Open menu

 saison 1 saison 3

Arsène Lupin (1971-1974)

Saison 2

 


1. HERLOCK SHOLMÈS LANCE UN DÉFI

Première diffusion: 18 décembre 1973

Distribution: Roger Carel (Commissaire Guerchard), Bernard  Dhéran (Comte de Dreux-Soubise), Sophie Agacinski (Nathalie), Henri Virlojeux (Herlock Sholmès), Yves Barsacq (Wilson), Michel Peyrelon( Le général)

Résumé:  Grâce à ses talents d'aviateur et à la complicité de la belle Nathalie, Lupin parvient à dérober le prestigieux collier de Marie Antoinette, orgueil de la grande famille des Dreux-Soubise depuis des générations. Il s'agit également d'une vengeance, les Dreux Soubise ayant humilié la mère de Lupin, une cousine pauvre, durant la jeunesse de celui-ci. Herlock Sholmès intervient, lui et le gentleman Cambrioleur convenant d'un pari : Arsène dissimule le collier dans le souterrain secret d'un château  lui appartenant, tandis que l'Anglais a quatre jours pour le retrouver. L'armée cerne l'édifice. Sholmès découvre à temps la clé de l'énigme, mais voit ses effort anéantis par l'intervention catastrophique d'un Guerchard désirant s'accaparer les lauriers de la victoire. Lupin gagne son pari et s'offre le luxe de faire arrêter Guerchard en le faisant passer pour lui même !

Critique:  Le lancement de le seconde période de ses trépidantes aventures voit le retour d'Arsène Lupin dans l'Hexagone. Ce simple fait assure le succès de l'épisode, car l'on renoue pleinement avec le ton français faisant le charme de la première partie de la saison précédente. Les péripéties se rattachent de fait à un vaudeville enlevé, volontiers satirique envers les autorités et les puissants. Les dialogues regorgent derechef d'excellents mots d'esprit, énoncés goulument par quelques uns des meilleurs comédiens de la scène française d'alors, la richesse de la distribution constituant le grand atout de Herlock Sholmès lance un défi.

Jacques Monod et Bernard Lavalette excellent respectivement en Préfet autoritaire et en Ministre plus mondain, tandis que Michel Peyrelon crève l'écran en général idiot et imbu de lui même, préfigurant l'Etat Major de la Débâcle de 1940. On retrouve également avec un plaisir des plus vifs le toujours épatant Roger Carel, toujours souverain en l'ineffable Guerchard. Les seules légers regrets proviennent d'Yves Barsacq, moins savoureux que Dudicourt, le contraste se perçoit trop clairement avec le talent de Virlojeux, toujours souverain en Sholmès. Herlock arbore désormais la moustache symbolisant les Anglais depuis toujours dans notre doux pays (Cf. Astérix chez les Bretons).

Avec astuce, l'intrigue évite l'étirement verbeux d'une action trop réduite pour le format long de la série, en agrégeant harmonieusement deux textes distincts de Leblanc. L'affaire du « Collier de la Reine » permet d'exprimer plus qu'à l'accoutumée la personnalité rebelle et avide de revanche sociale d'un Lupin dont on découvre ci l'enfance malheureuse. L'opposition entre un Descrières plus grave qu'à l'accoutumée et son vieux complice de la Comédie Française  Bernard Dhéran (impayable Dreux-Soubise) s'avère délectable et incisif.

Descrières campe également avec succès un Lupin également moins espiègle qu'à l'accoutumée, lors de sa belle et sensible  romance avec la merveilleuse Nathalie, au cours de « Herlock Sholmès arrive trop tard ». Sophie Agacinski (future épouse d'un Jean-Marc Thibault réalisant avec elle un divertissant caméo) apporte un charme certain à la blonde Nathalie, à l'exquise élégance 1920. De manière amusante, c'est la seconde figure féminine des futurs emblématiques Jeux de 20 heures qu'emploie la série ! L'affrontement Lupin/Sholmès tient par ailleurs toutes ses promesses, entre brillant affrontement d'intelligences et source de piques franco-anglaises bien affutées.

La mise en scène se montre assez tranquille mais réalise de jolis plans du château et d'un aéroplane d'époque, avec un effet « Faucheurs de Marguerites » garanti. Par contre, afin  de pallier au manque de moyens, elle abuse du procédé narratif. Trop éléments onéreux se voient seulement évoqués : la grande fête de Fontainebleau, le vol (dans tous les sens du mot) de Lupin, les nombreuses ramifications du Souterrain, les 36 000 hommes de troupe se résumant à un peloton dérisoire etc. Cela finit par en devenir assez artificiel.

Retour à l'index


2. ARSÈNE LUPIN PREND DES VACANCES

Première diffusion:18 décembre 1973

Distribution:  Roger Carel (Commissaire Guerchard), Claude Degliame (Dolores Kesselbach), Daniel Sarry (Leduc), Jacques Debary (Rudolf Kesselbach)

Résumé: Arsène Lupin, en villégiature à Etretat, voit un homme tomber accidentellement d'une falaise  Il s'agit de l'Inspecteur Lenormand, arrivé d'Indochine, qui l'espionnait en soupçonnant sa véritable identité pour lui. Lupin substitue à lui et annonce sa propre mort. Il se voit alors nommé à Cannes, où il s'intéresse à Rudolf Kesslbach. Ce milliardaire au passé criminel  a jadis découvert un trésor inca, dont, après avoir assassiné les témoins,  il a dissimulé le secret dans une statuette représentant un dieu puma. Lupin désire simplement le narguer en lui prouvant que son coffre fort dernier cri n'est pas inviolable et l'entendre avouer son histoire. Après son départ Kesselbach est tué par Leduc son secrétaire, également amant de sa femme. Leduc désire la statuette mais celle-ci se situe désormais dans une exposition organisée par la municipalité. Lupin sympathise avec  Dolores Kesselbach, innocente du crime et, sous les traits de Lenormand, fait arrêter Leduc au moment où il s'apprête à dérober la statuette. Critique:  Cet épisode s'avère fort mineur, plombé par une action bien trop inconséquente et les interminables bavardages en résultant, destinés à meubler. L'introduction, inutilement alambiquée, évoque fâcheusement Victor, de la brigade mondaine. Lupin se fait pareillement passer pour un policer et utilise ici ce  statut pour arrêter, non pas exactement un imposteur, mais un assassin faisant pesant sur lui la responsabilité du meurtre. On a donc une redite similaire, mais également bien inférieure.

Là ou les dialogues de l'original pétillaient sans cesse, ceux de la copie se montrent bien ternes, tirant sans cesse à la ligne. La mise en scène passe d'assez vive à totalement figée, tandis que les superbes panoramas de puis la Tour Eiffel cèdent la place à une reconstitution à l'évidence en toc de la Côte d'Azur. Cette seconde saison semble disposer de sensiblement moins de moyens  que la précédente et la comparaison des deux épisodes s'avèrent catastrophique pour Arsène Lupin prend des vacances.

L'épisode conserve quelques atouts, comme la beauté et personnalité singulières de Claude Degliame, ou l'abatage remarquable de Roger Carel en un Guerchard , toujours plaisamment obnubilé par Lupin et fort imbu de lui même. Jacques Monod apparaît également remarquable en préfet autoritaire et irascible, le retrouver suer la durée introduit une agréable continuité de l'univers de la série, vis à vis du défilé de la première saison. Jacques Dubary apporte une réelle présence à Kesselbach. A titre anecdotique on remarque l'apparition de l'Argus Parisien et de son journaliste affuté, spécialiste de Lupin, dont on ignore encore qu'il s'agit d'Isidore Beautrellet.

Les nostalgiques de Mystérieuses Cités d'Or s'amuseront eux à retrouver des objets d'art et des musiques andines rappelant le dessin animé de 1982. On remarque aussi de forts jolis inserts d'époque de la Riviera. Mais tout ceci ne vient que distraire fugacement dans ce qui demeure un épisode essentiellement verbeux.

Retour à l'index


3. LE MYSTÈRE DE GESVRES

Première diffusion: 22 décembre 1973

Distribution:   Roger Carel (Commissaire Guerchard), Thérèse Liotard (Raymonde), Pauline Larrieu (Suzanne), Bernard Giraudeau (Isidore Beautrellet), Henri Tisot (Juge Duredant)

Résumé:  Lupin cambriole le Comte de Gesvres, celui-ci s'étant malhonnêtement enrichi durant la Grande Guerre. Il se fait au passage tirer dessus par Raymonde, nièce délurée du Comte.  Sous une identité d'emprunt il prend plaisir par la suite à en faire la conquête. Il doit également se soucier de la vente de son butin auprès de richissimes amateurs d'art étrangers. Mais sa principale préoccupation demeure le jeune et perspicace journaliste Isidore Beautrellet. Celui- reconstitue admirablement l'intrigue de Lupin dans l'affaire de Gesvres. Lupin ressent de la sympathie pour lui et ne lui en voudra pas de refuser d'entrer dans on organisation, d'écrire un article défavorable sous la pression de son patron, ni même d'assister, à son corps défendant, Guerchard et le Préfet.

Critique: Certes l'intrigue  commet plusieurs maladresses. Une  introduction réussie plante le décor d'une mystérieuse énigme, mais celle-ci se voit résolue très vite, pour n'être remplacée que par quelques scénettes dépourvues de liant : Le récit s'éparpille beaucoup trop  entre Lupin tentant de placer ses rapines ou de nouer un flirt avec Raymonde, l'enquête menée par le juge, l'idylle naissante entre Suzanne et Isidore, la sympathie du Gentleman Cambrioleur pour ce dernier, intervention météorique de Guerchard…

L'épisode manque d'un sujet central, la multiplication de ces instantanés le privant de consistance. On n'évite pas non plus quelques longueurs comme la poursuite dans la forêt ou les discussions dans le souterrain,  trop prolongées.

Le talent et la fantaisie de ces interprètes sauve néanmoins Le Mystère de Gesvres, le transformant en un spectacle tout à fait distrayant. Henri Tisot a droit à un véritable One-man-Show. Il se montre aussi truculent qu'hilarant, dans un numéro idéalement taillé pour lui! Thérèse Liotard et Pauline Larrieu se montrent des plus charmantes, mais l'épisode reste avant tout marqué par l'excellente prestation du regretté Bernard Giraudeau. Encore à l'orée de sa carrière donne un portrait espiègle et juvénile d'Isidore, rendant fort agréable sa relation originale avec Lupin. La complicité avec Descrières transparaît à l'écran et nous vaut des passages particulièrement amusants.

On apprécie également de découvrir l'arrière cour des activités délictueuses de Lupin, entre gestion de la logistique et démarches de vente de ses trophées (enchères à la Art Incorporated !). Cela achève de donner un ton particulier à cet épisode égratignant au passage les mœurs de la presse. Heureusement pour Isidore, Lupin a de meilleures manières que Fantômas envers Fandor !

Retour à l'index


4. LE SECRET DE L'AIGUILLE

Première diffusion: 25 décembre 1973

Distribution: Roger Carel (Commissaire Guerchard), Catherine Rouvel (Geneviève), Bernard Giraudeau (Isidore Beautrellet), Henry Virlojeux (Herlock Sholmès), Robert Rollis (Bobby)

Résumé:  Arsène Lupin réalise un grand coup d'éclat en dérobant les Joyaux de la Couronne, au coeur de la Tour de Londres. Le gouvernement britannique maintient le silence sur ce vol et  envoie Herlock Sholmès à Paris, pour organiser les recherches. Celui-ci, outre l'inévitable Commissaire Guerchard, choisit de s'appuyer sur Isidore, dont il apprécie la vivacité d'esprit et la grande connaissance de Lupin. Holmès envoie ses deux associés sur les  traces du Manuscrit de Guillaume le Conquérant. Celui-ci contient un précieux, secret, auquel Lupin semble accorder beaucoup de valeur. Une vaste chasse au trésor conduit Guerchard à l'Aiguille d'Etretat, contenant une cache jadis employée par les Rois de France, et récupérée par Lupin. Entre temps Sholmès, puis Isidore, sont enlevés par Lupin. Tandis que Guerchard a recours à des explosifs, ce qui ensevelit définitivement la cachette (abandonnée par Lupin), le Gentleman Cambrioleur explique à Isidore que toute l'aventure ne représente qu'une vaste diversion, qu'il  a lui même organisé avec l'aide  de la belle Geneviève.  Pendant ce temps, il a pu en toute tranquillité négocier la revente du trésor au gouvernement britannique, qui désire éviter le scandale.

Critique:  Comme souvent au cours de la série, l'introduction s'avère remarquablement soignée, avec une jolie reconstitution des Joyaux de la Couronne mais aussi une hilarante discussion entre un Lupin en grande tenue et le Bobby en faction. La situation développe un non sense  tout britannique judicieusement accordé à la situation, tout en  permettant de retrouver  l'excellent Robert Rollis, inépuisable second rôle du cinéma français. Après cette savoureuse mise en bouche Le Secret de l'Aiguille, joli cadeau de Noël 1973, va s'avérer absolument remarquable en actionnant à la perfection divers ressorts.

Tout d'abord le récit se déploie autour d'un lieu central de l'univers de Leblanc, cette Aiguille et cette Falaise d'Etretat non loin desquelles il écrivit nombre des exploits de son héros et où il situa son repaire secret. Ce la apporte un éclat particulier à l'aventure du jour mais l'épisode ne se contente pas d'une simple récupération. Bien au contraire le site d'Etretat va devenir un protagoniste à part entière de l'aventure. En effet il se voit admirablement mis en valeur par une mise en scène illustrant à merveille sa beauté tout en exploitant ses diverses particularités : altitude, escalier, roche de craie, dimension marine... Le succès s'avère tel que l'on ressent physiquement l'envie d'aller traîner ses guêtres du côté de cet endroit unique !

Par ailleurs Etreta sert d'écrin à un événement majeur au sein de l'univers de la série, outre la résonance particulière du vil des Joyaux de la Couronne : l'alliance des trois pires ennemis de Lupin, qui vont cette fois oeuvrer de concert. Décidément, tout concoure à faire du Secret de l'Aiguille un épisode  à part ! L'option retenue s'inscrit résolument dans la comédie facétieuse, ce qui explique peut être, outre les contraintes de temps, l'éviction trop rapide du sévère Holmès, soit l'unique regret laissé par l'épisode. Virlojeux a cependant le temps de nous régaler d'excellentes scènes,  comme cette déclamation très particulière d'Hamlet ou ce clin d'œil direct à Conan Doyle, meilleur historiographe qu'Isidore.

L'espace dégagé est intelligemment dédié à Isidore, toujours incarné avec une juvénile énergie par Bernard Giraudeau. Le personnage se montre toujours aussi astucieux et tonique (mais tenant mal l'alcool...). L'incorruptible Isidore, par la modestie de son train de vie, présente aussi le mérite de nous faire découvrir un milieu social autre que celui habituellement déployé par la série, un autre aspect de ces trépidantes années 20. Mais c'est bien Guerchard qui ramasse la mise, grâce à l'épatant numéro réalisé par un Roger Carel absolument déchaîné. Il faut le voir payer de sa personne et donner une hilarante expressivité aux crises de nerf de l'infortuné Commissaire au cours de nombreuses scènes d'excellentes comédies au cours desquelles on rit franchement : du grand art.

La réalisation se montre dynamique, multipliant les scènes courtes et incisives,  tout en accordant une large part à l'action. On suit parfaitement les diverses étapes de la vaste arnaque constituant le sel du scénario. Elle est efficacement relayée par une musique guillerette, peut être un tantinet répétitive. Elle met parfaitement Lupin en valeur, ayant compris que les déguisements de celui-ci atteignent leur efficacité optimale avec des effets chocs et variés, en évitant de trop prolonger une  personnalité d'emprunt. L'érudit excentrique, la baderne du Deuxième Bureau ou le Moine archétypal relèvent se montent fort gouleyants, avec un Descrières trouvant toujours le ton juste.

Rien ne manquera décidément à l'éclatant succès de l'épisode, puisque le traditionnel personnage féminin sort également du lot grâce à la présence de Catherine Rouvel, la vénéneuse (dans tous les sens du terme) Béatrice d'Hirson des Rois Maudits (1972-1973). Avec brio, l'actrice apporte une vraie personnalité à Geneviève qui se montre plus affirmée et volontiers prédatrice que nombres des autres compagnes d'aventures de Lupin. Porté par des talents divers s'harmonisant à merveille au sein d'un superbe paysage, Le Secret de l'Aiguille demeure bien l'un des grands classiques de ces aventures télévisées d'Arsène Lupin.

Retour à l'index


5. L'HOMME AU CHAPEAU NOIR

Première diffusion:27 décembre 1973

Distribution: Roger Carel (Commissaire Guerchard), Nicole Calfan (Catherine Montessieux), Henri Virlojeux (Herlock Sholmès), Karin Petersen (Juliette de Boisvert), Gérard Chevalier (Antoine de Boisvert)

Résumé:  Arsène Lupin fait croire à sa mort, espérant ainsi pouvoir profiter de vacances bien gagnées. Mais Catherine, jeune amie de Natacha, vient lui demander son aide. Elle est persuadée qu'un mystérieux homme en noir rode dans la propriété familiale et qu'il lui veut du mal. De plus un arbre, auquel elle été très attachée durant son enfance, à été inexplicablement déplacé. Lupin, sous l'identité d'un journaliste, se rend sur place, également intrigué par la réputation d'alchimiste  du grand père de la jeune femme, aujourd'hui décédé. Il a la surprise de retrouver Guerchard, envoyé à la demande de la sœur et du beau-frère de Catherine. Lupin découvre que ce sont ces deux individus qui ont changé l'emplacement de l'arbre car celui-ci délimite l'héritage du grand père Ils espèrent ainsi s'emparer d'une rivière charriant des particuliers aurifères. L'homme en noir a été conçu  afin de faire passer Catherine pour une folle auprès de Guerchard, car elle avait remarqué l'escamotage de l'arbre.

Critique:  L'épisode part sur les chapeaux de roue, avec un pré-générique une nouvelle fois rondement mené. Les pseudo funérailles de Lupin sont décrites avec humour, notamment avec un excellent clin d'œil à Pierre Lazareff, mais aussi une vraie émotion. Quand Herlock Sholmès (ultime apparition, hélas trop brève) déclare, sans être démenti, à Gurchard que celui-ci vient de perdre son seul ami, c'est assez beau.

Par ailleurs L'Homme au chapeau Noir (rien à voir avec Tonton) se conclue remarquablement, avec un parfait emboitement des pièces du puzzle. Une conclusion à la hauteur d'une intrigue originale et astucieuse, où l'on retrouve avec plaisir quelques éléments typiques de la littérature populaire à la Leblanc, volontiers mélodramatique et rocambolesque. Et puis utiliser les propriétés d'un estuaire s'avère forcément sympathique…

Malheureusement, à peine entrecoupée par quelques jolies prises de vues aériennes s'étend entre les deux une vaste étendue de dialogues guères enlevés, plombés par une mise en scène des plus inertes, et d'autre part interprétés sans génie. Les comédiens semblent effet en deçà de ce que propose habituellement la série. C'est notamment le cas pour la jeune et sublime Nicole Calfan, qui manque encore visiblement de métier pour affiner son énergie. A sa décharge, son personnage se montre imité et assez vite crispant par ses exclamations continuelles.

Les contorsions du scénario visant à faire coïncider les interventions de Gurchard et Lupin apparaissent également quelque peu capillotractées. L'épisode se suit sans déplaisir de fait de son mystère savamment entretenu jusqu'au terme du récit, mais lasse néanmoins de vifs regrets tant il aurait pu gagner en intérêt en se montrant plus nerveux. Reste le bonheur de découvrir le brave Guerchard se montrer enfin efficace, on en sort ravi pour ce commissaire foncièrement sympathique malgré ses petits travers !

Retour à l'index


6. L'ÉCHARPE DE SOIE ROUGE

Première diffusion:29 décembre 1973

Distribution: Roger Carel (Commissaire Guerchard), Prudence Harrington (Jenny Saphir), François Guérin (Prévailles), Sacha Pitoëff (Ignatieff)

Résumé:  Lupin, lassé de l'absence d'aventure, révèle à Gerchard qu'il est toujours vivant. Dans le même temps, Jenny, artiste réputée de music hall et  ancienne amante, l'appelle à la rescousse. Elle a en effet  épousé par amour le financier douteux Prévailles. Mais celui-ci vise en fait le célèbre saphir de Jenny, cadeau d'un noble cosaque. Prévailles en a désespérément besoin car ses escroqueries s'effondrent. Il devient de plus en violent et menaçant, allant jusqu'à provoque la mort de Sacha, un ami russe de Jenny qui veillait sur elle. Lupin achève de le ruiner, avant de livrer à la justice… Avec l'aide du propre Guerchard ! Celui–ci préfère arrêter la sombre crapule que Lupin, d'autant qu'il est ému par le sort de Jenny. Mettre hors d'état de nuire le bandit lui vaut d'ailleurs la Légion d'Honneur, sans qu'il renonce pour autant à affronter Lupin.

Critique:  Handicapée par le jeu assez démonstratif, mais au si plaisant accent anglais, de la charmante Prudence Harrington (apparue également dans Les Brigades du Tigre)  cette histoire solide se suit sans déplaisir. Les divers rebondissements s'enchaînent avec réussite, même s'ils se voient trop soulignés par un montage passablement rugueux. François Guérin campe un joli portrait de canaille et la course à l'abime du personnage, toujours plus épouvantable, se  découvre avec intérêt.

La mise en scène manifeste un correct sens du tempo, tandis qu'il se confirme qu'à l'instar de John Steed ou de Lord Sinclair, Lupin dispose désormais d'un appartemnt comme décor central de ses aventures. Un Art déco du meilleur goût en caractérise l'élégante décoration. On y remarque d'amusantes portes coulissantes, dont une s'ouvrant sur une petite salle de sport contenant un mannequin d'escrime ressemblant furieusement à celui de Mrs Peel !

Pour autant, l'essentiel de ce réjouissant opus réside ailleurs, dans la relation toujours plus détectable opposant autant qu'elle unit Guerchard à Lupin. Les deux gaillards nous régalent d'unduel où s'entremêlent respect, voire même complicité, dans ce qui demeure humainement fort bien observé. On apprécie que le plaisir de Lupin de retrouver enfin le frisson de l'aventure corresponde chez Guerchard à celui de  la chasse, sans jamais départir de l'honneur.

Ce savoureux rapport nous vaut diverses scènes particulièrement drôles et sympathiques, comme les retrouvailles, après que Guerchard ait dû  s'aventurer dans un tunnel digne des meilleurs cartoons ou l'hommage de Lupin à la rectitude morale de ce brave homme de Commissaire. Peut être davantage encore que durant la première saison, la connivence jouissive entre les toujours parfaits Descrières et Carel s'impose décidément comme le moteur principal de la série.

Retour à l'index


7. LA DEMEURE MYSTÉRIEUSE

Première diffusion:29 décembre 1973

Distribution: Marika Green (Régine Aubry), Evelyne Dress (Arlette), Jacques Toja (Comte de Mélamare), Guy Grosso (Inspecteur Rabloux), Jean Turlier (Van Houben)

Résumé:  Le riche diamantaire Van Houben crée une robe où est insérée une fortune en diamants. La modèle Régine Aubry doit l'arborer  une soirée de gala. Mais celle-ci se voit enlevée par deux malfaiteurs masqués, qui la libère après avoir récupéré la robe. Par la suite le mystérieux duo procède de même avec  Arlette, couturière, qui parvient à s'échapper. Les deux jeunes femmes ont eu le temps d'apercevoir plusieurs pièces de la résidence des bandits, de même qu'un tableau de Quentin de La Tour. Arsène Lupin, fâché qu'on lui ait soufflé la robe qu'il convoitait, mène l'enquête, de même que l'inspecteur Rabloux. Grâce au tableau, la demeure est identifiée comme celle du Comte de Mélamare, qui est arrêté. Mais Lupin parvient à résoudre l'énigme : le Comte a été la victime d'une famille ennemie de la sienne depuis des siècles, qui s'est servi d'un manoir identique au sien pour le faire accuser. Lupin n'oublie pas de subtiliser les diamants, avant de s'éclipser en compagnie d'Arlette…

Critique:  L'énigme du jour se révèle efficacement conçue et originale. Elle entretetient un joli mystère tout en s'agrémentant agréablement d'éléments culturels, comme cette référence bien trouvée à Quentin de la Tour, peintre des figures marquantes du règne du Bien-Aimé. Lupin joue pleinement le jeu en revêtant le costume d'Hercule Poirot et en opérant à peu près exactement comme le Belge, y compris avec la proverbiale scène d'explications réunissant tous les protagonistes.

L'enquête varie agréablement ses effets en incorporant avec discernement plusieurs excellentes de comédies, celles-ci parviennent à divertir sans dénaturer l'ensemble en tirant par trop vers comédie. La réalisation se montre alerte, offrant volontiers de superbes paysages au spectateur. Par contre la saison 2 continue visiblement à ne bénéficier que de moyens inférieurs à la première : les décors demeurent certes élégants, mais n'ont plus la splendeur d'antan.

Aux côtés d'un Descrières en grande forme (excellent numéro du juge mondain), dans leur grande majorité les comédiens se montrent excellents tant ils apportent de la vie à leurs personnages joyeusement théâtraux. S'en détachent le naturel et l'allant d'une jeune Evelyne Dress épatante en petite main, mais aussi la maîtrise de Jacques Toja. L'entendre s'exprimer dans un phrasé emprunt de noblesse identique à celui du Louis XIV d'Angélique Marquise des Anges constitue un authentique atout pour La demeure mystérieuse.

On regrettera par contre l'absence de Guerchard, Guy Grosso, acteur sympathique mais limité, rendant Rabloux plus terne qu'amusant. On note aussi un prolongement un peu inutile de l'action après la révélation du pot aux roses, notamment avec une course poursuite assez vaine. Mais ces réserves  secondaires n'empêchent pas l'épisode de demeurer éminemment divertissant.

Retour à l'index


8. LES HUIT COUPS DE L'HORLOGE

Première diffusion: 12 janvier 1974

Distribution: Corinne Le Poulain (Hortense), François Maistre (Le Baron d'Aigleroche), Pierre Londiche (Gaétan)

Résumé:  Lupin, sous l'identité d'un prince russe, s'invite chez le baron d'Aigleroche, dont il convoite un précieux parchemin. Il fait la connaissance de la superbe nièce du Baron, Hortense. Ensemble,  ils visitent un manoir abandonné depuis des années, ayant la surprise d'y découvrir  une longue-vue et une horloge pourtant  encore en marche. Malgré les interventions successives de Gaétan, cousin amoureux d'Hortense voyant un rival en Lupin, le duo va dénouer les fils de l'énigme. Le Baron épiait les rencontres entre sa femme et l'amant de celle-ci, avant de les assassiner. La longue-vue avait bloqué le mécanisme de l'horloge jusqu'à l'arrivée de Lupin. En échange du silence de celui-ci, le Baron lui remet le parchemin, de même qu'il restitue à sa nièce la fortune qu'il lui avait dérobé en tant que tuteur. 

Critique:  L'intérêt de l'épisode réside dans le duo Descrières/Le Poulain, évoquant de manière distrayante le futur Sam et Sally (1978-1980), après  Nicole Calfan apparue dans L'homme au chapeau noir. Au-delà de l'anecdote, le duo de comédiens fonctionne à merveille, apportant un charme indéniable au couple Lupin/Hortense. On apprécie que celle-ci se montre joliment rosse, évitant le piège de la caricaturale innocente jeune fille en détresse. Mais elle aurait pu davantage participer à l'action !

Le problème de l'épisode est que cette relation phagocyte toute le reste, multipliant les dialogues pas toujours relevés au détriment d'une intrigue trainant véritablement en longueur. De plus, la mise en scène se contente de filmer platement les superbes paysages naturels, on s'amuse à remarquer que, durant le duel, les doublures sont à peu près aussi évidentes que celles des Avengers.

La fameuse énigme se résume à une astuce enfantine et à un crime prévisible dès le commencement : une intrigue tellement simpliste qu'il n'y a pas véritablement d'enquête mais plutôt de lassants allers et retours entre les deux maisons.. De plus on se demande bien pourquoi le Baron n'a pas pris la peine de faire disparaitre les corps.  Les interventions de Gaétan apparaissent davantage comme du remplissage que comme une fausse piste, avec un humour assez répétitif.

L'excellent François Maistre se voit réduit à de trop rares scènes. Lupin se cantonne à une unique personnalité d'emprunt, guère fantaisiste hormis l'accent, et jointe à un déguisement assez passe partout, hormis pour le duel.  Soit l'inverse absolu  d'un l'emploi judicieux : prestations variées, brèves et percutantes. Un épisode à voir uniquement pour la belle rencontre de Descrières et Corinne Le Poulain.

Retour à l'index


9. LA DAME AU CHAPEAU Á PLUMES

Première diffusion:19 janvier 1974

Distribution: Fritz Muliar (Commissaire Pittora), Christine Böhm (Elfi), Dany Sigel (Lydia)

Résumé:  A Vienne, sortant d'un casino avec une valise plein de billets, Lupin est victime d'un accident de la route. Il se réveille dans un hôpital, totalement amnésique. La police est intriguée par la forte somme trouvée sur lui, pour partie composée de fausse monnaie, de même que par ses quatre passeports différents. Avec l'aide d'Elfi, sa charmante infirmière Lupin commence à remonter le fil des évènements, Sigmund Freud en personne ayant établi qu'il devait être un détective privé américain ! La mémoire lui revient après un choc survenu quand un second accident manque de se produire. En fait Lupin était au casino pour blanchir de la fausse monnaie, du fait du chantage de Lydia, la Dame au Chapeau à Plumes. Celle-ci détient en effet son véritable passeport, avec sa photo.  Lydia fait alors enlever Elfi pour forcer Lupin à restituer l'argent, mais celui-ci la dupe en ne lui donnant que la fausse monnaie !

Critique: Avec La Dame au Chapeau à Plumes  Arsène débute une virée européenne similaire à celle de la première saison, mais nettement plus brève, avec seulement quatre épisodes contre huit précédemment. De plus les voyages se limitent à l'Allemagne et à l'Autriche. Un rapport de cause à effet existe sans doute entre cette moindre présence de partenaires étrangers et la sensible restriction budgétaire ressentie cette saison.

 Le périple commence bien petitement avec cet opus. Son lancement s'avère prometteur, avec lc procédé toujours efficace du réveil amnésique dans un hôpital, déjà expérimenté, entre autres, par Lord Sinclair et Tara King. Mais ici la posture tourne court au bout de vingt minutes, n'ayant autorisé que quelques vagues flash-backs, d'autant plus que la personnalité de Lupin reste inchangée.

On comprend vite que tout ceci ne constitue qu'un simple prétexte à organiser la rencontre entre Freud et Lupin, mais celle-ci demeure totalement inopérante par manque brio et d'humour. On montre à Lupin des taches qui ressemblent à des menottes et il dit qu'elles rassemblent à des menottes.

Un fois revenue dans le schéma traditionnel, l'intrigue se révèle d'une vacuité quasi absolue, multipliant par ailleurs les raccourcis effarants et les  facilités scénaristiques. Comment diable Lydia a-t-elle bien pu se procurer le vrai passeport de Lupin, où simplement pourquoi ce document existe-t-il, l'histoire se garde bien de le préciser. Le tout se révèle par ailleurs platement filmé, avec des comédiens autrichiens pour la plupart peu inspirés, mais peut être pénalisés par le médiocre doublage.

Grimé en infirmière, Descrières est plus ridicule qu'autre chose. Le plus navrant demeure l'inexploitation du cadre unique que constitue Vienne On ne découvre aucune de ses splendeurs, sans que le temps libéré dope le moins du monde à une action se résumant à  des bavardages creux. Un épisode pour rien.

Retour à l'index


10. LA DANSEUSE DE ROTTENBURG

Première diffusion:26 janvier 1974

Distribution: Dagmar Heller (Amélie), Charlotte Kerr (Mme Zimmermann), Günter Strack (Federlein)

Résumé: En Bavière, à Rottenburg (en fait Rothenburg ob der Tauber), Lupin sauve in extremis du suicide la jeune Amélie, qui se trouve dans  une situation financière désespérée. Elle a contracté un important emprunt, gagé sur une célèbre peinture lui appartenant, La Danseuse. Or le portrait à été volé, et la campagne d'assurance ne lui verse qu'un dédommagement misérable, arguant que sa propre expertise avait établi qu'ils 'agissait d'un faux. Arsène subodore une arnaque, effectivement l'expert, l'assureur et la directrice d'une galerie d'art se sont associés et font découvrir miraculeusement le tableau... En fait une évidente copie ! Privant ainsi Amélie de tout recours, ils envisagent de vendre l'oeuvre à un milliardaire chilien, collectionneur passionné. Lupin découvre l'affaire et se fait passer pour le Chilien. Il achète l'oeuvre à bon prix mais la cambriole après l'avoir assurée, ce qui plume l'escroc. Il la revend ensuite avec un solide bénéfice au Chilien, qui s'avère un séduisant jeune homme, reversant la forte somme à Amélie. Mais celle-ci n'est pas au bout de son heureuse fortune, puisqu'un coup de foudre l'unit au riche collectionneur, l'aventure se concluant par un mariage !

Critique:  La Danseuse de Rottenburg reste avant tout une brillante construction scénaristique, où l'escroquerie déjà astucieuse du trio se voit démontée par la contre-arnaque de Lupin, elle tout à fait splendide. Sous la patine humoristique et charmante de la série, on trouve une mécanique aussi implacable qu'élégante, dont les divers éléments s'emboîtent parfaitement, avec un vrai sens du spectaculaire et quelques rebondissements survenant à point nommé pour lui compliquer la tâche. Du travail d'orfèvre.

On apprécie également la férocité du joyeuse de Lupin, qui n'a cependant pas la tripe cruelle au  point de détruire ses adversaires, se contentant de les rincer. L'épisode opte également pour une certaine originalité, quand Lupin se fait souiller la demoiselle...  Descrières se montre particulièrement alerte et énergique dans son hilarante composition de l'irascible Chilien !

Le courant semble également mieux passer que précédemment entre lui et ses partenaires allemands. Si la belle Dagmar Heller se montre un tantinet fade en Amélie, les autres comédiens défendent avec conviction leur personnage. Charlotte Kerr montre beaucoup de classe en femme du monde corrompue et le  Commissaire de police manifeste beaucoup plus d'humour et d'énergie que son collègue de La Demoiselle aux yeux verts. Mais  l'autre grand atout de l'épisode demeure la ville de Rothenburg elle même, splendeur miraculeusement préservée du Moyen Age et de la Renaissance allemands.

La réalisation  met parfaitement  en valeur quelques uns de ses sites les plus remarquables, dont la magnifique place médiévale de Plölein, sans trop empeser le récit. On comprend sans peine pourquoi Rothenburg constitue l'un des phares du tourisme Outre-Rhin Avec également  quelques plans réussis des splendeurs de Munich, on retrouve tout à fait l'expressivité et le sens de l'image de Fritz Umgelter, futur réalisateur de l'inoubliable Zora la Rousse (1979). On se réjouit de le retrouver également aux commandes des deux derniers épisodes allemands de la saison.

Retour à l'index


11. LE FILM RÉVÉLATEUR

Première diffusion: 2 février 1974

Distribution: Maria Körber (Romy Heidkamp), Marie Versini (Brigitte Barett), Felix Knemöller (Sénateur Heidkamp)

Résumé:  A bord d'un dirigeable se rendant en Allemagne, Lupin se substitue à un célèbre acteur. Celui-ci est  invité par le richissime Sénateur Heidkamp, afin de présider une fête organisée autour de sa collection de bijoux. Ce magnat a en effet décidé de se lancer dans le cinéma. Sur place ; il dérobe les joyaux, dont un prestigieux diamant, mais il s'aperçoit que ce dernier est un faux. Furieux d'avoir été devancé, il décide de récupérer la pierre. Après avoir sympathisé avec l'épouse délaissée de Heidkamp, il oriente sa recherche  vers la maitresse du Sénateur, la piquante vedette Brigitte Barett. Il trouve la preuve de la duplicité de Brigitte en regardant l'un de ses films, où elle ne peut s'empêcher d'arborer le diamant. Après avoir réussi à le récupérer, il le restitue galamment à la Sénatrice, récemment divorcée, mais rend le faux à son ancien mari, pour toucher la prime promise par celui-ci !

Critique:  Cet épisode, particulièrement drôle et enlevé, accumule les bonnes idées. Il a ainsi la bonne idée d'en revenir aux fondamentaux, en décrivant un Lupin davantage cambrioleur que redresseur de tort. Cela ne le prive évidemment pas de demeurer un toujours raffiné gentleman, notamment lors de la belle rencontre avec Romy Heidkamp. Le récit le montre excellant dans les diverses disciplines de son art, en prenant  avec à-propos le temps de nous décrire par le menu le volet technique d'un cambriolage nocturne.

Le ton ressort résolument de la comédie, avec une intrigue joyeusement cynique et comme opposition une cocotte maligne mais trop présomptueuse, rien d'aussi sinistre qu'un assassinat ou un chantage sordide. Les dialogues pétillent et la visite des studios de cinéma regorgent de gags réussis au sein de l'atmosphère si électrique d'un tournage. Les poncifs des productions de l'époque se voient également joliment croqués.

L'épisode ne gaspille pas l'occasion d'une satire, certes légère des meurs de ce milieu, avec une belle galerie de portraits portés par des acteurs parfaitement convaincants. Descrières s'amuse visiblement beaucoup et se montre cabotin en diable avec des numéros particulièrement hauts en couleurs, dont le désopilant journaliste. Le mise en scène de Fritz Umgelter demeure idéalement vive et facétieuse, pertinemment synchrone avec le le comédien principal.

La reconstitution historique s'avère également de grande qualité, avec quelques brillantes idées comme l'évocation de la magie des grands Zeppelins d'avant le drame de 1937 ou la reconstitution d'une séance de cinéma d'alors. Cette dernière, clou de l'épisode, se montre des plus fidèles, tant du point de vue artistique (jeu théâtralisé des comédiens) que technique, tandis qu'est introduite l'astucieuse idée du film révélateur.

On apprécie également que le fidèle Grognard ait un rôle plus développé qu'à l'ordinaire, apparaissant comme un partenaire à part entière et non comme une simple utilité. Un épisode particulièrement truculent et inventif !

Retour à l'index


12. LE DOUBLE JEU

Première diffusion: 9 février 1974

Distribution: Andrea Dahmen (Hélène von Wisenberg), Bernhard Helfrich (Commissaire Gottlieb), Günter Spörrle (Wagner)

Résumé:  La Baronne Hélène von Wisenberg se voit accusée de meurtre de son maître de manège hippique, car tout semble l'accuser. La Police a la preuve qu'elle était la maîtresse de la victime et estime qu'elle n'a pas supporté d'être éconduite. De plus elle est la seule a détenir les clefs de la pièce close où l'assassinat a eu lieu. De son côté elle se ne se défend pas car elle croit que son mari, qu'elle aime toujours, est le responsable, ayant découvert son infortune. Lupin, de passage dans la région, va prendre à cœur de prouver l'innocence d'Hélène. Après une enquête menée de concert avec le Commissaire local, il prouve que le coupable est le neveu du Baron. La victime trichait aux cartes avec le neveu comme complice, mais avait voulu conserver tout le butin. Arsène repart avec Hélène, celle-ci s'étend rendue compte que son mari ne l'aimait pas.

Critique:  L'épisode développe une enquête dans la grande tradition du genre, entre chambre close montre (apparemment) brisée à l'instant du crime, jeu des alibis, existence de  différents suspects, lot d'inévitables rebondissements… L'ensemble se montre solide et cohérent,  mais demeure tout à fait classiques. De plus Lupin, hormis la personnalité d'emprunt qu'il conserve tout du long, ne manifeste ici aucune spécificité.

On pourrait tout à fait se retrouver face au déroulement d'un épisode de Poirot, appliqué mais sans génie ni fantaisie. Mais ce qui plombe l'épisode demeure la mise en scène d'un Fritz Umgelter, très à l'aise dans l'aventure et le mouvement, mais qui ne parvient pas à animer un huis clos, exercice toujours éminemment délicat.

De fait on se lasse assez vite d'entendre les mêmes faits, commentés plusieurs fois par des personnes différentes et d'une action circoncise pour l'essentiel à quelques emplacements du haras tournant en boucle. De-ci, de-là on aperçoit quelques beaux panoramas bavarois, mais cet aspect reste insuffisamment exploité. Les acteurs allemands se montrent pareillement efficaces mais sans brio particulier.

Le meilleur de l'épisode demeure indubitablement Descrières, composant avec crédibilité et sans aucune caricature facile un noble prussien de la vieille école. Grâce à son art de la narration, digne du meilleur théâtre, il permet au récit d'au moins réussir le passage essentiel de la révélation de la solution de l'énigme. L'intérêt ressurgit alors vivement, mais il est bien tard.

Retour à l'index


13. LE COFFRE-FORT DE MME IMBERT

Première diffusion: 16 février 1974

Distribution: Roger Carel (Commissaire Guerchard), Pascale Roberts (Irène Imbert), Marthe Mercadier (Sophie), Jacques Monod (le Préfet), Raymond Bussières (l'aveugle), Jean-Pierre Rambal (Benoît Imbert)

Résumé:  Irène Imbert, femme à la moralité légère, se montre terriblement dépensière. Elle ruine son timide mari,  puis use d'expédients pour maintenir son niveau de vie.  Un jour elle dépasse les bornes, en dérobant la recette d'un aveugle, joueur d'orgue de Barbarie. Lupin décide de lui donner une leçon. Il lui fait croire à un prochain héritage américain, lui faisant parvenir de faux titres. De riches financiers s'empressent de prêter de fortes sommes à Irène, en attendant le gros lot. Elle dépense sans compter, tandis que Lupin, devenu son intendant, pousse à la roue. Il cambriole le solide coffre-fort d'Irène, substituant tout l'argent par de la fausse monnaie. Puis il s'arrange pour éveiller les soupçons des banquiers. Convaincue d'escroquerie par le Préfet, Irène est alors arrêtée. Mais Lupin, magnanime et galant, la fait prestement libérer puis quitter le pays avec son mari, toujours amoureux. Il indemnise ensuite royalement l'aveugle.Critique:  Pour son ultime opus, la série a l'excellente idée de faire reprendre ses quartiers parisiens à Lupin, qui renoue avec  ses chers Préfet et Guerchard. La brève intervention de ce dernier ne s'avère guère nécessaire au bon déroulement des opérations, mais il aurait été tellement malheureux qu'il manquât à l'appel pour cette dernière aventure ! Au-delà du plaisir des retrouvailles, l'intrigue, d'ailleurs fortement inspirée faits réels, se révèle un modèle d'arnaque, astucieuse et délicieusement amorale.

Au-delà des portraits brossés avec bonne humeur d'Irène et de son cher et tendre, le récit permet de dresser un tableau satirique de l'avidité humaine, obscurcissant tout jugement. Les banquiers se révèlent assez savoureux là-dessus ! Elle autorise également un ultime tour de piste des multiples talents de Lupin. Il en va de même pour les  différentes facettes de sa personnalité complexe et ambivalente, justicier mais aussi canaille cynique et satisfaite. L'épisode a d'ailleurs l'intelligence de ne le faire sauver Irène qu'en toute dernière extrémité !

On a également le plaisir de renouer avec de  fort beaux décors, certes toujours inférieurs aux somptueuses villas de la première saison, mais néanmoins plaisants à l'œil. Le fameux coffre-fort se révèle ainsi un véritable objet d'art. La mise en scène et le montage se montrent également pertinents et toniques. Cette ultime aventure bénéficie d'une superbe distribution, accompagnant un Descrières en grande forme. Pascale Roberts, tout feu tout femme, incarne l'ultra parisienne Irène avec beaucoup de chien, tandis que le regretté Jean-Pierre Rambal (le Professeur Plumecousin des Visiteurs du Mercredi) se situe idéalement dans on emploi.

On remarque aussi la présence de l'excellente Marthe Mercadier, qui, de manière amusante,  reconstitue ainsi avec Pascale Roberts le duo d'amies des Saintes Chéries. Les amateurs des Avengers auront la joie de redécouvrir le grand Raymond Bussières dans l'émouvant rôle de l'aveugle, trois ans avant l'escapade parisienne des New Avengers.

Ainsi s'achèvent ces exploits d'Arsène Lupin. La série, certes parfois inégale et divergeant  nettement de l'œuvre de Leblanc, présente le grand intérêt de demeurer le plus souvent réellement distrayant près de quarante ans après sa diffusion. Descrières aura jusqu'au bout défendu avec panache cette vison du personnage. Il s'affirme en charismatique chef de bande de comédiens français dont la bonne humeur sans prétention continue à divertir et à subir avec succès l'épreuve du temps.

Retour à l'index

Crédits photo: lmlr.

Images capturées par Estuaire44.

 saison 1 saison 3

Arsène Lupin (1971-1974)

Saison 1

 


1.LE BOUCHON DE CRISTAL




Première diffusion : 18 mars 1971

Distribution : Nadine Alari (Clarisse de Mergy), Daniel Gelin (Alexis Daubrecq), Yves Brainville (le préfet de police)

Résumé :

Gilbert, membre de son organisation considéré par Lupin comme un fils, incite ce dernier à cambrioler la demeure du richissime Dautrecq. Mais Gilbert  désire  en fait récupérer un bouchon de cristal, tout comme un troisième larron, Sébastiani. Celui-ci, évidé, contient une liste de hautes personnalités impliquées dans un immense scandale financier. Dautrecq se sert de cette liste pour les faire chanter et assurer sa puissance. Il désire également obtenir les faveurs de Clarisse de Mergy,  mère de Gilbert, qu'il convoite depuis sa jeunesse. Le cambriolage tourne mal quand Sébastiani abat un domestique présent sur les lieux, tout en étant grièvement blessé lui-même. La police intervient mais Lupin parvient à s'enfuir. Capturé, Gilbert est accusé du meurtre, Sébastiani étant mort des suites de sa blessure. Pour révéler la vérité et sauver Gilbert de la guillotine, Lupin a désespérément besoin de s'emparer de la liste. S'engage alors un duel entre lui et le terrible Dautrecq, dont il finit cependant par percer le secret : la liste  dissimulée dans le bouchon de cristal n'est qu'un leurre, la véritable se trouvant à l'intérieur de l'œil de verre du maître-chanteur.

Critique :

Une fois achevées d'agréables retrouvailles avec le formidable générique de la série, l'épisode nous plonge immédiatement dans le feu de l'action, en plein cœur du cambriolage de la villa de Dautrecq. De fait Le bouchon de cristal ne fonctionne absolument pas comme un pilote traditionnel, ne sacrifiant aucun élément de narration à la présentation du héros et de l'univers de la série. Un choix résultant judicieux, du fait de la popularité préexistante de Lupin mais aussi d'une narration astucieuse  illustrant le sujet par l'exemple. L'épisode offre ainsi une succession de scènes montrant les différentes facettes du personnage au fil du récit : déguisements et identités d'emprunt, cambriole sans violence, gentleman raffiné et protecteur, raillerie  envers les institutions… Tout Lupin est déjà là. On apprécie également la saveur agréablement surannée de l'intrigue, entre naïveté et rebondissements rocambolesques caractéristiques de la littérature populaire à l'époque de Leblanc. Toute une atmosphère, d'autant que l'histoire se montre plus sombre, plus proche de la vision de l'auteur que la suite de la série.

Par ailleurs la qualité de la production saute immédiatement aux yeux. Les décors se montrent absolument somptueux et d'excellent goût, de même que la reconstitution d'époque en environnement naturel : costumes, voitures, détails de la vie quotidienne ont visiblement fait l'objet d'un grand soin et s'allient à merveille. Le plaisir de la découverte s'avère total, contrebalançant une mise en scène assez peu inventive par ailleurs, mais demeurant suffisamment fluide. Ce tempo peu frénétique permet également de savourer pleinement  les dialogues finement ciselés, aux nombreux mots d'esprit très français. L'ensemble n'échappe pas parfois à une certaine théâtralité mais le talent des comédiens s'y accorde avec panache.

 L'atout maître de l'épisode demeure Lupin lui-même, fascinant personnage à qui Descrières apporte un charisme indéniable. Celui-ci revêt pas moins de trois identités d'emprunt totalement différentes (homme du monde, domestique et précepteur), avec à la clef des maquillages absolument convaincants et un jeu relevant ludiquement de l'imagerie d'Épinal. On assiste de fait  à un excellent Boulevard ! Lupin trouve de plus un parfait adversaire en Dautrecq, monstre froid alliant cynisme et vive intelligence. Il se voit incarné avec une étonnante conviction par un superbe Daniel Gélin et les confrontations successives des deux personnages constituent les meilleurs passages  de l'épisode. La belle et sensible Nadine Alari nous vaut également d'émouvantes scènes, portées par une jolie musique romantique. Le bouchon de cristal représente  une excellente carte de visite pour le Gentleman Cambrioleur !

Retour à l'index


2. VICTOR DE LA BRIGADE MONDAINE


Première  diffusion : 25 mars 1971

Distribution : 
Jean Berger (ministre de l'Intérieur), Roger Carel (commissaire Guerchard), Marthe Keller (Natacha), Bernard Lavalette (le Préfet)

Résumé :

Un chef de bande se fait passer pour Arsène Lupin, tout en commettant de violents holds-up. Parallèlement le Préfet de Police, désirant déjouer Lupin en lui opposant un adversaire inconnu, aux méthodes nouvelles, fait appel à Victor, de la Brigade Mondaine. Celui-ci a réalisé sa carrière en Afrique. Il opérera en sous-main, tandis que le commissaire Guerchard, adversaire attitré de Lupin, fera persion. Mais Lupin, averti par la secrétaire du ministre de l'Intérieur (non insensible à son charme) saisit la balle au bond. Il kidnappe le vrai Victor avant son arrivée en Métropole et se substitue à lui, grâce à son art du déguisement. Il va utiliser les moyens mis à sa disposition pour démasquer et mettre sous les verrous l'usurpateur, tout en ridiculisant (et en cambriolant) le pauvre Préfet. Il fait également  la conquête de la belle Natacha, compagne du bandit qu'elle croit être réellement Lupin.

Critique :

Le canevas de l'intrigue du jour s'avère brillant, d'autant que l'épisode a la bonne idée de ne pas jouer la carte du coup d'éclat de la découverte finale de Lupin grimé en Victor, à la crédibilité  impossible, quelle que soit la qualité du déguisement. La révélation du dessous des cartes évite également une trop grande linéarité : l'art d'un scénario réside dans le dévoilement des intentions des joueurs et celui-de Victor de la Brigade Mondaine s'entend à n'achever le puzzle qu'en toute fin de parcours. Il interpelle également avec pertinence la complicité du spectateur,  en élaguant toute la substitution de Victor, pour nous faire découvrir Lupin déjà à l'œuvre (réjouissante scène avec les douaniers !).

Mais l'attrait majeur de Victor de la Brigade Mondaine réside cependant dans l'irruption d'un humour irrésistible au sein de la série. On découvre ainsi l'impayable Guerchard, destiné à devenir la tête de Turc préférée de Lupin. Sa suffisance et sa présomption se voient exprimées avec le talent  et la personnalité du grand Roger Carel, autant dire que le commissaire nous pertit et nous conquiert d'emblée ! Cependant, pour sa première (més)aventure, Guerchard se trouve relativement épargné. Il n'apparaît pas si stupide que cela et, surtout, la dupe principale de Lupin demeure l'infortuné Préfet. Idéalement dans son emploi, Bernard Lavalette lui apporte un agréable alliage de distinction et de fantaisie. Les scènes où Lupin/Victor se joue de lui constituent les plus drôles de l'épisode. Les deux comédiens s'entendent comme larrons en foire, avec une évidente influence théâtrale. On se situe près du Bourgeois Gentilhomme, où Lupin n'incarnerait pas le Maître de Musique ou de Danse, mais bien celui es arnaque. L'insertion de savoureux mots d'argot de Pantruche avive encore  le pétillement de ces face-à-face, de plus tournés sur le site unique de la Tour Eiffel, avec à la clef de jolis panoramas.

 Lupin ne sort pas non plus indemne, apparaissant comme imbu de lui-même au point de parler de lui à la troisième personne, et en quels termes. Mais la maestria de Descrières rend l'ensemble convaincant.  Victor de la Brigade Mondaine demeure également l'occasion de sa belle rencontre avec Natacha. La radieuse Marthe Keller, avec son adorale phrasé, crève l'écran, tandis  que le courant passe à l'évidence intensément avec Descrières. Une vraie alchimie se crée entre ces personnages si naturellement faits l'un pour l'autre. L'on se réjouit de retrouver la Demoiselle d'Avignon dans les deux épisodes suivants, d'autant qu'elle nous régale d'un affriolant défilé de tenues 1920 lui seyant à merveille.

Certes l'on pourra reprocher à l'épisode son tempo toujours modérément frénétique, mais l'on apprécie qu'il prenne le temps d'installer une atmosphère, de laisser la part belle aux dialogues toujours impeccables ou de permettre au charme de s'instaurer entre Arsène et Natacha. Il reste fort agréable de redécouvrir cette série issue d'une époque où l'on permettait à d'excellents comédiens de savourer un texte supérieurement écrit, à la quintessence toute française, au lieu de tout sacrifier au rythme. De plus la réalisation réussit de jolis coups, comme de brèves mais excitantes  vues de l'emblématique Aiguille d'Étretat (le passage en voiture fait très Sam et Sally),  ou la profusion de détails historiques recréant joliment l'époque (Le Petit Parisien, le clin d'œil aux Incorruptibles inspirant Guerchard, Joséphine Baker, Pierre Loti, Modigliani…).

 Quelques facilités scénaristiques demeurent plus dommageables. La Mondaine (actuelle BRP) ne constitue pas forcément le service le plus adéquat pour lutter contre un cambrioleur. Surtout, l'intrigue glisse totalement sur les raisons poussant l'usurpateur à se lancer dans cette imposture  qui non seulement ne lui apporte rien de concret, mais oriente vers lui la police, sans compter l'ire prévisible de Lupin. Hormis peut-être pour les beaux yeux de Natacha, mais, quelle que soit sa radieuse beauté, cela semblerait  tout de même exagéré. Ces réserves mineures n'entachent guère la brillante réussite de Victor de la Brigade Mondaine, opus confirmant l'éclatante qualité de ce début de série.

Les  amateurs des Avengers auront de plus la joie de retrouver Jean Berger en un pittoresque  ministre de l'Intérieur très parisien, d'autant qu'au détour de quelques phrases l'on distingue bien la voix de John Steed. De plus, l'on découvre tout au long de l'épisode qu'Arsène Lupin apprécie au moins autant le champagne que l'as du Ministère !

Retour à l'index


3. ARSÈNE LUPIN CONTRE HERLOCK SHOLMÈS


Première  diffusion : 01 avril 1971

Distribution :  Henri Virlojeux (Herlock Sholmès), Roger Carel (commissaire Guerchard), Marc Dudicourt (Wilson), Marthe Keller (Comtesse Natacha)

Résumé :

Le sinistre financier Dautrec vient d'acquérir un prestigieux diamant, le Royal. Lupin décide de le châtier pour ses nombreux méfaits, en s'emparant du joyau. Natacha s'introduit dans la maison, en se faisant passer pour une garde-malade. Mais Dautrec tente de la violer sous la menace d'un poignard. Dans l'affrontement le banquier meurt, ce qui n'empêche pas le cambriolage de se mener à bien, grâce à un tunnel. Le Préfet et Guerchard, dont l'enquête piétine, font appel au plus grand détective d'Europe, le célèbre Herlock Sholmès. De passage à Paris, celui-ci est comme toujours flanqué du fidèle Wilson. Sholmès reconnaît aisément Lupin sous la fausse identité de l'homme du monde Maxime Bermont, mais il manque de preuves pour établir l'imposture. Il lance alors un défi à Lupin, affirmant qu'il aura récupéré le Royal sous cinq jours. S'engage un duel d'intelligence entre les deux hommes, articulé autour de la résidence de Dautrec. Sholmès marque plusieurs points et se rapproche dangereusement de Lupin et Natacha, mais il est finalement vaincu par un Gentleman Cambrioleur ayant su anticiper ses mouvements. Le Détective repart à Londres, non sans promettre à Lupin une prochaine seconde manche...

Critique :

L'on retrouve dans cet épisode la qualité de production participant avec éclat à l'attractivité de la série. Costumes, voitures et décors se révèlent à nouveau superbes, avec notamment de somptueuses villas de l'époque. De nombreux éléments historiques campent toujours les Années Folles, avec un plaisir certain : Fritz Lang, le Tango de Carlos Gardel alors en pleine vogue, Radio-Paris annonçant la montée d'un nazisme dont elle deviendra la propagandiste zélée, Staline écartant Trostky, le grand quotidien  L'Excelsior (1910-1940) etc. On ne s'en lasse pas. Élément toujours appréciable, une continuité est instaurée dans l'univers de la série, à travers quelques clins d'œil aux évènements récemment survenus. Les auteurs n'oublient pas non plus d'insérer une référence majeure à l'univers de Leblanc, l'Aiguille d'Étretat.

Mais l'atout maître de l'épisode demeure bien entendu l'entrée en lice d'Herlock Sholmès. Ce savoureux pastiche de Sherlock Holmes, fruit de l'imagination d'un Leblanc souvent surnommé en son temps « le Conan Doyle français », va immensément apporter à la série. Non seulement par sa valeur intrinsèque, mais aussi par ce qu'il suscite à Lupin un adversaire un tant soit peu crédible. Admirer Lupin tourner en ridicule la police se montre très pertissant, mais pourrait devenir à la longue  par trop inégal et mécanique. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire et la présence de Sholmès au cours de quatre épisodes vient partiellement contrecarrer ce péril. Le scénario, finement articulé, va se montrer absolument brillant par sa mise en valeur de Sholmès, puis dans l'écriture de la relation subtile existant entre le Détective et le Cambrioleur.

Lors de la survenue de Sholmès  tout concourt à susciter l'évènement : l'effroi non dissimulé de Grognard et Natacha, la référence à un périlleux duel précédent, le discours laudateur du Préfet, faisant écho à l'aura du propre Sherlock Holmes... L'atmosphère s'en voit dramatisée dès le début de l'épisode, une agréable spécificité de Arsène Lupin contre Herlock Sholmès que les auteurs, avec une  vive pertinence,  ne vont pas gâcher en développant une caricature outrancière du Détective (sans même parler d'accent anglais). Bien au contraire, la performance absolument époustouflante d'un parfait Henri Virlojeux se voit mise au service d'un Sholmès développant certes un humour à froid très britannique, mais se définissant avant tout par son intelligence et sa combativité.

Pour éviter un récit par trop aride,  les habiles scénaristes centrent la drôlerie du pastiche sur Wilson, considéré comme un Watson... extrême, tout en circonvolutions devant son « cher et grand ami ». L'excellent Marc Dudicourt lui apporte toute sa personnalité et l'on renoue plaisamment avec quelques attitudes du Flambart de Vidocq. Sholmès bénéficie également d'un très large espace narratif, Lupin s'effaçant durant pratiquement tout le tronçon central du récit. Sholmès/Virlojeux vole de fait la vedette à Lupin/Descrières, un choix lucide et non dénué d'audace.

Le duel entre les deux protagonistes peut ainsi s'agencer de manière optimale, et il va effectivement s'avérer une remarquable partie d'échecs autour du thème archétypal de la chambre close, un classique absolu de la littérature populaire de l'époque. Le rythme demeure certes modéré, mais sans temps mort ou digressions, permettant aux pièces de se mouvoir aussi élégamment qu'implacablement sur l'échiquier. On peut ainsi profiter pleinement de dialogues une nouvelles fois ciselés avec un talent d'orfèvre.

Toutefois l'affrontement ne se limite pas à cela, se caractérisant avant tout par la confrontation de deux esprits supérieurs, au-dessus du commun des mortels et affranchis des notions si restrictives de légalité. Cela convient idéalement à Lupin mais aussi à Sholmès, Holmes n'ayant au grand jamais été un auxiliaire de police. Les deux se combattent, non pour le diamant, mais pour  le vertigineux plaisir de l'intelligence (et de l'ego), évidemment sans se départir de l'honneur.

Cette  dimension, parfaitement restituée par les comédiens, assure la singularité et le succès de ce passionnant opus. Entre costumes raffinés de dandy et terne mais solide tweed, le choc opposant le volubile et si français Lupin, dont les femmes constituent la faiblesse, au lapidaire et sévère  Sholmès, s'inscrit également dans l'Entente Cordiale, la rivalité franco-britannique nous vaut de nombreux bons mots !

Cet épisode, déjà particulièrement riche, s'enjolive encore de réjouissants à-côtés, tels Grognard s'installant définitivement en bras droit discret mais sagace, la contrariété de Guerchard découvrant un nouveau rival s'interposer entre lui et Lupin, ou bien entendu, Natacha. Si on la voit moins que lors de l'épisode précédent, la Comtesse, pareillement avide d'aventures (et de sensations fortes), tire son épingle du jeu grâce à la présence de la toujours aussi merveilleuse  Marthe Keller. Celle-ci s'entend vraiment à la perfection avec Descrières, quel couple ! La période Natacha, l'une des plus relevées de la série, continue à nous séduire et l'on attend impatiemment la revanche promise par Sholmès !

Retour à l'index


4. L'ARRESTATION D'ARSÈNE LUPIN


Première diffusion : 8 avril 1971

Distribution :  Marthe Keller (Comtesse Natacha), Roger Carel (commissaire Guerchard), Christian Duroc (le préfet de Police), Edith Loria (Comtesse Rivolta)

Résumé :

À Reims, au grand effroi de Grognard et Natacha, Arsène Lupin se lance dans le cambriolage particulièrement risqué d'un grand producteur de Champagne. Averti, le commissaire Guerchard intervient et procède à l'arrestation de Lupin. Le Préfet triomphe, quand une lettre du Cambrioleur, expédiée avant l'incarcération, lui parvient. Lupin annonce s'être volontairement fait jeter prison, pour prouver que  même depuis sa cellule il peut mener des opérations à bien, avant de, bien entendu, s'évader. Malgré l'incrédulité initiale  il mène son plan à terme, Grognard suivant ses instructions en dévalisant un riche malhonnête après s'être fait  passer pour le propre Guerchard. De plus Lupin parvient à s'évader, non pas une, mais deux fois, après avoir frappé à la porte de la prison pour qu'on l'y accepte de nouveau ! Après ses glorieux exploits, le Gentleman Cambrioleur part pour des vacances bien méritées, en compagnie de Natacha.

Critique :

Après les brillantes constructions précédentes, le scénario de L'arrestation d'Arsène Lupin déçoit quelque peu, L'argument se résume pour l'essentiel au culte de la performance, assez semblable en cela à ce qu'expriment souvent les aventures de Sherlock Holmes. L'évasion et la cambriole se substituent simplement ici à la résolution d'enquêtes. Comme le lecteur ou le spectateur n'est pas convié à la fête à la façon ludique d'une Agatha Christie, tout ceci devient vite stérile et nombriliste chez Conan Doyle, dès lors que l'exploit n'est pas mis au service d'une intrigue plus vaste et persifiée.

Or c'est malheureusement ce qui se déroule ici, la performance s'identifiant à l'ensemble de l'intrigue et recouvrant tout son champ, jusqu'à la caricature. Indice probant de la faiblesse du scénario, celui-ci ne peut que se segmenter afin de  maximiser le nombre de trophées de Lupin, acquérant la forme d'un film à sketchs au lieu d'une œuvre plus ambitieuse.

Cette course à l'épate se montre de plus inégale, car si certains coups s'avèrent bien amenés (la supposée substitution avec le clochard, le retour de Lupin à la prison), d'autres apparaissent hautement prévisibles  (Grognard se faisant passer pour Guerchard, le vol des tableaux, la lettre d'intentions). Les dialogues se montrent également en deçà, avec de plus une vraie maladresse : Lupin expliquant systématiquement à Guerchard le modus operandi de ses exploits.

Or le spectateur ayant  souvent (toujours) tout compris depuis belle lurette, cela vire assez vite au superfétatoire. Mais il faut y voir l'ultime avatar de cette exaltation de la prouesse, éradiquant toute autre considération. Avouons aussi que l'abyssale idiotie des perses forces de l'ordre prive Lupin d'une partie de ses lauriers par manque de réel  adversaire. Le récit paraît mal dosé là-dessus. 

On éprouve cependant du plaisir à regarder L'arrestation d'Arsène Lupin, grâce au formidable abattage de George Descrières. Alors que le procédé scénaristique de l'épisode pourrait rapidement résulter laborieux, son talent assure l'intérêt du spectateur et l'humour des situations. D'autant que d'excellents comédiens lui donnent la répartie, au premier chef Roger Carel. La production maintient sa grande qualité, avec de nouveau la découverte de superbes résidences et d'une brillante reconstitution d'époque. On regrettera néanmoins la récupération du passage filmé à Étretat pour Victor de la Brigade Mondaine, pareillement en toute fin de récit.

La réalisation nous concocte également quelques images surprenantes, comme les gigantesques caves à champagne de Reims, communicant avec des fortifications de la Grande Guerre, un panorama de la Cathédrale en pleine réfection, le pittoresque blindé d'époque convoyant Lupin, voire même une scène de drague lesbienne étonnamment explicite pour l'ORTF.  On s'amuse également à découvrir un nouveau Préfet à chaque épisode, le précédent ayant toujours  été révoqué après avoir échoué face à Lupin. On pourrait évoquer les Numéros 2 du Village...

Le meilleur reste néanmoins le chant du cygne d'une Natacha plus passionnéee, ensorcelante et amoureuse que jamais, lors de sa dernière apparition. Même si Lupin n'est évidemment pas homme à entrer en ménage, on regrettera beaucoup la Russe volcanique et son interprète, qui ne seront jamais vraiment remplacées au cours de la série. Entre autres excellents passages, elle connaît sa première vraie dispute avec Arsène, laissant ce dernier tout ému. Un précieux moment d'humanité dans cet épisode réduisant Lupin à une impeccable mécanique, non exempte de forfanterie.

Retour à l'index


5. L'AGENCE BARNETT


Première diffusion : 15 avril 1971

Distribution : Roger Carel (commissaire Guerchard), Jacques Balutin (inspecteur Béchoux), Michèle Bardollet (Olga), René Clermont (le curé Dessole), Monique Tarbès (Berthe)

Résumé :

Arsène Lupin ouvre une agence de détective privé, sous le pseudonyme de Barnett. Venant en aide aux victimes modestes  de cambriolages qu'il estime réellement crapuleux, il mène ainsi plusieurs affaires à bien. Au cours de ses enquêtes, il croise à perses reprises le chemin de l'inspecteur Béchoux qui finit par supposer que Barnett, homme supérieurement habile et audacieux, ne peut être qu'Arsène Lupin. Guerchard demeure totalement incrédule, estimant qu'un simple inspecteur ne peut réussir là où un commissaire échoue. Les deux hommes rivalisent dans l'affaire du Trésor du Roi Dagobert, où Lupin ridiculise le policier. L'ancienne épouse de Béchoux, la coquette et délurée Olga, meneuse de revue, réside dans un coquet immeuble, situé juste en face de l'agence Barnett. En délicatesse financière, elle dérobe des valeurs à son voisin notaire. Lupin  résout l'affaire sans dénoncer Olga, au grand soulagement d'un Berchoux toujours amoureux. Le même Béchoux déchante quand il s'aperçoit qu'Olga est partie accompagner Lupin à Venise !

Critique :

Après le limité L'arrestation d'Arsène Lupin, L'agence Barnett nous propose de nouveau une structure se rapprochant du film à sketchs, mais avec un tout autre bonheur. Favorisés par Maurice Leblanc lui-même, qui organisa les aventures de l'Agence Barnett en nouvelles indépendantes, les auteurs manifestent de plus l'à-propos de n'en retenir que deux (d'autres se voient simplement évoquées), ce qui permettra de les développer efficacement. En lieu et place d'une accumulation de péripéties tirées à la ligne et par trop centrées sur le seul Lupin, nous découvrons ainsi deux belles histoires, alliant à merveille l'intrigue à énigme et la mise en place d'une atmosphère. Les deux environnements décrits apparaissent de plus judicieusement antagonistes, entre terroir français au sein d'un village digne de Pagnol, et petit monde d'un immeuble bourgeois très parisien.

Les panoramas s'avèrent joliment croqués, notamment grâce à une profusion de savoureux seconds rôles emblématiques, interprétés par d'excellents comédiens du répertoire (dont la charmante Monique Tarbès) : curé onctueux, nobliau arc-bouté sur le passé, demoiselles légères et notaire salace défilent de la sorte,  pour notre grand plaisir. La chronique campagnarde évoque joliment les douceurs du temps, tandis que les cavalcades et les claquements de portes de la capitale renvoient à la meilleure tradition du Boulevard. Au sein d'un humour décapant et à l'occasion féroce (formidables dialogues), on apprécie certains à-côtés, comme l'histoire simple et touchante de l'émouvant représentant. La raffinée et particulièrement évocatrice musique de la série souligne idéalement ces différents aspects.

Aussi simples qu'en ressortent les rouages, les deux énigmes fonctionnent agréablement (particulièrement la première)  et renouent avec le charme particulier de ce style de littérature. Au lieu du compte-rendu passablement sec et cérébral que l'on découvre parfois chez Sherlock Holmes, l'on apprécie au plus haut point que la révélation des solutions donne lieu à des scènes d'excellent théâtre, à l'imitation de l'irrésistible Hercule Poirot. L'abattage et le métier de Descrières y font merveille, entre humour narquois et sens de la narration. Son Barnett apparaît délicieusement fantaisiste. Une nouvelle fois à l'instar du Belge, les démonstrations accordent avec bonheur une large place à la psychologie et à la nature humaines, ce qui s'avère toujours autrement captivant qu'une leçon  à propos de mégots de cigarettes ou de traces de boue.

Ces scènes constituent les pivots de l'épisode, où Lupin trouve un partenaire de choix en la  personne de l'inspecteur Béchoux. Entre enthousiasme enfantin, amour transi et petits ridicules, l'inpidu se montre à la fois distrayant et sympathique, tandis que la faconde du parfait Jacques Balutin lui apporte un allant assez formidable. Son duo avec la très dessalée Olga relève une nouvelle fois d'un joyeux Boulevard.

L'un des rares regrets laissés par l'épisode demeure d'ailleurs sa chute, que l'on ne peut s'empêcher de trouver un tantinet trop cruelle pour le brave et valeureux Béchoux. Quelques lignes de texte suffisent à Guerchard pour s'ensevelir sous le ridicule, avec cette satire courtelinesque des travers de la fonction publique. Au total, porté par un tempo davantage tonique qu'à l'accoutumée et par une pittoresque peinture de ses pers personnages, L'agence Barnett constitue un Lupin de fort bonne cuvée.

Retour à l'index


6. LA DEMOISELLE AUX YEUX VERTS


Première diffusion : 22 avril 1971

Distribution : Katryn Ackermann (Lady Bakefield), Suzanne Beck (Aurélia), Gerd Haucke (commissaire Marshall)

Résumé :

En Allemagne, Lupin sympathise avec Lady Bakefield, après que cette redoutable pickpocket lui ait subtilisé son portefeuille. Ils vont prêter assistance à Aurélia, une jeune femme en péril. Celle-ci vient de découvrir une lettre où son père, un inventeur génial disparu dans un naufrage, indique qu'un trésor est dissimulé dans la villa familiale. Elle doit jouer un certain air au piano pour que la cache soit révélée. Son tuteur, tout comme un autre aigrefin, veulent la forcer au mariage pour capter l'héritage. De plus Aurélia ne parvient pas à trouver son héritage, le piano demeurant inopérant. Lupin va parvenir à livrer les escrocs à police, tout en découvrant que l'instrument est tout simplement mal accordé ! Une fois Aurélia en possession de son héritage, lui et Lady Bakefield partent pour de nouvelles aventures, en Angleterre.

Critique :

Poussé sans doute par son esprit aventureux (et plus sûrement par les contraintes d'une coproduction internationale) Lupin débute une pérégrination européenne. La première étape de son périple va s'avérer une authentique déception, aux multiples causes. Tout d'abord, schématisée à l'extrême par les adaptateurs, l'intrigue accumule les invraisemblances, et les simplifications scénaristiques, jusqu'à atteindre un rocambolesque passablement absurde. Lady Bakefield ne sert quasiment à rien, le récit aurait pu en faire l'économie, d'autant que sa relation avec Lupin ne suscite guère d'étincelles (Natacha est bien loin).

La mise en scène se révèle platement figurative, multipliant par ailleurs les indigestes gros plans sur visage. La moindre saillie de dialogues nettement plus plats qu'à l'ordinaire, où la péripétie la plus saugrenue se voit soulignée par un indicatif musical assez pompier, comme dans les pires sitcoms. La répétitivité continue du procédé lasse rapidement.

Les comédiens allemands pâtissent également d'un doublage passablement approximatif. Il en va de même pour  Descrières, dont la voxographie ne compte sans doute pas parmi les talents. D'une manière plus diffuse, on sent bien que la communicative et réjouissante connivence existant entre Descrières et ses partenaires du théâtre français n'existe pas ici. Le courant ne passe guère entre lui et ses collègues d'Outre-Rhin, le spectacle en souffre terriblement. L'épisode n'évite par certains travers : le commissaire allemand, au faux air de Colonel Klink, réajustant à plusieurs reprises son monocle tout en prononçant « Kolossal », c'est plutôt pesant.

Quelques à-côtés surnagent certes dans le désastre. Les paysages naturels et les styles architecturaux diffèrent du quotidien de la série, tout en demeurant somptueux. La reconstitution historique demeure par contre particulièrement soignée. Lupin demeure égal à lui-même et dès lors que Descrières agit en solo, dans ses caricatures bon enfant de Lord anglais ou d'artiste italien, on sourit de nouveau. Quel comédien ! Suzanne Beck, plaisamment mutine, arbore la grande beauté digne d'Aurélia et se montre rafraichissante au possible.

On apprécie également vivement les petits détails du style ORTF, avec ses bouteilles exhibant comme étiquette le neutre « Champagne », flanqué de deux drapeaux tricolores. Le temps d'inserts publicitaires n'est pas encore survenu…

Tout ceci ne peut que brièvement dissiper la torpeur générée par cet épisode manquant singulièrement de vie et d'éclat.

Retour à l'index


7. LA CHAÎNE BRISÉE


Première diffusion : 29 avril 1971

Distribution : Sjoukje Hooymayer (Hélène), Fans Raddemakers (Mullen), Marja Goud (Claudia)

Résumé :

Un agent double communique à une puissance hostile des informations vitales sur un projet de sonar révolutionnaire, mené par le gouvernement hollandais. Les autorités de ce pays, doutant de leurs propres services, font appel à Arsène Lupin, lui offrant une forte récompense pour démanteler le réseau adverse. Les espions multiplient les actions contre Lupin, après que celui-ci s'est emparé de documents importants. Attaques et séductions de femmes fatales ne cessent de  se succéder, tandis que Lupin joue des nerfs des espions pour les forcer à sortir du bois. Grâce à l'aide de la belle Hélène, que son charme fait changer de camp, il démasque le coupable, le propre chef de la sécurité, et fait arrêter ses complices.

Critique :

Le premier scénario original de la série va constituer l'occasion d'un coup de maître de la part des auteurs. Au lieu de tenter de reproduire platement les clichés  de la littérature populaire contemporaine de Leblanc, ils manifestent une belle audace en détournant les aventures d'Arsène Lupin vers la série d'espionnage. Les amateurs de James Bond ou du Saint ne s'y sentiront pas dépaysés ! Le pari s'avère totalement gagnant grâce à deux atouts : d'une part on assiste à un excellent exercice de style et de l'autre Lupin reste malgré tout Lupin.

Le héros ne ne se voit absolument pas dévoyé par le changement de nature du récit, il reste ce personnage si Français, séducteur, rebelle, gouailleur (dialogues pétillant de nouveau), audacieux, que l'on aime tant à retrouver d'aventure en aventure. Les auteurs, dosant finement leurs effets, ont également l'excellente idée de susciter tout de même un cambriolage. Suprême habileté, Lupin s'y dévalisera lui-même ! La créativité des scénaristes va jusqu'à montrer Lupin commettre pour la première fois une grave erreur, dramatisant idéalement le récit, ce que l'on aurait difficilement trouvé dans une adaptation de Leblanc.

Sur un tempo vif et enlevé, on renoue avec succès avec les grands classiques de l'espionnite : agents doubles,  complots (ah, le champagne empoisonné…), échanges d'informations, codes secrets, femmes fatales, bagarres et coups de feu… La magie des séries Sixties se voit reconstituée avec éclat. On apprécie particulièrement les rebondissements conduits avec fluidité, le quartier général du méchant dans le décor insolite du Musée ou la torture sadique si archétypale exercée contre le héros, ici avec des fléchettes au curare (on se croirait presque dans Le Magnifique !).

Les meilleurs canons du genre répondent à l'appel, tandis que Descrières étincelle comme jamais. Outre une entente visiblement bien meilleure avec l'équipe hollandaise qu'avec l'allemande, il défend avec un brio renouvelé son personnage et nous régale d'une des meilleures identités d'emprunt de la série : Cordoba. Ou plutôt : Manuel, Rafaelito y Gomez y Rial y Cordoba !

Accompagné d'une lumineuse guitare flamenca, cette caricature espiègle de l'Espagnol fier, fanfaron et hâbleur s'avère absolument délectable. On rit de bon cœur devant cette charge joyeuse tant Descrières s'amuse lui-même à s'y adonner, le plaisir est total. Lupin et la tradition du roman picaresque espagnol développent bien entendu de nombreuses accointances et l'épisode célèbre leur rencontre avec énergie et pertinence. Aux cotés de Descrières, Sjoukje Hooymayer incarne avec conviction une très tonique Hélène, participant bien plus à l'action que lady Blakefield et dont la relation avec Lupin fonctionne parfaitement. Enfin un personnage féminin pouvant, même partiellement, rivaliser avec Natacha !

La production demeure d'une parfaite qualité, tandis que l'environnement hollandais nous vaut de fort belles vues de ports et canaux, une ambiance originale dans la série. On apprécie le retour d'éléments historiques judicieusement choisis, comme la traversée de l'Atlantique en avion (par Lindberg, en 1927) ou Cocteau. Un épisode enthousiasmant, prouvant que les séries françaises pouvaient alors rivaliser avec les anglaises, sur leur propre terrain !

Retour à l'index


8. LA FEMME AUX DEUX SOURIRES


Première diffusion : 6 mai 1971

Distribution : Rafaella Carrà (Antonina/Clara), Nerio Bernardi (Marquis de Belmonte), Pasquale Coletta (Anselmo), Victorio Sanipoli (Peppino)

Résumé :

À Rome, Lupin vient à la rescousse du Marquis Belmonte. Jadis très épris d'une célèbre cantatrice mariée au bandit Peppino, ils  ont eu une fille. L'artiste décède brusquement et ses  fastueux collier, offerts par le marquis, disparaissent. Vingt ans plus tard Peppino fait chanter le Marquis en menaçant de faire partir à l'étranger la jeune fille, Clara, par ailleurs devenue sa complice. Il exige les bijoux, alors que le Marquis ignore où ils se trouvent. Les choses se compliquent avec l'entrée en scène d'Antonina, sœur jumelle de Clara, dont tout le monde ignore l'existence et qui fut élevée à la campagne. Les quiproquos se multiplient, mais Lupin parvient à élucider l'énigme des joyaux, tout en rendant au Marquis ses deux filles retrouvées. Il repart à Paris avec Clara, non sans emporter l'un des bijoux…

Critique :

Ah, l'immuable splendeur de la Ville éternelle… tout comme Lord Sinclair en préambule de Five Miles To Midnight, Arsène Lupin débute son aventure italienne par une promenade dans Rome, la calèche se substituant à l'Aston Martin. Mais la comparaison tourne court car, très rapidement, La femme aux deux sourires nous fait pénétrer dans l'une des contrées les plus ensoleillées du Nanarland, le nanar italien des années 70.

Rien n'y manque, comme les bagarres à la Bud Spencer et Terence Hill, aux gags pachydermiques et aux effets sonores de dessin animé, les situations désarmantes de naïveté et d'improbabilité (pour échapper à Peppino, Clara ne trouve pas mieux que de se produire sur  scène avec des affiches dans tout Rome : elle est stupéfaite que Peppino la trouve), réalisation sautant gaiment par dessus bord, acteurs délicieusement grotesques et mauvais, aux postures de mauvaise commedia dell'arte et puis le soleil et la langue italienne si chantante… De manière amusante, l'épisode constitue un condensé assez complet de ce cinéma bis que l'on prend un plaisir coupable à apprécier.

En symbole du genre on retrouve la Carrà, chanteuse, comédienne et animatrice de télévision très populaire en Italie mais aussi en Espagne, dont le naturel joyeux et spontané,  associé au manque absolu de talent, s'avère vraiment sympathique. Le plus drôle de l'affaire demeure les efforts désespérés mais vaillants de Descrières pour tenter de faire survivre Lupin dans cette farce à l'italienne, entre postures ridicules et  dialogues ineptes. Le ridicule de la moto à hélice, du peignoir à fleurs,  du discours le visage à demi mangé par les feuilles, des bijoux dans un bête vase ou du final grandiloquent s'avère passablement jubilatoire. Mais il s'agit aussi d'une belle démonstration du métier d'un comédien, s'acharnant à défendre son rôle malgré la farce ambiante.

Au total, l'épisode présente le mérite de refuser toute demi-mesure, pour s'aventurer franchement  dans le domaine improbable du nanar latin. La jonction entre ce sous-genre et le rocambolesque de la littérature de Leblanc se montre vraiment gratinée.  Évidemment tout cela reste totalement crétin et gentiment nul, mais sans prétention. On n'a pas le cœur de détester.

Retour à l'index


9. LA CHIMÈRE DU CALIFE


Première  diffusion : 13 mai 1971

Distribution : Gunnar Moller (Paul Fox), Tilo von Berlepsch (Baron von Augstadt), Signe Seidel (la Baronne)

Résumé :

En Bavière, la Baronne von Augstadt fait l'objet d'un odieux chantage au scandale : un ancien amant, le Dr Prede, exige d'elle la Chimère du Calife, un joyau appartenant à son mari. Le docteur et le Baron sont rivaux dans des affaires de pétrole et offrir cette relique historique  à un puissant émir permettrait de conclure d'importants accords. La Baronne s'exécute puis, désespérée, fait appel à Arsène Lupin. Le Baron s'aperçoit du vol et a, lui,  recours aux services du grand détective anglais Paul Fox. Lupin va manipuler Fox pour prendre le docteur au piège mais laisse à ce dernier les lauriers de la victoire. En effet, en galant homme, il s'efface pour ne pas compromettre la Baronne.

Critique :

Retour en Allemagne pour Lupin, dont l'exil co-productif se prolonge décidément. La Chimère du Calife (excellent titre) débute par une forte déception : les jouissifs Sholmès et Wilson de Virlojeux et Dudicourt se voient remplacés par un duo d'acteurs allemands, interprétant les nettement plus impersonnels Fox et Robertson.

Les comédiens se révèlent solides, mais leurs personnages manquent terriblement d'humour et de charisme. Ils se montrent ainsi à l'unisson de l'ensemble d'un épisode sérieux et appliqué, développant une mécanique bien huilée, mais  dépourvu de fantaisie.

L'intrigue, dominée comme à la parade par Lupin, se suit sans déplaisir, car efficacement écrite par des auteurs connaissant leur métier. Mais, hormis quelques gags bon enfant, l'amusement se trouve cantonné aux seuls déguisements de Lupin, or ceux-ci se sont  souvent montrés plus pétillant qu'un militaire anglais dépourvu d'excentricité ou un quelconque vitrier.

L'ensemble de la distributionse montre  de qualité, exceptée l'assez terne Signe Seidel. Celle-ci manque du charme nécessaire pour justifier l'intervention de Lupin. Le méchant évite intelligemment tout ridicule (on se situe loin de Peppino) et sa confrontation avec Lupin au champ de tir s'avère une jolie réussite. Le contexte historique se campe plaisamment avec la mise en avant du Charleston, danse popularisée en France par Joséphine Baker, mais les épisodes allemands n'évoquent absolument pas la République de Weimar, période pourtant passionnante.

La Chimère du Calife, qui sait se conclure sur une note joliment romantique, constitue également un régal pour les yeux. Outre les superbes paysages naturels de Bavière, on y trouve en effet une véritable profusion d'objets d'art de nature perse (bibelots, ébénisterie, peintures…), tous du meilleur goût.

Retour à l'index


10. UNE FEMME CONTRE ARSÈNE LUPIN


Première diffusion : 20 mai 1971

Distribution :  Juliette Mills (Maria Bonatti), Louis Arbessier (Dr Fischer), François Simon (Aldo Bonatti), Marisa Traversi (Miss Nelly)

Résumé :

À Saint-Moritz, un gang de voleurs dérobe les bijoux des riches touristes, en les remplaçant par d'excellentes copies réalisées à partir de photographies. Une fois l'opération conclue, ils assassinent la photographe. Mais le pot aux roses est néanmoins découvert, car le Crack de 1929 oblige certains à vendre leurs bijoux. Paniquées, les compagnies d'assurance font appel à Arsène Lupin pour retrouver les joyaux. Par ailleurs Maria, une jeune journaliste, enquête sur l'affaire et va considérablement compliquer la tâche du Gentleman Cambrioleur. Celui-parvient néanmoins à ses fins : le cerveau était le propre beau-père de Maria !

Critique :

Ha oui, là c'est violent, tout de même.  À l'instar des pareillement longs et ennuyeux passages de For Your Eyes Only, dédiés à Cortina d'Ampezzo, le but premier de Une femme contre Arsène Lupin consiste à l'évidence en la promotion de St-Moritz, dont à peu près toutes les activités font l'objet d'inserts flatteurs. Tout y passe, jusqu'à plus soif : promenades à pieds ou à calèche, casino et vie mondaine, paysages, sports de neige pers et variés, cures thermales etc. Un vrai dépliant publicitaire, surabondant et besogneux, mais que l'on regrette bien vite quand l'on en revient au récit. L'histoire demeure naïve, même si l'idée d'y incorporer le crack de 29 comme fait déclencheur est astucieuse.

Mais le pire reste la mise en scène, tellement mauvaise qu'elle avoisine parfois le surréalisme. Toutes les scènes apparaissent absolument figées, voire parfois silencieuses. Le montage résulte réellement atroce, avec des passages se télescopant sans être raccord le moins du monde, avec des accélérations catastrophiques. Les plans privilégient le biscornu, sans doute à la recherche d'effets mais ne dépassent pas le stade du simple grotesque. Le doublage apparaît calamiteux, de même que la photographie. De nombreuses scènes  ressortent étrangement blafardes, le comble pour une station réputée pour son soleil.

L'interprétation est à l'avenant, guère servie par les creux dialogues.  Descrières paraît  visiblement si peu convaincu par ce fourbis qu'il ne force guère son talent. On apprécie cependant la beauté et l'allant d'une jeune Juliette Mills, visiblement nettement plus motivée que son partenaire, bien avant qu'elle ne devienne l'icône des ineffables Jeux de Vingt Heures.  Les amateurs de Chapeau Melon reconnaîtront, en nettement plus exacerbée, la déliquescence du dernier segment des New Avengers, où la production se voyait pareillement stipendiée pour promouvoir Toronto. Les tribulations européennes de Lupin deviennent ici un chemin de Croix, ce qui reste assez logique en Suisse, finalement.

Retour à l'index


11. LES ANNEAUX DE CAGLIOSTRO


Première diffusion : 27 mai 1971

Distribution :  Christine Buchegger (Tamara), Hans Holt (Ludwig von Neydegg), Kitty Speiser (Georgine), Hans Jaray (Baron Ordosczy)

Résumé :

À Vienne Lupin retrouve une vieille connaissance en la personne de la belle Tamara, une collègue et rivale. Tamara se fait passer pour la Comtesse Cagliostro, descendante du fameux mage. Elle recherche les anneaux de ce dernier car une énigme y est gravée, conduisant au légendaire trésor de l'Empereur Frédéric Barberousse.  D'abord opposés, Lupin et Tamara font cause commune quand l'employeur de cette dernière tente de la doubler et de l'assassiner. Lupin sympathise également avec Georgine, adorable et gaffeuse journaliste, myope come une taupe. Elle se révèle être la fille du propriétaire légitime du magot. Finalement Lupin découvre la cachette avant tout le monde et remet le trésor à Georgine, non sans prélever sa part ! Il peut ensuite partir en voyage avec Tamara.

Critique :

L'épisode donne le ton dès son ouverture, où cette balade à bord d'une pimpante décapotable à travers les splendeurs de Vienne  s'avère particulièrement gaie et enlevée, au son d'une valse de Strauss. Une jolie réussite ! Par la suite Les anneaux de Cagliostro vont pareillement se montrer pertissants et d'un rythme soutenu, en recourant à l'inusable formule de la chasse au trésor. Les différentes péripéties et rebondissements s'enchaînent avec tonicité, sans que la recherche du spectaculaire entache trop leur pertinence. Le scénario fonctionne malgré quelques faiblesses, comme le temps trop bref imparti à la rivalité Lupin/Tamara, excellente idée insuffisamment exploitée.

On comprend aussi bien vite qui est l'employeur de Tamara, mais ceci demeure vraiment secondaire.  Cependant les canons du genre se voient respectés avec brio, au sein, comme toujours, de superbes décors. La réalisation, sans s'affirmer géniale, se montre sobrement efficace, ce qui fait l'effet d'un rayon de soleil après les déroutes suisses et italiennes.

Mais l'atout maître de l'épisode consiste en l'écriture de ses personnages, tous croqués avec saveur. Le duo d'assassins aux tics de langages  se montre fort pertissant. Par contraste avec leur volubilité satisfaite, on en apprécie que davantage le ton élégant et lapidaire de leur patron. Les deux « Arsène Girls » de la semaine se posent en vraies vedettes de l'épisode. En gaffeuse sympathique mais finalement  vive d'esprit, Georgine est absolument irrésistible, grâce au naturel de Kitty Speiser. Le portait de la Comtesse de Cagliostro en voleuse et escroc de haut vol constitue la meilleure idée des Anneaux de Cagliostro. Sa rivalité entrelacée de jeu de séduction et de sympathie canaille avec Lupin pertit vivement, bien davantage que la version mélodramatique et grandiloquente jusqu'à l'absurde de l'exécrable film de 2003.

Christine Buchegger, femme d'une grande beauté et actrice douée, supérieurement élégante, subit comme à l'accoutumée un doublage désastreux. Elle apporte néanmoins présence et  conviction à cette aventurière dont on aimerait bien suivre les exploits. Descrières, déchaîné,  parachève la fête avec des déguisements et des identités en roue libre. Le contrôleur du gaz et le valet relèvent  du meilleur burlesque !

Retour à l'index


12. LES TABLEAUX DE TORNBÜLL


Première diffusion : 3 juin 1971

Distribution :  Kathrin Ackermann (Lady Bakefield), Walter Bluhm (Comte  Tornbüll), Alexander Hegarth (Stefan von Tornbüll)

Résumé :

Dans une petite île allemande située près d'Heligoland, Arsène Lupin, avec l'aide de Lady Bakefield, entreprend de dérober la fastueuse collection de tableaux Stefan, fils du Comte de Tornbüll. Stefan semble sur le qui-vive, notamment troublé par la présence de nombreux touristes. Lupin découvre que le fils dévoyé du Comte a participé au vol des tableaux aux États-Unis, avant de doubler ses complices et de disparaître avec son butin. Ses anciens amis l'ont pourtant retrouvé, et ils interviennent sous le couvert du tournage d'un film. Ils  gênent un instant Lupin, qui a remplacé les tableaux par des copies, mais le Gentleman Cambrioleur parvient néanmoins à emporter toute la collection. Stefan s'enfuit, tandis que son père touche une colossale assurance !

Critique :

Les tableaux de Tornbüll bénéficient du superbe site naturel de cette île de la Mer du Nord, où partout le regard se perd vers l'horizon. L'endroit, comme son habitat, se caractérise par une beauté solitaire que l'on contemple avec ravissement, mais  convenant mieux à un film d'Ingmar Bergman qu'aux facéties de Lupin, celles-ci apparaissant quelque peu déplacées dans la solennité silencieuse du lieu. Les péripéties du jour ne séduisent guère non plus par leurs qualités intrinsèques, un verbiage ennuyeux et une insipide lenteur caractérisant l'action dès une période d'exposition totalement démesurée.

On parle beaucoup pour finalement raconter peu de chose, avec des pointes de remplissage caractérisé assez énervantes. C'est par exemple le cas  quand Descrières passe en voix off pour commenter  une intrigue que l'on comprend parfaitement par ailleurs, ou quand il se livre à un récapitulatif final absolument inutile.

Outre l'insignifiance de l'intrigue et la mise en scène, on repère quelques autres maladresses. Lady Bakefield se montre aussi inopérante et fade que dans La Demoiselle aux yeux verts, il en va d'ailleurs de même pour l'ensemble des personnages féminins, visiblement sacrifiés.  Lupin conserve quasiment tout du long un unique déguisement, alors qu'il reste bien plus pertinent de varier les effets et de jouer sur la surprise par des numéros brefs mais percutants (comme dans Les anneaux de Cagliostro).

Cela se ressent d'autant plus fortement que le chevrotant Lord Lewcastle ne représente pas, et de loin, la fausse identité la plus pétillante de Lupin. Le scénario regorge de naïvetés,  comme le fait que des tableaux dont le vol a défrayé la chronique soient exposés à la vue de tous, ou que l'assurance débourse une telle somme sans vérifier l'origine des œuvres.

Outre le caractère insolite des lieux, l'épisode bénéficie cependant de quelques atouts, comme l'énergie et la drôlerie qu'apporte enfin le tournage du faux film ou la vision de superbes tableaux, même si ceux-ci ne sont pas assez mis en valeur. Le père et le fils sont joliment croqués et interprétés, avec notamment une délectable composition d'Alexander Hegarth en Stephan, noble déclassé et lâche. Par contre l'on se demande bien comment un tel minable a pu mener semblables aventures aux États-Unis ! On apprécie également l'éclairage, certes succinct, sur les techniques de copies de tableaux. Mais ces quelques moments de pertissement, surgissant au milieu des bavardages, n'empêchent pas l'épisode de demeurer mineur.

Retour à l'index


13. LE SEPT DE CŒUR


Première  diffusion : 10 juin 1971

Distribution : Janine Patrick (Paula), Roger Dutoit (Georges Andermatt), Raoul de Manez (Maurice Leblanc), Etienne Samson (les frères Varin)

Résumé :

À Bruxelles, le journaliste et auteur Maurice Leblanc sympathise avec l'homme du monde Jean Daspry, dont il ignore encore qu'il est Arsène Lupin. Le Gentleman Cambrioleur incite Leblanc à louer une maison, sans lui dire qu'y résidait Louis Lacombe, l'un de ses frères d'armes aviateurs, disparu depuis des semaines. Lupin continue à mener l'enquête et découvre que son ami avait  conçu  les plans d'un aéroplane révolutionnaire. Il a été assassiné par ses assistants, les frères Varin. L'un d'entre eux meurt d'une embolie en constatant que le butin de leur crime, dissimulé dans la maison, a disparu, dérobé par Lupin. Le survivant ne possède qu'une moitié des plans, l'autre étant détenue par l'industriel Andermatt, qui finançait les travaux. Pour l'obtenir il fait chanter Paula, l'épouse d'Andermatt, dont il conserve des lettres compromettantes échangées avec Lacombe. Mais Lupin, se faisant passer pour Salvator, détective privé à la solde d'Andermatt, se joue de Varin. Il récupère les lettres, réconcilie les époux, offre les plans à la France… Et révèle son identité à un admiratif Leblanc, qui va devenir son historiographe.

Critique :

Et voilà comment j'ai connu Arsène Lupin. Voilà comment j'ai su que Jean Daspry, camarade de cercle, relation mondaine, n'était autre qu'Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur. Voilà comment j'ai noué des liens d'amitié fort agréables avec notre grand homme, et comment, peu à peu, grâce à la confiance dont il veut bien m'honorer, je suis devenu son très humble, très fidèle et très reconnaissant historiographe.

Lupin achève son périple européen à Bruxelles, tandis que cette première saison se conclut astucieusement par ce récit clé de l'univers de Leblanc, voyant l'auteur narrer sa rencontre avec son personnage. Si le scénario schématise inévitablement le récit, tout en le déplaçant à Bruxelles  (mais qu'importe), il y demeure finalement bien plus fidèle que nombre des opus précédents, même si l'avion se substitue au sous-marin. D'où une ambiance spécifique, se décalquant avec réussite de l'ensemble de la série et oscillant avec finesse entre roman à énigmes et drame amoureux. Si le premier versant s'avère efficacement mené, avec cette excellente idée du panneau secret à l'intérieur même du coffre-fort dissimulé (joli rebondissement !), on demeure encore davantage sensible à la dimension humaine de l'épisode.

En couple amoureux mais en proie au poison du doute et de l'incommunicabilité, les Andermatt s'avèrent captivants. Roger Dutoit et Janine Patrick expriment à merveille les tourments de leur personnage et permettent de passer outre à ce que la situation peut avoir de daté. L'amitié de Lupin pour le défunt et la noblesse de la description empreinte de gravité qu'il en réalise ressortent également admirables (formidable Descrières). Avec discernement et cohérence Le sept de Cœur réduit à la portion congrue les facéties de Lupin (on ne coupe pas cependant à l'accent belge), d'autant que, s'il se montre pittoresque, Salvator ne relève absolument pas de la farce et se montre incisif.

Leblanc se voit parfaitement exploité, il participe juste ce qu'il faut à l'action pour ne pas se limiter à un témoin passif et sans saveur. C'est parfaitement dosé et Raoul de Manez lui apporte une savoureuse personnalité. Le récit exprime à merveille son amitié et son admiration pour Lupin, mais sans en faire un dévot confit en vénération. L'éclat et l'allant de la rencontre des deux hommes se retrouvent pleinement dans l'épisode, ce qui lui apporte une plaisante spécificité. Plusieurs pastiches, relevant notamment du Fantastique, s'amusent à confronter Conan Doyle à Holmes, on ne pourra pas faire le coup à Leblanc !

Les dialogues s'écoutent avec un vif plaisir, tant ils sonnent juste et se montrent élégants. On y discerne quelques plaisantes références littéraires, comme le Salvator des Mohicans de Paris de Dumas ou une sublime citation des Fleurs du Mal : Mais le vert paradis des amours enfantines, L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs, Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine ?. Comme à l'accoutumée la production se montre de qualité, tout en évoquant avec talent les splendeurs de Bruxelles, en passant par la Grand-Place, les Lions de l'Hôtel de Ville  ou, inévitablement, le Manneken-pis et ses costumes.

Tout en se montrant suffisamment alerte, la mise en scène réussit plusieurs jolis coups, comme le dialogue entre Paula et Arsène, entremêlant avec fluidité pensées et paroles, ce qui suscite poésie et romantisme. Les amateurs des Avengers apprécieront la scène initiale, remarquable d'intensité, où Leblanc se retrouve seul face à des phénomènes étranges et menaçants, dans une somptueuse maison décorée par des effigies de cartes à jouer : comme un air de Joker.

Pour la première fois l'action se poursuit immédiatement après un générique qui s'y intercale, tout comme chez les New Avengers. Épisode brillant et en tous points parfaitement maîtrisé, Le sept de Cœur constitue décidément un exemplaire final de saison !

Retour à l'index

Crédits photo: lmlr.

Images capturées par Estuaire44.

 saison 1 saison 3

Arsène Lupin (1971-1974)

Présentation


A PARTAGER! LES GÉNÉRIQUES CULTES DE SÉRIES TV - Arsène Lupin (Saison 1)Fan d'Arsène Lupin? Retrouvez notre dossier complet sur la série culte avec Georges Descrières par Estuaire44 sur Le Monde des Avengers:http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-1970/arsene-lupin-1971-1974Rejoignez la discussion sur Arsène Lupin sur notre forum: http://avengers.easyforumpro.com/t1261p180-arsene-lupin-serie

Posted by Le Monde des Avengers on Friday, December 4, 2015

Durant les Années Folles, Arsène Lupin affole la Préfecture de police par l'élégante audace de ses forfaits. Expert en déguisements, identités d'emprunt et ouvertures de coffre-fort, il dévalise régulièrement les plus grandes fortunes de France, s'avérant grand amateur d'œuvres d'art. Raffiné et érudit, Arsène ne manque pas non plus de panache, laissant toujours une carte de visite comme souvenir de son passage. Adversaire résolu de la violence, il se montre également un parfait galant homme, ce qui lui vaut le surnom de Gentleman Cambrioleur de la part d'une presse avide de ses exploits. Les autorités lui opposent leur meilleur élément en la personne du Commissaire Guerchard, sans cesse battu par un Lupin prenant toujours un malin plaisir à ridiculiser les institutions.

Le redoutable Herlock Sholmès lui donnera davantage de fil à retordre. Mais la cambriole de haut vol ne constitue qu'une partie des activités de Lupin. Au fil de ses aventures, assisté par son fidèle Grognard (Yvan Bouchard), il se révèle bien davantage un redresseur de torts, s'opposant à des crapules autrement plus sinistres que lui, volant au secours de demoiselles en péril ou résolvant de mystérieuses énigmes.

À l'instar d'autres grandes figures de la littérature populaire, Arsène Lupin se vit rapidement porté au cinéma (1932). Il y vécut plusieurs aventures, dont la plus marquante demeure sans doute Les Aventures d'Arsène Lupin (1957), grâce à la gouaille narquoise de Robert Lamoureux. Assez inévitablement, de par la popularité jamais démentie du personnage et de sa tradition de mise en avant du patrimoine culturel français, l'ORTF s'en vint à son tour à s'intéresser au héros de Maurice Leblanc. Il était d'ailleurs grand temps, car les premières aventures télévisées d'Arsène furent brésiliennes (1957) puis québécoises (1960) !

En 1971 Lupin fit donc son apparition sur les étranges lucarnes françaises, pour une première salve de 13 épisodes. Le succès se trouvant au rendez-vous, une seconde saison fut diffusée en 1973/1974. Contrairement à ce qu'indiquent certains coffrets DVD, il n'y eut jamais de troisième saison ! La série marqua son temps et demeure encore aujourd'hui dans le souvenir du public. Deux autres versions lui succédèrent, Arsène Lupin joue et perd avec Jean-Claude Brialy (1980), certainement plus proche des romans, et Le retour d'Arsène Lupin (1989 et 1995), avec François Dunoyer. Lupin reste absent de la version télévisée de L'Île aux trente cercueils (1979).

Fruit d'une importante coproduction internationale regroupant pas moins de sept autres pays, la série de l'ORTF dispose de moyens conséquents. Elle va les employer au service de récits entraînants et souvent humoristiques, ce Lupin s'avérant plus divertissant et léger que le sombre rebelle de Leblanc, davantage complexe et tourmenté. La série n'hésite d'ailleurs pas à transformer dans de vastes proportions les intrigues originelles, allant bien plus loin dans ce domaine que plus tard un parfois audacieux Poirot. Cela n'ira pas sans faire grincer quelques dents chez les Lupinophiles,  partisans du personnage littéraire et qui perçoivent ici une caricature parodique (à l'image de divers Holmésiens distingués devant le film de Guy Ritchie). La nécessité de situer plusieurs intrigues dans les pays européens cofinançant la production a encore accentué cette réécriture.

Dans sa grande majorité le public accorde cependant le meilleur accueil à cette version, car immédiatement séduit par divers atouts. L'ORTF démontre ainsi son talent coutumier pour les reconstitutions d'époque, les moyens dégagés lui autorisant une recréation pétillante et convaincante des Années Folles. L'humour fait souvent mouche grâce aux situations rocambolesques, aux scénarios assez variés, aux déguisements de Lupin dignes d'un Artemus Gordon,  mais aussi  à des dialogues finement ciselés. Les répliques gagnent encore en éclat grâce à l'impressionnante distribution où l'on retrouve de nombreux grands noms de l'écran et du théâtre français, toujours parfaitement dans leur emploi : Roger Carel, Henri Virlojeux, Raymond Bussières, Corinne Le Poulain, Marthe Keller, Gérard Darmon, Jacques Balutin, Bernard Giraudeau, Henri Tisot, Jean-Marc Thibault, Daniel Gélin, Marc Dudicourt et tant d'autres encore.

Menant cette farandole, le Sociétaire et futur Doyen de la Comédie Française Georges Descrières prend un plaisir manifeste et communicatif à s'encanailler, à côté des grands rôles du répertoire. Son panache et son charme conviennent idéalement à cette version du protagoniste et il va s'imposer comme l'irremplaçable locomotive de la production. La réalisation se situe dans les canons de l'époque, c'est-à-dire certainement pas sur le tempo d'un 24h Chrono ou d'un Alias, mais elle demeure suffisamment alerte pour ne pas trop empeser le format de 52 minutes.

Pour parachever son succès Arsène Lupin s'enjolive d'un superbe générique, avec une musique de Jean-Pierre Bourtayre. Il est rejoint, pour celui de fin, par Jacques Dutronc. Celui-ci signe deux titres devenus indissociables de la série : L'Arsène (saison 1) et Gentleman Cambrioleur (saison 2).

Retour à l'index