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Et pour quelques dollars de plus

Saga Clint Eastwood

Pour une poignée de dollars (1964)


1. POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS
(PER UN PUGNO DI DOLLARI)

classe 4

Résumé :

Un cavalier solitaire monte deux familles rivales l’une contre l’autre dans une ville déchirée par l’avidité, la violence et la haine. 

unechance 7

Critique :

Tourné principalement à Almeria, en Espagne, ce western spaghetti créa le mythe d’un genre, bien que plus d’une vingtaine de films similaires avaient déjà été produits en Italie. Cependant, ce film fut le premier à bénéficier d’une sortie internationale conséquente. Il permit à Sergio Leone d’asseoir sa notoriété, après quelques réalisations sans grand intérêt, et à Clint Eastwood de devenir une vedette internationale. Ce film marqua aussi le début d’une longue collaboration du réalisateur italien avec Ennio Morricone, dont la musique est indissociable du long métrage.

L’interprétation d’Eastwood lui vaudra sa renommée qui le suit encore aujourd’hui. L’homme sans nom – en fait, surnommé Joe par le croque-mort – est un personnage taciturne, qui tire profit de la rivalité entre les Baxter, trafiquants d’armes, et les Rojo, qui font de la contrebande d’alcool, pour s’enrichir et assainir la ville frontalière mexicaine de San Miguel. Les Rojo s’avèrent plus dangereux que leurs rivaux, principalement à cause du redoutable et sadique Ramon, superbement interprété par Gian Maria Volonte même si, personnellement, je n’apprécie pas du tout cet acteur. Ce dernier ne s’est pas très bien entendu avec Leone qui le trouvait arrogant. Quant aux relations entre Eastwood et Volonte, elles furent limitées par la barrière de la langue et des opinions politiques diamétralement opposées. 

ladoublure 3

L’arrivée de l’étranger, vêtu d'un poncho, à dos de mulet, dans la petite ville fantomatique, où les habitants sont terrés dans leur maison, est une superbe séquence. Il trouvera deux alliés, l’aubergiste et le fabricant de cercueils. Par ruse et en profitant de sa dextérité au révolver, il extorque des sommes d’argent aux deux familles riches et puissantes en leur fournissant des renseignements qui ont pour but de les autodétruire. Le héros commet néanmoins une erreur et, alors qu’il semblait dominer la situation, il est passé à tabac par les frères Rojo dans une des deux scènes hyper violentes du film ; la seconde étant l’exécution de la famille Baxter lors d’une longue séquence apocalyptique. Malgré ces passages sadiques, le film n’est pas dénué d’humour, comme lorsque l’étranger demande aux hommes de main de Baxter de s’excuser auprès de sa mule : « You see, my mule don't like people laughing. He gets the crazy idea you're laughin' at him. Now if you apologize, like I know you're going to, I might convince him that you really didn't mean it.”

Au-delà de l’appât du gain, l’histoire donne au héros la dimension d’un défenseur de l’opprimé, qui désire promulguer le bien et la justice ; la séquence de la libération de la mystérieuse Marisol (la jolie actrice allemande Marianne Koch), séquestrée par le clan Rojo, est le seul passage teinté d’humanité ; il permet à la jeune femme de rejoindre son époux et son fils déchirés par cette séparation.

Ce film revigora le genre western, devenu poussif, peu crédible et répétitif avec les films hollywoodiens à la papa incarnant John Wayne. Pour une poignée de dollars reste un des grands classiques du western encore aujourd’hui, même si son scénario simpliste le place derrière les deux autres volets, de ce qui constitue la trilogie de L’homme sans nom. Ce n’est pas, cependant, le script qui fait la force du film mais la perception du Far West et la réalisation de Sergio Leone. 

L’Ouest sauvage du réalisateur est louche, vicieux, impitoyable et la violence y est poussée à son paroxysme. Le héros lui-même est amoral, ambigu et cupide et il n’a rien de celui des westerns des années 50. Ce mystérieux étranger, au passé trouble, constitue l’une des plus belles créations cinématographiques. Agé de 34 ans à l’époque, Eastwood interprète à la perfection cet antihéros qui lancera définitivement la carrière, hésitante jusqu’alors, de l’acteur. Pour transcrire l’Ouest qu’il imagine, Leone choisit de se concentrer sur les échanges visuels plus déterminants que les dialogues et il s’appuie sur un mélange de références culturelles qui allie aussi bien l’opéra et le film de sabre japonais. L’empreinte que Leone laisse sur le western spaghetti est symbolisée par les longueurs des scènes et les gros plans des visages, même des yeux, souvent de trognes atypiques, qui accentuent la tension des passages cruciaux.

Sergio Leone et Ennio Morricone continueront à révolutionner le western jusqu’au début des années 70, tandis que Clint Eastwood perfectionnera son interprétation de ‘l’homme sans nom’ dans deux autres opus à l’intrigue plus sophistiquée. 

Anecdotes :

  • Le film est sorti en salles le 16 mars 1966 en France et le 18 janvier 1967 aux Etats-Unis, trois ans après son apparition sur les écrans italiens. Eastwood ne doubla le film qu’au moment de sa sortie américaine.

  • Plusieurs acteurs furent pressentis pour jouer l’homme sans nom. Sergio Leone pensa à Henry Fonda, James Coburn (trop cher), Charles Bronson (désintérêt total pour le script), Richard Harrison…

  • Le contrat qui liait Eastwood à la série Rawhide lui interdisait de tourner un film aux Etats-Unis, mais pas en Europe !

  • Ce film est largement inspiré de Yojimbo (Le garde du corps) de Kurosawa, ce qui engendra un procès à l’issue duquel Kurosawa s’est vu accorder les droits du film pour l’exploitation au Japon.

  • Clint Eastwood créa son personnage lui-même en achetant un jean noir sur Hollywood Boulevard, qu’il laissa tremper dans l’eau de javel, et des cigares, qu’il coupa en trois, dans un magasin de Beverly Hills. Le poncho fut dégoté en Espagne. Par contre, Eastwood utilisa les bottes, le Colt, le ceinturon et les éperons qu’il porte dans Rawhide.

  • Leone, Volonte, Morricone ont des noms d’emprunt américanisés au générique afin d’envahir le marché européen en faisant passer le film pour un produit US.  

  • Le film fut très mal accueilli par l’ensemble de la critique française…qui changera d’avis après la sortie du troisième opus, Le bon, la brute et le truand.

  • Un prologue de quatre minutes et demie a été tourné en…1977 pour le passage à la TV américaine, pour rendre le personnage et l’histoire plus conformes à certaines valeurs morales, et justifier la violence du film ! Ah, ces Ricains! Joe est envoyé à San Miguel pour obtenir son pardon en éliminant les deux bandes rivales.  Evidemment, ni Leone, ni Eastwood ne furent contactés pour cette supercherie.

  • L’édition collector de Pour une poignée de dollars (2 DVD) présente sous le titre A New Kind of Hero, un documentaire très intéressant de Sir Christopher Frayling, le biographe de Leone. On y apprend tout sur le choix d’Eastwood, le tournage du film où tout fut ensuite postsynchronisé. Il n’y avait donc pas besoin de crier ‘silence’ sur le plateau ce qu’Eastwood se souvient encore (interview de 2006). Chaque acteur parlait dans sa langue : américain, espagnol, allemand…

  • Pour célébrer les cinquante ans du western spaghetti, Pour une poignée de dollars fut projeté en clôture du Festival de Cannes en 2014. 

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Un cavalier solitaire monte deux familles rivales l’une contre l’autre dans une ville déchirée par l’avidité, la violence et la haine.