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Vos 10 séquences cultes1 -Une lente ascension (jusqu'en 1964) 1ère partie

Saga Louis de Funès

Classement des films avec Louis de Funès du meilleur au pire


1) Oscar :

Aucun temps mort dans ce classique des classiques de Louis de Funès, avec une accumulation de gags et de situations burlesques comme on en voit rarement. De très bons acteurs entourent Fufu, au premier rang desquels un Claude Rich ironique à souhait en arriviste cynique, mais aussi Mario David parfait en kinésithérapeute ahuri et le toujours excellent Paul Préboist.

2) Hibernatus :

Même si ses relations avec De Funès furent parfois tendues, Edouard Molinaro apporta beaucoup à la filmographie du comique puisque ses deux réalisations sont en tête de ce classement. Louis est au sommet de son art, mariant avec son talent habituel les scènes cultes, telles « la femme qui  a éclaté » et la révélation de la vérité à l'hiberné, basées sur des mimiques et expressions héritées du cinéma muet, et de multiples scènes comiques de facture plus traditionnelle.

3) Pouic-Pouic :

Encore une adaptation de pièce de théâtre au rythme endiablé, avec un Louis de Funès à son top niveau dans ce petit chef-d'oeuvre de comique où les acteurs sont tous excellents, de Jacqueline Maillan en épouse farfelue à Philippe Nicaud en arriviste séducteur, en passant par Mireille Darc, Roger Dumas, Christian Marin, Guy Tréjean et Yana Chouri.

4) Fantômas se déchaîne :

Des situations comiques à mourir de rire, à l'image du commissaire Juve enfermé dans un asile psychiatrique, et une avalanche de gadgets (jambe de bois-mitraillette, cigares-pistolet, « troisième main ») font de ce deuxième volet le meilleur de la fameuse saga des « Fantômas », incontestablement plus réussie que celle des « Gendarme ».

5) Le Grand Restaurant :

Une première demi-heure absolument époustouflante, avec entre autres la caricature d'Hitler et Septime déguisé en client maniéré pour espionner son personnel. La présence de Bernard Blier en commissaire divisionnaire qui ne perd pas une occasion de rabrouer De Funès est évidemment très appréciée, et seule la dernière partie plus quelconque dans la montagne empêche le film d'intégrer le trio de tête.

6) Jo :

Le même genre de films que ceux du tiercé gagnant, cependant un ton au-dessous, mais que de scènes hilarantes ! De Funès est bien secondé par Bernard Blier, toujours égal à lui-même en inspecteur de police peu efficace, par Claude Gensac qui renforce son côté « tornade » et par nombre de ses comparses habituels, Guy Tréjan, Michel Galabru, Paul Préboist...

7) Fantômas contre Scotland-Yard :

Encore une belle réussite que ce troisième et dernier « Fantômas » où Louis de Funès a totalement pris l'ascendant sur Jean Marais. L'impôt sur le droit de vivre, les fantômes, les pendus, le cheval qui parle, le secrétaire félon, l'épouse infidèle incarnée par Françoise Christophe, De Funès et Jacques Dynam en kilt sont autant d'éléments qui ont contribué au succès mérité de ce film.

8) L'aile ou la cuisse :

Retour gagnant pour Louis après son infarctus. Cette fois-ci, il fait équipe avec Coluche, ce qui ne semblait pas évident au départ tellement les deux comiques semblent appartenir à deux mondes différents. Le courant passe entre les deux hommes, le rôle de ce critique gastronomique est taillé sur mesure pour Fufu, et l'adversaire est de premier ordre sous les traits du toujours excellent Julien Guiomar. Ne pas manquer la visite à « L'auberge de la Truite » et l'affrontement entre Duchemin et le restaurateur interprété par Vittorio Caprioli.

9) La Zizanie :

Un film que j'ai longtemps mésestimé et que j'ai redécouvert ces dernières années. Une formidable « Mme De Funès » en la personne d'Annie Girardot, une accumulation de gags et de scènes comiques sans aucun temps mort, qui égale presque les fameuses adaptations de pièces de théâtre, Guiomar et Maurice Risch en parfaits compléments, et Louis qui fait passer mine de rien son message de protecteur de l'environnement en interprétant un pollueur.

10) Les Grandes vacances :

Ce film très représentatif du style De Funès se revoit toujours avec grand plaisir. En plus des partenaires traditionnels de Louis que sont Claude Gensac, Mario David, Max Montavon et bien d'autres, de jeunes acteurs viennent pimenter la distribution : Daniel Bellus en fils d'aristocrate cancre (« Mère, le direlo dans les cageots »...) et surtout la ravissante Martine Kelly en étudiante anglaise affolant les mâles de l'institution Bosquier avec ses mini-jupes, au grand dam de M. le directeur. Seule la partie finale en Ecosse se situe un ton en dessous.

11) La Folie des grandeurs :

Mon film préféré de Gérard Oury, où Louis de Funès se surpasse dans le genre « ignoble malgré tout sympathique ». Qui ne se souvient de « Blaze, vous êtes mon valet, vous êtes trop grand ! » ou de « Ne vous excusez pas, ce sont les pauvres qui s'excusent, quand on est riche, on est désagréable ! » ? Si Montand ne fait pas oublier Bourvil, décédé peu avant le tournage, il s'en sort très honorablement.

12) Le Petit Baigneur :

Retrouvailles de Louis avec Robert Dhéry et Colette Brosset, interprètes avec Pierre Tornade et Jacques Legras des Castagnier, une famille de rouquins en butte avec la tyrannie de Louis-Philippe Fourchaume, directeur des chantiers navals du même nom et employeur irascible d'André Castagnier. Une scène de colère absolument mémorable en début de film, des gags originaux à l'image de la voiture qui s'allonge, si bien que l'on pardonnera la seconde partie qui s'enlise parfois lors de la poursuite en bateau derrière Michel Galabru.

13) Faîtes sauter la banque :

Un film injustement méconnu car sorti avant que Louis de Funès ne devienne une grande vedette. Dommage, car tout le Fufu de la grande époque s'exprime à merveille dans cette comédie très plaisante où Yvonne Clech campe une Mme De Funès fort convaincante. Parmi les multiples scènes très drôles, mention pour les grimaces de Louis lorsqu'il doit ingurgiter la piquette de Jean Lefebvre, ainsi que pour la visite des cousins belges.

14) Les aventures de Rabbi Jacob :

La richesse de la filmographie de Louis de Funès est telle qu'un film aussi excellent que celui-ci se retrouve classé seulement à la quatorzième place. Oury sait placer son sujet, la dénonciation du racisme, sans être donneur de leçons, et de Funès s'en donne à cœur joie en PDG irascible contraint de se déguiser en rabbin pour échapper à la police et à des tueurs arabes. Claude Giraud, et plus encore Henry Guybet, constituent des partenaires de choix et ne sont pas réduits à la portion congrue.

15) Les bons vivants :

Louis de Funès tient la vedette du troisième sketch, celui réalisé par Georges Lautner, le plus long et le plus réussi. Un rôle à double sens particulièrement subtil, « M. Léon » étant au fond beaucoup moins naïf qu'on pourrait le penser, et une nouvelle performance géniale, entouré de comédiens de grand talent tels Jean Richard et les ravissantes Mireille Darc et Bernadette Lafont dans des rôles de jeunes prostituées malicieuses.

16) Le gendarme en balade :

Finalement, « Le Gendarme en balade » est mon préféré de la série, car ce film est enfin expurgé des scènes avec les jeunes oisifs de la Côte d'Azur familiers de Nicole, qui elle-même ne vit plus avec son père et est donc désormais absente. On est enfin débarrassés des « Do You, Do You Saint-Tropez », et l'expédition endiablée de Cruchot et de ses hommes en vue de rendre la mémoire à Fougasse recèle suffisamment d'excellents moments pour faire oublier la baisse de régime finale, avec un désamorçage de bombe nucléaire assez pesant.

17) Le gendarme de Saint-Tropez :

De très grand moments dans ce premier film de la saga, en particulier lorsque Cruchot accepte de mauvaise grâce de se déguiser en «Archibald Ferguson », un milliardaire américain, pour ne pas trahir Nicole, et fait le ravissement de Claude Piéplu et de sa bande de snobs. Dommage qu'une part trop importante soit accordée à Nicole et à ses godelureaux, et que le final sur le bateau soit passablement ridicule.

18) Le Corniaud :

De Funès est excellent à chaque fois qu'il peut exister face à Bourvil qui se taille la part du lion. La musique est terriblement désuète, et il est dommage que Gérard Oury ait trop insisté sur les amours malheureuses de Bourvil, sous-employant ainsi le talent de cet immense comédien. « Le Corniaud » n'en reste pas moins un très bon divertissement, doté de scènes d'anthologie, comme celle de la deux-chevaux brisée en deux en ouverture, et de bons seconds rôles, Venantino Venantini « La Souris » en tête.

19) L'homme-orchestre :

Finalement, ce film souvent considéré comme mineur dans la carrière de Louis de Funès s'avère très, très agréable. Louis a voulu rajeunir son image en interprétant Evan Evans, un maître de ballet vêtu de rouge éclatant, au sein d'une comédie musicale bien servie par la musique du génial François de Roubaix. Le talent de Fufu, maître de la grimace et capable de raconter « Le loup et l'agneau » sans prononcer une parole, la féerie des ballets et de leurs couleurs vives produisent un film atypique mais sympathique.

20) Fantômas :

La part belle est faîte à Jean Marais, alors que De Funès n'a que le second rôle du commissaire Juve, dans lequel il excelle. Le film a un aspect poétique, alternant des passages comiques de haute tenue mais trop peu développés, lorsque Juve se déchaîne, et les scènes plus banales de cascades avec Jean Marais. La poursuite finale, pauvre en scènes comiques, s'avère bien trop longue. Incontestablement le moins réussi des « Fantômas ».

21) La soupe aux choux :

La réputation épouvantable de ce film me paraît injustifiée. Bien sûr, ce n'est plus le De Funès de la grande époque, mais son duo avec Jean Carmet pour interpréter deux paysans truculents du Bourbonnais ne manque pas de charme. Le langage typiquement local fait mouche et Jacques Villeret détonne en extraterrestre farfelu. Seul le retour de l'épouse ressuscitée déçoit en raison du jeu médiocre de Christine Dejoux.

22) La Grande vadrouille :

Le plus gros succès commercial de Louis, mais à longue quelques défauts apparaissent, s'ajoutant à celui, évident, constitué par la musique trop vieillotte. Il reste des scènes géniales, dont De Funès en chef d'orchestre autoritaire, les ronflements du major allemand et Bourvil contraint de porter Fufu sur son dos, mais les amourettes entre le même Bourvil et Marie Dubois, on aurait pu s'en passer, tout comme le côté grotesque exagéré des Allemands. Le film est trop long, cela devient patent dans le final, l'évasion s'avère interminable et peu comique.

23) Le gendarme à New-York :

Un film inégal, écartelé entre quelques scènes comiques irrésistibles, à l'image de l'intrusion de Cruchot dans le foyer de jeunes filles et des cours d'anglais qu'il dispense à ses collègues fort peu doués pour la langue de Shakespeare (« My flowers are beautiful »...), et les séquences casse-pieds avec Nicole, qui vient nous enquiquiner jusqu'aux USA avec ses états d'âme et ses « Do You, Do You Saint-Tropez ».

24) Le gendarme se marie :

Assez semblable au « Gendarme à New-York » : de très bonnes scènes notamment entre De Funès et Claude Gensac (les baisers électriques!), et lorsque Cruchot, poussé par Josépha, devient le supérieur de l'adjudant Gerber, et bien évidemment abuse de la situation. Mais l'on sait que cela ne peut pas durer, et je n'aime guère lorsque le malentendu se dissipe et que Cruchot doit faire amende honorable face à un Galabru revanchard. En grand fan de Louis, je n'aime pas voir son personnage, fût-il antipathique, en difficultés.

25) Le gendarme et les extraterrestres :

Encore de très bons moments (Soeur « Marie Cruchotte »...), même si le grand succès au box-office est tout de même étonnant. Le remplacement de Claude Gensac est évidemment préjudiciable, de même que celui, définitif, de Jean Lefebvre et Christian Marin. Le film est plus drôle au début qu'à la fin, il est clair que la grande époque est bel et bien révolue.

26) Le gendarme et les gendarmettes :

Dans la lignée du précédent, un comique de bon aloi pour un De Funès qui reste drôle malgré le poids des ans et les problèmes de santé. Des femmes gendarmes sympathiques et le retour de Claude Gensac, qui nous permet de retrouver notre Josépha habituelle.

27) Le Tatoué :

Un intrus dans la carrière de Louis de Funès. On aurait compris qu'il accepte de jouer les faire-valoir des cabotinages de Gabin quelques années auparavant, mais cela devient incompréhensible dès lors qu'il est lui-même devenu une immense vedette. Le film démarre bien avec un festival de Fufu, bien secondé par une Dominique Davray épatante en Mme De Funès, mais s'enlise et déçoit dans sa seconde partie, lorsque Gabin prend l'ascendant sur Louis, alors beaucoup moins présent.

28) L'Avare :

Cette adaptation de Molière est trop fidèle à l'original pour être drôle. Le comique de Louis de Funès ne pouvait s'épanouir avec ce langage de l'ancien temps, et les jeunes acteurs qui entourent De Funès et Galabru n'ont pas l'envergure des seconds rôles habituels des films de Louis. A l'arrivée, très peu de scènes font rire, ni même sourire, ce qui est la marque de l'échec irrémédiable pour une comédie.

29) Sur un arbre perché :

Après un encourageant « L'Homme-orchestre », cette seconde collaboration entre Louis de Funès et Serge Korber s'avère être un échec total. Quelques scènes assez réussies en début de film, puis on sombre dans la pantalonnade de très mauvais goût et l'ennui total. La partie finale devient grotesque, De Funès n'y a même plus le premier rôle. Il est évident que le scénario a été bâclé, à un point tel que même l'immense talent de l'interprète principal n'a pu rattraper le coup.

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Saga Louis de Funès

1 -Une lente ascension (jusqu'en 1964) 1ère partie

 


 

 


PRÉSENTATION PREMIÈRE ÉPOQUE

Il aura fallu une vingtaine d'années à Louis de Funès pour parvenir au sommet de sa popularité. Pendant cette période, il a franchi peu à peu toutes les étapes, de ses débuts dans des rôles de figurants aux premiers rôles dans des films de plus en plus importants, en passant par des seconds rôles de plus en plus développés.

Rétrospectivement, on peut se demander pourquoi le succès n'est pas venu plus tôt tant il est patent que Louis crevait l'écran dès les années cinquante dans les rôles secondaires qu'on lui attribuait. Quand il apparaissait, on ne voyait plus que lui !

Une étude exhaustive de cette période serait fastidieuse. Néanmoins, certains films des années cinquante et du début des années soixante méritent d'être évoqués parce qu'ils furent marquants dans la carrière de Fufu. Plutôt que les films de troisième zone où il tenait le premier rôle, du genre Ni vu, ni connu, ce sont des films plus prestigieux dans lesquels il a tenu un rôle secondaire marquant qui retiennent l'attention.

A partir de l'année 1962, certains films, bien que tournés avant l'accès au statut de super-vedette, peuvent être considérés comme des classiques de l'épopée « funésienne », et de ce fait font l'objet d'une étude complète.

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 1. LE MOUTON À CINQ PATTES

Trézignan est un village provençal qui cherche à attirer les touristes. La venue d'une troupe d'acteurs pour interpréter Le Cid a été un échec cuisant, et les élus locaux ne savent plus quoi faire pour relancer le commerce. Ils décident d'organiser une grande fête afin de célébrer les quarante ans des quintuplés Saint-Forget, qui à leur naissance avaient procuré au village son heure de gloire.

Le docteur Bolène, leur parrain, entame un voyage afin de retrouver ces cinq garçons aux caractères bien différents, du directeur d'institut de beauté au marin dur à cuire, en passant par le prêtre, le laveur de carreaux désargenté, et le journaliste sentimental.

Les quintuplés acceptent la proposition malgré l'opposition de leur père avec qui ils sont en froid. Le grand jour arrive, avec à l'arrivée un imprévu qui va faire le bonheur de Trézignan : la femme de Désiré accouche de six filles ! Et vive les sextuplées de Trézignan !

Cette plaisante comédie réalisée par Henri Verneuil sur un scénario de René Barjavel - plus connu pour avoir été un des grands auteurs de la Science-Fiction française (Ravage, La nuit des temps...) - et de Verneuil lui-même a remporté un franc succès avec plus de quatre millions de spectateurs. Rien d'étonnant à cela puisque l'acteur principal n'était autre que Fernandel, alors au sommet de sa popularité et roi du box-office.

Fernandel joue le rôle de six personnes, les quintuplés et leur père. Un rôle taillé sur mesure pour lui, qui s'inspire d'une célèbre comédie britannique : Noblesse oblige (1949) - réalisé par Robert Hamer - où le comédien Alec Guinness jouait les 8 membres de la famille Gascoyne. Le célèbre acteur marseillais avait permis à Louis de Funès d'obtenir un petit rôle quelques années auparavant sur Boniface Somnambule. Une fois parvenu au sommet, De Funès racontera que Fernandel fut l'un de ceux qui l'ont aidé dans son ascension en lui confiant des rôles secondaires, puis de plus en plus importants. Et en effet, les deux hommes se retrouveront à trois reprises après Le Mouton à cinq pattes.

Pourtant, les choses ne furent pas simples sur ce tournage. Louis de Funès apparaît dans le sketch avec Désiré Saint-Forget, le laveur de carreaux sans le sou et père d'une ribambelle de gamines. Parmi sa clientèle se trouve M. Pilate, qui tient un magasin de pompes funèbres. Ayant appris que Désiré est le frère du riche Alain de Saint-Forget, le célèbre directeur de l'institut de beauté du même nom, Pilate va faire une proposition à Désiré : en échange d'une confortable rémunération, il lui suffit de signer un papier dans lequel il demande à son frère de lui payer des obsèques de première classe chez la maison Pilate !

Désiré, qui a besoin d'argent, finit par accepter, mais ne va pas tarder à le regretter. En effet, Pilate lui annonce qu'il ne se trompe jamais et qu'il ne lui a pas fait signer le document par hasard, mais parce qu'il lui trouve mauvaise mine. Le lendemain, alors que Désiré éternue :

« Tiens ! Vous éternuez !...

- Ce n'est qu'un rhume...

- Oui, ça commence par un rhume, mais ensuite... Rhume, grippe, bronchite, pleurésie double, et hop !

- Hop ?

- Hop ! »

Épouvanté, le malheureux Désiré part se coucher, et lorsque le médecin diagnostique une grippe, se voit déjà à l'article de la mort. Il finit par comprendre que ce qui risque de le tuer n'est ni la grippe, ni la pleurésie double ou triple, mais le contrat signé avec le croque-mort. Il sort malgré la fièvre, se dirige vers le magasin de Pilate... qu'il trouve clos avec une pancarte « Fermé pour cause de décès » !

Une voisine lui apprend que M. Pilate a été victime d'une crise cardiaque ; la nouvelle guérit instantanément Désiré et lui fait retrouver le sourire. Il ne lui reste plus qu'à exploiter le filon et à signer le même type de contrat avec toutes les entreprises de pompes funèbres parisiennes qui le voudront bien !

Perfectionniste comme à son habitude, Louis propose à Henri Verneuil de donner un tic à son personnage : Pilate va faire une grimace à chaque fin de phrase. Les prises de vues commencent, De Funès fait le tic, mais Fernandel réplique du tac au tac en reprenant la même grimace, tuant ainsi l'effet comique de Louis.

Verneuil voit le visage de Fufu se décomposer et interrompt le tournage, il va voir Fernandel dans sa loge et lui dit :

« Ecoute, Fernand, tu es la vedette, tu fais déjà six personnages. Lui n'a qu'un quart d'heure, alors laisse-le au moins développer son jeu sans lui faire de l'ombre avec sa grimace. »

Fernandel a très bien compris : il cesse de reprendre le tic de Louis et tout rentre dans l'ordre.

Certes, Louis de Funès n'a pas eu un rôle très important, mais il fut néanmoins marquant tant il s'est montré parfait en conférant à Pilate rouerie et méchanceté sans pour autant devenir antipathique. La scène où il fait la proposition de contrat est particulièrement drôle : il prend un ton tellement doucereux que Désiré se méprend sur ses intentions et croit qu’il est de mœurs spéciales !

Avec Le Mouton à cinq pattes, film à grand succès, Louis de Funès se fait connaître du grand public en tant que bon acteur comique dans des seconds rôles qu'on remarque. Ainsi, ce film constitue une étape importante de sa marche vers les sommets.

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2. AH ! LES BELLES BACCHANTES

Le metteur en scène Robert Dhéry prépare les répétitions de sa revue appelée Ah ! Les Belles Bacchantes ! Il reçoit alors la visite d'un inspecteur de police : le représentant de l'ordre a remarqué la présence de femmes nues dans une paire de moustaches dessinées sur l'affiche du spectacle, et s'inquiète au sujet de la décence de la revue.

L'inspecteur mène son enquête, mais n'est pas le seul à perturber les répétitions ; une série d'intrus, parmi lesquels se trouve une jeune débutante, va troubler le jeu des comédiens.

Quant à l'inspecteur Lebœuf, il intervient dans les différents tableaux, et Dhéry lui trouve de tels dons de comique qu'il décide de l'engager.

Adapté de la pièce de théâtre de Robert Dhéry, ce film est réalisé par Jean Loubignac ; la plupart des comédiens sont des membres de la troupe des Branquignols de Dhéry. Le succès est au rendez-vous, sans doute en raison de ces atouts évidents, mais aussi car il permet au public d'admirer nombre de jeunes et jolies femmes en tenue légère, ce qui n'était pas fréquent au cours de ces prudes années cinquante...

Il n'y a pas de scénario à proprement parler, mais une succession de sketches perturbés par une kyrielle de fâcheux. Au premier rang des gêneurs, l'inspecteur Lebœuf, interprété par Louis de Funès, qui obtient donc un rôle central. Quant à la jeune débutante, elle est interprétée par Colette Brosset, l'épouse de Robert Dhéry.

Quelques scènes mémorables dont la fameuse Léopolda, épiée par un trou de serrure très prisé de tous les mâles de la revue et de l'inspecteur en personne, et Louis de Funès déguisé en moine sonnant les cloches !

Ah ! Les Belles Bacchantes et Le Mouton à cinq pattes : l'année 1954 est riche pour Louis de Funès, dont le potentiel comique ne peut plus désormais échapper à personne. Pourtant, il lui faudra patienter encore dix ans avant de parvenir au premier rang des acteurs comiques français.

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3. LA TRAVERSÉE DE PARIS

Sous l'Occupation, un passeur travaillant pour le marché noir dont le partenaire vient d'être arrêté propose à un inconnu rencontré dans un bar de faire équipe avec lui, dans le but de convoyer plusieurs valises de viande porcine à travers Paris en pleine nuit. L'équipée ne manquera pas de contretemps et de mauvaises surprises entre les patrouilles allemandes à éviter, les bombardements, et le nouveau partenaire, un artiste-peintre désireux de découvrir le marché noir et qui s'avère fort en gueule, frondeur, individualiste, voire anarchiste.

On ne présente plus ce film de Claude Autant-Lara. Encore aujourd'hui, le scénario des deux grands auteurs français que sont Jean Aurenche et Pierre Bost continue d'impressionner par ses aspects corrosifs, son ironie mordante, et les réparties d'un Jean Gabin en pleine forme qui ont fait le bonheur de générations de spectateurs et de téléspectateurs. Qui a pu oublier le numéro de Gabin dans le bar avec les deux affreux tenanciers, conclu par cette réplique historique :

« Salauds de pauvres ! »

Il est vrai que la scène est mémorable, même si elle m'a toujours mis quelque peu mal à l'aise, tout comme l'ensemble du film.

Bourvil, qui joue Martin le passeur, et Gabin l'artiste-peintre Grandgil, tiennent les rôles principaux ; Bourvil a un aspect vantard, presque infatué, inhabituel chez ce comédien. Martin a rencontré un Gabin aux mains sales dans un bar et se considère manifestement supérieur à ce « pauvre type », ce peintre qu'il croit être un peintre en bâtiment plus ou moins chômeur et qui « se laisse aller ». Mais au fond, c'est lui-même qui est le pauvre type, chauffeur de taxi au chômage, exploité par les ténors du marché noir et importuné par son enquiquineuse d'épouse.

Justement, un quiproquo le conduit à penser que Grandgil s'apprête à rejoindre Mme Martin pendant qu'il fera la traversée de Paris ; c'est la raison pour laquelle il propose au peintre de faire le parcours avec lui. Il apprendra plus tard qu'il s'est totalement trompé, Grandgil n'ayant aucune attirance pour la « langoustine » de Martin.

Louis de Funès joue le rôle de Jambier, l'épicier qui vend de la viande au marché noir, et qui pour ce faire exploite sans vergogne des malheureux comme Martin qui prennent tous les risques pour une somme dérisoire. En dehors d'un aperçu au téléphone en fin de film, Louis n'a qu'une seule scène, il est vrai assez longue, d’une dizaine de minutes. 

Martin et Grandgil arrivent chez Jambier pour prendre les valises, Jambier est surpris par la présence de l'inconnu Grandgil car il ignorait que Létambot, le partenaire habituel de Martin, avait été arrêté. Mais Grandgil est présenté par Martin comme quelqu'un dont il est « tout à fait sûr ». Le pauvre Martin aurait mieux fait de se taire car Grandgil saisit tout de suite la nature de Jambier, et va profiter de la situation pour se déchaîner et livrer un grand numéro.

Le but de Grandgil est de se payer le marché noir et ses acteurs, qu'il découvre et considère comme des charlots. Donc, il se montre très à l'aise, pas du tout pressé de partir au contraire de Martin, et fait habilement remarquer au commerçant qu'il connaît désormais son nom et son adresse, avec des sous-entendus sur le fait qu'il pourrait très bien le dénoncer s'il le voulait. Grandgil fait monter les enchères et obtient de Jambier une somme énorme qu'il refusera de partager avec Martin, et finira d'ailleurs par rendre à ce dernier à charge de la restituer à Jambier : il est donc clair que l'argent n'est pas le moteur de ses agissements ; Grandgil est d'ailleurs fort bien pourvu en la matière car il commence à être connu dans le milieu artistique (même par les Allemands !) et possède un bel appartement à Montmartre.

La scène avec Louis de Funès est un des sommets du film, en raison de la prestation de Gabin et de ses hurlements (« Monsieur Jambier, 45 rue Poliveau. Monsieur Jambier, je veux 3000 francs ! M. Jambier ! JAMBIER ! JAMBIER ! JAMBIER ! »), mais aussi grâce au jeu épatant de Louis. Si, dans la suite de sa carrière, De Funès deviendra le spécialiste des personnages odieux sans être antipathiques, il faut bien reconnaître qu'ici, il l'était pas mal, antipathique : un personnage de petit commerçant se livrant au marché noir, qui affame les pauvres gens et exploite ses passeurs, un poujadiste probablement pétainiste et pro-allemand bien que le film n'aborde aucunement cet aspect. Néanmoins, on n'arrive pas à le détester franchement, et c'est une preuve supplémentaire de son talent.

L'antipathie notoire que Gabin vouait à Fufu n'a pas empêché les deux hommes de livrer une prestation éblouissante. Il est vrai qu'ils jouent deux types qui ne sympathisent pas (c'est un euphémisme...). 

 

Il est curieux que Louis n'ait pas profité de ce film en terme de carrière puisqu'il retombe ensuite, et pour plusieurs années, dans des films médiocres.

SÉQUENCES CULTES:

Rien du tout!

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4. LE GENTLEMAN D'EPSOM

Richard Briand-Charmery, dit « Le Commandant », est un escroc à l'allure aristocratique qui exerce son savoir-faire sur les champs de course. Sa spécialité est de faire croire à des naïfs ignares en la matière qu'un tocard va gagner une course, de prétendre parier leur argent sur ce cheval, et de garder la mise pour lui.

Un jour, il invite au restaurant un amour de jeunesse et lui offre un somptueux repas qu'il paye avec un chèque sans provision ; il compte sur la grève des banques pour s'en sortir du mieux possible. Le restaurateur semble être une cible de choix pour ses agissements, et il obtient effectivement de sa part une somme qu'il mise sur un cheval qui, à la surprise générale, gagne la course. Incapable de payer son commanditaire, le « Commandant » lui propose de réinvestir ses gains sur un autre cheval habitué aux défaites. Cette fois-ci, l'opération réussit, ce qui entraîne une crise cardiaque fatale pour le restaurateur.

Gilles Grangier a monté ce film pour son acteur-fétiche Jean Gabin. À ce sujet, on peut faire remarquer que, si certains ont taxé Louis de Funès, dès lors qu'il fut parvenu au sommet, de tirer la couverture à lui au détriment de ses partenaires, que n'aurait-on pu dire sur Gabin, coutumier de ce style de films organisés autour de sa personne par son ami Gilles Grangier ? (C'était aussi déjà le cas de Fernandel : rappelons-nous l'anecdote du tic de visage dans Le mouton de cinq pattes qui n'est pourtant qu'un symptome faible de son réel égocentrisme, le même qui avait irrémédiablement empoisonné sa relation avec Bourvil lors du tournage de La cuisine au beurre)

Malgré les dialogues de Michel Audiard et le cabotinage habituel de Jean Gabin, cette comédie assez plaisante ne restera pas dans les annales du cinéma français. Elle offre néanmoins à Louis de Funès l'occasion de poursuivre sa progression puisqu'il tient le seul rôle consistant en dehors de l'acteur principal.

Gaspard Ripeux, le restaurateur, est un Auvergnat monté à Paris sans le sou, arrivé « en espadrilles » comme il le dit lui-même. Fermement décidé à s'enrichir, il a réussi dans la restauration, probablement sans ménager ses subordonnés et non sans flatter les puissants (un classique du personnage « funésien »). Mais cette réussite ne lui suffit pas : assoiffé d'argent plus encore que de considération sociale, il dit lui-même qu'il « veut se gaver », « louer des coffres » pour enfermer ses gains.

Voilà une victime toute trouvée pour le « Commandant » ! On remarquera que, si les ressorts traditionnels du comique de Louis sont présents, son rôle est tout de même singulier puisqu'il s'agit d'un naïf qui se fait escroquer. Or, De Funès était plus coutumier des personnages de canailles exploitant les crédules...

Séquences cultes :

Croyez-vous sincèrement que l'argent fasse le bonheur ?

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Captures réalisées par Steed3003

Saga Louis de Funès

1 -Une lente ascension (jusqu'en 1964) 2ème partie

1. Les veinards - 1963

2. Pouic-Pouic – 1963

3. Faites sauter la banque – 1964

4. Une souris chez les hommes [ou Un drôle de caïd] – 1964

 


1. LES VEINARDS

Antoine Beaurepaire, un Français moyen, est l'heureux gagnant du gros lot de la loterie nationale. Accompagné par sa femme et sa fille, il va chercher son argent, et on lui remet une valise contenant cent millions de francs. Et voilà le calvaire qui commence pour M. Beaurepaire, qui voit aussitôt dans tous les passants des voleurs désireux de lui arracher sa précieuse valise...

Les Veinards est un film à sketches sur le thème des chanceux, des heureux vainqueurs de lots divers, auxquels les gains ne vont pas forcément porter bonheur. Louis de Funès joue dans le sketch Le Gros Lot réalisé par Jack Pinoteau.

Le comique est basé sur la peur de Beaurepaire, hanté par les voleurs susceptibles de lui arracher sa précieuse valise ; ainsi, tout le monde devient suspect à ses yeux. Une bande de jeunes se transforme en « blousons noirs » bien qu'ils ne portent aucun blouson :

« C'est des blousons noirs ! Ils ont pas mis les blousons pour pas qu'on les reconnaisse, mais c'est des blousons noirs quand même ! »

Certes, la multiplication d'effets comiques de ce style aurait pu devenir vite lassante, mais le talent de Louis de Funès est là, et il ne s'agit que d'un sketch au sein d'un film qui en comporte trois, donc la durée est assez limitée.

Durée limitée mais néanmoins suffisante pour permettre à De Funès de développer un comique particulièrement efficace, alors que son personnage de nerveux autoritaire est tout à fait au point et qu'il s'apprête à obtenir la consécration qu'il mérite tant après des années de disette et de demi-succès.

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2. POUIC-POUIC

Production : ERDEY FILMS, COMACICO
Scénario : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT, d'après leur pièce Sans Cérémonie
Adaptation : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT
Dialogues : Jacques VILFRID
Réalisation : Jean GIRAULT
Musique : Jean-Michel DEFAYE 

Léonard Monestier, un homme d'affaires irascible, est marié avec Cynthia, une femme candide et excentrique qui lui offre la concession d'un terrain pétrolifère sud-américain en guise de cadeau d'anniversaire. Ébahi, il comprend que son épouse a été victime d'un escroc, mais le pire est qu'elle a vendu des actions dont le cours montait en flèche pour acheter cette concession sans valeur. Léonard décide de revendre ce cadeau encombrant à Antoine Brévin, un riche héritier particulièrement naïf. Il compte sur sa fille Patricia, dont Brévin est amoureux, pour l'aider à conclure l'affaire, mais Patricia fait croire à son père qu'elle vient de se marier afin d'être débarrassée d'Antoine...

GENÈSE :

En 1953, Louis de Funès avait tenu un rôle secondaire, celui du maître d'hôtel, dans Sans Cérémonie, une pièce de théâtre de Jacques Vilfrid et Jean Girault. Les acteurs principaux étaient Albert Préjean et... Claude Gensac, la future épouse de Fufu à l'écran.

Dix ans plus tard, Vilfrid et Girault proposent à Louis de jouer dans l'adaptation au cinéma, mais cette fois-ci dans le rôle principal. Il leur était devenu évident que le personnage de Léonard Monestier conviendrait parfaitement au jeu comique que développait De Funès.

On peut penser que Pouic-Pouic, ainsi que Faites sauter la banque tourné dans la foulée, ont été décisifs dans l'arrivée au sommet de Louis de Funès. Pour la première fois, il tenait le rôle principal dans des films d'un autre calibre que ceux de deuxième ou troisième zone auxquels il était habitué jusqu'alors quand il tenait le rôle principal. Dans les films de prestige auxquels il avait participé auparavant, il ne tenait que des rôles secondaires (voir La Traversée de Paris).

La réussite incontestable de ces deux films lui a sans doute donné accès au Corniaud, élément-clé de son succès populaire.

À noter que la pièce a été reprise en 2012 avec Valérie Mairesse et Lionnel Astier dans les rôles principaux.

RÉALISATEUR :

Jean Girault a débuté sa carrière de réalisateur en 1960. Après quelques comédies avec Francis Blanche et Darry Cowl, il enchaîne sur des films avec son ami Louis de Funès. Sa participation au film Les Veinards n'avait pas concerné le sketch Le Gros Lot dans lequel Louis tenait le rôle principal. Pouic-Pouic fut donc la première collaboration entre les deux hommes au cinéma.

DÉCORS :

Hormis le passage se déroulant dans un café près de la Bourse de Paris, tourné en extérieur, l'essentiel des prises de vues ont été filmées dans  les studios Franstudio de Saint-Maurice. Les décors sont de Sydney Bettex.

Le film existe en version noir-et-blanc d'origine, ainsi qu'en version colorisée.

GÉNÉRIQUE :

Le générique montre Patricia qui s'entraîne au tir, puis refuse tour à tour les cadeaux de plus en plus importants envoyés par Brévin. Les « Renvoyez ! » de Patricia rythment l'ensemble, avec la musique mise en sourdine à chaque fois que la jeune femme parle.

La musique de Jean-Michel Defaye n'est guère mémorable, avec une mélodie quelconque et des sonorités années 50 prononcées. Surtout, elle semble plus relever de l’univers du music-hall que de celui de la comédie, et donc peu adaptée au film. 

SCÉNARIO :

Dans le style théâtre de boulevard, le scénario ne laisse aucun répit au spectateur, caractéristique récurrente des adaptations (réussies) au cinéma de pièces de théâtre, et Louis de Funès participera à nombre d'entre elles pour le plus grand bonheur du public.

Léonard Monestier, un homme d'affaires nerveux et autoritaire, habite dans une splendide villa de la grande banlieue chic de Paris, mais se déplace souvent dans la capitale pour la conduite de ses affaires. Alors qu'il se trouve justement à la Bourse de Paris et que son épouse Cynthia l'a pour une fois accompagnée, sa fille Patricia reste seule avec le maître d'hôtel dans leur villa. Les Monestier ont également un fils, Paul, mais celui-ci est parti pour un long voyage en Amérique du Sud.

Patricia subit les assauts d'Antoine Brévin, un riche héritier assez niais, relation récente de ses parents. Follement épris, Antoine fait parvenir à sa bien-aimée des cadeaux de plus en plus importants qu'elle lui retourne systématiquement car ce vaniteux l'horripile. Exaspérée, la jeune femme demande conseil à l'essayeur du garage voisin qui vient de lui proposer une belle voiture rouge de la part d'Antoine. L'homme lui répond en plaisantant qu'elle devrait épouser quelqu'un d'autre.

Mademoiselle Monestier saute sur l'occasion : elle propose à Simon Guilbaud, l'essayeur, de lui payer dix fois son salaire pour faire croire à tout le monde, y compris à ses parents, que tous deux sont mariés. D'abord réticent, Simon, attiré par Patricia, finit par accepter.

Pendant ce temps, Léonard scrute les cours de la Bourse. De mauvaise humeur, il éconduit vertement Aldo Caselli, un escroc notoire qui cherche à lui vendre la concession d'un terrain situé en Amérique du Sud et dont le sous-sol regorgerait de pétrole.

Monestier retrouve le sourire lorsque le cours de ses actions se met à monter de manière spectaculaire. Quant à Caselli, déçu de ne pas trouver preneur, il quitte la Bourse et s'installe à la terrasse d'un café alentour. Justement, il se retrouve à côté de Cynthia Monestier, et flaire la belle aubaine...

De retour chez eux, les Monestier expriment des sentiments divers. Léonard peste contre son épouse qui, excédée par les fortes chaleurs, l'a conduit à rentrer plus tôt que prévu au détriment de ses affaires. Cynthia espère lui rendre sa bonne humeur en lui offrant son cadeau d'anniversaire.

En effet, Léonard est enchanté que sa moitié ait pensé à son anniversaire, mais l'embellie est de courte durée. Lorsqu'il découvre son cadeau, le malheureux n'en revient pas : il s'agit de la prétendue concession de Caselli ! Incrédule sur le fait que Cynthia ait pu payer l'escroc cash, elle lui apprend qu'elle s'est adressée à l'agent de change du couple et lui a ordonné de vendre quelques actions, justement celles qui étaient en train de grimper ; elle n'a pas hésité pour cela à imiter la signature de son mari !

Léonard connaît le caractère excentrique et naïf de son épouse, et se montre donc plus atterré que réellement surpris. Charles, le maître d'hôtel, lui signale qu'Antoine Brévin s'est manifesté à plusieurs reprises en son absence, d'où l'idée de Léonard : Brévin a hérité de millions de dollars, mais ne connaît rien aux affaires, il est candide, voire stupide ; voilà le pigeon idéal pour revendre la concession et récupérer de l'argent liquide !

Monestier compte sur Patricia pour faire du charme à Antoine, ce qui le mettra dans de bonnes dispositions pour acquérir la concession. Il téléphone aussitôt à ce « cher Antoine » et l'invite à passer le week-end chez lui.

Charles va faire passer la bonne humeur retrouvée d'Antoine en lui annonçant que sa fille Patricia vient de se marier à son insu. D'abord incrédule, il décide de mettre le « mari » à la porte illico presto. Guilbaud part pour chercher ses affaires, mais annonce à son hôte malgré lui qu'il va revenir : pas question pour lui de trahir la confiance de Patricia !

Léonard explique la situation à sa fille : pendant le week-end, elle devra rester pour Antoine une jeune fille et lui faire du charme afin de l'inciter à racheter cette maudite concession. Il tente aussi d'informer sa femme alors que celle-ci promène son poulet (!) nommé Pouic-Pouic, mais Cynthia a du mal à comprendre les subtilités sorties du cerveau de son époux.

Brévin s'est hâté pour arriver plus vite et se montre ravi de retrouver Patricia. Léonard ne tarde pas à lui faire sa proposition : Antoine a beau être bête, il se méfie quand même et hésite. Sachant que le fils de Monestier voyage actuellement en Amérique du Sud, il croît que c'est Léonard qui l'a envoyé là-bas pour acquérir cette concession. Monestier saute sur l'occasion, mais Brévin demande à parler au fils prodigue avant de se décider.

Léonard ne peut attendre le retour de Paul. Il regarde par la fenêtre et voit Simon revenir avec son baluchon sur le dos. Or, Brévin n'a jamais vu Paul : c'est décidé, Simon sera présenté à Antoine sous l'identité du fils Monestier ! Léo s'entretient avec lui : il lui présente ses excuses pour son accueil peu cordial et lui demande de jouer le jeu en échange d'une bonne rémunération. Fort heureusement, Guilbaud accepte, c'est un aventurier qui ne manque pas de bagout car il ne va pas être facile de jouer à la fois un mari pour les uns, un frère et un explorateur pour les autres...

Simon produit une excellente impression sur Antoine. Au moment où celui-ci s'apprête à signer, Paul, le vrai fils des Monestier, surgit, accompagné d'une charmante vénézuélienne ! Antoine se pose des questions car les Monestier ne lui avaient pas dit qu'ils avaient deux fils, et pour cause !

Léonard est pressé de conclure l'opération car Antoine a tenté de joindre son fondé de pouvoir par téléphone, et s'il réussit à lui parler, il saura à quoi s'en tenir au sujet du pétrole. Charles rassure son patron : la téléphoniste est son amie, et Antoine n'obtiendra jamais sa communication... En effet : alors que Blondeau, le fondé de pouvoir, se trouve en Corse, la standardiste s'ingénie à brancher le téléphone partout ailleurs jusqu'à Melbourne !

Les agissements de Charles sont les bienvenus, car malgré de savants préparatifs pour mettre Antoine dans des conditions idéales, un contretemps de dernière minute empêche toujours la signature au moment où Brévin a le carnet de chèques en mains : interventions intempestives de Cynthia et de la vénézuélienne, pluie de Champagne sur le malheureux Antoine...

Paul est déçu par la tournure que prennent les événements. En effet, son père lui fait jouer le rôle du fils inutile et paresseux pour mieux mettre en valeur Simon, le « chef né » au caractère décidé et entreprenant. Du coup, sa fiancée vénézuélienne Palma, une aventurière qui cherche à se caser avec un homme riche et puissant, le délaisse au profit de Simon, ceci au grand dam de Patricia tombée amoureuse de Simon.

Aux grands maux les grands remèdes : sur une idée de Charles, Paul décide d'utiliser une astuce pour inciter Antoine à signer. Palma a fini par comprendre que l'homme le plus riche, donc le plus intéressant, est Antoine Brévin, elle s'est donc jetée à son cou, et Antoine semble soudainement oublier son amour pour Patricia. Paul espère en fait récupérer Palma lorsque Brévin aura acquis la concession et sera reparti.

Le plan de Paul et Charles consiste à truquer un poste de radio : Charles installe un micro d'où il diffusera un faux bulletin d'informations annonçant qu'un fabuleux gisement de pétrole vient d'être découvert près des sources de l'Orénoque, c'est-à-dire à l'endroit même où se trouve la concession. Le problème, c'est que le plan réussit trop bien : Brévin affirme « n'avoir jamais douté » et veut sur le champ acquérir la concession, mais Léonard, non averti de la supercherie, tombe lui aussi dans le panneau et refuse l'offre de Brévin qu'il éconduit de manière particulièrement impolie ! Lorsqu'il découvre la vérité, il est trop tard pour récupérer Antoine, et Léonard s'en prend à Charles et à Paul, coupables de ne pas l'avoir prévenu de leur idée.

La situation va être débloquée par Simon. Il s'introduit dans la chambre de Palma et la démasque : elle est en réalité danseuse de cabaret et purement parisienne, et Paul l'a rencontrée à Montmartre. Il semble que Paul ait préféré dépenser l'argent des voyages pour faire la noce à Paris...

Simon propose à la fausse vénézuélienne de ne pas la dénoncer et de pouvoir partir avec Brévin, mais en échange elle devra persuader Antoine d'acquérir la concession. Chose faite le lendemain matin, puis elle quitte la maison avec son nouveau compagnon. Exit Antoine Brévin qui a tout de même emporté la concession !

Léonard se réveille de mauvaise humeur et explose lorsque sa radio diffuse à nouveau l'information selon laquelle un gisement de pétrole aurait été découvert sur le site de la concession. Il croît que Paul et Charles recommencent leur plaisanterie, mais découvre qu'il n'y a aucun trucage possible et exulte : le voilà riche à milliards ! Lorsqu'il apprend que la concession a été vendue à Brévin, il manque d'avoir une attaque.

Finalement, Léonard se remet très bien de sa déconvenue, et Simon peut épouser Patricia pour de bon. Cynthia annonce que, pour leur cadeau de mariage, elle a acheté quelque chose...

DISTRIBUTION :

Si par la suite De Funès sera souvent l'unique vedette de ses films, donc entouré d'acteurs de second plan, ici la distribution constitue un des points forts. Tous les comédiens apportent un plus dans la composition de leurs personnages respectifs.

C'est donc Louis de Funès qui reprend le rôle de Léonard Monestier, cet homme d'affaires nerveux et maussade, obsédé par les cours de la Bourse et par l'argent au point de fatiguer un cœur déjà fragile. Il est curieux de constater comme ce personnage paraît taillé sur mesure pour Louis alors qu'il a été créé au théâtre pour Albert Préjean. Mais sans doute le rôle a-t-il été adapté au jeu particulier de Fufu tout comme pour Oscar quelques années plus tard.

Jacqueline Maillan retrouve son ancien compagnon des Branquignols pour interpréter Cynthia, l'épouse de Léonard. Cynthia est naïve, tête en l'air, et pas très futée. Elle a pour animal familier un poulet appelé Pouic-Pouic, ce qui exaspère son mari. La façon de jouer de la Maillan est évidemment idéale pour ce genre de personnages.

Acteur de théâtre, de cinéma, et de télévision, mais aussi chanteur, Philippe Nicaud était spécialisé dans les rôles de jeune premier. Il est donc tout à fait naturel qu'on ait pensé à lui pour incarner Simon Guilbaud, cet aventurier séduisant qui a envie de se fixer. Très attiré par Patricia, il ne va pas tarder à la séduire non seulement par son physique avantageux, mais aussi par son attitude ironique et mordante. Nicaud est époustouflant et apporte beaucoup au film.

Après avoir débuté au cinéma en 1960, Mireille Darc obtient son premier rôle important sur Pouic-Pouic. Elle interprète Patricia, la fille des Monestier. Patricia déteste Antoine Brévin qui l'horripile, mais est très attirée par le séduisant Simon Guilbaud qu'elle a engagé afin de le faire passer pour son mari. Il est visible qu'elle souhaiterait voir la fiction devenir réalité ; par exemple, elle se montre très jalouse de Palma lorsque la prétendue vénézuélienne tente de séduire Simon. Comme il se doit, le film se terminera par le mariage de Simon avec Patricia...

Christian Marin, qui deviendra un familier de Louis de Funès, interprète Charles, le maître d'hôtel. Intelligent et débrouillard, Charles rend de grands services à Monestier, par exemple en lui suggérant le nom d'Antoine Brévin lorsqu'il cherche une « poire » susceptible de racheter la concession sans valeur, ou en empêchant le même Brévin d'obtenir la communication téléphonique avec son fondé de pouvoir. À chaque service rendu, Léonard lui annonce qu'il va doubler son salaire ! Mais en fin de film, il ne pardonnera pas à son domestique le coup du faux journal radiodiffusé. Charles est tellement déçu qu'il donne sa démission, d'ailleurs très provisoire car comme le lui fait remarquer Cynthia, la vie loin des Monestier lui paraîtrait bien fade. Saluons le jeu parfait de Christian Marin, comme à son habitude.

Le personnage stupide et falot d'Antoine Brévin est joué par l'excellent Guy Tréjean, que Louis retrouvera sur Jo, un autre film de Jean Girault. Antoine a hérité de millions de dollars légués par son oncle, mais est incapable de gérer sa fortune lui-même. Il ne pense qu'à la gent féminine, persuadé qu'aucune femme ne peut résister à son charme... et à son argent. Il a jeté son dévolu sur Patricia, mais changera vite d'avis lorsque Palma lui fera des avances très poussées.

Roi du second rôle au cinéma et à la télévision, également acteur de théâtre, Roger Dumas interprète Paul, le « vrai » fils des Monestier. Paul est déçu de se voir relégué au second plan du fait de la présence de Simon que Léonard a décidé de présenter à Brévin comme « son fils le plus entreprenant ». Sur le fond, le rôle de paresseux que lui octroie son père n'est pas si éloigné de la réalité : au lieu de visiter l'Amérique du Sud, Paul a préféré mener la belle vie à Montmartre...

Maria-Rosa Rodriguez, appelée dans ce film Yana Chouri, compose une prétendue vénézuélienne très au point. Palma Diamantino se nomme en réalité Régine Mercier et se transformait en Palma tous les soirs dans un cabaret de Montmartre avant de flairer la bonne affaire avec Paul. Son seul but est de séduire un homme riche afin de mener la grande vie.

Aldo Caselli, l'escroc de la Bourse, est interprété par le sémillant Daniel Ceccaldi dont le jeu empreint d'ironie canaille convient à merveille à ce personnage sans scrupules. Avec son beau chapeau blanc, il a fière allure... comme tous les escrocs, ainsi que le fait remarquer Morrison, un collègue boursicoteur de Monestier incarné par Philippe Dumat. Ancien de la troupe des Branquignols comme De Funès et Maillan, Philippe Dumat a beaucoup joué au théâtre et a tenu nombre de petits rôles au cinéma et à la télévision.

Yves Barsacq, qui deviendra un grand familier de Louis de Funès dans des tout petits rôles, interprète ici James, le chauffeur des Monestier, alors que Pierre Bouteiller est la voix de de la radio qui annonce la découverte (véritable) du gisement de pétrole en fin de film.

Hormis le chien Gold, un des cadeaux de Brévin pour Patricia, qu'Antoine assimile à un « fauve », on notera que Jean Girault a voulu jouer les Hitchcock en faisant une brève apparition dans son film : il est un des joueurs de la Bourse.

TEMPS FORTS :

Dans le plus pur style théâtre de boulevard, le scénario est mené à un train d'enfer. Les scènes comiques, toutes plus drôles les unes que les autres, s'enchaînent à un rythme frénétique si bien qu'il est difficile d'en ressortir certaines par rapport à d'autres.

C'est que les effets comiques sont procurés non seulement par Louis de Funès, mais par la plupart des autres acteurs, ce qui ne sera pas toujours le cas dans les films suivants de Fufu. Même Philippe Nicaud, a priori surtout présent pour jouer le séducteur, est souvent drôle en raison de son humour caustique, et ce tout en restant exceptionnel dans ses attributs de jeune premier, le personnage joué par Mireille Darc ne tardant guère à tomber entre ses filets. Simon Guilbaud a le sens de la répartie comme le montre le dialogue suivant dès sa première rencontre avec Léonard :

- Si vous ne partez pas immédiatement, je me charge de vous reconduire moi-même : championnat d'Ile-de-France de Judo, 1938, demi-finaliste !
- Championnat de France, 1954, finaliste !

 

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Et quelle imagination lorsqu'il doit se faire passer auprès d'Antoine pour un explorateur qui revient de la jungle amazonienne !

- Ah ! Monsieur Brévin ! Sans l'insistance de mon père, je signais avec Brookenmeyer...
- Alors, vous vous êtes aventuré tout seul dans cette jungle inhospitalière ?
- Au départ, j'avais un guide. Mais il est mort, bouffé par un boa !
- Le pauvre homme ! Quelle triste fin !... Mais comment ces indigènes vont-ils nous accueillir ?
- Prosternés, justement ! J'ai sauvé la vie de leur chef Mambo ! Un curieux personnage...
- Anthropophage ?
- Non, végétarien ! Sauf une jeune vierge de temps en temps, aux éclipses partielles du soleil, c'est très curieux, d'ailleurs... Voici la concession : qu'en pensez-vous ?
- J'avoue que je suis assez déconcerté : je m'attendais à un titre de propriété plus classique...
- Avec des signatures, des tampons et des timbres fiscaux ? Mais qu'est-ce que vous croyez ? Que j'ai trouvé du pétrole place de l'Opéra ? (Il fait mine de reprendre la concession) Bah ! Aucune importance ! Brookenmeyer sera moins regardant...

Guy Tréjean est tordant du début à la fin dans son rôle de riche héritier naïf et incompétent, mais aussi de lavette doublée d'un incorrigible coureur de jupons. Il faut le voir manquer de se « noyer » dans une rivière pourtant très peu profonde, ou geindre sous prétexte de quelques gouttes de champagne qui l'ont arrosé du fait de la maladresse de Léonard.

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La scène la plus drôle avec Tréjean est probablement celle où, Patricia lui ayant demandé de partir avec lui pour échapper à l'attraction de Guilbaud, elle décrit l'attitude virile du même Guilbaud, et « ce cher Antoine » croit qu'elle parle de lui :

- Il est ironique, crispant, me traite comme une petite fille, se conduit en terrain conquis. Mais pourquoi ces sales types sont-ils les seuls à être vraiment attirants ? Il faut que je réagisse !
- Mais vous n'êtes pas parvenu à le détester... Ainsi, c'est comme ça que vous me voyez : je suis un dur...

Du coup, Brévin se met à jouer les « durs » de pacotille, comme par hasard avec Paul, l'homme le plus faible de la maisonnée !

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Jacqueline Maillan, est-il besoin de le préciser, est hilarante en épouse écervelée. Sa naïveté ne l'empêche pas d'aider Léonard comme elle le peut : elle distrait Brévin en lui offrant des crêpes et en le faisant danser, et sait trouver une explication pour tout, même pour l'inexplicable. Dialogue entre Antoine et elle :

- Une chose m'étonne...
- Une seulement ? Vous êtes raisonnable...
- J'ignorais que vous aviez deux fils.
- Oui... mais vous savez, nous ne vous disons pas tout, Antoine !
- Ils ont fait le même voyage en Amérique du Sud, et cependant, vous parliez toujours d'un seul...
- Mais... mais nous les confondons dans la même affection... (!)

Le jeu de Christian Marin est également un régal. Il faut dire qu'il reprend le rôle de Fufu dans la pièce et s'en donne à cœur joie en maître d'hôtel rusé qui anticipe à merveille les besoins de son patron. Ceci ne l'empêche pas de se montrer en permanence ironique envers son maître. Voir par exemple la façon dont il lui annonce que sa fille est mariée :

- Charles, ne vous mariez jamais !
- Cela se fait pourtant, Monsieur, même dans les meilleures familles, et parfois avec une rapidité surprenante...
- Où est Mademoiselle Patricia ?
- Madame est dans le parc !
- Mais qu'est-ce qui vous prend d'appeler ma fille « Madame » ?
- C'est l'usage, Monsieur, lorsqu'une jeune fille prend un mari : on cesse de l'appeler « Mademoiselle » pour l'appeler « Madame »...
- Vous n'auriez pas besoin de vacances, vous ?
- Moins que Monsieur, si je peux me permettre...
- Ça suffit ! Je vous somme de vous expliquer !
- Mademoiselle Patricia est mariée, Monsieur !
- Écoutez, que ma femme achète une forêt vierge à mon insu, passe encore ! Mais que ma fille soit mariée sans que je sois au courant...

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L'entourage de Louis apporte donc beaucoup, et sans lui faire la moindre parcelle d'ombre puisqu'on retrouve un Fufu habituel, véritable tornade qui se déchaîne sans retenue. Obsédé par les cours de la Bourse, Léonard Monestier l'est au point de se méprendre sur les propos de son entourage. Dialogue entre sa femme et lui à leur retour de Paris :

- Écoutez, Léo, je ne peux supporter à la fois votre mauvaise humeur et la hausse du mercure !
- Le mercure monte ?
- C'est fou !
- Alors, c'est le moment d'acheter ! (Il se précipite sur le téléphone)
- Mais non ! Je parlais du mercure qui se trouve dans les thermomètres, et qui monte sous l'effet de la chaleur...

Toujours aussi hypocrite, Monestier flatte son hôte non sans exagération, attitude « funésienne » habituelle lorsqu'il s'agit soit de quelqu'un d'important, soit de quelqu'un dont il a besoin, cas rencontré ici. Il faut à tout prix refiler la concession à Brévin, aussi Léonard va donner du « Ce cher Antoine » avec des intonations de snob pendant tout le film... sauf lorsqu'il croira que le pétrole existe ; à ce moment-là, il va se venger des attentions prodiguées auparavant, et sans aucun ménagement :

- Mon cher Léonard, je n'ai jamais douté ! J'achète immédiatement !
- Vous ne croyez pas que je vais vous faire un cadeau pareil, à vous ? Et puis d'abord, ma fille, elle est mariée, Monsieur ! Ça fait assez longtemps que vous vous gobergez ici ! Il danse avec ma femme, il fait la cour à ma fille, il me ruine en téléphone !
- Votre conduite est inqualifiable ! Je préfère croire que vous n'êtes pas dans votre état normal. Nouveaux riches ! Pauvres gens !
- Ah ! Ah ! Nous sommes plus riches que lui !

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L'aspect théâtral est une constante dans le jeu de Louis de Funès. On le retrouve ici non seulement dans les « Ce cher Antoine » trop ostensibles, mais aussi lorsque Léonard apprend à son hôte que l'affaire proposée concerne du pétrole : il parle tout bas, comme si des inconnus introduits dans la maison pouvaient écouter, cachés dans quelque pièce voisine, les oreilles collées contre le mur :

- J'ai la concession exclusive d'un terrain situé en Amérique du Sud aux sources de l'Orénoque sur le territoire des Indiens Bosso-Tajos. Savez-vous ce que renferme le sous-sol ?
- De l'or ?
- Non.
- De l'uranium ?
- Non.
- Quoi donc, alors ?
- Du pétrole...
(inaudible)
- Comment ?
- Du pétrole...
(toujours aussi inaudible)
- Je n'ai pas compris...
(Il lui dit tout bas dans l'oreille)
- Ah ! Du pétrole !
(très fort)
- Chuuuuut ! Allons, voyons ! Une fuite et le marché s'effondre !
- Mais en quoi suis-je concerné ?
- Je vous cède l'affaire ! C'est un coup gigantesque, mais financièrement il faut un géant, un homme entreprenant, capable de prendre des décisions rapides ! Bref, un homme comme vous !
- Mais ce pétrole, il existe ?
- Ah ! Mais dites tout de suite que vous n'avez pas confiance en moi ! Léonard Monestier, le père de Patricia Monestier ?
- Si, mais je demande à voir !
- Dans ce cas, mon cher Antoine, n'en parlons plus ! N'en parlons plus !...
- Écoutez...
- Mais vous savez, vous avez de la chance que mes capitaux soient engagés ailleurs ! Au prix où je vous cède l'affaire, c'est un cadeau ! C'est un cadeau !

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POINTS FAIBLES :

La perfection n'existe pas, mais on n'en est pas loin dans ce film... seul le poulet Pouic-Pouic apparaît assez ridicule, non pas en tant que tel, mais faire de lui un animal familier... même de la part de Jacqueline Maillan, c'est un peu gonflé ! Néanmoins, cela a permis de donner au film un titre plus original que le banal Sans Cérémonie de la pièce de théâtre.

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ACCUEIL  :

Triomphe, pas forcément attendu, mais triomphe quand même puisque Pouic-Pouic franchit la barre des trois millions d'entrées. Cela paraît presque faible par rapport aux futurs scores de Louis de Funès, mais pour un film en noir-et-blanc, et alors même que Fufu n'est pas encore devenu la star numéro un, la performance est remarquable.

SYNTHÈSE  :

Un film très, très drôle, et indémodable. Le début de la légende De Funès.

LES SÉQUENCES CULTES :

Oh, elle y a pensé !

Le mercure monte ?

Tâchez de caser au mieux ce que je vais vous dire

En cas de pépin, l'oeil de biche !

Mais comment mon Pouic-Pouic peut-il être dans la radio ?

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3. FAITES SAUTER LA BANQUE ! 

Production : Raymond DANON
Scénario : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT, d'après une idée de Louis SAPIN
Adaptation : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT
Dialogues : Jacques VILFRID
Réalisation : Jean GIRAULT
Musique : Paul MAURIAT

Victor Garnier est artisan armurier à Paris. Marié et père de trois enfants, il a constitué une conséquente « réserve » d'économies sous forme de billets de banque. Sur les conseils du directeur de la banque qui fait face à son magasin, il investit la totalité de son argent dans des actions Tangana avec la promesse de « doubler son capital en moins de six mois ». En réalité, le financier est un escroc qui vole sa propre banque et ses clients afin d'entretenir une coûteuse maîtresse, et les Tangana perdent rapidement toute valeur suite à une nationalisation. Garnier décide de récupérer ses biens en cambriolant la banque, et se propose de creuser un tunnel depuis sa cave afin d'atteindre la salle des coffres. Le travail sera effectué en famille, mais ne va pas manquer d'apporter son lot de surprises...

GENÈSE :

Le succès de Pouic-Pouic conduit Jean Girault à proposer à Louis de Funès d'enchaîner sur une nouvelle comédie. Fufu accepte et on ne peut lui donner tort puisque Faites sauter la banque sera une nouvelle splendide réussite. Il est d'ailleurs permis de préférer ces premiers Girault-De Funès à la série des Gendarme qui a suivi...

RÉALISATEUR :

Jean Girault est donc aux commandes, et constitue son équipe habituelle avec Jacques Vilfrid comme coscénariste et coadaptateur.

Louis de Funès et lui se doutent-ils alors qu'une dizaine d'autres films à grand succès issus de leur collaboration succéderont à celui-ci lors des deux décennies suivantes ?

DÉCORS :

Les quelques extérieurs ont été tournés à Saint-Germain-en-Laye. La prétendue banque est un immeuble situé à l'angle de la rue des Coches et de la rue du Vieil abreuvoir.

Il ne s'agit pas d'une superproduction à la Oury ou dans le style des Gendarme qui suivront, mais d'un film à budget moyen, donc essentiellement tourné en studios, en l'espèce ceux de Boulogne.

Le film a été colorisé en 1993 : excellente idée car la couleur sied beaucoup plus à cette comédie que le noir-et-blanc.

GÉNÉRIQUE :

Pas de séquence pré-générique, donc le début est constitué du générique, et ce générique retient l'attention pour deux raisons.

En premier lieu, allant à rebours de la tendance de l'époque, il ne s'agit pas d'un simple déroulé de noms de producteurs, d'acteurs, et de techniciens, mais d'une présentation du contexte, avec des vues de la banque et du magasin de Garnier, et de la façon dont le commerçant gère sa boutique en famille.

En second lieu, la musique est excellente avec ses trilles de flûte et ses intonations jazzy, cette bonne surprise est signée Paul Mauriat. Orchestrateur de succès incontournables d'Aznavour (Trousse-Chemise, La Mamma...), Mauriat est le seul artiste français à avoir été numéro un des ventes aux États-Unis grâce à Love is blue, une reprise instrumentale d'une chanson présentée au concours Eurovision de la chanson et défendue pour le Luxembourg par la chanteuse grecque Vicky Leandros, avec une 4ème place à la clé.

Question musique, la fiancée du fils de Garnier et ses invités dansent le twist lors de la surprise-party ; logique : il s'agit de la danse à la mode du début des années soixante.

SCÉNARIO :

Assez bien ficelé, le scénario de Vilfrid et Girault est un bijou pour Louis de Funès, déjà vedette incontestable du film, et bien secondé par un Jean-Pierre Marielle égal à lui-même.

Victor Garnier tient une petite boutique d'armurerie, chasse et pêche dans Paris. Il est fier d'être un artisan et travaille en famille avec son épouse Éliane et ses trois enfants Isabelle, Gérard, et Corinne. En face de sa boutique se trouve la banque de crédit Durand-Mareuil, dont le directeur André-Hugues a sympathisé avec lui.

Victor décide de confier ses économies, une impressionnante réserve de billets de banque, à Durand-Mareuil afin de faire fructifier son capital. Le banquier lui propose d'investir dans l'achat d'actions Tangana dont le cours devrait, selon lui, doubler dans les six prochains mois. Garnier accepte, confiant dans les connaissances financières de son voisin.

La catastrophe ne tarde pas à se produire : les mines Tangana sont nationalisées et le cours de l'action tombe vite à zéro. Voilà la famille Garnier ruinée ! Pas dupe, Victor comprend que Durand-Mareuil savait que les Tangana allaient être nationalisées, et qu'il a tout bonnement gardé l'argent pour lui afin d'entretenir la belle jeune fille avec qui il s'affiche dans sa superbe voiture de sport rouge.

Après avoir ruminé pendant des jours, houspillant clients et famille, l'idée de prendre sa revanche survient... à la messe. Interprétant à sa façon le sermon du curé qui a recommandé de ne pas confondre la bonté et la faiblesse, et de tenter de récupérer sans esclandre les biens dérobés par toute personne mal intentionnée, Victor annonce à sa famille qu'il va cambrioler la banque d'en face. Éliane croit à une plaisanterie, mais son époux la détrompe et lui avoue la vérité au sujet du vol de leurs économies.

Révoltés par le comportement de Durand-Mareuil, Éliane et ses enfants sont désormais tous d'accord avec Victor pour se faire justice eux-mêmes. Ils passent en revue toutes les possibilités de cambriolage, et décident finalement de creuser un souterrain depuis leur cave afin d'atteindre la salle des coffres située juste en face. 

Prétextant des infiltrations qui se seraient produites dans les caves, Garnier part en repérage à la banque et obtient du directeur une visite des coffres, aidé par sa fille cadette Corinne. Pendant ce temps, son aînée Isabelle profite de l'attirance qu'elle exerce sur Philippe Brécy, un cadre stagiaire de la banque (attirance d'ailleurs très réciproque...) pour obtenir des renseignements sur le système d'alarme et les moyens de défense afin de s'assurer que « son argent soit en sûreté » dans le coffre qu'elle prétend vouloir louer.

Désormais bien renseigné et muni de tout l'équipement qu'il pense nécessaire, Garnier entreprend le creusement du tunnel, secondé par Gérard. Mais son idée d'étayer avec des lames de parquet s'avère désastreuse et le tunnel ne tarde pas à s'ébouler, manquant d'ensevelir père et fils. Garnier va prendre les conseils d'un spécialiste des travaux publics à qui il fait croire qu'il veut reconstituer la caverne d'Ali Baba pour l'offrir à sa femme comme cadeau d'anniversaire.

Le travail peut repartir sur des bases plus solides et avance à un rythme convenable malgré quelques contretemps comme le contournement d'une descente d'égout, la livraison dans la cave d'une réserve de charbon qui manque d'ensevelir Gérard, ou l'aboutissement par erreur dans un tunnel du métro.

Mais les retards vont s'accumuler, d'abord avec l'arrivée impromptue de cousins belges, dont Victor se débarrassera sans ménagement, ensuite avec le départ d'Éliane et des enfants, contraints d'aller en Bretagne assister aux obsèques d'une vieille tante oubliée.

L'absence d'Éliane et le comportement suspect de Victor alertent sa femme de ménage et ses voisins. L'environnement se monte vite la tête et Garnier se retrouve soupçonné d'avoir tué sa femme lors d'une crise de jalousie et de l'avoir enterrée dans sa cave afin de bénéficier d'une prime d'assurance-vie !

Un agent de police avec qui Garnier avait eu maille à partir (il avait projeté son vélo à terre afin de garer sa voiture...) décide d'intervenir et menace Victor de son arme afin qu'il lui montre soit sa femme, soit sa cave. La conviction du policier est renforcée par l'attitude de l'assassin présumé qui refuse de montrer sa cave afin que le tunnel ne soit pas découvert. Heureusement, Éliane et les enfants sont de retour avant que l'agent n'ait pu descendre dans la cave. Anéanti par sa bévue, le malheureux policier implore son pardon à Victor. Lorsque ce dernier apprend que l'agent « est en passe de devenir inspecteur », et « se charge de démontrer son innocence si désormais on l'accuse de quoi que ce soit », Garnier décide de profiter de l'aubaine et renonce à le dénoncer à ses supérieurs.

Après plusieurs jours de travail acharné, les efforts de la famille Garnier sont enfin récompensés : le tunnel semble avoir atteint son but. Mais à l'instant où Victor s'apprête à faire sauter la cloison de la banque, les Garnier sont surpris par Philippe, qui a suivi Isabelle à son insu à leur retour du cinéma. Intrigué, Philippe se demande à quoi sert le souterrain. Victor invente une histoire de galerie de tir pour les armes à feu et Philippe manifeste le désir d'aider les Garnier dans leur travail. Malgré le refus de ses hôtes, il démolit lui-même la cloison et découvre... la chambre forte de la banque !

Victor avait la salle des coffres pour objectif, mais se retrouve satisfait de son erreur car la chambre forte contient des lingots d'or. Joli butin en perspective pour récupérer l'argent volé par Durand-Mareuil ! Les Garnier s'emparent des lingots malgré les supplications du trop honnête (bien que très poli…) Philippe Brécy.

Hélas ! La joie est de courte durée car Garnier ne parvient pas à faire sauter le tunnel qui relie sa cave à la chambre forte. Nous arrivons au lendemain matin, la banque va ouvrir et tout va être découvert. Victor prépare sa valise pour aller en prison et recommande à sa femme de veiller sur le trésor. 

Mais Philippe, toujours épris d'Isabelle, va sauver la situation en allant à la banque boucher l'entrée du souterrain à l'aide de ciment. Enchanté en apprenant la nouvelle, Victor ordonne qu'on satisfasse au moindre désir de Brécy. Ce dernier demande les lingots pour les remettre dans le coffre, afin de « sauver les Garnier malgré eux » (!)

Garnier refuse de donner les lingots qui finissent par tomber de leur valise, convoitée tant par lui-même que par Philippe, et tout ce petit monde s'aperçoit alors que les lingots sont en fait en plomb recouvert de teinture jaune ! Il s'avère qu'André-Hugues Durand-Mareuil ne se contente pas de voler ses clients, mais aussi sa propre banque en jouant à l'alchimiste à l'envers puisqu'il remplace les lingots d'or par du plomb !

Justement, le banquier, intrigué par le manège de Brécy, l'a suivi jusque chez les Garnier et comprend très vite ce qui s'est passé. Constatant la découverte de son indélicatesse avec les lingots, il intervient et Victor exige des explications. Durand-Mareuil lui fait comprendre qu'ils ont tous deux des choses à se reprocher et n'auraient donc rien à gagner dans un affrontement. Il propose de nommer Philippe au poste de fondé de pouvoir, en charge notamment de la vérification des réserves et de l'octroi des prêts à long terme dont son « cher ami Garnier » pourra bénéficier (probablement sans rembourser les fonds...).

Bien décidé à profiter de la situation, Garnier exige que sa fille et Brécy fassent leur voyage de noces aux Baléares... aux frais de la banque, et tout finit pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les Garnier comme pour Brécy et Durand-Mareuil.

DISTRIBUTION :

La famille Garnier est composée de Victor, le père, interprété de façon magistrale par un Louis de Funès déjà très au point. Victor Garnier se définit lui-même comme un « Français moyen », et les « Français moyens doivent se défendre eux-mêmes ou bien disparaître ». Et on peut compter sur la famille Garnier pour se faire justice face à la trahison de Durand-Mareuil...

Yvonne Clech endosse le rôle d'épouse de Fufu à l'écran. Éliane Garnier est dévouée à sa famille et toujours solidaire de son époux, auquel elle voue une fidélité exemplaire.

La fille aînée Isabelle est incarnée par Anne Doat. Fille d'un metteur en scène de théâtre et de cinéma, épouse du scénariste et réalisateur Jean Herman qui deviendra écrivain sous le pseudonyme de Jean Vautrin, Anne Doat a mené une petite carrière d'actrice avant d'arrêter en 1977 pour se consacrer entièrement à sa famille. Elle tient ici un rôle à deux facettes, romantique avec son amoureux Philippe Brécy, décidée, la tête sur les épaules, voire ironique, au sein de sa famille.

Michel Tureau, c'est Gérard, le seul fils de Garnier. Son père le traite parfois sans ménagement, mais l'adore comme on le constate dans la scène où le malheureux manque d'être enseveli par des boulets de charbon. Très drôle, Tureau est, avec Yvonne Clech, celui qui seconde le mieux Louis de Funès dans les rôles de membres de la famille Garnier.

La cadette se prénomme Corinne. Débrouillarde et dégourdie, Corinne est aussi très chipie comme le montre son attitude ironique face aux amourettes de son frère et surtout de sa sœur. Catherine Demongeot a été engagée pour tenir le rôle. Actrice-enfant révélée par Zazie dans le métro, elle préférera arrêter sa carrière pour suivre des études de sciences sociales jusqu'à l'agrégation, puis devenir enseignante.

Louis de Funès trouve un partenaire de choix en la personne de Jean-Pierre Marielle, excellent comme à son habitude, dans le rôle d'André-Hugues Durand-Mareuil, ce financier véreux qui vole ses clients et même sa banque afin de mener grand train avec les femmes. Affable en apparence avec Garnier, Durand-Mareuil ne perd pas une occasion de se montrer désagréable avec lui, lui faisant nettement sentir qu'il n'est qu'un petit commerçant alors que lui-même est un notable.

Philippe Brécy, le jeune stagiaire de la banque, est totalement inconscient de la nature crapuleuse de son patron, dont il constitue le double inversé. Scrupuleusement honnête jusqu'à la naïveté, il se montre également fleur bleue dans son amour pour Isabelle. L'interprète Jean Valmont confère au personnage un aspect « vieille France gaulliste traditionnelle d'avant 1968 » avec son air de gendre idéal bien habillé et bien coiffé. Il a aussi un côté « Tintin-boy scout » avéré qu'on peut trouver pesant.

Jean Lefebvre est parfait en spécialiste des travaux publics amateur de piquette, aux prises avec des ouvriers peu motivés, tout comme Georges Wilson en petit agent de police fier de son autorité et tout content d'avoir flairé ce qu'il croit être une occasion de promotion. Autre très bon petit rôle, celui de Claude Piéplu, très convaincant en curé dont le sermon va décider Garnier à commettre le hold-up.

Quelques familiers de Louis de Funès sont présents dans des rôles secondaires : Guy Grosso en client qui manque d'être trucidé involontairement par Garnier, Jean Droze en vendeur, les inséparables Henri Attal et Dominique Zardi en ouvriers sur le chantier. Nicole Vervil est la cliente à qui Victor conseille de cacher une Blue Bell Girl dans le lit de son mari en guise de surprise, et André Badin l'assureur.

N'oublions pas la délégation belge avec Michel Dancourt dans le rôle de Casimir et Alix Mahieu dans celui de son épouse Poupette. Georges Adet joue un employé de la banque, Florence Blot la femme de ménage des Garnier, Dominique Marcas une voisine, et Louis Viret un voisin.

Les banquiers étrangers sont interprétés par Robert Favart (l'Italien), Colin Drake (le Britannique), et Reinhard Kolldehoff (l'Allemand). En soufflant dans les appeaux de Garnier devant tout le monde, ils effraient un client venu déposer une valise de billets. L'homme, incarné par Max Desrau, préfère partir lorsqu'il apprend que ces espèces de fous sont les directeurs !

Myriam Michelson n'est autre que Mireille, la fiancée de Gérard vêtue d'une combinaison léopard, Yves Elliot le patron du café, et Philippe Dumat (la voix française de Satanas et Gargamel…) le commissaire peu intéressé par « l'affaire » proposée par l'agent de police.

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TEMPS FORTS :

Il ne s'agit pas d'un des films les plus connus de Louis de Funès, mais il gagne à être redécouvert avec son festival d'effets comiques irrésistibles. De plus, contrairement à nombre de films de Fufu, on ne constate aucune baisse de rythme dans le final qui maintient une qualité constante.

Le film démarre fort avec l'escroquerie de Durand-Mareuil :

- Vous avez bien fait de venir me trouver. L'argent ne doit pas rester improductif. Avec les Tangana, vous ne courez aucun risque : les progrès sont constants et deux nouveaux gisements viennent d'être découverts. Grâce à moi, vous achetez au plus bas, et dans six mois, je dis bien dans six mois, vous aurez doublé votre capital !
- Alors, M. Durand-Mareuil, inondez-moi de Tangana !

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Garnier ne manquera pas de faire allusion à ce fiasco lorsque le banquier viendra lui acheter une arme à feu destinée à Laura, sa maîtresse :

- Au fait, dimanche, je vais à la chasse au canard, et il faudra que vous me conseilliez pour quelques appeaux...
- Oh ! Vous savez, les conseils, il faut parfois s'en méfier...
- Oui. M. Garnier vient de connaître une petite mésaventure avec les Tangana...
- Une énorme mésaventure...
- Mais sérieusement, qui pouvait prévoir la nationalisation de ces mines ? »

Et Laura apporte sa contribution en répondant du tac au tac :

- Vous, peut-être...

Le couple enfonce le clou lors de l'achat de l'arme :

Durand-Mareuil : « Il est à vous, ma chère ! »
Laura : « N'est-ce pas un peu cher ? »
Garnier : « Oh ! Vous savez, l'argent, ça va, ça vient, il faut que ça circule ! Regardez, hier il était là-bas, aujourd'hui il est ici : c'est dans la nature des choses... »
Laura : « Ah ! Merci ! Vous me gâtez beaucoup trop, André-Hugues ! Mais, dites-moi, où trouvez-vous tout ce fric ? »

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La séquence du sermon est très réussie grâce à la qualité du jeu de Claude Piéplu et aux mimiques inimitables de Fufu réagissant aux propos du curé :

- C'est pourquoi mes frères, il importe de ne pas confondre la bonté et la faiblesse. Prenons un exemple : un homme vient chez vous, animé de mauvaises intentions, et, profitant de la confiance que vous avez abusivement placée en lui, vous vole. Certes, vous pourriez lui dire « Prends ce que tu veux car tu es mon frère et tout ce qui est à moi est à toi... »
- Tu parles...
- Mais si cet homme a le mal en lui, n'est-ce pas l'encourager à commettre d'autres forfaits de plus en plus graves, et ainsi à perdre son âme chaque jour un peu plus ?
(Garnier approuve) Or, n'est-ce pas son âme qu'il importe avant tout de sauver ?
- Oui, enfin ça...
- Alors, notre conduite nous apparaît clairement : tout d'abord, si cela nous est possible, récupérer notre bien discrètement, sans esclandre
(Garnier est visiblement ravi...), ensuite lui faire mesurer l'étendue de sa faute, enfin lui pardonner, afin qu’il n'oublie pas que bien mal acquis ne profite jamais. (Victor applaudit !)

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Autre bon moment avec le repérage à la banque. Durand-Mareuil est intrigué par le comportement de Gérard qui saute depuis la rue pour tenter de voir son père et lui donner un signal :

- N'est-ce pas votre fils ?
- Non... Ah ! Si !
- Et pourquoi il saute comme ça ?
- Je ne sais pas... Écoutez, ça vient de famille. Moi, à son âge, je sautais pour un rien : un seize en géométrie, et je sautais ! Un sirop de groseille, je sautais ! Un rendez-vous au printemps, je sautais ! Vous ne trouvez pas qu'on ne sait plus sauter comme avant ?

Le plan d'attaque arrêté, les Garnier font acheter le matériel nécessaire. Victor demande une « pince-évêque », confusion avec la pince-monseigneur !

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Suite à l'éboulement du souterrain, Garnier va consulter un spécialiste des travaux publics pour obtenir quelques conseils. Toute la scène est très drôle depuis l'entrée en matière où Victor prétexte le creusement de la caverne d'Ali Baba à titre de cadeau d'anniversaire destiné à sa femme pour justifier ses questions, jusqu'aux explications techniques prodiguées sans retenue par le contremaitre. Avant d'entamer son cours, le spécialiste, interprété par un très bon Jean Lefebvre, offre un verre de vin à Victor. Contraint d'accepter, il faut voir la tête que De Funès prend en buvant l'infecte bibine :

- C'est pas du Bercy, hein ! J'ai un cousin qui a des vignes.
- Ah ! Bon... Non, non, pas plus !
- Allez ! C'est qu'on n'en boit pas comme ça tous les jours !
- Ah ! Non, ça, on ne pourrait pas...

Viennent les conseils :

- Il vous faut des planches de 41. Il faudrait mettre des bois de mines et des sapines. Le mieux serait peut-être de mettre des vaux. Et si c'est humide, il ne faudra pas oublier les semelles.
- Oh ! Vous savez, on a des bottes...
- Non, les semelles...
- Je voudrais vous demander, les planches de 41, ça veut dire de l'année 1941 ?
- Mais non, c'est l'épaisseur...
- Et puis, j'ai cru vous entendre parler de veaux ?
- Oui.
- Des veaux dans un souterrain... Hi ! Hi ! Mais qu'est-ce qu'ils feraient ?
- Voilà autre chose... Bon ! Il va falloir que je vous explique tout... Allez, reprenez un verre... Si, si, allez-y !

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Brécy les appelle au secours de Gérard depuis la cave :

- Euh ! Il s'entraîne, il se fait la voix...
- Il voudrait devenir acteur.
- En ce moment, il répète un rôle pour la fête de la paroisse.
- Il répète dans la cave ?
- A cause du décor : il joue le comte de Monte-Cristo.
- Et papa l'abbé Faria !

Il ne s'agit pas des seules mésaventures vécues par le malheureux Gérard qui va également être enseveli sous un tas de charbon, puis perdre sa fiancée Mireille en raison de sa fatigue lors de la surprise-party ; évidemment, il est difficile de danser le twist lorsqu'on a passé la nuit à charrier des sacs de terre. Le problème, c'est que Mireille imagine autre chose... Malgré quelques accès de mauvaise humeur, Gérard continue à aider son père auquel il est très attaché.

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La venue de Philippe Brécy au moment où les Garnier pataugent dans la fuite d'eau permet des effets comiques basés sur les allusions de Victor et Éliane au sujet du cambriolage, prononcées devant Brécy dont ils n'ont même pas remarqué la présence. Isabelle est contrainte de leur faire remarquer :

- Monsieur travaille à la BANQUE d'en face !
- Hein ? Ah ! Oui, en effet... Je vous reconnais...

La visite des cousins de Liège est un des sommets du film. Le moins que l'on puisse dire est que les mangeurs de frites seront vite renvoyés chez eux... Forcément, ils dérangent les travaux de la famille Garnier sur le point d'aboutir. Dès l'arrivée, entre le cousin Casimir et Victor :

- On ne te dérange pas, au moins ?
- Mais pas du tout : vous êtes ici chez vous...

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Victor ne se détend que l'espace d'une seconde, lorsque Casimir raconte qu'on lui a volé son portefeuille dans la grotte de Lourdes, anecdote qui semble ravir son hôte. Mais très vite, la nervosité reprend le dessus lorsque les deux garnements des Belges découvrent le « tunnel » et relatent ce qu'ils ont vu à leur père. Garnier parvient à s'en sortir sans donner d'explications embarrassantes, mais décide de hâter le départ des importuns :

- Poupette veut repartir tout de suite, c'est de la folie...
- Bof ! Après tout, ils dormiront bien mieux dans leur lit... Et en plus, vous passez la douane en douce en pleine nuit, comme ça...
- Si on te dérange, Victor, il faut nous le dire, hein ?
- Voyons, Poupette ! Il faut bien que les petits se reposent...
- Casimir, tu te sens en état de reprendre la route ?
- Quoi ? Fatigué, Casimir ? Un gaillard pareil que j'ai vu danser la java jusqu'à des deux heures du matin ? Tu te souviens de Lulu la Blonde ? Mais où il m'a le plus étonné, c'est avec deux Allemandes, deux énormes Allemandes, avec des cheveux comme ça... Et après, vous savez ce qu'il a fait ?
- Non ! Ça suffit comme ça, on s'en va !
- C'est ça ! Plus vite on sera partis et plus vite tu pourras me parler de cette Lulu la Blonde !

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Le contretemps suivant arrive de Bretagne. La tante Marie qui avait 94 ans et que les Garnier ont vue trois fois dans leur vie est décédée. Victor se moque de ce que peuvent penser les gens de Loudéac qui passent rarement devant sa vitrine, mais Éliane décide néanmoins d'aller aux obsèques en compagnie des enfants. Resté seul, Garnier se débrouille comme il peut, il n'est pas doué pour la cuisine, et ses travaux sont interrompus par une série d'importuns dont Philippe Brécy qui avait pris rendez-vous avec Isabelle pour aller dîner au restaurant :

- Dites-moi : qu'est-ce que vous faites dans cette banque ?
- J'y ai de très sérieux espoirs. C'est un établissement solide et...
- Solide, si on veut... enfin, solide, oui !

Après avoir travaillé toute la nuit, Victor sort de la cave harassé. Lorsque sa femme de ménage arrive, il la reçoit avec son casque et ses vêtements de travail salis par son ouvrage et la renvoie chez elle, prétextant une fermeture du magasin pour cause d'inventaire.

C'est pendant cette journée de solitude que Victor sent la honte l'envahir face au portrait de son père, un magistrat qui lui donne l'impression de le regarder sévèrement, de juger et de condamner sans appel sa conduite délictueuse. Il finit par retourner le portrait contre le mur...

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L'attitude de Garnier finit par éveiller la curiosité, puis les soupçons du voisinage. Magasin fermé, explosions entendues dans la cave au cours de la nuit et que Victor a présentées maladroitement comme l'expérimentation d'un mélange de poudre pour les pétards à corbeaux (!), femme et enfants absents : il n'en faut pas plus pour que le malheureux Victor soit soupçonné d'avoir tué sa femme, par jalousie ou pour toucher une prime d'assurance-vie. Un agent de police avec qui il avait eu quelques problèmes entend parler de l'affaire et demande au commissaire l'autorisation d'enquêter. Non seulement il désire se venger de celui qui a projeté son vélo à terre sans ménagement afin de faire de la place pour garer sa voiture, mais il voit également l'occasion de devenir inspecteur à la faveur de l'arrestation d'un assassin mise à son crédit.

L'excellent Georges Wilson est un partenaire parfait pour Fufu au cours d'un affrontement d'anthologie :

- Votre femme va bien ?
- Très bien !
- Où est-elle ?
- À un enterrement.
- C'est loin, cet enterrement ?
- En Bretagne.
- J'aurais cru plus près... (saisissant une pioche couverte de terre) Vous jardinez ?
- Oui.
- Vous n'avez pas de jardin, donc pas de terre !
- Pas de terre ? Qu'est-ce qu'il vous faut ! Enfin, je veux dire...
- Et ça pousse ?
- J'attends la récolte.
- Avec un casque sur la tête, et dans cette tenue ? Vous me prenez pour qui ?
- Monsieur l'agent, je vais tout vous dire. Voilà, je cultive des champignons de Paris, sur alvéoles. C'est d'un rapport intéressant d'après ce que j'ai lu dans Le chasseur français…
- Montrez-moi votre cave ! Je veux voir ou votre cave ou votre femme. Si je ne peux pas voir l'une, je veux voir l'autre !

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Le retour d'Éliane et des enfants tombe à pic puisque l'agent était sur le point de descendre et de tout découvrir. Le malheureux policier n'en revient pas ; visiblement, il souhaiterait disparaître à dix lieues sous terre :

- Victor, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'il est venu faire ici ?
- Prendre de tes nouvelles...
- C’est bien gentil…
- Vous reconnaissez ma femme ?
- Oui.
- Elle est bien vivante ? Dis-lui que tu es vivante !
- Quelle question ! Évidemment que je suis vivante !
- C'est un malentendu... Les gens se sont montés la tête et...
- C'est un malentendu qui va vous coûter cher... Montrez-moi votre matricule, ça va barder !
- Soyez indulgent, Monsieur Barnier, j'ai trois enfants !
- Moi aussi, et une femme que j'adore ! Et vous m'avez accusé de l'avoir enterrée dans la cave !
- Laissez-moi une chance. Je paierai la contravention que je vous ai dressée !
- Et la tache faite à mon honneur ?
- Je vous réhabiliterai dans tout le quartier, et si désormais on vous accuse de quoi que ce soit, je me charge de démontrer votre innocence !
- Ah ?
- Je suis en passe de devenir inspecteur : laissez-moi ma chance !
- Bon ! Ça va pour cette fois, mais n'y revenez pas !... Inspecteur ? Ça peut toujours servir, ça...

Les Garnier arrivent enfin au bout de leurs peines. Il ne reste plus qu'à percer le mur de la banque, mais ils sont découverts par Brécy au cours d'une scène hilarante.

- Pardonnez-moi d'être indiscrets, mais... ce souterrain ?
- Une galerie de tir, pour essayer les armes à feu...
- Mais pourquoi tomber la cloison ?
- On relie les deux caves entre elles, à cause de la portée des canons...
- Vous vendez des canons ?
- Oui, des canons anti-grêle...
- Et vous faites ça tout seuls ?
- Nous sommes écrasés par les impôts ! Un entrepreneur, ce serait la ruine ! Nous devons penser à l'avenir de nos enfants ! (Éliane, grandiloquente)
- C'est admirable ! J'aimerais faire partie d'une famille pareille. Je vais vous aider !

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POINTS FAIBLES :

Aucun gag ne tombe à plat et le rythme du comique se maintient jusqu'à la fin. Une anomalie cependant : il est extrêmement douteux que le très propret Philippe Brécy, stagiaire aspirant à devenir cadre de banque, sache préparer du plâtre et puisse reboucher aussi vite le souterrain...

ACCUEIL :

On reste dans les eaux de Pouic-Pouic puisque le film frôle les trois millions d’entrées.

Avec deux films successifs aux alentours de trois millions de spectateurs, De Funès commence son irrésistible ascension juste avant l’explosion du troisième Jean Girault et du Corniaud.

SYNTHÈSE :

Un comique remarquablement efficace et la preuve que les meilleurs films de Fufu ne sont pas forcément les plus connus.

LES SÉQUENCES CULTES :

Je voudrais faire une surprise à mon mari.

Tu te souviens de Lulu la Blonde ?

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4. UNE SOURIS CHEZ LES HOMMES [OU UN DRÔLE DE CAÏD]

Deux petits cambrioleurs sont surpris en pleine action par une jeune fille espiègle qui menace de les dénoncer s'ils n'acceptent pas de collaborer avec elle. Contraints de s'exécuter, les deux associés sont entraînés par la demoiselle dans des affaires a priori séduisantes, mais qui se terminent toutes par des échecs cuisants.

Alors que Louis de Funès est en pleine ascension et que ses deux films précédents ont connu un succès amplement mérité, cette comédie sans intérêt parfois appelée Un Drôle de Caïd apparaît comme une intruse dans la filmographie du comédien.

Mais qu'est-ce que c'est que ce Louis de Funès à moustaches, cambrioleur de troisième zone, et qui compose un personnage à l'opposé de ses standards ? Certes De Funès a plus d'une fois regretté de ne pas avoir varié les personnages qu'il avait incarnés, mais pour l'amateur du comédien, cet écart peut le laisser perplexe. Le personnage type de Fufu, celui qui lui permet de développer un jeu comique efficace, c'est celui d'un dominant, d'un type agressif qui écrase les autres et surtout les petits. Ici, il n'est même pas le supérieur de son acolyte Maurice Biraud, il est carrément méconnaissable. Et ce ne sont pas ses « Je vais la buter ! » réitérés qui peuvent suffire à lui conférer son caractère autoritaire habituel.

Certes, Louis joue impeccablement le rôle qui lui est attribué, mais le problème est que ce rôle ne lui convient guère, et surtout que le film et son scénario sont véritablement affligeants. Pourtant, de bons comédiens sont à l'affiche : Dany Saval, convaincante en jeune fille délurée sans en avoir l'air, la ravissante Dany Carrel en épouse de Maurice Biraud, Biraud lui-même bien que je ne l'apprécie pas outre-mesure (en dehors du Cave se rebiffe, qui se souvient de ses autres films ?), Maria Pacôme en tante excentrique dans la pure lignée de son personnage traditionnel, mais aussi Jean Lefebvre, Claude Piéplu, et Jacques Legras dans des tout petits rôles.

Les dialogues de Michel Audiard sont évidemment appréciables, mais tout ceci n'empêche pas l'ensemble de devenir très vite ennuyeux et même franchement insupportable dans la partie finale. Un échec à oublier sans aucun regret, un avatar sans importance dans la carrière de Louis de Funès.

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Captures et séquences cultes réalisées par Steed3003

 

Saga Louis de Funès

3 - La confirmation (1966/1973) - 1ère partie

Présentation 3ème époque - 1ère et 2nde partie

1. Le grand restaurant - 1966

2. Oscar – 1967

3. Les grandes vacances – 1967


PRÉSENTATION 3ÈME ÉPOQUE - 1ÈRE ET 2NDE PARTIE

En cette seconde moitié des années 60, Louis de Funès s'installe durablement dans le succès. Tout en poursuivant le chemin engagé avec les réalisateurs-clés de sa réussite comme Jean Girault ou Hunebelle et son entourage, il diversifie ses collaborations. De nouveaux metteurs en scène apparaissent, à l'image d'Edouard Molinaro, ou font leur retour comme Robert Dhéry.

Cette période constitue sans nul doute le sommet de sa carrière. Alors en pleine forme physique, Louis a encore amélioré son jeu par rapport aux années 1964/1965, et la plupart des films des années 1966/1969 sont de splendides réussites.

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1. LE GRAND RESTAURANT

Production : GAUMONT France (Alain Poiré)
Scénario : Jean HALAIN
Adaptation : Jean HALAIN, Louis de FUNÈS, Jacques BESNARD
Dialogues : Jean HALAIN
Réalisation : Jacques BESNARD, assisté de Pierre COSSON et Michel LANG
Musique : Jean MARION

Monsieur Septime est un restaurateur parisien qui dirige son affaire d'une main de fer afin de maintenir le standing élevé de son établissement et de satisfaire sa clientèle huppée. Sa vie bien réglée bascule le soir où un chef d'état sud-américain est enlevé dans son restaurant. Soupçonné par la police et sommé de collaborer avec elle pour retrouver les ravisseurs, choisi par ces derniers pour livrer la rançon, de surcroît menacé par la secrétaire de l'homme d'état, une femme de caractère amoureuse de son patron, le malheureux Septime n'est pas au bout de ses mésaventures...

GENÈSE :

Tourné alors que Louis enchaîne les films à haut budget et à succès phénoménaux, Le Grand Restaurant peut apparaître comme un film de transition, moins prestigieux que les Oury ou les Fantômas que De Funès tourne à la même époque. Pourtant, ce film sera une de ses œuvres majeures, un de ses meilleurs toutes époques confondues. 

Gaumont compose une équipe basée sur les proches d'André Hunebelle que Fufu connaît bien : Jacques Besnard est à la mise en scène, et Jean Halain est au scénario comme sur la série des Fantômas. De Funès lui-même participe à l'adaptation : c'est la première fois qu'il endosse la casquette de co-scénariste, et il le fera en tout à six reprises, toujours dans le processus d'adaptation (il ne signera jamais de scénario original, sans doute pensait-il être plus à l'aise en apportant des idées sur une histoire déjà construite). La bonne entente régnant au sein de cette petite famille va produire un excellent résultat. 

C'est la première fois depuis l'installation dans le succès que Louis interprète un restaurateur de prestige, et aussi la dernière. Par la suite, L'Aile ou la cuisse se déroulera également dans le milieu culinaire, mais Louis de Funès y jouera un critique gastronomique et non un restaurateur. Lors de sa lente ascension, il avait déjà interprété un chef-cuisinier dans Le Gentleman d'Epsom avec Jean Gabin.

RÉALISATEUR :

Jacques Besnard, né en 1929, a débuté en tant qu'assistant-réalisateur d'André Hunebelle, notamment sur les deux premiers Fantômas. Il a donc déjà travaillé avec Louis de Funès, et le retrouvera au début des années 70 à nouveau dans des fonctions d'assistant-réalisateur, mais de Gérard Oury sur les deux derniers films de ce dernier avec Louis.

Dans les années 70, Besnard réalisera quelques comédies populaires de séries B, essentiellement avec Michel Serrault et Jean Lefebvre telle La situation est grave... mais pas désespérée. À partir des années 80, on le retrouvera à la mise en scène d'épisodes de séries télévisées (Hôtel de Police, Le Retour d'Arsène Lupin...). Son fils Eric est également réalisateur. 

Louis de Funès ne connaîtra aucun problème particulier sur ce tournage. Il connaît et apprécie Besnard, qui le laisse travailler à sa guise et accepte avec enthousiasme ses suggestions, il est vrai souvent géniales.

DÉCORS :

La première partie du film se déroule essentiellement dans le restaurant et a donc été tournée en studio. Les décors naturels font leur apparition dans la seconde partie centrée sur l'enlèvement et la recherche de Novalès, avec pour commencer les déambulations de Septime dans Paris et sa banlieue Ouest, notamment dans le parc de Saint-Cloud. 

Le prétendu ravisseur ordonne à Septime de prendre la direction de Val d'Isère pour livrer la rançon, et le tournage s'est en effet déroulé dans cette station connue ainsi que dans les environs, offrant l'occasion d'admirer les beaux paysages savoyards. 

Enfin, c'est sur la Côte d'Azur que Septime va retrouver le président Novalès. Les paysages printaniers de Nice et de la Côte d'Azur créent un joli contraste avec l'environnement enneigé des Alpes qui avait dominé les extérieurs auparavant.

GÉNÉRIQUE : 

Le générique vient directement en ouverture. Il montre par des vues diverses du restaurant le travail des cuisiniers et des serveurs.

Une chose frappe en écoutant la musique, c'est la ressemblance avec celle d'Oscar qui sera tourné un an plus tard, avec des mélodies dont le traitement tire vers la fugue, parangon de la technique de la musique savante occidentale, mais rarissime dans une musique de film souvent pensée comme plus populaire. Comme de juste, les deux sont l'œuvre du même compositeur : Jean Marion, qui signera là ses deux dernières compositions avant de décéder en 1967 dans sa 55e année. Il était surtout connu pour avoir travaillé sur les films d'André Hunebelle avec Jean Marais (Le Bossu, Le Capitan, Les Mystères de Paris...).

Passer du style « cape et épée » à la comédie ne semble pas avoir posé de problème à Marion qui signe une musique ludique à souhait et imaginative, parfaite pour ce style de films.

SCÉNARIO :

Le fait a été constaté à de multiples reprises sur les films de Louis, mais se vérifie particulièrement sur celui-ci : ce sont les séquences de gags, sans scénario à proprement parler, qui sont les plus intéressantes. Ces scènes, concentrées dans la première demi-heure du film, sont d'une drôlerie exceptionnelle. Il est vrai que le scénario est assez banal, et ne va démarrer qu'avec l'enlèvement de Novalès. C'est la grande qualité des gags et effets comiques qui donne toute sa valeur au film.

M. Septime est le directeur d'un restaurant parisien prestigieux. Passionné par son métier et désireux d'offrir un service impeccable à sa clientèle de grands bourgeois et d'aristocrates, il mène la vie dure à son personnel. Personne ne lui résiste, hormis M. Marcel, un colosse peu aimable faisant office de chef-cuisinier. 

Heureusement aidé par son « petit » Roger, un serveur particulièrement servile et lèche-bottes qui se délecte de dénoncer les indélicatesses de ses collègues, Septime est curieux de savoir comment se comporte son personnel lorsqu'il est absent. Il va donc se déguiser afin d'espionner ses employés à leur insu, et ce qu'il découvre l'horrifie à un point tel qu'il convoque ses serveurs à un cours de comédie appliquée à la restauration.

Septime est ravi qu'un hôte prestigieux de la France, le président sud-américain Novalès, ait choisi de venir dîner dans son restaurant en compagnie de sa secrétaire et de son chef de la sécurité. Mais une explosion se produit alors que la salle est plongée dans le noir et qu'il s'apprête à mettre le feu à sa célèbre pièce montée. Lorsque la lumière revient, le chef d'État a disparu ! M. Septime a beau chercher partout, même dans ses cuisines, Novalès reste introuvable. 

Le commissaire divisionnaire chargé de l'enquête, pourtant habitué de son établissement, ne se montre guère amène avec le restaurateur, de prime abord soupçonné de complicité avec les malfaiteurs, puis contraint de collaborer étroitement avec les forces de l'ordre. Chargé de surveiller si des membres d'une organisation terroriste opposée au président fréquentent son restaurant, il se voit remettre les photos des malfaiteurs et scrute avec attention l'ensemble de ses clients. Justement, les terroristes se manifestent, mais une maladresse de Septime leur permet de s'échapper avant l'arrivée de la police. Furieux, le commissaire arrête Septime, qui passe la nuit en prison.

Libéré, Septime est suivi par la police qui pense que les malfaiteurs vont tenter de l'abattre à la première occasion. De fait, il est contacté par les ravisseurs autoproclamés par le truchement d'un talkie-walkie introduit dans sa voiture : c'est lui qui devra remettre la rançon sous peine d'exécution du président, si l'affaire tourne mal, il risque d'être lui aussi liquidé. En réalité, il s'agit d'une opération montée de toutes pièces par la police : le commissaire espère que cette fausse demande de rançon va faire réagir les vrais ravisseurs qui ne manqueront pas de se manifester sur les traces de Septime. 

Réticent face au danger de l'opération, Septime accepte lorsque le commissaire lui fait miroiter l'octroi de la Légion d'Honneur s'il mène sa mission à bien ; le malheureux n'a guère le choix, coincé entre la police, les pseudo-ravisseurs, et la secrétaire de Novalès, une militante enragée, amoureuse de son patron, et qui n'hésite pas à menacer Septime de tous les maux si le président n'est pas retrouvé dans les plus brefs délais.

Le plan du commissaire fonctionne parfaitement. La voiture de Septime, que la police conduit sur les routes sinueuses et enneigées du Nord des Alpes, ne tarde pas à être suivie par deux automobiles. Dans la première, une ravissante blonde, qui est en fait la secrétaire de Novalès coiffée d'une perruque, et bien décidée à appréhender les odieux malfaiteurs responsables de l'enlèvement du « bienfaiteur » de tout un peuple. Dans la seconde, les terroristes recensés par la police, accompagnés de leur chef qui n'est autre que la chef de la sécurité du président. Mais ces hommes ne sont pour rien dans la disparition de Novalès ; ils n'ont rien compris lorsque l'enlèvement s'est produit alors qu'ils s'apprêtaient à opérer eux-mêmes quelques jours plus tard. Ils suivent Septime pour tenter de s'emparer de cette rançon pour leur propre cause. 

Après de multiples dérapages de voitures et rebondissements, la police parvient à arrêter les terroristes qu'elle ramène dans ses locaux parisiens. Le commissaire ne comprend pas l'obstination d'Enrique, le chef de la sécurité, et de ses complices à nier l'enlèvement. Très fatigué, Septime demande au commissaire l'autorisation de rentrer chez lui, ce qui provoque la fureur de la secrétaire, toujours aussi excitée. Heureusement pour les malfaiteurs, la police refuse d'adopter les méthodes musclées préconisées par la donzelle.

Septime espère pouvoir enfin se reposer, mais un homme caché dans sa voiture l'oblige à prendre un avion privé jusqu'à Nice. Dérouté par le tour que prend l'affaire, notre restaurateur a la surprise de retrouver dans un jardin fleuri de la Côte d'Azur le fameux président Novalès. En fait, le chef d'État n'a jamais été enlevé, mais a pris quelques jours de vacances en douce, épuisé par les corvées et cérémonies officielles. C'est un de ses amis qui a organisé sa fuite depuis le restaurant de Septime. 

Pour réparer les ennuis causés au restaurateur, Novalès réapparait et fait croire que c'est Septime qui l'a tiré des griffes de ses ravisseurs. Le commissaire est obligé d'accepter cette explication, qui ne le convainc pas.

DISTRIBUTION : 

Avec Septime, ce restaurateur passionné par son métier, Louis de Funès trouve un de ses meilleurs rôles, insufflant à ce personnage son caractère habituel, servile avec les puissants qui fréquentent son restaurant, et tyranniques avec ses subordonnés. 

C'est un partenaire de choix dont bénéficie Fufu avec Bernard Blier, acteur légendaire qu'on ne présente plus, et dont le rôle de commissaire convient parfaitement à sa manière de jouer. On remarque l'absence totale de bienveillance dont il fait preuve envers Septime dont il fréquente pourtant le restaurant de manière assidue. Malgré le bon accueil traditionnel du restaurateur, il n'hésite pas à l'envoyer au casse-pipe sous prétexte qu'un homme comme lui « doit bien savoir qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs », et en lui soutenant qu'il ne risque rien ! Il n'en demeure pas moins que son personnage reste sympathique, et c'est là la marque des acteurs exceptionnels comme De Funès et lui de pouvoir rester agréables même lorsque leurs personnages sont franchement détestables.

Concernant le personnel du restaurant, en vedette pendant la première partie du film, l'ensemble des acteurs fait partie de l'entourage de Louis de Funès. Paul Préboist, fidèle parmi les fidèles, interprète le sommelier, personnage assez porté sur la bouteille. Le chauve Roger Caccia joue le pianiste, et Max Montavon le violoniste qui « joue de la flûte ». 

Grosso et Modo, les complices de la série des Gendarme, sont présents eux aussi dans des rôles de serveurs. Là où Guy Grosso se montre assez maladroit et souvent tancé par Septime, Michel Modo est le « petit » Roger du Chef, une sorte de double de Louis de Funès à l'échelon inférieur, particulièrement servile avec Septime, et traître avec ses collègues. Il semble prendre une réelle jouissance à dénoncer à son patron les manquements de ses camarades.

Maurice Risch, Jacques Dynam, René Bouloc, Pierre Roussel, et Jean Droze jouent les autres serveurs, dans des rôles plus secondaires.

Jean Ozenne est le maître d'hôtel qui multiplie les « Mon Dieu ! Mon Dieu ! » prononcés d'un air désabusé face aux méthodes autoritaires de son patron. Pierre Tornade est un autre maître d'hôtel, celui qui a affaire à Septime déguisé en client. Quant à Marcel, le chef-cuisinier qui terrorise Septime, il est interprété par Raoul Delfosse. Et c'est Olivier de Funès, le fils de Louis, qui campe son filleul et protégé. Malicieux à souhait, le filleul ne perd pas une occasion de relever les reniements de Septime provoqués par sa peur du grand Marcel.

Le président Novalès est interprété par l'acteur italien Folco Lulli. Héros de la résistance antifasciste lors de la Seconde Guerre Mondiale, déporté par les Allemands, il entame une carrière de comédien à la Libération, travaillant surtout pour le cinéma italien et le cinéma français. Il est décédé en 1970 d'une crise cardiaque, alors qu'il avait à peine 58 ans. Novalès est un président que l'on devine progressiste, populaire, et populiste. Son action est mal perçue par les élites conservatrices de son pays, représentées par Venantino Venantini et ses terroristes. Il est possible, et même probable, que le général Perón, ancien président de l'Argentine, ait servi de modèle pour le personnage. 

Dans le sillon de Novalès, c'est donc Venantino Venantini, un autre italien bien connu de Louis de Funès depuis Le Corniaud, qui endosse le costume d'Enrique, le traître de service, en apparence serviteur dévoué du chef d'état, en réalité acharné à sa perte et à la tête d'un groupe de terroristes où l'on reconnaît Robert Dalban, pour une fois bénéficiaire d'un rôle assez consistant, et quelques acteurs moins connus : Juan Ramirez, c'est le général, qui obéit au doigt et à l'œil à Enrique, pourtant simple capitaine, dans cette bien curieuse organisation. Albert Dagnant et Frédéric Santaya sont les autres terroristes. Quant à Eugène Deckers, il joue leur double inversé puisqu'on laisse croire aux spectateurs qu'il est le ravisseur de Novalès, alors qu'il est son fidèle complice dans l'auto-enlèvement du chef d'État. 

Avec Maria-Rosa Rodriguez, également connue sous le pseudonyme de Yana Chouri, De Funès retrouve une actrice rencontrée sur Les Bons Vivants et sur Pouic-Pouic. Ici, elle se transforme en furie amoureuse de Novalès, et totalement dévouée à la cause de celui qu'elle considère comme le héros de tout un peuple, en quelque sorte une Eva Perón brune... 

La clientèle de Septime comprend quelques personnes de la classe moyenne en dehors des élites du Tout-Paris ou de l'étranger, à l'image de Paul Faivre, qui interprète l'aimable vieillard qui a taché sa cravate. Avec Bernard Dumaine, on est déjà à l'étage du dessus puisqu'il joue un client satisfait de la prétendue modicité des tarifs de Septime, pourtant prohibitifs. 

Un peu plus haut, le ministre n'est autre que Noël Roquevert. Peu enthousiasmé par le plan du commissaire, il le laisse prendre tous les risques, ce qui n'est pas du goût du policier incarné par Bernard Blier... 

L'étage supérieur est atteint avec le baron et la baronne, incarnés par Robert Destain et France Rumilly. Oui, France Rumilly, la religieuse folle du volant de la série des Gendarme ! Le générique ne précise pas le nom du toutou qui joue leur chienne Poupette...

Parmi quelques acteurs peu connus, tels Marc Arian, Roger Lumont, et Adrien Cayla-Legrand, on reconnaît parmi les clients de Septime André Badin dans le rôle d'un invité du ministre, si peu important que son nom échappe à son hôte, et que, par conséquent, Septime méprise ouvertement. 

Reste les policiers. Autour de Bernard Blier, les inspecteurs sont interprétés par Yves Arcanel, un habitué des rôles de policiers, et Henri Marteau. Quant à Jacques Legras, on le retrouve en agent de police auquel s'adresse Septime pour se débarrasser du « tueur » qu'il croit avoir dans sa voiture.

TEMPS FORTS :

Si les péripéties suivant la disparition du président comportent des passages attrayants, c'est dans la première partie du film, celle qui dépeint le comportement de Septime avec ses subordonnés, que l'on trouve les meilleurs moments. Si le film avait maintenu le niveau de sa première demi-heure, il aurait sans nul doute été le plus réussi de tous les De Funès, tellement cette première partie est exceptionnelle, à voir et revoir sans se lasser.

La scène la plus emblématique est une des premières du film. Le commissaire divisionnaire vient dîner chez Septime en compagnie de confrères étrangers. Face à un Septime réticent à livrer un secret, il insiste pour que le grand chef donne au docteur Muller, son collègue allemand, sa recette du soufflé à la pomme de terre. Contraint de s'exécuter, M. Septime donne la recette en parlant allemand, et de manière très expressive (et approximative). Il est déjà très drôle de voir Louis de Funès s'exprimer dans la langue de Goethe : 

« Vous prenez ein kilogramme kartoffeln, butter, saltz... »

Mais ce qui rend la scène culte, c'est lorsqu'un jeu d'ombres chinoises, vraisemblablement provoqué par un lustre, semble conférer au visage de De Funès des cheveux coiffés sur le côté et une petite moustache qui le font ressembler à Hitler. En même temps, il adopte le phrasé autoritaire du dictateur nazi sous les yeux ébahis du bon docteur Muller qui se hâte de se déclarer satisfait face à ce visage menaçant.

C'est Louis de Funès qui a eu l'idée d'ajouter ce plus « hitlérien », et a une nouvelle fois prouvé qu'il savait trouver les petits plus qui transforment une très bonne scène en scène exceptionnelle. 

Les séquences montrant l'attitude de Septime d'une part avec son personnel, d'autre part avec ses clients, sont fort amusantes. Par exemple, il entreprend de sermonner vertement un jeune serveur qui a eu le tort de mettre du persil pour simuler le feuillage des œufs mimosas, alors que le maître exige qu'on utilise de l'estragon. Problème pour M. Septime : le serveur s'avère être le filleul de M. Marcel, le chef-cuisinier, un colosse peu sociable dont Septime a peur.

- Du persil, pas de l'estragon, sinon c'est pas bon !
- C'est ce que je lui disais...
- C'est pas vrai, il voulait que je mette de l'estragon !
- Qu'est-ce qu'il y a, vous n'êtes pas content de mon petit filleul ?
- Ah ! C'est votre petit filleul ?
- Oui !...  Il y a beaucoup trop de monde dans cette cuisine, vous ne trouvez pas ?
- Oh ! Il faut que j'aille ailleurs...

Ensuite Septime se regarde dans un miroir et se dit : 

« Il me file des complexes, celui-là, et c'est le seul ! Lâche ! Tu es un lâche... Ben oui, mais qu'est-ce que vous voulez ?... »

En dehors de son « petit » Roger, Septime est intraitable avec ses employés, en même temps qu'il flatte ses bons clients. Le baron et la baronne, par exemple, avec cette fameuse réplique face aux employés qui surgissent lorsqu'il appelle la chienne de la baronne :

« Vous ne vous appelez pas Poupette ? Alors, disparaissez ! »

M. le Ministre est également présent, accompagné du secrétaire d'État que Septime salue ostensiblement, du sous-secrétaire d'État qui a droit à un bonjour plus bref, et d'un monsieur visiblement moins important que Septime ignore totalement. Le ministre a l'habitude de raconter de bonnes blagues, donc Septime commence à se tordre de rire avant même que son interlocuteur ait commencé la narration de son histoire drôle. Sitôt celle-ci finie, Septime se retourne et fait une grimace d'ennui, qui dévoile au spectateur son hypocrisie.

Autre très grand moment, la séquence du déguisement. Soucieux de savoir comment son personnel se comporte lorsqu'il est absent, Septime file à l'anglaise dans ses bureaux et décide de se déguiser. Il finit par opter pour une perruque blonde lui donnant l'allure d'un intellectuel ou artiste très maniéré, et retourne dans son restaurant en se faisant passer pour un client. 

Rien n'est laissé au hasard, Septime fait tout pour faire sortir le personnel de ses gonds. Il commence par tester ses employés :

- Il n’est pas là, le patron ?
- M. Septime est sorti.
- Vous devez être content ?
- Euh…
- Vous êtes content, n'est-ce pas que vous êtes content ?
- Euh ! Oui !

Ensuite, il décide plusieurs fois de changer de table, prétextant que Septime est « injuste », et à chaque table, il renverse des verres ou des assiettes. Il finit par s'installer d'autorité à une table déjà retenue, demande conseil au maître d'hôtel au sujet du menu avant de commander un simple radis, et, au cas où il aurait encore une petite faim, un yaourt. Vient alors le sommelier :

- Qu'est-ce que vous me conseillez avec un radis ?
- Monsieur pourrait prendre un petit Muscadet.
- C'est sec ou c'est doux ?
- Plutôt sec.
- Pas trop sec ?
- Alors, Monsieur pourrait prendre un Sauternes ?
- C'est doux ?
- Très doux !
- Peut-être un peu trop doux ?
- Monsieur pourrait prendre un demi-sec.
- Non, je préférerais un demi-doux ! Bon, donnez-moi la carte, je vois que vous ne savez pas... Vous allez me donner de l'eau Perrier, tiède, mais peu pétillante...

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A bout de nerfs, le maître d'hôtel interprété par Pierre Tornade finit par adopter un ton ironique à la fin du très léger repas : 

« Il a bien déjeuné, le Monsieur ? Il ne veut pas un dessert, le Monsieur ? Une petite carotte, saupoudrée de... » 

Septime enlève alors sa perruque et réprimande son employé : 

« Espèce de saligaud ! Et la conscience professionnelle, la restauration française ?... » 

Il est vrai que le pauvre Septime a des raisons d'être énervé après ce qu'il a pu constater : des serveurs qui se relâchent et font les imbéciles devant les clients, un autre qui s'endort, et pire encore, le pianiste qui cherche à voler le restaurant en s'emparant discrètement d'un billet de banque égaré par un maître d'hôtel !

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Après avoir ôté sa perruque, il traverse le restaurant sous les yeux ébahis des serveurs et arrive à l'entrée au moment où le maître d'hôtel incarné par Jean Ozenne est en train d'affirmer à la secrétaire de Novalès :

- Je ne sais pas à quelle heure M. Septime rentrera...
- Mais je suis là, je suis là...

Informé de la supercherie par Tornade, Jean Ozenne répète son expression favorite :

« Mon Dieu, mon Dieu !... »

Il devient urgent de donner à ces acteurs de la « décadence de la restauration » des cours de comédie. À cette occasion, De Funès exprime sa lassitude face aux « Mon Dieu » d'Ozenne :

« Vous commencez à m'énerver avec vos « Mon Dieu, mon Dieu » ! Je sais que vous désapprouvez ces méthodes, mais ce sont des méthodes modernes ! »

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La première leçon consiste à s'entraîner à servir en souriant. Septime explique que, dans la cuisine, on a tous des ennuis, mais lorsqu'on franchit la porte de la salle, il faut sourire, parce que le sourire, « c'est notre pourboire au client ! » 

Le « petit » Roger, le chouchou du chef, donne l'exemple, mais son compère manipule la porte factice d’entraînement de manière à le faire tomber. Septime autorise Roger à se venger en donnant une punition à l’impétrant ; le « petit » Roger choisit vingt menus à copier pour le lendemain, et Septime en rajoute dix à copier en gothique ! Menus en gothique au programme également pour Paul Préboist, le sommelier, qui a vidé quelques bouteilles de trop en « faisant des rangements » dans la cave... 

La seconde leçon est lancée par Septime avec une petite pique en direction de Jean Ozenne : 

« Mon Dieu, mon Dieu ! Oui, je sais, c'est dégradant... » 

Il s'agit d'un cours de danse avec plateau de serveur sur le bras. C'est Colette Brosset qui a réglé la chorégraphie, et l'actrice a loué à cette occasion le talent inné de Louis de Funès pour la danse. Hormis le sommelier, ivre, qui casse son plateau dès le premier changement de main et se voit exclu illico presto par Septime, tout se déroule pour le mieux jusqu'à ce que le pianiste accélère brusquement le tempo, conférant à la musique un aspect russe qui pousse les danseurs à briser leurs plateaux à terre comme s'il s'agissait de verres, à la manière des buveurs de vodka, puis à se lancer dans une danse collective endiablée.

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Lorsque Septime reprend ses esprits, Roger se hâte de dénoncer le pianiste, et finit par prendre un croche-pattes de la part d'un de ses collègues, entraînant une mutinerie peu appréciée par le maître. Roger voudrait distribuer des punitions, mais Septime a d'autres chats à fouetter en raison de la venue du président Novalès. Il décide de faire jouer l'hymne national du pays de Novalès à l'arrivée de ce dernier, prévue pour le même soir. Les musiciens n'auront donc que très peu de temps pour répéter, et le semblant d'orchestre sera composé du pianiste, de son violoniste qui devra jouer de la flûte (!) et d'un des serveurs qui tiendra le violoncelle sous prétexte que, dans sa jeunesse, son père était violoncelliste (!). Le pianiste pressent le désastre, qui effectivement se produit, mais c'est lui qui en est rendu responsable par Septime, et ses mains vont s'en souvenir toute la soirée, brutalement coincées par le maître sous le battant de son piano !

La scène de l'enlèvement est également fort drôle, avec Septime qui va chercher Novalès jusque dans les cuisines. Chargé ensuite de repérer les terroristes et de prévenir le commissaire par téléphone en éternuant trois fois pour le cas où les gangsters le surveillent, il est épouvanté lorsqu'il les voit débarquer, ce qui produit ce dialogue savoureux avec un serveur :

- Monsieur Septime, il n'y a plus de langouste !
- C'est épouvantable !
- Qu'est-ce qu'on va faire ?
- Eh bien, il faut éternuer !

Moins de séquences enthousiasmantes dans la seconde partie du film, mais on peut encore en ressortir quelques-unes. Ainsi, l'épisode du tueur « caché dans la voiture » (Septime ne sait pas qu'il a affaire à un talkie-walkie) avec Jacques Legras dans le rôle de l'agent de police :

- Il y a un terroriste caché sur ma banquette arrière. Il veut me tuer, c'est un tueur ! (Legras regarde et ne voit rien)
- Vous avez de la chance ! Si vous aviez eu affaire à Dubois !
- Mais, Monsieur l'agent, je vous dis qu'il est là ! Il doit être caché sous la banquette !
- Regardez vous-même, vous verrez qu'il n'y a rien !
- Alors, c'est qu'il est dans la malle !
- Eh bien, on va aller voir la malle...
(ironique)
- Vous êtes armé ?
- Oui, oui, oui...
- C'est que c'est un tueur...
- Oh ! Il est parti !
(toujours aussi ironique)
- Il n’est pas en dessous ?
- Allez ! On va rentrer chez soi et faire un gros dodo...

Le commissaire sait s'y prendre pour convaincre Septime de collaborer, avec l'appât constitué par la Légion d'Honneur. Un procédé qui fait mouche !

Après l'arrestation des terroristes, la secrétaire de Novalès est très remontée contre Venantini :

- Laissez-le moi !
- Non, surtout pas elle !

Et lorsque Septime, épuisé, manifeste l'intention de rentrer chez lui :

- Tu pars, Monsieur Septime, dans un moment pareil !
- Oui, mais je ne crois pas que c'est ce soir que vous retrouverez votre restaurant... euh ! Je veux dire votre président...
- Voilà ! Alors que la vie du héros de tout un peuple est en jeu, Monsieur Septime ne pense qu'à son bistrot !
- Écoutez, mademoiselle, il faut de tout dans la vie, il faut des héros et il faut des bistrots !
- Marchand de soupe !

Septime, resté seul avec le commissaire, est réconforté par ce dernier :

- Décidément, je préfère les nordiques !
- Vous avez vu : marchand de soupe, me dire ça à moi, marchand de soupe !

POINTS FAIBLES : 

Les scènes sous la neige à Val d'Isère sont d'un intérêt nettement en retrait, et ont tendance à s'éterniser. Dans l'ensemble, le regret de ne pas avoir maintenu le niveau exceptionnel des trente premières minutes peut se faire sentir au cours de la seconde partie, même si les effets comiques restent de bonne qualité.

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ACCUEIL : 

Près de quatre millions de spectateurs vont assister aux mésaventures de Septime. Il s’agit de la huitième performance de l’année 1966. 

La réussite est donc toujours au rendez-vous, même si on peut penser que ce Grand Restaurant aurait mérité un résultat encore meilleur. 

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SYNTHÈSE :

De Funès-Septime, un rôle mémorable de plus pour Louis de Funès, et un film aux effets burlesques irrésistibles.

LES SÉQUENCES CULTES :

Recette du soufflé aux pommes de terre

Ca va mon petit Marcel ?

Servir, c'est sourire !

Folie collective

C'est un tueur !

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2. OSCAR

Production : Alain POIRE (Gaumont)
Adaptation : Jean HALAIN, Edouard MOLINARO, Louis de FUNÈS d'après la pièce Oscar de Claude Magnier
Réalisation : Édouard MOLINARO
Musique : Jean MARION et Georges DELERUE

La matinée éprouvante de Bertrand Barnier, chef d'entreprise véreux et irascible, aux prises avec un employé arriviste décidé à épouser celle qu'il prend pour la fille de son patron, sa fille véritable qui lui fait croire qu'elle est enceinte pour pouvoir se marier, sa bonne qui le quitte pour épouser un baron, son chauffeur amoureux de sa fille, un kinésithérapeute ahuri, et une valise remplie de bijoux.

GENÈSE :

Oscar est l'adaptation au cinéma d'une pièce de théâtre de Claude Magnier, mise en scène par Jean Mauclair, et jouée pour la première fois au Théâtre de l'Athénée en 1958. À l'origine, c'est Pierre Mondy qui interprète le rôle principal, celui de l'entrepreneur Bertrand Barnier. Son partenaire principal n'est autre que Jean-Paul Belmondo, dans le rôle de Christian Martin. Madame Barnier est interprétée par Maria Pacôme, le masseur par Mario David, qui sera le seul acteur, avec son pendant féminin Germaine Delbat, présent dans toutes les versions théâtrales d'Oscar ainsi que dans l'adaptation au cinéma, la bonne Bernadette par Dominique Page, Jacqueline par Jacqueline Huet, Colette par Françoise Vatel, la nouvelle bonne par Germaine Delbat, et Oscar par Jacques Porteret.

Dès cette année 1958, la pièce passe au Théâtre des Bouffes, avec Jean-Pierre Cassel à la place de Pierre Mondy et Denise Provence dans le rôle de Madame Barnier. Une des caractéristiques de la pièce, qui sera confirmée dans le film, est le rôle réduit du personnage qui lui a donné son nom, le chauffeur de Bertrand Barnier, prénommé Oscar. Il s'agit même du personnage le moins important ! 

En 1961, la pièce reprend au Théâtre de la Porte Saint-Martin. L'arrivée de Louis de Funès dans le rôle de Bertrand Barnier va accroître son succès déjà conséquent. Le partenaire principal de De Funès est Guy Bertil, qui interprète Christian Martin. On retrouve Denise Provence, Mario David, Dominique Page, et Germaine Delbat, et quelques nouveaux (et nouvelles) venu(e)s : Odile Poisson (Colette), Danièle Lebrun (Jacqueline), et Michel Larivière (Oscar). 

La pièce est adaptée au cinéma en 1967 alors que Louis de Funès est devenu une immense vedette dont chaque film obtient des millions d'entrées. La surprise est le choix de confier la réalisation à Édouard Molinaro. A priori, Louis de Funès et Édouard Molinaro appartiennent à deux mondes complètement différents qui, au mieux s'ignorent, au pire se détestent. De Funès est devenu le maître du cinéma populaire commercial à base de comédie, alors que Molinaro est un cinéaste plutôt intellectuel, avant tout orienté vers le drame et les films d'auteur. Du moins est-ce l’impression d’origine produite par le personnage, mais la réalité est beaucoup plus nuancée : Molinaro n’a jamais été sectaire et s’est épanoui aussi bien dans le cinéma d’auteur, qui garde sa préférence, que dans les comédies populaires.

Le film comporte quelques nouveautés dans la distribution, à l'image de Claude Rich, la plus remarquée étant l'arrivée de Claude Gensac, la nouvelle Madame Barnier. L'adaptation est confiée à Jean Halain, qui avait déjà travaillé avec Louis de Funès sur la série des Fantômas. Le metteur en scène Édouard Molinaro, et surtout Louis de Funès lui-même, apportent leur contribution à l'adaptation. De Funès, enfin totalement maître de ses films, tient à tout contrôler. Il confiera que, dorénavant, si le public trouve ses films mauvais, il est le seul responsable, alors qu'auparavant il n'y pouvait rien. 

En 1971, Louis de Funès, déçu par certains films comme ceux de Korber, et lassé par la médiocrité des scénarios qu'on lui propose, décide de faire son retour au théâtre et reprend son rôle dans Oscar sur une mise en scène de... Pierre Mondy, qui avait inauguré le rôle de Barnier ! Maria Pacôme fait son retour dans le rôle de Madame Barnier, qu'elle n'avait jamais joué avec Louis de Funès comme partenaire. Elle va accroître le potentiel comique de la pièce tout comme Laurence Badie, qui succède à Dominique Page dans le rôle de Bernadette. Christian Martin est interprété par Gérard Lartigau, Colette par Brigitte Degaire, Jacqueline par Corinne Le Poulain, et Oscar par Jean-Pol Brissart. N'oublions pas les inamovibles Mario David et Germaine Delbat.

RÉALISATEUR : 

A priori, l'association de Louis de Funès et d'Édouard Molinaro ressemble un peu à celle de la carpe et du lapin. Une analyse plus fouillée montre que le réalisateur a exploré auparavant de nombreux genres cinématographiques en dehors de son registre de prédilection, les films d’auteur. Ainsi, on l’a vu exercer dans le domaine du film policier (La Mort de Belle d’après Simenon) ou de la comédie (Une ravissante idiote avec Brigitte Bardot). Il a même collaboré au film à sketches Les sept péchés capitaux en mettant en scène L’envie. 

Néanmoins, on n’imagine guère les deux hommes travaillant ensemble. Cependant, il arrive qu'une association improbable donne d'excellents résultats. D'un certain côté, c'est le cas pour le public, puisque les deux films Molinaro-De Funès seront excellents. Mais du point de vue de Louis de Funès, c'est un échec car les deux hommes ne s'entendent pas.

Fufu aime que les réalisateurs soient décontractés, et rient derrière leurs caméras. Il a travaillé avec des metteurs en scène qui rient beaucoup, comme Yves Robert et bien entendu Gérard Oury. Mais laissons-lui la parole :

« Vous avez des réalisateurs qui sont là et disent (il prend un air sévère) : Allons ! Allons ! Silence, les enfants ! C'est fini, oui ? … Vas-y !... Et ce sont des metteurs en scène de comédies ! Alors, c'est épouvantable, il faut aller chercher les ressorts du comique au plus profond de soi... » 

Il est probable que De Funès visait notamment Molinaro dans ces propos. On sait que le tournage d'Oscar a été extrêmement tendu. Un jour, Louis a fait la grève du tournage : Claude Rich a raconté qu'un matin, alors qu'il se préparait pour la scène du jour, on l'a prévenu que Louis de Funès ne voulait plus continuer parce que « Molinaro ne le faisait pas rire ». 

L'incident se serait produit avant le tournage de la fameuse scène de crise de nerfs, avec Fufu qui joue du violon sur une extension imaginaire de son nez. Un passage d'anthologie, digne d'un film muet. De Funès, qui était à la base un acteur de théâtre, avait besoin d'un public qui rit lorsqu'il se déchaîne. Molinaro n'étant guère expressif, il propose de faire venir l'équipe du tournage à titre de spectateurs, afin que son acteur principal puisse tourner la scène dans les conditions du théâtre. De Funès accepte, et une seule prise de vues sera nécessaire tellement il se montre génial.

DÉCORS : 

Hormis pour les images du générique, le film est entièrement tourné en studio. Logique puisqu'il s'agit de l'adaptation d'une pièce de théâtre, mais néanmoins unique dans la filmographie de Louis de Funès puisque ses autres adaptations issues du théâtre, Pouic-Pouic, Hibernatus, et Jo comportent quelques scènes tournées en extérieur. 

Lors des arrivées et départs des divers personnages chez les Barnier, on peut admirer les extérieurs de leur villa. Ces scènes ont été tournées à la Villa Stein à Vaucresson, construite en 1927 et 1928 par Le Corbusier. 

Les décors intérieurs sont résolument modernes et très colorés. On remarque un escalier en colimaçon et un curieux parc situé en sous-sol, avec plantes, oiseaux... Ce style singulier ne se marie guère avec le personnage plutôt classique, presque « vieille France », généralement interprété par De Funès, que l'on s'attend plutôt à voir dans un château avec chandeliers et meubles anciens.

GÉNÉRIQUE : 

Le générique de début montre la voiture de Christian Martin se faufilant dans les rues de Paris, puis dans la campagne très boisée de la région parisienne, avant de se terminer avec l'arrivée à la villa des Barnier. 

Au contraire des décors, la musique enlevée de Jean Marion et de Georges Delerue est typique de ce qu'on entend dans les comédies en général, et dans les De Funès en particulier. L'absence de longues scènes sans dialogues tournées en extérieur réduit considérablement les passages musicaux pendant le film. 

La voiture de Martin produit déjà un effet comique pendant le générique ; j'ignore où ils sont allés chercher un engin pareil : cette petite voiture noire très étroite semble avoir été aplatie, comme si elle avait subi une forte pression sur les ailes !

SCÉNARIO : 

Comme le suggère l'absence de scènes en extérieur, la pièce a été adaptée sans grand changement, et c'est heureux tant ses effets comiques sont irrésistibles. Le film ne dure que 80 minutes, mais ne comporte aucun temps mort. Cette caractéristique est commune à tous les De Funès adaptés de pièces de théâtre. Fufu fait son apparition très rapidement, et à partir de cet instant, il sera de toutes les scènes. On ne relève que quelques absences ponctuelles très limitées où l'action se concentre généralement sur deux autres personnages. 

Ainsi, on saisit toute la différence avec des films comme les Fantômas ou ceux de Gérard Oury, qui consacrent une partie du scénario à des scènes d'action spectaculaires, surtout dans le final. Ici, tout repose sur le jeu des acteurs. Les amateurs de décors grandioses seront donc déçus, mais les fans de De Funès y trouveront leur compte, car le comique se déchaîne dans un véritable festival au rythme nerveux. 

Bertrand Barnier est réveillé chez lui à huit heures du matin par son employé Christian Martin alors qu'il avait donné des ordres en prévision d'une grasse matinée. De fort mauvaise humeur, il est stupéfait d'apprendre que Martin l'a tiré de son lit pour lui demander une augmentation importante de salaire, et met fin aussitôt à l'entretien. Mais son visiteur s'incruste et prend son petit-déjeuner avec lui sans y être invité. 

Barnier finit par céder lorsque Martin lui apprend qu'il doit le matin même demander en mariage une jeune fille riche, et qu'il ne peut présenter sa demande que s'il est assuré d'obtenir une augmentation conséquente. Il joue habilement sur son rôle dans l'entreprise, prépondérant puisque depuis son arrivée le chiffre d'affaires a décuplé, et appuie sur un point sensible pour son hôte, l'entrepreneur concurrent Muller, que Barnier déteste. Martin a pris contact avec Muller, qui est prêt à l'engager à n'importe quel prix. 

La négociation arrive aux chiffres, et Barnier manque de s'étrangler lorsque Martin lui réclame 6000 francs par mois, le double de son salaire actuel. Inquiet en raison des menaces de passage à la concurrence, il finit par lui accorder 5500 francs mensuels. 

Martin peut alors faire sa demande en mariage. Il enfile des gants blancs et annonce à Barnier qu'il veut épouser sa fille ! L'entrepreneur le prend de haut, mais Martin sollicite le titre de directeur commercial. Pour Barnier, ce n'est ni ce titre, ni ses 5500 francs de salaire qui pourront assurer à sa fille le train de vie qu'elle a connu jusqu'à présent. Mais Christian Martin affirme que sa fiancée a prétendu pouvoir obtenir une dot de 400 000 francs, à laquelle il pourra ajouter plus de 600 000 francs de fortune personnelle qu'il a constituée aux dépens de l'entreprise Barnier !

Incrédule, puis furieux, Barnier veut prévenir la police mais se calme lorsque Martin menace de dénoncer les magouilles financières qui ont permis à son patron de frauder le fisc. Pour finir, il révèle que la fille de Barnier et lui sont amants depuis près d'un an et demi. 

Martin quitte Barnier pour le laisser négocier avec sa fille. Cette dernière, prénommé Colette, désire se marier. Devant les réticences de son père et sur les conseils de la bonne Bernadette, elle fait croire qu'elle est enceinte pour faire céder ses parents. 

Un coup de théâtre survient avec l'arrivée de Jacqueline, une jeune fille qui avoue à Barnier avoir fait croire à son amoureux, Christian Martin, qu'elle était sa fille. Barnier finit par comprendre que la demande en mariage de Martin concerne en fait Jacqueline et non sa fille Colette. Il interroge cette dernière pour savoir qui est le père de son enfant, et manque de s'évanouir en apprenant qu'il s'agit d'Oscar, son chauffeur, qu'il vient de renvoyer ! 

Oscar se serait embarqué sur une expédition polaire devant durer 6 ans à la suite de ce chagrin d'amour. Barnier doit trouver un mari pour sa fille enceinte. Il jette son dévolu sur Martin. Après tout, son employé ne lui a-t-il pas demandé la main de sa « fille » ? Il fait signer à Martin un papier d'engagement à épouser sa fille, sans évidemment préciser qu'il s'agit de Colette, et en échange il s'engage à restituer au jeune couple les 600000 francs que Martin a convertis en bijoux et placés dans une valise confiée à Barnier, aux fins de convaincre Madame Barnier d'accepter ce mariage.

Le malentendu dissipé, Barnier fait remarquer à Martin qu'il a signé une promesse de mariage avec sa fille, qui est enceinte et a besoin d'un père pour son enfant afin de sauver la face. Peu enthousiasmé, et pas du tout attiré par Colette, Martin propose à sa « fiancée » d'épouser à la place... le masseur de son père ! 

Le vaudeville n'est pas terminé puisque Barnier est confronté au retour d'Oscar, aussitôt mis à la porte par Philippe, le kinésithérapeute, jaloux de cette concurrence inattendue, puis au départ de Bernadette qui le quitte pour épouser le Baron de la Butinière et part en emportant la valise de bijoux au lieu de la sienne, et à un nouveau vol de Martin dans la caisse de l'entreprise, d'un montant encore égal à 600 000 francs, placés dans une valise que Bernadette ne tardera pas à emporter aussi ! Le ballet infernal des valises n'est d'ailleurs pas sans anticiper sur celui des sacs de voyage écossais de l'hilarant On s'fait la valise doc ? (1972) de Peter Bogdanovich.

Pour couronner le tout, la nouvelle bonne envoyée par le bureau de placement n'est autre que la mère de Jacqueline et ancienne maîtresse de Barnier, et elle lui apprend qu'il est le véritable père de Jacqueline ! Et voilà donc notre entrepreneur accordant la main de Colette à Oscar, opportunément revenu, et celle de Jacqueline à Christian Martin, au grand étonnement de sa femme qui n'est pas au courant de ses frasques passées. 

Et tout ceci s'est déroulé au cours de la même matinée...

DISTRIBUTION : 

Louis de Funès reprend le rôle de Bertrand Barnier qu'il a si souvent incarné au théâtre. Entrepreneur malhonnête, autoritaire, et nerveux, c'est tout à fait le genre de personnage que De Funès aime interpréter. Au départ, le rôle n'avait pas été écrit pour lui, mais il se l'est magnifiquement approprié. 

Le rôle de Christian Martin est attribué à Claude Rich, et c'est une réussite éclatante. Rich est épatant en arriviste sans scrupules jouant avec les nerfs de son patron. Pourtant, l'entente entre De Funès et lui n'a pas toujours été facile. Rich était exaspéré des références à Guy Bertil, interprète de Christian Martin au théâtre, que Louis de Funès lui sortait à chaque fois qu'il voulait influencer sa manière de jouer. Un jour, au cours d'une répétition, alors que l'atmosphère était tendue à son comble, De Funès entame un « Mais Guy Bertil, vous savez... », et Rich craque : il empoigne une bouteille en verre, la brise, et brandit le tesson en direction de son partenaire en disant d'un air menaçant : « Quoi, Guy Bertil ? »

Interloqué, Fufu devient blanc de peur, et comprend qu'il est allé trop loin. Claude Rich a raconté que, quelque temps après la fin du tournage, il avait été un peu malade. Louis de Funès lui avait alors envoyé un message de soutien accompagné d'un cadeau. Dans sa lettre, il faisait allusion à l'incident : « Nous avons eu un petit différend, mais je t'aime beaucoup... » Toujours grand seigneur, De Funès !

Malgré la belle réussite de Claude Rich, j'aurais bien aimé voir le premier acteur ayant tenu le rôle de Christian Martin au théâtre, c'est-à-dire Jean-Paul Belmondo. Ce personnage d'arriviste un peu escroc, presque grandiloquent, était tout à fait dans les cordes de « Bébel », dont le jeu empreint d'ironie aurait fait merveille face à De Funès. Et puis un face-à-face De Funès-Belmondo, ça aurait valu le coup d'œil... Mais bien sûr, ce n'était pas envisageable : en 1967, Belmondo était déjà devenu une des vedettes nationales les plus appréciées, il ne pouvait donc pas se contenter de jouer les faire-valoir de Louis de Funès.

L'épouse de Bertrand Barnier est interprétée par Claude Gensac. Voilà qui paraît naturel puisque cette actrice reste la femme de Fufu à l'écran la plus populaire, en raison du nombre de fois où elle tint le rôle, de ses prestations excellentes, et du fameux « Ma biche ». Elle fut tellement marquante dans ce rôle que beaucoup croient qu'elle le tint dans la plupart des De Funès alors que sa participation en tant que telle fut limitée à 7 apparitions, dont 3 dans les Gendarme. Or, Oscar est le premier film sur lequel elle tint ce rôle d'épouse. À l'époque du tournage, sa participation n'allait donc pas de soi. 

Madame Barnier est myope comme une taupe, assez étourdie, et finalement très discrète. Sur ce film, il est permis de penser que Maria Pacôme aurait été un meilleur choix, cette comédienne disposant d'un potentiel comique plus affirmé que celui de Gensac, et c'est ce qui importe avant tout pour un film adapté du théâtre de boulevard. 

Agathe Natanson, devenue de nos jours l'épouse de Jean-Pierre Marielle, interprète Colette, la fille des Barnier. Sa composition n'a pas fait l'unanimité : sans doute a-t-elle exagéré le côté femme-enfant de Colette. La jeune femme se sent étouffée par l'atmosphère familiale et ne songe qu’à se marier pour « être une femme libre ». En la voyant jouer, on a plutôt envie de dire « gamine libre »...

Dominique Page est confirmée dans le rôle de Bernadette, la servante qui devient baronne et se met à snober son alter ego Charles. Bernadette éprouve une grande sympathie pour Colette, elle n'hésite pas à lui donner des conseils, par exemple faire croire à son père qu'elle est enceinte pour qu'il consente à son mariage. Sa distraction va provoquer les fameux échanges de valises, à l'origine des principaux effets comiques de la seconde partie du film. 

Sylvia Saurel est l'excellente interprète de Jacqueline Bouillotte, la fille naturelle de Barnier. Jolie, sensible, élégante, Jacqueline aime Christian Martin, et cet amour réciproque humanise le personnage de Martin. Avec Jacqueline, l'arriviste imperturbable n'a plus le même visage... 

L'inénarrable Mario David est l'interprète inamovible de Philippe Lucas, le masseur-kinésithérapeute de Barnier. C'est un colosse, mais il n'est pas très futé et cela exaspère son client, qui dans le fond préfèrerait voir sa fille épouser Martin, un ambitieux certes assez douteux mais plus intelligent que Philippe, et surtout plus compétent que lui-même dans la gestion de son entreprise.

Paul Préboist incarne Charles, le maître d'hôtel, comme souvent dans les films de Louis qui l'apprécie beaucoup. C'est un valet fidèle, mais toujours prêt à s'affranchir des directives de son patron en échange d'un bon pourboire. Dans le fond, il reste un grand naïf. 

Le rôle de Charlotte Bouillotte, la nouvelle bonne, ancienne maîtresse de Barnier et mère de Jacqueline, est interprété par Germaine Delbat. L'adage dit qu'on ne change pas une équipe qui gagne, c'est probablement pourquoi Mme Delbat est maintenue dans ce rôle depuis les débuts de la pièce, tellement elle tient le rôle à la perfection.

Autre belle réussite, celle de Roger Van Hool dans le rôle d'Oscar. Tout de blanc vêtu, très élégant avec sa cravate multicolore, cet acteur crève l'écran bien que sa présence soit réduite à deux apparitions. On comprend tout de suite de quel genre de personnage il s'agit : son apparence décontractée et son physique avantageux en font un godelureau calibré pour séduire la fille naïve de son patron. 

Philippe Vallauris complète la distribution dans le minuscule rôle du chauffeur du Baron de la Butinière.

TEMPS FORTS : 

On peut presque affirmer que les temps forts, c'est l'ensemble du film tant les scènes à haute portée comique se succèdent à un rythme infernal. Oscar est un film qui supporte de nombreuses rediffusions sans que son potentiel comique ne s'érode le moins du monde. 

Si l'on veut trouver absolument des temps plus forts que forts parmi une foule de temps forts, on pourra citer quelques passages irrésistibles. 

Alors que Christian Martin se moque de Barnier depuis le début de leur premier entretien, alors qu'il a commencé par le déranger chez lui pour lui demander une augmentation, s'est invité à partager son petit-déjeuner, lui a demandé de le servir et s'est emparé de sa tartine après qu'il lui ait annoncé qu'il souhaitait épouser sa fille et qu'il lui avait volé 60 millions, le sans-gêne Christian ose dire : « Je suis un garçon timide, vous ne le saviez pas ? » (!)

Réponse de Barnier-De Funès ; « Non, je ne le savais pas ! »

Lorsqu'il prend congé, le « garçon timide » demande à Barnier :

- Permettez-moi de vous appeler Bertrand.
- Ah ! Ça, non !
- Allez !... Au revoir, Bertrand !

Et le maître d'hôtel : « Vous avez vu, il vous appelle Bertrand ! » La tête de Louis de Funès à ce moment-là !

La façon dont Colette apprend à son père qu'elle est enceinte est hilarante. « Nous l'appellerons Blaise. » annonce-t-elle de but en blanc. Barnier est long à comprendre, et on voit très bien à son expression l'instant où la vérité (qui n'en est d'ailleurs pas une...) se fait jour dans son esprit. Réaction :

« Ce n'est pas possible ! C'en est trop pour la même journée ! Vous n'allez pas l'appeler Blaise ! »

Autre très, très bon moment, lorsque Bernadette donne son congé :

- Je voudrais prévenir Monsieur que je ne pourrai pas rester plus longtemps à son service.
- Et pourquoi donc ?
- Parce que je me marie, Monsieur !
- Vous au moins, vous avez de la chance... Et avec qui ?
- Monsieur le connaît très bien. Il venait souvent ici...
- Ah bon ? Qui est-ce ?
- Honoré de la Butinière !
- C'est pas possible ! Le boutonneux ?
- Je fais remarquer à Monsieur qu'il n'a plus de boutons !
- Tiens ? Et comment vous expliquez ça, vous ?
- Si Monsieur ne comprend pas...
(elle prend un air entendu)
- Bernadette ! Vous allez partir immédiatement ! Je n'aime pas du tout ce genre de plaisanteries !

Puis Barnier avec sa femme :

- Tu connais la nouvelle ?
- Non !
- Le Baron de la Butinière n'a plus de boutons !
- Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?
- Et tu sais pourquoi ?
- Non !
- Demande à la bonne !
- Bertrand ! À chaque fois que je te vois, je me demande si tu es dans ton état normal !

Lorsque Martin lui fait remarquer que lui aussi peut avoir un accident mortel, De Funès a une séquence très typique de son comique visuel, et particulièrement réussie. Il répond :

« Ça m'étonnerait parce que moi.... vlaf ! » (il mime un piéton évitant un camion en se glissant au-dessous). « Mais j'ai connu une cousine, c'est horrible, elle était comme ça.. » (il mime la cousine, étendue après avoir été victime de l'accident). 

J'aime beaucoup aussi cet échange entre Barnier et Martin :

- Votre fille attend un enfant ?
- Ce sont des choses qui arrivent...
- Et pourquoi n'épouse-t-elle pas le vrai père ?
- Il a disparu !
- Et vous voudriez que ce soit moi ?
- Oui !
- Mais vous êtes une crapule !
- Vouiiiii ! Et c'est pour cette raison que j'ai pensé que nous pourrions nous entendre tous les deux...

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Plus le temps passe, et plus Barnier devient nerveux, excédé que personne ne veuille comprendre son histoire d'échanges de valises. Ainsi, lorsqu'il reçoit Jacqueline pour la deuxième fois :

- Il y a une histoire de valises dont je n'essaierai pas de vous parler puisque toutes les personnes à qui je la raconte croient que je suis zinzin.
- Zinzin ?
- Oui, je sais. Tout ce que je dis n'a aucun sens...

Et plus tard avec son masseur :

« Oscar, c'est mon chauffeur, qui est parti au pôle Nord et dont ma fille attend un enfant, pendant qu'un employé me volait 60 millions pour épouser ma fille qui n'était pas la mienne ! Et maintenant, voilà la bonne qui s'en va en emportant la valise de bijoux ! Vous comprenez maintenant pourquoi je voulais vous la faire épouser ? »

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Et bien sûr, il y a la fameuse scène dite du violon. Au départ, De Funès, la croyant bonne pour le théâtre mais inadaptable au cinéma, refuse de la faire. C'est la scène où Molinaro le convainc en lui offrant les techniciens en guise de public. En apprenant par sa femme et sa fille comment ont disparu la valise de bijoux et la valise de billets, Barnier perd le contrôle de ses nerfs. Il s'en prend à sa fille : « Regardez comme elle a l'air bête, celle-là ! Mmmmmmhh ! » (mime évoquant l'air ahuri de sa fille, très drôle). « D'abord, tu n'auras pas de dot ! Rien, mais alors rien du tout ! » (succession de mimes pour illustrer sa fille ruinée).

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Barnier décide alors d'appeler le Baron de la Butinière pour tenter de récupérer les valises. Il s'énerve au téléphone, le traite de triple andouille, puis de boutonneux, raccroche, et entreprend de mimer les boutons. Sa main représente un avion qui vole et lance des rafales de mitraillette, aussitôt transformées en boutons sur le visage de ce pauvre baron. Puis c'est le nez qui s'allonge, et De Funès mime un archet qui va et vient sur le nez du baron !

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POINTS FAIBLES : 

Difficile de trouver des défauts dans cette excellentissime comédie. Le seul relatif point faible est l'interprétation d'Agathe Natanson dans le rôle de Colette. Trop gamine capricieuse, ses hurlements à chaque fois que les choses tournent mal sont à la limite du supportable.

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Le passage du théâtre au cinéma a plutôt été bien digéré. Certaines scènes n'étaient pas faciles à adapter car les effets que l'on peut obtenir au théâtre en interaction avec le public ne peuvent pas forcément être reproduits. Leur comparaison avec les extraits de la pièce n'est pas toujours en faveur du film, mais l'adaptation est tout de même très satisfaisante, et le film est à mourir de rire. Donc, on ne considérera pas que les quelques imperfections dans l'adaptation constituent un véritable défaut.

ACCUEIL : 

Le passage au cinéma va évidemment élargir considérablement le public d'Oscar. Le film sera vu par plus de 6 millions de spectateurs, chiffre dans la lignée des De Funès de l'époque.

Ce résultat est satisfaisant dans la mesure où, en dehors de Paris, la notoriété de la pièce était très faible. Mais aussi parce qu'un film de ce genre, sans beaux décors extérieurs, sans scènes d'aventures spectaculaires, peut dérouter une partie du public.

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On peut penser que c'est essentiellement la notoriété de l'acteur principal qui, au départ, a poussé les spectateurs à venir en masse. Ensuite, le bouche-à-oreille a dû produire ses effets, tellement le film est irrésistible.

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SYNTHÈSE :

Mon film préféré de Louis de Funès, un sommet du comique inégalable.

LES SÉQUENCES CULTES :

Si Monsieur ne comprend pas...

Comme ça, ça va ?

Il est comme ça !

Boutonneux !

Vous le saviez ?

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3. LES GRANDES VACANCES

Production : Les Films COPERNIC, coproduction franco-italienne.
Scénario : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT
Dialogues : Jacques VILFRID
Réalisation : Jean GIRAULT
Musique : Raymond LEFEVRE

Charles Bosquier dirige une école privée de prestige dans la banlieue chic de Paris. Son fils aîné Philippe échoue à l'examen du baccalauréat en raison d'une très mauvaise note en anglais. Bosquier ne peut admettre que son fils aille dans les cours de rattrapage, ce qui constituerait une contre-publicité fâcheuse envers sa clientèle, surtout en cette année de record de réussite pour l'institution. Il décide d'envoyer son fils en Angleterre pendant les grandes vacances chez son correspondant MacFarrell, un fabriquant de whisky, et en échange reçoit sa fille Shirley, venue perfectionner son français. Mais Philippe a d'autres projets : afin de ne pas compromettre sa croisière en voilier le long de la Seine, il envoie à sa place chez MacFarrell Stéphane Michonnet, un camarade désireux de découvrir l'Angleterre. Shirley, exaspérée par l'autoritarisme de Bosquier, finit par rejoindre les participants à la croisière et tombe amoureuse de Philippe, sans savoir qu'il est le fils de Bosquier...

GENÈSE :

La machine De Funès est désormais bien lancée et n'est pas prête de s'arrêter. Et voici un tournage idéal pour Louis, presque en roue libre, entouré de son réalisateur favori et de comédiens qu'il a lui-même choisis parmi ses fidèles. Inutile de préciser qu'il est évidemment le maître absolu sur le plateau, Girault ne s'occupant que de l'aspect technique du tournage et acceptant toutes les modifications de scénario voulues par son acteur principal, d'ailleurs généralement fort judicieuses.

Le premier fait marquant du tournage est la mort de l'aviateur Jean Falloux au cours d’une cascade. Le film sera dédié à sa mémoire. 

Le second est l'arrivée de Claude Gensac pour jouer l'épouse de Louis à l'écran. On sait qu'elle deviendra par la suite sa partenaire favorite pour incarner ce rôle pas toujours facile, qu'elle tiendra à sept reprises, sans compter les autres compositions dans L'Aile ou la Cuisse et La Soupe aux Choux.

DÉCORS : 

Beaucoup de décors naturels sur ce film, qui tranchent avec les réalisations de Girault sur les Gendarme puisqu'il s'agit de décors de la moitié Nord de la France, alors que le titre du film suggérait plutôt une ambiance festive de style méditerranéen. 

Le château des Tourelles, à Vernon dans l'Eure, et le château de Gillevoisin, situé à  Janville-sur-Juine dans l'Essonne, ont été mis à contribution, notamment pour les décors de l'institution Bosquier.

Outre Le Vernonnet, dans le Calvados, et les montagnes du Massif Central avec Le Mont-Dore dans le Puy-de-Dôme, les scènes de départ de la croisière ont bien été tournées aux Mureaux, comme mentionné par les protagonistes du film.

L'expédition de Charles Bosquier pour retrouver son fils le conduit en Normandie sur le pont de Tancarville, puis au Havre, notamment dans le quartier du port. 

Signalons aussi Versailles dans les Yvelines, et Igoville dans l'Eure. Et une scène tournée sur le paquebot France ! 

À noter que Louis de Funès, toujours respectueux de la nature et des animaux, a personnellement veillé à ce qu'aucun volatile ne soit blessé lors du tournage de la scène du poulailler emporté par sa voiture. 

Les intérieurs ont été filmés aux studios de Boulogne et d'Epinay.

GÉNÉRIQUE : 

La séquence pré-générique présente le départ en vacances d'été des pensionnaires de l'institution, avec les commentaires de Bosquier sur ses élèves, puis la découverte de l'échec de Philippe au baccalauréat en raison de sa note de un sur vingt en anglais. Bosquier annonce à son fils qu'il va partir en Angleterre, et Philippe envoie Michonnet à sa place. 

Le générique montre le départ en avion de Philippe, en fait remplacé par Stéphane Michonnet pour se rendre chez les MacFarrell en Angleterre. 

La musique, de tonalité très « sixties », est composée par Raymond Lefèvre et n'a rien d'enthousiasmant. Il est vrai que Lefèvre est loin d'être le meilleur compositeur ayant participé aux films de Fufu...

SCÉNARIO : 

Jacques Vilfrid et Jean Girault n'ont jamais eu la réputation de scénaristes hors pair, mais s'en sont sortis honnêtement en écrivant une histoire totalement bâtie sur le comique de Louis de Funès, et après tout, c'est bien ce que Louis, les producteurs, et le public attendaient d'eux. Le script est tout à fait convenable et permet à De Funès de développer son comique sans contrainte. Que demander de plus ? 

Charles Bosquier dirige son internat pour « jeunes gens » d'une main de fer. Il n'hésite pas à tancer les élèves indisciplinés, les parents mauvais payeurs et les professeurs récalcitrants. En revanche, il se montre extrêmement servile envers la clientèle issue de l'aristocratie, à laquelle il tient beaucoup. 

L'année scolaire se termine. Charles dit au revoir à ses élèves qui quittent le pensionnat en compagnie de leurs parents. Chacun a droit à une petite remarque, le plus souvent négative, sauf le fils d'une comtesse, pourtant jugé « nul » par son professeur.

Un apéritif est donné en faveur des professeurs, puis Bosquier prend connaissance des résultats de son fils ainé Philippe au baccalauréat. Catastrophe : Philippe est recalé en raison d'une note épouvantable en anglais : un sur vingt ! Quelle idée d'avoir un sur vingt en anglais, comme le fait remarquer sa mère, mais Philippe explique qu'il n'est pas doué pour les langues. 

Pas question que le fils du directeur se retrouve parmi les classes de rattrapage, donc Charles décide de l'envoyer en Angleterre chez MacFarrell, un marchand de whisky. En échange, il accueillera à l'institution Shirley, la fille des MacFarrell. 

Voilà une décision fâcheuse pour Philippe qui projette d'effectuer une croisière sur la Seine sur un voilier, en compagnie de quelques camarades. De plus, il est le seul qui sache naviguer, donc son absence remettrait en cause les vacances de tout le groupe. Heureusement, le gros Stéphane Michonnet, un autre élève, a très envie de visiter l'Angleterre. Il peut d'absenter sans problèmes car ses parents, artistes, sont en tournée et ne s'apercevront de rien. Michonnet va donc prendre la place de Stéphane chez les MacFarrell.

La jeune Shirley MacFarrell ne tarde pas à arriver à l'institution avec sa petite voiture, et à semer la perturbation : cette ravissante demoiselle porte une mini-jupe qui enflamme les élèves du cours de rattrapage et même leur professeur, tous volontaires pour l'aider à changer son pneu crevé ! 

Gérard, le fils cadet de Bosquier, sait s'y prendre pour flatter son père : en première à seize ans, sage en apparence avec son herbier en guise de violon d'Ingres, très studieux, c'est le chouchou à son papa. Il prévient son père de l'arrivée de Shirley qui se fait « draguer par les rattrapages », le tout en échange d'un billet de banque, selon ses habitudes.

Peu confiant dans le sérieux de la jeune MacFarrell, et persuadé que Gérard ne s'intéresse pas aux filles, il charge son cadet d'accompagner Shirley partout où elle ira. En réalité, Gérard joue la comédie de l'indifférence mais est amoureux de la petite anglaise. Elle et lui jouent la comédie des bons petits jeunes visitant les musées et autres lieux culturels alors qu'ils passent leurs journées dans les bowlings, les dancings, ou dans les boutiques pour faire des emplettes.

Lorsque Shirley et Gérard rentrent en retard avec des vêtements déchirés, prétendument à la suite d'une « bousculade dans le métro » (alors que Shirley ne se déplace qu'en voiture), Bosquier commence à avoir des doutes au sujet de son fils. Il tombe des nues en découvrant des magazines de charme et de rock and roll cachés dans l'herbier de Gérard. 

Charles décide de suivre les jeunes gens et se trouve sur le point de défaillir lorsqu'il découvre son fils, âgé de seize ans, au volant de la voiture de l'Anglaise ! En voulant les suivre, il manque d'être étranglé par un énergumène et perd leur trace. Au lieu d'aller à l'église Saint-Clothilde, Gérard emmène Shirley se baigner aux Mureaux... où ils tombent par hasard sur Philippe et ses copains qui se préparent à embarquer. Philippe fait promettre à Gérard de ne rien dire à son père, et se montre fort intéressé par Shirley. 

C'est le coup de foudre entre Shirley et Philippe, qui s'est présenté à la petite anglaise en tant que « Stéphane Michonnet ». Exaspérée par les remontrances de Bosquier, Shirley décide de déserter pour participer à la croisière, et part en pleine nuit malgré l'opposition de Gérard, et en emmenant Bargin, un élève des cours de rattrapage dont Philippe a besoin pour réparer le voilier. Bargin remet le bateau en état, mais exige en échange de participer à la croisière.

Pendant ce temps, Stéphane Michonnet, qui ne supporte pas la cuisine anglaise, a mangé à la place des champignons qui l'ont rendu malade. Mr MacFarrell prévient Bosquier par téléphone, mais ce dernier, pas plus doué pour les langues que son fils ainé... et que MacFarrell ne n'est pour la langue française, croit comprendre que son fils a commis une indélicatesse. Il s'embarque pour Londres sur-le-champ et découvre la supercherie. Il demande à Michonnet de ne rien révéler pour éviter le scandale et, pour se venger, l'oblige à manger les délicieux petits plats concoctés par les Anglais. 

À son retour en France, Bosquier apprend que Shirley a disparu. Gérard a fini par avouer à sa mère l'histoire de la croisière. Charles part à la recherche du bateau car MacFarrell doit venir rendre visite à sa fille d'un jour à l'autre. Après de multiples péripéties, dont une chute dans la mer et une bagarre homérique dans un bar à matelots, il finit par retrouver son fils et Miss MacFarrell qui ont eu le temps de terminer la croisière en atteignant Le Havre. Il les ramène à l'institution juste avant l'arrivée de MacFarrell. Shirley repart en Angleterre avec son père. 

Les MacFarrell acceptent que Michonnet reste quelques jours supplémentaires chez eux malgré le retour de leur fille, au grand dam de Shirley qui prend elle aussi Michonnet pour le fils de l'infect M. Bosquier. Stéphane drague Shirley, et l'Anglaise va se venger en montant une comédie destinée à faire croire que Michonnet et elle ont passé une nuit ensemble.

Furieux, MacFarrell convoque Bosquier et le somme de s'expliquer. Charles est contraint d'avouer qu'il ne s'agit pas de son fils, mais la discussion dégénère en bagarre. Shirley et Michonnet dissipent le malentendu et tout rentre dans l'ordre, mais pas pour très longtemps. En effet, Philippe a accompagné son père et retrouve Shirley : c'est le grand amour et les tourtereaux s'enfuient en Ecosse où ils espèrent pouvoir se marier sans le consentement de leurs parents lors de la grande fête de Gretna Green. 

MacFarrell déclare la guerre à ces Français, tous des « maniaques sexuels » selon lui. Il embarque dans son petit avion de tourisme en compagnie de Bosquier. L'avion tombe en panne d'essence peu avant l'arrivée en Ecosse, et se retrouve contraint de se poser... sur le toit d'un autocar ! 

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Les deux pères éplorés parviennent à empêcher le mariage et se lancent à la poursuite de leur progéniture qui s'est enfuie. La course folle en carriole d'époque tourne mal : les deux hommes perdent leur cheval et dégringolent une pente aux allures de ravin. Affolés, ils jurent de ne plus s'opposer au mariage s'ils sortent vivants de cette équipée, et terminent leur course dans la distillerie de MacFarrell complètement ivres en raison des vapeurs du whisky qui s'est répandu partout. 

Bosquier et Mac Farrell tiennent parole : Shirley et Philippe peuvent convoler, et Michonnet, invité au mariage, va pouvoir se délecter de cuisine britannique !

DISTRIBUTION :

Louis de Funès obtient encore un rôle idéal avec ce Charles Bosquier, directeur de l'institution du même nom, un homme autoritaire, irascible, et très à cheval sur la discipline même en période de vacances. Comme d'habitude, il est parfait et génial avec ses inspirations comiques toutes plus réussies les unes que les autres. 

C'est donc Claude Gensac qui interprète son épouse Isabelle, rôle dans lequel elle se montre déjà très à son aise, ce qui explique sans doute qu'elle sera renouvelée à ce poste par la suite. Cependant, son personnage n'est pas encore très développé, elle ne joue qu'un rôle secondaire, loin de ce qu'elle réalisera dans la série des Gendarme, par exemple. 

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La jolie Martine Kelly joue avec talent et naturel Shirley MacFarrel. Sa filmographie se résume à une quinzaine de films, dont quelques Zidi avec Les Charlots et trois films avec De Funès (Hibernatus et une apparition dans L'Homme-orchestre suivront), ainsi qu'à des téléfilms et quelques pièces de théâtre. Elle s'est reconvertie dans la production à l'aube des années 90.

Olivier de Funès se retrouve fils de son père à l'écran comme à la ville dans le rôle de Gérard, le cadet des Bosquier. C'est un adolescent au fond aussi déluré que les jeunes de son âge, mais qui joue au premier de la classe sérieux et studieux autant pour ne pas décevoir son père que pour en tirer un profit financier, M. Bosquier n'étant pas avare en argent de poche en échange d'informations sur le fonctionnement de son établissement. 

Philippe, le frère aîné de Gérard, est interprété par François Leccia, acteur surtout connu pour être la voix française d'Albator lorsqu'il s'est spécialisé dans le doublage de dessins animés. Il est décédé en 2009 à l'âge de soixante ans. Le rôle de Philippe est beaucoup moins consistant que celui de Gérard, puisqu'il ne prend une relative épaisseur que lors de la séquence finale de la fugue en Ecosse.

Maurice Risch, un habitué des tournages avec Louis, donne vie à un Stéphane Michonnet drôle bien que peu sympathique en raison de son caractère peureux et geignard.

Christiane Muller, c'est la bonne, celle que Bosquier invite à plusieurs reprises à « aller se coucher » en guise d'exutoire à ses colères. Et M. le Directeur est très coléreux... 

On retrouve d'autres familiers de De Funès avec Mario David, la victime répétée des quiproquos, qui se montre intransigeant face aux erreurs de Bosquier, Guy Grosso et Max Montavon en professeurs, Jean Droze en jardinier, le toujours apprécié Jacques Dynam en livreur de charbon moins pressé que son autostoppeur énervé, et Daniel Bellus en jeune aristocrate cancre et ironique. 

Dominique Davray a, elle aussi, souvent croisé la route de Fufu. Ici, elle joue une patronne de bar pour marins en escale. La Rose est vêtue de violet et désespère de voir dégénérer la bagarre alors que la police tarde à intervenir. 

Autour de François Leccia, le groupe des jeunes gens est animé par René Bouloc dans le rôle de Bargin, celui qui n'en croit pas ses yeux de voir Shirley venir le tirer de son lit en pleine nuit, et par d'autres acteurs à la participation sommaire comme Jean-Pierre Bertrand, Jacques Dublin, Dominique Maurin (frère de Patrick Dewaere), et, côté féminin, par la starlette italienne Sylvia Dionisio, et par Françoise Girault.

Robert Destain est le surveillant de l'internat, Billy Kearns le conducteur de car incrédule à la vue de l'avion posé sur son véhicule, Barbara Sommers la prude préposée aux costumes de Gretna Green, Denise Provence la comtesse Saint-André Danville, Emile Prud'homme l'accordéoniste du bar, Paul Faivre l'homme au poulailler saccagé par Bosquier. Colin Drake est Jenkins, le domestique de Mac Farrell, alors que Carlo Nell et Rudy Lenoir sont des professeurs. 

Même Jean Falloux, la victime du tournage, fait une apparition dans le rôle de l'ivrogne qui prévient le chauffeur de la présence de l'avion sur le toit de son autocar.

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TEMPS FORTS :

Nous sommes dans la grande époque de Louis de Funès, et le film ne déçoit pas. Donc, les scènes croustillantes se multiplient pour notre plus grand bonheur. À commencer par les phrases prononcées par Fufu dans la langue de Shakespeare, accommodée à sa sauce habituelle...

Le malheureux Bosquier n'est ménagé ni par son personnel ni par ses élèves. Pour preuve, le ton ironique employé par un de ses professeurs au sujet des notes du baccalauréat de son fils, et l'attitude insolente du comte Isolde Saint-André Danville, un de ses jeunes élèves. Il s'agit d'un cancre notoire, mais Bosquier flatte les clients issus de l'aristocratie malgré le désaccord du professeur : 

- Bosquier : « Avec son talent, ses dons, et aussi beaucoup de leçons particulières, il deviendra un de nos plus brillants élèves.
- Le professeur : Il est nul !
- Bosquier : Mais non il n'est pas nul, il est timide, voilà ! Avec la responsabilité qu'incombe un grand nom, on perd une partie de ses moyens, c'est bien connu !
- Le professeur : Ah ! Ben alors, il est timide...
- L'élève (avec un air méprisant) : La barbe !
- Bosquier : Il a raison !
- La comtesse : C'est un être d'une très grande sensibilité, comme tous les Saint-André Danville...
- Le professeur : Je maintiens qu'il est nul ! »
(Bosquier lui marche sur le pied pour le faire taire)

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Lors de l'arrivée de l'Anglaise, M. Chastenet, qui donne les cours de rattrapage, vient en renfort de ses élèves pour aider la nouvelle venue à changer sa roue crevée. Prévenu par Gérard, Charles surgit au moment où Chastenet essuie la cuisse sale de Miss MacFarrell en lorgnant sur sa mini-jupe ! 

Bosquier croit pouvoir compter sur le sérieux de son fils cadet Gérard, mais ne tarde pas à déchanter. Lorsque Shirley et Gérard reviennent avec leurs vêtements déchirés sous prétexte d'une bousculade dans le métro (en fait, à l'occasion d'une sortie dans un bowling), Charles commence à avoir des doutes. Il interroge son fils au sujet du musée Carnavalet, qu'il était censé visiter en compagnie de l'Anglaise. Gérard répond par des banalités visiblement apprises par cœur. Pendant qu'il prend sa douche, son père fouille dans ses affaires et découvre Play-boy et Rock and folk cachés au beau milieu de l'herbier. Furieux, il donne une bonne douche froide à ce rejeton hypocrite. Après l'avoir encensé, il dira à son épouse en parlant de lui : 

« C'est un menteur, un cafard, et un faux-jeton ! J'ai horreur de ce genre, horreur... »

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La naïveté de Bosquier a des limites, et lorsque le dimanche matin Shirley et Gérard annoncent qu'ils vont prier à l'église Sainte-Clothilde, il décide de les suivre. Il manque de s'étrangler en découvrant son fils, âgé de seize ans, au volant de la voiture de l'Anglaise qui trouve que conduire à droite est trop difficile. Et voilà comment, en se lançant à la poursuite de la voiture, il passe dans un sens interdit et a le toupet de houspiller le conducteur du camion qui vient en face et le retarde ! 

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C'est alors que se produit le premier incident avec Mario David : Bosquier croit avoir rattrapé la mini-voiture de Shirley, mais en fait Mario David possède la même, d'où une confusion regrettable : Bosquier barre la route du véhicule avec sa voiture et annonce : 

« Je te tiens, enfin ! Sors de là, tu vas voir ce que tu vas prendre ! » 

La tête de Louis de Funès en voyant sortir Mario David ! Bosquier est contraint de s'excuser face au malabar, mais le problème, c'est qu’un quiproquo du même genre aura lieu lors de la poursuite en bateau : Mario David navigue sur un voilier qui ressemble à celui de Philippe, l'aîné des Bosquier. Mario David prend Bosquier pour un maniaque et le renvoie illico presto sur son bateau à moteur après l'avoir assommé. Petite cause, grands effets : Bosquier en est quitte pour une petite séance de deltaplane, arrimé à sa vedette !

Mario David sera une dernière fois victime de Bosquier lorsque ce dernier enverra dans sa décapotable quelques sacs de charbon en roulant trop vite au volant de la camionnette d'un livreur. Mais cette fois-là, il ne pourra attraper son persécuteur involontaire... 

Les scènes très drôles sont légion lors du premier séjour de Bosquier en Angleterre. Appelé en urgence par MacFarrell, Charles part sans sa femme : 

- Je viens avec vous !
- Non ! Le temps de vous préparer, on prendrait l'avion du soir...

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Bien entendu, il découvre Michonnet à la place de Philippe. Ulcéré, il va prendre sa revanche lors du repas, bonne occasion pour le scénariste de se payer les habitudes culinaires de nos amis d'Outre-Manche : 

- L'entrée, ce sont des huîtres dans de la soupe au lait...
- Ah ? C'est original... Mmmmmh ! Delicious ! C'est délicieux ! Mange mon fils, mange !... Et ça, alors, c'est la tarte ?
- Non ! C'est le poisson : du haddock avec des cerises et des petites mandarines. Et une mayonnaise à la menthe.
- C'est bon la menthe... Delicious ! C'est absolument delicious ! Allez, mange, mon fils !... Alors ça, c'est le dessert ?
- Non ! C'est la viande. Avec la Chantilly !
- Comme c'est original !... Delicious !

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A la fin du repas, avec MacFarrell :

- Vous aimez la cuisine anglaise ?
- Oh ! I like it ! It's delicious !
- Ah ! Vous êtes un gentleman !
- Oui... Michonnet, il faut tout finir !

À son retour de Londres, Bosquier part à la recherche de son fils sur la Seine entre Paris et Le Havre. Hormis les incidents avec Mario David déjà relatés, on note le saccage d'un poulailler par la voiture de Bosquier et le vol d'un canot à moteur dans un club nautique toujours par le même Bosquier.

Après l'épisode de l’équipée en deltaplane, Bosquier tombe à l'eau et est recueilli sur une péniche par des Flamands. Ses vêtements ayant été malencontreusement brûlés lors du repassage, il est contraint de repartir à terre vêtu d'une tenue de marin avec l'inscription Groote Lulu, Anvers sur le ventre !

L'arrivée au Havre est très drôle : Bosquier fait une partie du chemin avec un livreur de charbon et aide l'homme dans ses livraisons pour aller plus vite : le livreur n'a même pas le temps d'empoigner un sac que Bosquier en a déjà livré trois ! Charles prend le volant, au grand désespoir du livreur face à sa conduite à toute allure, et il finit par s'emparer carrément de la camionnette lorsque son propriétaire décide de faire une pause dans un bar.

La panne d'essence de la camionnette le contraint à poursuivre sa route en autostop. C'est en compagnie d'un énorme chien haletant qui s'appuie sur lui que notre fier directeur de pensionnat arrive au Havre. Le toutou appartient à deux ravissantes jeunes blondes qui tentent de rassurer leur autostoppeur : 

« N'ayez pas peur, il ne mord pas souvent... Dites-lui qu'il est beau, il adore les compliments ! » 

Et encore une mimique d'anthologie de Fufu avec le chien sur les genoux !

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Parvenu au port du Havre, Bosquier, toujours habillé en marin flamand, trébuche et se retrouve au milieu d'un tas de cageots juste au moment où passe la voiture des Saint-André Danville, d'où le constat ironique d'Isolde : 

« Mère, le direlo dans les cageots ! » 

De la dernière partie du film, moins enthousiasmante, on ressortira l'avion perché sur l'autocar et le malabar auquel Bosquier vole son pantalon, pris en flagrant délit d'intrusion dans les vestiaires féminins et passant pour un satyre alors qu'il ne cherchait qu'à récupérer son vêtement.

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POINTS FAIBLES : 

Les danses des garçons lorsqu'ils rencontrent les deux jeunes filles au port des Mureaux constituent un passage complètement stupide et inutile. 

Comme souvent dans les De Funès, le film accuse une nette baisse de régime dans sa partie finale, dès lors que Shirley et Philippe s'enfuient en Écosse.

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ACCUEIL :

Avec plus de sept millions de spectateurs, Les Grandes Vacances obtient la meilleure performance de l'année 1967, juste devant... un autre film de Louis, en l'espèce Oscar.

Le public confirme sa prédilection pour les films réalisés par Jean Girault, et le film obtient d'ailleurs le Ticket d'Or du meilleur film de l'année, décerné par les spectateurs.

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SYNTHÈSE :

Beau succès populaire tout à fait mérité, et un classique de plus pour Louis de Funès. 

LES SÉQUENCES CULTES :

Tu vas voir ce que tu vas prendre !

Alors que faire ?

Vous avez rendu mon fils idiot, presque assassin !

Delicious !

Il adore les compliments !

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Captures réalisées par Steed3003