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Interview de Rodney Marshall
par Denis Chauvet

Rodney Marshall est né le 23 février 1966 à Londres. Il est le fils de Roger Marshall, scénariste ayant écrit quinze épisodes de Chapeau melon et bottes de cuir de la saison 2 à la saison 5. Rodney Marshall fut maître de conférences en littérature victorienne à l’université d’Exeter. Il se partage entre l’enseignement et le journalisme ; il écrivit pour le Sunday Times et il fut un chroniqueur régulier de French Property News, consacré aux belles demeures françaises. Il partage son existence entre le Suffolk et le Sud-ouest de la France. L’auteur a trois passions : Rebus, The Avengers et…les Chamois Niortais FC, club de seconde division qui joua une saison dans l’élite.

En 2012, il écrivit une étude sur l’inspecteur Rebus, le personnage principal des romans de l’écrivain Ian Rankin, intitulée : Blurred Boundaries: Rankin's Rebus (Amazon, 2012). En 2013, il a écrit trois livres sur les Avengers : Subversive Champagne sur la période Peel (en février pour la version remaniée) puis Making It New?: A reappraisal of The New Avengers et Adventure & Comic Strip: Exploring Tara King's The Avengers (tous les deux en novembre). Un quatrième ouvrage regroupant des écrits de fans sortira en 2014 sous le titre Bright Horizons.   

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Quand et comment avez-vous découvert la série ? Quels sont vos épisodes et saison préférés ?

J’avais dix ans lorsque j’ai découvert ‘The New Avengers’ à la télé. A l’époque, je n’avais jamais vu l’original et je n’étais pas au courant que mon père avait écrit des épisodes ! Pour moi, c’était une série neuve et excitante. Mes favoris ? Comme saison, je pense que la série atteint sa plénitude à la quatrième saison. Les épisodes? Le Top Ten: The Town of No Return, Death at Bargain Prices, The Murder Market, The Gravediggers, The Cybernauts, L’Heure Perdue, Too Many Christmas Trees, Epic, Murdersville, Stay-Tuned.

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire des livres sur la série ?

J’ai trois passions dans la vie : les Chamois Niortais FC, les romans de Rebus (les romans policiers de Ian Rankin) et The Avengers. J’ai écrit sur le forum des Chamois mille fois et je fais des déplacements partout en France avec mon fils pour encourager mon club de cœur ; j’ai écrit un livre sur Rebus ; pourquoi pas The Avengers ? Il y a des histoires sur la série qui sont basées sur des faits, mais pas beaucoup qui font la part belle aux scenarios, quelque chose de plus intéressant et subjectif à mon avis.

L’absence d’excellents épisodes comme A Touch of Brimstone et Castle De’ath dans Subversive Champagne correspond-t-elle à un choix délibéré ou à une contrainte de volume de l’ouvrage ?

Quand j’ai choisi les épisodes, c’était une question de sélectionner les épisodes qui possèdent un mélange d’humour inimitable, d’esprit, avec un conflit interne entre le réalisme et le surréalisme, avec aussi un courant sous-jacent noir, sombre ou troublant. Sans oublier la subtilité et la finesse, des éléments absents (ou presque) en couleur. A Touch of Brimstone manque de subtilité et de finesse à mon avis. (Peut être The House that Jack Built est plus intéressant mais il y a un manque d’humour). L’épisode classique a besoin de jongler avec tous les éléments.

Un livre consacré à la période Cathy Gale est-il envisageable, développant en quoi elle contient les germes de la saison Emma Peel monochrome, notamment dans ses épisodes tardifs comme l’excellent Mandrake ?

Estuaire44 avait raison quand il a dit que mon livre manquait de quelque chose, sans traiter les épisodes tardifs de Cathy Gale ; maintenant, il y a un chapitre sur Mandrake, où je parle des éléments déjà là avant l’arrivée d’Emma Peel. Mais un livre ? Pour l’instant je cherche des écrivains pour le livre Bright Horizons, une étude des 26 épisodes monochromes d’Emma Peel.

Roger Marshall a-t-il observé des similitudes entre The Gilded Cage et le film Goldfinger ?

Je dois lui demander, mais je pense que ‘non’. C’est clair que les films de James Bond ont utilisé des idées d’Avengers et ont ‘volé’ deux actrices aussi !

Roger Marshall a-t-il apprécié l’exercice de réécriture de Mort d'un grand danois pour Un petit déjeuner trop lourd ? Comment lui est venue l’idée d’une antagoniste cette fois féminine ? A-t-il connu des difficultés pour adapter le script originel à une nouvelle époque de la série, très différente ?

Mon père n’était pas content à l’époque parce que Brian Clemens a beaucoup changé ses scenarios. Mon père a demandé à résilier son contrat mais il était obligé d’en écrire encore un et c’était plus rapide d’utiliser un scénario de Gale. (Patrick Macnee a dit que Death of a Great Dane a sauvé la série a l’époque, et que c’était un scénario important.) Mon père a changé des petits détails, comme l’antagoniste et le club des cigares. ‘Pourquoi pas ?’ 

Les auteurs des Avengers disposaient-ils d’une grande liberté de thèmes et de ton, ou était-ils très encadrés par la supervision des scénarios ?

C’était la grande liberté de thèmes, de ton, etc. Ils étaient obligés d’utiliser un certain convenu, comme les scènes à la fin (‘tag scenes’, en anglais), mais, après ça….

Vous mentionnez plusieurs fois Harold Pinter dans Subversive Champagne, quel est le lien qui existe entre l’écrivain et la série ?

Pinter était l’acteur idéal pour le rôle du clochard dans L’Heure Perdue – mon père a demandé Pinter - mais ils ont trouvé Roy Kinnear qui était superbe. Pinter a dit que : « Sous les conversations de mes caractères, il y a une autre conversation. » C'est-à-dire que ses pièces possèdent plusieurs couches (noires) ; c’est comme ça avec The Avengers.

Pensez-vous qu’une seconde saison monochrome aurait eu autant de succès que la première ?

Non ! Déjà, quelque chose a changé, déjà l’équilibre parfait était perdu.

Est-ce que l’épisode Une petite gare désaffectée est le tournant de la série ? L’équilibre entre le sérieux et la comédie est-il rompu et la série penche-elle définitivement vers la fantaisie, parfois la bêtise, ce qui a déplu à votre père ?

A mon avis, ce n’est jamais si simple que ça ! Regarde Take-Over (Noël en Février), l’avant-dernier épisode de Tara King. C’est un scenario très sérieux, horrible en effet (dans le sens positif). Le conflit entre le sérieux et la comédie, entre le réalisme et le surréalisme reste en place jusqu'à la fin de la série, ainsi que la présence des scenarios fantaisistes et stupides.

La saison  Tara King ne fait-elle que poursuivre l’évolution déjà observée en saison couleur Emma Peel (américanisation, style Comics, etc.) ou le phénomène s’aggrave-t-il ?

La présence de Tara et Mother change beaucoup. L’équilibre ou le conflit intellectuel et physique entre Steed et Gale/Peel est perdu. Il est comme un oncle avec King. Mais il y a plus de variété avec la saison 6 que la 5.

Que pense Roger Marshall des New Avengers, qui est une série très controversée ? The New Avengers TNA auraient-ils pu connaître un succès davantage considérable si leur ton avait été plus proche de la fantaisie restée dans les mémoires pour les Avengers ?

Mon père n’a jamais vu un épisode ! Après son départ, il a tourné la page. Moi, je pense que la première saison est excellente, mais qu’il y a un manque de variété pendant la deuxième et que c’était une mauvais idée de tourner en France et au Canada, même si j’aime beaucoup K is for Kill. La fantaisie était parfaite pour les années 60, mais pas pour les années 70 ; une période avec une crise, et l’arrivée de Madame Thatcher à la tête des Conservateurs !

Depuis quelques années, on assiste aux Etats-Unis à une grande vogue de remake de séries. Un retour des Avengers serait-il  envisageable, sous quelles conditions ? Un éventuel remake serait-il plus propice s’il était produit par des Anglais ?

C’est une mauvaise idée ! Ce n’était pas une série intemporelle ; c’était un produit des sixties. Et sans Macnee ? Impossible. Regarde le film de 1998 : désastre, catastrophe ! La période des années 60 est terminée, comme The Avengers.

A part The Avengers, Roger Marshall a écrit pour plusieurs séries, dont certaines sont connues en France comme Regan (The Sweeney), Les professionnels et un superbe épisode de Mission casse-cou (Dempsey and Makepeace). Est-ce qu’écrire pour The Avengers était différent des autres séries ?

Complètement. Au début c’était une série avec une mauvaise réputation et mon père a écrit ses scenarios avec un collègue ; mais pendant les saisons 3 et 4, c’était une série culte et les acteurs, les réalisateurs et les écrivains étaient super contents d’être là.

Pourquoi la série est-elle restée populaire cinquante ans après son apparition en Grande-Bretagne ?

Ca c’est LA question ! The Avengers est un vrai paradoxe. Pur produit des années 60, Gale/Peel/King sont des femmes de l’époque, mais Steed reste un personnage  intemporel. Regarde un épisode classique aujourd’hui, comme The Town of No Return : ce n’est pas démodé ou dépassé, et les extérieurs et les plateaux sont hors du temps. Regarde L’Heure Perdue et c’est quelque chose incroyable, pas comme les autres séries. The Avengers à sa perfection absolue possède une recette unique. Les sixties restent toujours à la mode aussi !

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©Denis Chauvet