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La Boum 2 (1982)Le bourreau des coeurs (1983)

Comédies françaises Années 80

L'Africain (1983) par Sébastien Raymond


L'AFRICAIN (1983)

Résumé :

Il croyait avoir trouvé au milieu du continent africain un havre de paix. Il avait refait sa vie, surveillant les braconnages aux manettes de son avion, mais c’était sans compter sur l’arrivée impromptue de sa femme, dont il était séparé depuis plusieurs années. La tempête s’annonce rude, car l’épouse a la ferme intention de voir ériger un centre hôtelier et de loisirs dans la région.

Critique :

Très curieusement, ce film de Philippe de Broca n’atteint pas pleinement ses objectifs. Entendons-nous bien : il n’est pas mauvais ce film, loin de là, mais disons qu’il ne parade pas non plus sur les sommets que le cinéaste a déjà plusieurs fois côtoyés auparavant.

Pourtant, sur le papier, tous les ingrédients chers à De Broca sont bel et bien là. Mais la magie n’opère pas. Exotisme, casting royal, alchimie détonante des personnages, le film avait tout ce qu’il fallait et l’ensemble ne parvient pas à produire le résultat escompté. Pourquoi ? Je serais bien incapable de répondre avec sûreté. 

J’avancerais toutefois une hypothèse : le rythme pas aussi échevelé qu’à l’habitude. En effet, Philippe de Broca a toujours plus ou moins su intégrer à ses comédies cette dimension de vitesse d’exécution, soit dans les dialogues, soit dans le montage et la succession des situations. L’Africain déroge à la sacro-sainte règle de la comédie et l’on peut dire sans se tromper qu’il n’est pas un film qui dévale la pente. Il n’y a pas cette folie, cette course de mots et de gestes, cette percussion dans le récit. Les personnages ne virevoltent plus, ne se téléscopent plus qu’avec modération. Le rythme n’est pas ébouriffant. Les dialogues manquent de puissance et d’accroche.

Les acteurs sont formidables, mais ne peuvent éviter de se heurter à ce manque de souffle originel. Le scénario a beau chercher à faire bouger les personnages, l'enchaînement des situations manque de dynamisme. Les enjeux ne sont pas suffisamment mis en valeur peut-être également.

C’est dommage car Catherine Deneuve est de toute beauté, charmeuse, maligne et fait preuve d’une force, d’une indépendance qui ne laisse pas le spectateur de marbre. 

Face à elle, le grand Philippe Noiret parvient encore à jouer l’homme fort, tonitruant, prêt à déraciner les arbres à la force des bras et de sa colère. Leur collision n’est pas sans charme. Au loin, on devine leurs souvenirs communs, un film de Philippe de Broca déjà, La vie de château, où ils étaient tous si jeunes et pétulants. Seulement, le temps a passé et le côté piquant n’est plus de leur âge peut-être, oui, sans doute. On songe aussi au merveilleux film Le sauvage de toujours ce grand Philippe de Broca, avec Deneuve et Montand, chef d’œuvre dont L’Africain reprend un peu la trame : un homme parti loin des emmerdes modernes voit débouler une femme qui n’en finit plus de le bousculer. La comparaison heurte L’Africain de plein fouet. Le sauvage est au-dessus à 100 coudées.

Malgré un très beau casting, où l’on retrouve un Jean-François Balmer un peu effacé et un Jean Benguigui magnifique de dégueulasserie et un bien curieux rôle d’anglais pour le grand Jacques François (tiens, en voilà une idée saugrenue !), malgré les superbes images africaines de Jean Penzer (la restauration récemment effectuée donne un résultat probant), malgré la très jolie musique de Georges Delerue qui enrobe le tout d’une parure fort plaisante, on finit le film un peu déçu. Certes, on est ravi d’avoir revu ces images, ces acteurs à l’œuvre, mais déçu que tous ces ingrédients n’aient pas produit ce que la recette laissait espérer.

Souci d’enfant gâté ? Je n’en suis pas sûr. Je crois réellement que le film s’est assoupi en cours de route, sans qu’il s’en rende compte, tout doucement, gentiment, sans faire de bruit...

Anecdotes :

  • L’ambiance sur le tournage était conviviale, on s’en serait douté. Le soir, par exemple, l’équipe se réunissait pour jouer aux cartes. C’est à cette occasion que Catherine Deneuve a initié Philippe Noiret aux règles du tarot.

  • Les conditions climatiques sont africaines, avec ce que cela suppose de moustiquairement dérangeant. Mais pas pour Catherine Deneuve qui fut la seule à résister sans problème. Philippe Noiret a dit que “C’est une fille en béton !”

  • Catherine Deneuve garde d’excellents souvenirs de ce tournage : “C'était amusant, passionnant, mais difficile, dans un pays où le moindre déplacement pose un problème. Je ne suis pas croyante, mais je reconnais qu'il y a une sorte de bénédiction sur certains films. Le moindre arrêt aurait été catastrophique et il n'y a pas eu une entorse, pas une piqûre, pas une fièvre... Tout au long du tournage, je me suis sentie protégée, dynamisée, et les autres aussi...Je me suis beaucoup amusée sur le tournage de L'Africain. C'était un peu loin mais j'aime beaucoup tourner en extérieurs. On appartient entièrement au film, on ne rentre pas le soir chez soi, c'est une bonne concentration. Généralement, les hommes souffrent davantage des tournages en extérieurs, ils sont beaucoup plus déracinés, ils ne savent pas s'adapter.”

Séquences cultes :

T'es plus commandant de rien du tout !

Arrête de touiller ton champagne avec ta cuillière !

La routine, quoi !

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