Maigret - Jean Richard (1967-1990) 3ème époque: 1980-1985
2. Le charretier de la Providence 4. Maigret et le pendu de Saint-Pholien 10. Maigret et l'Homme tout seul 16. La tête d'un homme (2ème version) 17. L'Ami d'enfance de Maigret Le début du déclin Avec le début des années 80, la série va brusquement évoluer, et pas forcément de manière positive. Jacques Rémy et Claude Barma commencent à céder la place à d'autres adaptateurs, et les réalisateurs changent quasiment à chaque épisode, alors que la série avait l'habitude d'un petit groupe de metteurs en scène qui se relayaient, et connaissaient donc bien leur affaire. L'unité, qui n'avait jamais été le point fort de la série, s'en ressent : on peut découvrir un acteur qui joue un suspect dans un épisode se muer en ami du commissaire dans l'épisode suivant ! A partir de 1981, les metteurs en scène retenus sont souvent des proches du nouveau pouvoir, et ils impriment à la série une tournure plus moderne dont certains aspects innovants ne sont pas à rejeter, mais d'autres plus contestables ne cadrent guère avec l'univers traditionnaliste du commissaire. Le plus déconcertant, ce sont les libertés prises avec les romans, lorsque des scénaristes pseudo-intellectuels pédants, au lieu de se mettre au service de l'œuvre de Simenon, l'utilisent au profit de leur vision du monde ou de ce qu'ils pensent être une adaptation réussie, c'est-à-dire peu conforme à l'original. Les acteurs récurrents des années 70, qui furent les meilleurs, quittent peu à peu la série, ce qui accentue l'impression d'anarchie, peu compatible avec une série comme celle-ci. Le résultat est catastrophique lors des premiers épisodes, où on a du mal à reconnaître la série que l'on a connue. Le contraste est d'autant plus cruel que l'on restait sur la meilleure époque, et de loin, avec les épisodes des années 75-80. Fort heureusement, la production va se rendre compte des faiblesses de ces Maigret « rénovés » et revenir à plus d'orthodoxie à partir des années 83 et 84. Seules les innovations heureuses seront conservées, tout en revenant à des scénarios et à des réalisations plus classiques. Evidemment, les acteurs qui ont quitté la série ne reviennent pas, mais on retrouve alors un niveau plus acceptable et même quelques épisodes excellents. 1. L'AFFAIRE SAINT-FIACRE La comtesse de Saint-Fiacre, dont le père de Maigret fut le régisseur, s'effondre pendant la messe, victime d'une crise cardiaque causée par la lecture d'un faux article de journal annonçant la mort de son fils. Il semble certain que le carré de papier fatal a été inséré dans le missel de la comtesse à des fins criminelles par un proche qui connaissait ses problèmes cardiaques. A partir d'une idée de base excellente, le roman avait été gâché par certaines maladresses. Le téléfilm, quant à lui, est un ratage complet. L'erreur majeure fut de laisser le fils de la comtesse organiser la réunion destinée à démasquer le coupable. Il eut été préférable de ne pas suivre le roman à la lettre et de faire exécuter par le commissaire l'opération devant amener l'assassin à se trahir, surtout que l'astuce de l'opération paraît sortie du cerveau de Maigret, beaucoup plus que du médiocre héritier des comtes de Saint-Fiacre. A défaut, on assiste comme dans le roman à une succession de scènes de nostalgie languissantes, consécutives aux retrouvailles de Maigret avec les lieux de son enfance, mais aussi à un commissaire passif qui laisse le fils de la comtesse mener l'enquête à sa place. Autre défaut majeur, la longueur exagérée de l'épisode, due à de multiples temps morts générant un ennui indescriptible. Le summum du grotesque est atteint avec l'intermède illustré sur la comtesse devenue « protectrice des gens du voyage » ( !). Voilà qui n'est pas du tout dans l'esprit de Simenon, qui décrivait la comtesse comme une aristocrate peu soucieuse d'action sociale, mais avant tout préoccupée de satisfaire ses sens avec de jeunes amants. Ce passage ne semble motivé que par la volonté de paraître « politiquement correct », bien que le tournage date de l'année 80 et non de notre époque où ce genre de scènes est devenu monnaie courante. Non seulement cette séquence est totalement en porte-à-faux avec le reste du récit, mais elle l'allonge et l'alourdit inutilement. Ce n'est ni plus ni moins qu'un temps mort supplémentaire, et il y en avait déjà bien assez. La conclusion est tout aussi décevante. On ne comprend pas pourquoi l'assassin ne peut être inquiété, ses intentions criminelles évidentes ayant été exécutées sans états d'âme. Les charges contre lui sont largement suffisantes pour le faire arrêter, alors pourquoi Maigret ne le fait-il pas ? Là encore, on aurait pardonné au scénariste la prise de liberté avec le roman, qui ne tenait pas debout. 2. LE CHARRETIER DE LA PROVIDENCE Une femme a été retrouvée étranglée dans une grange, près d'une écluse. Maigret enquête à la fois dans le milieu des péniches et des éclusiers, où s'est produit le meurtre, et dans le monde des nantis au sein duquel évoluait la victime. Le roman adapté, abusivement cité plus souvent qu'à son tour parmi les « meilleurs Maigret », était peu propice à générer un grand téléfilm. On retrouve à l'écran les mêmes tares qu'à l'écrit. L'histoire est sans intérêt et son dénouement est avant tout destiné à faire pleurer dans les chaumières, mais n'y parvient pas tellement l'ensemble sonne faux et donne dans un pathos exagéré. Le choix de filmer des enquêtes contemporaines de l'époque du tournage pose problème pour celle-ci car en 1980 il ne devait plus rester beaucoup de péniches encore tirées par des chevaux. A l'époque de la télévision en couleurs et à la veille de la mise en service du TGV, assister au spectacle de cette péniche d'un autre âge paraissait déjà incongru, et bien entendu l'est plus encore de nos jours. L'interprétation ne relève pas le niveau médiocre de l'épisode. On a connu Jean Richard meilleur et, malgré les efforts louables de Féodor Atkine et Pierre Frag, les principaux interprètes jouent sans grande conviction. Même les seconds rôles ne sont pas à la hauteur. Quant à Charles Moulin, il a du mal à émouvoir en charretier marqué par le destin. Cet acteur, que j'avais vu interpréter le rôle de l'amant jeune et beau de Ginette Leclerc dans La femme du boulanger de Pagnol, et que j'ai évidemment retrouvé quelque peu changé, ne m'a pas plus convaincu ici que la majorité de ses congénères. 3. MAIGRET ET L'AMBASSADEUR Maigret enquête au sein de l'univers particulier de la noblesse. Un prince est décédé dans un étrange accident de cheval, et son rival le comte de Saint-Hilaire est retrouvé mort peu après, le corps criblé de balles de revolver. Cet épisode illustre à merveille l'accusation habituellement formulée contre la série, à savoir de se dérouler sur un rythme trop lent, voire soporifique. Le manque d'action se fait cruellement sentir du début à la fin, au point d'empêcher d'apprécier les qualités réelles de l'histoire. Le titre original, faute de goût de Simenon, a logiquement été modifié, au contraire du scénario, parfaitement fidèle au roman. Simenon, qui a longtemps évolué dans les milieux royalistes, a visiblement voulu décrire le déclin irréversible de la noblesse, son attachement à des traditions d'un autre âge et en fin de compte son inadaptation au monde moderne. A cet égard, le dénouement est révélateur de la prégnance d'un catholicisme de stricte obédience au sein de ces milieux traditionalistes. Le jeu des acteurs est tout à fait satisfaisant, tant du côté des policiers avec un très bon Jean Richard, bien secondé par François Cadet dans le rôle de Lucas, que chez les comédiens incarnant les aristocrates, parmi lesquels on ressortira Annie Ducaux, excellente interprète de « Jacquette », Marie-Hélène Dasté qui a adopté de façon parfaite la diction distinguée des nobles, et le toujours apprécié André Falcon dans le rôle ambigu de Mazeron, le neveu lorgnant sans en avoir l'air sur l'héritage du comte de Saint-Hilaire. 4. MAIGRET ET LE PENDU DE SAINT-PHOLIEN Un homme étrange, alcoolique et maladif, s'est suicidé suite à la perte d'une valise ne contenant que de vieux vêtements fripés, dont une veste tachée de sang. Maigret remonte la piste jusqu'à un groupe de notables, anciens camarades d'études du suicidé, qui semblent avoir quelque chose à cacher.
L'illustration évidente de l'erreur de jugement est la musique. A dominante d'harmonica, elle semble composée pour une aventure tragi-comique de loubards de banlieue telle qu'on en voyait dans la série Histoires de voyous, mais pas du tout pour un récit aussi trouble et envoûtant que ce qu'aurait dû être cet épisode. De plus, on assiste à une succession de modifications malvenues du scénario par rapport au roman, à commencer par les lieux: toute l'histoire se déroule en France alors qu'une partie du roman avait pour cadre la Belgique. Question budgétaire, sans doute... Dès le début, l'ennui s'installe avec les recherches interminables de Jeunet pour trouver un hôtel. La scène où il tente de retrouver sa vraie valise à la consigne de la gare était inutile. Comme dans le roman, il aurait été préférable d'enchaîner directement sur le suicide. Vient ensuite une hérésie pour tout fan de Maigret qui se respecte en la personne d'un commissaire de police féminin! D'accord, l'histoire est adaptée à l'année 1980, mais quand même... L'univers de Maigret, résolument phallocrate, ne saurait s'accommoder de pareilles fantaisies. Un des moments-clé du roman était la tentative de meurtre sur Maigret, au bord de la Marne par un soir pluvieux. Cette scène majeure, qui aurait pu se transformer à l'écran en moment très intense, a purement et simplement été éliminée par l'adaptation! Mais le pire est pour la fin: que vient faire cette histoire grotesque d'expédition punitive perpétrée par le groupe d'étudiants contre le local des partisans de « l'ordre moral », coupables d'avoir fait interdire leur revue? Et Willy Mortier qui aurait été assassiné parce qu'il s'apprêtait à les dénoncer! Invention pure et simple, le mobile avancé par Simenon tenait à la jalousie envers un camarade trop riche, un « fils à papa », qui plus est Juif, aspect bien entendu passé à la moulinette. La distribution ne rattrape guère les maladresses et trahisons de l'adaptation. Les acteurs incarnant les suspects ont été mal choisis. En particulier, Xavier Gélin ne correspond pas du tout au Van Damme de Simenon. Son interprétation n'est pas en cause, mais son physique latin est totalement à l'opposé des types nordique ou flamand requis pour le personnage. Michel Blanc hérite avec Belloir d'un rôle moins taillé sur mesure que celui de « La Puce » dans Maigret et l'indicateur, mais s'en sort très bien grâce à ses extraordinaires qualités de comédien. Le bilan n'est donc pas fameux. Si cet épisode pourra plaire à un public ignorant du roman, ceux qui ont adoré l'excellent original ne pourront apprécier cette version ratée. 5. MAIGRET EN ARIZONA Le plus célèbre commissaire français découvre les méthodes de la police américaine au travers d'une enquête sur la mort d'une jeune fille, découverte à moitié dénudée sur une voie ferrée déserte, en plein cœur de l'Arizona. Toujours est-il que la qualité du roman n'est pas meilleure que celle de son titre. Comment voulez-vous réussir un téléfilm convenable à partir d'un roman aussi raté? En dehors du fait que Maigret est un personnage typiquement français qui ne peut s'épanouir pleinement que dans un contexte purement franco-français, ou à la rigueur belge ou hollandais, l'histoire est indigeste. Il est impossible de croire une seule seconde à cette enquête plus que ridicule. Non seulement Maigret à l'ombre des cactus, c'est incongru, mais les courageux qui réussiraient à tenir pendant 90 minutes assisteront surtout à un reportage touristique sur le mode de vie coloré des Américains du far-west, entrecoupé de quelques passages sur une vague enquête criminelle même pas digne d'un écrivaillon débutant. Dans ce contexte pourri, même Jean Richard n'y croit pas. François Cadet, le fidèle Lucas (pensez donc, il suit son mentor jusqu'au cœur des « States »...), se demande ce qu'il fait là et Jess Hahn cabotine à tout va pour tenter de sortir le spectateur de sa léthargie, sans y parvenir malgré son talent indéniable. S'il n'y avait qu'un seul roman de Maigret à ne pas adapter, c'était bien celui-ci. 6. UNE CONFIDENCE DE MAIGRET Comment l'arrestation d'un matelot à la suite d'une rixe fait rebondir une affaire classée, celle d'un industriel accusé de l'assassinat de sa femme, et qui avait trouvé la mort en tentant d'échapper à la police. Agréable surprise que cet épisode. Je m'attendais à faire la même sieste que lors de la lecture du roman, mais l'adaptation réussie de Jacques Rémy et Claude Barma, combinée au savoir-faire du réalisateur Yves Allégret, a produit un épisode certes un peu lent à démarrer, mais finalement consistant. Simenon a voulu aborder le thème de l'erreur judiciaire, sans grande réussite puisque son roman s'est révélé peu intéressant. En revanche, cette adaptation décortique fort bien les rouages de la Justice et sa façon de broyer un innocent de façon implacable. Maladresse de l'accusé, pistes négligées lors de l'enquête, instruction à charge du fait de l'antipathie, antérieure à l'affaire, du juge envers le suspect, concours de circonstances, avocat de la défense sincère mais ne choisissant pas la bonne méthode, maîtresse homosexuelle qui ne s'intéressait qu'à son argent : le cumul de ces éléments a conduit à la catastrophe, la mort d'un innocent. L'interprétation ne souffre d'aucun reproche et renforce la mise en scène parfaitement huilée d'Yves Allégret. Selon son habitude sur la série, le réalisateur travaille avec ses comédiens fétiches : Maxence Mailfort, un peu jeune pour le rôle du juge Coméliau, fait néanmoins bien ressortir l'aspect autoritaire et la suffisance du magistrat ; Jean-Claude Dauphin interprète l'inspecteur Lapointe, comme toujours avec Allégret ; Jean-Pierre Castaldi ne fait qu'une apparition, en inspecteur de police local. Le reste de la distribution est dominé par un excellent Pierre Clémenti, qui compose un Joussel champion dans l'art de se défendre d'une manière déplorable. Son épouse Sophie est incarnée par Olga Georges-Picot, qui reprend son rôle traditionnel, à mi-chemin entre la garce et l'aventurière (voir notamment Adieu l'ami ou Commissaire Moulin). Enfin, Christophe Bourseiller interprète le sémillant comte de Grondeville, pastiche désopilant de Gonzague Saint-Bris, qui fête la sortie de son nouveau roman lors d'une soirée au musée Grévin ! Outre cette incursion originale et appréciée, qui nous permet entre autres de voir la statue de cire de François Mitterrand, un clin d'œil humoristique vient adoucir l'atmosphère noire de l'enquête : Maigret se rend à La Mer de Sable afin d'interroger un témoin, et se retrouve face au directeur. Donc, Jean Richard converse avec lui-même puisqu'on sait qu'il est le fondateur du fameux parc d'attractions d'Ermenonville. Pour l'occasion, il livre une caricature hilarante du personnage de plouc ahuri roulant les « r » qu'il a longtemps interprété à des fins essentiellement mercantiles, notamment dans des films relevant du comique troupier. Il fallait bien financer son cirque, à l'époque où le cinéma et la télévision lui imposaient une si rude concurrence, et comme il le disait lui-même, « Je nourris mes lions avec des navets ». *La Mer de Sable, parc d'attractions fondé par Jean Richard et situé à Ermenonville dans le Val-d'Oise, bénéficie dans cet épisode d'une publicité à peine voilée. Le fait n'est pas nouveau puisque, quelques années auparavant, l'écrivain pour la jeunesse Georges Chaulet avait situé l'action de Fantômette à la Mer de Sable dans le parc de son ami Jean Richard. Le procédé, tout contestable qu'il soit, paraît bien anodin comparé aux pratiques d'aujourd'hui. 7. LA DANSEUSE DU GAI-MOULIN Escale en Belgique pour Maigret, où deux jeunes désœuvrés vont buter sur un cadavre en tentant de voler la caisse d'un cabaret. Terrorisés, ils craignent d'être accusés du meurtre par « l'Homme aux larges épaules » qui les a pris en filature. En fait, le commissaire était sur la piste de la victime, un aventurier grec qui va être retrouvé le lendemain matin en pleine rue, dissimulé dans une malle. La grande chance de cet épisode est d'être adapté d'un roman qui avait tout pour donner un excellent scénario de téléfilm, et en effet la qualité de l'histoire de Simenon se retrouve à l'écran. Mais il s'agit d'un des rares points positifs de l'épisode, gâché par une réalisation menée sur un rythme ennuyeux et de mauvais choix de comédiens. Danièle Croisy est une bonne actrice, elle l'a prouvé lors de ses passages précédents sur la série, mais elle ne correspond pas au personnage d'Adèle, la danseuse du Gai-Moulin, telle que décrite par Simenon. Le pire dans la distribution est le personnage du commissaire belge : on a rarement vu un aussi mauvais comédien que Gérard Darrieu, qui sur-joue en permanence. A chacune de ses nombreuses apparitions, on a pleinement conscience d'être dans un téléfilm et non dans la réalité tellement il joue mal, et cette sensation est évidemment très désagréable. Hormis un Jean Richard malicieux, les seules vraies satisfactions au niveau des acteurs sont les deux jeunots, en particulier Eric Nohant dans le rôle de René Delfosse, dont il exprime parfaitement le côté fils à papa raté et arrogant. Au final, ce sont les regrets qui dominent : comment un aussi bon roman a-t-il pu être massacré au point de susciter très vite l'envie que l'épisode se termine, alors qu'il ne dure qu'une heure et quinze minutes ? 8. MAIGRET SE TROMPE Maigret mène l'enquête à Nancy, où une jeune femme sans histoires a été retrouvée dans son appartement avec une balle dans la tête. Le commissaire découvre que la victime était une ancienne prostituée... Une enquête conventionnelle à l'extrême, où aucun élément constitutif d'un policier classique ne manque : victime tuée par balle ; femme de ménage truculente, ancienne prostituée et un rien voleuse ; jalousie, adultère ; fausse piste avec le musicien, coupable idéal désigné d'avance - mais Maigret ne sera pas dupe - ; grand bourgeois accro au sexe, véritable DSK provincial. Le dénouement sera en toute logique banal et révèlera que Maigret ne s'était au fond guère trompé... Hormis les décors extérieurs de la ville de Nancy, avec sa place Stanislas montrée sans retenue, le principal intérêt de cette enquête réside dans de bonnes performances d'acteurs. Robert Lombard, vu plusieurs fois sur la série, interprète cette fois-ci un policier de province. Georges Marchal incarne le professeur Gouin, grand chirurgien blasé et victime de ses pulsions pour les femmes. Cet acteur renommé est une recrue de choix pour la série, plutôt coutumière des comédiens débutants ou de série B. Justement, quelques actrices peu connues s'avèrent excellentes, à l'image d'Anne-Marie Mayfair et de Rachel Boulenger, qui confèrent à leurs personnages des regards qui en disent long. Autres belles compositions, celles de Ginette Garcin, qui apporte sa gouaille au personnage de Désirée Brault, et de Macha Méril, parfaite en infirmière énamourée de son patron. La pépite du jour prend la forme d'un jeune comédien débutant appelé... Patrick Bruel ! Qu'aura-t-il manqué à cet épisode pour accéder à la catégorie des meilleurs ? Sans doute une intrigue plus consistante accompagnée d'une mise en scène plus percutante. 9. LE VOLEUR DE MAIGRET Un homme vole le portefeuille de Maigret avant de le convier chez lui aux fins de lui faire constater le décès de sa compagne, victime d'un meurtre. Il affirme être innocent et ne rien comprendre à cette affaire. Cette histoire prend le contrepied de ce que l'on rencontre habituellement dans les romans ou séries abordant un thème similaire. Soit on a affaire à un homme qui tue sa femme, jure n'avoir jamais mis les pieds sur les lieux du crime et se forge un alibi crédible, soit il s'agit d'un innocent qui trouve son épouse assassinée en rentrant chez lui, prend peur, nie sa présence sur place tout en laissant des traces évidentes de son passage et finit pas être pris pour le coupable, victime de ses mensonges. Au contraire, l'antihéros du jour, après avoir trucidé sa compagne, va s'arranger pour contacter Maigret après l'avoir délesté de son portefeuille, lui présenter le cadavre et jurer n'être pour rien dans le meurtre. Le problème, c'est que l'homme du roman agit ainsi par pur cynisme. Limité et un peu « beauf », il cherche à manipuler le commissaire, dont il connaît la réputation de policier humain. Il essaie donc de se faire passer pour un malheureux innocent, un agneau qui vient de naître plongé dans un drame incompréhensible qui le dépasse. L'adaptation est une trahison pure et simple. Le manipulateur est présenté comme un intellectuel qui lit Sartre et les Cahiers du cinéma, un artiste talentueux et incompris, un romantique révolté épris d'idéal, un personnage pompeux, qui plus est desservi par l'interprétation prétentieuse de Jean-Loup Wolff. L'autre atout du roman est sa description fascinante, tout en nuances, des milieux du cinéma, qu'on ne retrouve pas dans le téléfilm. Le monde du septième art est dépeint de manière caricaturale dans des scènes interminables générant un ennui indescriptible, dans un style pseudo-intellectuel que l'on rencontre plus dans les films pédants de Sautet que dans les séries policières. Illustration de cet échec, la mauvaise interprétation de Jean Deschamps dans le rôle de Carus, qui va de pair avec les performances décevantes des actrices incarnant les starlettes arrivistes et malsaines qui peuplent l'univers faisandé du médiocre Carus. Il n'y a donc rien à sauver dans cet épisode, concurrent sérieux du calamiteux Maigret en Arizona pour l'obtention du titre peu enviable de pire production de la série. 10. MAIGRET ET L'HOMME TOUT SEUL Maigret et ses hommes essaient de reconstituer le passé d'un clochard atypique, qui vient d'être découvert mort dans son abri avec six balles de revolver dans le corps. Un Maigret très représentatif des derniers romans de Simenon, lorsque l'écrivain vieillissant privilégiait les aspects psychologiques au détriment des éléments policiers. Une adaptation fidèle comme celle-ci produit inévitablement un épisode empreint de lenteurs qui cassent complètement le rythme. Le milieu des clochards est mal décrit et sonne faux, en raison d'acteurs dont on voit très bien qu'ils ne sont pas de véritables SDF. Les recherches sur le passé de René Vivien sont intéressantes, avant que la seconde partie, centrée sur Mahossier, s'avère décevante. Le violon d'Ivry Gitlis lors de la scène finale ratée du meurtre est absolument insupportable. Reste le principal attrait de cet épisode, la composition touchante de la ravissante Fanny Cottençon, qui apporte de la fraîcheur à son personnage de jeune femme hantée par la volonté de découvrir la vérité sur le passé de son père. Mention aussi pour Sylvie Favre dans le rôle de la mère, et pour le truculent Philippe Castelli, interprète d'un barman à la mémoire courte. 11. MAIGRET ET LES BRAVES GENS Étrange enquête pour le commissaire, à la recherche de l'assassin d'un homme sans histoires, parfait Français moyen entouré de proches d'apparence tout aussi tranquille. Les bouleversements politiques de l'année 1981 ont eu des incidences jusque dans les séries, comme le prouve cet épisode. L'heure du changement est venue pour Maigret, avec l'arrivée aux commandes de personnalités bien vues du nouveau pouvoir. Le résultat sera souvent très bon, mais ici il n'est pas à la hauteur. Les dix premières minutes suffisent pour comprendre que l'adaptation et la mise en scène de Goron mari et femme sont catastrophiques, en raison de leur ignorance totale de l'univers et des habitudes du couple Maigret. Non seulement ils ont troqué la musique habituelle du générique pour une mélodie insipide, mais ils nous montrent un Maigret de retour de vacances et n'ayant pas envie de se remettre au travail ( !) Comment peuvent-ils ignorer que le commissaire, qui s'ennuie ferme pendant ses congés, a toujours hâte de reprendre le collier ? Dans la même veine, l'attitude du commissaire avec la conductrice du taxi ne cadre pas avec le personnage, et certains propos de son épouse encore moins : « Tu n'es pas trop fatigué, mon chéri ? », demande-t-elle à son mari. Mon chéri ! Madame Maigret aurait dit « Maigret » ou « Jules », et non ce mielleux « Mon chéri ». Ces maladresses dont d'autant plus malvenues que l'introspection dans la vie des Josselin est loin d'être dénuée d'intérêt, avec des acteurs qui jouent juste, y compris le couple Richard, attendrissant malgré les hérésies de l'adaptation. Simenon était spécialiste des personnages tortueux se dissimulant derrière une façade d'apparence tranquille. Ici, les braves gens s'avèrent l'être réellement, ce qui rend l'enquête longue et difficile. La distribution réserve une surprise avec la participation de Jean-Marc Thibault. Son apparition en petit épicier barbu est tellement brève qu'il n'est même pas crédité au générique. 12. MAIGRET ET LE CLOCHARD Un clochard a été repêché dans la Seine, gravement blessé à la suite d'une tentative de meurtre. Cet homme cultivé, ancien médecin, ne se montre guère coopératif avec la police, ce qui va compliquer la tâche de Maigret dans sa recherche de l'agresseur. Un épisode passionnant de bout en bout, magnifiquement servi par un groupe de comédiens excellents. Le scénario décrit une enquête policière réaliste, menée comme il se doit sous la tutelle du juge d'instruction, dont la prééminence sur la police est mise en évidence. Cet aspect est trop souvent éludé dans la plupart des séries policières, on doit donc souligner la justesse de l'épisode. L'immersion dans la vie iconoclaste de ce docteur Keller est menée avec tact et sensibilité par un commissaire Maigret auquel Jean Richard insuffle avec son immense talent l'habileté et la dose d'émotion nécessaires à l'exercice de son rôle de « raccommodeur de destinées ». Le couple Maigret sonne très juste, grâce à la complicité évidente entre les époux Richard. Les inspecteurs qui entourent Maigret sont tout aussi véridiques. Même si on regrette le remplacement du vieux briscard Jean-François Devaux par Jean-Pierre Maurin dans le rôle de Janvier, l'équipe présentée reste à des années-lumière au-dessus des piteux policiers au service de Maigret-Crémer, aussi réalistes que les chimères d'un mégalomane. Illustration de cette réussite, la fameuse scène d'interrogatoire de Van Houtte par Maigret, Castaing et Janvier, dans une ambiance pesante parfaitement filmée, l'absence de musique contribuant à accroître la lourdeur de l'atmosphère. Soulignons la superbe composition de Johan Leysen dans le rôle difficile de Jeff Van Houtte, ce marinier retors et rusé qui arrive à tenir Maigret en échec. Les Keller sont eux aussi remarquablement interprétés par Daniel Gélin, la vedette invitée prestigieuse de cette enquête, et Catherine Sauvage. Une nouvelle démonstration du caractère phallocrate du commissaire a lieu lorsqu'il pronostique le sexe du futur enfant de Janvier : « Pour se faire attendre aussi longtemps, ce ne peut être qu'une fille »... 13. LA COLÈRE DE MAIGRET Un truand spécialiste de l'extorsion de fonds est assassiné. Maigret soupçonne une de ses victimes, le propriétaire d'un cabaret, qui n'entendait pas céder au chantage. Mais ce dernier disparaît, puis est retrouvé mort quelques jours plus tard. Fait inhabituel, Maigret n'apparaît qu'au bout de 18 minutes. Le début du téléfilm relate les problèmes des truands, une histoire banale sur le fond mais rendue intéressante par la qualité de l'interprétation. Jean Negroni est un acteur absolument parfait dans les rôles de caïds de la pègre, même à un échelon modeste comme dans cette histoire. Autre acteur remarquable, Michel Beaune confirme tout son talent dans le rôle de l'avocat véreux. Sans doute est-il passé à côté d'une grande carrière. Le scénario accorde une certaine place à l'humour, grâce à la présence de l'intrépide inspecteur débutant Beaufils. Jeune coq sorti tout droit de l'école de la police, il ne se gêne pas pour rouler des mécaniques et échafauder des hypothèses farfelues, suscitant ainsi l'hilarité de ses collègues et même celle de Maigret. Marc Chapiteau est l'acteur adéquat pour ce rôle, avec son jeu empreint de décontraction et d'ironie mordante. Les seconds rôles sont également très bons, en particulier le toujours apprécié Pierre Frag en chasseur et André Penvern, l'inspecteur Castaing. Voilà comment des personnages pittoresques et une interprétation sans faille produisent un épisode d'autant plus consistant que l'intrigue, partie pour être très conventionnelle, débouche sur un dénouement original. *Jean Negroni est un habitué des films des années 70 et 80, où il était spécialisé dans l'interprétation de membres de la pègre. On a vu notamment dans L'alpagueur avec Jean-Paul Belmondo. 14. MAIGRET S'AMUSE Resté à Paris pendant ses vacances au lieu d'aller comme prévu aux Sables d'Olonne, Maigret ne peut s'empêcher de mener une enquête parallèle au sujet du meurtre de la femme d'un célèbre médecin, retrouvée nue dans un placard. Trop de ruptures de rythme dans cette enquête. Si les descriptions de la vie privée de Maigret et de son épouse se laissent suivre et nous offrent une bien agréable visite de la capitale en plein été (Notre-Dame, le Sacré-Cœur, les bateaux-mouches sont au programme...), plusieurs séquences apparaissent superflues, celle de Maigret en visite à l'auberge d'un de ses anciens adjoints n'étant pas la moindre. On se serait bien passé aussi des mésaventures sentimentales des voisins d'en-face... Dommage car l'enquête est loin d'être inintéressante, mais elle aurait gagné à être traitée de façon plus conventionnelle. Pour une fois, on peut regretter que l'adaptation ait été trop fidèle. Sans doute aurait-il été préférable de s'orienter vers un schéma traditionnel, sans ces vacances et ces investigations en pointillé menées par des moyens détournés, qui rendent l'intrigue un peu artificielle. Le commissaire essaie de vivre avec son temps puisqu'il utilise le magnétoscope offert par son équipe pour ses 25 ans de service. Autre signe de modernisation, on entend une partie du tube de Kool and the Gang Celebration, moins caractéristique de l'univers classique de Maigret que le spectacle d'opérette désuet qui nous est infligé. Jean Richard et Annick Tanguy, excellents, étalent une nouvelle fois leur complicité mais sont mal entourés. Les seconds rôles ne jouent pas forcément juste, à l'image de Robert Rondo, pas du tout à l'aise dans le rôle du journaliste de télévision avide de sensationnel, ou de Martin Trévières, un docteur Pardon beaucoup moins convaincant que Marcel Cuvelier, le futur presque titulaire du rôle dans les épisodes à venir. Maigret s'amuse, mais il n'est pas le seul, les téléspectateurs aussi en écoutant le commissaire énoncer une thèse empruntée au … lieutenant Columbo ! « Certains crimes crapuleux restent impunis, un crime d'intellectuel jamais. Ils veulent tout prévoir, mettre les moindres chances de leur côté, ils fignolent, et c'est ce fignolage, ce détail en trop qui va les faire prendre. » 15. LA TÊTE D'UN HOMME (2ème version)
Avec l'accord réticent de la Chancellerie, Maigret organise l'évasion de Joseph Heurtin, un homme qu'il avait arrêté lui-même pour un double meurtre et qui avait été condamné en conséquence. Mais le commissaire n'est pas convaincu de sa culpabilité, et espère qu'une filature le mènera à ses complices ou au véritable assassin. Cette seconde version, si elle n'atteint pas le niveau exceptionnel du roman, est toutefois plus réussie que la première, grâce à un judicieux choix de comédiens. Radek première version n'avait pas donné satisfaction. Cette fois-ci, Gérard Desarthe réussit une composition remarquable, sa restitution des aspects ironiques et insolents de ce personnage hors du commun ne souffre d'aucun reproche. Saluons aussi le choix de Denis Manuel pour le rôle du juge Coméliau. Les gestes impétueux et le ton cassant, que l'acteur a conservés malgré un vieillissement certain, correspondent parfaitement au personnage du juge, ennemi bien connu du commissaire. Et Mike Marshall est bien entendu l'acteur qu'il fallait pour incarner l'américain Crosby. Question scénario, la qualité du roman garantissait celle de l'épisode, dès lors qu'on ne le trahissait pas, et l'adaptation s'avère fidèle. En particulier, Radek est logiquement présenté comme Tchèque, alors que la première version l'avait inexplicablement transformé en Français. Restait le principal écueil : le tournage a eu lieu après l'abolition de la peine capitale, alors que le roman était justement centré sur le risque de décapitation d'un innocent. Le scénario a trouvé l'astuce adéquate : pendant la majeure partie de l'épisode, on n'évoque que « la peine maximale », et en conclusion, la version « telle qu'écrite par Simenon au début des années 30 » nous est montrée, ce qui permet de voir la scène poignante de l'exécution de Radek. Jean Richard donne toujours sa pleine mesure. Il incarne à la perfection l'humanisme de Maigret, qui éprouve une sorte, non pas de sympathie, mais de fascination pour Radek, au point qu'il finit par comprendre les ressorts psychologiques du personnage : le Tchèque voulait se faire prendre, afin que sa machination géniale pour faire accuser Heurtin du double meurtre soit connue, et qu'ainsi il suscite de l'admiration ! *Cet épisode est inédit en DVD. 16. UN NOËL DE MAIGRET Un homme déguisé en père Noël s'est introduit dans la chambre d'une petite fille, voisine du couple Maigret, pour se livrer à une mystérieuse recherche. Le commissaire mène l'enquête depuis son domicile pendant toute la journée de Noël. Madame Maigret, comme toujours impeccablement interprétée par Annick Tanguy, est omniprésente dans cet épisode centré sur la vie familiale du commissaire. Bien qu'à aucun moment le vide causé par l'absence d'enfant ne soit directement évoqué par le couple, cet élément sous-jacent apparaît en filigrane tout au long de l'épisode, au travers de la petite voisine. La conclusion est explicite avec une Madame Maigret désireuse de s'occuper de la petite fille dont la tante, qui en assurait la garde, vient d'être arrêtée. 17. L'AMI D'ENFANCE DE MAIGRET Un ancien camarade de lycée vient trouver Maigret à la suite de l'assassinat de sa maîtresse. Les suspects ne manquent pas puisque la victime avait quatre autres amants, dont trois hommes mûrs qui ne se connaissaient pas entre eux et croyaient être les seuls à l'entretenir. Cet épisode magnifique, un des meilleurs de la série, présente une enquête passionnante, développée selon les bonnes vieilles recettes du roman policier traditionnel : une femme assassinée, elle avait cinq amants qui sont autant de suspects. Lequel a tué ? Il ne s'agit pas seulement d'une simple enquête policière, mais aussi d'une étude de caractères dans le plus pur style « simenonien », peuplée de personnages pittoresques et attachants. La justesse de l'interprétation permet de voir ces personnages tels que décrits par Simenon. Jean-Pierre Darras produit un numéro extraordinaire dans ce rôle d'escroc sur le retour vivant aux crochets d'une gentille courtisane. Il exprime à merveille l'aspect misérable, la lâcheté et la mauvaise foi presque sympathique de Florentin, tout en lui donnant un aspect truculent qui finit par agacer Maigret en même temps qu'il détend le spectateur. Vraiment une performance de tout premier choix. Joséphine Papet, la victime, est incarnée par une excellente Rachel Boulenger. Cette actrice de talent apporte sa douceur à ce personnage attachant, présenté sous un jour aussi favorable que dans le roman. A noter que, malgré sa mort dès le début de l'histoire, son rôle est rendu non négligeable et même important par les multiples retours en arrière qui permettent de bien cerner son personnage. La musique nostalgique diffusée lors des scènes de rencontres entre Josée et ses amants accentue la tendresse et l'émotion dégagées par cette jeune femme qui a su fort bien mener son affaire. On peut penser que, même si elle a berné les hommes qui l'entretenaient, elle n'était pas totalement cynique mais avait pour chacun d'eux une sorte de respect, et même d'affection. Les amants, parlons en justement. Outre Florentin, ex-amant de cœur et seul informé de l'existence de ses concurrents, auprès de qui il se faisait passer pour le frère de Joséphine, le jeune rouquin qui s'apprêtait à le remplacer ne joue qu'un rôle mineur dans cette affaire. En revanche, les trois autres, qui finançaient la victime, sont des personnages intéressants, incarnés par de très bons acteurs. Marcel Cuvelier et Henri Genès, dans des registres différents, interprètent des hommes naïfs sincèrement épris de Joséphine Papet et stupéfaits d'apprendre la vérité sur les agissements de leur protégée. Avec Jacques Dacquime, parfait comme à son habitude, on a affaire à un handicapé qui veut paraître cynique, mais se révèle au fond beaucoup plus fragile que les deux autres. A ne pas manquer la scène finale, lorsque Dacqmine montre qu'il peut se départir de ses traditionnels rôles de bourgeois ou d'aristocrates autoritaires pour jouer sur des registres plus sentimentaux. Reste les policiers, dominés par un Jean Richard époustouflant, plus Maigret que jamais et sans doute que Maigret lui-même, et la concierge cupide qui fait chanter le meurtrier, criante de vérité sous les trais de Perette Souplex. Cette actrice a le physique de l'emploi, celui d'une femme du peuple sans un sou, aigrie et malsaine, qui refuse de dénoncer l'homme qui tué une femme qu'elle n'aimait pas, en échange d'une somme d'argent dérisoire. 18. MAIGRET SE DÉFEND Pour avoir secouru en pleine nuit une jeune fille perdue dans Paris, Maigret se retrouve accusé de tentative de viol. Il soupçonne le chef présumé d'un gang de voleurs de bijoux d'avoir monté une machination afin de se débarrasser de ses encombrantes investigations. L'entame particulièrement riche apporte un démenti éclatant à la réputation de lenteur, de manque de rythme accolée à la série. En l'espace des seules cinq premières minutes, on retrouve avec plaisir le docteur Pardon, ami de Maigret impeccablement interprété par l'excellent Marcel Cuvelier, et on fait la connaissance du sémillant préfet de police, tout ceci en alternance avec des plans de coupe sur les rues des quartiers populaires de Paris, au son d'une complainte de chanteur des rues bien adaptée à l'atmosphère de ces petites rues si sympathiques. Parti sur de très bonnes bases, on se retrouve dans des dispositions idéales pour apprécier pleinement un épisode qui s'annonce de grande qualité. La suite confirme les premières impressions, avec la machination sordide qui se referme sur le commissaire. Bien sûr, Maigret apparaît terriblement naïf sur le coup, mais cela va permettre de développer une enquête passionnante. On ne tarde pas à retrouver le préfet, archétype du haut-fonctionnaire mis en place par la gauche après sa victoire de l'année 1981 : décontracté, jouant au tennis, beau parleur et porteur de projets grandiloquents, ce préfet du changement, surnommé « le préfet-balai », n'apprécie pas les méthodes trop traditionnelles du commissaire à la pipe, qu'il juge dépassées. Pensez donc, s'appuyer encore sur des indicateurs ! Il ne serait donc pas fâché de profiter de cette mésaventure pour se débarrasser de ce policier à l'ancienne hérité des pouvoirs précédents. Jean Richard nous a habitués à des performances de haut vol, mais ici il est encore meilleur, si c'est possible, qu'à l'accoutumée, en commissaire soupçonné d'indélicatesse à trois ans de la retraite. Nostalgique, déçu de flairer le criminel du « mal pour le mal » évoqué en début d'épisode avec son ami Pardon, remarquablement instinctif et tenace dans son enquête, adoptant le ton juste avec Palmari, pour qui il a une sorte d'estime, ainsi qu'avec sa compagne, Maigret est magnifié par la composition époustouflante de vérité d'un Jean Richard exceptionnel. La distribution est d'ailleurs une réussite complète. Jacques Rispal crée un inspecteur Barnacle convaincant. Il s'agit d'un personnage de policier à l'allure de Monsieur-tout-le-monde, bien utile pour prendre des photos en pleine rue tout en passant inaperçu. Mention aussi pour les autres acteurs interprétant les policiers, tous très bons. Robert Manuel et Elisabeth Margoni, étonnants de naturel, forment un couple de gangsters sympathiques, un peu bougons devant les visites répétées de Maigret. Et Liliane Rovère : cette actrice vue notamment dans plusieurs films de Bertrand Blier, interprète l'assistante du docteur Mélan, et se montre parfaite en tous points dans ce rôle de femme d'apparence revêche dotée d'un cœur d'or. Comme il se doit, Maigret finira par comprendre que Palmari n'est pour rien dans la machination, trop tortueuse pour son esprit direct, et que tout vient du docteur Mélan, le voisin d'en-face, criminel apeuré par la présence quotidienne de ce célèbre policier, trop hâtivement imputée à une surveillance sur sa personne alors que Maigret ne s'intéresse qu'à Palmari ! Il est cocasse que ce coup monté finisse par faire prendre son auteur, chirurgien-dentiste inconnu des services de police et qui, au départ, n'était évidemment soupçonné de rien. En fin d'épisode, une fois l'affaire résolue, aucun préfet de police ne suggère plus à Maigret de prendre sa retraite anticipée. Au contraire, il se voit confier à nouveau l'enquête sur les vols de bijoux, qui se poursuivra dans le téléfilm suivant, bien entendu à regarder dans la foulée de celui-ci. *Il est curieux de retrouver Marcel Cuvelier, qui interprétait dans l'épisode précédent un suspect, dans le rôle du docteur Pardon, médecin généraliste et vieil ami de Maigret. Il reviendra à plusieurs reprises sur la série pour incarner ce personnage de confident du commissaire. 19. LA PATIENCE DE MAIGRET L'ancien truand Manuel Palmari, que Maigret soupçonnait d'être l'organisateur des cambriolages récurrents de bijouteries parisiennes, est assassiné à son domicile de trois balles de revolver. Le commissaire mène l'enquête parmi les occupants de l'immeuble, d'où aucun visiteur n'est entré ni sorti pendant la matinée du crime. Même si les deux enquêtes peuvent être vues séparément, il est préférable de visionner celle-ci tout de suite après la précédente, dont elle constitue la suite logique. Antenne 2 avait d'ailleurs diffusé les deux épisodes inédits à une semaine d'intervalle. Dans Maigret se défend, le commissaire avait vu ses investigations chez Palmari interrompues par l'affaire du dentiste. Cette dernière résolue, la multiplication des cambriolages de bijouteries le conduit à reprendre son jeu du chat et de la souris avec Manuel Palmari, qu'il soupçonne depuis vingt ans de ne pas être aussi retiré des affaires qu'il veut bien le faire croire. Hélas ! Palmari est assassiné, et même sa compagne Aline Bauche, de trente ans sa cadette et ancienne prostituée notoire, ne peut être lavée de tout soupçon. On peut regretter le changement de réalisateur pour cette suite car Alain Boudet n'a pas su donner le même rythme, le même allant que Georges Ferraro sur Maigret se défend. Néanmoins, cet épisode doté d'une enquête solide reste riche en bons moments, procurés notamment par l'interprétation convaincante de la séduisante Elizabeth Margoni et le jeu subtil de Jean-Pierre Kalfon, très à son affaire dans un rôle de crapule. A noter l'analyse pertinente des méthodes de Maigret par le juge d'instruction. Pour lui, le commissaire fait preuve d'un « pragmatisme anarchique » : il laisse croire aux suspects qu'il en sait beaucoup plus que ce dont il dispose, afin de les inquiéter et de les pousser à la faute. Bien observé, Monsieur le Juge ! 20. MAIGRET À VICHY Le couple Maigret séjourne à Vichy pour une cure thermale lorsqu'une belle inconnue qu'il avait remarquée au cours des concerts du soir est assassinée à son domicile. Le commissaire va donner un coup de main à la police locale, dirigée par un de ses anciens inspecteurs. Écrivons-le sans ambages, cet épisode est une splendide réussite, symbolique de tout ce qui a fait le succès de la série. Il ne peut y avoir de titre moins trompeur puisque l'action se déroule entièrement dans la célèbre station thermale de l'Allier. Les décors naturels de cette ville tranquille se marient particulièrement bien avec l'aspect débonnaire du couple vedette. Autant Maigret en Amérique, ou même dans le Sud de la France, paraissent incongrus, autant le commissaire et son épouse semblent nés pour aller en cure à Vichy, ville dont l'atmosphère rétro et paresseuse fait bon ménage avec la bonhommie du plus illustre policier de France. Une ambiance réussie ne serait pas grand-chose sans une enquête passionnante, et l'on est gâtés aussi en ce domaine. Les investigations menées en vue de découvrir le secret de la fort étrange victime suscitent un intérêt certain, qui ne fait que croître au fur et à mesure que le mystère s'épaissit : comment une petite employée de bureau a-t-elle pu acquérir une telle fortune et s'arrêter de travailler tout en continuant à vivre de façon confortable ? D'où vient son argent ? Probablement d'un chantage, mais au sujet de quoi et surtout aux dépens de qui ? La vérité éclatera au cours d'une scène finale pathétique et confirmera le pressentiment de Maigret, à savoir que la principale victime n'est autre que le meurtrier... Le fin mot de l'histoire apparaît même monstrueux, comme le souligne à plusieurs reprises Pélardeau, effondré de découvrir le machiavélisme de son ancienne maîtresse. L'interprétation, qui ne comporte aucune fausse note, va sceller l'excellence de cette enquête. Elle est dominée par deux acteurs en particulier, eux-mêmes entourés d'une pléiade de bons comédiens. L'un d'eux est bien entendu un Jean Richard au sommet de son art, par sa façon d'exprimer à la perfection, et sans que cela provoque la moindre dissonance, tant le côté pépère de Maigret dans sa vie privée que sa pugnacité et sa finesse psychologique dans sa vie professionnelle, les meilleurs atouts qui soient pour trouver le chemin de la vérité. L'autre est la sympathique Blanche Ravalec. J'avais gardé de cette actrice le souvenir d'un second rôle dans La carapate, film de Gérard Oury avec Pierre Richard, où elle interprétait une jeune paysane volage aux prises avec son mari jaloux, incarné par Claude Brosset, dans une scène au ton vaudevillesque affirmé. Quelques années plus tard, on la retrouve dans un rôle de coiffeuse, mais toujours aussi légère et court vêtue. Son physique avenant, mis en valeur par ses tenues n'ayant pas nécessité beaucoup de tissu, excite les inspecteurs chargés de l'enquête, qui se rincent l'œil sans vergogne au cours de la scène finale dans le casino. La belle Blanche se montre absolument parfaite dans le rôle de Francine Lange, obstinée dans son refus de révéler le secret de sa grande sœur. Évidemment, il semble qu'elle ait profité elle aussi de l'argent amassé bien trop facilement par Hélène Lange... Citer les autres satisfactions de la distribution s'apparente à une longue énumération. Annick Tanguy, dont le couple formé avec Jean Richard sonne toujours aussi juste. Didier Raymond dans le rôle du voisin cynique et ironique de la victime, accablé par ses dettes de jeu. Gisèle Grimm, avec son air mystérieux, semble sortir tout droit du roman de Simenon pour incarner l'énigmatique Hélène Lange. Les inspecteurs locaux apportent un dérivatif aux habituels Lucas, Janvier et Lapointe des enquêtes parisiennes. Ils bénéficient du jeu très au point de bons comédiens. Et encore le meurtrier-victime, composé par un Jean Vigny particulièrement convaincant en asthmatique âgé, accablé par un drame qui le dépasse. Même les tout petits rôles apportent des touches sympathiques, à l'image de celui de la jeune et insouciante femme de ménage, tenu par Lorella Di Cicco. 21. LA NUIT DU CARREFOUR (2ème version) Un Danois et sa sœur ont tenté de s'enfuir après avoir découvert dans leur garage la voiture de leur voisin avec un cadavre dedans. Ils nient toute implication dans le meurtre, ce qui pousse Maigret à enquêter chez eux, près d'un étrange carrefour où il se passe de drôles de choses... Cette seconde adaptation ne restitue toujours pas l'atmosphère particulière du roman, mais s'avère plus intéressante que la première. Malgré quelques retouches, le scénario est conforme au roman, et le choix des acteurs est judicieux. Lisa Kreuzer, excellente, fait oublier la prestation en demi-teinte de l'actrice de la première version, et Rudiger Vogler compose un Carl Andersen inquiétant à souhait avec son œil de verre, un physique idéal pour passer pour un fou. On retrouve Denis Manuel pour interpréter le juge Coméliau. Mais la réussite la plus éclatante de la distribution est Michel Galabru : quel autre que lui aurait pu mieux interpréter le geignard M. Michonnet ? Personne tant ce personnage semble avoir été écrit pour un acteur tel que lui. On peut regretter que la musique particulièrement triste ne soit pas parfaitement adaptée à l'atmosphère originelle de l'histoire, qui est résolument policière et à suspense, mais cela ne gâche pas les qualités de cette adaptation. Certes, le roman est excellent, mais on a vu sur la série que cela ne suffisait pas toujours. En somme, une adaptation sérieuse interprétée par de très bons comédiens. Que demander de plus ? *Cet épisode est inédit en DVD. 22. LE CLIENT DU SAMEDI Un homme alcoolique et dépressif prévient Maigret qu’il risque de tuer sa femme. Le commissaire croit le drame possible car le malheureux invoque de solides raisons : humilié par son épouse qui le trompe ouvertement avec son associé, et sous son propre toit où son rival l’a déjà remplacé, l’homme semble au bout du rouleau. Peu après, il disparaît… Rien que du logique dans cet épisode sans intérêt : un roman raté donné rarement une adaptation réussie, bien que la série ait parfois démontré le contraire. Mais pas ici ! Et encore, il faut saluer les efforts de la production, qui a expurgé les aspects les plus sordides et les plus invraisemblables de l’œuvre originale (si on peut l’appeler ainsi…) Il est visible que même les comédiens ont du mal à se motiver face à ce scénario indigent. Quand Simenon partait dans des sempiternelles histoires de demi-portions minables, d’hommes falots méprisés par tous et surtout par leur propre famille, il lui arrivait de devenir médiocre, voire très mauvais. Dans ces conditions, si le jeu de Jacques Duby est louable dans le rôle du piteux Planchon, Martine Chevallier et Philippe Bouclet ont du mal à rendre crédibles les personnages de ses persécuteurs. Les seules éclaircies à enregistrer sont pour le couple Maigret, toujours agréable à voir évoluer, et pour leur ami le docteur Pardon, que l’on a grand plaisir à retrouver sous les traits de Marcel Cuvelier. Ceci ne suffit pas à sauver un épisode aussitôt terminé, aussitôt oublié. *Cet épisode est inédit en DVD. 23. LE REVOLVER DE MAIGRET Maigret apprend par son ami le docteur Pardon qu'un petit escroc vieillissant et dépressif souhaite le rencontrer. L'homme tient des propos incohérents au sujet de la disparition de son fils, mais cette affaire d'apparence insignifiante va prendre de l'ampleur avec la découverte du cadavre d'un parlementaire. Une enquête longue à démarrer, on se demande pourquoi Maigret s'intéresse autant à ce pitoyable Lagrange. Tout s'emballe grâce à la concierge, fort heureuse de dénoncer les trafics de ce locataire forcément malhonnête puisqu' « il traîne en pyjama jusqu'à midi ». Les révélations de la pipelette permettent de découvrir la malle et le cadavre du député Delteil, mis en consigne à la gare du Nord par Lagrange. Ce détail a un goût de réchauffé : dans Un Noël de Maigret, une suspecte prenait un taxi pour déposer en consigne à la gare du Nord une valise encombrante... Redite aussi, doublée de caricature de roman policier tout ce qu'il y a de plus classique, avec le fin mot de l'histoire. Le chantage, probablement plus présent dans les romans, films et séries que dans la vie réelle, nous est habituellement servi par les écrivains et scénaristes en petite forme ou en manque d'imagination. Dans ces conditions, il était difficile de réaliser un téléfilm captivant. Les producteurs s'en sont sortis honorablement grâce à la partie centrale de l'histoire, agréable à suivre entre la découverte du cadavre et le départ pour Londres, ville où Maigret paraît aussi à l'aise qu'un cancre pendant un examen de géométrie. Bons points aussi pour les bonnes compositions de Michel Robin en personnage louche, malade et paranoïaque, et de Marcel Cuvelier, le meilleur docteur Pardon vu sur la série. En revanche, la musique est épouvantable (rendez-nous le générique habituel !) et l'escapade à Londres n'apporte rien, bien que l'exaspération visible du commissaire face aux habitudes du monde anglo-saxon soit habilement transposée à l'écran. 24. MAIGRET AU PICRATT'S Une stripteaseuse se rend au commissariat afin de dénoncer un projet de meurtre fomenté contre une comtesse, dont elle aurait entendu parler par deux clients du cabaret où elle se produit. Elle rentre chez elle après s'être rétractée, et est retrouvée assassinée quelques heures plus tard. A l'image de Maigret et son mort, c'est une déception de ne pas retrouver dans l'adaptation ce qui avait fait la réussite du roman. Dès le début, la vision d'Arlette produit un choc. La jeune femme décrite par Simenon était une brune piquante dotée d'un charme particulier. Pascale Pellegrin est une actrice à l'opposé de ce physique, une blonde quelconque un peu mièvre, pas spécialement attirante et dotée d'une voix énervante. On ne pouvait pas faire un choix plus mauvais. Autre erreur de distribution, Jacques Rispal dans le rôle de l'inspecteur Lognon. Ce très bon acteur n'a pas du tout l'allure du policier grognon sorti de l'imagination de Simenon, et encore moins l'attitude. Qu'est-ce que ce personnage graveleux, ironique, malsain et même vicieux, peut bien avoir en commun avec le « vrai » Malgracieux qui, comme son surnom l'indique, ne passe pas son temps à ricaner, ni à faire des allusions salaces ? Autre singularité, cependant moins gênante, le fait de retrouver Jacques Dynam, qui fut entre autres l'inspecteur Bertrand, adjoint du commissaire Juve-De Funès dans la série des Fantômas, dans un rôle secondaire de flic de quartier. Preuve qu'en ce milieu des années 80, les tenants de la police de la pensée avaient déjà entamé leur travail de sape, tous les aspects politiquement incorrects du roman ont été purement et simplement éliminés : le médecin louche n'est plus ni Juif, ni toxicomane, et les violentes diatribes homophobes des policiers à l'encontre du jeune protégé de la comtesse ont d'autant plus disparu que le nommé Philippe Mortemare n'est même plus homosexuel ! Evidemment, les côtés les plus extrêmes du roman ne pouvaient être adaptés tels quels, mais les effacer entièrement affadit le scénario. Parmi cette succession d'erreurs et de trahisons se sont glissées quelques éclaircies, dont une amusante discussion entre Madame Maigret et son époux au sujet du commissaire Cabrol des Cinq dernières minutes, que son alter-ego fumeur de pipe ne semble guère apprécier. Et le scénario, basé sur un roman excellent, offre une enquête solide qui atténue un peu les faiblesses de l'adaptation. Crédits photo: lmlr. Images capturées par Phil DLM. |
Maigret - Jean Richard (1967-1990) 2ème époque: 1972-1979
15. Maigret, Lognon et les gangsters 18. Au rendez-vous des Terre-Neuvas 19. Maigret et le marchand de vin 20. Maigret et les témoins récalcitrants 22. Maigret et l'affaire Nahour L'âge d'or Avec l'arrivée de la couleur, les espoirs suscités par la fin de la première époque se concrétisent, c'est incontestablement la meilleure époque de la série qui arrive, au cœur de l'insouciance des années 70. Les adaptations sont généralement réussies, elles arrivent même à améliorer certains romans avec des innovations judicieuses. C'est au cours de cette partie de la série que les réalisations sont les plus abouties, exit bien entendu les narrateurs intempestifs, mais bonjour les ambiances « simenoniennes » bien transposées et les scénarios les mieux alambiqués. N'oublions pas les comédiens les plus performants et les mieux choisis, ce qui n'était pas toujours le cas auparavant, et redeviendra problématique au cours des années 80, notamment pour l'inspecteur Lognon ou les adjoints de Maigret. Jean Richard est désormais totalement entré dans le personnage de Maigret. Alors qu'il avait longtemps tâtonné à ses débuts, et que par la suite l'âge et la fatigue le rendront plus inégal, la plupart de ses prestations au cours de cette époque sont excellentes. Il incarne un Maigret au caractère étonnamment proche du héros de Simenon, à la fois bourru et maussade mais extrêmement humain et doté d'un sens psychologique exceptionnel. Ce caractère fidèlement joué fait oublier la différence physique entre Maigret, un colosse, et Jean Richard dont la stature se situe plus dans la normale. C'est au cours de cette époque que la production, après quelques années passées sans participation de l'épouse du commissaire, va enfin doter l'homme à la pipe de l'actrice qui marquera tous les amateurs de la série dans le rôle de Madame Maigret. Annick Tanguy, épouse de Jean Richard à la ville, le devient aussi à l'écran pour le rester jusqu'à la fin de la série, pour notre plus grand bonheur tant elle incarne une épouse parfaitement fidèle à la description qu'en fait Simenon. Cette série nous offre l'occasion de revoir des comédiens célèbres à l'aube de leur carrière. Ainsi on rencontre au gré des épisodes des acteurs comme Gérard Depardieu ou Michel Blanc. Des acteurs et actrices confirmés ont participé eux aussi en tant que vedettes invitées, telles Suzanne Flon ou Ginette Leclerc, auteurs de performances époustouflantes, ou encore Michel Robin, Jacques Castelot, Claude Brosset, Jacques Morel, Jean-Pierre Castaldi, Catherine Allégret, Maurice Barrier, Roland Giraud, Simone Valère. Revoir la série, c'est donc aussi revoir plusieurs générations de comédiens français, qui montrent de façon éclatante à quel point la France a longtemps été riche en la matière. Ainsi, la qualité est soutenue au cours de cette période, et les multiples atouts mis en évidence ont même permis de produire de très grands épisodes. La plupart des classiques de la série sont issus de cette époque, même si on en trouvera encore quelques-uns par la suite. 1. PIETR-LE-LETTON Alerté par Interpol, Maigret surveille l'arrivée en gare du Nord de Pietr-le-Letton, un redoutable escroc international. Un sosie du Letton est découvert mort dans les toilettes du train. Une enquête inégale avec ses moments d'action et de suspense, tels l'attentat sur Maigret et l'assassinat d'un de ses inspecteurs. L'ambiance glauque de l'environnement d'Anna Gorkine est correctement décrite, et la musique d'inspiration slave bien adaptée à l'atmosphère de l'épisode. La mise en scène de Jean-Louis Muller n'est pas dénuée d'originalité, comme en témoigne le générique, filmé depuis la cabine d'un conducteur de train sur fond de rapport d'Interpol tapé à la machine. Mais ce premier épisode en couleurs n'arrive pas à être totalement satisfaisant. Le principal défaut est le fond de l'intrigue, trop facile à deviner dès lors qu'un des jumeaux est découvert mort. De trop nombreuses lenteurs gâchent le rythme et Maigret est mal secondé par des inspecteurs qui commettent bourde sur bourde. Si le choix de débaptiser Torrence est compréhensible et était même souhaitable car on pouvait difficilement faire mourir un inspecteur que l'on retrouvera dans la plupart des épisodes suivants, on ne peut que regretter le choix du lieu de résidence de Madame Swann dans les environs de Chantilly. Le roman situait l'endroit en Normandie, et d'ailleurs Madame Swann était décrite comme une Normande à cent pour cent. La scène de reddition, interminable, perd tout son charme avec ce tournage nocturne parmi les voies ferrées désertes de la gare de Chantilly. Le Sud de l'Oise n'a évidemment rien à voir avec Fécamp ou Étretat… 2. MAIGRET EN MEUBLÉ Alors qu'il surveillait le domicile d'un petit délinquant recherché pour vol à main armée, l'inspecteur Janvier s'écroule, victime d'une balle de revolver. Opéré en urgence, ses jours ne sont pas en danger. Maigret décide de s'installer à la pension meublée tenue par Mademoiselle Clément, où Paulus, le jeune voyou, était locataire, afin de dénicher le coupable. Une enquête menée sans temps mort et qui montre du Simenon pur sucre grâce à une adaptation sobre et fidèle. Claude Boissol nous offre une succession de scènes réussies, tant au niveau du scénario que des prestations des comédiens. Au sein de cette histoire sombre et pessimiste, la joyeuse Mademoiselle Clément détonne par son caractère enjoué. Mony Dalmès en fait un peu trop dans ce registre, mais demeure sympathique. La scène où elle est contrainte d'ingurgiter un énorme sandwich en pleine nuit pour ne pas trahir Paulus vaut le coup d'œil et va mettre Maigret sur le chemin de la vérité. Le commissaire, de prime abord agacé, finit par s'habituer au personnage et se montre bienveillant à son égard. Jean Richard crée une nouvelle fois un Maigret tenace et authentique. Bourru, certes, parfois dur avec les suspects, mais toujours juste et humain comme le démontre son attitude avec Mademoiselle Clément et avec Paulus, ainsi que l'arrangement final. Paulus, justement, est interprété par un Gérard Berner plus inspiré que dans Cécile est morte, bien qu'il s'agisse encore d'un rôle de jeune couard et nerveux, plus victime de circonstances défavorables que vrai méchant. Autre satisfaction, Barbara Laage sous les traits de Madame Désiré, cette femme infirme qui semble cacher un secret. Le personnage de Madame Désiré est doublement intéressant: d'abord, car c'est un élément clé de l'intrigue ; ensuite, parce son histoire est touchante sans exagération, c'est-à-dire que l'on ne tombe pas dans le mélodrame larmoyant de type roman pour adolescentes. La galerie des seconds rôles est bien pourvue avec notamment Annick Alane, abonnée sur la série aux rôles de concierges qu'elle interprète avec un naturel bien dosé, femme du peuple mais jamais populacière. Belle surprise de retrouver la sympathique Évelyne Buyle, devenue de nos jours l'ex-épouse de Louis la Brocante, mais ici femme sexy et aguichante. Mais aussi Évelyne Dress, une autre pensionnaire de Mademoiselle Clément. Et Philippe Brigaud : son nom ne dit peut-être rien mais son visage est bien connu de tous tellement il a enchaîné tout au long de sa carrière un nombre impressionnant de rôles secondaires. Ici, il interprète un charcutier. 3. MON AMI MAIGRET Maigret est envoyé sur l'île de Porquerolles pour élucider l'assassinat d'un homme qui avait prétendu être son ami. Il est accompagné de l'inspecteur Pike de Scotland Yard, désireux de découvrir les méthodes de la police française. Cet épisode peut être vu comme le symbole éclatant de la grande époque de la série, lorsque l'adaptation était capable de transformer un roman loin d'être exceptionnel en téléfilm génial. Quel plaisir de voir et de revoir cette enquête rondement menée, presque jubilatoire, tournée dans les magnifiques décors naturels d'une des plus belles îles de la Méditerranée française ! Les quelques modifications de scénario n'ont pas trahi l'œuvre originale, mais au contraire l'ont améliorée. Du coup, on ne s'ennuie pas une seconde. Non que le rythme soit particulièrement trépidant, mais les atouts principaux sont une enquête consistante et surtout un défilé d'acteurs tous au meilleur de leur forme. À commencer par Jean Richard, dont les mimiques désabusées montrent de façon explicite à quel point la présence de Pike l'irrite. Il est tout aussi remarquable dans sa façon d'exprimer tout son mépris envers Philippe, ce fils de bourgeois oisif et parasite typique de l'univers de Simenon. On peut ressortir également Micheline Luccioni, parfaite dans le rôle d'une ancienne prostituée que Maigret avait aidée en l'envoyant en sanatorium, et qui craint d'avoir déçu le commissaire en restant par la suite dans le milieu en tant que sous-maîtresse d'une maison de passe niçoise. Et aussi Michel Jourdan dans le rôle de Charlot, un truand qui joue franc jeu. Mais la sensation de l'épisode est bien entendu la présence de Gérard Depardieu dans un de ses premiers rôles. Son jeu exceptionnel en jeune peintre hollandais rebelle, ironique et sournois en fait le meilleur interprète possible pour De Greef et montrait dès cette époque tout le potentiel de l'acteur, qui n'allait pas tarder à exploser pour devenir la star que l'on connaît. 4. MAIGRET ET L'HOMME DU BANC Un homme apparemment sans histoires a été mortellement poignardé en plein jour dans une rue de Paris. Maigret ne tarde pas à découvrir que la victime menait une double vie et avait d'importants revenus d'origine indéterminée. Une enquête passionnante menée selon les méthodes traditionnelles de Maigret, interrogatoires des témoins par lui-même et immersion dans l'univers de la victime, pour se terminer par une histoire de gangsters certes conventionnelle mais offrant une conclusion de très bonne facture. Simenon est coutumier de ces personnages à la fois simples et hors du commun, mais toujours attachants, à l'image de ce Louis Thourret, si brave et si sympathique, presque émouvant. L'originalité de cette enquête est que la description psychologique s'accompagne d'une histoire policière consistante. Le choix de filmer toujours Thourret de dos peut être agaçant mais dénote d'une certaine originalité. Hormis cette fantaisie, la mise en scène est un modèle de sobriété, dans le bon sens du terme. On peut en dire autant du jeu de Jean Richard, d'une finesse exemplaire. Tous les acteurs, principaux ou secondaires, sont excellents, de Monique Couturier, l'épouse désagréable, à Frédérique Ruchaud la maîtresse douce et compréhensive, en passant par Annick Fougery, habituée aux rôles de concierges sur la série, ou Antoinette Moya, la prostituée de service qui se méprend sur les intentions de Maigret lorsque le commissaire l'invite à monter dans sa chambre... 5. MAIGRET ET LA JEUNE MORTE Maigret enquête sur la mort d'une jeune fille de vingt ans, timide et solitaire. Son corps a été retrouvé en pleine nuit dans un square du VIIIe arrondissement. Le commissaire fait équipe avec l'inspecteur Lognon, toujours aussi malgracieux. Un épisode magnifique et poignant, peut-être le meilleur de la série. Simenon aimait raconter la vie des gens humbles et solitaires, inadaptés à la société qui les entoure. Au-delà de la vie difficile de la victime, il s'attaque avant tout à l'indifférence en décrivant la malheureuse Louise Laboine entourée de parents, d'amies et de relations tous plus mesquins les uns que les autres. Drapés dans leur fausse bonne conscience et leurs certitudes morales conventionnelles, eux-mêmes parfaitement adaptés à leur époque et leur milieu, ils sont incapables de comprendre les difficultés vécues par la jeune fille, lui attribuent tous les défauts de la terre alors qu'elle ne cherche qu'à vivre une vie normale, à rencontrer un peu de chaleur humaine et de compassion. Une relation particulière se noue entre Louise et le commissaire, bien que ce dernier ne l'ait jamais rencontrée vivante. Au travers des différents témoignages et recoupements, il arrive à comprendre son caractère et la prend en affection. Ainsi, il reste fidèle à ses méthodes consistant à se glisser dans la peau tant des victimes que des assassins. Jean Richard livre une de ses meilleures compositions, son jeu empreint de tact et de sensibilité fait à nouveau merveille. Dans le rôle de Louise Laboine, la trop méconnue Christine Laurent est étonnante de vérité. Tout comme Maigret, on est tout de suite séduit par sa grâce, sa beauté, ses superbes yeux bleus mélancoliques et surtout son regard, ce regard magnifique qui exprime une telle tristesse. Mais pourquoi cette sublime actrice, que l'on reverra avec plaisir dans la série, n'a-t-elle pas fait une plus brillante carrière ? Le reste de la distribution est aussi très satisfaisant, Bernard Lajarrigue en tête. Voilà enfin le vrai Lognon de Simenon, paranoïaque à tel point qu'il en devient insupportable. On s'attend toujours à ce qu'il joue les Calimero et nous débite avec un ton consterné le traditionnel : « Ah ! C'est vraiment trop injuste ! »... 6. MAIGRET ET LE CORPS SANS TÊTE Un cadavre masculin sans tête est repêché dans le canal Saint-Martin. Maigret soupçonne l'épouse d'un patron de bar, une femme étrange qui ne semble guère s'inquiéter de la disparition de son mari. Le duel feutré entre Maigret et Madame Calas donne toute sa force à cette enquête aux ressorts essentiellement psychologiques. Deux grands acteurs sont face-à-face : Jean Richard, plus Maigret que jamais, essaie de comprendre cette femme mystérieuse qui ne semble pas être à sa place en tenancière de bar. Suzanne Flon compose une splendide Aline Calas, qu'on croirait sortie tout droit du roman de Simenon. Cette femme usée, résignée, alcoolique et collectionneuse d'amants non pas par plaisir ni par vice, mais pour s'avilir toujours plus dans la déchéance, la grande Suzanne Flon s'en est imprégnée. Son jeu restitue à la perfection l'aspect pathétique du personnage, que Maigret tout comme le spectateur sont plus enclins à plaindre qu'à blâmer. Aline Calas est un des personnages les plus marquants de l'œuvre de Simenon, et on ne peut que féliciter les producteurs d'avoir choisi l'actrice adéquate pour lui donner vie. Autres satisfactions dans la distribution, Dominique Davray dans son rôle traditionnel de prostituée, cette fois-ci inquiète de la concurrence déloyale, car gratuite, d'Aline Calas. Mais aussi et surtout Gabriel Cattant, très juste en juge Coméliau impatient, autoritaire, conformiste et impitoyable. Un anti-Maigret en quelque sorte, ce qui explique l'antipathie vivace que lui voue le commissaire. Les seuls légers regrets ont trait à la présence de quelques lenteurs et à une scène de tribunal qui ne s'imposait pas et termine l'épisode en queue de poisson. Le commentaire en voix off sur l'attitude du juge Coméliau à propos du chat de Madame Calas, « De cela, Maigret devrait en vouloir au juge toute sa vie. », aurait été préférable, et même parfait, en guise de conclusion. 7. MAIGRET ET LA GRANDE PERCHE Un cambrioleur a aperçu un cadavre de femme dans une maison bourgeoise où il s'apprêtait à percer le coffre-fort. Pris de panique, il s'enfuit de Paris, ce qui décide son épouse à prévenir Maigret. Le commissaire mène l'enquête chez un chirurgien-dentiste de Neuilly, un solitaire qui semble vivre sous la coupe de sa vieille mère. Encore une enquête relevant de l'étude de caractères, caractéristique de l'univers de Simenon. L'atmosphère du roman est bien transposée à l'écran, et cette histoire prouve s'il en était encore besoin que l'on peut créer un bon téléfilm policier sans coups de feu, poursuites en voitures ni flics roulant des mécaniques. Le jeu des acteurs contribue beaucoup à la réussite de l'épisode. Jacques Morel incarne un docteur Serre taciturne et résigné et Madeleine Renaud lui donne parfaitement la réplique en vieille dame ingrate et manipulatrice. Joëlle Bernard apporte sa gouaille et sa truculence au personnage de la « Grande Perche » et Jenny Clève compose une femme de ménage aigrie et revancharde très réaliste. 8. LA FOLLE DE MAIGRET Une vieille dame demande la protection de Maigret, persuadée qu'un inconnu fouille son appartement en son absence. Elle est assassinée avant que le commissaire, qui l'a prise pour une folle, ne se décide à lui rendre visite. Sa nièce, éprise d'un gigolo acoquiné avec le Milieu, est la première suspecte. La sensibilité de Maigret est une nouvelle fois soumise à rude épreuve. Le commissaire se trouve aux prises avec le remord de n'avoir pas pris la vieille dame au sérieux et se considère comme responsable de sa mort. L'intrigue est fort bien menée, avec une plongée dans le monde de la pègre d'autant plus inattendue que l'on semblait parti pour un remake sans saveur de Cécile est morte, avec encore une victime non prise au sérieux par Maigret dans une affaire d'objets mystérieusement déplacés. La distribution est remarquable. Dora Doll accomplit une belle performance dans le rôle de la nièce, se montrant bien plus avenante que le personnage du roman, une brune assez « hommasse ». Jean-Pierre Castaldi est parfait en gigolo et Jean-Claude Dauphin convaincant en jeune musicien sympa et décontracté. Dommage qu'on l'ait affublé d'un chapeau melon pas plus en accord avec ses cheveux longs et son personnage que ne le serait un blouson noir porté par un évêque... Seule fausse note, l'acteur incarnant le marchand d'oiseaux joue horriblement mal, il est visible qu'il en fait trop. Au contraire, les autres petits rôles, tels ceux du commissaire Marella et du truand Giovanni, sont excellents. 9. LA GUINGUETTE À DEUX SOUS Avant de mourir, un truand grièvement blessé à la suite d'un braquage révèle à Maigret avoir assisté à un assassinat quelques années auparavant. Le commissaire se rend dans une guinguette rétro qui serait fréquentée par l'assassin, et il assiste à la mort d'un homme, vraisemblablement victime d'un meurtre. Le gros point noir de l'épisode est la première demi-heure constituée essentiellement d'interminables scènes de guinguette, ennuyeuses au possible, et responsables de la durée inhabituelle du téléfilm. Si l'on arrive à passer ce cap, aidé par la touche « avance rapide » de son lecteur de DVD, on peut trouver un certain intérêt à l'enquête, améliorée par le scénario et c'est heureux car le roman adapté est inintéressant. La seule performance de Claude Brosset, admirable dans le rôle de Marcel Basso, vaut la peine de regarder l'épisode. Brosset est bien entouré par de très bons comédiens parmi lesquels on ressortira Philippe Mercier, parfait interprète de l'énigmatique James, et la troublante Valérie Bonnier qui compose une excellente Mado, cette femme volage dont les frasques sont mises à profit par son mari. Cet individu peu scrupuleux n'hésite pas à soutirer de l'argent aux amants de son épouse... 10. MAIGRET HÉSITE Une lettre anonyme prévient Maigret de l'imminence d'un meurtre familial sans préciser l'endroit où il devrait se produire. Le commissaire parvient à remonter jusqu'au domicile d'un avocat, Maître Parendon, dont un membre de l'entourage est vraisemblablement l'auteur de la lettre anonyme. Une ambiance tendue, mystérieuse, règne chez Parendon... Aucun coup de revolver, pas de filatures, ni gangsters ni prostituées, il ne s'agit pas d'une enquête policière traditionnelle mais d'un authentique récit à la sauce Simenon, comme il aimait en produire. Maigret se meut au sein d'une atmosphère pesante, analyse le caractère des personnages, flaire, essaie de comprendre. Cette étude psychologique à l'état pur est passionnante de bout en bout. Seule la scène finale s'avère un rien décevante, mais dans ce type d'enquête il ne faut pas s'attendre à une conclusion haletante, à un déploiement de forces spectaculaire pour arrêter un assassin armé jusqu'aux dents. Un tel épisode aurait pu devenir rapidement ennuyeux s'il n'avait bénéficié de performances d'acteurs convaincantes. Fort heureusement, une ribambelle de très bons comédiens nous offrent des prestations captivantes. Jean Richard incarne un Maigret concentré, intuitif, réfléchi, pleinement impliqué dans son enquête, on peut même dire immergé dans l'atmosphère étrange de la maison Parendon. C'est presque étonnant de voir à quel point il arrive à représenter aussi fidèlement le personnage de Simenon alors que son apparence physique en est plutôt éloignée. Robert Lombard produit une performance de haute volée. Après avoir été sous-employé dans des rôles d'aubergistes ou d'hôteliers, il endosse enfin un rôle principal pour une superbe réussite. Pourtant, le rôle de Maître Parendon, ce magistrat timoré obnubilé par l'article 64 du Code pénal sur l'absence de responsabilité des déments, n'était pas des plus faciles. La composition de Monique Lejeune est tout aussi magnifique dans le rôle de Mademoiselle Vague. Cette actrice a un regard capable de communiquer tous les sentiments. Et quelle sensibilité ! N'oublions pas Françoise Christophe, parfaitement naturelle dans un rôle de demi-folle manipulatrice, ni André Falcon, doté pour une fois d'un rôle de médecin plus valorisant que les personnages de fonctionnaires obséquieux dans lesquels on l'a trop souvent confiné. Enfin, il est amusant de retrouver Catherine Laborde, une des présentatrices météo de TF1, sous les traits de la jeune Bambi. 11. MAIGRET A PEUR Invité à Fontenay-le-Comte par son ami le juge Chabot, Maigret découvre une ville apeurée par une série de crimes sanglants qui pourraient être l'œuvre d'un fou. L'atmosphère pesante d'une petite ville de province avec ses antagonismes de classes sociales est parfaitement décrite dans cet épisode passionnant. Qui plus est, l'histoire se déroule en Vendée, terrain privilégié de la noblesse pendant des siècles. Mais les temps ont changé, les nobles ont peu à peu été ruinés et contraints de s'allier avec la bourgeoisie ascendante, fait habilement exploité par le scénario au travers de l'histoire de la vieille famille noble De Courçon, réduite à sauver les meubles avec les roturiers Vernoux, issus de marchands de bestiaux. L'antagonisme bourgeoisie-noblesse échappe totalement au petit peuple, qui met tout ce beau monde dans le même sac. L'instituteur Chalus, plusieurs fois arrêté dans des manifestations de gauche, illustre à merveille la haine suscitée par les riches au sein des classes populaires. Son interrogatoire serré est un des temps forts de l'épisode. Autre moment-clé, la thèse intéressante du docteur Alain Vernoux, qui suggère qu'un fou n'agit pas sans logique, comme on est tenté de le croire, mais selon sa propre logique, une logique de fou incompréhensible par les gens normaux, mais que lui comprend et suit inexorablement. Citons aussi la scène de bridge chez les Vernoux, qui permet à Maigret d'étudier le caractère des principaux personnages, selon leur manière de jouer. Jean Richard signe une de ses meilleures compositions, exemplaire par sa sobriété et son aptitude à comprendre les personnages. Ces qualités insufflées à Maigret lui permettent de découvrir la vérité là où ses collègues s'égarent. Par contraste, Jacques Castelot représente le petit juge provincial las et dépassé par les événements, écartelé entre sa sympathie naturelle pour les notables et la peur de déplaire au reste de la population en se montrant trop bienveillant à leur égard. André Reybaz est très bon dans le rôle difficile du doucereux et pitoyable Hubert Vernoux de Courçon. Yves Peneau, vu dans plusieurs épisodes des Brigades du Tigre, est discret mais efficace dans un petit rôle de domestique. o On retrouve le docteur Vernoux sous les traits de Roger Van Hool, qui n'est autre que l'acteur interprétant Oscar dans le film du même nom avec Louis de Funès ! o Michel Morano, qui incarne avec pugnacité l'instituteur révolté Chalus, est un habitué des petits rôles, le plus souvent dans des personnages ambigus ou douteux, en raison de son physique particulier. On l'a vu notamment interpréter « la Truite » dans De la poudre et des balles, un épisode des Brigades du Tigre. 12. UN CRIME EN HOLLANDE Un universitaire français séjournant en Hollande pour donner une conférence, et soupçonné du meurtre d'un collègue, demande l'aide de la police française. Maigret est envoyé sur place pour assister à l'enquête. Si ce sont de traditionnelles investigations dans le caractère des personnages qui mènent sur le chemin de la vérité, la clé de l'énigme n'est révélée qu'à l'issue d'une méticuleuse reconstitution du crime, procédé toujours plus efficace à l'écran que dans la vie réelle. Au cours de cette ultime phase de classique facture policière, on a affaire à un Maigret digne de Columbo tellement il s'attarde sur le moindre détail matériel. Toute cette mise en scène ne sert qu'à démontrer clairement à tous, et notamment au policier local, les ressorts du crime et l'identité de son auteur, qu'il a bien sûr devinée auparavant. Malgré quelques lenteurs, cet épisode se laisse donc voir sans ennui grâce à une bonne intrigue et à la qualité de l'interprétation. Tous les acteurs se révèlent excellents, Jean Richard en tête. Mention pour Marike Van De Pooll, qui compose une jeune paysanne à la fois naïve, délurée et étonnante de spontanéité. 13. MAIGRET CHEZ LES FLAMANDS À la demande d'un cousin de sa femme, Maigret se rend à titre officieux à Givet, où une famille de riches Flamands est accusée par l'opinion publique d'avoir assassiné une jeune femme pauvre, maîtresse du fils de la famille avec qui elle a eu un enfant. Encore beaucoup d'affrontements sociaux dans cet épisode surfant sur les haines de classes. Les riches veulent rester entre eux, donc la petite Germaine Piedbœuf, fille de veilleur de nuit, dérange leurs projets. Les pauvres sont toujours prompts à penser que la police n'est là que pour protéger les bourgeois. On peut d'ailleurs penser que les pauvres n'ont pas tout à fait tort, comme le prouvera la fin de l'épisode, et malgré toutes les bonnes intentions du commissaire… Une scène intense symbolise cet état d'esprit, lorsque Gérard Piedbœuf, le frère de la victime, agresse verbalement Maigret, « L'homme des Flamands ». Évidemment, le jeune homme est alors sous l'emprise de l'alcool, d'ailleurs la scène se déroule dans un bar. Néanmoins, l'affrontement vaut le coup d'œil, de par le regard impassible, mais inflexible, du commissaire. Ceci n'est pas le seul fait d'armes de Jean Richard, qui accomplit une performance de premier ordre, notamment face à Marjon Brandsma, interprète tout en nuances de l'énigmatique Anna Peters. Malgré ces qualités indéniables, l'épisode ne suscite pas un très grand intérêt. La faute à trop de temps morts, en particulier lors de multiples et languissantes scènes de piano accompagnant des chants flamands : quel ennui mortel ! Et surtout, de gros regrets avec le dénouement, bien que prévisible puisque Maigret n'était pas en mission officielle. Il n'empêche que la déception est au rendez-vous. Si l'on compare avec l'épisode précédent Un crime en Hollande, au regard des mobiles et des caractères des différents personnages, on ne peut s'empêcher de penser que Maigret a été trop sévère, voire implacable, chez les Bataves et laxiste avec les Flamands, et qu'il eut été préférable que ses décisions finales fussent inversées… 14. LES SCRUPULES DE MAIGRET Un homme vient trouver Maigret en prétendant que sa femme essaie de l'empoisonner. Le commissaire, qui a également reçu l'épouse de son visiteur, est partagé entre une certaine sympathie à son égard et le sentiment qu'il a peut-être affaire à un déséquilibré. Un épisode mineur de par l'impuissance du scénariste et du réalisateur à améliorer le roman initial, assez faible. De bons comédiens, certes, en particulier Michel Robin, auteur d'un joli numéro, et Valérie Lagrange dans le rôle de l'énigmatique épouse, dont on ne sait si elle est victime des élucubrations d'un maniaque ou si elle a échafaudé quelque plan machiavélique pour se débarrasser de son mari. Mais aussi la présence inattendue de Nicole Garcia, particulièrement bien choisie pour interpréter une psychiatre hostile à la coopération avec la police. Avec ses grosses lunettes et son air ironique, elle fait vraiment très psychiatre... Hélas ! De bons comédiens ne suffisent pas à assurer un bon téléfilm. Ce qui plombe totalement cet épisode, hormis l'intrigue sans saveur dont seul le dénouement est convenable, c'est une musique de piano ennuyeuse au possible. Non seulement elle a remplacé l'agréable musique habituelle du générique, mais il faut la subir à chaque temps mort, et comme il y en a beaucoup dans cette enquête sans rythme, le cumul temps morts et musique soporifique devient vite horripilant. Ne soyez pas comme Maigret, n'ayez pas de scrupules à sauter un épisode, et passez donc sans regret au suivant ! 15. MAIGRET, LOGNON ET LES GANGSTERS L'inspecteur Lognon a disparu au cours d'une enquête solitaire sur un homme blessé jeté dans la rue depuis une voiture mais dont le corps est introuvable. En suivant cette piste, Maigret se retrouve aux prises avec des gangsters américains opérant en France à l'insu des autorités locales. Le principal reproche fait à la série est son manque de rythme, ses nombreux temps morts. S'il est un épisode où ce défaut est inexistant, c'est bien celui-ci. À partir d'un des romans les plus réussis, l'adaptation, très fidèle, conserve tout le piment de cette enquête, son ambiance très américaine au cœur même de Paris, inspirée à Simenon par son exil aux États-Unis, tout comme ses multiples rebondissements et scènes d'action. C'est avec grande satisfaction que l'on constate, contrairement à ce qui s'était passé pour Maigret et son mort, roman jouant sur le même registre, le maintien par les producteurs non seulement des aspects policiers de l'enquête, mais aussi de l'esprit, de l'âme du roman. Parmi une brochette de comédiens performants, on peut ressortir Bernard Lajarrigue, un inspecteur Lognon plus vrai que nature. Le physique de cet acteur de talent correspond au Malgracieux tel qu'on se l'imagine, et son jeu en restitue tout le côté geignard et désabusé, et même carrément pénible. Ceci est d'autant plus appréciable que les acteurs précédant et suivant Lajarrigue n'ont pas du tout convaincu dans ce rôle particulier du policier le plus grognon de la PJ parisienne. 16. MAIGRET ET MONSIEUR CHARLES L'épouse d'un notaire de Rouen fait appel à Maigret au sujet de la disparition de son mari, dont elle est sans nouvelles depuis son départ pour Paris trois semaines auparavant. Le commissaire découvre la vie d'un ménage désuni où le mari, bon vivant et volage, délaisse son épouse, dépressive et alcoolique. Au crédit de cet épisode, une enquête consistante avec une immersion agréable dans le monde des boîtes de nuit parisiennes, qui inspire à Maigret une réflexion d'anthologie : « Tu vois, Lucas, dans ce milieu-là, y'a pas de milieu : ou on t'aime bien, ou on te flingue ! » Saluons aussi la troublante Macha Béranger dans le rôle de Juliette Beauchamps et la présence sympathique de Paulette Dubost en petite fleuriste ambulante. On note cependant des lacunes importantes dans l'interprétation. Le rôle de Madame Sabin-Levesque était certes difficile à tenir. Betty Beckers ne s'y montre pas à son avantage, elle n'est pas du tout naturelle en femme alcoolique. Les petits rôles ne sont pas toujours très bons, à l'instar du couple d'aubergistes, joué par deux acteurs qui en font des tonnes. Dommage que les producteurs cèdent aux clichés, par exemple en affublant Maigret et Janvier d'imperméables clairs pendant toute la durée de l'enquête. C'est bien connu, les flics sont toujours vêtus d'imperméables clairs... La scène de dispute entre Nathalie et son amant produit un final ahurissant, et même carrément raté, en raison d'une mise en scène prétentieuse. 17. L'AMIE DE MADAME MAIGRET Maigret a arrêté un graveur soupçonné de meurtre. Dénoncé par une lettre anonyme, il aurait fait disparaître un cadavre en le brûlant dans un calorifère. Pendant ce temps, Madame Maigret vit une aventure tragi-comique avec une jeune femme et un enfant rencontrés dans un square. Il ne semble pas y avoir de lien entre les deux affaires, mais sait-on jamais... Une enquête passionnante menée tambours battants. Il est vrai que les scénaristes jouaient sur du velours car il s'agissait d'adapter un des meilleurs romans de Simenon. À la manière d'un puzzle, la trame de l'histoire se reconstitue peu à peu au gré de la découverte de nouveaux éléments, et les deux affaires qui paraissaient indépendantes ne tardent pas à n'en faire qu'une seule. Jean Richard est une nouvelle fois remarquable, il incarne parfaitement le sens psychologique et la bienveillance du commissaire à la pipe. Le reste de la distribution est dominé par Erik Desmaretz, particulièrement en verve dans le rôle d'un jeune avocat arriviste sans scrupules. Belles performances également de Simone Rieutor et Yves Bureau, interprètes du couple Steuvels, ainsi que de Philippe Desbœuf, très bien choisi pour incarner le personnage douteux de l'ancien policier Alfonsi, et de Jacqueline Jefford en tenancière d'hôtel louche. Du côté des acteurs débutants que l'on revoie avec amusement, Alain Doutey endosse le costume inattendu du naïf inspecteur novice Lapointe, et on retrouve dans un petit rôle Catherine Laborde, une des miss météo de TF1, déjà vue dans Maigret hésite. Toutefois, la sensation de l'épisode est l'arrivée d'une nouvelle Madame Maigret. Après le décès de Micheline Francey, Dominique Blanchar n'avait pas été plus satisfaisante et du coup la production avait renoncé depuis plusieurs années à montrer l'épouse du commissaire. Pour pouvoir adapter cette histoire, il fallait bien évidemment trouver une actrice capable de reprendre le rôle, et ce n'est autre qu'Annick Tanguy, la véritable épouse de Jean Richard, qui fut retenue ! Choix judicieux tant la complicité naturelle entre les deux époux transparait à l'écran, et tant Annick Tanguy incarne à merveille la Madame Maigret douce, simple et modeste décrite par Simenon. 18. AU RENDEZ-VOUS DES TERRE NEUVAS Maigret enquête dans le milieu des marins de Saint-Malo, où un capitaine a été assassiné. L'arrestation du radio, qui détestait la victime, ne convainc pas le commissaire, qui préfère se fier au vieil adage : « Cherchez la femme ! ». Une immersion réussie dans l'univers de la marine, doublée d'une enquête intéressante au cours de laquelle Maigret fait une nouvelle fois étalage de son don développé pour l'étude de caractères. Le fidèle Lucas, qui l'a accompagné à Saint-Malo, joue un rôle non négligeable en l'orientant à plusieurs reprises sur la bonne voie. Le monde des marins est très bien décrit, et on retrouve à l'écran l'atmosphère particulière du roman, ce qui produit un épisode satisfaisant, et même souvent passionnant. Le seul regret est relatif au final, où on comprend que l'assassin n'est pas arrêté, ce qu'on ne déplorera pas, mais qui ne fournit guère d'explications, notamment sur ce que vont devenir les principaux protagonistes. Dans l'ensemble, l'interprétation est convaincante, à quelques exceptions près. Ainsi, Catherine Jarret est plutôt moyenne dans le rôle de Marie Léonnec, et Patrick Laval très médiocre dans celui de Gaston Buzier. En revanche, on retrouve un Pierre Frag qui se débrouille très bien en marin breton. J'étais sceptique sur l'attribution du rôle d'Adèle Noirhomme à Catherine Allégret, mais le résultat est excellent. La comédienne se montre digne héritière de sa mère Simone Signoret en composant une traînée plus vraie que nature, avec une touche d'humanité très sympathique. Autre grande satisfaction, Maxence Mailfort campe un Pierre Leclinche bouleversant. Cet acteur est vraiment capable de tout jouer et le prouvera en revenant sur la série dans des rôles totalement différents. Enfin, pour le petit rôle de Madame Laberge, Jacqueline Johel est saisissante de naturel en femme jalouse. Son regard extraordinaire suffit à faire comprendre beaucoup de choses à Maigret, qui s'empresse de revenir pour l'interroger en l'absence de son mari. 19. MAIGRET ET LE MARCHAND DE VIN Un important négociant en vins a été abattu par balles à la sortie d'une maison de rendez-vous. Les suspects ne manquent pas, en raison de la personnalité de la victime, autoritaire et méprisante. Voici le parfait exemple d'une adaptation particulièrement réussie puisque, à partir d'un roman quelconque, a été produit un téléfilm de qualité. Au cours de cette enquête passionnante, Maigret se montre une nouvelle fois atypique pour un policier, sa compréhension pour l'assassin allant de pair avec son antipathie pour la victime. Le point fort incontestable de l'épisode est la qualité de l'interprétation. Jean Richard, au meilleur de sa forme, incarne à la perfection le Maigret de Simenon, si humain sous des dehors un peu bougons. Il essaie de s'imprégner du mode de vie d'Oscar Chabut et de son entourage, mais aussi de se mettre à la place du meurtrier. Quel contraste avec le personnage vif et coléreux du début de la série ! Concernant la victime, on ne pouvait trouver mieux que Maurice Barrier pour se glisser dans le personnage odieux d'Oscar Chabut, tant ce très bon acteur se montre à son avantage dans les rôles de crapules arrogantes, auxquels il est habitué. Mention aussi pour les actrices. Pascale Audret accomplit une performance digne des plus grandes. Son interprétation tout en nuances et en sensibilité de Madame Chabut est absolument sublime. Une des meilleures comédiennes vues sur la série. Danielle Croisy incarne Anne-Marie, la secrétaire et maîtresse de Chabut, de façon irréprochable. Elle aussi sait ajouter cette touche de sensibilité qui rend le personnage si authentique. La plupart des rôles secondaires sont également très bons, avec parmi eux la sympathique Ginette Garcin, très à son affaire en tenancière de maison de rendez-vous. Seule la musique peut prêter à critique car guère en accord avec la gravité de l'enquête. Sa légèreté aurait été mieux adaptée à un film comique de série B avec Pierre Mondy et Jean Lefèvre, ou nanar du même genre. 20. MAIGRET ET LES TÉMOINS RÉCALCITRANTS Un chef d'entreprise a été assassiné. Maigret soupçonne une affaire de famille maladroitement maquillée en cambriolage ayant mal tourné, tellement les proches de la victime s'avèrent peu coopératifs. Une adaptation réussie de l'univers « simenonien » avec cette description de l'atmosphère étouffante d'une famille bourgeoise, que n'aurait pas reniée Claude Chabrol. On touche ici à l'obsession anti-bourgeoise de Simenon, merveilleusement illustrée par ces phrases qu'il place dans la bouche du commissaire Maigret : « Ces Lachaume sont ce que je déteste le plus au monde. Chacun d'eux est un criminel en puissance. Nos clients habituels ont des mobiles avoués, sains, je dirais presque honnêtes, tandis que ces bourgeois, c'est tortueux, c'est menteur, c'est intrigant, c'est perfide. » Pour incarner ces bourgeois retors, les producteurs ont trouvé des acteurs idéaux : Jean Topart, un habitué des rôles antipathiques (il a le physique de l'emploi) et François Viaur, moins connu mais jouant sur le même registre. Autres visages familiers, ceux de Philippe Rouleau, interprète efficace de l'avocat des Lachaume, et de Jeannine Souchon, la domestique fidèle et peu amène avec les intrus. La série permet souvent de retrouver à leurs débuts des acteurs ayant depuis fait une belle carrière. Cette fois-ci, c'est le tour de Roland Giraud, dans la peau d'un publicitaire arriviste un rien gigolo. Quelques traits d'humour se sont glissés dans la noirceur de l'intrigue, tels la publicité des biscuits Lachaume et sa ressemblance avec le générique « armures et boucliers » de la saison 6 des Avengers, mais aussi l'adresse où réside la sœur de la victime. Propriétaire d'une boîte de nuit pour homosexuelles, elle habite rue de l'Assomption au numéro 69... 21. MAIGRET ET LE TUEUR Un jeune homme est abattu de plusieurs coups de couteau alors qu'il sortait d'un bistrot, un soir sous la pluie. L'enregistrement d'une conversation entre petits voyous, retrouvé sur son magnétophone, oriente la police sur une piste qui laisse Maigret sceptique. On peut classer la plupart des enquêtes de Maigret en deux catégories : les histoires policières typiques avec truands, indicateurs, prostituées, règlements de comptes, et les récits au ton psychologique marqué. L'originalité de cette enquête est de relever des deux catégories à la fois, ou plutôt successivement. La première partie est caractéristique du policier traditionnel avec la recherche, puis la surveillance et l'arrestation des voleurs de tableaux. La seconde partie laisse la place à une très bonne immersion dans les ressorts de la pensée du suspect, coutumière des méthodes du commissaire. Maigret n'a jamais vraiment cru à la culpabilité des petits voyous, qui auraient forcément fait disparaître l'enregistrement compromettant s'ils avaient été les auteurs du crime. Il justifie sa réputation de policier humain et compréhensif en s'abstenant de juger l'homme qui le contacte à plusieurs reprises et dont il sait d'instinct qu'il est le véritable coupable et qu'il finira par se rendre. Jean Richard est une nouvelle fois magnifique de justesse et de sensibilité, insufflant à son personnage humanité et émotion pour en faire le vrai Maigret plus « simenonien » que jamais. La reddition de Harteau offre un final particulièrement réussi grâce à la réplique efficace fournie par Hughes Quester, époustouflant de vérité dans ce rôle difficile de tueur psychopathe, sur lequel Maigret porte un regard plus apitoyé qu'horrifié. Cette scène de haut niveau est à l'image de l'ensemble du téléfilm, sobre et juste, et servi par des comédiens qui en font ni trop, ni pas assez. Le chagrin tout en retenue des Batille en est l'illustration, avec un très bon Michel Heurtault dans le rôle du père. Saluons aussi Michel Ruhl, qui compose un juge d'instruction tout en finesse parfaitement adapté à l'ambiance de l'épisode. Enfin, on sait que la série permet souvent de revoir les premiers pas d'acteurs devenus célèbres. C'est Jean-Pierre Bacri que l'on retrouve ici, dans le rôle du petit voyou Julien Mila. 22. MAIGRET ET L'AFFAIRE NAHOUR Quand une belle inconnue se fait soigner en pleine nuit par le Docteur Pardon, ami de Maigret, pour une blessure par balle avant de s'enfuir en Hollande avec un homme, et que le lendemain un riche Libanais est retrouvé mort à son domicile, le commissaire a vite fait d'établir le lien entre les deux affaires. Une enquête qui débute de façon originale puisque l'alerte est donnée à Maigret par son ami le Docteur Pardon. Il a donc fallu la coïncidence du choix de ce médecin par Madame Nahour pour permettre à la police de connaître des faits essentiels que l'épouse du Libanais comptait bien garder secrets. Par la suite, l'enquête se déroule de manière très conventionnelle mais demeure intéressante et de qualité constante. Les bons moments ne manquent pas, telle la séquence presque comique de l'interrogatoire de la femme de chambre par un Santoni désireux de montrer ses connaissances de la langue de Shakespeare... qu'il parle avec un accent français épouvantable. Entouré de comédiens qui jouent juste, Jean Richard domine la distribution par une nouvelle démonstration de son savoir-faire pour exprimer de façon parfaitement naturelle le tact et le don inné de « raccommodeur de destinées » du commissaire Maigret. 23. LIBERTY BAR Un riche Australien est retrouvé mort et enterré dans le jardin de sa villa de la Côte d'Azur. Les deux femmes qui vivaient avec lui, sa maîtresse et la mère de cette dernière, sont rapidement mises hors de cause. Maigret tente de reconstituer les habitudes de la victime, et se retrouve dans un petit bar tenu par une femme sur le retour, dans une rue mal famée de Cannes. La magnifique composition de Ginette Leclerc dans le rôle de Jaja constitue le principal attrait de cet épisode fidèlement adapté. Il faut un certain courage, et même une certaine classe lorsque l'on a été une spécialiste des rôles de jeunes garces sensuelles pour accepter d'interpréter une femme usée, laide et alcoolique comme Jaja. Voilà pourquoi la performance de Ginette Leclerc est d'autant plus appréciable. L'avantage du téléfilm, c'est de nous épargner les tergiversations finales avec Jaja, les lamentations qui n'en finissent pas. L'adaptation a corrigé ces défauts, Ginette Leclerc en fait suffisamment, mais sans en rajouter. Autre point positif, l'atmosphère méridionale, atout principal du roman, est correctement transposée à l'écran grâce aux beaux décors naturels de la Côte d'Azur, qui rappellent la superbe réussite de Mon ami Maigret. Pour autant, l'épisode est loin d'être parfait. Certains comédiens sont franchement mauvais. Ainsi, la mère Martini est incarnée par une actrice insupportable qui ne joue pas, mais récite. Le garagiste est aussi très médiocrement interprété. À propos des Martini, la production a commis une erreur grossière en les faisant parler en espagnol, alors qu'il est bien évident que, comme leur nom l'indique, Gina et sa mère sont typiquement italiennes. Enfin, le guitariste nordique ami de Jaja suscite un ennui indescriptible. 24. MAIGRET ET LE FOU DE BERGERAC Alors qu'il se rendait à Bergerac par un train de nuit, Maigret est alerté par le comportement étrange de son voisin de couchette, qui saute du train en marche peu avant l'arrivée. Le commissaire le suit et l'inconnu le blesse d'un coup de revolver. Il s'agit vraisemblablement d'un maniaque ayant déjà fait plusieurs victimes dans les environs de Bergerac. À la suite de sa blessure, Maigret mène l'enquête depuis le lit de sa chambre d'hôtel, pendant sa convalescence. Comment souvent, il ne s'arrête pas aux apparences et donne un bon coup de pied dans la fourmilière des notables, toujours prompts à arranger une bonne petite vérité qui ne dérangera personne et maintiendra en place l'ordre social. On peut tiquer sur le détail qui le met sur la bonne piste, le billet de chemin de fer du fou qui a miraculeusement abouti dans sa chambre. Mais l'enquête se laisse suivre, entre investigations pertinentes et même impertinentes, rebondissements de bon aloi et musique percutante. Jean Richard insuffle à Maigret un allant certain. Malgré son immobilisation, le commissaire est presque facétieux tellement il goûte avec délice au plaisir de déranger le confort des gens trop bien installés, à l'instar de ce snob de procureur Duhourcaut, qui joue au grand bourgeois avec son domestique à gilet rayé. Ses cibles sont interprétées avec talent et conviction par Jacques Duby, Maxence Mailfort et un Jean-Pierre Castaldi que l'on ne s'attendait pas à retrouver en policier tellement on l'a vu jouer au voyou sur la série. 25. MAIGRET ET L'INDICATEUR Maurice Marcia, un ancien truand devenu respectable patron de cabaret, est assassiné. Un indicateur anonyme met la police sur la piste des frères Bozzi, entrepreneurs de transports pour la façade, mais soupçonnés d'appartenir à la pègre. Le mouchard se retrouve rapidement inquiété par le Milieu... Une histoire de facture traditionnelle avec les ingrédients habituels à toute bonne série policière : intérêts, jalousie, rivalités, meurtres, tueur à gage, prostituées et indicateurs. Le roman est respecté mais la réalisation l'a quelque peu américanisé, ce qui rend l'épisode plus nerveux. Cette méthode, souvent utilisée dans la série, est efficace, elle empêche le téléfilm de sombrer dans l'ennui. On a vu a contrario que son absence dans d'autres épisodes les a rendus soporifiques. La distribution est de qualité supérieure, avec en premier lieu le choix de Michel Blanc pour interpréter Justin Crotton, dit « La Puce ». Qui mieux que lui aurait pu donner vie à ce sympathique demi-sel sautillant de 1 mètre 60 ? Autre brillante réussite, celle de Vania Vilers incarnant un inspecteur Louis plus vrai que nature. Ce policier veuf et solitaire, passionné par son métier et par le XVIIIe arrondissement où il est connu comme le loup blanc, rappelle le personnage solide comme un roc de Ferrot, interprété par Yves Montand dans Police Python 357, le film réalisé par Alain Corneau. Maxence Mailfort est un impeccable Ribeira, ce tueur sadique et froid à la solde de Manuel Bozzi. L'aîné des deux frères, justement, se retrouve sous les traits de Jean-Pierre Castaldi, toujours à son avantage dans les rôles de truand. Quant à Jean-Claude Dauphin, déjà vu dans La folle de Maigret, il joue ici l'inspecteur Lapointe, le jeune adjoint de Maigret, et tiendra ce rôle dans une poignée d'épisodes réalisés par Yves Allégret, pour une interprétation sobre et soignée. Enfin, signalons le petit rôle tenu par Frank Villard, un visage bien connu des amateurs de films de gangsters des années 50 et 60, remarqué notamment dans Le Cave se rebiffe avec Jean Gabin et Maurice Biraud. 26. MAIGRET ET LA DAME D'ÉTRETAT Maigret mène l'enquête à Étretat sur demande du député local, dont la belle-mère vient d'être confrontée à l'assassinat de sa bonne. La vieille dame affirme qu'elle était visée par l'attentat et que sa domestique a été tuée à sa place. Une enquête dont les extérieurs sont tournés dans les magnifiques décors naturels d'Étretat et de sa falaise, ce qui ne manque pas de rappeler les aventures d'Arsène Lupin dans L'Aiguille creuse. Longue à démarrer, l'intrigue se révèle captivante une fois lancée et bénéficie d'un final inattendu de très bonne qualité. L'opposition entre les Besson et les Trochu est une nouvelle version des antagonismes de classes traditionnellement dépeints par Simenon : bourgeois perfides, cupides, égoïstes et sans scrupules contre braves gens simples et honnêtes. Un des temps forts de l'épisode montre la fille de Madame Besson, formidablement interprétée par Maryvonne Schiltz, faire une proposition sans équivoque à Maigret (!), un soir dans une voiture sous la pluie battante. Cette scène est doublement incongrue puisqu'on y voit le commissaire au volant de la voiture, à croire que les scénaristes ignorent qu'il n'a jamais su conduire. Le final est certes intéressant par la surprise qu'il révèle quant à l'identité de l'assassin, mais un rien décevant par l'attitude trop coléreuse du commissaire, peu en accord avec le personnage. Il a bien entendu de bonnes raisons de s'énerver, mais de là à jeter violemment un verre par terre… Ce n'est plus le vrai Maigret, et l'on ne peut que regretter ce point du scénario, qui fait retourner Jean Richard à ses errements des débuts de la série, alors qu'il était devenu si juste depuis des années, y compris dans le reste de cet épisode. Les amateurs non avertis du dénouement et souhaitant ménager le suspense sont priés de stopper ici leur lecture... En effet, je ne me vois pas conclure sans évoquer la vedette invitée principale, Simone Valère. Impeccable dans ce rôle de femme solitaire et égoïste, il faut souligner la curiosité qu'elle partage avec son mari Jean Desailly: tous deux ont joué sur la série un personnage assassinant pour se protéger deux membres d'une même famille, en l'occurrence le frère et la sœur. Crédits photo: lmlr. Images capturées par Phil DLM. |
Maigret - Jean Richard (1967-1990) 4ème époque: 1987-1990
7. Maigret et la vieille dame de Bayeux 8. Le Chien jaune (2e version) 10. Maigret et le témoignage de l'enfant de chœur 14. Maigret et l'homme dans la rue 16. L'Amoureux de Madame Maigret Maigret « Pépère » La fin des années 80 voit l’épuisement de la série puisque les producteurs sont désormais contraints de piocher dans le vivier des nouvelles, la quasi-totalité des romans ayant été adaptés. On ne compte que trois exceptions non adaptées sur les 75 romans : Les mémoires de Maigret pour des raisons aisément compréhensibles : il n’y a pas d’enquête, et cette pochade jugée géniale par certains admirateurs de Simenon est d’ailleurs ridicule. La première enquête de Maigret pour laquelle l’explication est tout aussi vite trouvée : elle présente un Maigret jeune, donc impossible à tourner pour Jean Richard. Là non plus aucun regret car l’enquête est sans intérêt. Maigret tend un piège : Sans doute a-t-il été jugé difficile de succéder au film avec Gabin, Ventura et Jean Desailly, un monument joué par des acteurs exceptionnels. Après une année 1986 sans aucune diffusion, la série va revenir et connaître une brusque accélération avec vingt épisodes diffusés en trois ans, de 1987 à 1990, comme si les producteurs avaient hâte d’en finir. La série avec Crémer était-elle déjà en préparation ? Ces vingt dernières enquêtes sont d’un niveau très inégal. Néanmoins, on ne retrouve pas d’épisodes aussi catastrophiques que ceux du début des années 80. Surtout, quelques épisodes remarquables surgissent de temps à autre, en particulier sur les adaptations des romans de qualité qui avaient été omises auparavant (Les caves du Majestic) ou qui sont tournées une seconde fois (Le chien jaune). Car c’est bien une spécificité de la série de compter trois romans adaptés deux fois. Il s’agit de trois des meilleurs « Maigret » d’avant-guerre, dont la version en noir-et-blanc comportait quelques défauts. Deux se retrouvent dans cette quatrième et dernière époque. Il est dommage que les acteurs entourant Jean Richard aient subis un tel renouvellement, ce qui finit par déconcerter quelque peu. Mais Jean Richard tient bon, malgré son affaiblissement physique et les 70 ans qui pointent le bout du nez. Bien sûr, il devient de plus en plus « pépère », et cet aspect est accentué par la lenteur de certaines enquêtes, notamment issues de nouvelles, mais à tout prendre il vaut encore mieux ce « pépère » débonnaire que le Maigret agressif que composait Jean Richard à ses débuts. Les qualités essentielles de Maigret demeurent, et le couple Richard-Tanguy reste criant de vérité. Quel bilan peut-on tirer de cette série ? Tout d’abord, qu’elle ne mérite pas l’opprobre qu’ont tenté de jeter sur elle certains inconditionnels de Bruno Crémer. Qu’elle doit être présentée comme une bonne série, et que Jean Richard, après avoir tâtonné quelques années, fut un excellent Maigret. A cet égard, la légende selon laquelle il ne retrouva jamais son meilleur niveau après son grave accident de voiture est totalement fausse. Son affaiblissement physique n’a pas le moins du monde empêché l’acteur de composer un Maigret convaincant. Au contraire, il continua par la suite à perfectionner son personnage. Alors ? Qu’a-t-il manqué à cette série ? Plus de régularité dans la qualité des épisodes, certes. Mais les enquêtes signées Simenon étaient elles-mêmes très inégales. En fait, la série aurait eu besoin de plus d’unité. Avec un même nombre d’épisodes tournés sur 10 ans et non sur près de 25, approximativement de 1973 à 1983, bien entendu tous en couleurs, avec des décors de la PJ, et notamment du bureau de Maigret, identiques du début à la fin, et avec des acteurs inchangés pour tous les rôles principaux, et non seulement pour les rôles de Maigret et Lucas, la série aurait été beaucoup plus cohérente. Jean Richard (Maigret), Annick Tanguy (Madame Maigret), François Cadet (Lucas), Jean-François Devaux (Janvier), Maurice Gauthier (Torrence), André Penvern (Castaing), Jean-Claude Dauphin (Lapointe), Bernard Lajarrige (Lognon), François Maistre (le directeur de la PJ), Marcel Cuvelier (le docteur Pardon) : ces dix acteurs auraient pu constituer la distribution récurrente de la série idéale, la série de rêve, en quelque sorte. 1. MAIGRET CHEZ LE MINISTRE
Et voilà notre commissaire entraîné dans une affaire politique nauséabonde, ce qu’il déteste au plus haut point. Il accepte néanmoins d’aider Point, qui lui paraît foncièrement honnête et semble victime d’une machination dont les conséquences s’annoncent terrifiantes : le ministre risque d’être accusé d’avoir enterré un rapport démontrant que le gouvernement et des parlementaires influents ont touché des pots-de-vin d’un promoteur immobilier pour accepter la construction d’un sanatorium dans un endroit dangereux, opération qui s’est soldée par la mort de 128 enfants. Une affaire à se faire lyncher… Maigret et ses hommes, en concurrence avec la Sûreté, marchent sur une corde raide mais s’en sortent remarquablement bien, pour notre plus grand plaisir. Non seulement le suspense ne faiblit pas, mais l’ensemble des acteurs incarnant tant les policiers que les suspects jouent sans fausse note. Jean Richard a su trouver le ton juste, ce qui n’était pas forcément facile dans un rôle différent de ses habituels affrontements avec la pègre ou les assassins ordinaires, somme toute beaucoup plus francs que les méandres vicieux et tortueux du microcosme politico-journalistique parisien dans lequel il est contraint d’évoluer pour les besoins de cette enquête. Il trouve des partenaires de grande qualité pour lui donner la réplique, parmi lequel on ressortira Guy Tréjean, très bon dans ce rôle de ministre venu de sa province, complètement dépassé par le monde de requins qui l’entoure et par le piège implacable qui se referme sur lui, ainsi que l’excellent Alain Mottet, parfait en journaliste-député cynique, fanatique et extrémiste. 2. UN ECHEC DE MAIGRET
Ferdinand Fumal, un homme d’affaires sans scrupules, demande la protection de la police après avoir reçu une série de lettres anonymes le menaçant de mort. Il est assassiné avant que le dispositif policier ne soit véritablement déployé. Maigret fait face à une pléthore de suspects tellement la victime comptait d’ennemis irréductibles. Une introspection dans la vie privée d’un grand bourgeois qui n’est pas sans rappeler Maigret hésite, mais en moins réussi. Ce n’est pas la première fois qu’une enquête menée sur un rythme assez lent se laisse suivre grâce à de bonnes performances d’acteurs. Jean-Paul Roussillon incarne à la perfection Ferdinand Fumal, cet homme d’affaires parti de rien et devenu un des empereurs de la boucherie industrielle après avoir ruiné la majorité de ses concurrents. Une crapule de la pire espèce rendue crédible par le physique douteux de Roussillon, sa morgue, son jeu hautain et cassant. Un acteur d’envergure comme François Maistre apporte tout de suite une épaisseur au rôle de chef de la PJ. On le croirait tout droit sorti des Brigades du Tigre, où il tenait le rôle similaire du divisionnaire Faivre, avec la même éclatante réussite. Et on se prend à rêver à ce qu’aurait pu être la série s’il avait été présent en permanence dans ce rôle. Françoise Christophe et Paul Crauchet sont très bons en proches et victimes de Fumal, tombés dans l’alcoolisme et pas vraiment attristés par la mort de leur bourreau. Parmi les petits rôles, on reconnaît Corinne Dacla en jeune et douce maîtresse de Fumal, Ticky Holgado, alors inconnu, en médecin légiste désinvolte, Catherine Sauvage, qui reprend le rôle de grande bourgeoise pédante et arrogante qu’elle avait déjà tenu sur Maigret et le clochard, et l’inattendu Noël Mamère en présentateur de journal télévisé… qu’ il était alors dans la « vraie vie ». Catherine Rouvel interprète avec un naturel étonnant Louise Bourges, la malicieuse secrétaire de Fumal, amoureuse de son chauffeur. Tout cela est bel et bon, mais l’épisode comporte un trop grand nombre de lenteurs pour être passionnant, et la musique, certes bien adaptée à l’atmosphère énigmatique de l’hôtel particulier de Fumal, finit par devenir lancinante. 3. MAIGRET VOYAGE
Un riche citoyen britannique est retrouvé mort dans la baignoire de sa chambre d'hôtel. Les marques sur son dos prouvent qu'une personne lui a maintenu la tête sous l'eau pour le noyer. La même nuit, sa future épouse, qui logeait dans une chambre voisine, tente de se suicider avec des barbituriques... C'est habituel, Maigret n'est pas à l'aise lorsqu'il doit évoluer dans le monde des nantis et des hôtels de luxe. L'attitude du directeur de l'hôtel, soucieux avant tout d'éviter le scandale, tout comme celle de M. Arnold, l'homme d'affaires du Colonel, qui le traite avec condescendance, l'irritent au plus haut point. Le commissaire ne se laisse pas démonter pour autant, et va enquêter à Monte-Carlo, où la comtesse Palmieri, la fiancée du Colonel, paniquée à l'idée d'être soupçonnée, est allée se réfugier. Mais la comtesse est déjà repartie, et Maigret ne trouve que son ex-mari. Ensuite, il part pour Lausanne, où il retrouve enfin la comtesse. L'adaptation est une réussite et a même amélioré le roman. Le suspense est habilement distillé, avec l'étau qui se referme petit à petit sur le principal suspect, jusqu'à l'étouffer et le forcer à avouer. Les interprètes principaux sont tous excellents, qu'il s'agisse des policiers ou des suspects. En premier lieu, un Jacques François parfaitement à l'aise dans le rôle de John Arnold. Katia Tchenko est elle aussi convaincante en comtesse Palmieri alcoolique et dépressive. Quant à Ivan Desny, son interprétation de Van Meulen est absolument remarquable. Van Meulen, l'ex-époux de la comtesse, est un aristocrate admirateur de Maigret, et qui joue franc jeu avec la police. A signaler aussi la présence de Guy Grosso, qui joue le policier suisse, et celle de Fernand Guiot dans le rôle du docteur Paul. On regrettera seulement une fin un peu brutale, qui aurait mérité plus de développements, même si le téléspectateur peut reconstituer la trame. *Cet épisode est inédit en DVD. 4. MONSIEUR GALLET, DECEDE
Un homme est retrouvé assassiné dans un hôtel à Saumur. L’enquête est compliquée par la découverte de la double vie de la victime, qui avait quitté son travail de représentant depuis des années pour devenir, à l’insu de sa famille, un petit escroc. Il est curieux qu’un excellent roman comme Monsieur Gallet, décédé n’ait pas été adapté plus tôt dans la série. Aux manettes, Georges Ferraro, au service de l’épisode comme sur Maigret se défend (alors que d’autres metteurs en scène tentent sans succès de mettre l’épisode à leur service…). Ferraro joue sur du velours grâce au scénario de Claudine Cerf, fidèle à l’œuvre originale. La chanson déjà entendue sur Maigret se défend est réutilisée pour le générique final, et c'est une initiative bienvenue puisque cette musique est excellente et colle parfaitement à l'univers du commissaire. Bon roman et bonne adaptation : le résultat est à la hauteur, avec un épisode passionnant de bout en bout, et dont le sommet du suspense est atteint lors de la séquence des coups de feu tirés en direction de Moers, alors qu’il travaillait sur les lieux du drame, avec Maigret dans les parages. Que s’est-il passé ? La clé de l’énigme réserve une belle surprise… Jean Richard reste à son meilleur niveau, et Roger Dumas est tout aussi convaincant en aristocrate bon vivant mais aux abois, tant et si bien que cet épisode sera finalement un des plus captivants de cette dernière époque. *Cet épisode est inédit en DVD. 5. LES CAVES DU MAJESTIC
Voici un de ces épisodes magnifiques qui ont grandement contribué à rendre la série si attachante. L’enquête, excellente, est valorisée par une galerie de personnages tous plus authentiques les uns que les autres. Simenon n’avait pas son pareil pour décrire la vie et les sentiments des humbles, et la réussite de cet épisode est d’avoir parfaitement transcrit les personnages du roman. Maurice Risch prouve qu’il peut se montrer à son avantage dans un rôle dramatique, lui qui a si souvent joué dans des comédies, notamment avec Louis de Funès. Curieusement doté d’une moustache, il forme un couple extrêmement sympathique avec Catherine Allégret, très naturelle en femme du peuple, modeste mais non vulgaire. Maigret aime s’immiscer dans la vie de ces gens modestes, très attachés l’un à l’autre bien qu’ils se voient peu, Prosper travaillant le jour et Charlotte la nuit. Autre personnage attachant, celui de Gigi, interprétée par Florence Giorgetti. Gigi et Charlotte formaient avec Mimi, la victime, un trio d’entraîneuses à Cannes, à l’époque où Prosper y travaillait. Prosper était amoureux de Mimi, et ne regardait guère la brave Charlotte, pourtant sincèrement éprise de lui. Mais lorsque Mimi épousa un riche américain, Charlotte sut consoler Prosper… L’évolution des rapports entre Gigi est Maigret constitue un fil rouge passionnant. En premier lieu, Gigi éprouve de la haine envers ce policier qui a profité de son état de droguée en manque pour lui soutirer des renseignements confidentiels. Son attitude commence à changer lors de la séquence de la dictée de Maigret à Charlotte, décisive dans la mesure où elle va prouver que l’écriture de Charlotte a été imitée, et donc que cette dernière n’est pas l’auteur de la lettre anonyme dénonçant son compagnon. Désormais, Gigi a compris que le commissaire cherche à innocenter Prosper, et elle devient cordiale avec lui. Charlotte et Gigi se montrent ravies d’accompagner Maigret chez le postier louche, et radieuses lors du final, lorsque le vrai coupable est arrêté. L’assassin, justement, n’est autre que le comptable Ramuel, magistralement interprété par un excellent Jean Lescot, auteur d’un grand numéro dans un rôle de crapule à la fois cynique (dans ses activités illégales) et résignée (face à sa femme…). Le patron de la poste privée est incarné par Philippe Desbœuf, déjà vu sur L’amie de Madame Maigret, et ce choix est évidemment excellent tellement le physique de cet acteur est approprié pour un personnage aussi douteux que Jem. L’affrontement verbal entre Maigret et l’ancien banquier escroc Atoum séduit par son intensité et son aspect véridique, Jean Richard trouvant du répondant en la personne d’un très bon Jean Gosselin dans le rôle d’Atoum. Avec Clark, ce n’est plus d’affrontement verbal dont il s’agit, mais carrément d’agression physique puisque le prétentieux Américain, exaspéré par les investigations de Maigret, lui assène un violent coup de poing. Mike Marshall a tenu plusieurs petits rôles sur la série, et il faut reconnaître que le fils de Michèle Morgan se montre très à l’aise dans ces compositions de notables nord-américains, ne serait-ce que par son physique approprié et par sa maîtrise parfaite de la langue yankee. La seule déception de l’interprétation vient d’Elyane Borras, qui en fait trop dans le rôle de l’enquiquineuse épouse de Ramuel : ses colères exagérées tombent à plat. Mais ceci ne remet pas en cause la grande qualité de cet épisode, magnifiquement conclu par la joie de Prosper Donge, qui rêvait depuis des années d’être père, espoir déçu par la stérilité de Charlotte, et va enfin pouvoir récupérer son fils naturel. 6. LA PIPE DE MAIGRET
Alors que Maigret enquête sur un inconnu retrouvé mort dans un hôtel de luxe, il est importuné par une mégère autoritaire qui prétend que l'on fouille dans sa maison en son absence, et qui exige une enquête de sa part. La femme a un fils, un jeune adulte qui éprouve une fascination pour le commissaire...
Très agréable surprise que cette adaptation. On pouvait s'attendre à un épisode sans saveur, en raison de la nouvelle de base, peu captivante. Au contraire, on a un joli modèle de ce qu'il faut faire pour étoffer une nouvelle et la rendre passionnante. En premier lieu, ajouter quelques aspects ludiques, qui détendent l'atmosphère. Ainsi, la musique du générique de la série Dallas, entendue lors de l'arrivée de la police à l'hôtel, par l'ascenseur extérieur. La réalisation entendait ainsi souligner l'aspect résolument américain de l'hôtel de luxe international où le cadavre a été découvert. Autre séquence désopilante, cette fois à l'intérieur de l'hôtel, lorsque Janvier est subjugué par la plastique de l'employée chargée de le conduire à un autre étage, et qu'il lui emboîte le pas avec un plaisir visible. Ensuite, mettre en valeur la qualité intrinsèque du scénario. Comme dans L'amie de Madame Maigret, il s'agit de deux histoires apparemment sans rapport, qui finissent par n'en faire plus qu'une seule. Simenon était habile dans cet exercice, et l'adaptation a merveilleusement respecté ce point fort incontestable de l'histoire. Enfin, la qualité de l'interprétation doit une nouvelle fois être soulignée. Les plongées dans la vie du couple Maigret sont un régal, magnifié par le talent de Jean Richard et de Annick Tanguy. Nelly Borgeaud était sans conteste l'actrice idéale pour jouer une enquiquineuse acariâtre de première classe comme cette Mathilde, et on peut même trouver qu'elle est à la limite de forcer le trait. Son autre atout est de rappeler le délicieux parfum des films de François Truffaut... Le juge Coméliau a connu de nombreux interprètes dans la série, et ici, c'est André Valardy qui a été choisi. Autre point fort, André Penvern dans le rôle de l'inspecteur Castaing, criant de vérité, un des meilleurs interprètes des policiers dans la dernière époque de la série, et ce sur la majorité des épisodes. Le suspense monte habilement en puissance, au point d'égaler, ou presque, l'excellent Maigret, Lognon et les gangsters, dont l'arrestation finale ressemblait assez à celle à laquelle on assiste ici. Auberge en banlieue de Paris dans les deux cas, mais cette fois-ci un seul malfaiteur à appréhender. On ne peut pas conclure sans évoquer le personnage du jeune garçon-coiffeur, fasciné par Maigret à un point tel que les murs de sa chambre sont recouverts de photos du commissaire, et qu'il va profiter de sa venue dans son bureau pour lui voler sa pipe préférée. Le gamin était si heureux d'avoir la pipe de son idole... Mais il devra évidemment la lui restituer à la fin de l'aventure. Tous ces éléments confortent la qualité de l'épisode. *Cet épisode est inédit en DVD. 7. MAIGRET ET LA VIEILLE DAME DE BAYEUX
Une enquête passionnante menée de main de maître par notre commissaire préféré, pourtant privé de ses inspecteurs habituels. Certes, les méandres de l’enquête suscitent un intérêt constant, mais on ne peut s’empêcher d’avoir un doute : comme souvent lorsqu’il mène une enquête non-officielle, Maigret ne va-t-il pas simplement découvrir la vérité pour sa gouverne personnelle, mais sans arrêter le ou les coupables, soit parce qu’il n’en aura pas l’opportunité, soit parce qu’il ne le voudra pas ? Le dénouement, surprenant, ne va pas confirmer cette crainte, et l’on pourra donc apprécier cette enquête jusqu’au bout, sans cette frustration, cette sensation de montagne accouchant d’un souriceau que l’on a ressenties sur certains épisodes. Outre la performance parfaite de Jean Richard, pleinement impliqué dans son personnage, et deux clins d’œil à Madame Maigret/Annick Tanguy par le truchement de coups de téléphones à Paris, l’ensemble de la distribution accomplit un sans-faute. Pascale Rocard est époustouflante dans le rôle de Cécile Ledru, la demoiselle de compagnie et protégée de la vieille dame. De prime abord, elle donne l’impression d’une jeune fille pieuse et sage avec ses grosses lunettes, mais ses airs de Sainte-Nitouche cachent un caractère bouillant, d’ailleurs accentué par l’adaptation. La jeune Cécile va ainsi donner raison à certain dicton populaire relatif aux « femmes à lunettes »… Saddy Rebbot (dit « Monsieur Papa Poule »…) incarne Philippe Deligeard, l’industriel ennemi de Cécile, qui ne se prive pas de l’accuser d’avoir tué la vieille dame pour s’emparer de son héritage. Et c’est son propre fils Jérôme Rebbot qui joue Gérard, le fils de Deligeard ! Le toujours excellent Michel Beaune, un habitué de la série, n’est autre que le procureur, celui qui apporte son soutien naturel à Deligeard, sous prétexte de sa popularité en ville, en réalité parce qu’il appartient comme lui au petit monde des notables. Une fois de plus, Maigret se heurte donc à la magistrature. Le procureur se montré évidemment réservé, voire critique face aux investigations de Maigret, qui semblent viser Deligeard, et surtout face à ses méthodes peu orthodoxes. Mais il saura tourner sa veste au bon moment… Paule Noëlle est sarcastique à souhait dans son interprétation de l’épouse de Deligeard, et c’est toujours un plaisir de retrouver Armand Mestral, qui joue le beau-père du suspect numéro un. Quant à Denise Noël, elle donne vie à Mère Marie-Ange, celle-là même qui oriente Maigret sur cette enquête. Ce personnage a été créé de toutes pièces sur cette adaptation, et l’initiative s’avère fort heureuse… comme la plupart des autres. Il s’agissait d’étoffer le scénario, issu d’une nouvelle, donc forcément léger, d’où par exemple l’histoire à rebondissement des testaments multiples. Question anecdotes, on remarque que la personne mentionnée dans le titre, la « vieille dame », est la victime et donc n’apparaît pas à l’écran, pas même en flash-back ! Ceux qui attendaient un duel Maigret-Vieille Dame comme dans Maigret et la dame d’Etretat en sont donc pour leurs frais… Une curiosité : Maigret, désireux de mener à bien l’interrogatoire discret de Deligard, finit par accepter un cigare de la part de son hôte ! Autre première pour le commissaire lorsqu’il est convoyé en automobile par Mère Marie-Ange. Maigret n’avait jamais eu de Mère supérieure comme conductrice, affirme-t-il. L’auto est bien entendu une deux-chevaux… Qu’ajouter de plus, si ce n’est que tous ces personnages, combinés à l’ambiance éminemment « simenonnienne » présente de bout en bout, nous font passer un excellent moment. *Après Le Port des brumes et Maigret et la dame d’Etretat, Michel Beaune participe à un troisième épisode se déroulant en Normandie… *Cet épisode est inédit en DVD. 8. LE CHIEN JAUNE (2ème version)
Un groupe de notables normands est visé par des tentatives de meurtres, dont l’une aboutit. La serveuse du bar où les hommes menacés se réunissent va apporter une aide précieuse à Maigret, pour faire triompher une vérité où les coupables et les victimes ne seront pas forcément ceux que l’on pouvait imaginer. Cette seconde version du fameux Chien jaune est une splendide réussite. Les quelques défauts de la première mouture ont été corrigés, avec bien entendu l’arrivée de la couleur, mais aussi une fin remaniée, claire et nette avec une preuve accablante, qui cette fois ne laisse place à aucune contestation future. Bien sûr, la qualité exceptionnelle du roman a facilité la tâche de la production, mais on a déjà vu d’excellents romans massacrés par des adaptations médiocres, voire catastrophiques. Ici, que du bon travail avec un scénario conforme à l’original et un excellent Jean Richard, auteur d’une composition humaniste à la hauteur de l’enquête et des personnages rencontrés. Cette version se déroule tout comme la première à Port-en-Bessin et non à Concarneau comme dans le roman. Même tournée en Normandie, il aurait été tout à fait possible de la réputer se passer en Bretagne, car tous les ports se ressemblent, mais sans doute la ville de Port-en-Bessin tenait elle à cette publicité gratuite... Saluons les choix judicieux des comédiens, parmi lesquels on distinguera Michel Ruhl, acteur idéal pour incarner Le Pommeret, ce notable désinvolte et dépravé, et plus encore un formidable Philippe Rouleau : auteur d'une composition dont il a le secret, il sait se montrer particulièrement antipathique sous les traits du veule et déchu docteur Richoux. Et puis, bien évidemment, Christine Laurent. Oui ! Christine Laurent, celle-là même qui avait illuminé de sa grâce le fabuleux Maigret et la jeune morte. La sensible Christine a un peu vieilli, et son air fatigué, usé même, est probablement une nécessité induite par le scénario. Mais avec son regard toujours mélancolique, elle reste vraiment l’actrice qu’il fallait pour le rôle d’Emma, cette modeste serveuse de bar condamnée à demeurer sous la coupe de notables sans pitié, et ce depuis la disparition de Léon, son fiancé. Maigret va pouvoir laisser libre cours à sa haine de la bourgeoisie et réparer les injustices subies par Emma et Léon. Du Simenon classique, mais efficace et valorisé par la qualité de l’interprétation. *Cet épisode est inédit en DVD. 9. LE NOTAIRE DE CHATEAUNEUF
En vacances dans sa propriété de Meung-sur-Loire, Maigret est sollicité par un notaire de Châteauneuf-sur-Loire, désireux de lui confier une enquête à mener incognito à son domicile, où des objets d’art chinois sont régulièrement volés depuis quelques semaines. Le notaire soupçonne son futur beau-fils. Une histoire peu captivante et qui souffre de multiples lenteurs, comme la plupart de celles adaptées de nouvelles. Les intermèdes au piano sont tout aussi mortels que leurs équivalents vus sur Maigret chez les Flamands. Que Mme Maigret accompagne son mari chez le notaire n’est pas une mauvaise initiative : sa présence est toujours appréciée, bien que non prévue par Simenon. Ce qui est plus inattendu est de voir le couple se rendre chez le notaire en voiture. Bon, ce n’est pas Maigret qui conduit (encore heureux !...), mais tout de même, les Maigret possédant une voiture, voilà qui frise l’hérésie. Et l’on n’imagine pas du tout l’épouse réservée qu’est Mme Maigret au volant, conduisant son commissaire de mari. Face aux lacunes du scénario, ce sont les quelques scènes humoristiques qui vont animer le déroulement de l’enquête. Maigret se montre très maladroit face aux questions de la fille de son hôte quant à son passé de « copain de régiment » du notaire. Agacé par l’attitude du maître de maison, Maigret se délecte de le mettre volontairement mal à l’aise : il s’amuse à tutoyer son « vieux camarade » et lui rappelle « qu’il faisait souvent le mur » ! On doit cependant attribuer un bon point pour l’interprétation de Martine Sarcey et d’Yves Vincent, qui jouent avec talent le notaire et son épouse, et saluer un dénouement très honorable, ce qui permet à cette adaptation de se situer, une nouvelle fois, au-dessus de l’original. *Cet épisode est inédit en DVD. 10. MAIGRET ET L’ENFANT DE CHOEUR
Un enfant de chœur affirme avoir vu au petit matin le cadavre d’un homme poignardé, étalé sur un trottoir devant la maison d’un juge à la retraite. Les policiers ne croient guère à ce témoignage car personne d’autre n’a vu ce cadavre, et il n’a jamais été retrouvé. Maigret va mener son enquête, persuadé que l’enfant n’a pas menti. C’est presque un exploit de réussir un épisode d’une heure trente très valable à partir d’une simple nouvelle dont l’intrigue est fort banale. Ce que l’on constate dès le départ, c’est que Maigret a de la sympathie pour Julien, le jeune garçon, car il a lui-même été enfant de chœur. Le commissaire mène une partie de l’enquête au lit, car il a pris froid en accompagnant le gamin dans la neige à six heures du matin, aux fins de procéder à une reconstitution. Quel régal de voir le couple Maigret vivre au quotidien, surtout quand Mme Maigret soigne son mari grippé ! Alors, comment se fait-il que l’ennui ne se soit pas installé dans cette enquête ? Encore une fois, la qualité de l’interprétation est prépondérante. Ne citons que les comédiens les plus marquants, cela sera bien suffisant. Le juge Mougin est un vieil anticlérical, un « mécréant » selon Julien. Dans ce rôle, Michel Vitold s’avère bien meilleur que dans Les Brigades du Tigre, où il jouait un Russe caricatural. François Dyrek, c’est le chef de la police locale (l’histoire se déroule en Normandie), par ailleurs ancien inspecteur de Maigret. Mme de Mazières, cette femme respectable dont le fils met du somnifère dans la tisane les soirs où il reçoit son jeune amant, est interprétée par Yvonne Clech. Jérémie Covillault se hisse à la hauteur des adultes en enfant de chœur désappointé de ne pas être cru. Il faut dire que ses quelques entorses à la vérité ne facilitent pas la tâche de la police. Henri Lambert produit une performance remarquable dans le rôle d’Ortega, le pharmacien rapatrié d’Algérie. Sa composition d’homme aux abois en raison d’une ignoble maître-chanteur est un des moments les plus marquants de l’épisode. Une belle passe d’armes a lieu entre Maigret et le garçon-coiffeur « gigolo tout terrain », comme il le surnomme, et on a même droit à une séquence humoristique en début d’épisode, avec l’arrivée tonitruante de Sœur Marie-Madeleine, dite « Sœur Marie-Mad ». Probablement hérité de la série des Gendarme, avec Louis de Funès, le rôle de Marie-Mad est celui d’une religieuse au volant d’une deux-chevaux. Le commissaire, et surtout Madame Maigret, ont peur car Sœur Maire-Mad conduit de manière très sportive… L’épisode se termine comme il a commencé. Après avoir offert un vélo à Julien pour le récompenser de son aide, Maigret peut enfin partir pour le Mont-Saint-Michel… dans la voiture de Sœur Marie-Mad ! « On y sera dans moins d’une heure ! », affirme la conductrice... 11. MAIGRET ET L’INSPECTEUR MALGRACIEUX
Maigret et l'inspecteur Lognon, surnommé « Le malgracieux », enquêtent sur la mort étrange d'un courtier en diamants, qui se serait suicidé dans la rue après avoir appelé la police. L'Affaire du « Commodore », qui passionne les journalistes, ne sert que de toile de fond. Elle est surtout destinée à meubler les vides inévitables dans les histoires adaptées de nouvelles. Il est évident que seule la mort de Goldfinger, le « suicidé », passionne Maigret. Ce procédé des deux enquêtes parallèles est un classique de la série, mais s'avère ici vraiment pesant tant les passages consacrés au « Commodore » sont inintéressants. Il aurait mieux valu ne montrer que l'enquête sur la mort de Goldfinger, quitte à réduire la durée de l'épisode à cinquante minutes. Ce qui préoccupe le commissaire, c'est la ressemblance du prétendu suicide de Goldfinger avec l'affaire de Stan Le Tueur, survenue quelques années auparavant. Le problème, c'est que l'enquête sur Stan le Tueur a été adaptée postérieurement à celle-ci, et surtout que l'affaire de Stan ne correspondra guère avec les réminiscences qui surviennent chez le commissaire sur cette enquête... Bernard Lajarrige, qui avait été un Lognon idéal, est désormais un acteur récurrent de la série dans le rôle du planton de la PJ. A sa place, c'est Henri Virlogeux qui interprète le Malgracieux. Il s'agit d'un rôle diamétralement opposé à celui de Merlock Sholmes sur la série Arsène Lupin, puisque Sholmes est un policier prétentieux et sûr de lui. Pourtant, Virlogeux a su parfaitement se glisser dans la peau du geignard inspecteur Lognon. L'excès de temps morts n'incite pas à classer ce téléfilm parmi les meilleurs de la série, mais on peut néanmoins lui trouver un certain charme, ne serait-ce que par son ambiance parisienne du quartier magique de Montmartre, Montmartre avec ses escaliers et son atmosphère particulière. Les acteurs sont également très bons, de Jean Richard à Henri Virlogeux, en passant par Danièle Lebrun et Dominique Blanc, les demi-sœurs ennemies, sans oublier l'inévitable Paulette Dubost en concierge et le toujours flamboyant Philippe Lemaire. Bien que vieillissant, Lemaire était taillé sur mesure pour interpréter l'escroc international surnommé « Le Commodore ». *Cet épisode est inédit en DVD. 12. LA MORTE QUI ASSASSINA
Un coup de feu retentit tout de suite après la sortie d’un homme du bar où il était resté toute une journée. Contrairement à ce que supposait le patron du bistrot, la victime n’est pas son client, mais un inconnu. L’adaptation de cette nouvelle recelait une difficulté majeure : comment réussir à captiver le spectateur pendant toute la durée passée dans le bar par ce fameux client? Cette journée entière, l’exaspération du patron de bar, les soupçons qui montent peu à peu ne pouvaient être décrits en cinq minutes, mais risquaient de devenir d’un ennui mortel sans astuce de scénario. Le scénariste s’en est sorti avec le recours à l’intrigue parallèle sur les faux-monnayeurs, qui passionne le chef de la PJ, mais pas Maigret, et en imaginant que le commissaire était venu à deux reprises dans le bar, pour rendre visite au patron, un ancien garçon de la brasserie Dauphine. Une façon comme une autre d’intégrer Maigret à cette histoire avant qu’elle ne démarre pour de bon. Passé cet écueil, l’enquête sur les faux-monnayeurs n’a plus lieu d’être, et se trouve vite résolue pour laisser le champ libre à l’intrigue principale. Dès lors, l’épisode donne sa pleine mesure, basé sur une belle histoire, à la fois captivante et touchante. Maigret mène la majeure partie de ses investigations avec Janvier (Jean-Pierre Maurin), alors que Lucas se fait plus discret, le plus souvent dans les limites des locaux de la PJ. Comme souvent, la plupart des comédiens sont très bons, de Paul Le Person, remarquable de vérité en patron de bar, à Jean Négroni en directeur de la PJ, en passant par des petits rôles bien connus : Gérald Denizot ou Alain Mac Moy, excellent dans le personnage du médecin de Mme Auger. Mais c’est la magnifique composition de Nathalie Nell qui va donner toute sa dimension à ce très bon épisode, un cran au-dessus de la nouvelle, pourtant une des meilleures de la série. L’adaptation a parfaitement fait ressentir l’âme de l’histoire de Simenon, en ajoutant le petit plus apporté par les acteurs, et notamment par la jolie Nathalie Nell, remarquablement adaptée au personnage troublant et mystérieux d’Isabelle Auger (ou Claire Combarrieu ?...). L’apogée se trouve dans la dernière demi-heure, avec le face-à-face tout en finesse entre Jean Richard et Nathalie Nell, puis le procès. Bien que certains indices laissent supposer que l’accusée a usurpé l’identité de sa sœur décédée, comme le prétendait Combarrieu, la peu reluisante victime, le commissaire a de la sympathie pour Mme Auger, cette petite femme décidée. Son témoignage plutôt favorable sera tout aussi déterminant pour l’obtention du verdict clément que la bonne mémoire d’Isabelle concernant la date d’engagement de sa femme de ménage. La conclusion de l’épisode, tout comme celle de la nouvelle, laisse le spectateur dans le doute : chacun peut se laisser aller à rêver, à imaginer qu’Isabelle est bien Isabelle, ou qu’Isabelle est en réalité Claire, et c’est bien ce goût délicieux de mystère qui fait le charme de cette histoire. *Cet épisode est inédit en DVD. 13. MAIGRET ET LE VOLEUR PARESSEUX
Deux enquêtes sont menées en parallèle, et bien entendu celle qui parait en théorie la moins importante, concernant le « voleur paresseux », est la seule qui intéresse Maigret. La magistrature, antipathique au possible, lui intime l’ordre de ne pas s’en occuper, mais le plus célèbre policier de France est têtu… Le commissaire fait équipe avec Fumel, un policier abandonné par sa femme depuis quinze ans, confiné dans les bas grades en raison de son manque d’ambition et surtout de sa faiblesse en orthographe, handicap sérieux pour rédiger les rapports. Rufus est vraiment très, très bon sans ce rôle de Fumel, une sorte d’inspecteur Malgracieux en plus aimable. Madeleine Barbulée, interprète émouvante de Justine Cuendet, la mère du « voleur paresseux », apporte beaucoup à cet épisode, tout comme Geneviève Mnich dans le rôle d’Evelyne Schneider, la maîtresse du cambrioleur. Ces deux femmes douces et sensibles se retrouveront dans l’épilogue, en souvenir de l’homme qu’elles aimaient, l’une en tant que mère et l’autre en tant qu’amante. Dans un autre registre, celui de Marina, la prostituée black ingénue et provocante, l’actrice Yao est véritablement très rafraîchissante. André Penvern compose un Castaing consistant, et Jean-Pierre Maurin, s’il ne fait pas oublier Jean-François Devaux dans le rôle de Janvier, se montre tout à fait à la hauteur de son personnage de flic motivé et efficace. A signaler une scène d’introduction surprenante. Maigret et ses inspecteurs font le guet pour surprendre des malfaiteurs en pleine action. Les voleurs surgissent et leur chef tire sur Maigret. A ce moment-là, notre commissaire se réveille, bouleversé par ce qui n’était qu’un cauchemar. La bande des voleurs présente dans le rêve est celle de l’enquête secondaire, la seule qui intéresse les chefs de Maigret, et elle est dirigée par un gangster complètement caricatural, histoire de bien montrer que cette enquête n’a aucune importance. Non, seul compte le « voleur paresseux », dont les meurtriers, de riches étrangers que la magistrature refuse d’inquiéter pour éviter l’incident diplomatique, ne seront jamais arrêtés. Au final, une belle histoire, très améliorée par rapport au roman (au moins, on sait pourquoi Cuendet est surnomé « voleur paresseux »…), et une fin émouvante. 14. MAIGRET ET L’HOMME DANS LA RUE
Un épisode qui démarre bien, avec notamment la séquence insolite où Maigret subit le racolage d’un travesti dans le bois de Boulogne, mais l’enquête déçoit dans sa seconde partie. La fausse reconstitution, idée géniale de Maigret pour débusquer les suspects, oriente le scénario vers de trop nombreuses séquences de filatures, dont l’aspect languissant est accentué par leur côté répétitif. Seul l’interrogatoire folklorique de Lola, le travesti, anime quelque peu la seconde moitié de l’épisode, malgré un point de scénario suranné : le type douteux qui découvre un mort et s’empare de son portefeuille, ce qui brouille les pistes, on connaît… Petite erreur presque sympathique : il semble que le scénariste ait des connaissances médicales limitées car il est visible qu’il confond neurologie (maladies du système nerveux) et psychiatrie (maladies mentales)… Si Gilles Segal est parfait dans le rôle de Masson, « l’homme de la rue », d’autres choix de comédiens s’avèrent peu judicieux. On a si souvent vu Jean Négroni interpréter des truands qu’on peut difficilement le prendre au sérieux en tant que chef de la PJ. Quant à André Valardy, son physique n’est guère adapté au rôle du juge Coméliau, l’ennemi intime du commissaire. Néanmoins, ces deux comédiens s’en tirent honorablement grâce à leurs qualités intrinsèques, et il faut saluer leur mérite dans ces rôles à contre-emploi. Au final, le bilan de cet épisode est fort honnête, compte tenu de la minceur de la nouvelle adaptée, quinze pages que l’on peut lire en une demi-heure à peine, et qui décrivent essentiellement les scènes de filature. Tout ce qui précède la reconstitution, soit près de la moitié de la durée, et sur la partie la plus intéressante, a été opportunément ajouté. *Cet épisode est inédit en DVD. 15. TEMPETE SUR LA MANCHE
Maigret et sa femme sont invités en Angleterre pour assister au mariage de la fille de l'inspecteur Pike, un ami du commissaire. Mais une tempête sur la Manche les empêche de prendre le bateau. Bloqués à Dieppe, ils trouvent refuge dans une pension de famille qui a été recommandée à Mme Maigret par une de ses amies. Le soir même, une jeune employée de la pension est assassinée. S'il fallait créer un proverbe pour cet épisode, ce serait sans nul doute « mini nouvelle, mais adaptation maximum », tant le scénariste a déployé des trésors de talent et d'ingéniosité pour nous offrir une histoire aux multiples facettes toutes plus réussies les unes que les autres. Avant même que l'enquête ne débute, l'atmosphère est particulièrement captivante, voire envoûtante. La pension de famille de Mlle Otard rappelle les bons souvenirs de « L'assassin habite au 21 », ce must incontournable du film policier, mais aussi d'un « Maigret » précédent, en l'espèce Maigret en meublé. C'est une Françoise Brion vieillissante, mais toujours forte en gueule, qui interprète Mlle Otard, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne manque pas de réplique, ni d'humour. Lorsque la police lui demande comment une fille à la réputation aussi mauvaise que Jeanne, la victime, est entrée chez elle, elle répond du tac eu tac « Par la porte ! » Il est cocasse d'assister à l'ennui de Maigret, réduit à lire un article de journal sur les rats, faute de sympathiser avec les locataires de Mlle Otard. Pourtant, ces derniers ne manquent pas de pittoresque : Mlle Moulineau, une institutrice célibataire et aigrie, passe son temps à jouer du piano, ce qui a le don d'exaspérer le commissaire. Pour le consoler, Mme Maigret lui souffle : « Ne te plains pas, elle pourrait aussi chanter... ». L'excellent Robert Party hérite pour une fois d'un rôle sympathique, et il s'avère aussi convaincant que d'habitude en colonel mi-historien, mi écrivain, et surtout sincèrement épris de cette catin de Jeanne. Aurait-il tué par jalousie ? Les Gosselin forment un couple de restaurateurs d'âge moyen qui semble très unis. Ils occupent la chambre voisine des Maigret, et dès l'arrivée de ces derniers, ils se font remarquer par leur ébats amoureux particulièrement sonores. Dubitatifs, le commissaire et sa femme ont appris de Jeanne, peu de temps avant qu'elle se fasse trucider, que c'était comme ça « quatre fois par jour »... Geneviève Fontanel, avec son physique sensuel, était bien l'actrice idéale pour ce rôle de nymphomane décomplexée. Après cette mise en ambiance mémorable, surviennent le crime puis l'enquête, qui ne déçoit pas, avec son lot de suspects et de fausses pistes. Le commissaire local Le Goffic bénéficie de la très bonne interprétation de Yves Aubert. Tout n'est pas parfait pour autant. Ainsi, on peut trouver quelques défauts dans l'interprétation. Samuel Le Bihan est épouvantablement mauvais dans le rôle de Tony, le neveu de Mlle Otard, et lui aussi amant de Jeanne. Pour une fois, on peut même faire un petit reproche à Jean Richard en personne. Alors qu'il est habituellement parfait, et que dans la plupart des scènes de cet épisode, il continue à l'être, il n'arrive pas à trouver le ton juste lorsqu'il doit montrer Maigret en état d'ébriété avancée. Il en fait beaucoup trop, ce n'est pas du tout naturel, cela fait penser à la piètre prestation de Peter Graves dans un épisode de la série Mission impossible, où il devait faire semblant d'être aveugle et en rajoutait sans nuances. Il n'empêche que, lorsque la fin de l'épisode survient, on est tout surpris que cela se termine déjà, car l'on n'a pas vu le temps passer... *Cet épisode est inédit en DVD. 16. L’AMOUREUX DE MADAME MAIGRET L'appartement des Maigret est envahi par des peintres venus pour le rénover. Mme Maigret, qui ne supporte pas l'odeur des peintures, parvient à convaincre son mari de s'installer dans un vaste appartement moderne situé dans un quartier chic, qu'une amie lui prête pendant son absence. Depuis la fenêtre de son nouveau domaine, la femme du commissaire remarque un vieil homme dont le comportement lui paraît étrange. Peu de temps après, il est retrouvé assassiné... Un très bon début avec les scènes de la vie quotidienne du couple Maigret. Le commissaire se montre sceptique, et même un brin ironique, lorsqu'il découvre le luxe de sa demeure provisoire, et en cela on retrouve un Maigret saisissant de vérité. L'enquête comporte quelques lenteurs dans sa première partie, mais l'atmosphère particulière de cette histoire, où l'espionnage vient s'insérer dans le quotidien de Maigret, est fort bien restituée, ce qui n'était pas forcément facile. On peut regretter le manque d'envergure des principaux rôles en dehors des personnages récurrents, en premier lieu les interprètes du couple d'espions. Avec une « » dans un de ces rôles, l'épisode aurait pu atteindre la catégorie supérieure. C'est d'autant plus dommage que les petits rôles, eux, sont parfaitement tenus, avec l'éternelle Paulette Dubost (la logeuse de Chenombert), Arlette Didier, idéale pour jouer une charcutière, et Sylvie Joly dans un rôle à contre-emploi de religieuse, où elle s'avère impeccable. Néanmoins, la qualité de l'enquête, fort bien conduite pas le commissaire et pas ses inspecteurs, et surtout le rocambolesque des situations, avec le jeune homme déguisé en vieillard, les messages en morse transmis par une aiguille à tricoter, idées du fantaisiste Chenombert, suffisent à procurer au « » averti un agréable moment. *Cet épisode est inédit en DVD. 17. L’AUBERGE AUX NOYES
Un camionneur affirme avoir poussé dans le Loing la voiture d'un jeune couple, faute d'avoir pu freiner à temps à cause de la nuit. Lorsque la voiture est remontée à la surface, on ne trouve aucune trace des jeunes gens, mais une ancienne chanteuse, morte étranglée, est découverte dans le coffre. L'enquête suscite initialement un intérêt certain, avec tout le mystère qu'elle comporte, mais a tendance à se diluer dans une foule de détails au fur et à mesure de son avancement, si bien qu'on ne retrouve pas l'allant de la nouvelle. Car les éléments ajoutés, procédé classique pour adapter une nouvelle, n'apportent rien. Au contraire, ce sont eux qui alourdissent le récit. Le final, trop abrupt, n'est pas non plus à la hauteur. On aurait aimé assister à la scène où la police retrouve la fille du notaire, comme dans l'histoire de Simenon. De bonnes performances de comédiens procurent des moments agréables. En premier lieu, citons François Perrot : un acteur de cette envergure, qui plus est dans le rôle du notaire de Versailles La Pommeraye, parfaitement adapté à sa façon de jouer, apporte immédiatement une plus-value. Et justement, il apparaît vers la fin de l'épisode, au moment où l'action avait tendance à s'enliser. Jean-Pierre Castaldi, grand habitué de la série, joue cette fois-ci un routier plutôt louche, alors qu'Henri Lambert, autre grande gueule bien connue, est lui aussi tout à fait à l'aise en marinier irascible. Dora Doll se retrouve en concierge et il est curieux de voir Fernand Guiot en magistrat, le temps d'une seule scène. Passé la surprise de le voir dans ce rôle, il faut reconnaître qu'il lui va très bien. En dehors de ces poids-lourds et des inoxydables Jean Richard, François Cadet et André Penvern, interprètes des policiers, la plupart des seconds rôles sont convenables, mais pas particulièrement transcendants. *Cet épisode est inédit en DVD. 18. JEUMONT, 51 MINUTES D’ARRET Le neveu de Maigret, qui vient d'entrer dans la police, appelle son oncle en renfort pour une affaire de meurtre dans un train, à Jeumont, Le jeune homme se sent incapable de résoudre le problème car les indices manquent, au contraire des coupables potentiels, bien trop nombreux pour l'infortuné débutant. Cet épisode constituait une gageure : comment adapter une nouvelle de neuf pages, qui se lit en vingt minutes, sous un format de près d'une heure trente ? Le résultat est honorable, mais ne peut éviter certaines lenteurs, en particulier lors des préparatifs et magouilles se déroulant à Varsovie, interminables et incompréhensibles. Si l'on ajoute une histoire invraisemblable et peu captivante, on aboutit à un épisode qui ne restera pas dans les mémoires, même si ce n'est pas du tout un ratage complet. Maigret est irrité que « Popaul » l'appelle « mon oncle », et on le comprend. Ceci sonne faux, a-t-on déjà vu dans la « vraie vie » un neveu appeler son oncle ainsi ? Généralement, on dit « Tonton », où on l'appelle par son prénom, et pas par « mon oncle »... « Popaul », le fameux neveu, est joué par un acteur guère convaincant, mais heureusement on ne le voit guère, et plus du tout dès lors que Maigret prend les choses en main en débarquant à Jeumont. Le commissaire reste en contact avec ses inspecteurs parisiens et en particulier Lucas, et le parallèle entre l'enquête parisienne et les interrogatoires qu'il mène à la frontière belge est assez réussi. Voilà qui contrebalance les lenteurs du début, sans parvenir à susciter un intérêt réellement soutenu. *Cet épisode est inédit en DVD. 19. STAN LE TUEUR Maigret se voit confier par le directeur de la PJ l'affaire d'une bande de criminels qui pillent des fermes isolées et tuent leurs propriétaires sans la moindre pitié. Cette nouvelle forme de criminalité sanguinaire constitue un défi pour le commissaire, habitué aux truands à l'ancienne. Des éléments inhabituels pour un Maigret, avec de la violence gratuite et donc sauvage dès les premières minutes, et des méthodes parfois loufoques : le sérieux inspecteur Lucas se déguise en clochard avec barbe et imperméable rapiécé pour espionner l'hôtel des malfaiteurs sans être repéré ! Voilà qui anime de manière cocasse la première partie de l'épisode, avant que la seconde ne tombe d'abord dans un scénario qui s'étiole, probablement parce qu'il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle, ensuite dans un final confus qui empêche de savourer pleinement la surprise de l'identité véritable du redoutable Stan le Tueur. Jean Richard est toujours très bon, mais c'est le commissaire Maigret qui, pour une fois, manque de perspicacité puisqu'il se laisse manœuvrer par le faux suicidaire Ozep, personnage étrange joué avec conviction par Wojtek Pszoniak. Côté interprétation, Michel Beaune, déjà vu à plusieurs reprises sur la série en tant que suspect ou coupable, se retrouve cette fois-ci en directeur de la PJ, et donne pleine et entière satisfaction, comme à son habitude. Le désopilant Ticky Holgado se retrouve dans la peau de « Lunettes Rouges » ! Il ne s'agit pas d'un Indien, mais d'un membre de la bande des tueurs... On peut se demander si Simenon ne s'est pas inspiré de cette nouvelle pour écrire plus tard le roman Maigret et son mort, sauf que les deux lus et vus a posteriori, c'est Stan le tueur qui paraît être un remake de seconde zone de Maigret et son mort. Si l'on ajoute que les deux adaptations ne valent pas le roman et la nouvelle, et que cet opus donne l'impression d'une montagne qui accouche d'une souris, le résultat, c'est que l'on ne peut apprécier sans réserves cette histoire pourtant bien conçue, mais mise en scène trop maladroitement. *Cet épisode est inédit en DVD. 20. . MAIGRET A NEW-YORK
Maigret part enquêter à New-York suite à une demande du fils d'un important homme d'affaires d'origine française, qui pense que son père est en danger, sans avoir de précisions sur la nature de ce danger. Le commissaire est accueilli très fraîchement par l'homme d'affaires et par son adjoint. Puis le fils disparaît... Il était logique que le dernier épisode de la série soit celui-ci, puisque selon Simenon, il s'agit d'une enquête menée par Maigret alors qu'il se trouve à la retraite. Cependant, à aucun moment, le téléfilm ne fait allusion à la retraite du commissaire, si bien qu'il apparaît finalement inutile d'avoir réservé cette adaptation pour la fin. Il n'y avait donc aucune raison particulière de tourner cet épisode, et surtout de le diffuser en dernier, et c'est même une erreur de le faire car il est dommage de terminer une aussi bonne série sur un épisode médiocre, et surtout pas représentatif du tout de l'univers de Maigret. Certes, cet épisode est loin d'aboutir à la même catastrophe que son calamiteux prédécesseur tourné en Arizona. Mais ce commissaire privé de ses inspecteurs et contraint de parler anglais à tout bout de champs n'arrive pas à nous captiver. De plus, tout comme dans le roman, l'histoire est totalement invraisemblable, exagérément longue et bien compliquée... Jean Desailly ne fait qu'une apparition, peut-être histoire de signifier que la boucle est ainsi bouclée, puisqu'il était le narrateur des premiers épisodes, tournés plus de vingt ans auparavant. On doit signaler tout de même la très bonne performance de Raymond Pellegrin, très émouvant lors de la scène finale. En conclusion, on est bien forcés de faire ici la même constatation que sur « Maigret en Arizona » : l'univers du commissaire Maigret est résolument incompatible avec l'atmosphère des Etats-Unis. Que l'histoire se déroule dans les zones rurales de l'Arizona ou dans les miasmes des quartiers populeux de New-York ne change rien à l'affaire : c'est en France, ou à la rigueur en Belgique ou en Hollande, que le plus célèbre policier de l'hexagone se trouve le plus à l'aise, et où l'on est le plus heureux de le voir évoluer. *Cet épisode est inédit en DVD. Crédits photo: lmlr. Images capturées par Phil DLM. |