diaboliques de Moncayo, la région de Trasmoz.

  • Les lettres soulevant l’intérêt du Ministère sont celles du recueil desde mi celda ( Depuis ma cellule). Elles furent écrites en 1864, depuis le monastère de Veruea, dont l’atmosphère inspirait le poète, et initialement publiées par le journal madrilène El Contemporáneo. Bécquer y dépeint les légendes locales, entre folklore, romantisme et épouvante déjà quasi gothique. Il n’existe effectivement que neuf de ces lettres, et non pas dix.

  • La chronique rapporte qu’au XIIIe siècle, plusieurs sorcières se manifestèrent dans la ville aragonaise de Trasmoz, alors beaucoup plus peuplée alors que le village d’aujourd’hui. Elles s’y seraient livrées à des sabbats et autres sulfureuses activités sataniques, avec la complicité de la population locale. Les rumeurs valurent à Tramoz frappé d’interdit par le Pape, une sanction toujours en vigueur aujourd’hui.

  • Des historiens évoquent des conflits fonciers entra la ville, territoire laïc, et le monastère voisin de Veruela, comme sources du mythe et de l’antique sanction papale, ou des faux monnayeurs opérant dans le château et cherchant à effrayer d’éventuels curieux En 2018, le village demeure le seul à demeurer excommunié dans toute l’Espagne… Ce qui lui assure l’intérêt de touristes pouvant y visiter un musée dédié à la sorcellerie, sans empêcher le moins du monde qu’on y dise la messe.

  • Les scènes se déroulant au monastère cistercien de Veruela ont été tournées dans le véritable édifice. Celui-ci remonte au XIIe siècle et, tout comme Trasmoz, se situe dans la Comarque de Tarazona y el Moncayo, non loin de Saragosse. Il est réputé pour la grande variété des styles architecturaux s’étant accumulée dans ses murs au fil des siècles (roman, gothique, Renaissance…). Le monastère a servi de décor dans plusieurs films, dont Les fantômes de Goya (2006, avec Javier Bardem et Natalie Portman).

  • Pacino n’a plus le monopole des références 80’s actuellement si à la mode. Irène fait ainsi un clin d’œil au film culte Recherche Susan désespérément (1985, avec Madonna et Rosanna Arquette, toute une époque). De son côté Salvador évoque l’album collectif La Mandrágora (1981), réunissant plusieurs artistes madrilènes se faisant ultérieurement connaître au cours des années 80. Il fut enregistré en direct au sous-sol d’un café madrilène du même nom, alors que débutait la Movida. 

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4.  TIEMPO DE ILUSTRADOS

Date de diffusion : 22 juin 2017

Epoque visitée : 1799, Francisco de Goya et la Maja desnuda

Résumé :

Au Musée du Prado, la Maja desnuda est soudainement comme lacérée par une main invisible. En réalité, la toile est détruite par des inconnus ayant pénétré dans l’atelier de Goya, en 1799. Salvador envoie la Patrouille du temps convaincre Goya de reprendre le tableau. Cela plonge nos amis dans un tourbillon d’intrigues, où ils rencontreront également Manuel Godoy, les Duchesses d’Alba et d’Osuna, mais aussi un jeune Simon Bolivar. Salvador demande également à Velázquez de réaliser une parfaite copie de l’œuvre, mais le peintre préfère aller à la rencontre de Goya. La Patrouille va aussi devoir sauver un orphelinat et aider un jeune Bolivar à déclarer sa flamme à son aimée, María Teresa !

Critique :

Les épisodes artistiques réussissent souvent particulièrement bien aux séries temporelles, du fait de l’aspect visuel relevé et fédérateur qu’autorisent leur découverte en leur époque des plus célèbres peintures ou sculptures. Doctor Who nous a ainsi régalés d’excellents épisodes autour, de Léonard de Vinci et de la Joconde (City of Death, 1979), ou de Vincent Van Gogh, avec le chef-d’œuvre que constitua Vincent et le Docteur (2010). Après Picasso et Guernica, Le Ministère du Temps réussit ici un opus se situant dans la meilleure veine de cette tradition graphique, la série nous rappelant à quel point l’Histoire de l’Art a toute sa place au sein de l’Histoire universelle, comme expression d’un peuple, d’une culture.

Les différents tableaux de Francisco de Goya aperçus au cours de l’intrigue à commencer bien entendu par la fascinante Maja desnuda elle-même sont ainsi tous mis en valeur avec un goût exquis.  Outre la découverte de l’homme tel qu’en lui-même, l’épisode présente également le mérite de faire revivre un Goya que les sombres périodes ultérieures de la Guerre d’Indépendance (Les Désastres de la guerre, El Dos de Mayo), puis de la maladie (les Peintures noires) ont quelque peu mis en retrait.

En effet nous retrouvons ici le peintre à succès de l’aristocratie et d’une douceur de vivre du XVIIIe siècle espagnol. L’esthétique de la mise en scène va se mettre admirablement au diapason de cette période de l’artiste. En effet, les moyens supplémentaires obtenus grâce à Netflix se voient ici clairement mis à contribution, via la splendeur des costumes et les lumineux extérieurs, aussi idéalement choisis que somptueusement filmés, du domaine del Capricho. L’épisode s’avère décidément autant un plaisir pour les yeux que pour l’esprit.

De fait les auteurs manifestent une diabolique astuce en optant pour l’hypothèse la plus porteuse à propos de l’énigme de l’identité de la Maja desnuda, celle du corps de la Duchesse d’Alba, amante de Goya, et du visage de Josefa Tudó, maîtresse de Godoy. Ceci entraîne la malheureuse Patrouille dans un tourbillon de vaudeville devant réconcilier l’impossible, les amants désunis et le propre projet du chef du gouvernement. On s’amuse beaucoup, d’autant que la distribution s’avère remarquable et joue à fond le jeu, à l’image de Pedro Casablanc, admirable en Goya.

Si elles dressent un portrait brutal de Godoy (évidement représenté dans le costume de son portrait par Goya en 1801), les différentes péripéties de cette pièce aussi divertissante que mouvementée savent dépeindre en arrière-plan les mœurs de la Cour de Charles IV. La personnalité du Roi est ainsi transcrite dans sa vérité, non pas un tyran réactionnaire, comme le sera son fils Ferdinand VII, mais plutôt un monarque non dépourvu de bonnes intentions mais à la totale incurie, incapable de réformer un État déliquescent ou de redresser le cours de l’Histoire face à l’élévation de l’étoile napoléonienne.

Par contre, si l’on apprécie que la série sache souvent entremêler différents sujets, l’épisode semble dangereusement avoisiner la surchauffe sur ce point. La multiplication des intrigues secondaires finit par donner une impression de dispersion préjudiciable, même si aucune n’est gratuite. L’orphelinat rappelle ainsi la misère du peuple, tandis que l’apparition de Bolivar évoque la chute prochaine de l’Empire espagnol (tout en ouvrant la série au public hispanique !).

Le retour tant attendu de Velázquez, comme de son hilarant duo formé avec Salvador tient toutes ses promesses, d’autant que le Roi des peintres et peintre des Rois se montre aussi enthousiasmant dans son approche de Goya que dans celle de Picasso. En l’absence de Lola l’épisode marque également un agréable retour au premier plan d’Amelia, celle-ci résolvant l’affaire par un surprenant coup d’audace. Alonso et Pacino ne se voient pas négligés pour autant, ce dernier s’offrant même le luxe de percer le Quatrième mur, dans une claire banderille décochée à la série Timeless, alors accusée de plagiat.

Anecdotes :

  • La Maja desnuda (Maja nue, 1795-1800) est l’une des œuvres les plus fameuses de Goya, mais aussi l’une des plus scandaleuses en son temps, car la première dans la peinture occidentale à représenter sans fard le sexe féminin. Elle valut d’ailleurs au peintre un procès de la part de l’Inquisition. Elle est associée à La Maja vestida (Maja vêtue, 1800-1803). Toutes deux ont été commandées par Godoy et sont présentées conjointement au Musée du Prado. La tradition a longtemps désigné la Duchesse d’Alba, amante de Goya, comme étant le modèle des deux Majas, mais les historiens de l’Art considèrent aujourd’hui qu’il s’agit de Josefa Tudó, favorite puis épouse de Godoy.

  • Manuel Godoy (1767-1851), devint en 1788 le favori d’un futur Charles IV sur le point de monter sur le trône. Celui qui fut également l’amant de la Reine Marie-Louise de Parme devint chef du gouvernement (Secrétaire d’État) en 1792. Sa politique hasardeuse et sa vie hasardeuse sont devenues indissociables du règne de Charles IV. Durant celui-ci la monarchie espagnole connut une déliquescence à peu près absolue, en tous domaines, le pays devenant un satellite de la France napoléonienne. En 1808, il accompagna dans l’exil le couple royal, après le soulèvement populaire en faveur du futur Ferdinand VII et la fatidique Entrevue de Bayonne avec l’Empereur.

  • María Teresa de Silva Álvarez, Duchesse d’Alba (1762-1802), surnommée « la Cayetana », fut une célèbre Grande d’Espagne. Héritière de deux familles parmi les plus prestigieuses du Royaume, elle fut l’une des figures majeures de la Cour, où elle ne cédait en protocole que devant la Reine. Une féroce rivalité de prestige l’opposa durablement à celle-ci, ainsi qu’à la Duchesse d’Osuna. Mais la Duchesse d’Alba est avant restée fameuse pour la relation passionnée qui l’aurait unie à Goya, qui en réalisa plusieurs portraits.

  • María Josefa Pimentel, Duchesse d’Osuna (1750-1834), fut l’une des rares tenantes des Lumières parmi les Grands d’Espagne de son temps. Outre son salon littéraire, elle et son mari comptèrent par les plus grands mécènes de l’époque et les principaux soutiens de Goya. Le peintre a réalisé un célèbre portrait d’elle, en 1785.

  • Les différentes scènes de rue furent toutes tournées à Tolède. Les scènes représentant le parc et les extérieurs du palais d’El Capricho ont été tournées dans les lieux véritables. Impulsé par la Duchesse d’Osuna, l’ensemble fut édifié de 1787 à 1839, à Barajas, au nord-ouest de Madrid. Du fait de sa multitude d’enjolivements, fontaines, statues et plantes précieuses, le parc compte parmi les plus beaux de la capitale (on pourrait évoquer Bagatelle comme équivalent parisien). Uniques par leur inspiration romantique, les jardins entremêlent les influences françaises et anglaises. Durant la Guerre civile, le site hébergea également le bunker du quartier général de l’armée républicaine.

  • Paru en 2014, la bande dessinée lue par Velázquez (Las Meninas) est un roman graphique racontant de manière romancée l’élaboration de son plus célèbre tableau.

  • Outre La Maja desnuda, plusieurs autres tabeaux de Goya sont visibles durant l’épisode, comme La Pradera de San Isidro (1788) et La Gallina Ciega (1788). La narration de l’historique de l’Ange Exterminateur a également recours a plusieurs de ses Peintures noires (1819-1823).

  • En 1799, Simon Bolivar n’a que 16 ans. Le futur émancipateur de l’Amérique latine est en Espagne pour poursuivre ses études. Il rentrera à Caracas en 1802, après son mariage avec María Teresa. Malheureusement celle-ci décédera dès l’année suivante, à 21 ans, d’un accès de fièvre jaune. Le Libertador tiendra sa promesse de ne jamais se remarier avec une autre.

  • La Patrouille du Temps aura de nouveau affaire à Bolivar dans l’épisode Refugiados por el Tiempo (3.10), Elle devra le préserver d’une tentative d’attentat ourdie par l’Ange Exterminateur.

  • Nous découvrons ici que l’organisation s’opposant au Ministère se nomme l’Ange Exterminateur. L’expression désigne Abaddon dans l’Apocalypse selon Saint-Jean, mais aussi une société secrète qui aurait réellement existé au XIXe siècle. Elle aurait eu pour but de rétablir un absolutisme royal lié à l’Inquisition et de s’opposer aux mouvements libéraux se développant alors dans la société espagnole, mais son existence réelle fait débat chez les historiens.

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5. TIEMPO DE ESPLENDOR

Date de diffusion : 29 juin 2017

Epoque visitée : 1605, le Traité de Londres, Felipe III à Valladolid

Résumé :

En juin 1605, le Roi Felipe III tient sa cour à Valladolid, où il reçoit une délégation anglaise venue parachever la signature du Traité de Londres. Convenue l’année précédente et immédiatement paraphée par le souverain anglais Jacques Ier, cette paix ne cesse d’être retardée par Felipe III, notamment sous l’influence de son favori, le Duc de Lerma. Venue s’assurer de bonne conclusion du traité, la Patrouille découvre que l’Ange exterminateur est à l’œuvre. Amelia retrouve avec plaisir Cervantes et son cher Lope de Vega, alors en pleine rivalité, tandis que Shakespeare accompagne incognito les ambassadeurs anglais.

Critique :

Tiempo de esplendor nous replonge dans le Siècle d’Or, décidément une époque privilégiée par El Ministerio del Tiempo. On comprend aisément l’attrait que suscite cette époque de prestige et puissance nationaux pour le public espagnol, d’autant que les Arts et Lettres y atteignirent également des cimes. Après tout, l’on ne se lasse pas non plus en France de Versailles et du Grand Siècle ! Toutefois une impression de déjà-vu s’installe, d’autant que l’épisode n’évite pas certaines maladresses, comme encore une fois une scène de taverne associée à cette époque, un vrai fil rouge.

Nous retrouvons certes avec plaisir les deux compères Cervantes et Lope de Vega, même si là aussi on se situe dans l’attendu. Sans doute leur rivalité est-elle trop traite en mode de comédie légère, vis-à-vis de l’importance qu’elle a revêtue dans l’Histoire de la littérature espagnole, mais l’on éprouve de la difficulté à réellement s’en émouvoir, tant les deux comédiens, Pere Ponce et Victor Clavijo s’avèrent savoureux. Dans la même veine, le roman de Lope et d’Amelia, toujours plus similaire à celui de Madame de Pompadour et du Dixième Docteur (La Cheminée des temps, Doctor Who) se montre toujours aussi plaisant à suivre.

On reste davantage circonspect à propos de la présence Shakespeare. En effet le Le Barde ne fait que passer à travers l’épisode, et ce au prix de quelques approximations historiques, comme sa propre présence à Valladolid ou l’inspiration qu’aurait été le Duc de Lerma pour Macbeth, alors même que la pèce trouve ses racines dans l’Histoire écossaise. En fait on ressent une tentative supplémentaire d’acclimater la série au public anglo-saxon, se peut sous l’influence des capitaux de Netflix, comme l’importance encre accrue ici accordée aux guerres d’agents secrets, ou aux armes à feu. Les personnages anglais égrènent également les poncifs culturels particulièrement identifiables.

On peut également regretter que la partie du récit autour d’Irène et Ernesto ne développe pas assez de liens avec le segment principal, et l’on avouera une certaine frustration à voir nos deux agents temporels se rendre dans les années 80 que pour y demeurer essentiellement confinés dans l’enceinte du Ministère. Nonobstant, l’opus se suit avec un vrai plaisir, du fait de la qualité de la reconstitution d’époque et de la magnificence d’une mise en scène aux nombreux extérieurs en costumes et aux superbes décors. Le meilleur réside dans les portraits bien croqués du couple royal, Felipe III et Marguerite d’Autriche, mais aussi de l’avide et impérieux et avide Duc de Lerma.

Les dialogues ne laissent d’ailleurs pas passer l’occasion d’un amusant clin d’œil à une certaine persistance de la corruption au seuil de l’Histoire du pays, même si l’Espagne n’en eut certes pas le monopole. A travers les diverses figures féminines rencontrées l’épisode fustige éloquemment le penchant qu’a eu la société à toutes époques de vouloir circonscrire les femmes à leurs tâches traditionnelles. On regrette par contre que son pendant, la critique de l’orgueil masculin, s’étende jusqu’à Alonso. L’un des nombreux intérêts du personnage aura été son évolution au fil des épisodes, or ici on le ramène d’un coup brutal à ses conceptions arriérées d’Espagnol du XVIe siècle, sans nuance aucune. Alonso n’a pas mérité cela. 

Anecdotes :

  • L’épisode est largement tourné à l’Hospital de Tavera, à Tolède. Celui-ci fut construit de 1541 à 1603 par le Cardinal Tavera, important mécène de l’époque, pour abriter ses collections. Très inspiré par la Renaissance, l’édifice contient un superbe musée et sert régulièrement de décor aux séries historiques de TVE, mais aussi au cinéma : Viridiana (1961), Tristana (1970), La conjura de El Escorial (2008) …

  • Francisco Martínez Motiño, le cuisinier royal, veut écrire un livre de ses recettes, une pratique alors bien moins courante qu’aujourd’hui. Il exerça sa charge durant plus de trente ans, de Felipe II à Felipe IV. En 1611, il parvint finalement à faire publier son Arte de Cozina, Pasteleria, Vizcocheria y Conserveria. Contenant plus de 500 recettes et de multiples conseils, l’ouvrage demeure l’un des principaux témoignages sur la cuisine du Siècle d’Or.

  • Le Traité de Londres de 1604 mit fin à la longue guerre entre Angleterre et Espagne débutée en 1585. Inauguré par des succès anglais (raid de Drake sur Cadix en 1587, échec de l’Invincible Armada), le conflit fut ensuite marqué par une progressive montée en puissance espagnole. L’Espagne ouvrait son commerce et renonçait à instaurer une monarchie catholique à Londres, l’Angleterre cessait la piraterie dans l’Atlantique et abandonnait ses alliés hollandais. Cet accord, finalement favorable au Roi catholique, fait que la Paix de Londres est souvent considérée comme l’apogée diplomatique du Siècle d’Or. À l’orée du XVIIe Siècle, l’Espagne pose en première puissance européenne, mais la France va rapidement entreprendre de lui ravir ce titre, lors de la Guerre de trente ans (1618-1648).

  • L’émissaire anglais que l’Ange exterminateur s’efforce d’assassiner est Charles Howard, comte de Nottingham (1536-1624). Il fut le Grand Amiral de l’Angleterre durant tout le conflit. Ce proche de la Reine Vierge, dont il était cousin, remplit de nombreuses missions, aussi bien diplomatiques qu’à l’intérieur du royaume (procès de Marie Stuart en 1584 et de la Conspiration des Poudres en 1605). Montré comme un jeune homme dans l’épisode, il avait pourtant près de 70 ans en 1604 !

  • De 1599 à 1618, le Duc de Lerma fut l’un des Validos les plus remémorés, ces favoris exerçant la charge officieuse de chef de gouvernement chez les successeurs de Felipe II. De 1601 à 1606, il fit déplacer la Cour à Valladolid, afin d’éloigner Felipe III de la Reine (son ennemie de longue date), demeurée à Madrid, mais aussi afin de réaliser une immense spéculation foncière. Le système généralisé de corruption qu’il mit en place lui valut sa disgrâce, mais il fut remplacé par son propre fils, tandis que l’acquisition du chapeau de Cardinal le mettait à l’abri de toute poursuite. 

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6.  TIEMPO DE ESCLAVOS

 

Date de diffusion : 06 juillet 2017

Epoque visitée : 1881, Alfonso XII à Comillas

Résumé :

En août 1881, Alfonso XII séjourne chez le Marquis de Comillas, dans cete ville de Cantabrie. Le Roi est grièvement blessé lors d’un attentat perpétré par un esclave noir du Marquis, ce qui menace toute la succession dynastique espagnole. Savador n’hésite à pour une fois demander la modification d’un évènement (à Cuba, en 1851), pour que les circonstances de l’attentat n’existent plus. La Patrouille met également à jour à jour un étonnant complot anti-monarchiste de la part des Enfants de Padilla, organisation temporelle aux buts opposés à eux de l’Ange exterminateur, mais employant les mêmes méthodes violentes. La famille d’Amelia est cruellement touchée, ce qui l’amène à quitter le Ministère du Temps, afin d’aider les siens.

Critique :

On reprochera à Tiempo de esclavos d’apparaître comme l’un des épisodes du Ministère du Temps ayant traité le plus superficiellement son sujet historique. En effet Alphonse XII ne ne voit guère évoqué au-delà de l’attentat, qui lui-même ne constitue qu’une sorte de MacGuffin pour l’intrigue du jour. On le regrette d’autant plus que le règne de ce souverain frme une intéressante parenthèse au sein d’un XIXe Siècle particulièrement troublé pour l’Espagne (failles sociales, guerres carlistes…). Il a également jeté les bases d’un bipartisme allant scander la vie politique du pays durant des décennies, avant de se retrouver au cœur d la démocratie post franquiste du moins jusqu’à ces dernières années), un thème réellement à peine survolé par l’opus.

Toutefois l’intérêt historique de l’épisode n’en résulte pas nul pour autant car il sait évoquer l’importance prise par la bourgeoisie d’affaires, commerciale ou industrielle, au sein de la direction du pays. Surtout, il évoque avec sensibilité le drame de l’esclavage, notamment à travers une excursion très parlante dans le Cuba encore colonial, l’approche de la guerre hispano-américaine. Après le fanatisme religieux ou la corruption (entre autres), la série sait décidément pointer du doigt les zones d’ombre de l’Histoire d’Espagne, sans pour autant sombrer dans un pensum moralisateur permanent à la Timeless.

Par ailleurs la moindre part accordée à la chronique du royaume se doit à des raisons d’intérêt inégal. L’introduction des enfants de Parilla comme nouvelle organisation temporelle antagoniste, autant d’extrême gauche que l’Ange exterminateur est d’extrême droite (pour parler en termes politiques) ne manque certes pas d’intérêt. Elle évoque astucieusement les attentats anarchistes ayant effectivement visé le Roi. Surtout, elle rend plus subtil le discours moraliste de l’épisode, au-delà de l’évidente et nécessaire dénonciation de l’esclavage, vec une condamnation de la violence, qu’elle qu’en soit la cause.

Par contre la multiplication des organisations auxquelles se confrontent la minière, plus le cas toujours particulier de Marta, finit par donner réellement au programme des allures de série d’espionnage, un modèle cher au public américain, ce qui lui fait perdre une part de sa spécificité. Quelles qu’en soient les raisons, on regrette également que le Ministère s’autorise désormais à modifier l’Histoire, même légèrement. Décidément cette saison 3 entraîne la série sur de nouvelles voies, s’éloignent des aventures historiques auxquelles nous étions attachés. Le financement par Netflix continue par contre à autoriser de superbes extérieurs, le Palais de Sobrellano se voyant superbement mis en valeur.

La meilleure justification de l’épisode reste toutefois le grand soin apporté aux protagonistes, avec un beau portrait de Salvador et de Lola, et particulièrement les adieux d’Amelia. L’évènement est trait avec émotion et astuce, laissant entrevoir que les manipulations opérées par le Ministère ne vont pas sans un prix à payer, dans la meilleure tradition d’Un coup de tonnerre, de Ray Bradbury. Pour son départ Aura Garrido nous délivre un magnifique récital d’émotions. Ce merveilleux et particulièrement riche personnage que représentait Amelia occupait une place centrale au sein de la série, au moins autant que Julián. Même si Lola se profile en talentueuse remplaçante, ce départ d’un deuxième membre de la Patrouille plonge la série dans une vraie incertitude !

Anecdotes :

  • Tiempo de esclavos est le dernier épisode auquel participe Aura Garrido, partie pour d’autres projets contractés durant la très longue intersaison. Amelia sera désormais remplacée par la jeune Lola, Pacino devenant le nouveau chef de la Patrouille. L’évènement correspond également à une fin de mi-saison, la diffusion de la série s’interrompant durant l’été 2017.

  • Antonio López, Marquis de Comillas (1817-1883), naquit dans une humble famille de Comillas, en Cantabrie. Il s’installa très jeune à Cuba, encore possession espagnole, et y établit une immense fortune. Également philanthrope, il soutint financièrement la création par les Jésuites de l’Université pontificale de Comillas, toujours considérée comme l’une des meilleures du pays. Alphonse XII l’anoblit en 1881 et fut effectivement son hôte durant cet été, ainsi qu’en 1882. Mais la figure López est très contestée durant les années 2010, une bonne part de sa fortune reposant sur l’esclavage.

  • Alphonse XII régna de 1874 à 1885, mourant prématurément à 27 ans, de tuberculose. Son règne suivit la première expérience de République en Espagne (1873-1874), après le pronunciamiento monarchiste du général Arsenio Martínez-Campos. Toutefois le Roi établit une monarchie constitutionnelle libérale permettant l’alternance politique, à travers l’instauration du bipartisme. Il tenta de renforcer les institutions dans une Espagne du XIXe siècle chroniquement instable. En 1878 et 1879, il sort indemne d’attentats menés par des anarchistes.

  • L’épisode est en grande partie tourné dans le Palais de Sobrellano, à Comillas. Achevé en 1888, il fut édifié par le richissime Marquis de Comillas. Il fit appel à de grands artistes pour sa décoration, dont Gaudí. Il est le premier bâtiment d’Espagne a être éclairé à l’électricité. Alphonse XII n’y séjourna pas en réalité, l’édifice étant encore en construction, et il résida à la Casa Ocejo, autre grande demeure du Marquis, située à proximité.

  • Le nom de l’organisation terroriste temporelle des Fils de Padilla fait allusion à Juan de Padilla (1490-1521). Il fut l’une des figures du soulèvement castillan des Comuneros (1520-1521). Celui-ci protestait comme l’avènement d’un jeune Charles Quint perçu comme étranger et comme désireux de rétablir l’ordre médiéval face aux libertés désormais acquises par les villes. Le Roi fit quelques concessions qui apaisèrent les Comuneros modérés, mais Padilla prit la direction des extrémistes, qui furent écrasés militairement. Il fut décapité, mais son épouse María Pacheco, entrée dans la culture populaire espagnole, anima une ultime résistance à Tolède, n’hésitant pas à réquisitionner les biens de l’Eglise.

  • Como Subsecretario, esa explicación que os debo, os la voy a dar (comme Sous-secrétaire, cette explication que je vous dois, je vais vous la donner) déclare Salvador Martí. Il paraphrase une célèbre réplique dilatoire du film espagnol Bienvenue Mr Marshall (1953). Cette féroce comédie musicale ironise aussi bien sur les États-Unis que sur l’Espagne arriérée des années 50, à l’occasion des espérances que le Plan Marshall suscite dans un petit village castillan. 

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7.  TIEMPO DE CENSURA

Date de diffusion : 18 septembre 2017

Epoque visitée : 1961, Luis Buñuel et Viridiana

Résumé :

En 1961, l’Ange exterminateur corrompt Ambrosio Pitaluga, folklorique membre du comité de censure, pour que soit interdit le sulfureux Viridiana de Luis Buñuel, contrairement à la vérité historique. Irène, Pacino et Alonso sont envoyés lever l’interdiction, ce qui va les immerger à la fois dans la bureaucratie franquiste et dans le milieu du cinéma, une mission très ardue. A l’occasion de cette virée dans les années 60, Irène va également à la rencontre de problèmes familiaux laissés en suspens, et Pacino à la redécouverte de son enfance. Lola découvre le monde contemporain, mais aussi la vie de son soi alternatif.

Critique :

Tiempo de censura vient à point nommé nous rassurer sur les potentialités d’El Ministerio del Tiempo après départ d’Amelia, mais aussi le long hiatus estival. Le choix comme sujet de l’aventure que constitua la menée à bien de Viridiana va en effet s’avérer comme l’un des meilleurs de la saison.

Les hilarants démêles du trio avec les univers aussi différents, mais pareillement éprouvants pour les nerfs, que constituent la bureaucratie franquiste et la production cinématographique nous vaut une atmosphère de comédie tranchant agréablement avec le drame de l’opus  précédent. De même, le choix d’un thème plus léger renouvelle pareillement la série, après avoir avoisiné un cataclysme dynastique.

L’humour autour des à-côtés de la vie de bureau rejoint un universel humoristique à la Courteline, d’autant plus appréciable qu’il caractérisait une originalité du Ministère à ses débuts, tandis que l’organisation résulte désormais bien davantage proche du canon des séries d’espionnage (très peu de scènes à la cafétéria cette saison !). On s’amuse beaucoup, d’autant que la direction d’acteurs a la bonne idée de laisser toute latitude à la verve satirique de Carlos Areres, acteur également dessinateur pour El Jueves (assez l’équivalent espagnol du Canard).

Son picaresque et vénal Ambrosio s’impose comme la vedette comique de l’opus. Mais c’est aussi à travers lui que l’on saisit l’air du temps de cette décennie où le régime du Caudillo, certes toujours foncièrement dictatorial, s’ouvre à l’extérieur, dans les domaines aussi bien culturels, qu’économique que culturels. Une tendance forte symbolisée par l’entrée de l’Espagne dans le concours de l’Eurovision en 1961, avec le tube Estando contigo, que l’opus nous laisse judicieusement écouter lors de son agréable conclusion. La série utilise le rire à merveille pour se moquer  du contraste entre le discours officiel, rigoriste et ronflant, et la réalité de la corruption comme de la médiocrité ambiante.

Le récit se montre également particulièrement documenté à propos de l’épopée de Viridiana, ses différents protagonistes se voient ainsi mis en scène (Luis Buñuel, Domingo Dominguín, Juan Antonio Bardem, Francisco Rabal…), mais à la manière fluide caractéristique de la série.  Des éléments clés du panorama cinématographique espagnol de l’époque sont également montrés comme l’implication de l’Eglise dans la censure, ou l’Uninci, fer de lance du Néoréalisme espagnol. Mais le Septième art imprègne tout l’épisode, à travers l’humour de nombreux clins d’œil bien dans la sensibilité geek de la série (Pacino vendant le scénaro de Star Wars) mais aussi visuellement, grâce à de superbes affiches enjolivant des décors plus renfermés qu’à l’ordinaire (avec notamment les stars Juanita Reina et Sara Montiel).

Les différents parcours individuels d’Irène, Pacino, Lola et viennent encore irriguer le récit. La qualité d’interprétation fait volontiers pardonner certains clichés (notamment pour Pacino), tandis que le drame d’Irène émeut. Sans tomber dans l’angélisme, Lola nous permet de mettre en perspectives une époque contemporaine plus attractive que cette Espagne des années 60 se rêvant comme moderne, malgré la réalité profonde de sa société et de l’appareil franquiste. Humour, péripéties et Histoire, le Ministère est à son meilleur niveau !

Anecdotes :

  • Viridiana fut tourné en Espagne, Luis Buñuel mettant fin à l’exil mexicain qu’il avait entrepris depuis la fin de la Guerre civile. Le film fut accepté par la censure franquiste, malgré quelques scènes alors scandaleuses, comme une parodie de la Cène. Désireux d’afficher une ouverture sur l’étranger et la modernité (investissements et touristes), le régime accepta même que Viridiana représente l’Espagne au Festival de Cannes de 1961, où il remporta la Palme d’Or. Mais la réaction outrée du Vatican fit que Viridiana fut finalement interdit en Espagne, et ses copies détruites. Une seule fut sauvée, l’actrice principale Silvia Pina l’emportant clandestinement au Mexique. Le film ne put ressortir en Espagne qu’après la mort de Franco.

  • Membre d’une grande dynastie de toreros et hommes d’affaire, ami d’artistes et d’intellectuels de gauche, Domingo Dominguin fut l’un des deux coproducteurs de Viridiana. Il finança également Mundo obrero, le journal du Parti communiste espagnol, alors dans la clandestinité. Il fut protégé par la grande passion de Franco pour la corrida, pour qui elle était une célébration nationale indissociable de l’âme espagnole. Le 24 mai 1939, le Caudillo présida ainsi une grande Corrida de la Victoire, à Madrid.

  • L’autre coproducteur fut Juan Antonio Bardem, issu d’une grande famille de comédiens (il fut l’oncle de Javier Bardem). Membre du Parti communiste espagnol, ce réalisateur et scénariste ut toujours hostile au régime franquiste et la bourgeoise espagnole (Bienvenido, Mister Marshall, La Venganza, Calle mayor). Ponctuellement arrêté, il fut en en butte à la censure des années 50 aux 70.

  • Avec comme ambition de produire des films très inspirés du Néoréalisme italien, mais concernant l’Espagne, Domingo Dominguín et Juan Antonio Bardem s’associèrent en 1949 pour former l’Uninci. La censure s’acharna à contrecarrer l’autorisation de films volontiers critiques envers le régime, mais l’Uninci fut autorisée à financer Viridiana. De guerre lasse, les deux associés finirent par renoncer peu de temps après l’interdiction finale du film.

  • Une nouvelle fois affronté ici, L’Ange exterminateur est également un film mexicain de Luis Buñuel (1962). Empreint de surréalisme, ce huis clos décrit comment un dîner bourgeois sombre dans l’effroi, quand les convives s’aperçoivent qu’ils ne peuvent inexplicablement plus sortir de la maison.

  • L’inénarrable Ambrosio exhibe son passé franquiste en se déclarant ancien membre de la Division bleue, soit les « volontaires » espagnols (mais aussi portugais) partis combattre contre le Communisme sur le front russe. L’inépuisable Ambrosio affirme également être membre depuis des années du Syndicat Vertical. Il s'agit de la désignation usuelle de l'Organización Sindical Española, unique syndicat autorisé en Espagne de 1940 à 1977.

  • Carlos Areces (Ambrosio) interprète Franco dans La Reina de España, tourné la même année que l’épisode (2017). Le sujet du film est également voisin : le tournage de la première production hollywoodienne dans l’Espagne franquiste.

  • En 1961 (la même année de la Palme d’or de Viridiana), la première participation de l’Espagne au Concours de L’Eurovision fut un signe fort de l’ouverture affichée par le régime. Entendu en fin d’épisode, le titre retenu fut Estando contigo (Quand je suis avec toi), interprété par Conchita Bautista, actrice et chanteuse alors très populaire en Espagne. Elle finit neuvième sur seize, le tournoi étant remporté par le Luxembourg, avec la chanson Nous Les Amoureux, de Jean-Claude Pascal. L’émission fut présentée par Jacqueline Joubert, depuis le nouveau Palais des Festivals de Cannes. L’Espagne n’a cessé depuis de participer à l’Eurovision, quelle a remporté en 1968 et 1969. 

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8.  TIEMPO DE CONQUISTA

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Date de diffusion : 25 septembre 2017

Epoque visitée : 1518, les Conquistadors

Résumé :

Pacino et Alonso partent pour 1518, dans un Yucatán en passe d’être conquis par Hernán Cortés. Pour s’emparer du Mexique, ce dernier a historiquement reçu l’aide déterminante de Jerónimo de Aguilar, clerc ayant appris à parler la langue des Mayas quand il en était prisonnier. Or Aguilar a disparu avant de pouvoir intervenir et le Ministère rend responsable Gonzalo Guerrero, également prisonnier des Mayas, mais ayant décidé d’embrasser leur culture. Pendant ce temps les Enfants de Padilla menacent de s’en prendre aux familles des agents du Ministère, si l’oncle d’Amelia n’est pas libéré.

Critique :

Le XVIe siècle. Des quatre coins de l'Europe, de gigantesques voiliers partent à la conquête du Nouveau Monde. À bord de ces navires, des hommes, avides de rêve, d'aventure et d'espace, à la recherche de fortune. Il aura fallu attendre la troisième saison du Ministère du Temps pour enfin aborder ces figures éminemment identifiées et marquantes de l’Histoire de l’Espagne que composent les Conquistadors de l’Empire sur lequel le Soleil ne se couche jamais. Olivares s’y décide enfin, se peut à destination de ce public latino-américain ayant réservé un si bon accueil à son programme, se peut aussi du fait que Netflix se soucie toujours d’internationaliser les séries qu’il finance. Qu’importe, le succès va être au rendez-vous.

La première réussite de l’opus est visuelle. Idéalement géré par la mise en scène, l’astucieux emploi des potentialités de sites andalous recrée avec une étonnante véracité la végétation luxuriante du Yucatán, ainsi que l’eau turquoise de la Mer Caraïbe. L’ensemble constitue un parfait écrin pour d’épiques aventures aux nombreux rebondissements, entre duels, découvertes exotiques, félonies et coups du sort. Tout ce segment de l’épisode demeure prenant de bout en bout, d’autant que le duo absolument, irrésistiblement antinomique entre Alonso et Pacino suscite bien des étincelles.

Avec un bémol : on demeure néanmoins nostalgique de la dynamique de trio caractérisant la série, il devient urgent intégrer Lola à la Patrouille. S’ajoute également un volet plus sensible et intimiste autour de la rencontre entre Alonso et son grand père se révélant bien différent de la légende familiale. L’expressivité de Nacho Fresneda apporte de la valeur a ce récit en soi passablement prévisible. Par ailleurs se confronter à son propre passé devient décidément un rituel d’airain pour les divers protagonistes du Ministère (Salvador y a aussi droit ici), ce mouvement pourrait à terme donner à la série des allures de Formula Show, ce qu’elle n’a jamais été jusqu’ici.

C’est en fait une nouvelle l’Histoire qui apporte son meilleur à l’opus du jour. L’épisode illustre à merveille la persistante faculté de la série a toujours choisir des cas historiques pertinents, parfois peu connus du public, mais toujours très évocateurs de leur époque. On avouera avoir découvert avec un vif intérêt la singulière aventure des deux survivants capturés par les Mayas. Mais si l’intrigue met en avant, à juste titre, la figure positive de Gonzalo Guerrero, les autres personnages, à commencer par le grand père d’Alonso, ouvrent une intéressante fenêtre sur les Conquistadors. Évidemment loin d’une hagiographie ou d’un lyrisme à la Heredia, l’épisode ne tombe pas non plus dans la critique totale. Au contraire il sait s’attacher à la réalité humaine des individus et de leur environnement historique en Espagne.

Malheureusement ce passionnant versant de l’épisode se voit considérablement réduit par celui dédié à la guéguerre entre le Ministère et ses rivaux. Chacun abordera à sa manière la série. En ce qui nous concerne c’est son aspect d’album historique qui nous séduit avant tut davantage que son espionnite temporelle. Ici cette dimension nous paraît prendre trop d’espace au détriment de la première. Sans doute Olivares a-t-il été trop ambitieux en suscitant non pas une mais deux organisations rivales. Il aurait été plus cohérent de voit les Enfants de Padilla tenter de s’aborder l’entreprise des Conquistadors, plutôt que d’assister à ce jeu temporel sans guère de relief et parfois vaguement ridicule avec cette histoire d’allergie aux cacahouètes. Aux moins cette inflation permet-elle à Salvador, toujours incarné avec infiniment de talent par Jaime Blanch, de se placer davantage au centre de l’échiquier.

Anecdotes :

  • Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’épisode n’a pas du tout été tourné au Yucatán. Les scènes de plage l’ont été à Conil de la Frontera, non loin de Cadix. Le site est particulièrement prisé des touristes pour es six superbes plages. Le terme de Frontera (frontière), fait allusion à celle séparant les royaumes chrétiens de l’Émirat de Grenade, ultime possession musulmane aux derniers jours de la Reconquête.

  • Les scènes de jungle ont été tournées au jardin botanique de Málaga (jardín botánico de la Concepción). Créé en 1855, ce jardin de style anglais est l’un des plus richement dotés d’Europe en plantes subéquatoriales, plus de 50 000 en tout. Ses 55 hectares abritent une profusion de superbes édifices et de jardins thématiques.

  • Pour confirmer avoir passé un appel téléphone, Lola déclare Yo hice la llamada. Il s ‘agit d’un clin d’œil, l’actrice Macarena García venant alors de connaître un grand succès avec le film La Llamada (2017). Il s’agit d’une comédie musicale, Macarena García mène une double carrière de comédienne et de chanteuse.

  • En 1511, Gonzalo Guerrero et Gerónimo de Aguilar furent les deux seuls survivants du naufrage d’un navire espagnol au large du Yucatán, étant capturés par les Mayas (qui sacrifièrent le reste de l’équipage). Guerrero s’immergea dans leur culture et épousa une de leurs princesses. A l’arrivée de Cortés, en 1519, il se retourna contre les Espagnols et parvient à résister durant 20 ans dans sa région, située à l’extrême sud de la péninsule du Yucatán, avant de mourir au combat. Il tenta en vain de prévenir l’Empire aztèque du danger. Guerrero est surnommé le Renégat en Espagne et le Père du Métissage au Mexique. Gerónimo de Aguilar opta au contraire pour collaborer avec Cortés. Il lui apporta un précieux appui grâce à sa connaissance des langues et des cultures locales.

  • Salvador offre à Irène et Pacino des places pour le premier concert de David Bowie en Espagne (durant le Glass Spider Tour). Celui-ci se déroula, le 06 juillet 1987, au state Vicente Calderón, enceinte historique de l’Atlético de Madrid. Pacino avait dû renoncer à un concert de Rosendo, également durant les années 80. Celui-ci est l’une des grandes figures du Rock et du Hard Rock en Espagne depuis les années 70. 

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9.  EL CISMA DEL TIEMPO

Date de diffusion : 02 octobre 2017

Epoque visitée : 1417, l’Antipape Benoît XIII

Résumé :

L’Ange Exterminateur enlève Rabbi Levi, afin que celui-ci réalise un nouveau Livre des Portes. Mais Levi s’enfuit en 1417 avec l’artefact et gagne le château de l’Antipape Benoît XIII à Peñíscola. La Patrouille, qui comprend désormais Lola, vient à sa rescousse quand Benoît XIII voyage à son tour jusqu’en 2017, mais elle a la surprise de découvrir que le nouveau Livre peut désormais ouvrir des Portes donnant sur le Futur. L’Ange exterminateur attaque et la Patrouille se réfugie à l’époque où le château était une forteresse des templiers.

Critique :

L’épisode parachève malheureusement la mutation de El Ministerio del Tiempo, qui n’est décidément plus la série originale et ambitieuse que nous adorions. En effet elle, qui, naguère, se montrait volontiers sarcastique avec les Etats-Unis se coule toujours davantage dans le moule de leurs productions.

La part consacrée à l’Histoire se voit ainsi singulièrement réduite à la portion congrue. Il s’avère particulièrement triste de découvrir Salvador renoncer à nous décrire un tant soit peu le Grand Schisme d’occident, en l’évacuant avec un « c’est très compliqué », là où Amélia aurait en tracer un portrait, évidemment résumé. Au lieu d’au moins se centrer sur l’Antipape, on ajoute, toujours à la va-vite, les templiers, uniquement là pour les péripéties.

Afin de dramatiser l’action, on joue de manière particulièrement accentuée le pathos autour du crépuscule des Templiers, mais sans même citer l’Ordre valencien de Montesa, qui va prendre la relève à Peñíscola. Pour la première fois le volet historique résulte réellement bâclé, et ce n’est pas le ton volontiers hagiographique autour du Pontife « espagnol » (aragonais) qui va arranger les choses.

Par ailleurs le format de série d’action qu’achève ici de revêtir le programme ne convainc guère. Certes la réalisation demeure efficace par sa mise en valeur réussie du château de Peñíscola, même si l’on regrettera l’insertion d’effets spéciaux uniquement là pour épater la galerie, un besoin guère ressenti jusqu’ici par El Ministerio del Tiempo. Toutefois la plupart des péripéties mises en scène relèvent du cliché, comme cette énième scène d’échange d’otages, mille fois vues ailleurs.

Certaines maladresses viennent encore se rajouter, comme cette porte cruciale donnant sur 1307 et que la patrouille franchit complètement par hasard, elle est juste là à les attendre, ou ces pesants ralentis sur les corps mitraillés des templiers, digne des Western spaghettis de jadis. Certains éléments (le Livre ouvrant sur le Futur, Adolfo Suárez comme mentor de Salvador au sein du Ministère) semblent appelés à prendre ultérieurement de l’importance, pourquoi pas, mais ces promesses demeurent encore à tenir.

Au moins l’épisode peut-il compter sur la sympathie inaltérée qu’insufflent les personnages et sur un relationnel maniant aussi bien l’humour que l’émotion. L’intégration de Lola dans une Patrouille enfin redevenue trio, ainsi que le petit jeu concomitant d’Alonso veillant soigneusement à laisser le commandement à Pacino sonnent très justes. L’ensemble fonctionne harmonieusement, tandis que la figure de Salvador gagne toujours en complexité comme en intérêt. Cet aspect-là de la série conserve son attrait, mais l’on retiendra avant tout la triste mise en retrait de l’Histoire au sien de la narration.

Anecdotes :

  • Paco Obregón reprend ici le rôle de Rabbi Levi, qu’il avait déjà interprété lors de l’épisode Una negociación a tiempo (1-04).

  • La possibilité de voyager dans le futur enchante Pacino, grand fan de Diego Valor. Ce héros protégeant une Terre futuriste d’invasions martiennes fut le protagoniste d’un feuilleton radiodiffusé de la Cadena Ser durant les années 50. Son succès lui valut d’être adapté ultérieurement sur de multiples supports, y compris sur la télévision espagnole naissante, pour l’une des toutes premières séries émises par TVE (1957-1958).

  • Élu Pape en Avignon à la mort de Clément VII (1394), Benoît XIII (l’Aragonais Pedro Martínez de Luna, 1328-1423) devint l’un des trois pontifes se disputant encore le Trône de Saint-Pierre au terme du Grand Schisme d’Occident (1378-1417). A l’issue d’une crise politico-religieuse complexe, il s’opposait à Jean XXIII (à Pise) et à Grégoire XII (à Rome). Le Concile de Constance proclama finalement la déchéance des trois pontifes et réunifia la chrétienté en élisant Martin V. Mais si ses deux concurrents, se soumirent au Concile, Benoît XIII refusa d’abdiquer. Il se réfugia auprès du Roi d’Aragon, son ultime soutien et séjourna au château de Peñíscola. Son dernier successeur (« l’Antipape imaginaire ») finit par se soumettre à Rome en 1467.

  • Une grande partie de l’épisode fut tournée au Château de Peñíscola, la véritable résidence de l’Antipape. Située dans le nord du Royaume de Valenee et bâtie sur un ancien alcazar arabe, (1307), cette forteresse des Templiers fut l’une des plus imprenables de la péninsule. L’austère château militaire devint un magnifique palais pour accueillir la cour de l’érudit Benoît XIII, abritant notamment une superbe bibliothèque. Il représente la forteresse de Valence dans le film Le Cid (1961).

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10.  REFUGIADOS POR EL TIEMPO

Date de diffusion : 09 octobre 2017

Epoque visitée : 1609 et 1828, Felipe III et Bolívar

Résumé :

Tandis qu’Alonso et Pacino se rendent en 1828 à Bogota pour protéger Bolivar d’une conspiration, le Ministère doit faire face à l’arrivée surprise de tout un groupe de réfugiés morisques, en provenance du règne de Philippe III. Ce sont cette fois les Fils de Padilla qui s’en servent comme Cheval de Troie involontaire, afin de provoquer un attentat suicide détruisant le Ministère. L’Ange exterminateur tente de profiter de la crise, son chef se faisant passer pour le délégué du Gouvernement, à qui Salvador doit rendre des comptes.

Critique :

Refugiados por el Tiempo souffre des mêmes faiblesses que son prédécesseur. Les rivalités entre sociétés secrètes, Ministère, Anges Exterminateur et Enfants de Padilla, occupent beaucoup d’espace, de même que les jeux temporels, le tout au détriment de celui imparti à l’Histoire. Mais, contrairement au tristement parcellaire survol de l’Antipape et du Grand Schisme d’Occident, l’épisode nous semble gérer ces contraintes avec une efficacité retrouvée.

Quoique sans doute trop ramassée, on décèle un authentique intérêt dans la partie consacrée à un Bolivar cette fois au soir de sa vie et déjà dévoré par la tuberculose. Le portrait du Libertador, interprété avec beaucoup de talent par l’acteur colombien Juan Pablo Shuk sonne juste, entre grandeur et affirmation de l’indépendance d’une nation, tout en évitant l’hagiographie. C’est ainsi qu’à juste titre Alonso pointe que, chez Bolivar, la soif de liberté s’arrête aux descendants d’Espagnols entre concerne aucunement les natifs.

 Comme toujours la série sait dénicher les évènements et personnalités dignes d’intérêt (la Conspiración Septembrina et Manuela Sáenz), tout en les intégrant habilement dans un récit riche en péripétie. Outre les clins d’œil réussis à Barry Lindon (cette saison est décidément très cinéphile), la mise en scène sait mettre en valeur les superbes costumes et sites de tournage, tout en évitant les effets spéciaux contreproductifs. Cependant on regrettera l’introduction de l’homme constituant un point fixe dans le Temps, hors sujet ici et très pompé sur le Jack Harkness de Doctor Who et Torchwood.

L’énième retour au Siècle d’or, certes déclinant, suscite forcément moins de curiosité tant cette époque a déjà été parcourue en long et en large. L’absence de la pétillante relation entre Amelia et Lope de Vega se fait également ressentir, tandis que l’on note que décidément Lola n’est toujours pas devenue membre à part entière de la Patrouille. La mise en scène n’en demeure pas moins là aussi d’une rare élégance, tandis que l’on enregistre avec plaisir le retour du trop rare Velázquez (l’un des coups de génie de la série), aussi drôle qu’émouvant quand il évoque Juan de Pareja.

Le tronçon contemporain suscite des sentiments davantage mitigés. Les tentatives d’attentat à la 24h Chrono nous laissent de marbre dans le cadre de la présente série et Elena n’est pas le personnage nous captivant le plus. L’infiltration de Bosco évoque beaucoup celle de Susana Torres en saison 1, nous serions très surpris si Salvador n’avait pas tout de suite compris de quoi il retournait. Le récit vaut néanmoins pour l’émouvant parallèle établi entre le triste sort des Morisques et les réfugiés faisant aujourd’hui l’actualité, mais aussi avec les drames humanitaires du passé. Tout juste pointera-t-on qu’il n’était pas nécessaire de le souligner aussi explicitement dans les dialogues entre Lola et Ernesto, nous avions compris.

Malgré les quelques réserves qu’il suscite, l’opus de regarde avec un plaisir certain et semble indiquer que le Ministère du Temps sait conserver son intérêt en dépit de son nouveau paradigme.

Anecdotes :

  • Bosco, le maître de l’Ange Exterminateur, trahit son antériorité à l’époque contemporaine en ne connaissant pas Chiquito de la Calzada (1932-2017), chanteur de flamenco et humoriste à succès.

  • Pacino et Alonso se présentent auprès de Bolivar sous le nom d’Andrés Pajares et Fernando Esteso. Il s’agit de deux humoristes très populaires en Espagne, ayant notamment travaillé en duo durant les années 70 et 80, dans des comédies légèrement érotiques (Los Chulos, 1981).

  • Alonso défie en duel Rafael Urdaneta. Ce premier des fidèles de Bolivar fut le général conduisant les opérations militaires menant à l’indépendance du Venezuela. Il devint à son tour le président de la Grande Colombie en 1830-1831.

  • Auprès de Bolivar, Pacino et Alonso rencontrent Manuela Sáenz (1795-1856). Elle fut la compagne et la collaboratrice du Libertador durant les dernières années de ce dernier, de 1822 à 1830. Son rôle dans l’émancipation du continent est désormais pleinement reconnu et Manuelita constitue une forte figure du féminisme en Amérique latine.

  • Les évènements de l’épisode font référence à la conspiration de septembre 1828 (la Conspiración Septembrina). Des opposants libéraux à Bolivar menèrent une attaque nocturne contre le palais présidentiel, durant la nuit du 25 septembre. Isolé, le Libertador décida de résister l’arme à la main, mais Manuela Sáenz le convainquit de s’enfuir, ce qui lui sauva sans doute la vie. Il parvint à rallier les troupes loyalistes de Bogota et le coup d’Etat fut écrasé.

  • L’épisode comporte plusieurs références au film Barry Lyndon, comme le duel entre Alonso et Urdaneta, ou les musiques choisies (Mozart, Scubert).

  • Pour révéler l’existence du Ministère à Elena, Salvador lui fait rencontrer la Belle Otero. Il s’agit du nom de scène de Caroline Otero (1868-1965), fameuse danseuse exotique et courtisane de la Belle Epoque. Née dans une famille galicienne miséreuse, elle connut la gloire à Paris, sur scène dans des rôles de belle étrangère, mais aussi dans les alcôves du Gotha. Elle est considérée comme la première vedette du cinéma, étant filmée en train de danser par Félix Mesguich, en 1898, lors d’un numéro qui provoqua une émotion considérable.

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11.  TIEMPO DE VERBENA

Date de diffusion : 16 octobre 2017

Epoque visitée : 1894, La Verbena de la Paloma

Résumé :

Pour ses vacances, Angustias décide de retourner dans son époque afin de réaliser un vieux rêve : assister à la première de La Verbena de la Paloma, à Madrid. Mais elle découvre que l’annulation du spectacle est annoncée ! En compagnie de Lola et de Pacino, elle n'a que quatre jours pour s'intégrer à la distribution et remettre sur de bons rails la production de cette œuvre majeure de la Zarzuela chica. Pendant ce temps, Alonso tente d’interroger Arteche, l'agent immortel de l'Ange Exterminateur.

Critique :

Avec cet épisode léger et chantant, largement humoristique pour son segment principal, El Ministerio del Tiempo s’offre ne appréciable respiration avant que ne survienne le prévisible affrontement final. On l’apprécie d’autant plus que le récit revêt une agréable saveur de madeleine, tant on y renoue avec la série des deux premières saisons, loin des évolutions par toujours convaincantes (à nos yeux) caractérisant l’actuelle.

Ainsi le très divertissant argument principal se voit-il totalement exempt des interventions des sociétés secrètes concurrentes du Ministère, ce qui permet d’enfin dédier tout l’espace à l’Histoire et aux péripéties du jour, sans interférences. Par ailleurs au sein d’une saison très manifestement dédiée à internationaliser le programme (avec d’ailleurs des résultats souvent intéressants), on s’en tient ici à un double sujet purement espagnol.

L’épisode autorise ainsi un joli panorama sur le fourmillement intellectuel et artistique madrilène de la fin du XIXe siècle. Soit un courant peu connu en France, où l’on a une vision souvent très crépusculaire de l’Histoire d’Espagne concernant cette époque effectivement troublée. L’opération s’effectue selon la meilleure tradition de la série, jamais de manière didactique, mais à travers de plaisantes rencontres et des dialogues pétillants. Avec un véritable plaisir, on y croise ainsi le compositeur Tomás Bretón, la cantatrice Luisa Campos ou les écrivains Benito Pérez Galdós et José Echegaray (Prix Nobel de littérature en 1904), entre autres. L’ensemble ne se contente d’ailleurs pas d’une simple galerie de portrait mais en profite aussi pour converser sur l’opposition entre art populaire ou élitiste, à travers l’opposition opéra / zarzuela.

Car, si l’épisode ne comporte pas tout à fait assez de plages chantées pour être réellement qualifié de musical, il nous immerge dans la bulle stress que constituent les ultimes préparatifs et la première d’un spectacle. Entre problèmes financiers, matériels et ‘ego, notre trio va de voir se débattre comme jamais pour sauver la journée, au fil d’un vaudeville prenant lui-même astucieusement des allures de zarzuela chica (genre typiquement espagnol, à la tonalité dramatique plus marquée que chez l’opérette d’Offenbach). Le clou de spectacle demeure évidemment la performance scénique, avec des acteurs souvent choisis pour leur double carrière de chanteur, à commencer par la formidable Macarena García. Les autres font au moins preuve d’une énergie communicative ! Le choix du Real Coliseo permet de reproduire avec précision les conditions de représentation de l’époque.

Si on apprécie qu’Angutias puisse enfin s’extraire cette saison de son rôle de fidèle secrétaire, on remarque que la nouvelle Patrouille Pacino/Alonso/Lola n’aura décidément guère eu l’occasion de se mettre en place. Malgré le talent de l’interprétation, la confrontation, puis le rapprochement entre Alonso et Arteche demeure davantage anecdotique. D’autant que la convergence avec le Jack Harkness de la BBC continue à parasiter l’ensemble. Mais ces évènements (idem pour Marta) présentent au moins l’intérêt de préparer efficacement le décor du probable affrontement final entre le Ministère, l’Ange Exterminateur et les Enfants de Padilla.

Anecdotes :

  • La musique préférée d’Ernesto est d’Antonio de Cabezón (1510-1566). Aveugle quasiment de naissance, il devint néanmoins l’organiste royal de la cour d’Espagne, sous Philippe II. Il est l’un des compositeurs majeurs du Siècle d’Or, notamment pour les pour les instruments à clavier (clavecin et orgue). Ses compositions pour orgue comptent parmi les plus anciennes qui soient conservées.

  • Arteche, l'agent immortel de l'Ange Exterminateur, est le « Soldat espagnol de vingt siècles ». En réalité José Gómez de Arteche (1821-1906) fut un grand historien militaire. Dans son ouvrage de fiction Un soldado español de veinte siglos (1875), il imagine qu'un soldat immortel participe à toutes les armées espagnoles depuis l'époque romaine, sur le modèle du Juif errant.

  • La Verbena de la Paloma (la Fête de la Colombe) fut crée le 17 février 1894 au Teatro Apolo de Madrid. Composée par Tomás Bretón sur un livret de Ricardo de la Vega, cette célèbre zarzuela chica (drame léger et chanté typiquement espagnol) fait référence à la procession madrilène de la Vierge de la Colombe, le 15 août. Connaissant un triomphe dès sa première, La Verbena de la Paloma est demeurée l'un des sommets du Género Chico, ce qui lui valut d'être adaptée trois fois au cinéma et de devenir l'une des œuvres les plus enseignées dans les conservatoires espagnols.

  • Le compositeur Tomás Bretón va participer à une tertulia, au Café Levante. La tertulia est l’équivalent espagnol des salons ou cercles littéraires français, où se réunissent artistes et gens de lettres (mais aussi toreros célèbres et personnages politiques, le spectre est très large) pour débattre ou s’accorder sur des projets communs. Une tertulia se réunit souvent en soirée ou de nuit, non pas chez un hôte, mais dans un espace public, café, cidrerie ou terrasse, et s’accompagne volontiers du chant des guitares en Andalousie.

  • Dans la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’à la guerre civile, les tertulias madrilènes très hétéroclites, constituèrent un carrefour important des échanges d’idées artistiques et politiques en Espagne et se tinrent le plus souvent dans des cafés. D’abord situé dans la rue d'Alcalá, donnant sur la Puerta del Sol, le Café Levante fut l'un des tous premiers de ces lieux de rencontre.

  • Le théâtre Apolo où fut créée la Verbena se trouvait également dans la rue d'Alcalá, mais il n’existe plus de nos jours. Les scènes sur scène furent tournées au Real Coliseo de Carlos III, non loin de l’Escorial. Bâti à la fin du XVIIIe siècle, il reste aujourd’hui le dernier théâtre espagnol conçu selon les concepts de l’époque. 

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12.  CONTRATIEMPOS

Date de diffusion : 25 octobre 2017

Epoque visitée : 1976, Adolfo Suárez

Résumé :

Le Sous-secrétaire apprend qu’en 1976 Adolfo Suárez ne compte plus parmi les candidats à la Présidence du Gouvernement. Cet évènement met en péril le bon déroulement de la Transition postfranquiste. Salvador envoie la Patrouille sauver la démocratie espagnole, d’autant que Suárez a été son propre mentor au sein du Ministère. L’Ange Exterminateur tire les ficelles du complot, après s’être emparé d’Elena. Une confrontation décisive en découle entre le Ministère et ses deux rivaux. De son côté Lola se rend en 2010, afin de se confronter à sa version alternative.

Critique :

A l’occasion de son avant dernier épisode, El Ministerio del Tiempo retombee malheureusement dans les travers de cette saison 3. Fondamentalement, la partie historique se voit derechef sacrifiée aux histoires de sociétés secrètes, ou aux parcours individuels des agents du Ministère. Or l’intérêt de ces deux derniers éléments demeure inégal.

La rencontre des deux Lola permet de finir de cerner le parcours du personnage, mais intervient bien trop tard dans la saison et nous permet de retrouver l’excellente Natalia Millán. Cette problématique aurait dû être réglée depuis longtemps et l’épatante Lola de Macarena Garcia être pleinement intégrée à la Patrouille, au lieu de n’en demeurer qu’un membre intermittent et périphérique. Même en cet vante dernier épisode, l’aventure principale se déroule sans elle. En plus la coexistence de lignes temporelles alternatives semble indiquer une certaine immuabilité du Temps, ce qui est contradictoire avec l’existence du Ministère.

Le triomphe du Ministère a le mérite d’apporter une conclusion claire et définitive à cet arc narratif parfois envahissant vis-à-vis du volet historique de la série. La soudaine double résolution du conflit suscite un effet de choc et se montre astucieuse, se basant notamment sur le caractère orgueilleux du chef de l’Ange Exterminateur. Toutefois le plein succès de l’entreprise suppose que Pacino devienne un traitre et la victime de son camarade Alonso, ce que l’on ne croit pas un seul instant. Dès lors, la chute résulte pour le moins prévisible, même s’il faut reconnaître que la saison a intelligemment pavé le terrain en multipliant les crises de loyauté.

On comprend qu’à travers l’Ange Exterminateur et les Enfants de Padilla, Olivares ait voulu stigmatiser deux approches de l’Histoire espagnole, l’une l’adorant sans réserve jusqu’à vouloir la figer, et l’autre au contraire la reniant sans mesure. Mais le paradoxe de cette saison reste que cette critique de deux approches extrémistes du Passé ait entrainé la série à consacrer moins d’espace à ce dernier. Ainsi, dans l’épisode du jour, on se réjouit qu’El Ministerio del Tiempo aborde le sujet fondamental pour l’Espagne contemporaine que constitue la Transition démocratique. Mais l’impression de survol perdure, Suárez apparaissant comme le prétexte de l’intrigue au lieu d’en former le sujet.

Anecdotes :

  • La série télévisée vue en 1976 est Curro Jiménez (TVE, 1976-1978). Elle narre les aventures (très) romancées du héros, un brigand d’honneur andalou ayant réellement existé durant la première moitié du XIXe siècle. Lutte contre l’envahisseur étranger, amours romantiques et camaraderie virile au sein de ces opposants à l’Empereur : très populaire en Espagne, la série fait beaucoup songer au Thierry la Fronde de l’ORTF.

  • Alonso et Irène trouvent que l’acteur jouant Curro Jiménez ressemble beaucoup à Julián. Il s’agit d’un clin d’œil, Rodolfo Sancho (Julián) étant le fils de Sancho Gracia (Jiménez).

  • Quand Salvador apprend que Lucía souffre de sclérose, il montre le portrait d’un précédent Sous-secrétaire mort d’une maladie également dégénérative. Il s’agit en fait de Pablo Olivares  co-créateur de la série avec son frère Javier et décédé de la sorte en 2014, juste avant le lancement de El Ministerio del Tiempo

  • Une partie de l’intrigue se déroule au sein du Conseil du Royaume (Consejo del Reino), créé en 1947 par Franco, afin de lui proposer des candidats pour les hautes charges de l’Etat. Durant l’ère franquiste, cet organisme consultatif ne joua qu’un rôle très symbolique, mais chargé de mener à bien la succession du Caudillo, son président Torcuato Fernández-Miranda (vu dans l’épisode) joua un rôle clef dans l’avènement de la Transition. Cet éminent juriste constitutionnel, qui fut le professeur de droit du futur Roi, est considéré comme le stratège du plan mené à bien par S.M. Don Juan Carlos et Adolfo Suárez.

  • Issu de la Phalange, Adolfo Suárez (1932-2014) fut le Président du Gouvernement de 1976 à 1981. Durant cette période il mena à bien la Transition démocratique, certes parachevée par l’alternance voyant le PSOE arriver au pouvoir en 1982. Avec le plein soutien de S.M. Don Juan Carlos, il mena avec dextérité le processus aussi risqué que complexe conduisant à liquider sans violence le régime franquiste, tout en faisant adhérer les partis républicains à la monarchie parlementaire et en se confrontant aux attentats de l’ETA. Devenu le leader de la droite modérée, il remporta toutes les élections de la période, ainsi que le référendum constitutionnel de 1978. Épuisé, il se retire en 1981, en pleine crise économique. En 1996, le Roi lui confère la dignité de Grand d'Espagne et le titre de duc de Suárez.

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13.  ENTRE DOS TIEMPOS

Date de diffusion : 01 novembre 2017

Epoque visitée : 1966, El Ministerio del Tiempo sur TVE

Résumé :

Après avoir triomphé de ses ennemis, le Ministère est effaré quand il découvre qu’en 1966 TVE est en train de réaliser une série télévisée révélant les véritables aventures vécues par la Patrouille ! De plus ce projet compromet l’existence d’un grand succès de TVE, Historias para no dormir. Lola, Pacino et Alonso se rendent sur le tournage, afin de déterminer qui est à l’origine de la fuite. A leur retour, ils ont la surprise de découvrir que tout a changé au Ministère, subitement transformé en agence de voyages temporels ! Un même ennemi cupide se dissimule derrière ces deux complots.

Critique :

A l’instar toutes proportions gardées, de Cauchemar en fin de saison 4, Buffy contre les Vampires, Entre dos tiempos permet au Ministère du Temps de conclure sa trajectoire par un épisode décalé de fort bonne facture, après avoir conclu les différents arcs narratifs de la saison. Toutefois, au lieu d’opter pour l’onirisme psychanalytique, la série va ici opter pour un savoureux méta récit.

En manière la plus immédiate, cela concerne le premier volet de cette aventure en deux participe sans la doute la plus divertissante, autour de la série alternative de la TVE franquiste. Plusieurs niveaux d’humour se croient avec bonheur comme les clins d’œil destinés aux fans, les fameux Ministéricos portant sur les riches heures de la série (recréation du pilote) ou sur le parcours des ses interprètes (jeune Jaime Blanch alors débutant, parents de Cayetana Guillén Cuervo…). Un vrai festival en effet miroir, sur un mode assez similaire aux X-Files alternatifs de l’épisode Hollywood.

Le récit revêtira également une saveur nostalgique pour les amateurs de la TVE des Sixties, public espagnol ou visiteurs estivaux. Le regard porté sur cette télévision se montre aussi amusé que nostalgique, avec un bel hommage rendu à la très hitchcockienne anthologie Historias para no dormir et à son créateur Narciso Ibáñez Serrador, figure historique de TVE. Mais l’ambition de l’épisode ne s’arrête pas là, car il va se servir du prisme de TVE pour mettre en relief la mise sous tutelle de la création télévisuelle par un Etat franquiste y voyant avant tout un moyen de propagande.

A cet égard il s’avère très pertinent découvrir nos héros devenus scénaristes provoquer la fin de la fausse série en y insérant uniquement les vrais opus les moins à la gloire de l’Espagne. Même en une décennie relativement plus douce que les précédentes, le régime laisse ainsi transparaître le maintien de sa véritable nature. El Ministerio del Tiempo retrouve ci sa meilleure tradition, l’évocation d’une époque à travers une plaisante aventure.

Le second volet d’Entre dos tiempos, autour du Ministère transformé en une agence de voyage temporelle suscite un peu plus de réserve. L’aspect historique de la série s’y voit en effet réduit pour l’essentiel à une chasse à l’homme à la Comte Zaroff assez baroque et superfétatoire. L’évènement de la première ouverture d’une Porte donnant sur le Futur nous semble également aller à contre-courant de cette précieuse spécificité du programme. Le segment retrouve toutefois des couleurs grâce à Ureña, fort gouleyant antagoniste du jour.

Interprété avec panache par Luis Larrodera (populaire figure de la télévision espagnole contemporaine), industrieux et cynique, il constitue astucieusement l’incarnation même de ce qu’a toujours combattu l’Histoire : la manipulation cupide et cynique de l’Histoire. Il aurait certainement mérité de devenir un adversaire récurrent et suscite ainsi des regrets quant aux tellement moins savoureux dirigeants de ces sociétés secrètes doctrinaires caractérisant la saison. Tel quel, cet épisode choral et original forme une belle conclusion pour cette série de haut vol.

Anecdotes :

  • Diffusée sur TVE de 1966 à 1968, puis en 1982, Historias para no dormir fut une anthologie à grand succès réunissant 29 récits effrayants, du thriller à l’épouvante fantastique. Dirigée et présentée par Narciso Ibáñez Serrador, sur un modèle assez similaire à Alfred Hitchcock présente, elle adapta régulièrement de grands auteurs, de Fredric Brown à Edgar Allan Poe en passant par Ray Bradbury. Outre sa qualité, l’anthologie créa un choc dans le public espagnol, car les films d’épouvante étaient alors encore très peu répandus dans le pays.

  • Le directeur de la Dirección General de Radiodifusión y Televisión dont Lola devient la secrétaire est Jesús Aparicio-Bernal. Nommé en 1964 par Manuel Fraga (ministre qui devait former ultérieurement le parti qui allait devenir l’actuel Parti populaire), Aparicio-Bernal allait rassembler autour de lui une équipe qui jouera un grand rôle dans la Transition démocratique, dont Adolfo Suárez.

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Contratiempos

Saison 1Saison 1

El Ministerio del Tiempo

Présentation 


NOUVEAU - Retrouvez la présentation et le guide des épisodes de la saison 1 de El Ministerio del Tiempo par Estuaire44 sur Le Monde des Avengers : http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-2000/el-ministerio-del-tiempo-2015Rejoignez la discussion autour de El Ministerio del Tiempo sur notre forum : http://avengers.easyforumpro.com/t6191-serie-el-ministerio-del-tiempo

Posted by Le Monde des Avengers on Friday, November 27, 2015

A Madrid, le Palais de la Duchesse de Sueca abrite l’institution la plus secrète de l’état espagnol : le Ministère du Temps, fondé en 1491 par Isabelle la Catholique. Connu seulement du Roi, du Président du Gouvernement (dont il dépend directement) et d’une poignée de collaborateurs triés sur le volet, le Ministère a la lourde charge de veiller à la préservation de l’Histoire de l’Espagne et donc du monde actuel. En effet, le public ignore qu’il existe des Portes ouvrant sur le Passé, franchissables dans les deux sens. Des individus mal intentionnés les utilisent régulièrement afin de détourner l’Histoire à leur profit. Le Ministère a formé plusieurs patrouilles chargées de contrer les comploteurs à travers le Temps. Ces équipes se composent d’agents contemporains, mais aussi d’individus recrutés lors d’expéditions dans le passé, en provenance d’époques très variées.

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La série va narrer les aventures mouvementées vécues par l’une d’entre elles, composée de trois agents récemment incorporés et ne tardant pas à s’illustrer. Chef du groupe, Amelia, issue de la haute bourgeoise barcelonaise et l’une des premières femmes universitaires espagnoles à la fin du XIXème siècle, est une surdouée dotée d’une mémoire photographique. En provenance de 1570, Alonso, membre des Tercios, l’élite de l’armée espagnole du Siècle d’Or, est un spécialiste en stratégie militaire et en recours à la manière forte. Infirmier contemporain, Julián brille par son courage intrépide et le peu d’importance qu’il accorde à sa propre vie, car traumatisé par la mort de sa femme lors d’un accident de la route. Tous trois doivent obéir à leurs supérieurs, Ernesto et l’énigmatique Irène les ayant recrutés, mais aussi rendre compte aux représentants du Gouvernement. Il faut dire que la menace s’est accrue depuis qu’une agente renégate, Lola, monnaye à prix d’or les secrets des Portes. Mais les agents doivent eux-mêmes veiller à résister à des tentations personnelles.

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Diffusée par la  première chaîne publique espagnole (Televisión Española, TVE) de février à avril 2015 et initialement prévue pour une unique salve de six téléfilms de 70 minutes,  El Ministerio del Tiempo connut un écho inattendu. Si l’audimat demeure simplement de bonne tenue (2,5 millions de spectateurs en moyenne), les passionnés surnommés les Ministericos, se montrent très actifs sur les réseaux sociaux et la critique salue unanimement le succès de la série. La TVE s’insère d’ailleurs dans le modernisme en relayant le mouvement par un site dynamique, La Puerta del Tiempo. Fin mars 2015, les Ministericos ont la satisfaction d’apprendre que la commande d’une deuxième saison, avec treize nouvelles aventures du trio vedette.

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De fait, El Ministerio del Tiempo  se situe aux avant-postes d’un mouvement voyant une profusion d’excellentes séries être produites en Espagne, mais aussi dans les différents pays européens, notamment propulsées par le secteur public. TVE, aux productions souvent de qualité, mais traditionnellement assez patrimoniales, a ainsi récemment diffusé Amar en tiempos revueltos (2005-2012), élégant feuilleton sentimental prenant place durant la Guerre Civile et le Franquisme,  Los Misterios de Laura (2009-2014), série policière adaptée dans plusieurs pays, y compris aux USA par NBC, ou encore Isabel (2012-2014), fastueuse chronique, en rien académique, du règne fondateur de la Reine Catholique.

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Isabel aura d’ailleurs le même showrunner que El Ministerio del Tiempo, Javier Olivares,  et cet historien de formation organisera bien entendu un crossover entre les deux programmes. Mais, à partir d’un sujet propice à l’aventure (et présentant quelques similitudes avec une série comme Stargate SG-1), le Ministère va développer un intérêt propre. Installer une administration gestionnaire du voyage temporel et composer une équipe de personnes provenant d’époques différentes se montre ainsi original. Surtout, Olivares va introduire un virage à 180° vis-à-vis des séries historiques classiques de TVE, souvent de qualité, mais au ton très pédagogique, parfois déclamatoire, où le discours prédomine largement sur l’action. Le Ministère est ainsi pensé avant tout comme un divertissement, dans lequel les éléments d’analyses historiques ou sociales demeurent seulement en filagramme de péripéties dynamiques. L’auteur ne disserte pas sur le Siècle d’Or ou le Franquisme, mais les expose au travers de l’aventure vécue.

Si la narration demeure irréprochable sur le plan historique, elle ne détaille pas cet aspect par le menu, se limitant à un survol permettant d’intégrer ke public ne disposant que de connaissances communes de l’histoire nationale. Parfois irrévérencieux, le récit n’hésite pas à jouer la carte de l’humour anachronique (notamment via les relations entre les héros) et à incorporer des éléments de Pop culture au sein de dialogues aux antipodes du ton sentencieux jadis privilégié. Ce ton volontiers léger et alerte se retrouve également dans le volet Science-fiction, où toutes les thématiques de paradoxes temporels complexes se voient promptement évacuées, au profit d’une fantaisie de chaque instant, à la fraicheur et à la bonne humeur communicative.

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Tout comme il délaisse un récit historique élitiste et envahissant, El Ministerio del Tiempo refuse le carcan d’une Science fiction trop technique et structurée, pour au contraire laisser la part belle à l’Aventure. De ce double point de vue, le britannique Doctor Who représente un évident modèle (le Ministère est d’ailleurs créé par Isabelle, tout comme l’Institut Torchwood l’est par Victoria). L’influence du célèbre roman Les Voies d’Anubis, de Tim Powers, se montre également perceptible, de même que celle de la Tour Sombre de Stephen King, avec des Portes spatio-temporelles assez similaires.

Amateurs d’Histoire et/ou de voyages dans le Temps sont donc appelés à avant tout se divertir, au long des ces pérégrinations mettant en scènes des périodes, évènements ou figures suffisamment connus pour également s’adresser au public étranger. Olivares demeure par contre fidèle à la tradition de la TVE en ce qui concerne le soin scrupuleux apporté aux reconstitutions d’époque, pour les costumes comme pour les décors et les extérieurs. La série s’avère fort plaisante à l’œil : sans bénéficier d’un budget pharaonique, elle se situe amplement dans les standards des programmes européens. Les intrigues se montrent astucieuses et suffisamment variées d’un épisode à l’autre pour éviter toute routine, tandis que la connivence des trois comédiens principaux apporte une chaleur humaine supplémentaire, très espagnole, à un trio de protagonistes particulièrement attachant. Le portrait parfois décoiffant des personnalités historiques rencontrées s’accompagne d’une véritable écriture de chacun des membres du Ministère, tous finement caractérisés et interprétés avec saveur.

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Au cours de cette première saison, en compagnie d’Amelia, Alonso et Julián, nous allons contrer un complot de l’armée napoléonienne pour remporter la Guerre d’Indépendance, sauver Lope de Vega du désastre de l’Invincible Armada, empêcher les Nazis de s’emparer des Portes et que Franco se joigne à la guerre d’Hitler, extirper le découvreur des Portes des griffes de l’Inquisition ou rencontrer Lorca, Dalí et Buñuel encore étudiants, entre autres aventures !

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Saison 3Saison 3

El Ministerio del Tiempo

Saison 4



ANTES DE QUE NO HAYA TIEMPO



Date de diffusion : 20 avril 2020

Époque visitée : contemporaine, le Ministère déménage !

Résumé :

Alors que le Ministère du Temps s'apprête à déménager dans de nouveaux locaux, une alarme temporelle survient, tellement forte qu'elle perturbe tout le système informatique permettant au Sous-Secrétaire Salvador de veiller sur l'Histoire. Un compte à rebours débute, mais avant que la continuité historique ne s'effondre, Angustias a la bonne idée de faire appel à Benito Pérez Galdós. Spécialiste de l'informatique, le dramaturge relance la mécanique du Ministère. Salvador découvre alors que la perturbation est due à l'apparition d'un acteur de cinéma en 1943, parfait sosie du défunt Julián. Il décide de réunir la Patrouille du Temps.

Critique :

Deux ans et demi après qu'il ait failli devenir Carpe Diem, agence de voyage temporelle, le Ministère du Temps rouvre doucement ses portes avec cette vignette d'une douzaine de minutes, mise en ligne sur le site de RTVE en prologue de la nouvelle saison. Antes de que no haya Tiempo reste l'occasion de lever le rideau sur les deux événements d'ouverture de saison : le - possible - retour de Julián et le déménagement du Ministère (on se sent déjà nostalgique). En soi, la pastille est avant tout destinée aux fans et ne comporte aucune vraie révélation qui ne sera sans doute développée dans le pilote de saison. On peut aussi regretter que la connexion entre le Ministère et Benito Pérez Galdós se montre aussi élusive. Il y a comme un goût de trop peu dans ce mini-épisode, toujours superbement interprété.  Mais c'est avant tout le petit monde du Ministère que l'on va retrouver avec plaisir.

La chaleur des liens entre entre Salvador et ses collaborateurs, mais aussi l'humour naissant du choc de la vie de bureau d'une administration et de la grandeur épique du voyage temporel. Le chef dépassé par l'informatique et devant beaucoup à sa secrétaire demeure ainsi une figure n'ayant rien d'uniquement espagnol ! L'évocation par Pacino et Irène de leur mission auprès des Beatles ne manque pas non plus d'humour, avec peut-être un clin d'oeil au film Yesterday, où le Ministère n'était pas là pour veiller sur l'Histoire. Pour aussi peu circonstanciée qu'elle soit, la rencontre avec Benito Pérez Galdós s'avère savoureuse et donne envie d'en savoir davantage sur cet auteur. Humour, chaleur humaine et amour de l'Histoire, autant de composantes de cette merveilleuse série qu'est El Ministerio del Tiempo à répondre déjà à l'appel. Reste le souffle de l'Aventure, mais ce sera pour le prochain épisode !

Anecdotes :

  • La production de cette série demeurant un roman en soi, après deux et demi de péripéties une quatrième saison a pu être tournée. RTVE s'associe cette fois non pas avec Netflix, mais avec HBO España.

  • La nouvelle saison va compter 8 épisodes, et annonce comme fil rouge la mise en avant de femmes oubliées par l'histoire. Elle enregistre le retour de Julián Martínez(Rodolfo Sancho) et d'Amelia Folch (Aura Garrido, en guest). Historien et critique d'Art, Javier Olivares en demeure le showrunner.

  • Benito Pérez Galdós (1843-1920) fut un important dramaturge, journaliste et romancier espagnol, notamment connu pour le réalisme documentaire de ses oeuvres. Libéral et anti-clérical, critique ironique des travers de la classe moyenne de son temps, son œuvre fait de lui une figure du Costumbrismo. Assez proche du Naturalisme français, ce mouvement littéraire et artistique espagnol du XIXe Siècle met en avant la représentation réaliste des coutumes et usages sociaux. Plusieurs des romans de Benito Pérez Galdós ont été adaptés au cinéma par Buñuel, dont Viridiana (1961) et Tristana (1970).

  • Irène et Pacino reviennent d'une mission durant laquelle ils ont veillé au bon déroulement de la tournée espagnole des Beatles en 1965. Celle-ci conclut l'European Tour ayant vu les Fantastic Four passer également par la France et l'Italie. En juillet 1965, les Beatles se produisirent dans les Plazas de Toros de Madrid et Barcelone. Cette tournée constitua l'un des signaux d'ouverture de plus en plus fréquemment émis par le régime franquiste durant les Années 60. Comme souvent à cette époque, il fut l'objet d'oppositions entre les tenants de la ligne dure et les techniciens (relativement) plus ouverts sur la modernité, animés par l'Opus Dei. Ce fut l'anoblissement des quatre garçons dans le vent par la Reine qui décida finalement Franco.

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1.  PERDIDO EN EL TIEMPO

Date de diffusion : 04 mai 2020

Époque visitée : 1943, Francisco Franco

Résumé :

Salvador est stupéfait de reconnaître Julián dans un bulletin d'informations cinématographiques de 1943. Il a servi dans la División Azul, avant de devenir une vedette des films de propagande franquiste. Traumatisé par le choc subi durant la Bataille de Teruel, il a subi un transfert de personnalité, mais est aussi secrètement membre d'un réseau de résistants républicains. Invité à une réception du régime, il projette d'y assassiner le Caudillo, ce que découvre Lola. Dès lors, la Patrouille du Temps doit sauver Franco. Irène et Alonso sont capturés et torturés par les Républicains, mais l'attentat échoue à cause d'un traître ensuite abattu par Lola. La Patrouille parvient à rejoindre le Ministère, en ramenant Julián, toujours amnésique.

Critique :

« L'Histoire est ce qu'elle est. ». Le Ministère du Temps fait honneur à sa devise et à sa mission, la quatrième saison débutant avec un joli coup d'audace, la Patrouille du Temps volant au secours (sur ordre express du Sous-Secrétaire) à nul autre que Francisco Franco Bahamonde, Caudillo d'Espagne par Volonté du Peuple et Grâce de Dieu. On apprécie vivement qu'une série se montre cohérente et aille jusqu'au bout de son concept, c'est ici le cas. Assez logiquement, et en écho la cruauté de cette époque, l'épisode me semble être le plus sombre que la série nous ait proposé jusqu'ici. Le récit se veut également œuvre d'historien et refuse de tomber dans l'angélisme concernant les Républicains. Effectivement moins remémoré (du moins en France), le bombardement de Cabra se voit ainsi rappelé.

Surtout, le tableau de la résistance au régime se montre ténébreux. Ce portrait crépusculaire d'hommes et de femmes disposés au sacrifice mais aussi à toutes les horreurs commises par leurs ennemis (attentats, enlèvements, meurtres, tortures...) n'est pas évoquer L'Armée des Ombres de Kessel (et Melville). Il résulte brillamment paradoxal que la seule vraie source d'humour provienne du régime, avec l'ironie mordante exprimée là propos du cinéma de propagande (similaire à celle de la télévision de Entre dos tiempos, 20 ans plus tard) ou encore la bouffonnerie surréaliste des sosies de Franco. On retrouve d'ailleurs avec plaisir Pep Miràs, qui représentait déjà le Généralissime avec une véracité étonnante lors de Cómo se reescribe el tiempo.

Le récit fait ressentir le temps passé durant le hiatus entre les deux saisons, tout en menant rondement les retrouvailles. L'occasion aussi de découvrir les nouveaux décors, superbes et propices, du Ministère, la série étant cette fois tournée sur un magnifique site de la RNE. Félicitations à, Salvador, qui, au passage, s'est octroyé un bureau particulièrement royal ! On retrouve nos héros avec un vrai plaisir, dont bien entendu Julián, dont on espère que l'amnésie va vite disparaître. L'accent se voit judicieusement mis sur Lola, pour une action se déroulant à son époque d'origine, logiquement ulcérée d'avoir à veiller sur Franco, mais fidèle à son serment.

Anecdotes :

  • Le bulletin cinématographique visionné par Salvador débute par l'acronyme NO-DO, pour Noticias y Documentales (Actualités et Documentaires). Inaugurées en janvier 1943 par le pouvoir franquiste, ces vignettes informatives à la gloire du régime, diffusées dans les salles obscures avant le film, allaient perdurer jusqu'en 1981. Le ton ronflant de ces actualités et l'omniprésence de Franco sont restés dans la mémoire collective espagnole. Les archives des NO-DO sont largement consultables sur le site de RTVE.

  • Le Ministère a déménagé, du fait des coupes budgétaires et de la gentrification du centre de Madrid. Son siège est désormais l'ancien site de diffusion en ondes courtes de la Radio Nationale Espagnole, situé à Arganda del Rey, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Madrid. Inauguré en 1954, il fut conçu par l'un des architectes du Valle de los Caídos, dans le plus pur style monumental franquiste. Les décors des saisons précédentes n'avaient pas été conservés, tandis que les vastes salles et archives de l'édifice offrent de nombreuses opportunités de mise en scène.

  • Évoqué par Lola, et effectivement moins remémoré que celui de Guernica, le bombardement de Cabra, localité proche de Cordoue, fut perpétré par l'aviation républicaine le 07 novembre 1938. Il y eut 109 victimes civiles répertoriées en ce jour de marché. Les avions étaient russes, mais les équipages espagnols. Objet de controverses entre historiens, il semblerait que le drame soit en partie dû à une erreur du renseignement, signalant la présence de troupes italiennes.

  • La División Azul fut un corps de volontaires espagnols, mais aussi portugais, mis à la disposition de la Wehrmacht par Franco en juin 1941. Ses 46 000 hommes vont combattre sur le Front de l'Est jusqu'en octobre 1943, avant qu'elle ne soit rappelée en Espagne, puis dissoute. La División Azul fut l'un des éléments clefs du double jeu mené par Franco entre Axe et Alliés, satisfaisant l'appétit de troupes d'Hitler, tout en permettant à l'Espagne de demeurer non-belligérante.

  • Le jeune homme rencontré au bar par Julián et Irène est Luis García Berlanga (1921-2010). Dans sa jeunesse, celui-ci a effectivement servi dans la División Azul, afin d'échapper aux représailles du régime, son père ayant été gouverneur de Valence durant la République. Par la suite il devint un important réalisateur et scénariste, avec une œuvre centrée sur le traumatisme de la Guerre civile. Son film le plus connu demeure Bienvenue Mr Marshall (1952), portrait férocement ironique de l'Espagne des années 50.  

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2.  EL LABERINTO DEL TIEMPO

Date de diffusion : 11 mai 2020

Époque visitée : 1981, Pedro Almodóvar, la Movida - 1648, Philippe IV

Résumé :

En 1648, Philippe IV demande à Velázquez de réaliser le portrait d'une certaine Carolina, qu'il entend épouser. Le mariage avec Marie-Anne d'Autriche est en péril. Velázquez est d'autant plus surpris que Carolina a des attitudes très modernes. Sa participation à un jeu télévisé permet à la Patrouille de la repérer en 1981. Pacino y a la surprise de retrouver un ami d'enfance, Ángel, qui lui apprend qu'il va tenir le rôle de Sadec dans le prochain film du jeune Almodóvar, Laberinto de pasiones... et donc pas Antonio Banderas. Il s'avère que Carolina a fui 1981 pour échapper à son mari violent et elle rejoint la Patrouille pour débuter une nouvelle vie. La rencontre entre Banderas et Almodóvar est assurée et le film, financé, mais Ángel meurt du SIDA.

Critique :

L'épisode choisit de se scinder en deux, une tactique rarement gagnante puisque chacune des deux histoires en résultant ne dispose que d’une moindre histoire pour se développer. Qui plus est, aucune synergie n'est installée entre les deux segments, qui fonctionnent en indépendance quasi totale. Cela n’empêche pas d'apprécier le grand retour de l'humour au sein de la série qu'apporte cet opus, avec la réapparition de Velázquez. C'est déjà très net en ce qui concerne le segment Movida, la bonne humeur générale contrastant agréablement avec le ton sinistre du précédent Perdido en el Tiempo, ce qui met astucieusement en perspective les premiers temps du Franquisme, avec l'explosion de joie de vivre et de vitalité ayant succédé à toute cette période.

On apprécie le pouvoir évocateur des représentations de la nuit madrilène d'alors et de ses figures, avec un Almodóvar pétillant de jeunesse et de malice. Les Agents du Ministère ne sont pas en reste avec un Esnesto logiquement choqué par le film ou la redoutable Lola ne tenant pas l'alcool d'une seule virée madrilène, ce que l'on peut aisément comprendre lorsque l'on a vécu ces nuits perpétuellement jeunes, suivies de petits lendemains blafards et douloureux. On s'amuse beaucoup, d'autant que cela n'enlève rien à la force de la rencontre entre Almodóvar et Banderas. On aurait aimé avoir plus de temps pour suivre ces deux là, mais, pour apprécier la force et la richesse de leur lien, on pourra toujours se rapporter à ce film merveilleux qu’est Dolor y Gloria. On ressent avec plus de force encore le drame d'Ángel, rappelant à point nommé que cette décennie si pleine de vie fut aussi celle de l'apparition du SIDA.

On reste plus réservé concernant la partie consacrée à Carolina, l'humour devenant ici excessif. L'imitation de Fabio McNamara par Edu Soto était très amusante, mais celle de Philippe IV altère trop le personnage. Jamais le Roi Catholique ne se montrerait aussi familier, y compris avec son peintre favori, et la cour royale reproduisant un jeu télévisé tourne à la farce. Tout ceci reste en soi très drôle, mais ce n'est pas ce que l'on recherche dans cette série. On reste également dubitatif quant à l'intégration de Carolina au sein de la Patrouille, alors qu'elle manifeste ouvertement un dédain pour la continuité historique. Mais elle a de la ressource et de la personnalité et l'évocation des femmes battues revêt une intensité particulière. La qualité de la production, décors et costumes, est également au rendez-vous, la série demeurant un vrai plaisir pour l’œil.

Anecdotes :

  • Le long règne de Philippe IV (1621-1665) fut marqué par une multitude de conflits ruineux et insuffisamment préparés par la diplomatie. Le Portugal achève d'obtenir son indépendance lors de la Guerre de Restauration. Les Traités de Westphalie (1648) et des Pyrénées (1659) consacrent le déclin de la puissance espagnole et la prédominance de la France : au Siècle d'Or espagnol succède le Grand Siècle français. Grand mécène et collectionneur, Philippe IV permit néanmoins à l'Espagne de continuer à briller culturellement.

  • Le mariage de Philippe IV et de Marie-Anne d'Autriche eut lieu en 1649 et resserra les liens des deux branches des Habsbourg. Philippe était également l'oncle de Marie-Anne et avait trente ans de plus qu'elle. Tous deux furent les parents des Ménines, immortalisées en 1656 par Vélasquez, peintre de la famille royale.

  • Philippe IV tient sa cour à l'Alcázar royal de Madrid, demeure de la famille royale depuis Charles-Quint. Toutefois, il s'agit d'une représentation informatique, le palais ayant totalement brûlé lors d'un terrible incendie survenue durant la nuit de Noël 1734, sous Philippe V. La collection d’œuvres d'art réunie par Philippe IV, la plus grande d'Europe, fut en partie anéantie. Plus de 500 tableaux furent perdus, mais l'on parvint à sauver les Ménines.

  • Laberinto de pasiones (Le Labyrinthe des passions, 1982) fut le deuxième long métrage de PedroAlmodovar, après Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón (1980). Il marque sa première rencontre avec Antonio Banderas, son futur acteur fétiche, dont c'était également le premier rôle au cinéma. Volontiers provocateur et loufoque, le film est largement un portrait de la Movida et de la liberté sexuelle la caractérisant. De nombreux seconds rôles ont été attribués à des artistes et amis d'Almodóvar, rencontrés dans la nuit madrilène. Le film sera éreinté par la critique et Almodóvar n’accédera réellement à la grande notoriété qu'avec le succès international de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988).

  • L'artiste se donnant sur scène avec Almodóvar est Fabio (ou Fanny) McNamara. Ce chanteur fut l'une des figures de la Movida et créa un duo musical avec Almodóvar de 1981 à 1984. Durant les années 80, iI apparaît en caméo dans la plupart des films de son ami. Désormais il se consacre au Pop Art.

  • Felipe IV et Fabio McNamara sont interprétés par le même acteur, l'humoriste et animateur de télévision Edu Soto. Ce spécialiste des imitations est très populaire en Espagne pour ses   personnages en roue libre.

  • Le jeu télévisé permettant de repérer Carolina est Un, dos, tres... responda otra vez, grand succès populaire de RTVE. Il demeura à l'antenne de 1972 à 2004, avec tout un système assez complexe d'épreuves entremêlant culture, performance sportive, chance et sketchs humoristiques. Carolina et son mari apparaissent en incrustation vidéo sur un extrait de l'époque. Le jeu fut acheté par plusieurs pays européens, mais jamais diffusé en France. Victoria Abril fut l'une des jeunes hôtesses du programme, entre 1976 et 1978.

  • Nouvelle recrue du Ministère, Carolina est jouée par Manuela Vellés, actrice et chanteuse en vue depuis le début des années 2010. A la télévision, elle participe notamment à Hispania, Velvet et Alta Mar.

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3.  BLOODY MARY HOUR

Date de diffusion : 18 mai 2020

Époque visitée : 1554, le mariage de Marie Tudor et du futur Philippe II, le Grand-Duc d'Albe

Résumé :

Le Ministère apprend que, peu avant Noël 1554, Marie Tudor a fait assassiner sa demi-sœur Élisabeth, future reine d'Angleterre. La Patrouille est envoyée à Londres pour sauver la continuité historique, en profitant de la présence du futur Philippe II, alors époux de Marie. Alonso et Pacino deviennent gardes du corps du Roi et Irène, professeure d'Espagnol de la Reine. Pendant ce temps, Amelia s'efforce de faire retrouver sa mémoire à Julián, en évoquant leurs souvenirs communs.

Critique :

L'après l'excès d'humour réjouissant, mais hors sujet, ayant caractérisé le portrait de Philippe IV lors de l'opus précédent, El Ministerio del Tiempo en revient ici à son meilleur niveau. En effet, l'épisode rejoint pleinement la tradition de la série consistant à dépeindre de manière réaliste et sensible les figures historiques rencontrées. L'Angleterre des Tudor est un joli nid de vipères, mais le récit sait tracer un portrait agréablement nuancé de Marie. Loin des clichés faciles de Boody Mary, sans pour autant verser dans l'hagiographie (les tueries d'hérétiques ou d'opposants sont clairement montrées), nous découvrons la vérité d'une femme ayant toujours craint pour sa vie et prête à tout pour que ses enfants aient une existence meilleure. Écartelée entre deux cultures également : il s'avère particulièrement émouvant de voir la petite-fille des Rois Catholiques devoir faire appel à une professeure pour maîtriser ce qui est, au sens propre, sa langue maternelle. Il y a une belle solidarité féminine avec Irène, notamment autour de la lecture du fameux Libro de Buen Amor, ou du drame intime des grossesses imaginaires, que l'époque traita avec raillerie.

On aime aussi beaucoup le tableau du jeune prince Philippe, déjà pénétré de son devoir envers l'Espagne, mais aussi d'envie de bien faire, plein d'amour de la vie et de ses plaisirs. Il apparaît logiquement très différent de celui de Cambio de Tiempo (2-13), vieilli et consumé par la Raison d’État et l'orgueil. La familiarité entre Albe et Alonso passe très bien, car l'on sait que le Grand-Duc eut toujours un lien très fort avec ses Tercios, ainsi qu'une camaraderie de soldats. Même si l'on peut faire difficilement passer la campagne espagnole pour l'anglaise, l'épisode reste splendide et magnifiquement interprété, porté par de savoureux dialogues. L'humour reste présent, mais à sa place, agrémentant le récit sans pour autant en devenir la substance. Le spectateur français se trouvera en terrain connu puisqu'il s'agit à peu près du même humour qu'Astérix chez les Bretons, bière tiède et météo épouvantable, un cauchemar pour les Latins. Le portrait du jeune Prince pourra être utilement approfondi dans la dernière partie de la formidable série qu'est Carlos, rey emperador (2012-2014).

La partie moins relevée de l'opus demeure le ponctuel retour d'Amelia. Certes retrouver cette figure clef de la série fait plaisir, et l'alchimie ressurgit instantanément entre Rodolfo Sancho et la formidable Aura Garrido. Mais, pour ce qui restera sans doute son unique participation à la saison, on aurait préféré retrouver Amelia en patronne de la Patrouille, participant pleinement à l'aventure et brillant par son érudition autant que par son esprit. Or ici elle se voit (quasiment) réduite à sa relation amoureuse avec Julián. Ce n'est pas cet aspect qui nous intéresse le plus chez elle et cela reste tout de même un cliché concernant un personnage féminin, assez dommageable en cette saison se voulant particulièrement féministe. On regrettera aussi la totale absence de Lola, que le récit se soucie peu d'expliquer et qui la ramène à son statut de simple remplaçante d'Amelia, puisqu'elle disparaît quand celle-ci réapparaît. Même si Lola a sans doute moins d'aura, cela reste inutilement désagréable pour Macarena García. Demeurent l'album de souvenirs et surtout la belle émotion de la séquence finale avec Lorca, concluant avec panache la séquence du retour de Julián.

Anecdotes :

  • Pour la première fois le mot Tiempo (Temps) est absent d'un titre d'épisode. Celui-ci est en langue anglaise, afin de souligner que, également pour la première fois, la mission de la Patrouille du Temps ne se déroule pas en Espagne ou dans l'Empire, mais en Angleterre, même si dans le cadre d'une mission diplomatique espagnole. 

  • L'épisode voit le retour ponctuel d'Amelia Folch. L'ancienne cheffe de la Patrouille du Temps vient aider Julián (dont elle fut particulièrement proche) à retrouver la mémoire, mais préfère désormais se dédier aux affaires de son défunt père, dont elle a pris la succession. En réalité Javier Olivares souhaitait le plein retour de l'actrice Aura Garrido, mais cela fut impossible, celle-ci ayant un autre engagement.

  • Federico García Lorca apparaît dans les hallucinations de Julián. Ángel Ruiz reprend le rôle qu'il avait tenu en 2015 dans La leyenda del Tiempo (1-08).

  • Marie Tudor (1516-1558) naquit du mariage malheureux entre Henri VIII et Catherine d'Aragon, fille de la Catholique. Elle-même Catholique, Marie fut écartée de la succession, mais parvint à monter sur trône à la mort de son demi-frère Édouard VI, devenant la première femme à régner sur l'Angleterre. Pour cela, elle mena une guerre et fit décapiter sa rivale, Jane Grey. Elle épousa le futur Philippe II en 1554, établissant une brève double monarchie catholique quand celui-ci monta sur le trône d'Espagne en 1556. Aucun héritier n'en naîtra, malgré deux grossesses psychologiques qui lui valurent des railleries dans les Cours d'Europe. Les persécutions des Anglicans valurent à la reine le surnom de Marie la Sanglante (Bloody Mary).

  • Lui succédant en 1558, sa demi-sœur cadette Élisabeth Tudor, ici sauvée par la Patrouille du Temps, rétablira l'Anglicanisme. Ceci conduira à une guerre entre la Reine Vierge et le Roi Catholique, qui s’avérera désastreuse pour l'Espagne du Siècle d'Or. Mais... « L'Histoire est ce qu'elle est ».

  • Le mariage fut suggéré par Charles-Quint. Outre la dimension religieuse, il y voyait un moyen de contrer l'alliance entre la France et l’Écosse, mais aussi de sécuriser la voie maritime vers les Pays-Bas, alors possession espagnole. Marie y voyait la perspective d'un héritier empêchant sa succession par Élisabeth, tout en épousant un mari d'un rang égal au sien... et qui ne serait pas trop présent en Angleterre. Le mariage fut célébré le 25 juillet 1554, en la Cathédrale de Westminster. La garde d'honneur de quinze Grands d'Espagne accompagnant Felipe était menée par le terrible Duc d'Albe, incarnation de la puissance de l'Empereur.

  • Fernando Álvarez de Toledo y Pimentel (1507-1582), dit le Grand-Duc d'Albe, était à la tête de la Maison de Tolède, faisant de lui le premier des Grands d'Andalousie. Mais il reste remémoré pour avoir été le maître de guerre de Charles-Quint et Philippe II durant un demi-siècle, tout en menant des missions diplomatiques de premier plan. S'il essuya quelques revers, il est considéré comme le plus grand général de son temps, faisant des Tercios la meilleure infanterie d'Europe. Il remporta nombre des victoires majeures de l'Espagne du Siècle d'Or (Tunis en 1535, Muehlberg en 1547, Jodoigne en 1568, conquête du Portugal en 1581...). La mémoire de cet héros national espagnol reste entachée d'actes de cruauté commis en tant que Gouverneur des Pays-Bas, puis Vice-Roi du Portugal.

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4. LA MEMORIA DEL TIEMPO

Date de diffusion : 25 mai 2020

Époque visitée : 1937, l'évacuation des tableaux du Prado, Picasso à l'Expo de Paris

Résumé :

Au Prado, Velázquez a la terrible surprise de voir les Ménines brusquement disparaître, remplacées par un tableau de Goya. Dans le même temps, Salvador est averti que Picasso ne va pas dévoiler Guernica à l'Expo universelle parisienne de 1937. Or les Ménines ont disparu lors de l'évacuation du Prado face à l'avancée franquiste, exactement à la même date. Comprenant que les deux événements sont liés, il envoie la Patrouille enquêter à Madrid et Paris. La Patrouille déjoue un complot mené par le trafiquant d'art temporel Alberto Bueno, complice de l'ancienne Lola. Mais il s'avère que celui-ci dispose d'un aéronef capable de voyager dans le Temps et il enlève Lola à son bord.

Critique :

Le grand événement apporté par La Mémoria del Tiempo survient lors de sa séquence finale, avec la tonitruante révélation de ce vaisseau capable de voyager aussi bien dans l'Espace (certes terrien) et le Temps. Soit un inédit absolu au sein de la série, s'assimilant largement, du moins dans les limites du raisonnable, au TARDIS. Autant dire que toutes les cartes de l'univers de la série sont rebattues et que le Ministère va faire face à un redoutable défi durant la seconde moitié de saison. L'a révélation de l'Anacronópete s'avère impeccablement minutée, alliant spectaculaire et énigme afin de susciter le maximum de curiosité pour la suite de l'aventure. Une conséquence inévitable en demeure toutefois que les péripéties conduisant à l'événement revêtent des allures de simple prologue, un fait hélas renforcé par le relatif manque de substance du scénario. En effet, hormis l'astuce consistant à échanger les Ménines, déjà invendables en 1937, contre un Guernica encore inconnu, on ne trouve ra guère ici d'intrigue à proprement parler. La partie madrilène, hormis pour l'anecdote de l'évacuation vers Valence des collections du Prado sert essentiellement à parvenir à la bataille finale.

L'histoire se disperse quelque peu dans le segment parisien, où la majeure partie du récit est dédiée à des rencontres aussi fortuites que totalement déconnectées de la conspiration en cours. Ainsi Irène croise-t-elle le chemin de Joséphine Baker et de Clara Campoamor, pionnière du vote des femmes en Espagne, autant de scènes en soit amusantes ou émouvantes, mais qui restent sans conséquences sur l'histoire principale. Le nombre de personnages rend également assez succinct le portrait de Campoamor, qui aurait sans doute mérité un épisode à part entière. Néanmoins le portrait de Picasso et de Dora Maar résulte plus consistant et parachève l'agréable saveur féministe de l'opus. Quitte à solliciter les codes de la série, on aime que la Patrouille puisse désormais se rendre à l'étranger, d'autant que cela nous vaut quelques clichés toujours savoureux de la Ville lumière (l'accordéon, la Tour Eiffel, les accents espagnols dignes des anglais du Saint). Ce nouvel épisode dédié à la peinture après Cualquier tiempo pasado (1-05) est également un vrai plaisir pour les yeux.

Anecdotes

  • Dora Maar (1907-1997) fut une peintre et photographe française. De 1936 à 1943, elle fut l'amante et la Muse de Pablo Picasso. Comme montré dans l'épisode, elle effectua une série de photographies montrant l'élaboration de Guernica par Picasso, dans atelier de la rue des Grands-Augustins, de mai à juin 1937. Sa relation avec Picasso contribua à occulter sa propre œuvre, souvent empreinte de surréalisme, qui ne fut réellement redécouverte qu'après sa mort.

  • Clara Campoamor (1888-1972), l'une des deux seules femmes élues à l'assemblée constituante espagnole de 1931, fit inscrire le droit de vote féminin dans la Constitution de la République, ainsi que le principe d'égalité entre époux et le droit au divorce. Toutefois elle dut s'exiler devant l'avancée des troupes franquistes et demeura en exil jusqu'à sa mort ; Franco fit annuler le droit de vote des femmes et celui-ci ne fut rétabli qu'avec le retour de, la démocratie.

  • Pablo Picasso fut effectivement le directeur du Prado, de 1496 à 1939. Le grand musée madrilène (1817) fut longtemps dirigé par des grands d’Espagne, par des peintres. Depuis le début des années 60 il l'est plutôt par des historiens d'art. A partir de 1936, près de 400 œuvres du Prado furent transférées à Valence afin d'être protégées des bombardements franquistes. Elles furent réintégrées sans dommage en 1939.

  • Le vaisseau temporel de Bueno est en réalité l'Anacronópete, invention de l'auteur de zarzuelas (opéra léger espagnol) Enrique Gaspar y Rimbau (1842-1902). Publié en 1887, son roman L'Anacronópete (littéralement « qui vole contre le temps ») demeure le premier référencé à mettre en scène une machine à voyager dans le temps, devançant La Machine à explorer le temps de H.G. Wells (1895). Très inspiré par les Voyages extraordinaires de Jules Verne (élégamment cité dans le texte), il est écrit dans le style plus fantaisiste de la zarzuela, notamment pour le volet scientifique. Ses héros partent également d'une Exposition universelle parisienne, mais il s'agit de celle de 1878 et non de 1937 et vont découvrir de grandes figures historiques, tout comme la Patrouille. L'épisode a soigneusement respecté la description de la machine, mais aussi incorporé l'élixir que boivent les voyageurs pour ne pas être soumis aux effets négatifs du déplacement temporel.

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5.  DESHACIENDO EL TIEMPO

 

Date de diffusion : 02 juin 2020

Époque visitée : diverses époques, Pacino joue avec le Temps

Résumé :

Afin d'éviter que Lola ne soit enlevée par Bueno à bord de l'Anacronópete, Pacino décide de violer les lois du Ministère et de manipuler le passé. Il est vite rejoint par Carolina, qui a remarqué ses tentatives, toutes infructueuses. En effet modifier le passé ne mène qu'à des catastrophes de plus en plus effroyables, jusqu'à la destruction du Ministère et de la Patrouille. Pacino et Carolina décident finalement de renoncer : le Temps est ce qu'il est. En 1945, l'Anacronópete est attaqué par des avions de chasse.

Critique :

On reconnaîtra que l'épisode a comme un air de déjà-vu, puisque son intrigue ressemble beaucoup à celle de Drôle de trame (Legends of Tomorrow, 4-08), où deux membres de cette autre fine équipe de voyageurs spatio-temporels tentaient pareillement de manipuler encore et encore le passé afin de sauver un proche. Certes les conséquences en résultaient autrement plus débiles et improbables qu'ici (bienvenue dans Legends of Tomorrow, série dont on dira qu'elle est hautement conceptuelle), mais la mécanique scénaristique et la conclusion restent identiques. Et pourtant, dans le cadre de sa série, Deshaciendo el Tiempo signifie une authentique révolution, puisque, pour la toute première fois, El Ministerio del Tiempo renonce à son volet historique pour pleinement embrasser son côté Science-fiction.

En effet, hormis une succincte évocation de José de San Martín, le récit se centre cette fois sur les jeux temporels, un art délicat mais ici parfaitement maîtrisé. Les actions enchevêtrées de Pacino et Carolina conduisent à des relectures successives et très ludiques des événements de l'opus précédent, dans une structure de boucle temporelle en forme de piège. Les échecs successifs du duo ont une dimension morale, démontrant qu'altérer la causalité est périlleux car chaotique, mais aussi logique, puisqu'en substance la cause en revient à la supériorité opérationnelle de l'Anacronópete sur les Portes du Temps. Les événements permettent d'ailleurs de compléter agréablement la découverte du vaisseau et de ses étonnantes caractéristiques (non, il n'est pas plus grand à l'intérieur), alors que le drame final vient encore dramatiser la suite de la saison.

Les personnages demeurent au centre du récit, avec la belle histoire d'amour entre Pacino et Lola, ou l'humour des confrontations avec Carolina, porté par des dialogues très naturels, parfois verts. Carolina confirme son potentiel d’équipière au solide bon sens et à la fraîcheur revigorante, on espère la voir davantage avant la fin de saison. Julián et Alonso retombés en enfance valent aussi le coup d’œil. Au total on s'amuse beaucoup au cours de cet opus prouvant que la série sait pleinement utiliser ses  différents aspects et se montrant prometteur pour la suite. Car si tout semble être revenu à la normale, rien ne prouve réellement que la tentative de Pacino n'ait pas déréglé subtilement l'univers du Ministère. 

 Anecdotes :

  • La mission initiale de la Patrouille du Temps consistait à sauver José de San Martín (1778-1850). Cet officier d'origine argentine fut l'un des héros de la bataille de Bailén (ou Baylen), en Andalousie. Le 19 juillet 1808, la Grande Armée y connut sa première capitulation, durant la Guerre d'Indépendance espagnole. Par la suite, San Martín devint l'une des figures majeures des indépendances sud-américaines. En Argentine, au Chili et au Pérou, il est placé devant Bolivar comme Libertador. 

  • Julián compare l'élixir de l'Anacronópete a de l'horchata. L’horchata est une boisson sucrée élaborée à partir des tubercules de souchet, plante propre à la région de Valence. Ce lait végétal est très populaire en Espagne pour ses vertus rafraîchissantes et digestives.

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6.  EL TIEMPO VUELA

Date de diffusion : 09 juin 2020

Époque visitée : 1923, Albert Einstein à Madrid, Emilio Herrera

Résumé :

Une nouvelle crise temporelle éclate alors que le Sous-Secrétaire Salvador s'apprête à fêter les 40 ans de son entrée au Ministère, mais aussi de sa rencontre avec Sofia, devenue son épouse. On apprend qu'Albert Einstein a été assassiné en 1923, lors de son séjour à Madrid. L'inventeur et aviateur espagnol Emilio Herrera est accusé du crime. Salvador part seul en mission, un lien personnel l'attachant à Herrera. De plus ses collaborateurs doivent faire face à un audit du Ministère mené par Salcedo, un inspecteur des finances particulièrement tatillon.

Critique :

El Tiempo vuela s'offre la jolie audace de surprendre son public à plusieurs reprises. Ainsi, alors que l'arc de l'Anacronópete laissait entrevoir une deuxième moitié de saison nettement plus orientée vers la Science-fiction pure et l'action, l'épisode effectue un virage à 180°, pour en revenir à la formule éprouvée de la série, avec l'évocation d'Emilio Herrera. Cela s'effectue de manière particulièrement nette, l'absence de Pacino ou de Lola étant quasiment passée sous silence. Une autre surprise proposée par le scénario reste la résolution très rapide de l'affaire de l'assassinat d'Einstein. Tout en demeurant évocatrice de cette époque de montée des périls (la tentative soviétique de s'emparer de la tenue spatiale lui fait d'ailleurs écho), elle laisse de l’espace pour tracer le portrait d'Herrera,  sans doute l'un des plus détaillés et enthousiastes que la série nous ait proposé jusqu'ici.

Outre une belle interprétation et une vraie masse d'informations instillée avec pédagogie au cours du récit, cette narration s'embellit de l'émouvante amitié née avec Salvador. La présence du Sous-Secrétaire sur le terrain continue une nouvelle originalité, d'autant plus réussie qu'elle permet de retracer aussi l'histoire personnelle de celui-ci, Sa relation avec son épouse défunte, assez similaire à celle du couple du Là-haut de Pixar (2009), accentue encore une mélancolie du temps qui passe donnant corps au récit. La possibilité d'une présence surnaturelle était par contre hors-sujet, mais n'a que peu d'importance. Les sketchs autour de l'audit financier servent surtout à scander la narration, mais la chute finale réserve une ultime surprise au spectateur et ajoute une intrigue supplémentaire à la fin de saison. Un épisode aigre-doux, à l'écriture parfaitement maîtrisée, alliant rebondissements et formule plaisamment classique du Ministère. La saison sait décidément varier la tonalité de ses opus.

Anecdotes :

  • Le voyage d'Albert Einstein en Espagne se déroula en février et mars 1923. il donna des conférences à Madrid, Barcelone et Saragosse. L'intérêt du public alla bien au-delà de la communauté scientifique, Einstein étant alors une célébrité, aussi bien pour ses travaux (il venait de recevoir le Prix Nobel) que pour sa personnalité excentrique. Le voyage fut aussi l'occasion pour Einstein de s'éloigner d'une Allemagne gangrenée par une succession d'assassinats antisémites (ministre Walther Rathenau en juin 1922), perpétrés par l'organisation Consul.

  • Emilio Herrera (1879-1967) fut un scientifique et aviateur espagnol. En 1914, il fut anobli pour avoir été le premier à franchir le Détroit de Gibraltar en avion. En 1935, il conçut créa un ballon atmosphérique capable d'atteindre 26 000 mètres d'altitude. A cette occasion, il créa ce qui est aujourd'hui considéré comme la première combinaison spatiale. Militaire de carrière, .il participa activement à la création de l'aviation militaire espagnole. Demeuré fidèle à la République, il devint le dirigeant du gouvernement en exil (1960-1962).

  • Salvador rencontre Herrera à l'aéroport de Cuatro-Vientos, près de Madrid, où celui-ci avait installé son laboratoire. Fondé en 1911, il s'agit de l'aéroport le plus ancien d'Espagne, servant de berceau à l'armée de l'air nationale. Depuis les années 70, il est largement dédié à l'aviation civile, même si les hélicoptères de la police y sont basés. On y trouve également le musée national de l'aviation et de l'espace.

  • L'inspecteur des finances s'indigne du coût des falconetes (fauconneaux), achetés par le Ministère. Il s'agit de pièces d'artillerie légère, utilisées sur terre comme en mer, notamment par les Conquistadores Francisco Pizarro et Hernán Cortés.  La série introduit ici un clin d’œil à l'actualité, la gestion d'un avion Falcon mis à la disposition privée du Président du Gouvernement Pedro Sánchez ayant fait polémique en 2019.

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7.  PRETERITO IMPERFECTO

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Date de diffusion : 16 juin 2020

Époque visitée : 1832, la succession de Ferdinand VII

Résumé :

Le Ministère du Temps apprend qu'en 1832, la maladie de Ferdinand VII évolue plus gravement que ce qui est historiquement advenu. Une mort prématurée du roi pourrait bouleverser sa difficile succession et placer son frère Don Carlos sur le Trône, au lieu de sa fille Isabelle. Salvador écarte Ferdinand le temps de le soigner, en le remplaçant par un sosie, le comédien Juanjo Cucalón. Pour éviter de révéler à ce dernier le secret des Portes du Temps, il va lui faire croire qu'il s'agit du tournage d'une télé-réalité historique. La Patrouille va découvrir qu'un complot carliste se dissimule derrière tout cela. Julián modifie le passé afin de sauver Maite, mais est enlevé par des inconnus.

Critique :

Certainement l'un des meilleurs épisodes de la saison, Pretérito imperfecto sait à merveille associer les points forts de la série : péripéties, humour et Histoire. La mission du jour de la patrouille fleure comme jamais les séries d'espionnage des années 60, entre complots, substitutions de personnages et sosies. Le tout se voit mené de façon nerveuse tout en bénéficiant des superbes localisations autorisées par le tournage au sein du Palais royal de de la Granja de San Ildefonso. L'aventure s'avère un vrai régal pour les yeux, entre jardins, costumes et intérieurs somptueux. Contrairement aux excès de El Laberinto del Tiempo, l’humour reste ici à sa place, se cantonnant à l'équipe du Ministère et ne déteignant que marginalement sur la Cour royale. On s'amuse franchement, d'autant que le scénario tire un étonnant parti d'une situation au départ assez artificielle. Au registre efficace mais bien connu du vaudeville, s'ajoute des piques souvent bien ajustées sur l'ego des comédiens et les petits ridicules du métier. L'aventure en solo de Julián permet de mettre en orbite le final de saison, de manière agréablement mystérieuse. Décidément, jouer avec le Temps ne porte pas chance !

Un joli effet miroir se voit installé par la pseudo fiction historique regardée par l'état-major du Ministère via les écrans temporels, d'autant qu'à l'effet d'empilement des strates de réalité s'ajoutent ds commentaires bien sentis sur les séries historiques en vogue, façon Les Tudors, Les Borgia, ou encore la récente et particulièrement catastrophique The Great. La colère de Salvador est clairement celle du showrunner Javier Olivares devant leur sacrifice de la réalité historique au profit d'émotions faciles et frelatées. A contrario l'Histoire demeure ici fort bien saisie, avec un saisissant portrait du marigot permanent que furent la famille royale et son entourage au XIXe siècle, L'épisode reste aussi l'occasion d'un impitoyable procès de la personne et du règne de Ferdinand VII au soir de sa vie (quel bilan !), là encore grâce à un Salvador décidément mis en avant cette saison. Au fil des épisodes on apprécie également de retrouver des personnages déjà croisés, comme la future Isabelle ou encore El Empecinado, héros national de la Guerre d'indépendance exécuté par Ferdinand VII.

Anecdotes :

  • Ferdinand VII fut restauré Roi d‘Espagne en 1814, à l’issue d’une Guerre d’Indépendance pourtant occasionnée par l’affrontement mortifère avec son père Charles IV, en 1808. Il le demeura jusqu'à jusqu’à sa mort, survenue en 1833. Son règne, clérical et absolutiste (encore bien davantage que celui de Charles X en France), contribua à accentuer encore le décrochage européen de l’Espagne. En 1829, Marie-Christine de Bourbon-Siciles devint la quatrième épouse de Ferdinand, qui était aussi son oncle de 22 ans plus âgé. Elle fut l’une des rares à parvenir à exercer une influence modératrice sur un roi qui conçut toujours son règne comme une revanche personnelle doublée d’une utopie réactionnaire. Elle donna deux filles à Ferdinand, jusque-là sans descendance Isabelle, future Isabelle II de 1833 à 1868, et Louise-Ferdinande.

  • Isabelle n’ayant que trois ans à la mort de son père, la Reine devint alors Régente. Mais elle dut faire face à l’opposition de l’Infant Don Carlos, frère du défunt, qui revendiquait la succession au nom de l’antique loi salique réservant le trône aux mâles. Charles IV l’avait pourtant annulée par la Pragmatique Sanction de 1789, confirmée en 1830 par Ferdinand. Ce nouveau schisme au sein de la famille royale des Bourbon d’Espagne allait susciter les Guerres carlistes (de Carlos, Charles). Cette série de troubles également régionalistes se poursuivra durant tout le XIXe siècle, et accéléra le déclin espagnol. Bien que divisé, le Carlisme existe toujours aujourd’hui, avec notamment Sixte-Henri de Bourbon-Parme comme prétendant au Trône, en tant que descendant de Philippe V.

  • Ici également un agent du Ministère, Pedro Castelló (1770-1850) fut un grand médecin et chirurgien espagnol, l’un des premiers à associer pleinement ces deux disciplines. Alors qu’il était emprisonné pour ses idées libérales, Ferdinand VII le libéra en 1825 afin qu’il puisse le sauver d’une crise de goutte aiguë qui menaçait déjà sa vie. Il y parvint et devint le médecin royal, anobli et couvert d‘honneurs. Il s’acharna par la suite à user de son influence afin de protéger ses collègues et étudiants de la répression politique.

  • Le Palais de la Granja de San Ildefonso (1720), situé près de Ségovie, est la résidence d'été de la famille royale depuis Philippe V. Désormais visité par le public, il est connu pour son style baroque et ses superbes jardins à la française, agrémentés de nombreuses fontaines sculptées. Premier de la lignée des Bourbon d'Espagne et petit-fils de Louis XIV, Philippe V s'inspira ouvertement de Versailles dans sa conception et l'orna grâce à des artistes venus de France. Outre la nostalgie, le palais était ainsi un moyen d'affirmation de la nouvelle dynastie, face à l'Alcázar de Madrid ou à l'Escurial.

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8.  DIAS DE FUTURO PASADO

Date de diffusion : 23 juin 2020

Époque visitée : 2070, le Futur

Résumé :

L'inspectrice Ayala enquête sur l'assassinat d'un bébé, découvert à proximité d'un édifice public désert. Elle y rencontre un homme mystérieux, Salvador Martí, qui se présente comme étant le dirigeant du Ministère du Temps, un service secret veillant sur l'Histoire d'Espagne grâce à un réseau de Portes temporelles. Il lui révèle être l'auteur du crime et lui raconte alors une étonnante histoire. Son agent Julián a été emmené par Lola en 2070, où elle lui a révélé un Ministère dévoyé par Salcedo. Celui-ci a asservi le Passé comme le Futur, grâce à sa flotte d'Anacronópetes et a transformé l'Espagne en dictature. Le seul moyen de l'abattre est d'assassiner son unique ascendant avéré accessible par les Portes, l'enfant.

Critique :

L'épisode perpétue avec brio la tradition consistant à dédier les fins de saisons à des dystopies basées sur le dévoiement du Ministère du Temps, Felipe II ayant ainsi constitué un éternel Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais (Cambio de Tiempo, saison 2), ou l'institution devenant une sinistre agence de voyages (Entre dos Tiempos, saison 3). L'uchronie déclenchée par Salcedo demeure sans doute la plus terrible de ces visions, car portant, à leur paroxysme les différents fléaux de notre époque (affaissement démocratique, inégalités sociales, dérèglement climatique, pillage des ressources, affaiblissement de l'Union européenne...). L'assassinat d'un enfant ourdi par Salvador vient encore renforcer cet habile point d'orgue d'une saison globalement sombre, voyant notamment la Patrouille du temps avoir à voler au secours de personnages tels Franco ou Ferdinand VII.

Avec Ayala, Lola ou la petite-fille de Julián devenue la sauveuse d'un Futur cauchemardesque, les femmes demeurent les principaux motifs d'espérance. Là aussi se conclue habilement une saison volontiers féministe, où des figures comme Clara Campoamor ou Marie-Christine de Bourbon-Siciles contrebalancent une virilité latine souvent présentée de manière peu flatteuse. La dimension humoristique et geek de la série n'est pas en reste, avec plusieurs clins d’œil à d’autres séries espagnoles à succès, mais aussi des références cinématographiques : la vue du Madrid de Salcedo évoque Blade Runner, tandis que le scénario assume explicitement ses emprunts astucieusement inversés à Terminator (une running joke de la série), mais aussi le combat abracadabrantesque du combat dans l'orphelinat  rejouant la scène de l'escalier du Cuirassé Potemkine. Même le titre de l'épisode reprend celui d'un film X-Men.

Tout au long d'une subtile narration à contretemps, le récit sait ménager coups de théâtres et suspense, parvenant aussi à rendre aussi crédible que possible l'idée de la mort de l'enfant. Le tout se montre très dynamique, peut-être trop en fin de parcours. L'accélération laisse alors quelques trous dans le scénario. S'il était aussi facile et immédiat de régler le problème en laissant l'enfant en vie, on se demande bien pourquoi Salvador, d'habitude si subtil, a pu opter pour une solution aussi barbare. On peut aussi regretter que le probable ultime épisode de la série soit celui où la partie historique résulte la plus faible. Décidément l'Antiquité, la période wisigothique où la Reconquista demeureront en retrait.

Mais la série parvient in fine à donner la solution à deux énigmes pendantes : l'absence de visiteur venu du Futur (la fermeture des Portes) et les dérèglements inopinés de l'Histoire (des conséquences de l'action du Ministère lui-même). C'est magistral. Les adieux de Salvador aux différents membres de son équipe (où manque hélas Amelia) constituent autant de bilans et d'hommages aux formidables personnages d'une série parvenant jusqu'au bout à maintenir un très haut niveau. En définitive, on juge ce que vaut une série à l'émotion causée par l'au-revoir à ses protagonistes, de ce point de vue El Ministerio del Tiempo effectue une superbe sortie.

Anecdotes :

  • Ayala évoque la série Isabel (2012-2014), quand Salvador lui révèle qu'Isabelle la Catholique a fondé le Ministère. Salvador ajoute que le premier auteur de cette série a failli y révéler l'existence de l'organisation, avant d'être remplacé. Il s'agit d'un clin d’œil, Javier Olivares, le showrunner du Ministère, ayant aussi été celui de la première saison de cette superbe fresque historique de RTVE. Il laissa ensuite la place à José Luis Martín. Michelle Jenner joue la Católica dans les deux séries et Rodolfo Sancho (Julián) incarne Ferdinand II d'Aragon.

  • En 2070, la serié Cuéntame cómo pasó est encore diffusée. En 2020, elle est déjà connue pour sa longévité, puisque lancée en 2001 par RTVE. A travers le parcours de la famille Alcántara, la série est une chronique sociale et politique des dernières années du Franquisme et de la Transition démocratique, qu'elle célèbre. Elle entremêle narration au passé par l'un des enfants de la famille et insertion de documents historiques. Comptabilisant à ce jour 20 saisons et 370 épisodes, elle est devenue la série la plus longue jamais produite en Espagne.

  • En 2070, la Présidence du gouvernement espagnol est exercée par Bertín Osborne. Cet authentique aristocrate est également un chanteur et une figure médiatique très connue en Espagne. Osborne n'a jamais fait mystère de sa sympathie pour le parti Vox, ainsi que pour son dirigeant, Santiago Abascal. Né en 1954, Osborne aurait toutefois 116 ans !

  • Aucune suite de El Ministerio del Tiempo n'est prévue lors de la diffusion de l'épisode, clairement conçu comme un final. Javier Olivares a indiqué être satisfait des quatre saisons atteintes par sa série. Sans complètement fermer la porte à une suite, il indique travailler désormais sur un projet de série dédiée à Philippe II, sur le modèle de celles consacrées à Isabelle ou Charles-Quint.

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Contratiempos

PrésentationPrésentation

El Ministerio del Tiempo

Saison 1


1. EL TIEMPO ES EL QUE ES

Date de diffusion : 24 février 2015

Epoque visitée : 1808, El Empecinado et la Guerre d’Indépendance

Résumé :

A Madrid, Julián infirmier du SAMU, a perdu tout goût de vivre après la mort de sa compagne dans un accident de la route. Lors d’une intervention, il constate qu’une des victimes porte un uniforme napoléonien et aperçoit deux individus s’éloigner. Le signalement de l’incident le plonge dans l’univers étrange et fascinant du Ministère du Temps. Il va faire équipe avec deux autres récentes recrues, Alonso, officier des Tercios, en provenance de 1570, et Amelia, l’une des premières femmes universitaires d’Espagne, à la fin du XIXème siècle. En effet les deux agents napoléoniens ont pénétré notre époque afin de découvrir l’issue de la Guerre d’Indépendance. Dans une librairie, ils découvrent la défaite de l’Empereur, mais aussi le rôle crucial joué par El Empecinado. Avec ses amis, Julián va les poursuivre dans le passé, afin d’empêcher que l’Histoire ne soit modifiée. Mais il doit aussi faire à la tentation de sauver sa chère disparue.

Critique :

La série a recours au procédé bien connu, mais toujours efficace, e nous faire découvrir un univers étrange via les yeux d’un protagoniste nouvellement arrivé, jouant sur l’identification ressentie par le public. A ce titre, c’est l’incorporation de Julián qui se voit judicieusement privilégiée, même si celles de ses camarades sont brièvement dévoilées. Le récit a l’excellente idée de laisser de côté toute description du mécanisme de création et fonctionnement des Portes, dont le raffinement technique aurait certainement comblé une partie non négligeable du public Geek. Au total, on ignore même si le système relève de la science ou de l’ésotérisme, mais peu importe. A rebours, tout en comprenant l’essentiel des formidables potentialités offertes par le Ministère, on s’attarde bien davantage sur la personnalité de ses membres.

A-côté de quelques jolis gags soulignant la réjouissante fantaisie de l’ensemble, tel Velázquez recruté pour dresser les portraits robots des agents ennemis, nous découvrons ainsi les savoureux portraits des personnalités notables du lieu. Il en va ainsi du Sous-secrétaire Salvador, dirigeant le Ministère d’une main de fer dans un gant de fer, incarnantde la raison d’État et permettant à Jaime Blanch de briller dans l’un de ces rôles d’autorité où il excelle. Si Ernesto, chef des opérations, manifeste un intéressant profil de patrouilleur temporel vétéran, il se fait toutefois aisément voler la vedette par l’incandescente et ultra madrilène Irène, responsable de la logistique.

Portée par une énergie vitale irradiant littéralement à travers l’écran, un bagout d’enfer et la voix rauque si  sensuelle de Cayetana Guillén Cuervo, la spectaculaire Irène dévore chacune de ses scènes. L’intrigue a l’intelligence de laisser à chacun sa part de mystère, avec de prometteurs développements ultérieurs. A côté des cadres, le petit peuple des fonctionnaires du Ministère parle horaires et conditions de travail, primes diverses et variées, prennent le café... Une atmosphère de vie de bureau apportant un côté plaisamment décalé à l’univers de la série.

Mais l’attention se porte évidemment sur le trio vedette de la Patrouille du Temps nouvellement formée. On apprécie vivement que nos amis ne se résument pas à des caricatures de super agents secrets, mais se voient dotés d’une véritable personnalité finement ciselée, non exempte de défauts très humains. Rodolfo Sancho, Aura Garrido et Nacho Fresneda apportent chacun avec talent une précieuse crédibilité à leurs rôles, même si le métier plus important des deux garçons transparaît légèrement à l’écran. Notable originalité de l’équipe, l’origine historique très diverse de ses membres ne constitue pas un gadget. Bien à rebours, elle influe profondément sur leur perception du monde et leur relationnel, tout en suscitant de nombreux échanges anachroniques amusants.

De manière malicieuse, Olivares oppose la solidité des deux associés venus du passé - Alonso a foi en son honneur et dans un destin manifeste de l’Espagne catholique, Amelia dans le féminisme et les Lumières commençant à poindre à son époque, en un mot dans le Progrès – au contemporain  Julián, qui, au-delà de son drame personnel, se montre désabusé, n’espérant rien de l’avenir et d’une  navrante inculture historique. Et pourtant c’est bien sur lui que se centre judicieusement la série, comme cœur de l’équipe, à-côté de la force et du cerveau signifiés par ses compagnons. Cet acteur magnifique qu’est Rodolfo Sancho nous régale ainsi d’une bouleversante conclusion, quand Julián s’octroie une conversation téléphonique avec la défunte, exprimant que le don le plus précieux des Portes reste de pouvoir retrouver nos chers disparus, au-delà du pouvoir et de la fortune.

Classiquement, dans un pilote la mise en place des personnages et de l’univers empiète quelque peu sur l’aventure du jour, mais celle-ci demeure ici captivante. Choisir la Guerre d’Indépendance pour frapper d’entrée les esprits illustre à quel point Napoléon  reste un croquemitaine pour les Espagnols, avec tout un impact sur le relationnel avec la France, toujours particulièrement complexe. Au-delà d’un accent joyeusement caricatural façon Sixties et d’un méchant de haut vol, l’oficierfrançais exprime bien cette dimension culturelle par le froid mépris exprimé envers l’Espagne. A détour d’un dialogue, Olivares (qui n’épargne guère par ailleurs ses compatriotes contemporains) propose même un parallèle pas piqué des vers entre la domination impériale et la BCE.

Tout en instituant une intrigante adversaire récurrente, Lola, l’intrigue revêt la forme d’un amusant vaudeville riche en péripéties au sein d’une auberge castillane de 1808, avec une tranchante conclusion apportée par Alonso, un récit prenant jusqu’à son terme. Hormis quelques plans suggestifs du Ministère et de son dédale de Portes, la mise en scène refuse tout effet spécial, de manière particulièrement rafraîchissante. Photographie, perspectives, décors et costumes se voient par contre particulièrement soignés, concourant au succès de cette brillante entrée en matière.

Anecdotes :

  • Alonso est surnommé « Capitaine Alatriste » par ses collègues du Ministère. Il s’agit du héros d’une série de sept romans  historiques à succès, écrits par Arturo Pérez-Reverte durant les années 90 et 2000. Ils mettent en scène un héros effectivement semblable à Alonso, homme d’honneur et redoutable bretteur au service du Roi d’Espagne, durant le Siècle d’Or. Ses aventures ont été adaptées à la télévision, mais aussi au cinéma avec Viggo Mortensen dans le rôle (2006)

  • L'épisode est dédié à Pablo, frère du showrunner Javier Olivares. Tous deux ont décrit la série de concert mais Pablo, atteint d’une maladie dégénérative, est décédé lors du tournage du pilote.

  • Cette première saison n’expliquera jamais pourquoi personne n’arrive dans notre époque en provenance du Futur, ce que le système des Portes rend logiquement tout à fait possible.

  • Tout comme la BBC l’a pratiqué pour Doctor Who, la TVE accompagne la diffusion de chaque épisode d’un reportage illustrant les coulisses de son tournage et constituant Los Archivos del Ministerio.

  • El Ministerio del Tiempo est la toute première série espagnole à aborder le voyage dans le temps. Chaque titre d’épisode contient le mot « tiempo » (temps).

  • Le Ministère se situe au dessous du Palais de la Duchesse de Sueca, à Madrid. Ce bâtiment existe réellement et a servi pour les extérieurs de la série. Situé Plaza del Duque de Alba (près du Rastro) il fut édifié à la fin du XVIIème siècle  pour servir d’école aux enfants des employés de la Maison royale, puis devint la demeure de la Duchesse de Sueca,  María Teresa de Borbón, épouse de Manuel Godoy. Délaissé, le palais tomba progressivement en ruines. L’aspect sinistré du bâtiment n’a pas été accentué par la production, en 2013 il échappa d’ailleurs de peu à la démolition.

  • En provenance de 1570. Alonso est issu des Tercios. Ces fantassins d’élite formèrent des unités disciplinées et d’un haut moral, équipées du meilleur matériel. Elles formèrent la force de frappe de l’armée espagnole de 1534 à 1704. Directement issus des armées de la Reconquête, les « carrés espagnols » furent longtemps réputés comme étant les plus efficaces troupes à pied d’Europe.

  • La Guerre d’Indépendance espagnole opposa la France et l’Espagne de 1808 à 1813. Napoléon entendait placer son frère Joseph sur le trône, en remplacement de la dynastie déliquescente des Bourbons, en place depuis Louis XIV. Le but était d’intégrer la péninsule au système impérial mais aussi au blocus continental visant l’Angleterre. L’Empereur connut initialement de grand succès militaires et diplomatiques, mais plusieurs erreurs (dont l’assujettissement du Saint Siège et de l’Église) provoqua la rébellion et l’éveil du sentiment national du peuple espagnol. Malgré une répression féroce, dont les tableaux de Francisco de Goya se firent l’écho, une guérilla se développe jusqu’à miner les forces françaises. Napoléon doit se retirer après la Retraite de Russie, mais la Guerre d’Indépendance reste encore aujourd’hui enracinée dans la culture populaire espagnole.

  • Les agents impériaux visent El Empecinado ("le Têtu"). Il s’agit du surnom de Juan Martín Díez, l’un des plus grands héros espagnols de la Guerre d’Indépendance. Ce général participa à plusieurs retentissants faits d’armes contre les Français et fut le grand artisan du développement de la guérilla se substituant aux batailles traditionnelles. D’opinion libérale, il s’opposa au retour de l’absolutisme royal des Bourbons. Il fut pendu en 1825 par Ferdinand VII, dont il avait pourtant puissamment contribué à restaurer le trône. En 1809, Francisco de Goya fit de lui un portrait demeuré célèbre.

  • Alors que la deuxième saison est en tournage, la TVE a annoncé que les héros auront cette fois affaire à l’Empereur en personne.

  • Rodolfo Sancho (Julián) débute au cinéma mais se fait surtout connaître à la télévision, où il devient notamment un visage récurrent des grandes productions de TVE. Il incarne ainsi Ferdinand II d’Aragon, le Roi Catholique, dans la précédente série de Javier Olivares, Isabel. Il est issu d’une grande famille de comédiens et Adolfo Suárez (ancien Président du Gouvernement) fut le parrain de son fils.

  • Aura Garrido (Amelia) issue de la Real Escuela Superior de Arte Dramático, est une actrice en vue du cinéma et de la télévision espagnole depuis le début ds années 2010. Elle participe ainsi à plusieurs séries marquantes, comme Ángel o demonio (2011) ou Imperium (2012), production à grand budget sur Antena 3 relatant la période romaine de la péninsule.

  • Nacho Fresneda (Alonso) a beaucoup travaillé pour les programmes de TV3, la télévision catalane et devint très populaire en Espagne pour le rôle du Dr. Manuel Aimé dans Hospital Central, sur Telecinco (2000-2012, 300 épisodes). Il se fait également connaître à l’international pour sa participation à La Reina del Sur (2011), la plus onéreuse des Telenovelas produites par Telemundo, diffusée en langue espagnole aux États-Unis.

  • Cayetana Guillén Cuervo (Irene) issue d’une grande famille de comédiens, se fit connaître au théâtre puis au cinéma, où elle tourne avec les plus grands metteurs en scène espagnols (Todo sobre mi madre, 1999). Réputée pour la grande richesse de sa voix, elle anime également plusieurs programmes culturels de TVE dédiés au cinéma.

  • Natalia Millán (Lola) est une chanteuse et danseuse très populaire en Espagne, où ses spectacles entremêlant théâtre et danses connurent un grand succès. Elle s’oriente progressivement vers l’activité d’actrice, transposant ses créations à l’écran, notamment en collaboration avec Pilar Miró (Tu nombre envenena mis sueños, 1996). Elle est la compagne de Juan Gea, l’interprète d’Ernesto.

  • Jaime Blanch (Salvador) a beaucoup tourné pour le cinéma et la télévision depuis les années 50, mais il demeure avant tout l’une des principales figures du théâtre espagnol. Il est marié à Marta Puig, autre grande comédienne de théâtre, particulièrement dans le domaine de la comédie.

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2. TIEMPO DE GLORIA

Date de diffusion : 02 mars 2015

Epoque visitée : 1588, Lope de Vega et l’Invincible Armada

Résumé :

Un agent du Ministère, chargé de surveiller le règne de Philippe II, signale une nouvelle menace. Le futur grand écrivain Lope de Vega n’est pas sur le point d’embarquer à bord de l’une des rares nefs de l’Invincible Armada à ne pas avoir sombré, comme il est advenu historiquement. Au contraire, il s’apprête à monter à bord d’un navire sur lequel il périra à coup sûr, privant la littérature espagnole de nombre de ses écrits les plus glorieux. Déjà propulsé comme force de frappe du Ministère du Temps, notre trio se rend dans le Lisbonne de 1588, afin d’éviter que la catastrophe ne survienne. Julián va avoir fort à faire pour pallier à ses compagnons : la littéraire Amelia succombe au charme de Lope de Vega et Alonso, quasiment revenu à son époque, découvre qu’il a un fils.

Critique :

L’épisode élargit avec efficacité la description du Ministère entreprise lors du pilote. La distinction établie entre vigies  disséminées à travers le Temps et patrouilles d’intervention autorise le développement de scénarios efficaces, lorgnant sympathiquement vers l’espionite de naguère. Tous comme dans Stargate SG-1, un réseau informatique est connecté à celui des Portes, permettant une communication téléphonique entre le Trio et le Ministère, donc des échanges dynamisant et démultipliant les opportunités scénaristiques. Le contemporain Julián est judicieusement en charge de cet aspect.

On peut toutefois regretter qu’au sein d’un univers aussi original, les protagonistes progressent grâce à la Google Search providentielle, vraiment devenue le marronnier des scénaristes. On apprécie que l’image du Ministère du Temps évolue subtilement. Certes d’emblée présenté comme un conspirationnisme, mais essentiellement bienveillant, son action se voit ici déjà questionnée. On peut en effet s’interroger en quoi son talent donne à Lope davantage le droit de vivre que les autres Espagnols embarqués à bord du galion infortuné. La scène voyant un Alonso courroucé brandir le manifeste d’embarquement telle une liste mortuaire se montre terrible de ce point de vue.

Ce deuxième opus poursuit également le très riche portrait du trio protagoniste. Les laissés connectés à leur temps (ils continuent à y résider, ne se rendant au Ministère que pour l’exécution des missions) leur apporte un environnement plus riche qu’un simple déracinement et vivre à cheval sur deux  époques suscite des moments amusants ou touchants parfois vertigineux. Si l’histoire vécue par Alonso et le fils providentiellement trouvé et qu’il entend lui aussi sauver du désastre de l’Armada relève parfois du mélodrame, l’ensemble demeure émouvant grâce à l’étonnant talent de Nacho Fresneda. L’épisode sait varier ses effets, avec la divertissante et passionnée romance vécue entre Amelia et Lope de Vega. On s’amuse beaucoup de voir l’érudite Hermione Granger du Ministère tout laisser tomber pour s’adonner à la passion, elle ne lira plus Lope de la même manière.

Alors que ses compagnons vaquent à leurs préoccupations, il revient au seul Julián d’emporter l’affaire, ce qu’il se décide à accomplir avec un agacement assez irrésistible, mais aussi à la dernière minute. Olivares plaisante ainsi avec malice et tendresse à propos de ce penchant espagnol pour la procrastination, au pays du Mañana. Bien que nos héros n’aient que 24 heures pour changer le Destin, on se situe très loin du tempo d’enfer d’une série américaine comme Tru Calling, pour le moins. Comme toujours, Rodolfo Sancho apporte à son personnage une véracité et une humanité crevant l’écran. On apprécie de découvrir soudainement cette humanité également présente chez le Sous-secrétaire, acceptant tacitement que ses agents puissent s’accorder quelques à-côtés, pourvu que ceux-ci demeurent non crapuleux  ni n’interfèrent avec leurs missions.

Si l’idée d’une simple distorsion du Destin apporte un renouvellement bienvenu face aux complots habituels, l’importance accordée aux protagonistes fait que l’intrigue se résout bien facilement concernant l’affaire du jour. Celle-ci n’apparaît jamais réellement comme un enjeu. De plus, on considère ici le Siècle d’Or et son exceptionnel torrent de vitalité uniquement à travers le prisme d’une armée en attente d’embarquement, ce qui s’avère quelque peu frustrant, même si la reconstitution d’époque et la mise en scène demeurent irréprochables. Il est clair que la série aura à y revenir, un épisode consacré à Miguel de Cervantes est d’ailleurs annoncé pour la saison 2. Le portrait d’un juvénile Lope de Vega résulte par contre réussi, avec ce sympathique aventurier, passionnément amoureux des femmes et de la poésie. Par son allant, l’excellent Víctor Clavijo fait aisément oublier qu’il a 42 ans, soit  une quinzaine d’années de plus que son personnage !

Anecdotes :

  • L'époque d'origine d'Ernesto est décrite comme l'un des secrets les mieux gardés du Ministère. Il sera cependant levé dans l'épisode Una negociación a tiempo.

  • L’Invincible Armada fut assemblée par Philippe II en 1588, alors que l’Espagne Catholique, au sommet de sa puissance au XVIème siècle (le Siècle d’Or), guerroyait dans toute l’Europe contre les États protestants. L’objectif consistait à écraser l’Angleterre, soutien de la révolte des Provinces Unies, les Pays-Bas actuels, alors possession espagnole. Le Portugal ayant été annexé en 1580, le Roi réunit à Lisbonne un flotte et une armée immenses pour l’époque (130 navires, 30 000 hommes, dont 20 000 soldats des Tercios). L’Armada ne parviendra toutefois pas à s’assurer une base portuaire dans les Flandres et devra faire demi-tour, du fait de la météorologie hostile, du manque de connaissance des côtes et de l’action d’une marine anglaise restreinte, mais aussi davantage moderne et efficace, animée par le héros national Francis Drake. Les pertes espagnoles furent bien moindres que ce qui est souvent imaginé, mais cet échec marqua un point d’inflexion dans le Siècle d’Or.

  • Le roman Pavane (Keith Roberts, 1968), l’un des chefs d’œuvre de l’Uchronie, narre ce qu’il aurait pu advenir du Monde en cas de triomphe de l’Invincible Armada et de conquête de l’Angleterre par Philippe II et son Inquisition.

  • Lope de Vega (1562-1635) est l’un des écrivains dont l’œuvre, sublime et immense, exerça le plus d’influence sur la littérature et la langue castillanes, notamment dans les domaines de la dramaturgie et de la poésie. Très populaire de son vivant, y compris à la Cour, celui qui posa les bases du théâtre tragi-comique espagnol reçut des funérailles nationales. A l’instar d’autres grands auteurs du tumultueux Siècle d’Or, comme son rival Miguel de Cervantes (qui participa à la bataille navale de Lépante), Lope connut une jeunesse aventureuse et dissolue, riche en péripéties militaires, picaresques ou charnelles. En 1588, il provoque un scandale en enlevant et épousant une jeune femme noble et il doit prendre du champ en s’embarquant à bord de l’Invincible Armada, survivant à l’expédition par miracle.

  • Alonso croise un agent du Ministère grimé en homme des cavernes et irrité d’avoir été de nouveau affecté à Atapuerca. Découvert en 1976 et situé dans province de Burgos, dans le nord du pays, Atapuerca est l’un des principaux sites funéraires européens remontant au Paléolithique. Il comporte une multitude de fossiles humains et a permis de mieux discerner l’histoire de l’Homo Antecessor, premier habitant de l’Europe, ancêtre de l'Homme de Néandertal et de Homo Sapiens, entre 1,2 et 0,7 million d’années avant notre ère.

  • Le Sous-secrétaire est en réunion avec le Marquis de la Ensenada. Durant le XVIIème siècle, Zenón de Somodevilla (1702-1781) fut un conseiller et un important ministre de trois rois espagnols Philippe V, Ferdinand VI et Charles III, principalement de 1748 à 1754. En charge notamment des Finances, de la Marine et de l’Armée, il s’efforça de moderniser l’État et d’ouvrir le pays aux Lumières, au moment où l’Espagne s’installe à la traîne de la modernisation de l’Europe. Son action fut contrecarrée par l’Angleterre, inquiète de la montée en puissance de la marine espagnole (création des arsenaux de Ferrol et de Carthagène) et qui finit par obtenir sa chute suite à une cabale menée par sa clientèle.

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3. CÓMO SE REESCRIBE EL TIEMPO

Date de diffusion : 09 mars 2015

Epoque visitée : 1940, l’Entrevue d’Hendaye et l’Abbaye de Montserrat

Résumé :

En 1940, après la capture fortuite d’un allié de Lola, Himmler découvre l’existence d’une de ses Portes du Temps, située dans l’Abbaye de Montserrat. Désireux de s’emparer du Ministère afin de pouvoir réécrire l’Histoire à sa guise, il se rend alors sur place à la tête d’un commando, profitant de l’opportunité de l’Entrevue d’Hendaye entre Franco et Hitler. Il conseille également à Hitler de tout céder, afin de parvenir à un accord. Le Ministère envoie en urgence Amelia, Julián et Alonso à Monterrat pour détruire la Porte. Pendant ce temps Irène et Ernesto se rendent à Hendaye, pour veiller à ce que les négociations échouent et que l’Histoire voit bien l’Espagne demeurer neutre dans le conflit. Lola va s’avérer une alliée inattendue, tandis qu’Amelia découvre qu’elle doit mourir à 28 ans.

Critique :

L’épisode tranche avec l’atmosphère globalement décontractée des deux opus précédents. Quoique n’abordant jamais directement la thématique de la Guerre Civile, le récit ouvre une fenêtre sur l’Espagne en ruine d’après le conflit, avec son cortège de misère et de fêlures sociales. Comme toujours, la photographie raffinée de la série joue un grand rôle, tamisant l’ensemble d’une lumière grise créant une atmosphère crépusculaire que l’évocation des courageux maquis montagnards ne dissipe que temporairement. Le panorama du Barcelone de 1940 parle de lui-même, tout comme la détresse de ses habitants, en dehors de tout discours ronflant. Il reste à espérer que la saison 2 traite pleinement cette immense tragédie de l’histoire espagnole.

 Le risque de voir l’Espagne basculer dans un nouvel abîme aux côtés de l’Axe rajoute une solennité supplémentaire, relayée par l’atmosphère de crise instaurée au Ministère du Temps. L’action se voit ponctuée par les moments désespérés que constituent la tentative d’assassinat d’Hitler par Ernesto, ou le Ministère investi par le commando SS. La venue des Tercios de Spinola est filmée comme une implacable vague de mort emportant les Allemands, sans miséricorde aucune, un triomphe résultant comme le moment le plus glacial de la série, très évocateur de la puissance de cette armée. La macabre découverte de son destin par Amelia conclue idéalement  cet opus singulier et enténébré, où la distribution démontre qu’elle peut pareillement briller sur différents registres.  

Mais l’Aventure demeure toutefois au rendez-vous. Dynamique et ambitieux, le scénario développe l’action sur pas moins de trois fronts, de manière concomitante et efficace. L’Entrevue d’Hendaye permet à Ernesto et à la toujours irrésistible Irène de s’illustrer pour la première  fois en dehors des murs du Ministère. Alors que leur complicité et leur expérience laissent agréablement percevoir le duo qu’ils formèrent naguère, l’Entrevue se voit relatée avec précision. Si Hitler n’est finalement qu’entraperçu, Franco se voit croqué avec saveur en serpent froid et cupide, un régal. On espère que l’acteur reviendra en saison 2, son imitation du Caudillo est fabuleuse.

Par contre l’humour demeure présent au sein du petit monde du Ministère, notamment avec quelques délicieuses plaisanteries autour de Vélazquez. Reprise dans la pop culture, d’Indiana Jones à HYDRA, et ayant effectivement connu des développements en Espagne, l’obsession avérée d’Himmler et de sa clique pour l’ésotérisme permet à notre trio de connaître de vraies aventures d’agents secrets. Toute la séquence de Monferrat, particulièrement prenante, entre retournements de situation et valeureuses prouesses, s’impose avec naturel  comme le coure du récit, également portée par de pétillants dialogues. Lola s’impose comme une arbitre inattendue, et l’exposé de ses motivations devant Amelia (utiliser les Portes pour améliorer et non préserver l’Histoire, quitte à jouer avec le feu) continue de questionner agréablement le Ministère lui-même.

Anecdotes :

  • A l’évidence Franco ne connaît pas le Ministère du Temps, dont l’existence a du lui être cachée. On ignore ce qu’il en est du souverain espagnol alors en exil, Juan de Borbón, fils d’Alphonse XII.

  • L’Entrevue d’Hendaye se déroula entre Franco et Hitler le 23 octobre 1940, dans un train  en   gare non loin de la frontière entre l’Espagne et la France récemment vaincue. Hitler désirait que Franco se joigne à l’Axe alors triomphante, visant notamment Gibraltar et des bases navales en Méditerranée. Mais un accord ne fut pas trouvé et l’Espagne demeura neutre dans le conflit. Le Caudillo joua un double jeu entre Axe et Alliés, lui permettant  de rester au pouvoir la paix revenue, également au nom de la lutte contre le Communisme. Le détail des conversations entre lui et Hitler n’est pas connu et deux thèse s’affrontent, comme décrit dans l’épisode : Franco aurait refusé du fait de l’épuisement de l’Espagne suite à la Guerre Civile ou parce qu’il aurait exigé des conditions territoriales démesurées (ce qui pourrait aussi constitué un moyen diplomatique de refuser).

  • L’Abbaye bénédictine de Montserrat, située sur le massif catalan du même nom, fut fondée en 880, et reste un lieu important du culte marial. Epargnée durant la Guerre Civile, elle contient plusieurs superbes bâtiments et objets d’art dédiés à la Vierge, ainsi qu’un musée contenant des œuvres des plus grands peintres catalans.

  • Les maquis montagnards dans lesquels se sont infiltrés les agents du Ministère sont les ultimes foyers de résistance des forces républicaines au régime franquiste. Ils parvinrent à se maintenir durant les années 40, mais disparurent à l’orée des 50, du fait des coups portés par la Guardia Civil, mais aussi devant le constat d’un Franco ayant survécu à la chute de l’Axe.

  • Ambrogio Spinola et ses troupes franchissent les Portes pour venir à la rescousse du Ministère envahi par les SS. D’origine génoise, Spinola (1569-1630) fut un prestigieux général au service du roi d’Espagne, qui s’illustra dans les Flandres et dans le Palatinat, au cours de la Guerre de Quatre-vingts ans (la révolte des Provinces Unies, 1568-1648) et la Guerre de Trente ans (contre les Princes protestants, 1618–1648). Spinola dut souvent financer ses troupes sur ses propres deniers et mourut ruiné, même si élevé au rang de Grand d’Espagne et de Capitaine général des Tercios. L’un de ses hauts faits consiste en la reddition de la ville hollandaise de Breda (1625), immortalisée par l’un des plus célèbres tableaux de Velázquez, présenté en début d’épisode. 

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4. UNA NEGOCIACIÓN A TIEMPO

Date de diffusion : 16 mars 2015

Epoque visitée : 1491, Torquemada, l’Inquisition et Isabelle, fondatrice du Ministère

Résumé :

En 1491, le Rabin Abraham Levi écrivit le Livre des Portes, à l’origine du Ministère du temps, et en fit don à Isabelle la Catholique, en échange de sa protection contre l’Inquisition. Hélas, à l’insu de la Reine, il sera brûlé sur les bûchers du Grand Inquisiteur Torquemada. Or, à notre époque, ses héritiers découvrent ces événements et exigent une forte indemnisation du Ministère, menaçant de révéler l’histoire au public. Le trio de choc est alors envoyé sauver le Rabin, mais un défaut de la Porte conduisant en 1491 fait qu’ils n’ont que 24 heures pour y parvenir, car la journée se réinitialise ensuite. Après de multiples échecs, la Patrouille du Temps finit par s’apercevoir que la solution permettant de franchi cette journée sans fin réside dans l’identité de Torquemada et d’Ernesto.

Critique :

Olivares accomplit une jolie prouesse en parvenant à installer la figure bien connue du verrou temporel au sein du système pourtant relativement rigide des Portes, soit un passage obligé pour la majeure partie des séries Fantastiques ou de Science-fiction depuis le cultissime Un jour sans fin (1993). Un clin d’œil est d’ailleurs fait au film, ce qui renforce la tonalité amusante des dialogues de la série, souvent pimentés de références à la pop culture par Julián. Agrémenté par la couperet de seuls cinq jours disponibles avant la défaite, cet aspect insuffle du suspens au récit, tout en jouant des différents gags qu’autorise le procédé.

Mais l’intrigue ne se limite à cette dimension ludique. Un fort brillant crossover est orchestré avec la précédente série d’Olivares, Isabel, la sublime Michelle Jenner reprenant le rôle d’Isabelle la Catholique. Les amateurs de cette saga s’amuseront d’ailleurs de la rencontre avec Rodolfo Sancho, qui y interprétait Ferdinand d’Aragon (Julián a d’ailleurs l’impression d’avoir déjà vu la Reine !). Le thème musical d’Isabelle se joint à la bande son usuelle du Ministère du Temps, et la Reine prend place dans les même plateaux de la série lui étant consacrée, avec un résultat assez bluffant. Le récit aborde d’ailleurs l’aspect le plus sombre du règne d’Isabelle, avec la persécution des Juifs et les sinistres procès et autodafés de la Saint Inquisition, décrits sans concessions, de même que la figure de Torquemada. On regrettera toutefois le désir d’Olivares de minimiser le rôle de la Reine, ignorant le procès du Rabin et Torquemada passant outre ses ordres, alors que l’Inquisition fut aussi un instrument zélé du pouvoir royal.

Les standards de production demeurent élevés, avec une belle reconstitution médiévale, portée par de nombreux figurants, comme souvent dans cette série. La mise en scène et la photographie rendent particulièrement lugubres les scènes du procès et insoutenables celles du bûcher. Si Ernesto se voit ici mis en valeur, la dimension feuilletonnante du Ministère du Temps continue à s’organiser avec bonheur autour des trois protagonistes. Alonso, décidément un passionnant personnage, continue à dispenser sagesse et humour. Par ailleurs commence à se nouer une complicité particulière entre Julián et Amelia, autour des dîners divertissants se déroulant chez les parents très bourgeois de cette dernière, eux-aussi croqués avec verve.

Anecdotes :

  • Isabelle la Catholique (1451-1504) fut une souveraine clef de l’Histoire de l’Espagne. Reine de Castille, son mariage avec Ferdinand d’Aragon jeta les bases du pays actuel. Elle joua un rôle pivot dans l’achèvement de la Reconquête, avec la prise de Grenade, tout en ouvrant un autre grand chapitre en patronnant l’expédition de Colomb. Isabelle forgea l’identité du nouveau Royaume autour d’un Catholicisme militant et créa un Etat fort, dont elle développa les institutions et l’économie. Le sombre versant de cette politique fut la création de l’Inquisition et l’exécrable traitement réservé aux minorités religieuses, comme l’expulsion des Juifs en 1492.

  • Outre Torquemada, confesseur des Rois Catholiques et premier Grand Inquisiteur du Royaume (1483), nous croisons également le Cardinal Cisneros. Cet influent conseiller de la Reine, Archevêque de Tolède et donc Primat d’Espagne,  organisa les institutions religieuses du Royaume. Il entrouvrit également l’Espagne à la Renaissance, notamment par la création de l’Université d'Alcalá de Henares, encore de nos jours un grand foyer espagnol de culture. Nouveau Grand Inquisiteur, il s’efforça de modérer l’organisation mise en place par Torquemada.  

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5. CUALQUIER TIEMPO PASADO 

Date de diffusion : 23 mars 2015

Epoque visitée : 1981, la Movida et le retour du Guernica

Résumé :

En 1981, des négociations se déroulent devant permettre le retour en Espagne du Guernica, le célébrissime tableau de Picasso, comme reconnaissance internationale de l’instauration de la démocratie. Mais elles semblent très mal se passer, contrairement au déroulement de l’Histoire. Le Ministère du Temps estime que quelqu’un s’emploie en secret à les faire échouer. Amelia, Julián et Alonso se rendent en 1981 pour prévenir un humiliant désastre, mais la découverte de l’identité du comploteur révèle un nouveau péril pour le Ministère. Revenu dans les années 80, Julián découvre également le Madrid de son enfance, mais aussi une romance de son père. De son côté Irène s’immerge avec plaisir dans la rugissante Movida madrilène.

Critique :

L’épisode du jour se montre une nouvelle fois très riche, exploitant pleinement son long format en développant plus thèmes intéressants. Idéalement par la saisissante révélation du Guernica, jusque là au cœur des discussions mais jamais montré, il rend un superbe hommage au chef d’œuvre de Franco, tout en évoquant en arrière plan la tragédie le lui ayant inspiré. Le scénario tire ici le meilleur parti de Velázquez, dessinateur attitré du Ministère, souvent hilarant par son ego et son caractère soupe au lait.  Sans pédanterie, mais avec une émotion à fleur de peau, le peintre développe tout au long de l’épisode un savoureux commentaire opposant son style à celui de Picasso, qu’il admire, et l’élargissant à la controverse entre peintures réaliste et moderne. La rencontre entre les deux hommes, là aussi dialoguée bien davantage avec intelligence et sentiment qu’avec emphase, conclue idéalement cette séquence. Décidément cette série sait s’affranchir des oripeaux usuels de la Science-fiction et utiliser son concept afin d’embrasser avec entrain l’histoire et la culture espagnoles.

Cet aspect se retrouve dans le panorama donné de la Movida, où l’on sent parfaitement la nostalgie vécue par Olivares lui- même. A coté des cimes de la peinture, on trouve ici une expression vivante de culture populaire des petites gens de Madrid, donnant lieu à deux visions non pas antagonistes mais complémentaires. La lucarne magique est utilisée pour exposer à un Alonso d’abord circonspect puis enthousiaste de multiples chansons et émissions télé des années 80 madrilènes, un vrai récital. L’ensemble se voit dépeint avec un ton entremêlant affection et ironie, très espagnol lui aussi. A travers l’émoi d’un Julián découvrant une infidélité commise par son père et tentant de sauver sa famille, le récit continue parallèlement à narrer comment chaque agent du Ministère semble de plus en plus enclin à réécrire l’histoire, certes personnelle et avec les meilleures intentions, convergeant ainsi vers la position de Lola. L’arc de la fin de saison se met ainsi en place par touches successives, comme la révélation de la sinistre prison médiévale du Ministère (Huesca, 1053).

Pétillante d’humour, s’étendant à trois époques différentes, accumulant péripéties et retournements de situation au tour de la possession du titre de propriété du Guernica, l’aventure du jour se montre aussi prenante que divertissante. Elle rend un bel hommage à l’esprit érudit et aiguisé d’Amelia, c’est bien elle qui en définitive reporte la partie. L’irrésistible Cayetana Guillén Cuervo  nous régale avec une Irène en roue libre à travers l’ardente nuit madrilène. de La révélation d’une autre organisation maîtrisant le Voyage dans le Temps, américaine et dédiée au profit, enrichit encore l’univers du Ministère du Temps (à quand le jeu de rôles ?). Hasard ou pas, les amateurs de séries de Science-fiction s’amuseront à reconnaître le Chronogyre d’Au cœur du Temps dans la description donnée par Esnesto du dispositif rival (un long tunnel bardé de machines atomiques). Si les Anglais se lancent dans la course avec une boite bleue magique, notre ami le Sous-secrétaire va connaître des migraines, des nervous breakdowns, comme on dit de nos jours.

L’épisode présente toutefois quelques faiblesses. L’aventure se voit ainsi ponctuée de sous-titres, genre jeu vidéo, assez ludiques, mais également vains. C’est amusant les premières fois, après on n’y prête plus guère attention. De plus alors que les opus précédents mettaient en scène des figures et des évènements connus de tout spectateur s’intéressant un minimum à l’Histoire, ici les figures de la movida évoquées ne parleront sans doute qu’au seul public espagnol. Malgré leur talent, il n’est pas certain que Leño ou que Tino Casal soient identifiés de ce côté-ci des Pyrénées. Surtout, les différents aspects précédemment évoqués de l’épisode ne s’entremêlent pas de manière dynamique, mais se voient davantage traités en tranche napolitaine, chacun à son tour, ce qui rend la narration parfois plus appliquée qu’elle ne le devrait.

Anecdotes :

  • Le 26 avril 1937, la population du village basque de Guernica fut massacrée par un bombardement aérien perpétré par les forces allemandes et italiennes, alliées de Franco au cours de la Guerre civile. Peu de temps après, Pablo Picasso s’en inspira pour créer pour le gouvernement républicain ce qui demeure son tableau le plus fameux, une œuvre immédiatement célébrée internationalement pour sa terrible force d’évocation. D’abord révélé à Exposition Internationale de Paris de 1937, le Guernica fut conservé durant tout le règne du Caudillo au Museum d’Art Moderne de New York, à la demande de Picasso. Alors que le peintre est mort en 1975, la récente démocratie espagnole se voit confirmée par l’échec du coup d,’état de 1981. Une négociation permet alors le retour du Guernica en Espagne, comme symbole de reconnaissance internationale. Il est désormais conservé au Musée Reina Sofía, à Madrid.

  • Née à Madrid, la Movida fut un vaste mouvement socioculturel dynamisant l’ensemble de la jeunesse espagnole au début des années 80, après l’instauration de la Démocratie impulsée par le Gouvernement d’Adolfo Suárez et le Roi Juan Carlos. En réaction à une société totalement figée durant le Franquisme, la Movida se traduisit par une fulgurante créativité artistique, l’éclosion de nombreux talents (Pedro Almodóvar) et une frénétique libéralisation des mœurs. Cette rapide modernisation culturelle de l’Espagne allait grandement faciliter son intégration européenne. L’épisode s’attache particulièrement au versant musical de la Movida, avec ce Pop-rock madrilène devenu indissociable des années 80 espagnoles (Leño, Barón Rojo, Radio Futura, Mecano, Luz Casal, etc.).

  • Velázquez et Picasso se rencontrent au Els Quatre Gats (Les Quatre Chats). Ouvert en 1897, il s’agit de l’un des plus fameux cabarets de l’histoire de Barcelone, rendez-vous prisé des artistes, catalans ou autres, au début du XXème Siècle, jusqu’à sa fermeture en 1903. Le jeune  Pablo Picasso y réalisa ses premières expositions individuelles, en 1900. Il y devint la figure de proue de toute une mouvance de peintres et dessinateurs, dont il demeura proche toute sa vie.  

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6. TIEMPO DE PÍCAROS

Date de diffusion : 30 mars 2015

Epoque visitée : 1520, Lazarillo de Tormes

Résumé :

Des fouilles contemporaines se déroulant à Salamanque révèlent des objets datant de 1520, parmi lesquels se trouve un téléphone portable ! De plus, celui-ci appartient à un riche escroc ayant soudainement disparu. Il s’est en fait réfugié dans le passé grâce à Lola, afin d’échapper à la justice. La Patrouille du Temps est envoyée dans le Salamanque de 1520 afin de le retrouver, mais y rencontre un jeune homme affirmant se nommer Lazarillo de Tormes ! Effaré, le trio constate que celui-ci connaît exactement les mêmes aventures que le personnage littéraire. Dès lors il doit aussi éviter qu’il arrive malheur à Lazarillo, menacé de mort, afin qu’il puisse un jour inspirer le chef d’œuvre fondateur de la littérature picaresque espagnole. Irène se rend dans la geôle médiévale du Ministère afin d’y interroger l’agent américain, mais y retrouve Armando Leiva, son ancien mentor devenu un renégat emprisonné. Il s’avère que velui-ci exerce toujours une emprise sur elle.

Critique :

Évidemment les amateurs des Avengers s‘amuseront de découvrir une version cette fois littérale de l’escroquerie pseudo temporelle mise au point par l’inoubliable Waldo Thyssen d’Escape in Time. Si Lola, toujours agréablement ambivalente, participe à l’action en Diabolical Mastermind jonglant avec les Portes du Temps, l’action s’intéresse bien davantage à son peu fiable client. A la foi madré et impitoyable, le gaillard vaut aussi le détour, d’autant que le malicieux Olivares profite de son portrait pour fustiger avec ironie tous les affairistes indélicats ayant affligé la chronique espagnole ces dernières années. Si les péripéties menées par notre trio toujours dynamique paraissent toujours gouleyantes, le contenu de l’opus va au-delà. Ainsi la rencontre de Lazarillo retentit comme un remarquable twist, d’autant plus appréciable qu’Olivares, au lieu ne nous infliger un verbeux pensum autour nous livre, choisit idéalement de narrer l’aventure en imitant ce qui en constituerait un chapitre supplémentaire.

Le ton et les personnages picaresques s’avèrent ainsi irrésistibles, portés par une reconstitution d’époque une nouvelle fois irréprochable et de somptueux extérieurs. Les réactions des trois protagonistes vis à vis de Lazarillo jouent avec humour leurs personnalités respectives (et Amelia continue à chavirer les cœurs à chaque époque visitée !). Olivares en profite également pour décrire l’orée du règne de Charles Quint, qui initia l’absolutisme royal bien avant notre Louis XIX, à travers figure de ses puissants représentants, les Corrégidors. De fait les efforts de nos amis pour libérer l’infortuné Lazarillo condamné à mort par leur ennemi devenu le Corrégidor de Salamanque revêtent dès lors des allures de Zorro s’opposant au Commandant Monastorio, avec un effet très amusant. La révélation que les exploits de la Patrouille du Temps sont effectivement devenus un authentique chapitre supplémentaire du Lazarillo de Tormes, bien entendu censuré par le Ministère, apporte une brillantissime conclusion à cette aventure mouvementée, où la victoire revient au plus escroc des deux.

Toutefois l’épisode souffre d’un manque d’équilibre entre ses deux aspects. Aussi hautes en couleurs que soient les tribulations picaresques d’Amelia, Alonso et Julián, l’attention se centre sur l’avalanche d’événements survenant autour d’Irène, bouleversant l’univers de la série et propulsant l’arc final de la saison tout en questionnant la loyauté de la belle madrilène vis à vis du Ministère du Temps et de sa politique plus conspirationniste que jamais. Au-delà de la conclusion (temporaire) de l’affaire américaine et l’amusant prolongement de la référence au Chronogyre, la figure d’Armando Leiva projette une ombre aussi menaçante que captivante sur les deux épisodes à venir. De fait l’épopée de 1520 menace de devenir un aspect secondaire de l’opus, il aurait sans doute été davantage judicieux de séparer les deux récits en épisodes distincts avec une présence du Trio. Il reste frustrant voir la série entreprendre un virage majeur sans intervention aucune de ses protagonistes, même si l’on se doute bien que l’orage va très bientôt les rattraper.

Anecdotes :

  • La vie de Lazarillo de Tormes est un roman  publié en 1554, par un auteur demeuré inconnu. Sur un ton cynique et truculent, il narre comment le  madré et aventureux Lazarillo, originaire d’un famille très modeste de Salamanque fait son chemin dans le monde en exploitant la crédulité de ses contemporains et en faisant commerce de religion. Le livre montre la face sombre du Siècle d’or, avec la misère du peuple et une société très inégalitaire, parfois cruelle. bien que Partiellement censuré par l’Inquisition mais connaissant un succès immédiat, le Lazarillo est considéré comme une œuvre maîtresse de la littérature espagnole, créant la littérature dite picaresque.  

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7. TIEMPO DE VENGANZA

Date de diffusion : 06 avril 2015

Epoque visitée : 1843, Isabelle II

Résumé :

En 1843, la jeune reine Isabelle II, âgée de 14 ans, exige de tout connaître du Ministère du Temps et de visiter une institution qui fascine son imagination juvénile. Or Leiva, l’agent renégat s’est échappé de la prison médiévale du Ministère. Il va tenter d’assassiner la Reine dans les locaux du Ministère, afin d’obtenir la fermeture de celui-ci. Amelia, Julián et Alonso sont dépêchés afin de l’arrêter, tandis qu’Irène est suspectée de complicité, car ayant été recrutée par Leiva dans les années 1960. Julián a lui comme objectif de passer une journée avec sa bien-aimée !

Critique :

Cet épisode fait la part belle à l’aventure, n’hésitant pas à démultiplier les lieux et les époques où les adversaires s’entrecroisent à un rythme effréné, sans parler d’un Julián allant retrouver sa défunte bien aimée. La percussion entre deux Ministères d’époques différentes et les allées et venues entre les Portes réalisées par l’entreprenant Lerva entrainent d’ailleurs parfois un amusant fractionnement de l’image en split screen, afin de pouvoir suivre simultanément tous les prolongements de cette affaire, à la fois complexe temporellement et menée à un rythme d’enfer. Le recours à cette technique, jointe à la  narration  d’une faction terroriste s’emparant de la famille royale et tentant de détruire le Ministère suscite ainsi un joli clin d’œil à la série 24h Chrono, tout au long d’un pastiche très enlevé. A l’instar des aventures de Jack Bauer, il n’y a d’ailleurs pas ici de happy end, même victorieux nos amis se voient plus que jamais écartelés entre les époques et en butte aux impératifs immobiles du Ministère (particulièrement Irène et Julián), ce qui laisse entrevoir un final de saison lourd en tensions accumulées.

Si on peut regretter que la reine Isabelle II ne soit présentée qu’en devenir, elle dont le règne s’étendit sur tout une moitié troublée du XIXème siècle, le volet historique ne se voit pas sacrifié aux péripéties et affrontements (l’opus demeurant sans nul doute le plus violent de la saison). On apprécie en particulier l’évocation des guerres carlistes, ces absurdes bouffées de conflit médiéval surgissant au moment où les voisins de l’Espagne convergent vers l’industrialisation et l’ère moderne, symptômes d’un décrochage toujours plus marqué du pays et annonciatrices des drames du siècle suivant. Le propre passé du Ministère est également approfondi, avec une évocation de la rébellion passée de Leiva telle un passé maudit. L’homme conserve des traces de sa grandeur passée, mais la folie homicide qui l’habite désormais se montre réellement terrifiante. En opposition, l’épisode rend un bel hommage au Sous-secrétaire, en qui le devoir transparait comme un surmoi parfois rude, mais non dépourvu d’humanité, lui permettant de faire face au caractère vertigineux de sa mission.

Anecdotes :

  • Isabelle II (1830-1904) hérita du trône d’Espagne à peine âgée de trois ans. Pour cela son père, Ferdinand VII avait aboli la loi salique en vigueur dans la dynastie des Bourbons, réservant le pourvoir aux mâles. Cette décision fut contestée par son frère Charles, dont l’opposition à sa nièce allait donner lieu aux guerres dites carlistes, qui devaient périodiquement embraser le nord du pays durant tout le XIXème siècle. Ce conflit préfigura la Guerre civile, car les libéraux se rangèrent derrière Isabelle et les partisans de l’Espagne la plus traditionnelle derrière Charles (Carlos V), mais ceux-ci furent en définitive vaincus. Lassée par un règne obscurci par de nombreux troubles politiques et autres pronunciamientos, voyant de plus l’Espagne se placer dans l’orbite française, Isabelle, que la politique ne passionna jamais,  finit par abdiquer en faveur de son fils en 1870 et par se retirer à Paris. 

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8. LA LEYENDA DEL TIEMPO

Date de diffusion : 13 avril 2015

Epoque visitée : 1923, la Résidence des Etudiants, Lorca, Dalí et Buñuel

Résumé :

En 1926, des répétitions du Don Juan Tenorio se déroulent à la Résidence des Étudiants, auxquelles participent Dalí, Buñuel et Lorca. Or il s’avère que l’affiche du spectacle, peinte par Dalí, comporte le dessin d’une tablette tactile ! Envoyés sur place, Amelia, Alonso et Julián effectuent des découvertes et des rencontres exacerbant leurs frustrations accumulées quant à l’interdiction d’influer sur leurs tragédies personnelles. Tout se passe comme si la mission était un piège subtil destiné à les inciter à se rebeller contre le Ministère. Le trio parvient à arrêter Lola (qui achetait à bas prix les œuvres du jeune Dalí pour les revendre en 2015), mais il s’avère que l’instigatrice du complot était Irène, traumatisée par la mort de Leiva. Tandis que le Sous-secrétaire lui pardonne, chacun des trois protagonistes réagit de manière différente à la tentation.

Critique :

Dès une magnifique scène pré générique, chorale et bouleversante, le récit nous indique que ce final de saison va se centrer sur le parcours personnel dramatique des héros, au terme de premiers pas au sein du Ministère du Temps couronnés par ailleurs de succès. De fait l’affaire du jour, le trafic d’œuvres d’art développé par Lola, se voit rapidement expédiée. On note au passage qu’une intrigue similaire s’étant déroulée dans le City of Death de Doctor Who, Léonard de Vinci y préfigurant Dalí. Si cette brièveté prive la chute de Lola d’une partie de son écho, elle permet de porter à son plus haut point d’intérêt le profil psychologique toujours particulièrement attachant de nos héros. Chacune des portes de sortie qu’ils ont choisi, cette fois au figuré, débouche sur une scène brillant par son astuce comme par son humanité. Défier frontalement le Destin signifie une issue particulièrement cruelle pour Julián tandis qu'à l’exact opposé le déni d'Amelia et son fatalisme laissent tout un chapitre ouvert pour la période à venir. Touché par la grâce du théâtre, le rude Alonso nous émeut et l’inspiration qu'il y puise, lui permettant opérer le juste choix, nous offre l'une des scènes les plus fortes et originales de la saison.

Par ailleurs, l’épisode développe les points forts usuels de la série. La reconstitution d’époque s’impose une nouvelle fois comme remarquable, de même que les recréations des figures historiques rencontrées. Mis en valeurs par l’intrique Lorca et Dalí se voient magnifiquement interprétés et dotés de leurs accents respectifs. Le divertissant Dalí manifeste ainsi une légère intonation catalane, annonciatrice de la version caricaturale qui deviendra bien plus tard la sienne, quand il s’auto-parodiera en permanence. De son côté la douceur de l’accent andalou de Lorca apporte une précieuse véracité au personnage. Le grand poète apparaît lui- même idéalement choisi, tant les thématiques de la destinée et de la mort, si présentes à travers son œuvre et son parcours, trouvent un écho particulier dans le ressenti de Julián, avec lequel s’établit une connexion dramatiquement très forte. La hiérarchie du Ministère a également droit à plusieurs scènes intenses, parfois bouleversantes. On apprécie qu’un faux suspense ne soit pas tenté autour du sort d’Irène, dont on sait bien qu’elle reste absolument indispensable au programme. On la retrouvera elle aussi avec plaisir, lors d’une deuxième saison promettant déjà beaucoup.

Anecdotes :

  • Jordi Hurtado, qui joue ici son propre rôle, est un présentateur vedette de TVE. Il a notamment animé de très nombreux jeux télévisés depuis les années 80. Le caméo le montre être secrètement un agent du Ministère. Il a ainsi apporté à Cervantès le matériel d’écriture dont celui-ci avait besoin pour conclure Don Quichotte !

  • Les étudiants répètent la pièce Don Juan Tenorio (1844), de José Zorrilla, grand poète et dramaturge espagnol du XIXème siècle. C’est à travers cette pièce que l’on se représente le mythe de Don Juan en Espagne, à l’instar de Molière en France.

  • La Résidence des Etudiants (Residencia de Estudiantes) s’installa en 1915 à proximité du Musée des sciences naturelles de Madrid. Cette création gouvernementale, très novatrice pour l’Espagne d’alors, avait pour objectif de favoriser les échanges créatifs entre étudiants en diverses disciplines, à l’occasion de créations ou d’ouvrages communs, mais aussi de libres débats. De grands intellectuels étrangers y étaient régulièrement conviés, notamment français. Son existence est perçue comme un moment particulier de l’histoire artistique et intellectuelle espagnole (mais aussi scientifique), car elle permit la rencontre féconde d’artistes et d’écrivains appelés à devenir les plus marquants de cette génération de l’entre deux guerres connaissant un écho international. L’épisode nous fait ainsi rencontrer Federico García Lorca, Luis Buñuel et Salvador Dalí, mais aussi l’auteur Pepín Bello ou la grande actrice Rosita Díaz Gimeno. Franco fit fermer l’établissement dès 1939, elle sera réouverte lors du retour de la Démocratie.

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