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Pendez-les haut et courtQuand les aigles attaquent

Saga Clint Eastwood

Un shérif à New York (1968)


1. UN SHÉRIF À NEW-YORK
(COOGAN'S BLUFF)

classe 4

Résumé :

Un shérif adjoint de l’Arizona se rend à New-York pour ramener un meurtrier psychopathe. Lorsque l’individu échappe à la vigilance du policier, une chasse à l’homme s’engage dans la métropole.  

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Critique :

Walt Coogan est envoyé à New-York afin de récupérer James Ringerman (Don Stroud), un voyou souvent perdu dans les vapeurs de substances illicites. A son arrivée, le lieutenant McElroy (Lee J. Cobb) lui signifie qu’il devra patienter, mais Coogan n’a cure que le coupable (‘suspect’ n’est pas le terme qu’il utiliserait) soit en désintoxication à l’infirmerie de la prison. Le policier décide de passer outre aux tracasseries administratives et il réussit à obtenir la libération de Ringerman avec qui il s’empresse de prendre la direction de l’aéroport. Une précipitation qui sera lourde de conséquences pour le policier têtu, car il est agressé par des complices du truand, qui prend la fuite. Malgré les mises en garde de McElroy, Coogan choisit de ne pas rentrer bredouille de son séjour dans la Grosse Pomme. Il mène son enquête et rend visite à la mère du fuyard (Betty Field) et Linny Raven (Tisha Sterling), la petite amie de Ringerman, et Coogan peut compter sur Julie (Susan Clark), la jolie employée de réinsertion pour délinquantes, qui finit par tomber sous son charme.

Ce long métrage est le second de la trilogie de Don Siegel dans un genre, le polar urbain, où le réalisateur atteindra la perfection avec L’inspecteur Harry, trois ans plus tard. Quelques mois auparavant, Siegel avait réalisé Police sur la ville, dans lequel les détectives Dan Madigan (Richard Widmark) et Rocco Bonaro (Harry Guardino) ont 72 heures pour capturer le tueur Benesch ; un plaidoyer implacable, presque documentaire, sur le quotidien de la police d’une grande métropole. Ces trois films de Don Siegel ont le même thème et Police sur la ville marquait les prémices des deux suivants. Les policiers Madigan, Coogan et Callahan sont aux trousses de tueurs psychopathes aux réactions imprévisibles qui ont l’avantage de connaitre parfaitement le terrain sur lequel ils évoluent car, que cela soit New York ou San Francisco, l’assassin sait se servir du décor urbain pour disparaître et compliquer les investigations policières. 

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Coogan, aux méthodes rustres et expéditives, est le rôle qui a collé à la peau de Clint Eastwood pendant des décennies, car Callahan sera également un défenseur impulsif de la loi, allergique à la bureaucratie policière et juridique. Eastwood incarne parfaitement le flic nonchalant et violent, qui s’adapte à New York, où la débauche est à l’opposé de son paisible Arizona. Il est un héros macho, entêté et réactionnaire qui n'a pas d’état d’âme à laisser en plan Julie, l'assistante sociale, avec qui il a longuement flirté, pour aller coucher avec la copine de Ringerman afin que celle-ci le conduise à son petit ami. Il s’humanise néanmoins par petites touches aux contacts de Julie, et il finit par offrir une cigarette à Ringerman lors du voyage retour à bord de l’hélicoptère, ce qui contraste avec la scène du début du film où il écrasait son mégot devant l’indien résigné.

La distribution est excellente et Don Siegel choisit des acteurs de son film précédent ; la superbe Susan Clark (la maitresse d’Henry Fonda dans Police sur la ville) et Don Stroud qui tournera de nouveau avec Eastwood dans Joe Kidd. La sage Susan Clark fait contraste avec Tisha Sterling qui retient l’attention, dans le rôle de la maitresse de Ringerman, une hippie déjantée et excitée par la violence. La mise en scène si reconnaissable de Siegel est efficace avec une belle retranscription de New York, aussi bien des bas-fonds, du night-club réaliste de cette époque que des espaces verts automnaux.  Les décors extérieurs, comme le Musée du Cloitre, sont somptueux et la musique de Lalo Schifrin reste très caractéristique et on reconnaît déjà celle qu’il réalisera pour L’inspecteur Harry. Le rythme parfois un peu lent est largement compensé par l'interprétation, car Coogan's Bluff offre une belle galerie de personnages atypiques. Le film est très marqué par son époque, ce qui est pour moi un gage de qualité, particulièrement dans le passage psychédélique de la boite de nuit sur Pigeon-Toed Orange Peel, qui n’a rien à voir avec Emma même si l’ensemble est bien ‘kinky’.  

Une des qualités du film est le cynisme et l’humour du personnage principal. Par exemple, tout le monde pense à New-York qu’il est du Texas, ce qui engendre la même réplique nonchalante de Coogan. De nombreux passages sont plaisants, bien que certains irriteraient les pisse-froids de nos jours. Ainsi, lorsque le policier prend son bain, lavé par sa copine Millie, Coogan lance le savon, visant le décolleté plongeant mais il le rate : « Need a bigger target? » « There ain't any in this county. » [Besoin d’une cible plus grosse?] [Il n’y en a pas dans ce comté]. C’est dans le même genre lorsque Coogan tente de séduire Julie, qui précise qu’elle ne s’occupe que de femmes jeunes et célibataires : « Yeah. Me too. ». Il y a aussi les scénettes avec le chauffeur de taxi (« Yeah, well there's $3.00, including the tip ») et la pute défraichie qui essaie de lui subtiliser son portefeuille et qu’il vire de sa chambre d’hôtel à coup de pied dans le derrière.

Le film fut critiqué pour sa violence, que cela soit la traque de l’indien lors de la séquence d’ouverture ou le guet-apens dans la salle de billard ; cette scène intense, très bien filmée est néanmoins la meilleure du film. Dans cette séquence brutale voire sadique, Coogan est sans arme et il se sert d’une queue de billard pour faire face à l’opposition et, malgré une bonne correction, parvient à massacrer la moitié d’entre eux. Le final avec la poursuite en moto dans Fort Tryon Park est également mémorable. Siegel fit porter aux cascadeurs des casques surmontés de caméras légères et le réalisateur concéda que cela fut un miracle qu’il n’y ait pas eu de blessés, mais il garda un bon souvenir du tournage : « Le film a très bien marché, a rapporté de l’argent et a eu de bonnes critiques. »

Coogan’s Bluff est une sorte de transition pour Eastwood entre les westerns et l’inspecteur Harry et, bien qu’il ne possède pas l'ampleur et la nervosité de Dirty Harry, dont il est une esquisse, il constitue un film appréciable que je ne me lasse pas de revoir. Avec un début aux relents de western, Coogan’s Bluff est, comme le film précédent, Hang’Em High, une œuvre jugée mineure dans le parcours eastwoodien ; cependant, les deux premiers films américains de l’acteur marquent le style particulier et les chefs d’œuvre à venir dans la carrière d’Eastwood. Jed Cooper et Walt Coogan sont des rôles moins connus qu’Harry Callahan et William Munny mais ils ont façonné le mythe Eastwood, à commencer par Dirty Harry dans lequel se retrouvera trois ans plus tard le trio gagnant Eastwood/Siegel/ Schifrin. 

Anecdotes :

  • Le film est sorti le 2 octobre 1968 aux USA et le 30 mai 1969 en France.

  • Le tournage du film commença en novembre 1967, avant même que le script ne fût terminé. Coogan’s Bluff fut tourné dans le désert de Mojave, en Californie (séquence d’ouverture, l’arrestation de l’indien), aux studios Universal et, bien entendu, New-York (Manhattan, Fort Tryon Park pour la poursuite finale en moto, 23 rd Precinct, le musée du Cloitre à Washington Heights, Pan Am Building). Le lendemain du tournage périlleux du final, la neige tomba sur New York, et l’équipe se déplaça dans le désert de Mojave pour tourner l’ouverture du film censée se passer en Arizona.

  • Un ancien agent de Don Siegel organisa la rencontre du réalisateur avec Clint Eastwood à la résidence de l’acteur à Carmel. Les deux hommes sont devenus amis et une collaboration de dix années débuta.

  • Un shérif à New York est la première des cinq collaborations Eastwood/Siegel. Suivront Sierra Torride (1970), Les proies (1971), L’inspecteur Harry (1971) et L’évadé d’Alcatraz (1979).

  • C’est également la première collaboration avec le musicien argentin Lalo Schifrin qui composa la musique de plusieurs films d’Eastwood dans les années 70 et 80.

  • Lorsque Coogan pénètre dans le night-club, l’écran géant montre une scène du film de science-fiction de série B Tarantula (1955), une des premières apparitions d’Eastwood qui ne fut pas crédité au générique.

  • Le titre original a un double sens : le coup de bluff de Coogan mais Coogan’s Bluff est le nom d’une falaise imposante qui s’étire vers le nord à partir de la 155th Street à Manhattan.

  • A l’époque, United Artists n’était pas aussi développé qu’Universal et le contrat qui liait Eastwood avec United Artists n’était pas exclusif. De ce fait, Malpaso pouvait traiter avec d’autres sociétés. Ainsi, Coogan’s Bluff fut négocié avec Universal ce qui permit à l’acteur de doubler son salaire.

  • Le script fut modifié à sept reprises ce qui déplut à Eastwood, qui préférait l’original. Dean Riesner fut chargé d’écrire la version définitive et il critiqua une scène appréciée par Eastwood ; lorsque Coogan couche avec Linny Raven espérant qu’elle l’emmène ensuite à Ringerman.

  • La version DVD est amputée d’environ trois minutes pour des raisons inconnues. Il manque le passage où Coogan reçoit la mission de ramener Ringerman de New York, une courte scène à l’hôpital et lorsque Julie parle de Coogan’s Bluff, qui offre un point de vue au-dessus de l’océan. La version vidéo n’a pas ces coupes. 

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