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Comédies françaises Années 70

On a retrouvé la septième compagnie (1975) par Sébastien Raymond


ON A RETROUVÉ LA SEPTIÈME COMPAGNIE ? (1975)

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Résumé :

Après avoir libéré la 7e compagnie de transmission des mains de l’ennemi, le trio de soldats français flanqué de son lieutenant se voit offrir le privilège de partir en éclaireurs pour ouvrir le chemin à la compagnie. Mais la dépanneuse saute sur une mine. Et le lieutenant est capturé. Les trois hommes s’échappent à la nage par la rivière. Commence alors un nouveau périple où ils seront amenés à se déguiser et user de stratagèmes plus ou moins finauds pour échapper à l’armée allemande.

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Critique :

Effectivement, on la retrouve, presque là où on l'avait laissée. A la fin du premier opus, les trois militaires sautaient sur la Normandie en juin 44. Devant l'extraordinaire succès du film, une suite a été conçue, mais on préfère voir ce qu'il se passe juste après qu'ils aient libéré la 7e cie.

On retrouve donc la dépanneuse allemande sur les routes ensoleillées de l'été 40, dans la continuité du premier épisode. Très rapidement, les trois héros vont être séparés du lieutenant Duvauchel (Erik Colin) et entamer une sorte de périple homérique, tombant de Charybde en Scylla. Ils s'évadent sous divers déguisements. Après la dépanneuse allemande, ils deviendront officier français, mais sont arrêtés. Ils s'enfuient en side-car avant d'être repris et s'échapper encore en infirmiers allemands mais, repris à nouveau, ils s'échappent définitivement sur une locomotive à vapeur. Cette ritournelle forme l'ossature générale du film.

Même si elle permet à Lamoureux de retravailler sa problématique des barrières sociales, j'avoue que j'apprécie beaucoup moins ce deuxième film. J’aime encore m’y laisser glisser, notez bien, mais ce n’est pas non plus le grand amour que je connais avec le premier et le dernier. J'ai cru comprendre que d'habitude, le 3e film était le moins apprécié. Or, en ce qui me concerne, c'est bien celui-là que me dérange le plus. La partie dans le château, je le dis tout net, n'est pas loin de m'ennuyer à la longue. Je ne goûte que modérément l'astuce de l'évasion et toute cette histoire de matelas qui ne tient pas debout (au sens littéral du terme). L'humour de cet épisode est plus pauvre à mon sens, même si le film regorge encore de répliques cultes. Ce qui fait le charme de la série, à savoir cette espèce de promenade presque bucolique et pleine d'insouciance est beaucoup moins prégnante ici, à mon grand dam. Certes, le film débute par une balade aquatique de la plus belle eau, mais ce sont bien les seules minutes qui rappellent la randonnée de Mais où est donc passée la 7e compagnie ?. Par conséquent je serai sûrement moins loquace sur le sujet.

Le frein sur mon enthousiasme ne me fera pas oublier cependant les fondamentaux : les comédiens. Commençons par le nouveau venu, Henri Guybet, qui remplace Aldo Maccione au pied levé. Venant du café-théâtre, le jeune Guybet change de famille, met les pantoufles de la génération de Lamoureux plus “branquignole” que “bronzée”. D'ailleurs, au début du film Robert Rollis fait une apparition. Sans compter sur Pierre Tornade... Dans ce premier film pour lui, Guybet semble peu à l'aise, dans un rôle de crétin consommé, un peu effacé (Maccione l'était tout autant, vous m’objecterez avec raison). Plus en vue dans la partie "ferme" et "château", partie la plus lourdingue, son personnage atteint des sommets d'invraisemblable bêtise. Difficile à avaler. Alors que dans le troisième il semble un peu plus futé et crédible.

Ce reproche pourrait être fait à Jean Lefebvre également. Les deux pâtissent du ralentissement scénaristique et l'exagération démesurée de leur bêtise. Néanmoins, j'ai l'impression que Jean Lefebvre ne maîtrise pas toujours ses mimiques. Il n'y a qu'à la toute fin, quand son personnage s'inquiète du sort de ses camarades et que son visage laisse apparaître une étonnante gravité que je le trouve à nouveau fort recommandable.

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Le sergent-chef -et temporairement "colonel"- Chaudard maintient son standing tout le long du film. Mon admiration pour Pierre Mondy ne plie pas, malgré le fait que je n'aime pas trop ce film. En chipotant, je peux trouver qu'il bénéficie de moins de scènes lui permettant de mettre en valeur ses qualités.

Dans la section "seconds rôles", trois acteurs retiennent toute mon attention : Pierre Tornade, Jean Rougerie et Hubert Deschamps.

Pierre Tornade m'avait fait une bonne impression dans le premier chapitre. Ici il profite pleinement des astucieuses séquences auxquelles le scénario le fait participer. Dans le précédent film, elles étaient finalement peu nombreuses. Ici son rôle s'étoffe : ses prises de parole pertinentes demeurent les seules remarquables et sensées du film. Son personnage est l'un des rares militaires du film à échapper à la bêtise et l'inefficacité générale.

Effectivement, Lamoureux profite du succès de la série pour affuter sa lame et lacérer un peu plus les costumes des hauts gradés. Les portraits qu'il fait de ces messieurs sont peu glorieux : arrogance, sénilité, exaltation ridicule, incompétence sont les traits les plus marquants qu'il met en évidence. Seuls Tornade ainsi qu'un autre comédien dont je n'ai pas su trouvé l'identité et qui joue un jeune officier assez héroïque pour susciter une vive admiration de la part du sergent Chaudard parviennent à s'extirper de cette fange. Dans une scène à l’étrangeté mélancolique et qui en rappelle une presque aussi sombre du premier film, Pierre Tornade laisse ses hommes sur le bord d'une route de campagne, emmené dans un camion allemand avec d'autres officiers. Son regard est perdu dans de tristes pensées. On y sent toute l'amertume d'avoir perdu la guerre, le lourd sentiment de culpabilité, celle d'être responsable de cette débâcle et surtout d'abandonner des hommes qui comptaient sur lui. Au milieu de cette comédie bête et gentille, surgit donc une scène presque mélodramatique, bref instant de mélancolie, surprenante respiration, n'est-ce pas ?

Dans Mais où est donc passée la 7e cie? on avait eu droit, au moment où Tornade comprenait que lui et ses hommes étaient capturés, à un très gros plan où ses yeux exprimaient à peu près la même désillusion. On peut s'interroger sur cette récurrence entre les deux films. Pourquoi Robert Lamoureux a-t-il tenu à filmer ces moments si maussades au sein de ces insouciances affichées ? La blague de potache est issue d'un réel traumatisme. Ces petits moments de gravité le rappellent. Mais, est-ce que derrière le rire se cache une vraie blessure, ce sentiment national bafoué ou une histoire plus personnelle ? Quoiqu'il en soit, je pense que Pierre Tornade incarne le sérieux de la guerre, une sorte de virgule qui permet à Lamoureux de rester proche de la réalité sordide de la guerre afin de ne pas laisser le film lui échapper. C’est heureux, fin, tout à fait louable.

Un autre comédien que j'aime beaucoup est un de ces acteurs qui excellent à mettre en valeur leur physique peu commun. Jean Rougerie a une tête étrange, un regard à nulle autre pareille, difficilement descriptible, proche de l'animal, mais l'on ne saurait dire lequel et puis surtout, il a une voix et une prononciation très particulière, traînante, sifflante, presque zozozante. Certes, dans ce rôle d'officier allemand, il ne s'exerce guère à nous faire la démonstration de son art déclamatoire. Il expulse l'air, il hurle, parle sec, mais, son air ahuri et froid fonctionne parfaitement pour le rôle.

J'ai beaucoup apprécié le trop court moment où Hubert Deschamps entre en scène. Acteur magnifique, plus proche de l'escargot que de l'être humain, capable pourtant de s'époumoner quand le temps est à l'orage, incarnation du calme avant la tempête.

Dans l'ensemble finalement la distribution digère difficilement ce que le scénario de Robert Lamoureux et Jean-Marie Poiré leur ont concocté. Pourtant Lamoureux n'invente rien par rapport au premier film, mais disons que sa présentation est plus burlesque et surtout il insiste beaucoup sur la nullité de son trio. Et ce scénario manque d'aération. Il fait vraiment trop chaud dans ce château.

Sinon la confrontation des rôles sociaux forme à nouveau l'axe principal du film. Ceci dit, il l'aborde plus particulièrement dans ses aspects extérieurs, ces foutus signes d'appartenance qui cloisonnent les hommes dans des catégories sociales que la hiérarchie militaire reproduit à merveille. Ce qui se révèle intéressant encore, c'est moins l'injustice qui en découle que le parti pris déclaré des sans-grades à passer par-dessus les codes. Les acceptent-ils pour mieux s'en défaire ou les contourner ? Je ne sais pas trop au juste. Ce qui est certain, c'est que le trio passe le film à changer de costumes pour travestir leurs identités.

Des trois d'ailleurs, Mondy est celui qui se prend le plus volontiers au jeu, au point de trouver dans l'habit la force et l'autorité qui lui faisaient défaut, mais plus encore le courage et l'honneur qu'il avait peut-être un peu oublié sous son petit grade, ou mis sous l’éteignoir. Les deux autres sont particulièrement choqués et inquiets de le voir aussi investi dans son nouvel uniforme de colonel. La supercherie est trop grosse, le secret trop lourd et le fossé culturel et social trop large, alors la situation ne peut être que temporaire. Aussi sont-ils moins dupes. Mais les trois profitent de ces uniformes. Les conditions de détention sont bien supérieures pour les officiers : on a droit aux patates et au château tandis que les soldats mendient leur pain et doivent au mieux se contenter de paille en guise de couche. Cette différence de privilèges, les égards auxquels donnent droit les galons sont très bien soulignés au grand désarroi des simples soldats.

Et l'introduction de ces trois prolétaires dans le milieu bourgeois et aristocratique de l'armée offre un contraste saisissant qui semble bien faire rire Lamoureux. Pourtant, une scène laisse à penser que ce rire est jaune. Quand Tassin, équarrisseur dans le civil, justifie sa candidature pour aller chercher des vaches à la ferme du coin, car il sait tuer les bêtes, la troupe d'officiers se prend d'un rire de moquerie, tribal en quelque sorte. Tassin et Pitivier regardent ces hommes avec ahurissement ne parvenant même pas à comprendre l'origine de ces rires puisque Tassin n'a proposé cela que d'une manière tout à fait naturelle et simple. Ils ne sont pas en mesure de comprendre cette expression collective de la condescendance la plus mesquine. Elle ne les atteint pas. Cette sorte d'innocence raffermit leur position d'enfants perdus dans un monde qu'ils ne maîtrisent pas. Ce sont les officiers qui font la guerre, derrière les lignes. Ils ne subissent guère les mêmes conséquences que le menu peuple.

Le trio de losers apparaît encore plus sympathique : Lamoureux caresse le peuple dans le sens du poil, l'affectif, l'amour-propre meurtri. Tout le film est un geste d'une très grande tendresse à leur égard, une parole douce et réconfortante, un peu comme ce que dit Jackie Sardou en les voyant avec leurs nouveaux uniformes : "vous faites plus vrais qu'les vrais". C'est leur secret et le nôtre. Cette thématique est simple, voire simpliste mais elle est efficacement présentée. Ce deuxième film a de quoi me faire plaisir, m’attendrir. Les personnages sont attachants. Et c'est vraiment dommage que la partie "château" marque un aussi grand déséquilibre et gâche un peu la balade, du moins en ce qui me concerne. Et puis, j'aurais vraiment aimé que les deux benêts ne soient pas dépeints aussi bêtement sur le milieu du film, ce qui les rend par trop irréels. Un absurde déraillant en somme.

Anecdotes :

  • La production estimant que les revendications salariales d’Aldo Maccione étaient surévaluées est allé chercher au café de la Gare un jeune comédien moins connu et donc moins gourmand : Henri Guybet. A partir de ce deuxième film, le trio formé avec Pierre Mondy et Jean Lefebvre ne changera plus.

  • Henri Guybet sous-estimait le succès potentiel du film. A l’époque, il est vrai que les suites n’avaient que rarement de réels succès. Mais progressivement au cours du tournage, il va vite changer d’avis : « J’étais persuadé de tourner la bidasserie annuelle… D’autant plus que c’était le numéro deux ! On en a vu des suites faire des bides… Si j’avais pu imaginer… C’est seulement le jour où on a tourné la scène des matelas que j’ai commencé à prendre conscience du potentiel de ce film. Là, je me suis dit : ça va peut-être être bon, quand même ! »

  • Robert Lamoureux avait été dur avec Aldo Maccione, il l’est tout autant avec Henri Guybet. Sur la toute première séquence de l’acteur, Robert Lamoureux va lui faire répéter la scène 35 fois. A chaque fois, il doit donner sa réplique : “Pas capitaine, Commandant !”. Après tant de répétition, Guybet n’en peut plus et s’insurge : « Si quelque-chose ne va pas, Robert, dis-le tout de suite. On se quitte maintenant, je ne te ferai pas de procès. Mais si tu m’emmerdes comme ça, ça va pas aller… ». Comme avec Maccione, un “Mon lapin” plus tard, sous le regard amusé de Mondy et Lefebvre, Robert Lamoureux avait testé et adopté Henri Guybet, le tournage pouvait se passer dans la meilleure ambiance. Ca tournait!

  • Cette suite a été écrite conjointement par Robert Lamoureux et Jean-Marie Poiré, le fils du producteur Alain Poiré.

  • Malgré la très bonne ambiance, le tournage ne fut pas de tout repos pour les comédiens. Le tournage fut beaucoup plus physique que sur le premier film. Jean Lefebvre est le premier à avoir risqué sa vie : « Robert avait eu une idée de génie. Il nous faisait nous cacher dans une grande roue de moulin. Pour les besoins du film, on a donc remis un moulin à eau en route. Il y avait une roue splendide, ancienne… Les comédiens étaient attachés à la roue et celle-ci tournait. Évidemment, lorsque nous arrivions en bas, nous plongions dans l’eau, puis nous remontions. Inévitablement, à mon tour, la roue s’est bloquée et je me suis retrouvé la tête dans l’eau, dans l’incapacité de la lever pour respirer. J’ai vu ma dernière heure arriver. Je suffoquais. Je paniquais. J’ai été délivré à l’extrême dernière minute par des plongeurs sous-marins qui sont venus me détacher. »

  • Les comédiens ont surtout le souvenir frileux de ces journées passées dans l’eau. L’histoire est censée se dérouler à l’été 40, mais en réalité le tournage a lieu au printemps. A cette époque, l’eau des rivières de la région parisienne est encore bien fraîche. Quand Pierre Mondy dit “Pas chaud, hein ?”, il ne ment pas.

  • La scène avec la vache enlisée a été très problématique. Beaucoup de monde dans l’équipe supportait difficilement le traitement fait à cette pauvre vache. C’est au prix d’une sécurité maximale et d’une organisation sans faille pour ne pas heurter la bête que l’équipe a accepté de tourner cette séquence.

  • Une grève d’une semaine organisée par l’équipe technique n’a pas réussi à faire échouer l’élaboration de ce film, qui sortit deux ans presque jour pour jour après son prédécesseur.

  • Le succès est une nouvelle fois colossal, presque autant que le premier. Avec 3.7 millions de spectateurs, pas question de s’arrêter en si bon chemin. L’idée d’un troisième épisode se pose d’évidence.

  • Le film commence par un résumé du premier film, mais certaines scènes cruciales avec Aldo Maccione ont dû être “retournées” avec Henri Guybet” pour ce prologue.

  • Dans la scène où les trois hommes sont obligés de plonger pour aller chercher une barre à mines dans un camion sur l’autre rive, le courant de la rivière (l’Epte) est si fort qu’il a fallu poser des fils de fer au fond de l’eau pour qu’ils puissent s’y agripper. Au contraire, sur certaines portions de la rivière où il n’y avait pas assez d’eau, les acteurs rampent sur les cailloux pour faire semblant de nager.

  • Le film a été tourné notamment au château de Vigny (où d’ailleurs, il n’y a pas de passage secret derrière les tapisseries). Les scènes souterraines ont été filmées vers Cormeilles en Parisis ; les scènes de rivières près de Gasny ; les scènes du train dans les environs de Santenoge.

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Séquences cultes :

Évidemment, il est trop chargé

Parti tout seul

Le fil vert sur le bouton rouge

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