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 saison 1 saison 3

The L Word (2004-2009)

SAISON 6

 


PRÉSENTATION

Outre l’usure que finissent par subir la plupart des séries, cette saison 6 intègre un choix scénaristique malencontreux. En effet, Ilène Chaiken décide visiblement d’innover en orientant The L Word vers le policier à énigme cher à Agatha Christie, avec cette question s’imposant dès le prologue « Qui a tué Laura Palmer, euh... !, Jenny Schecter ? ». Très vite l’on se rend compte que ce genre, particulièrement codifié et nécessitant absolument une mécanique scénaristique bien huilée, ne compte pas parmi les points forts des auteures de la série.

Plus fondamentalement cette option  paraît inopérante car, au fil des saisons, le public s’est attaché à des héroïnes n’ayant rien à voir avec les figures ludiques que sont les personnages de Christie. La perspective de voir l’une d’entre elles devenir une meurtrière ne saurait enthousiasmer. De fait ce type d’histoire semble totalement en contradiction avec la série.

En dehors de cette problématique, un certain essoufflement narratif se perçoit, ainsi que quelques choix aventureux (la liaison entre Shane et Jenny, le retour de Dylan, la troisième roue de Tasha et Alice…) qui, en définitive, ne convaincront pas toujours. Toutefois The L Word continue à faire entendre sa musique et à parfois nous offrir d’intenses moments, notamment autour de Max et de Tina/Bette.

Cette période développe également un regard dans le rétroviseur de la série dans son ensemble, le plus souvent astucieux et plaisant. Et les actrices demeurent bien entendu toujours aussi enthousiasmantes. Aussi maladroite, et parfois bancale, soit-elle, cette saison 6 n’est pas tout à fait celle de trop pour The L Word.

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1. LONGUE JOURNÉE
(LONG NIGHT’S JOURNEY INTO DAY)


La saison débute par une double bombe tonitruante, explosant dès la séquence d’ouverture. On découvre ainsi le décès aussi brutal qu’encore mystérieux de Jenny. Son corps inanimé flotte dans l’emblématique  piscine. On voit bien la symbolique sous-jacente : nous avons pénétré dans ce petit monde en compagnie de Jenny, nous le quitterons avec son décès, ces deux évènements se déroulant exactement au même endroit, dans ce jardin où elle rencontra jadis Tina.

Outre que l’effet de surprise a bien entendu été émoussé par les informations reçues infailliblement sur le net, la démarche semble assez tirée à la ligne. Et puis quelle idée, vraiment, de se priver de l’apport du personnage le plus original de la série et d’une comédienne supérieurement douée ? Mais les regrets s’effacent vite car la deuxième explosion retentit quand on s’aperçoit que la policière chargée de l’enquête n’est autre que Xéna, la Princesse Guerrière ! Ou du moins sa talentueuse et sculpturale interprète, Lucy Lawless.

On imagine le caractère vertigineux du télescopage des références, Xéna chez les lesbiennes de Los Angeles équivaut à l’Agent Dale Cooper dans les X-Files ou le Captain Kirk dans Star Wars. C’est énorme. De plus, volontairement ou non, son apparition en justicière reprend plusieurs codes de sa série, l’ensemble se révèle très amusant à suivre.

Mais voici que déjà se lance le générique, sans aucun changement vis-à-vis de celui de la saison écoulée. Or, à son issue l’épisode nous ramène trois mois plus tôt, lors de la fatidique fête de clôture du tournage de Lez Girls. Non seulement le come back paraît pour le moins important, mais de plus par la suite plus aucune référence ne sera faite au drame. On suppose que l’on y aboutira plus tard dans la saison, mais présenter un tel évènement puis le laisser totalement de côté paraît maladroit.

De plus assister de nouveau aux principaux évènements de cette mémorable soirée compense partiellement l’absence du récapitulatif de la saison précédente, un petit cérémonial auquel on s’était attaché au fil du temps. Regarder l’admirable discours de Jenny en se disant qu’elle n’a désormais que moins de 100 jours à vivre rajoute une vraie émotion. Par la suite nous suivons les diverses péripéties vécues par les différentes filles au cours d’une très longue nuit, agitée et fiévreuse.

Ce mouvement recentre The L Word des grandeurs et misères hollywoodiennes vers le quotidien de ses héroïnes, soit le cœur de son récit. Une très bonne idée. Même si Lez Girls a été une aventure souvent captivante à suivre, après deux saison on apprécie ce retour aux sources, d’autant que ces différentes histoires se montrent globalement très réussies.

Kit et Hélèna sont donc désormais associées, le She-Bar se voyant astucieusement renommé The Hit (contraction des deux prénoms). Si ce récit demeure périphérique, il nous vaut des cènes joliment agencées, les deux personnages se complétant finalement à merveille. Qu’un personnage intègre pleinement son évolution est toujours positif et on apprécie qu’Hélèna s’implique totalement dans l’affaire, au lieu de juste signer un chèque. Peggy n’avait pas tort finalement ! Son expérience carcérale l’aide même à maîtriser les clientes énervées. Rachel Shelley se montre toujours aussi épatante. Si la disparition de Dawn Denbo laisse des regrets, elle semble logique. Par contre on s’inquiète de si peu apercevoir Max. Tom compte aussi parmi les disparus, Jodi doit ruminer dans son coin.

Tina et Bette resplendissent toujours du bonheur retrouvé, tandis que  cette historiette autour de la fièvre supposée d’Angelica s’avère charmante et distrayante. En effet on ne s’inquiète pas du tout et la totale inaptitude de Bette à tout ce qui ressort du manuel reste un fil rouge amusant de la série (encore une différence avec Jodi…). On y voit principalement un biais éloquent, permettant de constater à quel point la famille a su se reconstituer, avec au passage un grand moment de Bette aux urgences, avec une de ces colères dont elle a le secret. L’épisode évite cependant la mièvrerie en insérant astucieusement une légère controverse entre les deux femmes à propos de la grave erreur commise par Shane. Bette n’est plus la croisée de la monogamie d’antan et Tina n’hésite pas à se montrer incisive.

Tout va bien pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, quand Bette, toute émue, promet solennellement à Tina de ne plus jamais  la tromper. Évidemment une sirène stridente se met soudainement à retentir, et des voyants rouges vif à s’allumer : cette fois c’est sûr, Bette va remettre ça. Deuxième chronique d’une catastrophe annoncée dans cette saison !

Les nuages semblent également s’accumuler sur Alice/Tasha, mais que leur crise éclate au grand jour apparaît finalement positif. Les deux femmes prennent le taureau par les cornes et abordent ouvertement les problèmes, ce qui s’avère périlleux mais évite cette dérive inexorable qu’ont connue Tina et Bette au cours de la saison 3. L’espoir demeure et ce couple parvient encore et toujours à maintenir son intérêt. Le court départ de Tasha paraît de plus apporter une indication sur cette dernière saison.

On assiste en effet à un début de coup d’œil dans le rétroviseur à la LOST, avec déjà le retour de deux anciennes, Papi et l’inénarrable Gabby Deveaux, toutes deux « en pleine action ». Via Alice, qui parvient à rendre cela divertissant, l’épisode ne tente nullement d’expliquer l’absence de Papi, se contentant de jouer la connivence, une vieille ficelle de scénariste. Si Papi s’en tient à un registre minimal, la Némésis personnelle d’Alice se montre aussi vipérine qu’à l’accoutumée. Le ping-pong des deux femmes apporte une note d’humour bienvenu, indiquant bien que le drame n’aura pas lieu. À l’heure des bilans on regrettera certainement que la série n’ait pas accordé plus de place à Gabby.

Fort logiquement c’est cependant Jenny, dans cette saison où son devenir devrait logiquement cristalliser l’attention, qui porte les scènes les plus fortes de l’épisode. Son explication orageuse avec Shane et Nikky reste un moment très intense ; la narration établit d’ailleurs un contraste élégant entre ce passage éruptif et la vengeance glacée qu’elle exerce plus tard envers la jeune actrice. En filigrane on retrouve cette fameuse revanche sexuelle que Jenny s’est persuadé avoir subi de la part de Tim. Le personnage semble décidément marqué par cette aventure, ce qui ressort cohérent mais assez glaçant. Exit Nikki, on ne la pleurera pas beaucoup, tant elle aura souligné son inconséquence et le caractère superficiel de sa relation avec Jen. Probable sortie de scène également pour Molly, certes plus attachante, mais dont l’éviction par une sombre manœuvre de Jenny demeure sans doute l’acte le plus crucial de l’épisode.

Le récit titille en effet habilement le spectateur sur le sentiment qui anime alors Jen. S’agit-il de basse vengeance ou plutôt de l’éviction d’une rivale ? On ne peut s’empêcher de noter ce mouvement convergent les laissant simultanément  célibataires, alors que Jenny parle cœur concernant spécifiquement Shane, avec qui la complicité a toujours été si particulière, et que le trouble du sentiment est chez elle à son comble. Un suspense sentimental prenant se fait jour, tout de même nimbé d’incrédulité !

De son côté, l’épopée de Shane à la recherche d’un toit pour dormir constitue un fil rouge particulièrement divertissant pour cet épisode. Long Night’s Journey Into Day souffre d'initier un thème central de saison bien peu convaincant mais démontre de réelles qualités d’humour et d’émotion, pourvu que l’on parvienne à en faire abstraction. 

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2. L’INATTENDU
(LEAST LIKELY)


Cet épisode donne à la saison des allures de soap pétillant mais classique, avec une succession de scènes aussi divertissantes que légèrement vaines. Le spectacle se voit de plus entaché de diverses maladresses, comme le prolongement quelque peu artificiel des axes narratifs de Lez Girls et de Jodi. On reste surtout peu convaincu par l'évolution du récit central, autour de Jenny, mais aussi de sa relation avec Shane.

L'aspect humoristique, parfaitement distrayant, de Least Likely se voit porté avec réussite par Bette/Tina et Alice/Tasha. Le passage à la galerie et la rencontre avec la sublime Kelly (Elizabeth Berkeley, encore une amie très proche de Jennifer Beals !) distraient par leur efficacité, l’affection que l’on porte aux personnages et le talent toujours aussi irrésistible des actrices. On ne se lasse pas de contempler le lumineux bonheur du couple reforgé, c’est vrai. Mais il faut avouer que ces scènes (la régulière oubliée, la légère jalousie) ont maintes fois été vues ailleurs dans les soaps sentimentaux/humoristiques à la Friends, dont on a l’impression que The L Word rejoint décidément le peloton.

Il en va absolument de même pour les tribulations de Tasha/Alice, la visite chez le psy (encore un ancien de retour) constituant un standard absolu du genre. Certes l’on rit sans réserve grâce à l’abattage insensé de Leisha Hailey, une coudée devant les copines dans le registre de la comédie pure. Le côté Clown Blanc/Auguste de Tasha/Alice  fonctionne à la perfection mais, encore une fois, le sentiment de déjà-vu prédomine. De plus le manque de réel enjeu transparaît, plus personne ne pouvant croire que la relation va se rompre, tandis que Kelly porte bel et bien une ombre sur Tina/Bette.

Malgré des postulats absurdes (Max désormais suivi médicalement mais qui ignore que la testostérone ne fonctionne pas comme la pilule), on est finalement davantage séduit par l’étonnante péripétie connue par Tom/Max, un couple demeurant, lui, totalement The L Word, émouvant et fort. Par ailleurs les explosives Phyllis et Joyce (et leurs toniques interprètes, totalement lâchées) nous ravissent encore et toujours. Mais ces histoires secondaires ne compensent pas de réelles maladresses de narration.

 À l’issue de la saison 5 on pensait en avoir fini avec Lez Girls et Jodi, leurs histoires nous ont valu d’excellents moments mais deux saison cela suffit, on en a fait le tour. Le prolongement inattendu de ces fils narratifs ne convainc pas. On a bien compris que Lez Girls a été saboté par Hollywood, rabâcher cela avec le choix du titre ne fait que tirer à la ligne et n’apporte rien, de même que Jodi et Bette se battant froid. On a supprimé des personnages autrement intéressants par le passé, pourtant. Ces filons épuisés, il convient d ‘en ouvrir d’autres, mais encore faut-il que les auteures en aient encore les moyens, voire la simple volonté.

L’ultime saison continue le jeu classique de réapparitions des anciens personnages, mais tire cette fois la mauvaise carte avec Dylan (et sa coiffure hideuse). Elle ne nous avait guère emballé naguère, il en va pareillement cette fois-ci, les seuls bons moments venant du toujours épatant duo Alice/Hélèna. Une pioche peu judicieuse, d’autant que s’il y a une fille que l’on aimerait retrouver c’est bien l’adorable Lara. Un retour de Carmen bouleverserait trop ce que les auteures entreprennent visiblement de bâtir entre Shane et Jenny.

Ce qui achève de pénaliser l’épisode demeure d’ailleurs ce qui tourne autour de cette dernière. La saison semble entamer un désastreux virage à la pseudo Agatha Christie autour de son décès prochain. À cet égard la haine véhémente de Nikki se montre d’une lourdeur pachydermique, désigner un suspect reste un art subtil et visiblement le policier à énigme ne compte pas parmi les atouts des scénaristes, ce n’est d’ailleurs pas du tout le cœur de métier de la série. Et puis, plus fondamentalement encore, chez la reine du crime, les coupables, potentiels ou avérés, ne sont rencontrés que lors du roman, ils ne véhiculent aucune charge émotive particulière et demeurent des rouages ludiques de l’intrigue.

Il en va totalement autrement ici, et l’idée que l’une de nos amies soit une meurtrière paraît non seulement ridicule  mais odieuse.  Que cela soit totalement inopérant semble une simple évidence, et pourtant, selon les canons (ici dévoyés) du genre, nous découvrons Jen se montrer odieuse envers les autres jusqu’à l’absurde, même selon ses critères.  Son intervention à propos de l’extension de la maison de Bette et Tina n’est ainsi pas du tout crédible. La marche forcée pour susciter des suspectes s’annonce un vrai chemin de croix.

Le pompon consiste cependant en cette brûlante révélation entre Shane et Jen, soit un bouleversement de l’univers de la série dessiné en à peine deux épisodes, de manière terriblement précipitée et dépourvue de vraisemblance. On perçoit que les auteurs ne savent plus trop quoi raconter autour de ces personnages et qu’elles ont joué au jeu un peu vain de d’Aaron, Jenny et Tina la saison passée en se demandant qui pouvait bien coucher avec qui. Quel dommage de saboter une des plus belles et profondes amitiés de la série pour une histoire ne pouvant guère fonctionner. Ce n’est plus du soap, c’est de la telenovela.

Que le talent des deux actrices subliment la scène ne change rien à l’affaire, une brusque bouffée délirante emporte la crédibilité de Shane et de Jenny, avec cette romance jaillie de nulle part.

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3. LOL !
(LMFAO!)


MDR ! Cette fois c'est officiel, ou les auteures ont organisé une fête de fin de série et ont oublié de dégriser avant d'écrire les ultimes épisodes ou une vaste conspiration a installé une bonbonne de LSD dans la climatisation du Planet. Parce que LMFAO! va accumuler comme jamais les pépites d'invraisemblance, autant psychologiques que factuelles, au point de faire déraper toute la série dans la pampa du grand n'importe quoi. Toutefois quelques moments de pure drôlerie perdurent (bien le moins avec un tel titre), mais principalement grâce à Leisha Hailey, Jennifer Beals et Cybill Shepherd, qui se mobilisent pour sauver la baraque.

Le réveil de Jenny et Shane reste un fort joli moment, très tendre, quoique l'on pense par ailleurs du timing de leur relation. Encore faut-il subir la réapparition de Sounder 2, sans doute revenu de la dimension infernale dont il est issu. La découverte du pot aux roses par une Alice au toujours invincible radar nous vaut très clairement la meilleure scène de l'épisode, avec un grand récital Leisha. Alice au bord de la crise de nerf, diffusant immédiatement la nouvelle aux copines dont les réactions sont également irrésistibles (mention spéciale au rire irrépressible de Bette), cela fonctionne à la perfection. On se régale, même si, à la base, le procédé apparaît un peu téléphoné.

Par la suite Alice rompt avec sa pratique du outing télévisé, d'une façon particulièrement démonstrative : la lecture surprise en direct d'une lettre bouleversante de la sœur d'une victime de l'homophobie. Et puis après elle s'inquiète d'un renvoi quasi inéluctable. Ce qui est absurde, dans ce cas elle aurait dû négocier cette évolution en amont avec les producteurs, c'est l'un ou l'autre. On éprouve la pénible impression que l'on écorne la crédibilité du récit pour simplement s'offrir un effet, même si celui-ci se montre effectivement percutant. Plus tard le malaise s'accentue avec ce recours à l'un des poncifs les plus éculés de séries américaines, le héros allant raisonner une personne menaçant de se jeter du haut d'un immeuble. Aucun second degré, aucun humour dans cette scène désespérément basique. On regrette également la moindre présence de Tasha.

La confrontation entre Bette et Jodi se poursuit, ce qui s'avère plus crispant qu'autre chose. Il est particulièrement triste de voir le personnage de Jodi se réduire à quelques postures hostiles, presqu'infantiles. Mais ce qui sidère principalement demeure la confrontation hallucinante et hallucinée en résultant entre Phyllis et Bette. Phyllis vire Bette, pour éviter les répercussions d'un procès pour harcèlement sexuel entre lesbiennes. Comme c'est un peu gros (Jodi ne veut en rien de cela), elle sort de son chapeau l'argument massue : Nadia aurait porté les mêmes accusations contre Bette, et si elle ne lui en a pas parlé c'était pour pourvoir mieux gérer l'affaire. On n'image qu'une présidente d'université n'avertisse pas un de ses doyens de telles accusations. Il s'agit bien entendu d'une grosse rustine scénaristique ajoutée après coup.

Pour parachever le panorama, Phyllis propose une liaison à Bette  dès qu'elle l'aura licenciée ! La scène reste amusante grâce à la fantaisie que la complicité de Cybill et Jennifer y insuffle, mais accumule trop de rocambolesque pour que l'on y adhère.  The L Word donne l'impression d'avoir  largué les amarres, privilégiant désormais la surenchère plutôt que la cohérence. On raffole d'un épisode décalé bien amené, mais toute une saison sous acide, cela risque de paraître long.

Une philosophie similaire se dénote dans l'inexorable et, ô combien, concluante convergence vers le Crime de la Piscine, futur grand classique du policier à énigme. La chasse aux suspectes se poursuit, cette fois c'est Tina (oui, Tina) qui s'y colle. La pellicule de Lez Girls a été volée, à l'aide d'une fausse lettre de la productrice. Colère d'Aaron, qui (comme le reste de la planète) suspecte Jen, et désigne Tina comme étant responsable de son amie. Cela nous vaut cette scène absolument mémorable voyant Tina fixer la caméra d'un air mauvais, en maugréant « Fucking Jenny ! I'm gonna fucking kill you !».

C'est  grandiose, Agatha Christie est ventilée façon puzzle. Aaron et Adèle se voient également embarqués dans la charrette, un peu plus, un peu moins... Dans le même temps, toujours selon la règle d'or du genre, Jen atteint de nouveaux sommets dans l'ignominie, en particulier vis-a-vis d'Alice. Personne ne croit non plus en ses dénégations proférées devant Tina, c'est clairement elle qui a fait le coup, en faisant porter le chapeau à son amie. Jenny n'a jamais été comme cela, même au pic de sa mégalomanie. En fait on assiste à l'émergence d'une nouvelle personnalité, maniaque et perverse.

Cette violence froide et enténébrée qu'elle manifestait physiquement envers elle-même, ou oralement envers autrui, règne désormais en maîtresse absolue, au paroxysme de sa puissance. Cela fait beaucoup de mues pour un seul personnage et celle-ci ne nous enthousiasme vraiment pas.

Le plus affligeant de l'épisode demeure néanmoins sa conclusion, lors d'une fête au Planet. Ah tiens, une fête, cela nous manquait, depuis le temps. Bette est virée (au moment où le ménage avait des projets), Alice et davantage encore Tina sont sur le point de l'être et de voir leur carrière anéantie, mais tout cela doit visiblement se dérouler sur un autre plan astral parce que, sous le prétexte du peu palpitant sauvetage mené par Alice, nous les trouvons hilares le verre à la main, en train de rire longuement (jusqu'à en devenir crispantes)  à propos de Shane/Jenny.

La scène se révèle totalement déconnectée de ce qu'elles viennent de vivre et de ce qui s'annonce, c'est assez hallucinant. LMFAO! veut visiblement en terminer à marche forcée par cette liesse générale, peu importe que cela soit totalement à contre-courant. Le manque de cohérence devient vraiment une caractéristique de cette saison.

À la décharge de l'épisode le personnage de Shane se montre à son avantage, entre sa bonne vanne sur Eric Mabius, son bonnet de Schtroumf et les mimiques si divertissantes de Kate Moennig. L'imposante Sunset Boulevard confirme une entrée assez sensationnelle. Par contre, une énième fois, Max demeure totalement absent, sans doute parce que son émouvante histoire ne cadrait avec le rire à tout crin promu par LOL!.

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4. LA LIVREUSE
(LEAVING LOS ANGELES)

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The L Word, The Return ! Après deux épisodes passés en apesanteur, la série renoue enfin avec ses fondamentaux, avec des scènes finement dialoguées et réalisées, dont plusieurs se montrent émotionnellement très forte. On retrouve ce cocktail subtilement dosé d’humour et de sentiment si crucial pour le succès de la série et, plus important encore, les personnages retrouvent leur crédibilité, et donc leur intérêt. Sans être exceptionnel Leaving Las Vegas se situe dans une très bonne moyenne, ce qui s’avère très réconfortant, la série a donc encore des choses à nous raconter.

Même au sein de ces retrouvailles, il nous faut passer sous les fourches caudines de la Traque des Suspectes. Cette fois c'est Max la vedette du jour, avec toujours la même incrédulité consternée de notre part. Après que la Jenny version saison 6, toujours plus mauvaise, ait cruellement raillé ses formes féminines à venir, simplement pour la faire souffrir, on a droit au désormais traditionnel gros plan sur un visage hostile  accompagné d'une menace. En mode (à peine) voilé, l'épisode suggère également que les flux d'hormones liées à la grossesse rendent Max très irritable et sujet à l'irrationnel. Heureusement que l'on regarde The L Word sinon on crierait au cliché sexiste...

Bien plus prenante apparaît l'histoire de Max et de Tom en elle-même, il s'agit vraiment de ce que cette saison a raconté de plus fort jusqu'à présent. Leaving Los Angeles décrit avec force et sentiment le combat désespéré de ce couple pour s'adapter à ce coup du sort, tellement contradictoire à sa nature. Le récit apparaît âpre et réaliste, aux antipodes de la rigolade crétine de LMFAO!. L'inexorable délitement s'opérant chez Tom se voit parfaitement exprimé et quand, assez inévitablement, Tom s'enfuit on ne lui en veut pas totalement, il aura réellement essayé mais vraiment, il ne peut faire face. Il n'en demeure pas moins que la vison de Max complètement abasourdi et comme paniqué s'avère absolument bouleversante, avec une Daniela Sea une nouvelle fois formidable. À l'heure des bilans la sous-exploitation chronique de Max apparaît comme l'une des rares vraies faiblesses de la série.

Le petit-déjeuner emblématique du Planet, toujours écrit avec fluidité et interprété avec talent, permet enfin d'introduire de nouvelles intrigues, en dehors du gribouille policier. Alice et Tasha ont retrouvé toute leur complicité mais voici qu'elles se mettent dans l'idée de caser Hélèna, aux prises avec le retour de flammes de Dylan, avec leur nouvelle amie Jamie. Si la tentative tourne court (avec une absence de communication bien restituée), la péripétie apparaît surtout comme l'occasion pour les auteures d'installer un habile  mécanisme. En effet, chacune de son côté, Al et Tasha semblent comme flasher sur la charmante et enthousiaste Jamie (qui, elle, paraît avoir un penchant pour Tasha).

C'est astucieux : après qu'il ait franchi tant d'écueils, susciter une rivalité dans ce couple apparaît vraiment diabolique. Bien sûr cela reste diffus et léger, encore inséré dans la comédie, mais un drame potentiel se fait jour, apportant un vrai suspense pour la seconde partie de saison. De plus l'idée qu'elles lancent d'un marathon de danse annonce sans doute l'un de ces épisodes spéciaux que l'on adore. De son côté Hélèna renoue finalement (oh surprise) avec Dylan, mais ce segment nous intéresse beaucoup moins, du fait du manque persistant de substance et de caractérisation de Dylan. Par contre Rachel Shelley est toujours aussi marrante et attractive, tandis que l'épisode trouve enfin une explication élégante pour les disparitions intermittentes des enfants d'Hélèna.

D'une manière tout aussi concluante, Leaving Los Angeles institue une sourde menace similaire au sein de l'aura toujours si positive et lumineuse de Tina/Bette. En effet Kelly apparaît au Planet, et son entretien avec Bette, se concluant par leur partenariat au sein d'une galerie d'art, s'avère une vraie perle, pour la complicité des comédiennes (Elizabeth Berkeley est instantanément parfaitement à l'aise dans son rôle), pour ce dialogue finement ciselé développant tout un subtext autour du terme « partenaires », mais aussi pour quelques à-côtés comme le sourire entendu d'une Alice humant bien l'embrouille ou la tête de Tina, qui est juste à voir. S'ensuit une autre très belle scène, entre jalousie et tendresse, au sein du couple.

On y retrouve comme un écho inversé de Tina annonçant rudement son embauche par Hélèna, en début de saison 3, mais en nettement moins dramatique et violent. C'est avant tout l'amour qui prédomine  (notamment avec l'adorable Angelica), d'autant que, si ce ton dual entre comédie sentimentale et vrai péril apparaît très réussi, on ne peut pas croire à une apocalypse en toute fin de série. Incidemment, l’on apprend qu’à Yale, Bette a été l’assistante d’une certaine Scully… On comprend mieux pourquoi certaine relation a été longue à débuter.

Par la suite Tina et Bette, que l'épisode a décidément l'excellente idée de mettre en avant, partent dans l'Amérique profonde à la découverte de la future maman de l'enfant à adopter. Le choc des cultures s’exprime avec conviction mais l’on retient surtout le portrait bouleversant de Marci,  cette future mère, interprétée avec fougue par la jeune et talentueuse Katharine Isabelle (Lisa dans l’épisode Shizogeny des X-Files) et prête à passer par-dessus tous les préjugés pour assurer le meilleur avenir possible à son enfant.

Son intervention dans la chambre de Bette et Tina nous vaut une scène particulièrement enthousiasmante, où l’on retrouve le meilleur militantisme de The L Word, positif et conservant toute l’humanité de personnages non transformés en figures de propagande. Ces scènes n’hésitent d’ailleurs pas à ironiser légèrement sur l’engagement de Bette qui, plus que tout autre héroïne, aura encore manifesté cette fois-ci une palette très large d’émotions, toujours sublimées par la merveilleuse Jennifer Beals. Ce segment très riche s’achève par de sublimes plans de regards, au réveil des deux femmes. Saisons après saisons, Tina/Bette reste bien l’arme fatale de The L Word.

Jenny la Ténébreuse franchit encore quelques degrés lors de cet épisode. Outre son comportement passablement abject envers Max, elle apporte une dimension vraiment sinistre à sa relation avec Shane. On aurait pu espérer que cette histoire serait une  nouvelle planche de salut pour elle, comme à l’issue de la saison 2, mais cela n’en prend vraiment pas le chemin. Une excellente (et très féminine) idée de scénariste nous montre Jen et Shane décider de débarrasser leurs penderies des vêtements évoquant des périodes et des amours précédents.

Une élégante façon de poursuivre les regards dans le rétroviseur, sans multiplier les apparitions d’anciens personnages, tout en éclairant l’état d’esprit des filles. Jenny n’éprouve aucune difficulté pour jeter les vêtements « Tim » mais veut conserver les « Marina », ça on avait saisi, mais surtout ne veut se séparer d’aucun vêtement de marque. À l’inverse elle veut absolument faire le vide dans la garde-rode de Shane, y compris pour Chérie (voir Shane céder pour elle est assez triste) et Carmen.

Si Shane refuse de capituler là-dessus, on retient principalement que Jen veut totalement vampiriser sa partenaire, d’une manière réellement psychotique. Sa manière de s’inviter lors d’une discussion entre Alice et Shane ou surtout de transformer d’office la chambre de Shane en bureau confirme qu’elle considère exclusivement celle-ci comme sa chose.  Sa réaction glaciale et la pure folie que Mia insère dans son regard quand Shane se rebelle un minimum font réellement froid dans le dos. Jen a définitivement basculé et on a vraiment l’impression  d’avoir devant soi la Mandy de 24h Chrono.

On devine que Shane ne veut surtout pas échouer dans cette relation-ci et qu’elle a toujours beaucoup d’affection pour Jen, mais visiblement elle ne saisit pas, ou refuse de saisir, à quel point Jenny est tombée dans l’ombre.  Tout comme pour Tasha/Al et Tina/Bette, Leaving Los Angeles parachève sa réussite en insérant ici un vrai élément de suspense, les conséquences d’une révélation et d’un rejet concomitant de Jenny par Shane pourraient avoir des conséquences incalculables.

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5. LIGUÉES POUR LA VÉRITÉ
(LITMUS TEST)


Hélas, après les promesses de Leaving Los Angeles, Litmus Test renoue avec les errements de LMFAO!. On retrouve donc les situations forcées, les effets gratuits et les admirables actrices se démenant pour transformer du plomb en or, même si l’ensemble demeure plus plaisant que son modèle.

Dans la rubrique « suspecte du jour » on coche la case Alice, parce que Mia joue une Jenny faisant du Mia. Pour être plus clair, Jenny vole une idée de scénario écrite par Alice et la vend 500 000 $. Ce qui compte tenu de la brièveté des évènements, du fait qu’elle n’a plus d’agents et surtout de la pauvreté insigne de l’intrigue, constitue tout simplement  l’une des manifestations les plus éclatantes du Monde Merveilleux de The L Word auxquelles l’on ait assisté depuis le lancement de la série. On hallucine.

Même si le coup est rude et entaille réellement l’amitié entre les deux femmes (comme avec Tasha, bien entendu), on ne sent pas du tout Alice se lancer dans un meurtre pour autant, cela ne fonctionne pas. Par contre Leisha rend plus prenante que de coutume le coup de sang traditionnel et l’émission de l’ineffable « Schecter is so fucking dead ! ».

Alors que Leaving Las Vegas avait semblé lancer des pistes scénaristiques intéressantes entre Bette/Tina/Kelly et Tasha/Alice/Jamie, ces histoires connaissent ici un surplace à peu près total. A contrario,Litmus Test se centre totalement sur le fil narratif le moins porteur de tous, ce retour téléphoné de Dylan. Dans un mix assez improbable du gaydar collectif concernant Lara en saison 1 et du complot alambiqué de Jen envers la journaliste, les filles tendent un piège à Dylan, avec Nikki en tentatrice, pour que Hélèna soit fixée. Grâce aux actrices toujours aussi épatantes et à quelques à-côtés divertissants (la séance cinéma-popcorn, Jen qui exècre Nikki, les piques qu’Alice lui décoche…) la scène se laisse voir mais dure beaucoup trop longtemps.

Avec une conclusion prévisible au dernier degré et la scène d’amour très quelconque, elle-même allongée à plaisir, entre Hélèna et Dylan, tout ce segment phagocyte totalement un épisode dont il n’aurait dû constituer qu’une péripétie. On ne perçoit toujours pas ce que dégage de captivant le personnage très limité de Dylan, tandis que Alexandra Hedison reste assurément une actrice sympathique mais bien en deçà des autres membres de la distribution. Son retour dans la série reste une énigme, on espérait mieux pour Héléna.

Aux alentours l’épisode ne peut que laisser des miettes aux autres relations. Rien de nouveau ne survient du côté de Tasha et Alice, toujours si fusionnelle avec Jamie. On remarque toutefois un intéressant petit passage  documentaire quand Tina et Bette nous explique, de manière particulièrement amusante, que cette posture dite de la « troisième roue » est fréquente chez les couples lesbiens ayant besoin de se relancer, mais que cette énergie supplémentaire est potentiellement risquée. On aime bien quand The L Word nous ouvre des fenêtres, c’est malheureusement devenu plus rare depuis la saison 4. La portion impartie à Bette/Tina paraît un peu plus consistante, avec notamment la poursuite du flirt de Kelly. Que Tina déclare que tout cela n’a aucune importance car Bette sait qu’en cas de tromperie tout sera fini fait assez froid dans le dos. Pas de blagues !

Se détache également la monumentale engueulade entre Bette/Tina et Aaron, avec une Laurel Holloman toujours formidable quand elle pousse une gueulante et un ultime regard foudroyant de Bette qu’on adore. Malheureusement la scène ressort assez fabriquée, avec la coïncidence tout de même massive de leur rencontre et un Aaron beaucoup trop Aaron. Finalement on retient surtout que Tina a vraiment cru au bobard pas possible de Jenny sur William ; décidément, hormis Al et Tasha, les amies ont encore  bien du mal à percevoir la spirale dans laquelle s’est engouffrée Jen.

Mais l’élément le plus détestable de Litmus Test demeure la totale absence, une nouvelle fois, de Max. On ne peut pas laisser un personnage dans une telle situation et l’épisode suivant faire comme si tout cela n’existait pas ou n’avait aucune importance. La saison sabote son axe le plus abouti et cette présence seulement intermittente de Max devient vraiment insupportable.

A Tale from The Darkside. Jenny, outre son comportement insensible et égoïste envers Alice, se montre toujours plus maladivement possessive envers Shane, jusqu’à devenir insupportable. On voit bien que dans le même temps Shane est toujours attirée vers Nikki, mais elle demeure néanmoins dans sa relation désaxée avec Jen. On ne peut que regretter, alors que l’on en est déjà à plus de la moitié de la saison, que Shane ne se soit pas une seule fois ouverte de ses sentiments, nous forçant à des hypothèses quant à cette persistance passablement inexplicable. On suppose que Shane demeure avant tout dans un prolongement de son amitié avec Jen, et qu’elle craint par-dessus tout de la faire souffrir, sachant à quelles extrémités celle-ci peut arriver.

Son aveuglement face à la nouvelle personnalité, si négative, de Jenny devient cependant difficilement soutenable, même si on sent une révolte poindre. On est encore une fois contrarié par le tardif sacrifice décidé par les auteures d’une belle complicité au profit d’une relation aussi tristement dysfonctionnelle, et visiblement sans avenir. La querelle à domicile du couple à propos de Nikki se montre d’ailleurs plus irritante qu’autre chose.


6. LACTOSE PHOBIE
(LACTOSE INTOLERANT)


Cet épisode aurait pu apparaître relativement quelconque au sein d’une saison ordinaire de The L Word, mais retrouver une simple succession de saynètes écrites et réalisées correctement, même si dépourvues de temps forts, suffit à notre bonheur en cette période de disette. Le récit se décompose principalement en deux scènes de groupe, la fête de « Bienvenue au bébé » organisée par Jen en l’honneur de Max et l’inauguration de la galerie d’art de Kelly et Bette.

Passage obligé, The Suspect of the Day n’est autre qu’Hélèna, après que Jenny, très en verve, ait révélé à Dylan le fameux test de l’épisode précédent. Tout au long de l’épisode cela nous vaudra des scènes réussies où Hélèna soigne son chagrin dans l’alcool, mais pour l’heure nous assistons à un retentissant I'm gonna fucking kill your girlfriend !, adressé à Shane. Un nouvel éloquent exemple de la qualité dramatique extrême de cette Traque aux Suspectes.

La fête organisée par Jenny paraît de prime abord assez grotesque, entre Alice aux Pays des Merveilles (avec Max en Chapelier Fou…) et le Charlie et la Chocolaterie de Roald Dhal. Mais peut-être ce genre d’évènement appartient-il à la culture américaine, en dehors du sens esthétique éminemment particulier de Miss Schecter. 

Cette longue séquence se regarde avec plaisir grâce à des dialogues bien affutés (notamment entre Alice et Jen, toujours en froid genre Sibérie, ou Shane s’essayant à flirter avec Jamie malgré la surveillance de la Ténébreuse) et des actrices dont on savoure plus que jamais le jeu au moment où les ultimes épisodes de The L Word s’écoulent comme du sable dans la main.

Les amateurs de Chapeau Melon et Bottes de Cuir  auront de plus l’heureuse surprise de découvrir Shane arborant crânement leur couvre-chef emblématique, avec son élégance coutumière.

Il n’en reste pas moins regrettable que cette atmosphère festive et divertissante s’en vienne dénaturer le drame vécu par Max. Sans que l’impeccable Daniela Sea ait quelque chose à se reprocher, son attaque d’angoisse, au milieu des costumes et du pépiement des copines, s’inscrit dans le tragi-comique. On appréciait bien davantage la force émotionnelle brute et terrible accompagnant le départ de Tom, la désynchronisation entre le fond et la forme du récit en atténue considérablement l’impact.

On craint fort que l’histoire de Max, l’éternel sacrifié de cette série, ne soit phagocytée par la trame principale organisée autour de Jenny et dévoyée à son profit. On préfère l’image, sobre et éloquente, de Max se rasant la barbe, non pas parce qu’il serait un ex agent du FBI reprenant du service, mais parce qu’il se décide à renoncer à sa quête personnelle au bénéfice de son enfant. La scène se montre réellement poignante, mais si brève, et Max ne réapparaîtra plus du tout par la suite…

L’ouverture événement de la galerie d’art de Kelly et Bette se construit en grande scène de convergence du clan, illustrant efficacement les positions des unes et des autres avant la toute dernière ligne droite. Le décor, lumineux et élégant, se montre également réussi, d’autant que l’on apprécie la plupart des œuvres présentées, ce qui n’a pas toujours été précisément le cas avec Bette…

Même si l’on s’en doutait, la confirmation que James est du voyage fait bien plaisir, il aurait été triste qu’il restât sur le carreau du fait des histoires de… disons de cœur entre la patronne et la Jodi. Et si l’association la plus solide de The L Word était finalement Bette/James ? La tension sexuelle s’accroît toujours davantage au sein de Tasha/Alice/Jamie, jusqu’à en devenir palpable. Même si elle demeure relativement en retrait, cette histoire, fort bien narrée, constitue toujours un joli suspense pour la fin de saison, d’autant que Jamie devient chaque fois plus complice avec Tasha et qu’Alice en prend quelque peu ombrage. L’épisode a la bonne idée d’enfin remettre Tasha au premier plan, avec des confidences émouvantes sur sa jeunesse. Rose Williams s’avère toujours aussi excellente. La révélation du vrai visage de Sunset fait un peu conte de fées, mais fonctionne : il est  vrai que l’on n’avait pas du tout reconnu Roger Cross (X-Files, 24 Chrono) et surtout que l’on n’a rien contre un happy end sentimental pour Kit !

L’idylle entre Shane et Nikki échoue, non pas sur une abeille, mais sur une huitre pas fraîche,  ce qui indique la légèreté de Nikki et surtout confirme le fait que Shane a de plus en plus envie de sortir d’une liaison de plus en plus étouffante. Astucieusement l’épisode insère également Molly, avant d'assez diaboliquement renforcer l’assujettissement de Shane via un dévouement en apparence sincère mais qui n’est qu’une expression maligne de la possession. Difficile de ne pas songer à certains passages du Misery  de Stephen King.

Cet aspect ténébreux de Jenny n’apparaît pas si mal exprimé, notamment grâce à une Mia Kirshner en état de prouesse permanente. Il résulte vraiment dommageable que cet aspect ait été plombé par l’introduction calamiteuse du crime en début de saison, avec la Traque aux Suspectes concomitante. Il aurait suffit que ce passage soit simplement supprimé, et quelques outrances atténuées de-ci de-là, pour qu’immédiatement cette dernière période de la série devienne nettement plus concluante.

Cette dimension apporte un final particulièrement prenant à Lactose Intolerant. Le Monde Merveilleux de The L Word frappe un grand coup, en envoyant Tina à N.Y.C. pour un projet aussi mirifique que flou, juste après qu’elle ait gravement insulté Aaron en public, ce qui est totalement incohérent, mais passons.  Kelly, enivrée par le champagne et le succès, profite de cette absence pour venir tenter sa chance chez Bette.

Ce point d’orgue d‘un important fil narratif de la saison s’avère fort bien mis en scène, parvenant à susciter un semblant de suspense.  Malgré une logique incrédulité, on ne peut s’empêcher de pousser un soupir de soulagement quand Bette fait le bon choix.  Que Jen parvienne à filmer la scène sous un angle de vue compromettant  reste assurément très gros (litote) mais la péripétie produit indubitablement son effet.

La perspective de voir Jenny couronner son périple maléfique en dynamitant Tina/Bette introduit un final à enjeu pour la série (et son triste  dénouement…). Sage est la femme connaissant ses limites et l’on se dit que Jenny se tient devant un seuil qu’il serait bien périlleux et définitif de franchir, mais, comme le discernait Hélèna, l’élément chaotique de la série n’a jamais intégré cette notion…

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7. LE DERNIER COUPLE DEBOUT
(LAST COUPLE STANDING)


Le traditionnel épisode thématique éveillait les espérances coutumières, mais hélas, pour la première (et dernière) une relative déception est au rendez-vous, malgré quelques indéniables points positifs.

L’intérêt majeur de ces épisodes (Dinah Shore, Love Boat, Gay Pride, Pink Ride, match de basket, voire obsèques de Dana…) consistait à dépayser une série apparaissant parfois comme enserrée  dans son environnement habituel, en projetant le groupe dans des décors et des situations originaux, souvent spectaculaires. Or ici on se retrouve simplement dans une de ces fêtes du Planet ou du Hit que nous avons visionnées jusqu’à satiété, particulièrement au cours des récentes saisons. Même avec les concours et les costumes souvent réussis, l’effet de rupture paraît véritablement amoindri.

 De plus l’épisode marque un statu quo quasi-total de l’action, les scènes s’insérant autour des morceaux de danse s’avérant souvent bavardes, ressassant des situations déjà observées ou introduisant de faibles avancées, guère concluantes. Alice s’ouvre à Tasha de ce qu’elle ressent en la voyant si complice avec Jaimie, mais Tasha botte royalement en touche et au sortir du récit on n’a guère avancé pour autant. Dylan revient auprès d'Hélèna, ce que l’on avait aperçu depuis des  kilomètres, on se passionne toujours aussi peu pour cette histoire anodine, prévisible et cliché au dernier degré.

Shane trompe Jenny pour la énième fois avec Nikki, Jenny s’en rend compte une dernière fois et tend un guet-apens cruel et psychotique à l’actrice, une énième fois. Bon. C’est toujours superbement joué, mais l’épisode ne laisse qu’à peine supposer que Shane en a assez cette fois. Absolument rien de définitif ne se produit.

Et puis, bien entendu, la Traque aux Suspectes est fidèle au rendez-vous, on n’en peut plus, pitié. Le face-à-face entre Jenny et Bette ne tient que partiellement ses promesses, même si cette dernière surpasse les répliques déjà mirifiques des copines, avec un tonitruant « Goddamn it, Jenny. Fucking you, you fucking bitch ! ». On s’attendait à plus d’intensité, mais l’on est surtout gêné de la voir ne pas raconter simplement l’affaire à Tina. Cela serait plus logique que de rester à la merci de Jen alors  que celle-ci répand déjà la rumeur. Bette tente certes fugacement de le faire, elle en est empêchée par des interventions répétitives d’Alice, crispantes au possible dans le contexte. Le renoncement supposé de la jeune future mère  introduit certes un évènement important.

Mais si l'on tente de nous dorer la pilule avec l'émotion du couple, ce  retournement de situation paraît bien expéditif comparé aux très belles scènes de Leaving Los Angeles et se situant dans un flou bien pratique. On clôture certains dossiers de manière trop brusque, tout en faisant perdurer d'autres encore et encore alors que la conclusion arrive.

Last Couple Standing peut cependant compter sur les numéros de danse des héroïnes, véritable justification de cet épisode, en plus du rappel bienvenu de la dureté sociale, en Californie comme ailleurs. Quand on connaît et apprécie quelque peu le tango, il faut bien avouer que la prestation de Shane/Jenny avoisine périlleusement le nul. On apprécie par contre vivement la belle énergie du trio Alice/Tasha/Jaimie, mais plus encore le rayonnement (et la chaleur) du cha-cha de Tina/Bette, une nouvelle fois magnifiques et incandescentes après le slow du dernier épisode de la saison précédente. Jodi excelle sur scène, mais cela n’a décidément rien à voir. Il reste dommage que ce sublime  passage ait été coupé par des images globalement inutiles comme Shane et Nikki en pleine action dans les toilettes.

Le meilleur de l'épisode demeure l'esprit de compétition s'emparant de Bette et Alice, leur rivalité nous valant plusieurs scènes vraiment hilarantes. À l’heure du bilan, on regrette vivement l’absence d’un épisode flashback sur Bette/Alice ! On apprécie également quelques aspects secondaires, comme la romance entre « Sunset » et Kit, assez cliché mais touchante, ou la cessation des hostilités entre Jodi et Bette. Grâce aux costumes on renoue une fois de plus avec ce revival 70's/80's qui nous a si souvent plu au fils des saisons. Kit et Tasha sont renversantes en mode Blaxploitation.

On quitte l'épisode avec un certain effarement, tant il donne l'impression de se situer en milieu d'une saison classique, bien loin d'être l'avant-dernier d'un feuilleton. L'annonce du départ prochain de Tina/Bette à New York amorce certes la conclusion.  L'étendue des récits encore totalement ouverts donne le tournis et présente d'ores et déjà l'ultime épisode comme une authentique gageure.

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8. LANGUE MORTE
(LAST WORD)


Malheureusement la malédiction Emily frappe de nouveau, car The L Word, tout comme Chapeau Melon et Bottes de Cuir, s’achève sur un épisode singulièrement en dessous. Les raisons de cette léthargie s’emparant de Last Word jusqu’à un réveil en toute fin de parcours, apparaissent de divers ordres.

On assiste ainsi au parachèvement de l’inadéquation de la formule du policier à énigmes au format de la série. Les différents interrogatoires, au poste, interrompent souvent le récit sans pour autant lui apporter la moindre valeur ajoutée. Le jeu des comédiennes se voit en grande partie gâché par des gros plans trop appuyés, et puis on voit très peu Lucy Lawless (sans chakram). Dans The L Word ces passages prennent des allures de séances chez le psy bien peu crédibles, d’autant que les auteurs cèdent parfois à tentation de les utiliser pour susciter des regards en arrière globaux sur le parcours des personnages, sans rapport autre que très indirect avec Jenny.

Les scénaristes semblent persuadées que la qualité d’un policier se mesure au nombre de suspects, d’où l’apparition finale passablement grotesque de Nikki ; on a l’impression qu’il suffirait de secouer un palmier pour en faire tomber Kate ou Robin. Le pire demeure bien entendu la non résolution de l’énigme : en laisser le soin à une éventuelle série dérivée, au devenir incertain, s’assimile à une faute professionnelle. Cette saison 6 n’est décidément pas Twin Peaks, il s’en faut de beaucoup.

Parallèlement, de nombreuses péripéties ou attitudes sonnent faux au cours de Last Word. Hélèna et Dylan se brouillent, puis se réconcilient, puis se brouillent, puis se réconcilient, quelle histoire capillotractée et ennuyeuse, avec une thématique autour de la confiance légère comme du béton armé. On est réellement soulagé quand les deux femmes se séparent  définitivement grâce à un concours de circonstances totalement théâtral.

Il s’avère aussi follement précipité que celui nous révélant Shane rencontrer Molly juste à temps pour découvrir le pot aux roses de la lettre, mais aussi des négatifs de Lez Girls ! À ce niveau les auteures n’essaient même plus de nous raconter une histoire crédible le moins du monde, se précipitant pour boucler vaille que vaille le maximum de fils narratifs en un unique épisode.

Cette accumulation d’absurdités rocambolesques confère à l’épisode une saveur de culebron sud-américain, mais, si l’on trouve sympathiques ces nanars télévisuels souvent déjantés, on espérait autre chose du final de The L Word. Plusieurs scènes tombent également à plat comme le numéro long, nombriliste et lacrymal d’Alice face à Jaimie et Tasha (Alice ennuyeuse pour la toute première fois, un comble !) ou la discussion d’Alice, vraiment peu gâtée, avec Shane, ne faisant que rabâcher des propos tenus au cours de la saison ou souligner des évidences. Passons sur les inserts publicitaires, présents jusqu’au dernier épisode.

Et pourtant, si Last Word déçoit (mais c’est si souvent le cas quand les attentes flamboient), il serait exagéré de la qualifier de naufrage complet. D’abord parce que quelques passages surnagent au-dessus du marasme, principalement autour de Bette, assez tardifs dans le déroulement du récit. On apprécie au plus haut point que le feuilleton ait ménagé l’espace suffisant pour que James puisse prendre congé dans les formes, lors d’une scène très réussie, entre humour et émotion. La Traque aux Suspectes nous vaut, il est grand temps, une forte scène, avec le face-à-face tant espéré ente Bette et Jenny. L’amoureuse des Arts, personnage éminemment riche et complexe,  a plusieurs fois manifesté un véritable côté obscur au cours de la série, et celui-ci jaillit ici comme jamais.

La confrontation en résultant avec la Ténébreuse (sans les fucking etc.) apporte pour la première fois une véritable odeur de sang à cet arc, on ressent enfin  la potentialité d’un meurtre, et avec une force étonnante, d’autant que Jennifer Beals et Mia Kirshner se montrent absolument magistrales. Outre l’exercice de style consistant à boucler l’histoire par la mort de Jen et le départ de Bette et Tina (celles avec qui nous avions pénétré dans ce petit monde), l’épisode suscite un remake fort bien tourné de l’excellente scène du pilote voyant Shane rencontrer Bette et Tina assises devant leur maison, totalement rayonnantes. On se régale, l’effet madeleine joue à plein.

Le meilleur demeure le film hommage à Tina/Bette concocté par Jen, portant à son zénith l’effet rétroviseur de la saison. Ces nombreuses apparitions de figures du passé ne se limitent toutefois pas au procédé et se révèlent toutes d’un vif intérêt. On remarque que, si Tim et Angus parviennent à insérer un clin d’œil (même malicieux) à Jenny et Kit, Carmen n’a pas l’ombre du commencement d’un mot pour Shane. C’est froid… Entre autres éléments on apprécie de découvrir que Marina poursuit sa vie de Bohême, tandis que Karina Lombard nous régale une fois encore de son Français si mélodieux.

Les explications d’Hélèna sur son attitude de la saison 2 sonnent également très justes, tandis qu’Ivan est toujours superbe (la vente du Planet passe à l’as, mais ne chipotons pas). Celle qui accroche le plus le regard demeure sans doute Peggy, attendant de pied ferme le duo à Big Apple.  On se dit que la série dérivée résidait là, bien plus que dans ce projet absurde d’Alice incarcérée pour meurtre (qui aurait envie de voir ça ?), avec Tina/Bette introduites par Peggy Peabody au sein des Power Lesbians of Manhattan. Avec Womanhattan on avait déjà un titre et pour les scénaristes cela aurait été du cousu main pour jouer sur les différences culturelles existant entre L.A. et N.Y.C. Seul regret de la vidéo, l’absence sans cesse perpétuée de Lara, décidément la grande exilée de la série.

La bouleversante conclusion de Jenny (quelle sortie pour Mia !) me semble indiquer une volonté de se victimiser et de rendre ses « amies » les plus honteuses possibles après son suicide, un coup tordu bien dans son genre cette saison. Mais on en est bien entendu réduit aux hypothèses.

Last Word ne rate pas non plus l’ultime image de la série, les filles (méconnaissant visiblement les vertus du covoiturage) arrivent au commissariat pour leur interrogatoire mais leur marche se transforme soudain en une parade des actrices, comme pour les troupes de théâtre à la fin d’une représentation. L’effet paraît très réussi, d’autant qu’il s’accompagne d’une sublime version du générique des Betty.

Allez, un regret, tant qu’à faire revenir « Jenny », Erin Daniels aurait aussi dû être conviée à la fête.

Quoiqu’il en soit cette conclusion rend un bel et mérité hommage à ces actrices  nous ayant tant enthousiasmé tout au long d’une série captivante et souvent étonnante par sa qualité et son audace.


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Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.