Open menu
 

 saison 1 saison 3

AU COEUR DU TEMPS (1966-1967)

ÉPISODES 1 - 15


1. RENDEZ-VOUS AVEC HIER
(RENDEZVOUS WITH YESTERDAY)



Le sénateur Clarke est mandaté par ses pairs pour procéder à une inspection du complexe Tic-Toc, où douze mille personnes travaillent depuis dix ans à l'élaboration d'une machine à voyager dans le temps. Peu convaincu par sa visite et effrayé par le coût exorbitant des recherches, le parlementaire semble déterminé à supprimer les crédits affectés au projet, à moins qu'une expérience concluante ne soit menée à bien en sa présence. Devant la menace de voir ses travaux réduits à néant, le docteur Tony Newman décide de tenter lui-même l'expérience, bien que les derniers réglages ne soient pas achevés, et malgré l'interdiction de ses supérieurs...

Critique de Phil DLM

Ce pilote constitue une très agréable surprise. J'avais gardé le souvenir d'une histoire intéressante, mais à l'intrigue trop raccourcie par la présentation du complexe et des personnages. En fait, les aventures sur le Titanic débutent dès la douzième minute, et ont tout le temps nécessaire pour être suffisamment développées.

L'impression de démarrage tardif avait sans doute été produite par l'exceptionnelle richesse des découvertes offertes au téléspectateur en début d'épisode. Pas de discours inutiles, on se retrouve plongés au cœur même du complexe presque instantanément. L'avion du sénateur se pose en plein désert. Une voiture vient le chercher et s'enfonce dans une ouverture à même le sol sablonneux, qui se referme aussitôt le véhicule englouti. Doug montre au sénateur la vue impressionnante des 799 étages du complexe, puis les deux hommes descendent en chute libre jusqu'au chronogyre.

Il est visible que le sénateur Clarke est arrivé avec une idée préconçue et que ce politicien soucieux du bon usage de l'argent public a l'intention de couper les crédits de ce qu'il considère comme une somme d'expériences hasardeuses conduisant à un gouffre financier. En désespoir de cause, Tony programme le chronogyre à l'insu de ses collègues et de ses chefs et se projette lui-même dans le temps, afin de prouver la validité du projet.

Il est difficile de croire que tout ceci a pu être montré en douze minutes, et pourtant cet exploit a été réalisé. La suite relève d'un épisode plus « normal », à savoir les efforts déployés pour localiser Tony, si ce n'est que Doug décide de le rejoindre pour lui porter secours.

La présentation du complexe et des personnages avait retenu l'attention par la richesse de son contenu et l'excellence des décors. La phase suivante n'en présente pas moins un intérêt certain. Plus que le suspense au sujet du risque de voir Tony et Doug couler avec le Titanic, c'est le charme désuet et le jeu des acteurs qui vont captiver le spectateur.

Le charme est apporté par l'ambiance du début du XXième siècle et par le personnage de l'institutrice, cette jeune femme touchante atteinte d'une tumeur au cerveau, embarquée pour les Etats-Unis où on doit tenter l'opération de la dernière chance. Doug et Tony vont réussir à la sauver du naufrage, ainsi qu'un jeune enfant de migrants voyageant en troisième classe.

Les acteurs ont été très bien choisis. Susan Hampshire apporte sa fraîcheur au rôle de l'institutrice, et la vedette invitée Michael Rennie s'avère excellent en capitaine incrédule (et pour cause !...) devant les prédictions de ses deux passagers clandestins, qu'il prend pour des agents envoyés par une compagnie concurrente pour retarder la marche du paquebot, puis contraint de se rendre à l'évidence lorsque le drame se produit. On peut constater la naïveté de Doug et surtout de Tony, qui raconte son histoire de voyage dans le temps d'un air aussi naturel que s'il annonçait la météo du lendemain, et s'étonne de n'être cru par personne.

A noter qu'une version « longue » (en fait d'une durée supplémentaire de cinq minutes...), présentée en version originale sur le DVD, a été tournée. La seule différence avec l'épisode diffusé est la séquence du transfert final. Tony, séparé de Doug, atterrit alors à l'entrée du complexe, mais dix ans trop tôt, si bien que personne, pas même Doug, ne le reconnaît et qu'il se retrouve à deux doigts de perdre la tête. Ray et Ann se rendent vite compte de l'erreur et un nouveau transfert lui permet de rejoindre Doug.

Les deux hommes enfin réunis constatent qu'ils ont voyagé loin en arrière puisqu'ils font face à un énorme dinosaure, alors que dans la version diffusée, ils sont logiquement projetés dans la fusée lunaire de l'épisode suivant.

Critique d'Estuaire44

La scène d'entrée se révèle excellente, avec un  ton très Invaders : Amérique désertique, mêmes costumes et attitudes des personnages, on s'y croirait. La confortable limousine ne disparaît pas dans une lumière rouge mais dans une trappe astucieusement agencée, Blofeld ne ferait pas mieux. Profitons de l'occasion d'admirer les superbes décors de la base et de la salle du Chronogyre, la suite de la série se centrera sur la seule console de ce dernier. L'ensemble s'inspire visiblement beaucoup de Planète Interdite (1957) et se montre spectaculaire encore aujourd'hui. Certains effets spéciaux ont revêtu une agréable patine d'époque, mais le charme de la série réside aussi en cela. Quelques données passablement délirantes (800 étages, 12 000 personnes) situent également savoureusement l'action dans les Sixties.

Hélas le problème récurrent de la série se fait jour très tôt, avec la jeu correct mais sans relief de Robert Colbert (Doug), tandis que le vétéran Whit Bissell (Kirk) manifeste autrement plus de personnalité et de pittoresque. De fait les personnages secondaires (l'équipe du Chronogyre) voleront régulièrement la vedette aux deux héros. En dix ans le Projet Tic-Toc à coûté 7,5 milliards de dollars d'époque, ce qui en 2011 donnerait certainement des vapeurs à Obama. Pour ce prix là on obtient tout de même le Chronogyre, toujours aussi esthétiquement fascinant des décennies plus tard. Quel joyau, vraiment. Nous rencontrons le reste de l'équipe, dont ce bon vieux Tony (à la différence de Robert Colbert, James Darren est franchement mauvais) mais surtout de la magnifique Ann, à qui Lee Meriwether apporte sa grande beauté. L'un des plus sublimes actrices des Sixties.

 Voici que Tony se précipite dans le Chronogyre, en ayant revêtu ce pull verdâtre qui deviendra la Némésis du spectateur durant toute la série. Il plonge dans le Vortex, l'occasion de découvrir quelques images emblématiques de la série : les pétards qui explosent dans le Tunnel, le kaléidoscope réalisé avec des pots de yaourt. Tout ceci est antédiluvien au possible et passablement fauché mais surtout… Génialissime.  Pendant ce temps Doug actionne l'alarme et des myriades de militaires se mettent à courir à toute allure dans les 800 étages. Où vont-ils, que font-ils ? Mystère, mais il fallait bien montrer encore une fois les rutilants décors.

Doug se pose suavement sur le Titanic. Cameron et le Docteur sont passés par là, ce qui fait que le recours à ce navire fait un peu téléphoné aujourd'hui, mais il fallait bien dramatiser le pilote (le pilote de la série, et non celui du Titanic, assez dramatique comme ça, on l'aura compris, je pense) Avec le Titanic, débutent aussi les récupérations de chutes de film, efficaces ici. La reconstitution (décors et costumes) est correcte mais la mise en scène reste totalement statique, ne restituant absolument pas le roulis d'un navire. Cela fait terriblement studio, d'autant que la photographie n'arrange rien. Débute alors une série de passages obligés du voyage temporel : les renseignements datant l'action au détour d'une conversation (autre option que le poncif du journal), la révélation de l'évènement en cours, alias le Titanic, avec le roulement de tambour qui va bien et Tony tentant de convaincre un capitane incrédule que le cauchemar a déjà commencé. On a vu cela très souvent (notamment dans The Twilight Zone) mais l'ensemble demeure rondement mené, sans temps morts. Le toujours impressionnant Michael Rennie inaugure avec succès le défilé de guests relevés de la série tandis que Susan Hampshire se montre délicieuse en Anthea.

Le versant Chronogyre se montre plus incisif encore, avec la mise en place définitive du décor sur un tempo agréablement nerveux, ce qui n'empêche pas un joyeux jargon scientifique, très Sixties lui aussi. On se croirait sur la passerelle de l'Enterprise. Les caractères des différents membres de l'équipe apparaissent efficacement dessinés, le groupe résultant d'ailleurs pertinemment équilibré. On retrouve avec plaisir les images en surimpression sur le Chronogyre, l'une des meilleures idées de la série, l'effet fonctionne totalement. L'arrivée de Doug sur le cercueil flottant vient dynamiser à point nommé une action principale qui commençait à faire du surplace. La rencontre avec le gamin français s'avère très sympathique, et puis quelques phrases en français dans une version originale, cela fait toujours plaisir. On remarque que, pour nos amis Américains, les Français arborent le béret dès huit ans, why not ? Sans divertir à d'autres actes, on en vient à la catastrophe, qui résout une difficulté que l'épisode a soigneusement passé sous silence : l'aventure de Doug et Tony ne bouleversera pas l'Histoire, une constante de la série. On s'étonne tout de même que le capitaine découvre soudainement le nombre de places disponibles sur les chaloupes.

Malgré les contraintes du tournage en studio, le drame se voit mis en scène avec force. La dimension horrifique en est éloquemment reconstituée et voir ces images à travers le prisme du Chronogyre les rend plus insoutenables encore par l'impuissance des spectateurs. Michael Rennie se montre impérial et les divers personnages rencontrés expriment une belle émotion, sans pathos excessif. Le premier harponnage temporel de nos amis s'effectue et c'est alors que l'épisode nous offre un merveilleux cadeau. Toute la séquence du schisme temporel se révèle d'une intensité et d'une étrangeté digne d'éloges. On quitte le voyage temporel classique pour s'aventurer dans les méandres de La Quatrième Dimension. Un superbe exercice de style ! La conclusion sur la Préhistoire demeure plus convenue mais on ne peut qu'adorer l'animation effectivement hors d'âge du dinosaure.

Ainsi s'achève ce pilote, qui n'aura pu totalement éviter une intrigue du jour un tantinet schématique mais qui aura posé avec talent les jalons de cet univers, tout en s'octroyant quelques images spectaculaires. Une vraie réussite, qui augure du meilleur pour la suite des évènements.

Retour à l'index


2. LE CHEMIN DE LA LUNE
(ONE WAY TO THE MOON)

Le voyage dans l'avenir est au programme pour Tony et Doug, qui sont projetés dans une fusée en instance de départ pour la planète Mars. Cette mission spatiale se déroule dix ans après le temps présent. Les astronautes américains présents dans la fusée ne croient pas à la version de leurs passagers clandestins, qu'ils prennent pour des espions chargés de faire échouer la conquête de la planète rouge.

Critique de Phil DLM

Évidemment, on peut être déçu par la naïveté des décors censés représenter l'espace, la Lune et la Terre vue de l'espace : ciel étoilé qui suinte le faux, sol lunaire craquelé à la manière d'une surface terrestre victime de sécheresse, vue de la Terre peu réaliste. Comment des décorateurs aussi efficaces sur le complexe Tic-Toc ont-ils pu se montrer aussi déficients sur cet épisode ? Il semble que, même en 1966, on aurait pu faire nettement mieux. On a l'impression d'assister à un film des années cinquante, voire des années trente...

Passé cette déception, il faut reconnaître que l'épisode s'avère captivant de bout en bout. Ce n'est pas souvent que nos héros voyagent dans le futur, et la conquête de l'espace est un sujet intéressant. En quelque sorte, c'est le pendant dans la « vraie vie » de la conquête du temps dans la fiction : mêmes projets coûteux et démesurés, déployés surtout pour la gloriole, car finalement les voyages sur la Lune se révèleront tellement décevants qu'ils seront abandonnés dès les années 70.

La première partie est surprenante dans la mesure où le titre de l'épisode suggérait qu'il s'agissait d'une fusée lunaire et non se dirigeant vers Mars. Tout rentre dans l'ordre lorsqu'on apprend que le poids supplémentaire dû à la présence de Tony et Doug oblige les astronautes à faire une escale sur la Lune, afin d'emmagasiner du carburant supplémentaire.

La présence d'un traître au sein de la mission ajoute du suspense aux multiples péripéties, d'où un épisode mené sur un rythme rapide et constant. Beard, le traître, est interprété par l'excellent James T. Callahan,  acteur particulièrement doué pour de tels rôles. On le retrouve à la fois au sein du quartier général pour une visite du complexe, et dix ans plus tard parmi les astronautes en partance pour la planète Mars. Stupéfait, il assiste sur l'écran du chronogyre à la vision de ce qu'il sera devenu dix ans plus tard !

Fourbe sur la Terre comme sur la Lune ou dans l'espace, Beard fait preuve d'un machiavélisme peu commun en liquidant son comparse, une fois ce dernier démasqué, et en détournant les soupçons des autres astronautes sur Doug et Tony afin de mener à bien en toute tranquillité le sabotage de la mission martienne. Son petit sourire ironique lorsqu'il abat son complice vaut le coup d'œil. Quel acteur !

Les autres vedettes invitées se distinguent également, chacune à leur manière. Larry Ward interprète un chef décidé et courageux, alors que l'étonnant Warren Stevens incarne un astronaute plus réfléchi, plus humain mais pas moins efficace.

Critique d'Estuaire44

L'incursion dans le futur de nos deux Chrononautes permet l'intersection des deux sujets sur lesquels s'est historiquement bâtie la Science-fiction contemporaine, à partir des années 20/30 : les voyages dans le temps et dans l'espace. Malheureusement l'histoire principale ne parvient pas à atteindre une fusion des deux genres, un alliage malaisé mais pas impossible. Il s'agit d'ailleurs de l'une des composantes de l'inaltérable succès du Docteur. Ici Time Tunnel privilégie l'aventure spatiale, qui plus est en se cantonnant aux clichés les plus usuels de ce type d'histoire, jusqu'à virer à l'abécédaire. On trouve ainsi les météorites, les problèmes de carburants, les fuites d'oxygène, l'ordonnancement classique de l'équipage, les tenues des cosmonautes, les atterrissages en catastrophe etc.

Le symbole le plus parlant de ce mouvement demeure l'éviction quasi complète des héros de la série durant toute la première moitié du récit, à ce point là c'est assez rarissime. De plus la mise en scène, pour tenter de pallier au huis clos, ne trouve rien de mieux que de multiplier les gros plans sur  visages, tandis que les personnages déclament les répliques ronflantes typiques du space opera de l'époque. Doug et Tony reviennent dans le match en seconde mi temps, mais celle-ci se résume à des vas et vient laborieux entre la fusée et un improbable entrepôt situé au beau milieu de nulle part. On a vite l'impression de tourner en rond, même si l'on apprécie la touche très Sixties du Spy Show. L'interprétation apparaît également satisfaisante, avec notamment Warren Stevens.

Fort heureusement l'équipe du Chronogyre est là pour venir non seulement à rescousse des protagonistes mais aussi de l'épisode. L'action s'y montre beaucoup moins figée, avec une excellente mise à contribution un décor central. On verse cette fois totalement dans Spy Show très divertissant, d'autant que le Projet mars paraît dans l'ensemble comporter plus d'espions que de loyaux Américains ! Surtout, le Chronogyre (plus que jamais la vraie vedette de la série) va enfin permettre une fusion intelligente des voyages spatiaux et temporels, par la vision  partielle du futur de saboteur embarqué. Le suspense concernant sa révélation fonctionne jusqu'au bout et  son apparent triomphe témoigne d'une ironie aussi brillante que sardonique.

Mais One Way to the Moon nous séduit également par ses innombrables naïvetés hautement divertissantes, afférentes au voyage spécial. On trouve là un vrai festival, tout à fait impossible à notre époque davantage blasée et rassie. On s'étonne tout d'abord qu'une société ayant découvert le saut temporel et la gravité artificielle (1978 !)  produise un vaisseau aux performances aussi limitées. C'est mal parti pour Mars, mais on apprécie les nombreuses ressemblances entre le vaisseau et celui d'Hergé (récupérations du classique, 1950). Les contraintes de décompression des tenues (ploutch !) sont royalement ignorées, mais on assiste à quelques grandes moments, comme les personnages dépourvus d'intercom discutant comme si de rien n'était dans le vide spatial, ou l'incendie flamboyant gentiment dans cette même absence d'atmosphère. Les combats dans l'entrepôt ne tiennent absolument pas compte de la faible pesanteur lunaire, alors même que celle-ci a été préalablement évoquée. C'est formidable. Le goût de la prévision positive de l'alunissage, mais non, ils vont s'écraser !, mais non, ils se posent « par miracle », c'est assez goûteux également.

On s'amuse franchement mais on admire également les décors peints, ainsi que le superbe point de vue de l'artiste. Ces effets spatiaux antédiluviens touchent au cœur par leur naïveté. la Science-fiction à l'écran c'est aussi cela : la capacité d'émerveiller avec quelques ampoules et coups de peinture, pour peu que le spectateur ait gardé l'esprit ouvert. One Way to the Moon demeure une réussite incomplète mais, à l'orée de la série, présente le mérite d'indiquer que le devenir de Time Tunnel se jouera davantage dans l'exploration du passé et le voyage temporel classique plutôt que sur des convergences difficiles avec d'autres familles de la Science-fiction.

Retour à l'index


3. LA FIN DU MONDE
(END OF THE WORLD)

Doug et Tony se retrouvent en 1910, au moment du passage de la comète de Halley. Un savant émérite avait prévu alors une collision entre la Terre et la comète. Persuadés que la fin du monde est imminente, les autorités refusent de porter secours à des centaines de mineurs victimes d'un éboulement.

Critique de Phil DLM

Un épisode insignifiant comportant une somme d'erreurs, d'approximations et même de contre-vérités historiques déconcertantes. Scientifiquement, c'est du grand n'importe quoi. La comète de Halley passe très loin de la Terre, et elle était déjà bien connue en 1910. Les scientifiques savaient donc pertinemment qu'elle ne constituait aucun danger, en dépit du fait que, au contraire des étoiles filantes « porte-bonheur », les comètes n'ont jamais eu auprès du peuple une bonne réputation.

Dans ces conditions, les scènes de panique populaire suscitées par les prévisions d'un savant annonçant une catastrophe sont une invention pure et simple. Panique au sein de classes populaires à l'époque peu éduquées et superstitieuses, d'accord. Mais encouragée par un scientifique, cela relève de l'escroquerie intellectuelle.

Autre imposture scientifique, l'étrange « masse moire » invisible censée détourner au tout dernier moment la comète de sa trajectoire prétendument dirigée vers la Terre. Où donc les scénaristes ont-ils été chercher une telle débilité ?

La comète est très mal représentée, sous la forme d'une espèce de soleil dont on ne voit même pas la queue, sauf lorsque le professeur Ainsley annonce, pour convaincre la foule de son erreur, qu'elle va disparaître et que cela va se produire dans quinze secondes ( !) Comme si la queue d'une comète, gigantesque nuage de gaz, pouvait s'escamoter en l'espace de quelques secondes ! Et si tel était le cas, comment Ainsley aurait-il pu prévoir l'instant précis où le phénomène allait se produire ?

On croit avoir atteint avec cette séquence le comble de l'absurdité, mais il n'en est rien. Le pire est à venir, avec la scène pitoyable au cours de laquelle le chronogyre attire la comète , ce qui produit un cataclysme au sein du poste de commandement. On peut supposer que les calculs d'Ainsley étaient justes et que le détournement partiel de la comète par le chronogyre constitue la fameuse « masse noire » qui a évité la collision et la fin du monde, mais ceci n'est pas explicité par le scénario.

Si elle s'avérait exacte, cette insinuation signifierait que le chronogyre a sauvé la Terre de la destruction 58 ans avant sa construction ! Hypothèse séduisante mais bien entendu irréaliste, puisqu'on sait que la comète de Halley passe systématiquement à des millions de kilomètres de l'orbite terrestre. Il ne reste donc de cette séquence que le mysticisme grotesque apporté par le médiocre Jerry.

Et Doug et Tony dans tout cela ? Ils passent la totalité de l'épisode avec le visage noirci de charbon, à un point tel qu'on a l'impression de regarder Germinal et non Au cœur du temps...

Heureusement, cette histoire se termine dès la 41ème minute avec la scène de transfert de Tony à l'entrée du complexe Tic-Toc, mais dix ans trop tôt, issue de la version longue du pilote, qui avait été coupée au montage définitif, et se retrouve insérée entre les inepties astro-minières et les scènes de présentation de l'épisode suivant, en l'espèce Pearl Harbour. Cette séquence arrive comme un cheveu sur la soupe et n'améliore en rien le niveau désolant de l'épisode.

Critique d'Estuaire44

Comment réaliser un épisode passionnant en s'inspirant d'un fait historique connu (le passage de la Comète de Haley en 1910), sachant qu'en définitive il ne se passera rien ? End of the World en établit l'éblouissante démonstration, basée sur deux axes : l'aventure de Doug et les fracassantes péripéties autour du Chronogyre.

L'éboulement de la mine dramatise habilement et apporte un véritable enjeu à la situation, il s'agit d'une excellente idée de scénariste, sachant optimiser le voyage temporel. Le face à face entre Doug et l'astronome se révèle également savoureux, avec quelques excellentes idées de mise en scène comme l'utilisation d'un véritable oscilloscope d'époque (passionnant !). Le fait que Doug ne parvienne pas initialement à prouver la collision instille un doute glaçant tout à fait judicieux. On regrettera que la justification trouvée demeure commodément invisible et très floue, il aurait été plus perspicace de connecter cela à l'interaction se déroulant avec le Chronogyre, bouclant le paradoxe temporel, mais c'est un détail. L'atmosphère de fin de monde et le décor de l'observatoire évoqueront de bons souvenirs aux amateurs de Cathy Gale car l'on retrouve une situation finalement très proche de La Naine Blanche !

La vue, superbe et terrible à fois, de la comète se précipitant dans le Chronogyre m'avait à l'époque fortement impressionné. Force est de constater qu'aujourd'hui le passage n'a rien perdu de son impact, le mobile céleste apparaissant comme la prunelle flamboyante d'un gigantesque œil infernal. L'effet fascine d'autant plus que le Chronogyre n'apparaît ainsi plus seulement comme une gigantesque télévision mais bel et bien comme une fenêtre ouverte sur un autre temps, le concept gagne encore en attractivité. Les effets électromagnétiques et gravifiques de la comète se manifestant au sein de la salle de commandes nous valent également un brillant suspense, où les personnalités de chacun se voient parfaitement mises en valeur. Les trois têtes du Projet s'avèrent de personnalités très diverses, un moteur scénaristique toujours habile. On remarque qu'alors que Ray avait déclaré qu'il faudrait des heures, peut être des jours, pour tout réparer, tout continue comme si de rien n'était, sans aucune trace de la catastrophe. La scène finale du pilote étant également réemployée, on se demande si tout simplement on n'a pas comblé car quelques minutes manquaient pour achever l'épisode ! Les insondables mystères du Temps…

Comme on le sait, l'humour involontaire reste souvent le meilleur et, à ce titre, End of the World s'avère tout à fait divertissant. Ces scènes hilarantes qui ne parasitent heureusement pas le reste du récit, sont à mettre au crédit de deux perdants grand train : Tony et Jerry. Tony nous vaut un excellent comique de répétition, par ses échecs répétés quand il cherche de l'aide, mais surtout avec cette mine qui ne cesse de s'effondrer encore et encore (et encore), dès lors que l'on y déplace un seul caillou. On tient là du grand Tex Avery, d'autant que le caractère à l'évidence bidon des gravats ou les mimiques outrées d'un James Darren couvert de poussière parachèvent le spectacle. Pour ceux qui se souviennent du Sylvain de Caméra Café, bonne nouvelle, on a trouvé son cousin d'Amérique, c'est Jerry. Le gars ne raconte pas forcément toujours n'importe quoi mais dans ces propos ou actions, il y a toujours quelque chose de naïf ou de maladroit, cela en devient vite risible. L'effet est accentué par la manière qu'ont les autres membres de l'équipe de le traiter en sous fifre simplet, c'est assez irrésistible. Enfin l'imposant Sam Groom est tellement mauvais qu'il en devient absolument génial !

Scénario très astucieux, images impressionnantes et humour involontaire irrésistible au second degré : End of the World demeure l'un des sommets de la série.

Retour à l'index


4. PEARL HARBOUR
(THE DAY THE SKY FELL IN)

Nos deux héros sont projetés à Pearl Harbour à la veille de l'attaque japonaise de 1941. Tony espère convaincre son père, qui se trouvait sur place et a disparu ce jour-là, de l'imminence du drame, et ainsi lui sauver la vie.

Critique de Phil DLM

Quelques scènes mémorables dans cet épisode, avec bien entendu les face-à-face entre Tony et son père et entre Tony et lui-même, alors âgé de sept ans. Si l'on en croit la date de naissance annoncée par Tony dans l'épisode pilote, soit 1938, il devrait être alors âgé de trois ans, mais là n'est pas l'essentiel.

L'important, ce sont les moments d'émotion offerts par ces séquences, dont le paroxysme est atteint lors de la scène finale : Tony assiste à la mort de son père, après lui avoir révélé l'incroyable vérité. Il n'a pas pu modifier le passé, mais son incursion dans le temps lui a permis d'éclaircir les points obscurs de la disparition de son père et de son propre sauvetage.

Cette séquence intervient après un moment de suspense intense, lorsqu'une bombe à retardement risquant de tuer Tony et son père est transférée par le chronogyre au sein du complexe Tic-Toc. Heureusement, Jerry est un expert en désamorçage...

Autre intérêt majeur, les discussions entre le général Kirk et ses subordonnés au sujet du présent, du passé et de la possibilité d'intervention du premier sur le second. On assiste à des discours qui frôlent la philosophie, fait inhabituel à la série. Jerry pense que Tony pourrait sauver son père et changer ainsi le cours de l'histoire. Réaliste, Kirk se montre nettement plus sceptique. Plus grave, ils craignent la mort de Tony enfant, qui signifierait une impossibilité de participation aux expériences en cours, même si Kirk n'est pas catégorique à ce sujet.

Ces supputations rappellent celles développées dans le roman de Barjavel Le voyageur imprudent. Il ne s'agit sans doute que d'une coïncidence, la notoriété du journaliste et écrivain français n'ayant pas franchi l'Atlantique. Dans ce roman, le héros remontait le temps et tuait un de ses ancêtres. Mais de ce fait, il n'avait jamais vu le jour et ne pouvait donc avoir tué son ancêtre, donc il existait à nouveau...

Hormis une bagarre contre des espions japonais, fort bien menée par Tony et Doug au sein d'un entrepôt, le reste de l'histoire comporte moins d'intérêt, entre démêlés de nos deux voyageurs avec les Nippons, qui les prennent pour des espions, et scènes finales de guerre assez banales.

Saluons l'interprétation de Linden Chiles, parfait en tous points dans le rôle du capitaine Newman, père de Tony et héros malheureux, mais magnifique de courage.

Critique d'Estuaire44

Tout comme l'éventuel assassinat d'Hitler, Pearl Harbor fait partie des marronniers temporels de la Science-fiction américaine, avec à chaque fois le « What If ? » de rigueur. Il ne s'agit donc pas du thème le plus original que la série pouvait choisir. Concernant son traitement, on apprécie les vaillants efforts des dessinateurs des décors pour donner un cachet hawaïen au récit, envers et contre tout, ainsi que les belles et terribles images de reprises du film, mais plus encore le portrait de femme courageuse et la tête bien sur les épaules de Louis Neal, incarnée par la sublime Susan Flannery (particulièrement élégante, ce qui ne gâche rien). Malheureusement, pour le reste, on distingue uniquement un maniement du concept de paradoxe temporel particulièrement à gros grain, pour ne pas dire totalement évacué, ainsi qu'une caricature de spy show. Celle-ci se traduit par des chassés croisés passablement frénétiques entre divers endroits normalement un minimum sécurisés, où l'on ne cesse d'entrer et de sortir comme dans un moulin, agrémentés de plusieurs figures imposées, le tout ponctué par une interminable séance d'interrogatoire, où le scénario tire visiblement à la ligne.

The Day the Sky Fall In n'évite pas non plus certaines naïvetés. Mais celles-ci se révèlent toujours aussi réjouissantes au second degré, comme l'anthologique « nous avons les moyens de vous faire parler. C'est une méthode mise au point par nos amis allemands », Doug et Tony qui dénouent leurs liens en trois secondes, Tony qui indique aux Japonais que c'est la Bombe atomique qui décidera de l'issue du conflit, merci pour le tuyau, le héros américain qui exhale son message radio dans un dernier souffle, parce que « c'est mon job » etc. L'équipe du Chronogyre reste longtemps en retrait, se contentant longtemps de commenter le match sans réparties savoureuses, mais le twist de la bombe est assez réussi, quoiqu'en définitive gratuit. Mais la Team Tic-Toc apporte néanmoins un authentique second souffle à l'épisode, grâce à ce personnage fabuleux, épique et shakespearien qu'est Jerry (l'atome et Jerry). Entre coups de sang surgis de nulle part, regards bovins, interprétation au quintal et naïveté enfantine, ce personnage suscite plusieurs apothéoses nanardesques ne pouvant que combler l'amateur averti du genre.

Retour à l'index


5. LA DERNIÈRE PATROUILLE
(THE LAST PATROL)

La guerre anglo-américaine de 1812 s'est déroulée en Amérique du Nord, et c'est justement en ce lieu et à cette époque que notre duo de voyageurs du temps va connaître de nouvelles aventures.

Critique de Phil DLM

Le combat contre les Anglais, dont l'issue fut la fondation des Etats-Unis d'Amérique, constitue évidemment un fait majeur pour les habitants de ce pays. Il n'y a donc rien de surprenant à voir ce thème abordé dès le cinquième épisode d'une série d'exploration dans le temps.

Curieusement, ce n'est pas la guerre d'indépendance qui a été choisie, mais la guerre de 1812. Sans doute était-il plus facile d'inventer des personnages pour cette guerre moins connue que pour la guerre d'indépendance, dont les faits et les participants sont tellement populaires que l'insertion de tout personnage de fiction aurait parue totalement incongrue.

La vérité historique n'a pas été respectée puisque, si des combats ont bien eu lieu dans les états du Sud, ce ne fut pas avant l'année 1813. En 1812, les premiers combats se déroulèrent au Canada, principal enjeu du conflit. Les scénaristes ont donc pris quelques libertés avec la réalité, mais pour quel résultat ? Une intrigue éculée génératrice d'aventures très banales pour Tony et Doug, plongés dans des péripéties guerrières loin d'être passionnantes.

Doug et surtout Tony ressemblent de plus en plus à Tintin, pétris de bonnes intentions et d'une naïveté exceptionnelle. Exemple : Tony sauve la vie de l'officier chargé de l'exécuter en l'extirpant in extremis de sables mouvants. Que croyez-vous qu'il arrive ensuite ? A peine sauvé, son adversaire ordonne de procéder à son exécution ! Il est dommage que cette crapule ne soit pas une seconde fois menacée de mort, ce qui aurait donné au gentil Tony l'occasion de rivaliser d'esprit chevaleresque avec le reporter à la houppe...

Une nouvelle fois, c'est donc la vedette invitée qui va offrir les passages les plus savoureux. Carroll O'Connor est tout simplement magistral dans un double rôle. Le premier est celui d'un général anglais du début du XIXème siècle surnommé « le Boucher » pour avoir envoyé des centaines d'hommes à l'abattoir sur le flan le plus protégé par les adversaires américains, décision qui n'a jamais été expliquée.

Le second est celui de son descendant, vivant à l'époque du chronogyre et invité par le général Kirk à observer son ancêtre. Lui-même colonel proche de la retraite, et hanté par le passé et la réputation de ce « Boucher », il obtient d'être transféré en 1812 pour tirer l'affaire au clair, sans ignorer que les chances de retour sont minces. Avant de mourir, il réussira à réhabiliter son ancêtre, victime d'une erreur de bonne foi.

A ne pas manquer le face-à-face pleinement réussi entre le colonel Southall et... le général Southall. Les producteurs ont exploré une voie intéressante. On sait que toute scène entre deux acteurs peut être ternie par la moindre performance de l'un des deux. Ici, le risque s'avère nul puisque le génial Carroll O'Connor se retrouve face à lui-même.

Faire interpréter les rôles des deux protagonistes d'une même scène par le même acteur exceptionnel, voilà une idée à exploiter afin d'éviter les problèmes de comédiens défaillants... Tour à tour inflexible, voire cruel dans le rôle du général, et humaniste désabusé dans celui du colonel, O'Connor aura marqué cette série, comme tant d'autres, de son empreinte.

On regrettera le pathos exagéré de la scène finale, où le colonel Southall a bien entendu tout juste le temps de faire ses dernières recommandations avant d'expirer... Classique, mais assez navrant, et révélateur de la qualité globale peu enthousiasmante de ce saut dans le passé.

Critique d'Estuaire44

Depuis le début de la série, un problème récurrent entache la mise en scène : la mauvaise (ou plutôt inexistante) gestion de l'éclairage. Les personnes ne cessent d'avoir des ombres projetées hautement improbables, du fait des spots des studios. Une espèce de summum se voit atteint au début de The Last Patrol, quand, lorsque Tony se relève, nous lui distinguons deux ombres (L'homme aux deux ombres, diront certains). Ou alors il y a deux soleils, mais ça, c'est Philémon et les Lettres de l'Atlantique.

Toutefois l'épisode nous réserve une belle surprise en se consacrant à un conflit totalement méconnu chez nous (hormis chez quelques amateurs de Wargames confidentiels), la guerre anglo-américaine de 1812-1815, plus particulièrement la bataille de la Nouvelle Orléans, en 1814. La série remplit ainsi plus que jamais pertinemment son rôle de bel album historique. On remarque au passage que les auteurs  ont choisi l'un des plus grands succès américains (propulsant effectivement Jackson à la Maison Blanche) au cours de ce conflit voyant un succès global bien moins marqué que ne le laisse supposer l'épisode.

Le récit en lui même se montre fort plaisant, accumulant péripéties mouvementées et bagarres, sans temps mort. On retrouve avec plaisir la tonalité des récits d'aventures de l'époque. Quelques moments forts électrisent encore davantage l'ensemble, comme le procès ubuesque ou les sables mouvants, classiques mais toujours efficaces. L'impact de The Last Patrol se voit limité par l'usage de décors en studio assez évidents, mais on finit par l'oublier quelque peu, d 'autant que les recours à des extraits de film se montrent plus fluides qu'à l'ordinaire.

L'épisode se voit néanmoins dominé par l'étonnante prestation de Carroll O'Connor, acteur lui aussi assez méconnu dans nos riantes contrées, mais qui se montre ici tout à fait remarquable dans son double portrait d'officiers supérieurs, très dissemblables. On goûte particulièrement celui de l'ancêtre, égo-maniaque, cinglant et fourbe, mais celui de l'actuel lui renvoie un écho moraliste fort bien trouvé, voire émouvant. Ce général introduit un effet temporel judicieux, de plus sans que, pour une fois, l'absence de paradoxe temporel pose problème. De manière particulièrement divertissante, on retrouve ici les clichés habituels des séries américaines sur les Anglais, obligatoirement fourbes, imbus d'eux mêmes et snobs.

L'équipe du Chronogyre, privée du fauve magnifique nommé Jerry, demeure néanmoins tonique. Par ailleurs on lui doit un gag assez goûteux : le gouvernement  a enterré un gigantesque complexe coûtant une fortune pour dissimuler un secret aux incalculables répercussions et il révèle le pot aux rosse à un général étranger (allié, mais tout de même), uniquement pour avoir des informations sur les uniformes de 1814, les "ordinateurs historiques" étant défaillants. En plus n'importe lequel des férus du Pentagone ou de West Point pourrait les renseigner, le conflit s'est déroulé aux USA, hein. Mais c'est aussi à ce genre de naïvetés que la série doit son charme.

Retour à l'index


6. LE VOLCAN TRAGIQUE
(CRACK OF DOOM)

Doug et Tony, de passage sur l'île de Kratatoa à la veille de l'éruption volcanique de 1883, la plus puissante jamais enregistrée, vont tenter de convaincre un savant anglais et sa fille, venus observer le phénomène en compagnie de quelques indigènes, de l'imminence de la catastrophe, afin qu'ils quittent l'île au plus vite.

Critique de Phil DLM

Et voilà Tony et Doug menacés d'être engloutis par une éruption volcanique ressemblant fort à un cataclysme ! La date et l'heure citées sont exactes, l'explosion finale du volcan a bien eu lieu le 27 août 1883 à dix heures et deux minutes. Mais l'éruption avait commencé bien avant, et dès la journée de la veille, un nuage de poussières avait plongé les environs dans le noir. La présentation de cette aventure à la lumière du grand jour est donc erronée.

Le scénario ne réserve guère de surprises pendant la première demi-heure, entre efforts désespérés de Tony et Doug pour convaincre Holland, et difficultés diverses vécues par l'équipe du complexe Tic-Toc. Si les scènes de tremblements de terre, d'éruptions volcaniques et de projections de fumées sont visuellement satisfaisantes, il n'en va pas de même des décors : on voit très bien que l'arrière-plan de l'île n'est qu'une image, on dirait presque un dessin. C'est le genre de décors que l'on voyait dans les années trente dans des films comme Marius et Fanny de Marcel Pagnol...

On s'achemine donc vers un épisode moyen, assez pépère, mais le dernier quart d'heure va apporter son lot de bonnes surprises. C'est une constante de la série que de pimenter des histoires banales par des innovations judicieuses, œuvres des savants du complexe. Le général Kirk donne son accord au transfert du seul Tony, mais un phénomène étrange se produit à son retour.

En sortant du chronogyre, Tony trouve ses amis totalement paralysés. D'abord incrédule, il finit par comprendre qu'il s'agit d'une « éclipse de temps » : les techniciens l'ont fait revenir trop vite, tellement vite qu'il se déplace à une allure considérable, si bien que son passage dans le complexe se déroule pendant une fraction de seconde. Il circule parmi ses compagnons immobiles, leur laisse un message manuscrit et programme son retour dans le passé, afin d'échapper à ce cauchemar et d'aider Doug, alors en fâcheuse posture.

Évidemment, Kirk, Ray, Ann et consorts n'ont pas eu le temps de le voir, mais découvrent son message par la suite et comprennent qu'ils ont été victimes de cette « éclipse de temps ». Cette scène fascinante a peut-être été inspirée par « The night of the burning diamond »,un épisode des Mystères de l'Ouest où le méchant utilise l'invisibilité procurée par des déplacements très rapides pour se livrer à des actions criminelles.

A cette séquence fort réussie, ajoutons la musique de Robert Drasnin, bien adaptée à l'épisode, et l'excellente idée d'utiliser le franchissement de la ligne de changement de date en allant vers l'Ouest, qui explique le fatal décalage d'un jour dans le calendrier de la fille du professeur. Les scénaristes ont emprunté l'idée à Jules Verne, qui l'a développée dans Le tour du monde en 80 jours.

Les vedettes invitées Torin Thatcher et Ellen McRae remplissent fort bien leur contrat dans les rôles du savant et de sa fille. Au final, cet épisode est donc à classer parmi les plus satisfaisants.

Critique d'Estuaire44

Doug, ingénieur de haut vol vulcanologue à ses heures perdues, estime que des éclairs dans le ciel prouvent l'éruption prochaine d'un volcan, (on parle du Kraratoa, 27 août 1883) mais sinon il ne sait pas si lui et Tony se trouvent ou non à son sommet ou dans une île, éléments influant massivement sur son pronostic. Mais sinon il est sûr que ça va pas exploser mais quand ça, mystère, deux heures, 3 semaines etc. Mais ca va exploser, ça c'est sûr (exactement comme le chômage en France, ça va baisser, ça c'est sûr, mais etc.). "Toi tu n'y connais bigrement en volcans", conclut doctement Tony. Ces quelques répliques d'une rare violence psychologique sont écoutées par un jeune sauvage impeccablement rasé de près. A un moment il s'en va, il a un sacrifice humain sur le feu (dans tous les sens du terme). Lui et ses copains sont rejoints par Doug et Tony, et l'on découvre que ce dernier parle couramment le malais. Pourquoi pas, après tout si Doug est expert en vulcanologie, tout ceci demeure parfaitement cohérent. C'est alors que dans un renversement de situation totalement à la Ramirez, on découvre que le sauvage parle lui couramment l'anglais. "Comment, mais vous savez parlez en Anglais", s'exclame Tony. "Oui", répond l'autre, avec un laconisme digne des Spartiates de Léonidas. Il se révèle que des Anglais sont là (des Anglais sont toujours là), mais seulement  depuis une semaine, la méthode Assimil était rudement efficace à l'époque, les amis.

Commence alors un débat à la durée insensée et artificielle au possible pour déterminer quel jour on est. Le résultat est faux, ces scientifiques de la Royal Society ayant ignoré les fuseaux horaires (sic).  Personnellement, sachant qu'un volcan énorme est le point d'exploser, je ne perdrais pas des heures à savoir si c'est maintenant ou dans trois jours, je commencerais à courir. Bref le grand problème de Volcan Tragique réside dans le fait que, contrairement à l'épisode précédent, il ne comporte aucune action mais uniquement des dialogues ineptes, à se demander si oui/non on part, si on est le 25, le 26 ou le 27, si on va à Sumatra ou à Bali etc. Le récit est creux comme un œuf vide et les auteurs ne cessent de tirer à la ligne de manière pesante. Le sauvage qui revient trois fois à la charge pour le sacrifice, quand il se décide à le pratiquer, l'effet est assez émoussé et prévisible. De plus les personnages secondaires se révèlent cette fois peu intéressants et de plus médiocrement interprètes ne sont guère enthousiasmants. Les inserts se montrent répétitifs et les décors évidents. On note que les producteurs ont tenté l'effort d'y inclure un plan d'eau mais que la terre a beau trembler et trembler encore, on y distingue jamais l'ombre d'une vaguelette. Ce qui n'empêche pas de disserter sur le prochain tsunami.

La compression temporelle apporte enfin un second souffle mais il est alors bien tard. L'équipe du Chronogyre apporte d'ailleurs comme de coutume son écot, avec un Jerry toujours aussi Jerry mais surtout grâce à de nombreux et gracieux plans rapprochés sur le belle Lee. Irrésistible. Et puis l'on doit à Kirk ce qui restera certainement comme la réplique de l'épisode :

- L'explosion a-elle été forte ?
- Elle sera 25 fois plus puissante que la plus puissante des bombes H !
- Quelles sont leurs chances de survivre ?

The Crack of Doom a le mérite de nous faire revivre une page d'histoire aussi cruciale que terrible, ainsi que de montrer de remarquables sismographes d'époque,mais demeure avant tout un opus terriblement bavard et statique (mais non électrique). Espérons que le prochain renouera avec le souffle de l'aventure.

Retour à l'index


7. LA REVANCHE DES DIEUX
(REVENGE OF THE GODS

Plongée très loin en arrière dans le temps pour Tony et Doug, qui explorent l'époque de la guerre de Troie et vont ainsi pouvoir vérifier si le célèbre cheval a réellement existé.

Critique de Phil DLM

Cet épisode magnifique, incontestablement le meilleur de la série, est un pur enchantement de la première à la dernière minute. Le thème abordé est excitant et naturellement apte à produire un épisode de qualité. Quelques libertés ont été prises avec le récit de l'Iliade d'Homère, mais l'essentiel est respecté.

Le scénario prend à contre-pied les œuvres cinématographiques sur ce sujet, qui généralement prennent fait et cause pour les Troyens. Ici, Doug et Tony se retrouvent fort heureusement du côté des Grecs. Tout juste peut-on reprocher à Tony de citer pour se disculper Jupiter, Junon et Minerve, qui sont des Dieux romains et non grecs, mais ceci n'est qu'un détail. Ce qui ressort, c'est la multiplication des réussites en tous domaines.

Une fois n'est pas coutume, aucun reproche à faire en ce qui concerne les décors. La reconstitution de la ville de Troie est satisfaisante, intérieur et extérieurs. L'abondance de figurants atteste du budget élevé qui a du être alloué à cet épisode. Bon point aussi pour la beauté des costumes, troyens et plus encore grecs.

Le scénario est immédiatement passionnant, on se demande même comment tant d'événements ont pu être concentrés en trois-quarts d'heure. Doug et Tony sont conduits chez Ulysse dès leur arrivée. L'étrangeté avec laquelle ils ont surgi de nulle part conduit Ulysse à les prendre pour des Dieux de l'Olympe ( !) Peut-être sont-ils moins mal habillés que je ne le pensais puisqu'on les prend pour des divinités, car pour ma part le pull caca d'oie de Tony ne correspond pas du tout à un vêtement divin tel que je l'imagine...

Après un test sous forme de combat acharné entre Tony et Sardis, les « Dieux » sont chaleureusement accueillis par Ulysse, pendant que Sardis, dépité, trahit son camp en allant offrir ses services à Pâris. Viendront ensuite l'enlèvement de Doug, puis une bataille au cours de laquelle Ulysse démontre son ingéniosité, et bien entendu le final avec le fameux cheval, déterminant dans la victoire grecque.

L'agrément « chronogyristique » du jour apporte une pause agréable avant d'attaquer la bataille finale. Le général Kirk décide d'envoyer une aide à Tony sous forme de grenades et d'une mitraillette, mais Giggs se trouve malencontreusement transféré avec les armes. Son retour occasionne un incident tragi-comique puisqu'il peut à peine sortir du chronogyre, victime d'un vieillissement soudain ! Heureusement, un nouveau passage dans la machine a tôt fait de lui redonner son âge véritable...

La distribution, d'une richesse peu commune, se révèle une éclatante réussite. John Doucette, vedette invitée principale, est parfait de bout en bout dans le rôle d'Ulysse, ce chef de guerre grec courageux et rusé, ainsi que l'atteste l'idée géniale du cheval.

Pour incarner Hélène, la fameuse Hélène de Troie dont la beauté légendaire reste célèbre même 32 siècles après son existence, on ne pouvait trouver mieux que la sublime Dee Hartford, actrice au physique parfait. Genre de femme que l'on ne rencontre qu'au cinéma ou dans nos rêves les plus fous, elle fait regretter sa carrière discrète car on aurait souhaité la voir beaucoup plus souvent sur les petits ou grands écrans.

Kevin Hagen tient un petit rôle en début d'épisode et Paul Carr est très bon dans le personnage de Pâris, mais il y a mieux avec un Joseph Ruskin époustouflant dans un rôle de traitre taillé sur mesure, et qu'il est amusant de retrouver en version française avec la voix de … Bugs Bunny ( !)

Si les membres de la base Tic-Toc jouent un rôle relativement restreint, sauf lors de la scène intermédiaire avec Giggs, les acteurs vedettes habituels, dont les performances laissent parfois à désirer, se haussent cette fois-ci à la hauteur de leurs partenaires.

James Darren, beaucoup moins timoré qu'à son habitude, prend pour une fois l'ascendant sur son compère Robert Colbert. Tony est particulièrement en verve lors des deux scènes de combat où il affronte Sardis. Si Joseph Ruskin est filmé de dos pour qu'on ne voit pas le visage de sa doublure, James Darren apparaît toujours de face et montre de réelles aptitudes à manier l'épée.

*Chapitre probablement le plus célèbre de la mythologie grecque, la guerre de Troie a-t-elle réellement eu lieu ? Son existence reste controversée, mais la découverte en 1870 sur le plateau de Hissarlik, en Turquie, d'un site archéologique qui pourrait bien être celui de la ville de Troie a donné du crédit à la thèse selon laquelle le récit d'Homère est basé sur des faits réels, évidemment romancés puisque relatés quatre siècles après les faits.

Critique d'Estuaire44

Evacuons deux soucis non rédhibitoires. Oui, les Grecs parlent couramment Anglais, les auteurs optant ici pour un choix similaire à celui opéré, par exemple,  pour les rencontres de Stargate SG-1. Mais il s'agit de la seule carte à jouer afin de rendre la série simplement possible. On la valide donc pour The Greater Good. Plus gênant, il faut bien constater que l'épisode charrie un nombre passablement astronomique d'inexactitudes vis à vis de l'Iliade. Ray parle de guerre contre la Turquie, en dehors des images d'archives les Grecs arborent des tenues romaines et les Dieux sont évoqués sous leurs appellations latines, des personnages clés (Agamemnon, Ménélas, Priam…) sont oblitérés, Hélène est une valeureuse grecque haïssant Pâris, Pâris n'est pas tué par Philoctète mais par Ulysse etc. Le meilleur demeure sans doute Ulysse montrant Troie à nos héros, alors que l'image est celle d'Athènes (on distingue parfaitement l'Acropole et le Parthénon). Et pourtant, même si la série aurait tout intérêt à soigner ces aspects, tout ceci ne pénalise que fort modérément Revenge of the Gods.

Tout d'abord parce que le récit demeure exact dans ce qui constitue en définitive son cœur : la narration de légendaire stratagème du Cheval de Troie, mais aussi parce que cette narration renoue avec le ton flamboyant des péplums les plus enlevés. L'intrigue se coordonne soigneusement avec  de superbes emprunts cinématographiques (même si ceux-ci s'attachent en fait aux guerres médiques). Les décors et costumes se montrent rutilants, les combats efficaces, mais ce qui achève  d'hisser cet opus au niveau des plus belles évocations demeure l'ébouriffante distribution. En effet la direction d'acteurs a l'excellente idée de jouer pleinement le jeu du péplum, y compris dans ses magnifiques outrances, avec des postures et des dialogues à l'avenant. Pâris se montre superbe de cruauté et d'orgueil, tandis que Dee Hartford apporte une délectable saveur hollywoodienne à Hélène. Ulysse, grâce à la présence de John Doucette, manifeste le mélange de ruse et de charisme ad-hoc. Le clou du spectacle reste en définitive le flamboyant numéro du grand Joseph Ruskin, dans le rôle archétypal du félon. On se régale.

Doug et Tony, nettement plus falots, ressemblent plus que jamais à des prétextes, mais qu'importe. L'équipe Tic-Toc apporte aussi sa pierre à l'édifice, par l'odyssée du valeureux Marine, usant au mieux du décor du Chronogyre. On frémit toutefois devant le manque de prise en compte des répercussions possibles, mais c'est le choix général de la série que de considérer le passé comme intangible. Le glaive troyen apporte une conclusion étonnante de poésie et d'éloquence à cette épique évocation de l'Iliade, l'une des plus belles démonstrations des capacités d'émerveillement véhiculées par Time Tunnel, pour peu que l'on accepte de se laisser porter.

Retour à l'index


8. MASSACRE
(MASSACRE)

La guerre entre Indiens et Yankees est le nouveau point de chute spatio-temporel de Tony et Doug, impuissants à endiguer la ferveur destructrice des deux camps. Sitting Bull, malgré le bellicisme de son entourage, semble prêt à négocier la paix avec le général Custer dit « Crinière Dorée », mais ce dernier acceptera-t-il ?

Critique de Phil DLM

Un épisode au style très western, pas franchement mauvais, mais qui suscite tout de même un certain ennui, la faute à une impression irrésistible de déjà-vu. Des « visages pâles » intransigeants, des Indiens superstitieux et divisés entre pacifistes et va-t-en-guerre, des Blancs de bonne volonté qui jouent les intermédiaires et bien entendu une flopée de chevauchées et de coups de feu : dans combien de films ou d'épisodes de séries a-t-on déjà visionné cette même histoire ressassée sous des formes à peine différentes avec de nouveaux personnages ?

Le manque d'imagination flagrant des scénaristes va de pair avec celui de l'équipe de doublage : Crazy Horse est rebaptisé « Aigle Noir ». Quelle fantaisie ! Un Français aurait sans doute été appelé Durand et un Anglais Smith...

L'interprétation est convenable, plus réussie du côté Indiens que du côté Yankees où Joe Maross campe un général Custer sans relief. Heureusement, Paul Comi est plus convaincant dans le rôle de Benton. Et comme toujours dans les fictions américaines, les rôles des Indiens sont tous tenus par des Yankees pur jus...

Le chronogyre fait encore des siennes puisque le docteur MacGregor fait venir par erreur dans le temps présent l'Indien chargé de tuer Tony. L'expert en guerres indiennes convié par le général Kirk, un descendant des Sioux, entreprend alors de le convaincre du bien-fondé de l'attitude ouverte de Sitting Bull, avant qu'il ne soit réexpédié à son époque.

Favorablement impressionné par « ses frères du bout du tunnel », il laisse la vie sauve à nos héros, avant que ces derniers ne soient à nouveau transférés. Tout ceci est bel et bon, mais ne permet pas à cet épisode d'aller au-delà du minimum syndical.

Critique d'Estuaire44

Visionner cette série équivaut à découvrir une anthologie des différents films de genre en costume (péplum, tuniques rouges, capes et épées, westerns,pirates …) et le ressenti de tel ou tel épisode dépendra beaucoup de ce que l'on pense du type de film abordé. Or, avec le western, je suis nettement moins à la fête qu'avec le péplum mythologique. Ceci-dit, Massacre nous vaut quelques extérieurs, mêmes partiels, une denrée particulièrement rare depuis le début de la série. Sans doute les paysages de l'ouest américain sont-ils indissociables de ce style d'aventures et de plus relativement bon marché dans la région de Los Angeles.

Cette virée dans l'ouest sauvage représente également pour Time Tunnel l'occasion d'aborder un thème considérablement plus polémique qu'à l'accoutumée, avec Little Big Horn et la personnalité controversée du Général Custer. La démarche paraît intéressante, mais atteint vite ses limites. L'épisode charge quelque peu Custer, tout en veillant à le montrer humain, voire paternel envers le jeunot. Surtout, au lieu de prendre parti sur le fond du fait historique qu'il décrit, le récit préfère botter en touche. Il renvoie tout le monde dos à dos en distinguant, avec un parallèle passablement appuyé, des hommes de paix et de guerre dans les deux camps. Le ton totalement démonstratif de l'ensemble conduit à des naïvetés ridicules, comme tout ce qui tourne au tour du jeune militaire, du chef Indien, ou du guerrier passant par le Chronogyre, que quelques doctes paroles suffisent à retourner instantanément.

L'épisode préfère développer un ton incroyablement prêcheur plutôt qu'une véritable aventure, d'où un ennui assez massif malgré les impressionnantes charges de cavalerie qu'autorisent les récupérations de films. Pendant ce temps l'équipe du Chronogyre poursuit la promotion de son programme si secret en continuant à accueillir les visiteurs le plus variés, sous des prétextes fantaisistes. On peut y voir une tentative assez facile de varier le plateau. Cela tombe particulièrement à plat cette fois ci, l'interprète de l'universitaire sioux se montrant vraiment mauvais, tandis que le personnage nous offre les réparties les plus lénifiantes d'un opus en comportant pourtant à profusion, notamment lors des discussions avec Kirk.

Retour à l'index


9. L'ILE DU DIABLE
(DEVIL'S ISLAND)

Tony et Doug se retrouvent prisonniers sur l'île du Diable à l'époque du bagne français, et en compagnie d'un illustre détenu qui n'est autre que le capitaine Dreyfus.

Critique de Phil DLM

Toujours soucieux d'efficacité, les Américains sont doués pour recycler les bons scénarios d'une série à l'autre, sous des formes légèrement différentes, mais avec parfois les mêmes acteurs.

Cette aventure plaisante constitue un exemple éclatant de ces méthodes puisqu'en cette année 1966, les séries Les mystères de l'Ouest et Au cœur du temps voient un de leurs épisodes se dérouler au bagne français de l'île du Diable, et qu'on y retrouve à chaque fois Théodore Marcuse et Fred Carson dans le rôle des gardiens ! Ici, l'excellent Théo Marcuse n'est que sergent, le rôle du commandant étant tenu par Oscar Beregi.

Il semble que la production ait voulu se payer la tête des Français en général et de De Gaulle en particulier, en cette année de velléités émancipatrices gaulliennes envers la tutelle américaine, illustrées par la sortie des forces armées de notre pays du commandement intégré de l'OTAN. Beregi, qui joue donc un personnage de méchant, a été artificiellement grossi et adopte exactement la démarche particulière du Général.

Les performances d'acteurs sont le principal atout de cet épisode. Outre Théodore Marcuse et Oscar Beregi, il faut citer Marcel Hilaire, qui interprète avec conviction un prisonnier politique patriote, et Ted Roter qui insuffle au capitaine Dreyfus un républicanisme affirmé doublé de sérénité dans l'attente de la révision de son procès, qui conduira à sa réhabilitation.

La vision du bagne est presque caricaturale avec un ensemble de dirigeants cruels et bornés, Lescaux et le commandant en tête. Sur le fond, on ne peut donner tort aux Américains au sujet de l'inhumanité de cette prison.

Du coup, le scénario est assez simpliste, moins toutefois que les décors. Le début et la fin de l'épisode ont un goût de réchauffé puisque la production n'a pas hésité à réutiliser à l'identique le décor raté de Volcan tragique, avec sa poignée de palmiers et un arrière-plan dessiné.

Critique d'Estuaire44

L'épisode se caractérise par une absence totale de reprise de film (Papillon se situe quelques années devant) mais que l'on se rassure pour le porte monnaie des producteurs, ils se rattrapent en recyclant tout bonnement le décor de l'inénarrable aventure du Krakatoa. On a également le plaisir de retrouver trois visages connus de La Quatrième Dimension, avec Hillaire, Marcuse et Beregi, tout à fait dans leur emploi coutumier d'européens, ici de Français. Le premier épisode tricolore de la série ne fait pas précisément honneur à notre doux pays (on en reparlera dans le prochain), en évoquant l'Affaire et le bagne de l'Île du Diable. L'absence de reprise du film se montre ici judicieuse, en l'absence de tout élément spectaculaire possible, mais surtout par ce qu'elle permet de ne pas interrompre un huis clos psychologique remarquable d'intensité.

Même si l'on sait que le calvaire de Dreyfus fut encore plus abominable que ce qui nous est peint ici (pas de traitement de faveur, pour le moins), l'horreur concentrationnaire du lieu confère une force particulière à l'épisode. Beregi a d'ailleurs incarné un dirigeant de camp de la mort dans The Twilight Zone et l'on en retrouve un écho dans sa composition magistrale, notamment dans la folie qu'il manifeste quand son personnage contemple la mini guillotine de son bureau. Le reste de la distribution se montre tout à fait admirable, en condamnés se raccrochant à leur humanité ou en geôliers se révélant de sombres brute. On pourra évoquer l'imagerie d'Épinal, mais le côté intemporel de cette dénonciation émeut. L'action maintient un tempo élevé au fil des rebondissements et revêt l'intensité propre aux films d'évasion. Tony et Doug apparaissent  encore en deçà, on reste d'ailleurs confondu par la naïveté de ce dernier. Le dilemme moral impliqué par l'arrivée du forçat dans notre époque est bien rendu, même s'il se résout un peu trop facilement.

On regrettera l'absence d'une plaisante caricature de Français, qu'une visite au sein du Chronogyre aurait pu susciter, après tout on en a déjà vu l'équivalent par le passé. Sans doute l'antiaméricanisme du Général n'y est il pas pour rien, d'ailleurs on observe que la France sort de l'OTAN précisément en 1966. La volonté toujours plus affirmée de considérer le passé comme intangible parait également très marquée (jusqu'à ne pas embarquer Dreyfus dans l'évasion), il semble dommage qu'une série basée sur le voyage temporel se prive ainsi d'une source d'excellents effets, c'est assez réducteur. Quelques inexactitudes historiques demeurent, notamment le fait que l'île du diable ait été un bagne politique à l'époque de Dreyfus, c'est l'arrivée de celui-ci qui lui redonne cette ancienne fonction (entre temps elle était devenu léproserie). On reste aussi un peu dubitatif devant l'aura de Dreyfus, assez inexistante en soi jusqu'à l'article de Zola. Et puis, si l'on accepte les raccourcis nécessaires quant à la relation de l'Affaire, la disparition de toute référence à sa dimension antisémite se montre étonnante.

Retour à l'index


10. LE RÈGNE DE LA TERREUR
(REIGN OF TERROR)

C'est dans le contexte houleux de la Révolution française à l'époque de la Terreur que Doug et Tony vont vivre de nouvelles aventures. S'ils savent qu'il est inutile d'essayer de sauver Marie-Antoinette, ils vont tenter de libérer son fils, dont le sort est historiquement demeuré incertain.

Critique de Phil DLM

De bons moments dans cet épisode,  le meilleur étant l'idée de confier le rôle du chef révolutionnaire à Whit Bissel, ce qui occasionne un quiproquo défavorable à Tony et Doug. Nos héros croient se trouver en présence du général Kirk, mais vont vite s'apercevoir de leur erreur. Pendant ce temps, Kirk assiste, éberlué et sous les regards hostiles d'Ann MacGregor, au spectacle de son double frétillant de plaisir à l'idée d'envoyer Doug et Tony à la guillotine.

Intrigué par cet homme qui lui ressemble tellement, Kirk le fait transférer au sein du complexe et lui montre les images de l'exécution de l'Autrichienne. Le face-à-face entre les deux hommes est un des moments les plus fascinants de la série. Whit Bissel accomplit une performance remarquable dans ce double rôle, ce qui n'était pas facile tant les deux personnages sont de caractère opposé.

On ne peut en dire autant de Lee Meriwether, qui joue les pleureuses et va même jusqu'à refuser d'assister à l'exécution de la Reine. En fin d'épisode, Kirk révèle que, contrairement à ce qu'il croyait, son « sosie » n'est autre qu'un de ses ancêtres, des recherches complémentaires lui ayant déniché une branche de sa famille issue de France.

Le coup de la bague dont le général Kirk a hérité de l'époque révolutionnaire, et qu'il fait envoyer à Doug et à Tony par le chronogyre, est bien imaginé mais néanmoins surclassé par la rencontre de nos héros avec le jeune lieutenant Bonaparte, à qui Tony, reconverti en diseur de bonne aventure, annonce son destin prestigieux. Incontestablement un des sommets de la série.

Ce qui est critiquable, et même fortement contestable, c'est le parti-pris antirévolutionnaire du scénario. Autant la dénonciation du terrible bagne de Cayenne lors de l'épisode précédent ne prêtait guère à polémique, autant le soutien affiché des principaux personnages à la monarchie en général et à Marie-Antoinette en particulier est incompréhensible pour tout républicain qui se respecte.

C'est bien beau de dénoncer la Terreur et ses excès notoires, mais c'est oublier un peu vite que la Terreur Blanche, qui en 1814 se déchaînera avec fureur contre les jacobins et les bonapartistes, fera en quelques semaines plus de victimes que la Terreur révolutionnaire exercée pendant de nombreux mois. Les Américains n'ont-ils pas eux aussi combattu la monarchie britannique pour accéder à l'indépendance, et ce avant même les Français ?

Pourquoi montrer Marie-Antoinette sous un jour aussi favorable, que l'affameuse du peuple qu'elle était ne méritait nullement ? Pourquoi cette admiration visible pour Napoléon, lui-même ancien robespierriste et pas spécialement tendre lorsqu'il parviendra au pouvoir ? Quant à l'horreur manifestée par Ann face à la guillotine, elle fait sourire si on la compare à la chaise électrique, rétablie au cours des années 70 aux Etats-Unis, et toujours d'actualité alors que la guillotine en France, c'est du passé depuis plus de trente ans.

Force est de constater que ce qui est vu comme de la barbarie par l'équipe du complexe Tic-Toc s'exerce encore au XXIème siècle aux Etats-Unis, mais plus en France. A posteriori, les leçons de droits de l'homme données par les Américains, c'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité, et on peut en déduire que, si le général Kirk et la sensible Ann MacGregor sont encore vivants de nos jours, ils doivent être horrifiés par la tournure qu'a pris leur pays...

Toutefois, l'engagement historique contestable n'empêche pas cet épisode d'atteindre une qualité globale tout à fait satisfaisante, grâce à son scénario à rebondissements, à la qualité de l'intrigue et à son interprétation inspirée.

Critique d'Estuaire44

Second épisode d'affilée consacré à la France, et l'on remarque qu'une nouvelle fois la Guillotine sert d'emblème à notre pays. Ce serait intéressant de savoir si, dans les années 60, le rasoir national constituait effectivement un identifiant fort du pays (à côté de St Tropez et de BB), ou si les auteurs veulent décidément charger l'Héxagone. Les rencontres avec les personnalités historiques (Marie-Antoinette, le Dauphin, ou un Bonaparte bizarrement installé sur un navire de Calais) se montrent certes théâtrales, mais également touchantes ou amusantes. On va par contre passer pudiquement sur l'aventure principale, dont l'invraisemblable successions d'évènements prive de tout réalisme, voire même de substance. Doug et Tony ne cessent d'échapper aux gardes, entrer de sortir facilement des prisons les mieux gardées du pays, bénéficient providentiellement d'un flot constant d'or et de documents divers, bondissent soudainement à Calais etc. Bref, à côté Stalag 13 c'est du réalisme rassis.

Et puis, oui, la Terreur a été un moment abominable mais ces histoires de quotas journaliers de personnes à guillotiner édictés par Robespierre et de rafles au hasard sont simplement grotesques. L'histoire du personnage embastillé avant la révolution pour avoir voulu… Défendre la Reine (sic), c'est aussi fort de café. A force de grossir le trait sur la Terreur pour se payer la République française, Reign of Terror donne par moments l'impression d'être issue de la littérature la plus royaliste qui soit, voire bonapartiste, avec un stupéfiant panégyrique du futur Empereur. C'est tout à fait étonnant, d'autant que Bonaparte se positionne en bien des points comme continuateur de Robespierre.

L'épisode est fort heureusement sauvé par l'abondance d'expressions et d'accents français rendant les dialogues forts gouleyants (on retrouve cela chez les Avengers). C'est le cas chez l'excellent David Opatoshu, mais surtout chez Whit Bissel, dont le dédoublement constitue le point d'orgue du récit. Son numéro de général français fanatique et totalement désaxé se montre irrésistible. On s'amuse franchement devant les outrances du personnage, mais aussi le métier du comédien. Ann est décidément émotive, maison lui pardonne bien volontiers !

Retour à l'index


11. ARME SECRÈTE
(SECRET WEAPON)

Transférés en Europe de l'Est à l'époque du communisme triomphant, Doug et Tony se voient confier par le général Kirk une mission d'espionnage sur demande des services secrets américains. Stupéfaits, ils découvrent un chronogyre construit par leurs adversaires dix ans avant le leur, et qu'un savant exalté leur propose d'expérimenter.

Critique de Phil DLM

Cet épisode atypique est un des rares à ne pas se dérouler pendant un événement historique particulier. L'aventure a pour cadre un pays d'Europe de l'Est en 1956, mais aucune allusion à la rébellion hongroise ne se glisse dans le récit. Il s'agit d'un mélange bien dosé d'espionnage et de science-fiction, rendu passionnant par un très bon scénario et une interprétation au top niveau.

Quelques piques bien senties sont lancées contre le système communiste. A son arrivée, Doug situe l'époque aux alentours de 1880, mais « peut-être plus car dans les pays de l'Est rien n'a changé depuis des années. » Bien que ce pays dispose d'une avance technologique de dix ans sur les Etats-Unis en ce qui concerne le chronogyre, les failles du système sont bien décrites : régime dictatorial étouffant la création, absence de savants de qualité supérieure.

Ces failles aboutissent logiquement à une erreur scientifique majeure, la construction d'une capsule pour les voyages dans le temps, concept dont les savants américains ont envisagé l'utilisation avant de découvrir qu'il est erroné. L'analyse de la situation est fort juste puisqu'elle correspond à une réalité, celle de la conquête de l'espace : initialement, les Russes possédaient une longueur d'avance sur les Américains, mais leur système bureaucratique sclérosé les a fait échouer là où les Américains ont fini par réussir.

Parmi les multiples bons moments, on peut ressortir la stupéfaction affichée par Doug et Tony lorsqu'ils découvrent un chronogyre en territoire ennemi, qui plus est construit dix ans avant celui du complexe Tic-Toc, mais aussi le passage au cours duquel Biraki dévoile sa vraie nature.

Ledit Biraki bénéficie de l'interprétation comme d'habitude fantastique de Nehemiah Persoff. On croirait cet acteur né pour jouer ce genre de personnages à la fois vicieux et féroces. Son aspect avenant initial n'était dû qu'à sa volonté de séduire les savants américains, mais le naturel revient au galop dès lors que Tony et Doug se montrent moins souples qu'il ne l'espérait.

Il existe des acteurs qui se glissent dans la peau de leurs personnages, et d'autres qui adaptent les personnages à leur façon de jouer. Persoff appartient à cette seconde catégorie, celle des plus grands. Il interprète ici le rôle du même personnage vu à dix ans d'intervalle, tout comme James Callahan, autre fameux acteur, l'avait fait avant lui dans Le chemin de la Lune.

Grâce au chronogyre, le général Kirk pourra avertir le département d'état de la duplicité de Biraki, qui offre en 1968 ses services aux Américains non par ralliement à l'Ouest comme il le prétend, mais pour se venger de son échec de 1956, provoqué en partie par Tony et Doug, et prendre sa revanche sur le monde occidental qu'il exècre en sabotant le projet Tic-Toc de l'intérieur et accaparant ses secrets au profit de son pays.

Critique d'Estuaire44

Ah, cette petite musique bien effrayante quand les soldats de l'Empire du Mal apparaissent ! Secret Weapon prolonge plus que tout autre épisode le mélange de Science fiction et de Spy Show, ce type de série typique des Sixties que l'on adore. Le scénario se montre parfaitement habile, plongeant nos amis dans des périls dont ils parviennent à s'extraire grâce à leur astuce et non par des raccourcis énormes comme lors de l'opus précédent. De nombreux éléments du genre répondent présents : agents doubles, messages dissimulés (la brique temporelle vaut bien le magnétophone d'IMF), complots alambiqués, rebondissements. la Science-fiction n'est pas en reste, avec l'introduction d'une capsule temporelle plus classique que le Tunnel.

Les personnages secondaires se révèlent en or massif, avec l'inénarrable colonel paranoïaque ou le médecin de Walnut Grove en goguette. La proximité des deux époques permet une action contemporaine mais à l'extérieur du Projet Tic-Toc, une ouverture tout à fait bienvenue. Ce brillant exercice de style en forme d'embrouille spatio-temporelle se voit cependant dominé par l'ébouriffante prestation du grandiose Nehemiah Persoff, d'abord parfaitement pittoresque en savant Cosinus, puis, quand le masque tombe, terrifiant de violence et de mégalomanie. Un adversaire grand train et une des plus belles compositions d'une série peu avare en la matière. Jerry sert toujours de souffre douleur au reste de l'équipe, c'est franchement amusant.

Retour à l'index


12. PIÈGE MORTEL
(THE DEATH TRAP)

Tony et Doug se trouvent mêlés à une tentative d'assassinat du président Lincoln par un petit groupe d'extrémistes antiesclavagistes. L'attentat est voué à l'échec puisque l'action se situe en 1861, soit quatre ans avant le véritable assassinat de Lincoln, mais Tony risque d'être tué lors de la tentative.

Critique de Phil DLM

Un épisode lent et ennuyeux. La première demi-heure alterne une succession d'efforts dérisoires déployés par Tony pour convaincre des conjurés sans envergure de renoncer à leur plan ridicule, et de discours de Lincoln sans grand intérêt, malgré la belle composition de Ford Rainey, seule vedette invitée consistante de l'épisode.

Ensuite, l'histoire s'enfonce carrément dans le grotesque. Une bombe à retardement d'opérette menace de tuer Lincoln, et il faut subir l'agitation de Tony et Doug, qui se démènent pour essayer de convaincre du danger un agent fédéral d'une rare stupidité. Efforts bien inutiles, puisqu'ils ne sont pas sans ignorer que Lincoln dispose alors de quatre années devant lui.

Le récit se retrouve donc dans l'impasse et, comme le font souvent les scénaristes à court d'imagination, Leonard Stadd essaie de relancer l'action avec l'intervention de l'adolescent qui s'empare de la bombe et se trouve malencontreusement transféré par le chronogyre.

Mais la relance ne se produit pas. La vision du malheureux refusant de sortir du chronogyre malgré les encouragements de Kirk et du docteur MacGregor est même une des scènes les plus ratées. Le final ne relèvera pas le niveau. Le comploteur en chef abandonne soudain son obsession d'assassinat lors d'un face-à-face avec son frère, peu glorieux et d'une rare niaiserie.

On pourra donc sans problème se passer de visionner cet épisode sans aucun intérêt, l'un des plus faibles de la série. Quant aux courageux qui décideront de le regarder quand même, ils ne pourront pas se plaindre ensuite d'avoir trouvé le temps bien long...

Critique d'Estuaire44

On s'ennuie massivement durant cet opus des plus médiocres, qui n'a même pas la ressource de devenir divertissant au second degré. Pathos larmoyant entre les frères, huis clos improbable, action statique et verbeuse, comédiens médiocres, gamin insupportable, rien n'accroche le regard et surtout pas le faux Lincoln, beaucoup moins ressemblant à l'original que l'extrait de film inutile que l'on nous montre.

Un épisode vraiment inconsistant, qui parlera sans doute plus aux Américains pour qui Lincoln demeure une figure légendaire. Raconter un attentat avorté dans une série postulant que le passé est intangible reste un non sens, puisque l'on sait tout du long qu'il ne va en définitive rien survenir. Le seul point d'intérêt demeure la relative mise en avant d'Ann, décidément investie des caractéristiques féminines coutumières. Cela tombe bien, elle a changé de tenue et de coiffure et cela lui sied à merveille. Pour le reste, un coup pour rien.

Retour à l'index


13. ALAMO
(THE ALAMO)

Parvenus jusqu'à Fort Alamo le matin même de l'assaut final, Doug et Tony savent qu'ils ne pourront éviter le massacre de se produire, mais vont tenter de sauver les blessés et l'épouse d'un officier d'une mort certaine.

Critique de Phil DLM

Une histoire western tout ce qu'il y a de plus banale, qui se termine comme elle a commencé, c'est-à-dire par une avalanche de violence, de scènes guerrières et de coups de feu. Tony réussit à sortir du fort pour aller chercher un médecin capable de sauver Doug, gravement blessé. Curieusement, cet élément va être abandonné au fil de l'histoire suite à l'amélioration inexpliquée de l'état de santé de Doug...

Sans être mauvais, l'épisode n'est guère captivant. Le seul véritable soubresaut dans son électroencéphalogramme plat est apporté par le transfert du colonel Travis dans le présent. Les ressorts de cette mésaventure échappent à l'inflexible militaire, mais l'expérience l'impressionne suffisamment pour le rendre moins intransigeant, ce qui permettra à nos voyageurs du temps de sauver la femme du capitaine Reynerson.

Les vedettes invitées ne se font guère remarquer. Leur transparence suscite l'envie de créer un proverbe nouveau : « A épisode banal, acteurs quelconques. »

Critique d'Estuaire44

L'épisode a le bon goût de nous épargner le pittoresque d'une rencontre avec Davy Crockett, pour se contrer sur le cœur du drame d'Alamo : l'imminence de la mort et l'héroïsme des assiégés. Même si plusieurs références à des personnalités ou à des évènements nous échappent, l'intensité du récit perdure. Le personnage du colonel parvient à paraître suffisamment ambivalent pour s'extirper du manichéisme. Par contre les Mexicains ressortent eux totalement caricaturaux, même si le personnage du docteur vient quelque peu tempérer cela. De plus le nostalgique retrouvera avec plaisir les uniformes de Zorro dans les impressionnantes images de film (bizarrement les Mexicains pilonnent à l'artillerie alors que leurs troupes sont déjà au contact). Tony a d'ailleurs affaire à un Sergent Garcia (moins sympathique que l'autre) et à un commandant évoquant assez bien Monastario.

La réalisation, qui nous plonge d'emblée dans une scène d'action réussie, renoue énergiquement avec plusieurs codes du western, dont de toniques bagarres. Le recours à des décors d'une production préexistante autorise de nouveaux extérieurs, nettement plus importants que lors des épisodes précédents, d'où une respiration bienvenue. Grâce à une mise en scène efficace et à une excellente distribution (dont Jim Davis, le futur patriarche de Dallas), Alamo demeure l'évocation réussie d'une page d'histoire à la fois belle et terrible (tout comme la bataille de Camerone pour les Français).

Retour à l'index


14. LA NUIT DES LONGS COUTEAUX
(NIGHT OF THE LONG KNIVES)

Tony et Doug remontent jusqu'aux Indes du XIXème siècle, alors sous la domination anglaise, et vont affronter un rebelle afghan décidé à exterminer les Britanniques au cours d'une « nuit des longs couteaux ».

Critique de Phil DLM

On peut difficilement trouver titre plus trompeur que celui de cet épisode. Il suggérait une escapade au sein du système nazi le soir de l'assassinat d'Ernst Röhm et de ses comparses, scénario qui aurait probablement été autrement plus percutant que cette médiocre histoire coloniale.

Faute de grives, on mange des merles, et cet oiseau-là n'est pas du meilleur goût. Il ne s'agit que d'un épisode de guerre coloniale entre Anglais et Afghans, doté d'un scénario caricatural : les gentils britanniques civilisés contre les féroces indigènes emmenés par le cruel Singh. On se croirait dans Michel Strogoff...

En parallèle, les séquences consacrées au complexe Tic-Toc ne parviennent pas à relancer l'épisode. Le chronogyre est déficient. Kirk et ses adjoints craignent le pire, en l'espèce la mort de Tony et Doug, ce qui donne l'occasion à Lee Meriwether de sortir un nouveau numéro larmoyant dont elle a le secret sur cette série.

Plusieurs plans iconoclastes sont envisagés pour réparer la machine, jusqu'à ce que l'un d'eux finisse par être tenté et réussisse... et c'est tout. Même pas le moindre petit transfert à sensation, ni invité-surprise ni éclipse de temps, rien d'original.

Les seules embellies viennent de la présence d'un jeune journaliste nommé... Rudyard Kipling, et de la performance de Malachi Throne, parfait dans le rôle d'un barbare impitoyable. Mais que sont-elles comparées à la somme d'insuffisances étalées par cet épisode irrémédiablement décevant ?

Critique d'Estuaire44

Un titre très à la Mystère de l'Ouest, pour une action ne narrant pas le massacre de 1934, mais s'attachant aux tribulations des Britanniques, en Afghanistan (déjà). Le thème est intéressant en soit, et pas si couru que d'autres de la série. Cela nous vaut quelques jolis extérieurs sur la Vallée de la Mort se substituant à celle du Panshir. L'épisode a également la bonne idée de faire intervenir le jeune Kipling, mais cela demeure essentiellement anecdotique. Pas un instant le futur écrivain ne perce sous ce journaliste s'aventurant sans protection dans des zones périlleuses (déjà, bis). Pour le reste l'argument se limite à quelques palinodies autour d'enlèvements successifs et d'un Tony ne cessant d'interpeller le colonel anglais en utilisant toujours les mêmes ritournelles (deux types de scènes tournant en boucle au fil du récit).

Tandis que l'intrigue charge vraiment les Afghans, on n'évite pas non plus certains ridicules, comme Tony ne se rendant pas compte de la disparition de Kipling, ou les rebelles laissant partir l'invraisemblable vieil aveugle vivant après qu'il ait tout entendu , le même aveugle affirmant qu'il va s'en sortir par ce qu'il connaît très bien la montagne, pas de souci etc. En fait l'argument se révèle si faible que les scénaristes ont nettement plus recours aux récupérations de films qu'à l'ordinaire, ainsi qu'à l'équipe du Chonogyre, en prise à des difficultés jamais vraiment explicitées. L'épisode se voit cependant sauvé par deux savoureux personnages, le chef rebelle à la cruauté sadique interprétée sans retenue aucune (on adore ça) et la baderne anglaise plus fine qu'il n'y paraît et prenant un malicieux plaisir à contredire les civils avant de prendre les bonnes décisions. Très goûteux.

A propos de personnage gratinés, nous disons ici au revoir au brave, au valeureux Jerry qui accomplit ici son dernier tour de piste, après avoir court-circuité le Chronogyre sans que personne ne se doute de rien, le petit fûté. C'est ainsi lui qui sauve la situation, ce qui demeurera sans doute la scène relevant le  plus de la Science-fiction de tout Time Tunnel. So long, Jerry.

Retour à l'index


15. À LA VEILLE DU 6 JUIN
(INVASION)

Doug et Tony surgissent au cœur d'un affrontement meurtrier entre Gestapo et Résistance, avec pour cadre la presqu'île du Cotentin à la veille du débarquement allié du 6 juin 1944.

Critique de Phil DLM

C'est au sein d'un décor constellé de croix gammées et de portraits du Führer et de Himmler que l'on retrouve nos aventuriers du temps. Cet environnement était plutôt attendu lors de l'épisode précédent, compte tenu de son titre, mais ce n'était que partie remise. Au contraire de la série Mission impossible, Au cœur du temps a bien cerné l'univers des nazis, et l'on assiste à un épisode réussi et passionnant.

Il s'agit presque d'un intermède dans la série car le scénario est très peu orienté vers la science-fiction, mais plutôt vers l'aventure. Il n'y a aucune expérience particulière, aucun transfert par le chronogyre en dehors des scènes d'introduction et de conclusion. Mais, à l'inverse de l'épisode précédent, cette absence n'est pas préjudiciable dans la mesure où le scénario, très ouvert aux scènes d'action, se révèle suffisamment riche pour assurer le spectacle.

Au premier rang des péripéties captivantes, l'expérience de conditionnement menée sur Doug par le médecin nazi. Certes, le thème de la maîtrise des cerveaux n'est guère original, déjà maintes fois exploité sur d'autres séries, mais il apparaît ici particulièrement adéquat. En effet, c'est bien le genre d'expériences qu'étaient susceptibles de pratiquer les savants liés au IIIème Reich.

Le choix de Doug comme cobaye est judicieux car Tony n'aurait pas été crédible avec un uniforme SS sur le dos. Au contraire, Robert Colbert se transforme en officier nazi plus vrai que nature. Le doute est habilement entretenu sur la sincérité de la conversion, le scénario laissant croire à un double jeu possible de sa part, qui se révèlera inexistant.

Pendant que Doug est aux prises avec la Gestapo, Tony s'active avec un trio de résistants. Placées initialement sous le signe de la méfiance réciproque, les relations entre les maquisards et l'homme au pull vert vont s'améliorer lorsque le chef décide de faire confiance à Tony, dont les compétences techniques sont utiles à l'accomplissement de ses objectifs.

Un traître s'est glissé au sein du trio, et le scénario comporte une fausse piste de bon aloi. Les soupçons sont orientés sur le partisan qui tente de tuer Tony. Mais son geste s'explique par sa croyance en la duplicité de l'Américain. Il fera amende honorable lorsque le véritable traître, acheté par la Gestapo, sera démasqué.

On peut constater la vision caricaturale que les Américains ont des Français, considérés comme des arriérés si l'on en juge par la façon dont les acteurs les incarnant sont vêtus. Le cliché du Français petit, râblé et coiffé d'un béret a la vie dure. Il ne leur manque que la baguette sous le bras et le litron de rouge dans la poche du veston...

Côté décors, ce n'est pas folichon, tout est tourné en studios, mais c'est une habitude sur la série. Si l'on ne trouve aucune fausse note dans l'interprétation, on doit néanmoins ressortir les excellentes compositions de Robert Colbert et de Lyle Bettger en officiers nazis fanatiques, ainsi que de Robert Carricart dans le rôle du résistant félon Mirabeau.

Critique d'Estuaire44

Hélas, la série va conclure ce premier demi parcours par un opus mineur. Les faits de résistance évoqués ne sortent pas des sentiers les plus battus et se voient médiocrement mis en scène et interprétés. Les accents français demeurent cependant divertissants ! Autant la fusion de deux genres différents (Science-fiction et Spy Show) avaient créé des étincelles dans Secret Weapon, autant le mélange, moins ambitieux, de deux thèmes de la Science-fiction suscite un évènement de bien moindre envergure. C'est d'autant plus vrai que la substitution de personnalités, très populaire dans les Sixties, est ici prise à l'envers. Ce qui fascine dans ce sujet c'est le passage, la dissolution progressive de l'individu antérieur, comme l'illustre parfaitement le formidable épisode des Avengers qu'est Lavage de Cerveau. Ici on passe directement au résultat, après une intervention ridiculement courte, ce qui s'avère frustrant et bien moins porteur.

On le vérifie car le seul passage traitant du fonctionnement cérébral, le savant nazi prédisant les actions de Tony, reste le plus intéressant de l'épisode (sa fatuité est d'ailleurs amusante). D'autant qu'il ne faut pas compter sur l'interprétation pour relever le tout et que la résolution de l'affaire se montre vraiment enfantine. Et puis disons-le, avec ces résistants frustes, crasseux et besogneux, dominés en tous domaines pas les Nazis, et ayant bien de la chance de tomber sur un stratège profond comme Tony, la France sert de paillasson pour la troisième fois, et on s'en lasse quelque peu. Pendant ce temps l'équipe du Chronogyre est aux abonnés absents. Il n'en reste pas moins que cette relecture de Time Tunnel s'avère concluante, avec plusieurs épisodes particulièrement relevés et une magie demeurée intacte malgré le passage des années. Vivement la suite !

Retour à l'index

Images capturées par Phil DLM.