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Beetlejuice (1988)Ed Wood (1994)

Saga Tim Burton

Edward aux mains d’argent (1990)


EDWARD AUX MAINS D'ARGENT
(EDWARD SCISSORHANDS)

Résumé :

Créé par un inventeur mort avant de « l’avoir terminé », Edward vit seul dans un château abandonné. C’est là que Peggy, représentante en cosmétiques, le trouve et le ramène chez elle. Avec ses mains-ciseaux, Edward devient pour un temps la coqueluche du quartier.

Critique :

Un des films les plus connus de Tim Burton qui commence à imposer sa patte. Des éléments, comme la banlieue où se passe l’action ressemble à celle de Beetlejuice mais, cette fois, l’ironie grinçante du réalisateur en donne une interprétation toute personnelle. Si le film a d’indéniables qualités, il ne développe pas grand-chose une fois passée la scène d’exposition initiale. Le déroulé est extrêmement linéaire, ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas intéressant, mais il s’avère sans véritable surprises.

Visuellement, c’est bluffant. D’entrée de jeu, le réalisateur pose une dichotomie révélatrice. La banlieue sans nom est colorée (jusque dans les voitures !) mais abrite des gens absolument conformistes sur lesquels Tim Burton pose un regard acide. Les « commères » du quartier, la dénommée Joyce en tête, en prenne pour leur grade dans un jeu de massacre permanent. Elles sont pathétiques, suiveuses, girouettes et autocentrées. Quelque part, cette banlieue est un peu celle de George Clooney dans son Suburbicon même si Burton place son film dans son époque. En contraste, le château où vit Edward est gris mais Edward lui-même se montre chaleureux. Le château est en hauteur quand toutes les maisons, identiques, sont posées à plat. Le propos du réalisateur est clair et net : Edward n’appartient pas à notre monde.

Tout le propos du film tient en l’acceptation pour un temps d’Edward mais, à part le voir faire de la taille de tout un tas de trucs, que se passe-t-il ? Le pique-nique de présentation et le passage à la télévision d’Edward ont un côté « bête de foire » dérangeant au fort contraste entre le « monstre gentil » et le public intrigué ou bassement intéressé. La causticité de Tim Burton se lit aussi dans cette scène où une femme prend littéralement son pied en se faisant tailler les cheveux. C’est grotesque et il est évident à qui va la sympathie du réalisateur. Plus intéressant, c’est l’évolution de la relation entre Kim, la fille de Peggy et Edward. D’abord franchement hostile (ils ont mal commencé c’est vrai !), elle évolue vers plus de sympathie et une profonde affection.

Le film ne raconte pas grand-chose mais il y a tout de même une évidence : c’est un conte de fée. Pratiquement, une nouvelle version de La Belle et la Bête. Si on oublie ça, le film devient illisible. Comment comprendre que personne ne se soit soucié du château abandonné ? Comment vivait l’inventeur ? Le décor du château n’a absolument rien de réaliste et, lorsque l’on verra des moments du passé d’Edward, c’est une impression d’irréalité poétique que nous éprouvons. Un mélange du gothique et du mécanique mais moins abouti que, plus tard le montrera Crimson Peak. L’idée de Tim Burton était d’arracher Edward à son contexte de conte de fées pour le placer dans le cadre déconcertant des banlieues normalisées privées de sensibilité artistique et qui doivent beaucoup aux souvenirs du jeune Burton. Pour ce dernier, Edward est l’incarnation physique de la solitude. Pour lui, les monstres sont des incompris. Edward est le premier d’entre eux.  

La Fox avait d’abord pensé à Tom Cruise pour incarner Edward, ce qui aurait été une idiotie complète car Edward n’est pas un héros mais un anti-héros. Burton voulait que le public regarde Edward sans a priori et a choisi pour cela un quasi-inconnu, Johnny Depp. C’est une réussite complète qui lança la carrière du comédien qui devint un des piliers de l’univers Burton. Durant tout le film, le visage de Johnny Depp est peu expressif mais tout passe par le regard, par la gestuelle et c’est peu à peu qu’Edward s’humanise. C’est le rôle de Kim à qui Wynona Ryder apporte une force qui se révèle peu à peu. C’est à partir du moment où le personnage prend davantage d’importance que le récit bascule. D’abord le visage dur et le corps raide manifestant une vraie hostilité envers Edward, Kim se détend, apprivoise autant qu’elle est apprivoisée (magnifique et très poétique scène de la danse sous les flocons) et l’actrice rend excellemment compte de l’évolution des sentiments de son personnage.

Le film a un dernier titre de gloire et il est tout à l’honneur de Tim Burton dont il montre la fidélité à ceux qu’il admire. Le rôle de l’inventeur, qui crée et élève Edward, est tenu par Vincent Price. Le grand acteur américain, héros des films d’horreur des années 1950 et 1960, était pratiquement tombé dans l’oubli. Très âgé et malade, c’est son dernier rôle mais, grâce à Tim Burton, il a pu sortir la tête haute.

Anecdotes :

  • Sortie US : 6 décembre 1990. Sortie France : 10 avril 1991

  • Le budget était de 20 millions $ et a rapporté 86 $

  • Scénario : Caroline Thompson, d'après une histoire de Tim Burton et Caroline Thompson. Caroline Thompson, lectrice-analyste de scénario, avait publié un roman d’horreur intitulé « Premier né » où un fœtus revenait hanter une femme qui avait avorté. Burton l’avait lu et avait été frappé. Son agent les fit se rencontrer. En ayant vu le dessin d’un garçon ayant des ciseaux à la place des doigts, elle s’est écriée : « N’en dites pas plus, je sais exactement de quoi je vais parler ! » et elle écrivit 70 pages de synopsis. « C’est fondamentalement l’histoire que nous avons filmé » dira Burton. A la base, ils envisageaient une comédie musicale.

  • Tim Burton considère ce film comme son « plus personnel » : « A l’origine, il y a un dessin fait depuis longtemps. Il représentait un personnage qui veut toucher tout ce qui l’entoure, mais ne peut le faire, et dont le désir créateur est en même temps un désir destructeur, une ambivalence qui a refait surface au moment de mon adolescence. J’avais alors beaucoup de mal à communiquer avec le reste du monde » (cité par Antoine de Baecque, Tim Burton, Cahiers du cinéma). Il a aussi dit « Il y a en [Edward] une merveilleuse (souligné par Burton) sorte de tristesse. Ce n’est pas une tristesse mauvaise, c’est juste l’étoffe de la vie ».

  • Pour mettre le film en chantier, Tim Burton créa sa propre boîte de production.

  • De Johnny Depp : « Tim m’a montré plusieurs dessins de cet Edward. J’avais lu le scénario bien sûr, mais les dessins de Tim disaient tout. J’ai tout de suite senti le personnage, il s’est glissé à l’intérieur de moi » (interview au New York Time Magazine du 9 novembre 2003).

  • En 1991, Tim Burton mit en chantier un documentaire Conversations avec Vincent mais la mort de l’acteur ne lui permit pas d’achever ce projet.

  • Le tournage se déroule dans une communauté sise à la périphérie de Dade City, comté de Pasco en Floride. Une cinquantaine de maisons individuelles durent cooptées et les résidents relogés dans un motel du coin pendant trois mois, le temps que les équipes du tournage repeignent leurs demeures en pastel « écume des mers », « jaune bouton d’or », « couleur chair », « bleu sale », réduisent la taille des fenêtres (pour donner une « ambiance paranoïaque ») et aménagent des jardins paysagers. A l’entrée du site du tournage, une pancarte avertissait d’éventuels acheteurs qu’en temps normal, ces propriétés ne ressemblaient pas du tout à cela. Le manoir gothique fut lui construit sur le terrain de tournage de la Fox.

  • Le tournage fut éprouvant à cause de la chaleur (40°), de l’humidité et des nuisibles.

  • Johnny Depp/Edward : acteur américain né John Christopher Depp II, il se fait réellement connaître avec ce rôle. Il a également tourné dans Arizona Dream (1992), Donnie Brasco (1997), Las Vegas Parano (1998), Le Chocolat (2000), From Hell (2001), Pirates des Caraïbes (2003, 2006, 2007, 2011, 2017), Public Enemies (2009), Transcendance (2014), Into the wood (2015), Alice de l’autre côté du miroir (2016), Le Crime de l’Orient-Express (2017).

  • Vincent Price/L’inventeur : acteur américain (1911-1993) débute au théâtre en 1935 et jouera sur scène jusqu’en 1978. Il débute au cinéma avec Service de luxe (1938). C’est avec Laura (1944) qu’apparaît son personnage de dandy à l’allure inquiétante. Il devient emblématique du cinéma d’épouvante : L’homme au masque de cire (1953), La mouche noire (1958), La chute de la maison Usher (1961), La chambre des tortures (1961), Le Corbeau (1963), La malédiction d’Arkham (1963), Je suis une légende (1964), Le cercueil vivant (1969), L’abominable docteur Phibes (1971), Théâtre de sang (1973). Il devient plus rare ensuite mais est appelé pour du doublage : Vincent (1982, court-métrage de Tim Burton), Les treize fantômes de Scooby-Doo (1985), Basile, détective privé (1986).

  • Dianne Wiest/Peggy Boggs : actrice américaine active sur les deux écrans. Au cinéma, elle a joué dans La Rose pourpre du Caire (1985), Hannah et ses sœurs (1986), les ensorceleuses (1998), L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (1998), Rage (2009). Pour la télévision, elle a joué dans En analyse (2008-2009) et Blacklist (2014) mais est surtout connu pour sa participation à New York Police Judiciaire (2000-2002).

  • Alan Arkin/Bill Boggs : acteur américain, il arrête ses études pour former un groupe de musique et débute au théâtre et obtient un Tony Award pour son rôle dans la pièce Enter Laughing. Au cinéma, il a notamment joué dans Les Russes arrivent (1966, Golden Globe du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie), Seule dans la nuit (1967), Le cœur est un chasseur solitaire (1968), Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express (1976), Big Trouble (1986), Bienvenu à Gattaca (1997), Little Miss Sunshine (2006, Oscar du meilleur acteur dans un second rôle), Max la menace (2008), Argo (2012).

  • Wynona Ryder, déjà présente dans Beetlejuice, incarne Kim, la fille des Boggs.

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