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Je te tiens, tu me tiens par la barbichetteLiberté, Égalité, Choucroute

Saga Jean Yanne

Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982)


DEUX HEURES MOINS LE QUART AVANT JÉSUS-CHRIST (1982)

classe 4

Résumé :

A l'époque de Jules César, la colonie romaine de Rahatlocum, en Afrique, s'apprête à assister à la rencontre entre le puissant César, empereur des Romains, et la divine Cléopâtre, reine d'Egypte. Ben-Hur Marcel, un modeste garagiste, président de l'Union des commerçants et meneur de la contestation envers Jules César, est identifié par Cléopâtre comme étant Aminemephet, son frère, dont elle avait été séparée à la naissance. Mais César n'entend pas honorer ce pharaon hériter en qui il ne voit que le « terroriste » qui a tenté de l'assassiner.

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Critique :

Changement de décennie, changement de style : avec les années quatre-vingts, Jean Yanne innove en mettant à l'honneur les délices de l'anachronisme. Ses films des années soixante-dix se déroulaient tous à l'époque contemporaine. Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ a pour cadre l'Antiquité, ce qui permet de multiples et plaisants points de scénario basés sur l'anachronisme, greffés en parfaite harmonie sur les thèmes habituellement développés par Jean Yanne.

Et ses thèmes favoris n'ont pas changé : sa vision iconoclaste des rapports sociaux est toujours présente. Transposée à l'époque de l'Antiquité, elle conserve les mêmes caractéristiques que dans notre société actuelle, à un point tel que l'on peut considérer le monde antique tel qu'il nous est présenté comme une métaphore de notre monde actuel : élites corrompues, menteuses et assoiffées de richesses, peuple veule et soumis. A la sauce de la Rome antique, on a une petite variante : pour asseoir leur pouvoir, les dirigeants menacent les récalcitrants de les jeter dans l'arène avec les fauves !

Les détails anachroniques apportent les scènes les plus comiques : les CRS sont les « Compagnies Romaines de Sécurité », les terroristes appartiennent aux « Brigades Pourpres », le cirque romain est transformé en supermarché et l'arène saturée de publicités du genre « Panem, Vinum, Boursinum ». On trouve des cabines téléphoniques, des machines à sous et des discothèques homos installées dans les catacombes. Les émirs sont regroupés au sein de « l'Organisation des Pays Exportateurs d'Avoine » (!) et les jeux du cirque sont retransmis à la Radio Télévision Romaine.

La musique est beaucoup moins omniprésente que dans les précédentes productions de Jean Yanne, même si on assiste à quelques moments agréables, en particulier lors des scènes dans les catacombes, avec le thème « Homosexual discothécus ».

L'ensemble est une belle réussite, probablement le meilleur film réalisé par Jean Yanne, avec Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et incontestablement le plus drôle.

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Outre les caractéristiques déjà évoquées, la richesse une nouvelle fois exceptionnelle de la distribution scelle la réussite du film.

Coluche fait son numéro habituel, toujours aussi au point, en petit garagiste contestataire devenu soudainement pharaon héritier. Michel Serrault interprète un Jules César notoirement homosexuel, avec un rôle semblant tout droit sorti de La Cage aux folles.

Alors que Cléopâtre et surtout César sont présentés sous un jour passablement ridicule, le consul Demetrius est l'homme d'état sérieux et responsable qui compense les multiples lacunes de Jules César. Saluons la composition extraordinaire de Michel Auclair en consul à la fois autoritaire, digne de sa fonction et conscient des réalités sociales. Machiavélique, il est doué pour la magouille, et c'est lui qui a l'idée organiser un faux complot contre la vie de César, afin de démasquer et d'arrêter les opposants, tâche qu'il confie à Ben-Hur Marcel. A prendre ou à laisser, sous peine de finir dans l'estomac d'un lion...

Le plus gros problème de Demetrius est son épouse, une Gauloise hystérique interprétée par Françoise Fabian, qui passe son temps à exiger de son mari qu'il envoie dans la fosse les commerçants ou serviteurs dont elle n'est pas satisfaite. Comme il finit par le lui dire : « Je veux bien être gentil, mais ça va finir par me rendre impopulaire... »

Paul Préboist s'avère excellent en gardien de prison aux petits soins pour son protégé le lion Lucien, la star des arènes. Il est vraiment hilarant lorsqu'il décrit à Ben-Hur Marcel, alors prisonnier, les goûts de Lucien. Le fauve préfère les Grecs aux Turcs, n'aime pas les Gaulois, trop alcoolisés, et ne veut pas des... Biafrais ! Quant aux Romains, ils constituent son dessert, ses babas au rhum, car il n'en a pas souvent, à part des condamnés de droit commun maigres au teint blafard. Alors, un Romain bien gras comme Ben-Hur Marcel, Lucien en salive d'avance...

Darry Cowl est égal à lui-même dans le rôle de Faucus, le conseiller du consul, tout comme André Pousse en garde du palais particulièrement stupide et Michel Constantin, interprète du redoutable gladiateur appelé «Sécutor », très amusant lorsqu'il se présente à César en ces termes :

« Avé, César, ceux qui vont mourir dans d'atroces souffrances, la chair transpercée par le glaive, avec d'horribles convulsions, le corps couvert de sang... te saluent ! »

En tant qu'acteur, Jean Yanne apparaît plus en retrait que sur ses réalisations précédentes, même si son rôle de Paulus, le chauffeur de taxi-char, n'est pas si négligeable. Sans doute a-t-il préféré se concentrer sur sa fonction de metteur en scène, mais aussi réserver un rôle conséquent à sa compagne de l'époque Mimi Coutelier. La belle Mimi apparaît en progrès du point de vue comédie dans son interprétation de la reine Cléopâtre.

Enfin, Léon Zitrone et Yves Mourousi jouent en quelque sorte leurs propres rôles, des présentateurs à la télévision romaine. Zitrone présente César et Cléopâtre à la façon de ses célèbres commentaires  du tiercé, en annonçant leurs mensurations ! Et c'est Mourousi qui annonce la naissance d'un bébé dans une étable à Bethléem, en raison de l'impossibilité pour ses parents de trouver une chambre, tous les hôtels étant complets...

Ce final sous forme d'anecdote destinée à justifier le titre du film est une pirouette qui ne doit pas faire oublier la vraie conclusion, la leçon de philosophie politique énoncée par Coluche à la suite de sa victoire aux Jeux. Typique de la vision des rapports sociaux habituellement développée par Jean Yanne, elle renvoie tout le monde à dos, car si les élites sont cyniques avec le peuple, le peuple, au fond, depuis le temps qu'il ne réagit pas, démontre qu'il est lâche et crédule.

Anecdotes :

  • Jean Yanne renoue avec le grand succès puisqu’avec 4 600 000 spectateurs, il enregistre la troisième meilleure performance de l'année 1982, seulement battu par E.T. L'extra-terrestre et L'as des as.

  • Une nouvelle fois, les goûts des « élites » différent radicalement de ceux du « peuple » puisque les critiques avaient été unanimes pour démolir le film.

  • Sur le tournage, les rapports entre Coluche et Jean Yanne furent exécrables. En cause, les propos désobligeants que Coluche aurait tenus sur Jacques Martin, grand ami de Jean Yanne.

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